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  1. 271. La plainte figure dans une communication datée du 15 juin 1966 adressée au B.I.T par la Centrale unitaire des travailleurs du Venezuela (C.U.T.V.). Dans une lettre en date du 14 juin 1966, la Fédération syndicale mondiale a appuyé cette plainte. Le texte de ces deux communications a été transmis au gouvernement qui a répondu le 29 novembre 1966.
  2. 272. Le Venezuela n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 273. Le texte de la plainte émanant de la C.U.T.V et de ses annexes, outre quelques remarques de caractère général relatives aux problèmes sociaux et économiques qui, selon les plaignants, affecteraient une grande partie de la population (chômage, cherté de la vie, etc.), contient de nombreuses allégations à l'appui de son affirmation que le « mouvement ouvrier non contrôlé par le gouvernement » serait l'objet de brimades, de persécutions et d'outrages. Les plaignants affirment que cette politique de répression « contre le mouvement syndical et populaire » s'est exercée sous diverses formes et ne se limiterait pas à la coercition politique mais oeuvrerait également vers l'abolition systématique de la Constitution, des garanties légales et des droits de l'homme. Les plaignants allèguent également que de nombreuses personnes, dont ils citent les noms, ont été appréhendées, traduites en justice et maltraitées. Toujours selon les plaignants, quelques-unes de ces personnes sont des hommes politiques, des étudiants, des paysans ou de simples citoyens; d'autres sont des dirigeants ou des membres de syndicats. Enfin, d'autres allégations accusent les autorités de se livrer à des actes répressifs et discriminatoires contre la C.U.T.V et les syndicats affiliés à cette organisation, et de porter atteinte aux droits de grève et de négociation collective.
  2. 274. Les allégations relatives à des cas concrets de violation de la liberté syndicale ainsi que les observations y relatives envoyées par le gouvernement sont examinées séparément ci-après.
    • Allégations relatives à des mesures répressives et discriminatoires à l'égard de certaines organisations syndicales
  3. 275. La plainte de la C.U.T.V fait état de constantes violations des locaux syndicaux par la police, sans mandat judiciaire, comme celle qui aurait eu lieu à son siège principal en 1964; à cette occasion la police se serait emparée des archives et de matériel appartenant à l'organisation. Des faits analogues se seraient produits à plusieurs reprises au siège des fédérations régionales des Etats de Lara, Zulia, Monagas, Carabobo et de divers syndicats dans différentes parties du pays. Dans les centres de travail, les travailleurs seraient constamment surveillés et menacés par des membres de la police attachés au personnel des entreprises en vertu d'accords passés, à cet effet, entre les autorités et les patrons. C'est ainsi que des mesures discriminatoires seraient prises contre des membres des syndicats affiliés à la C.U.T.V qui seraient licenciés en raison de leur appartenance audit syndicat. Pour leur part, les services d'inspection et autres organismes des questions du travail, qui ont été créés pour servir de conciliateurs et d'arbitres dans les conflits entre patrons et ouvriers et pour veiller à l'application de la loi et au respect des droits des travailleurs, n'accompliraient pas leur devoir, entraveraient au contraire les activités des organisations syndicales qui ne sont pas d'obédience gouvernementale et feraient cause commune avec les patrons au préjudice des travailleurs.
  4. 276. Dans sa réponse du 29 novembre 1966, le gouvernement réfute l'affirmation des plaignants qu'une politique de répression et de persécution existerait au Venezuela à l'égard du «mouvement ouvrier non contrôlé par le gouvernement ». L'allégation selon laquelle un gouvernement démocratique et fidèle aux institutions, issu du suffrage universel et fondé sur la Constitution, userait de mesures répressives et illégales, est aisément détruite, dit ce gouvernement, du fait même que l'organisation plaignante a été constituée et enregistrée en 1963, réunissant ainsi quatre fédérations qui, à leur tour, groupent trente-deux syndicats. La procédure d'enregistrement des syndicats n'accepte ni ne comporte la moindre discrimination. Toutes les organisations qui ont rempli les conditions prévues par la législation du travail ont été reconnues dans les délais prescrits par la loi. C'est ainsi que, de 1958 à 1965, quatre mille huit cent trente-trois syndicats ont été reconnus. De même, l'affirmation que les services d'inspection et autres organismes du travail s'écartent de leur devoir et font cause commune avec les patrons est dénuée de tout fondement. Les fonctionnaires compétents jouissent, à tous les échelons de la hiérarchie, de la confiance et de la reconnaissance des milieux du travail. Le gouvernement, pour sa part, réalise des programmes pour améliorer les qualifications de ces fonctionnaires et l'efficacité des services.
  5. 277. Le Comité observe que, dans sa réponse, le gouvernement nie catégoriquement la participation des autorités à des actes de caractère agressif ou illégal contre les organisations syndicales; il nie également toute discrimination quant à l'enregistrement des syndicats et la prétendue partialité dont auraient fait preuve les fonctionnaires chargés des questions du travail. Cependant, le gouvernement ne formule aucune observation concernant les prétendues violations des locaux syndicaux mentionnées dans la plainte non plus que sur les interventions de la police dans les centres de travail et le licenciement des travailleurs qui serait dû, selon les plaignants, à l'unique raison de leur appartenance aux syndicats. En conséquence, avant de procéder à l'examen de cet aspect du cas, le Comité estime nécessaire de prier le gouvernement de bien vouloir fournir des observations sur ces trois points.
    • Allégations relatives aux droits de grève et de négociation collective
  6. 278. Selon la plainte, le droit de grève, consacré par la Constitution nationale et la loi sur le travail, a, en fait, été supprimé dans la pratique car le gouvernement ne permettrait pas aux organisations affiliées à la C.U.T.V ni même à celles qui appartiennent à la « Centrale ouvrière gouvernementale » d'en user. On trouve ailleurs, dans la plainte, l'affirmation que la conclusion de conventions collectives a été progressivement restreinte en raison de l'opposition ouverte des patrons et du gouvernement qui en auraient empêché la conclusion avec l'appui des organisations syndicales d'obédience gouvernementale.
  7. 279. A ces affirmations des plaignants, formulées en termes généraux et sans que des faits concrets viennent les appuyer, le gouvernement répond que la diminution des grèves est due à l'efficacité des procédures de conciliation. Le gouvernement signale que l'une des grèves les plus importantes qui aient jamais éclaté dans le pays avait précisément été déclenchée par la C.U.T.V en 1964 et qu'à cette occasion le ministère du Travail avait offert ses bons offices en vue de régler le différend par voie de conciliation, sans qu'aucune mesure gouvernementale ne vienne porter atteinte au droit des travailleurs. Quant à la question des conventions collectives, le gouvernement déclare que, dans les huit dernières années, six mille cinq cent quarante-deux de ces conventions ont été signées, dont huit cent quarante-deux en 1964 et neuf cent soixante-neuf en 1965, ce qui infirme complètement l'allégation relative à la diminution des conventions collectives conclues dans le pays.
  8. 280. Considérant que les plaignants n'ont pas fourni des renseignements suffisamment précis à l'appui de leurs allégations concernant la prétendue restriction du droit de grève et du droit de négociation collective et que celles-ci ont été formulées en termes généraux et contestées par le gouvernement, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi de sa part.
    • Allégations relatives à la violation des droits syndicaux
  9. 281. Les plaignants font état de violations des droits établis par la législation du travail et les conventions collectives pour protéger les dirigeants des fédérations, syndicats et comités d'entreprise contre les congédiements arbitraires et injustifiés. Ils ajoutent que l'on ne compte plus les cas où, non seulement les patrons ont licencié les dirigeants qui sont pourtant au bénéfice de ces dispositions, mais où les autorités compétentes en matière de travail ont elles-mêmes avalisé cette pratique en déclarant a posteriori les licenciements justifiés, et cela presque toujours au détriment des travailleurs.
  10. 282. Dans ses observations, le gouvernement ne fournit pas d'explications concrètes sur cet aspect de la plainte. En conséquence, le Comité estime qu'avant de procéder à un examen de cette question il est nécessaire de prier le gouvernement de bien vouloir soumettre ses observations sur ce point précis.
    • Allégations relatives à la détention de dirigeants syndicalistes
  11. 283. Les plaignants déclarent que la détention illégale de dirigeants syndicaux, de militants ouvriers et paysans est une pratique quotidienne qui définit clairement la nature de la politique de répression du gouvernement contre le mouvement syndical démocratique et indépendant du pays. Cette politique aurait pour objectif de faire régner la terreur parmi les travailleurs, de saper leur capacité de lutte et d'affaiblir leurs organisations de défense économique. C'est ainsi qu'à l'heure actuelle plus de mille personnes seraient détenues dans les différentes prisons du pays en qualité de prisonniers politiques, il s'agirait, pour la plupart, d'ouvriers, d'employés, d'étudiants et de paysans. Parmi les nombreux dirigeants nationaux et régionaux de la C.U.T.V qui, selon les plaignants, sont actuellement détenus, figureraient Eloy Torres, Luis Felipe Ojeda, Julio Cabello, Eleazar Diaz Rangel, Efrain Blanco, Samuel Guidon, Aura Gamboa, Gustavo Villaparedes, Leoncio Granda, Humberto Arrietti et Justo Rafael Galíndez. En ce qui concerne Eloy Torres, les plaignants déclarent qu'il s'agit d'un ancien dirigeant de la Confédération de travailleurs du Venezuela, l'un des fondateurs de la C.U.T.V, en même temps, membre du Conseil général de la Fédération syndicale mondiale. Il a été traduit devant les tribunaux militaires et condamné, en mai 1962, après un jugement très sommaire, à plus de huit ans de prison. Il est présentement détenu dans l'île de Tacarigua.
  12. 284. La répression aurait même également atteint d'autres dirigeants nationaux et régionaux de la C.U.T.V, comme Horacio Scott Power, président de la C.U.T.V, qui aurait été détenu pendant deux mois en 1965, sans passer en jugement; Carlos Arturo Pardo, membre du Comité exécutif, qui aurait été arrêté à son retour du sixième Congrès de la Fédération syndicale mondiale, qui s'est tenu à Varsovie, et conduit au camp de concentration de Cachipo où il aurait été l'objet de sévices; José Marcano, membre du secrétariat national de la C.U.T.V et président de la Fédération nationale d'employés du Venezuela, qui aurait été emprisonné à dix reprises sans passer en jugement. Enfin, les personnes suivantes auraient également été emprisonnées: MM. Máximo Gutiérrez, Johny Bidú, Carlos Fariñas, Marco Aurelio Alegria, Manuel Luckert, Jesús Márquez, Fidias Marcano, Héctor Landáez, Julio Casique, Eli Saúl Puchi, Nicolás Colorado, Vladimir Acosta, Louis Marcano, et d'autres encore.
  13. 285. Un autre dirigeant national de la C.U.T.V, M. Juan Pablo Crespo, aurait été appréhendé par la police au moment où il se disposait à partir pour l'étranger, afin de se soumettre à un traitement médical. Quelque temps après, il a été remis en liberté et mourut plus tard à Moscou. La plainte mentionne, en outre, le cas de M. Luis Emiro Arrieta, l'un des dirigeants de la C.U.T.V, qui serait mort à la prison de Caracas après dix années de détention. D'autre part, dans une coupure de presse jointe à la plainte, il est fait état de la disparition, depuis le 9 septembre 1965, de Donato Carmona Natera « dirigeant syndical de la construction et militant révolutionnaire » au sujet duquel la direction générale de la police avait d'abord déclaré qu'il avait été mis au secret, puis qu'il avait été remis en liberté et, enfin, qu'elle « examinerait avec soin les archives ».
  14. 286. La plainte mentionne encore le cas de nombreuses autres personnes qui auraient été emprisonnées mais il s'agirait, selon les plaignants, de dirigeants politiques, d'étudiants et de citoyens et la plainte ne dit pas si leur arrestation serait liée à des activités syndicales.
  15. 287. Le gouvernement fait remarquer qu'une partie de la plainte est sans rapport avec les questions du travail; il ajoute qu'aucune des personnes citées par les plaignants n'a été arrêtée pour s'être livrée à des activités licites, syndicales ou non. La majorité des intéressés n'ont jamais été des dirigeants syndicaux, mais ils ont été traduits en justice et accusés, prévenus ou condamnés à la suite de délits de droit commun ou d'ordre militaire et le gouvernement n'a exercé aucune pression sur les instances chargées d'instruire ces affaires; en fait, il se cantonne strictement dans l'accomplissement des devoirs que lui prescrivent la Constitution et la loi. Il s'est opposé énergiquement, mais sans outrepasser les limites de la légalité, à tous ceux qui, hors des syndicats, ont cherché à porter atteinte à la Constitution en agissant non en syndicalistes mais en agents provocateurs.
  16. 288. Le Comité rappelle qu'à de nombreuses occasions, où des gouvernements avaient répondu à des allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux ou des travailleurs auraient été arrêtés en raison d'activités syndicales, en affirmant que les personnes en question avaient été arrêtées, en réalité, pour cause d'activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des délits de droit commun, il s'est toujours fait une règle de demander aux gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires aussi précises que possible au sujet des arrestations en question et des motifs exacts de ces arrestations; le Comité rappelle, en outre, que si dans certains cas il a décidé que les allégations relatives à l'arrestation ou à l'emprisonnement de militants syndicaux n'exigeaient pas un examen plus approfondi, cela est dû au fait qu'il avait reçu des gouvernements intéressés des renseignements établissant, de façon suffisamment claire et précise, que ces arrestations ou ces emprisonnements n'avaient rien à voir avec les activités syndicales, mais qu'ils étaient fondés sur des activités indépendantes des questions syndicales, dangereuses pour l'ordre publie ou présentant un caractère politique. Enfin le Comité a rappelé que dans les cas qui ont fait l'objet d'actions légales ou judiciaires et au sujet desquels il est d'avis que ces procédures pourraient fournir des renseignements utiles pour déterminer si les allégations sont justifiées ou non, il a toujours demandé aux gouvernements intéressés de lui communiquer le texte des jugements prononcés et de leurs considérants.
  17. 289. En conséquence, avant de procéder à l'examen de cet aspect du cas, le Comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir lui fournir rapidement les observations détaillées en ce qui concerne le prétendu emprisonnement des personnes dont les noms sont mentionnés aux paragraphes 283, 284 et 285 qui précèdent et d'en indiquer les raisons exactes; de l'informer dans le cas de chacune des personnes en cause, si elles ont été jugées pour les délits qui leur étaient imputés et de lui communiquer le résultat des actions judiciaires qui leur ont été intentées.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 290. Dans ces conditions, en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) pour ce qui est des allégations relatives au droit de grève et au droit de négociation collective, de décider, pour les motifs exposés au paragraphe 280 ci-dessus, que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi;
    • b) en ce qui concerne les allégations relatives à des mesures répressives et discriminatoires prises à l'égard de certaines organisations syndicales et à la violation des droits syndicaux, de prendre note que le Comité a jugé nécessaire de prier le gouvernement d'envoyer ses observations sur les questions mentionnées en détail aux paragraphes 277 et 282 ci-dessus;
    • c) pour ce qui est des allégations relatives à la détention de dirigeants syndicaux que, pour les motifs exposés au paragraphe 288 qui précède, le gouvernement soit prié de bien vouloir faire parvenir rapidement des observations détaillées au sujet de la prétendue détention des personnes dont les noms figurent aux paragraphes 283, 284 et 285 et d'indiquer les motifs exacts de ces incarcérations; de mentionner également, en ce qui concerne chacune desdites personnes, si elles sont passées en jugement pour les délits qui leur sont reprochés et, le cas échéant, de communiquer le résultat des actions judiciaires qui ont été intentées contre elles;
    • d) de prendre note du présent rapport intérimaire en ce qui concerne les allégations auxquelles se réfèrent les alinéas b) et c) du présent paragraphe, étant entendu que le Comité fera de nouveau rapport lorsqu'il aura reçu du gouvernement les observations et renseignements complémentaires dont la nature est précisée dans lesdits alinéas.
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