Display in: English - Spanish
- 41. La plainte de l'organisation plaignante, en date du 16 juin 1972, a été adressée directement à l'OIT. Elle a été communiquée au gouvernement, qui a fait connaître ses observations dans une communication en date du 19 octobre 1972.
- 42. Le Chili n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 43. La plainte du syndicat, signée par M. Andrés Leiva Leiva, en sa qualité de président, et par M. Blas Cárdenas Vásquez, en sa qualité de secrétaire, signale que, le 18 mai 1972, ont été empêchés d'entrer à l'usine où ils travaillent 16 employés dont la totalité du comité directeur (cinq personnes) du syndicat, le délégué du personnel et trois anciens dirigeants syndicaux qui bénéficiaient encore de l'immunité syndicale. Toujours selon le plaignant, cette mesure a été prise par le fonctionnaire du gouvernement qui a été nommé administrateur de l'entreprise et qui a profité de la crédulité et du manque d'information d'un groupe de travailleurs pour se servir d'eux. Il y aurait eu ainsi violation des clauses contractuelles et de l'immunité syndicale, et atteinte au droit au travail. Les faits de cette nature, conclut le plaignant, se produisent fréquemment au Chili dans les entreprises réquisitionnées ou contrôlées par le gouvernement.
- 44. Dans sa réponse, le gouvernement déclare que la réquisition de l'entreprise textile Rayón Said a été motivée par le fait que la production et la distribution des filés se trouvaient paralysées, entraînant une pénurie de ces produits sur le marché. La réquisition a eu pour objet de rétablir une production et une distribution normales des articles fabriqués dans l'entreprise. Le 15 mai 1972, le comité directeur du syndicat a convoqué les affiliés à une assemblée générale pour débattre de la levée de la réquisition; 25 des soixante-huit membres du syndicat y ont assisté, et 16 d'entre eux se sont prononcés en faveur d'une demande de levée de la réquisition. Deux jours plus tard, il a été organisé une assemblée générale des travailleurs de l'entreprise au cours de laquelle il a été décidé, à la majorité des ouvriers et des employés, d'interdire l'entrée de l'établissement aux seize membres du syndicat qui avaient voté pour la levée de la réquisition. Devant cette situation, l'administrateur a mis fin au contrat de dix employés non couverts par l'immunité syndicale "pour manquements graves et répétés à la loyauté due à leurs compagnons de travail et à l'entreprise, tant en matière de production que de distribution des produits". Par la même occasion, l'administrateur a communiqué à l'inspection communale du travail la décision de suspendre les cinq dirigeants et le délégué du personnel et de demander l'autorisation du juge de congédier ces personnes conformément aux dispositions de la législation pour ce qui est des travailleurs protégés par l'immunité syndicale.
- 45. Le 26 juillet 1972, poursuit le gouvernement, les membres du syndicat se sont réunis en assemblée extraordinaire et la majorité d'entre eux ont voté en faveur d'une motion de censure présentée contre le comité directeur de l'organisation. En conséquence, est-il précisé dans le procès-verbal de censure, les membres du comité directeur devront immédiatement se démettre de leurs fonctions, et les membres du syndicat prendront les mesures voulues pour désigner de nouveaux responsables. Le gouvernement ajoute que l'ancien comité directeur du syndicat et le délégué du personnel, reconnaissant l'impossibilité de continuer à travailler dans l'entreprise en raison de l'opposition que leur manifestaient non seulement les membres du syndicat des ouvriers de l'entreprise, mais aussi ceux mêmes du syndicat des employés, ont décidé de présenter leur démission ou de mettre fin à la relation de travail avec l'entreprise.
- 46. Le gouvernement précise que les seize employés affectés par la décision de l'assemblée générale des travailleurs ont saisi les tribunaux d'une demande de reconnaissance de leurs droits; certains ont présenté des plaintes en congédiement injustifié et demandé la réintégration dans leur emploi. A la date de l'envoi de la communication du gouvernement, les jugements sur ces diverses plaintes étaient en suspens. Le gouvernement indique pour conclure que l'entreprise a versé leur dû aux anciens dirigeants syndicaux et au délégué du personnel, conformément à la loi, et qu'elle n'a pas enfreint les dispositions de la loi en ce qui concerne l'immunité syndicale; cette immunité avait été retirée aux personnes en question par motion de censure de l'assemblée générale du syndicat des employés, c'est-à-dire par leurs propres mandats.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 47. Le comité a pris note de la documentation fournie par le gouvernement dans sa communication, d'où il ressort qu'en août 1972 l'un des membres de la direction du syndicat a présenté sa démission, cependant que les quatre autres membres ont été licenciés "pour motifs de service". Il ressort également de cette documentation que la motion de censure présentée contre les dirigeants du syndicat était fondée sur le fait que ces dirigeants avaient violé les dispositions des statuts syndicaux et mené, en particulier, une activité politique alors qu'il est considéré comme "inadmissible, et manifestement contraire aux statuts du syndicat, de faire usage à de telles fins du mandat strictement syndical qui leur a été confié".
- 48. Le comité relève qu'en l'occurrence un groupe de 16 syndicalistes qui avaient voté, lors d'une assemblée syndicale, contre la réquisition par le gouvernement de l'entreprise dans laquelle ils travaillaient se sont vu interdire l'entrée de leur lieu de travail par les autres travailleurs de l'entreprise. Devant cette situation, l'administrateur de l'entreprise a décidé de licencier 10 des syndicalistes et de mettre en oeuvre la procédure judiciaire pour congédier les six autres (dont cinq étaient des dirigeants syndicaux), qui étaient protégés par l'immunité syndicale. Peu de temps après, ces dirigeants ont renoncé à leurs fonctions syndicales après qu'une motion de censure eut été votée contre eux lors d'une assemblée du syndicat, perdant ainsi le droit à la protection spéciale que leur confère l'immunité syndicale. Par la suite, l'un d'eux a renoncé à son emploi et les quatre autres ont été licenciés "pour motifs de service".
- 49. D'après les informations disponibles, il semble que les mesures prises par l'administrateur de l'entreprise contre les syndicalistes ont été motivées, en partie, par la nécessité de régler la situation créée par l'opposition des travailleurs à l'entrée de ces syndicalistes dans l'entreprise; toutefois, il semblerait également que ces mesures aient été prises à titre de sanctions contre ces syndicalistes, parce qu'ils s'étaient opposés, lors d'une assemblée syndicale à la réquisition ordonnée par le gouvernement. Dans l'ensemble, le Comité estime qu'il faut distinguer, d'une part, la responsabilité que peuvent avoir ces syndicalistes auprès de leur organisation en cas de violation éventuelle des statuts et, d'autre part, les actes de ces syndicalistes qui pourraient constituer une violation des obligations inhérentes à leur relation d'emploi. Lorsqu'une activité déterminée de certains membres ou dirigeants au sein de l'organisation syndicale ne constitue pas, en même temps, une violation de leurs obligations de travailleurs, les sanctions que pourrait leur appliquer un employeur en se fondant sur ce motif équivaudraient à des actes de discrimination tendant à réduire la liberté syndicale en matière d'emploi, et les travailleurs devraient être protégés contre de telles mesures.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 50. Le comité note que les seize travailleurs dont il est question dans la plainte ont saisi les tribunaux d'une demande de reconnaissance de leurs droits et que les jugements sur les divers cas sont en instance. Le comité estime que les décisions qui seront prises ou qui ont été prises dans ces jugements pourront lui fournir des éléments importants pour formuler ses conclusions; c'est pourquoi il recommande au Conseil d'administration:
- a) d'appeler l'attention du gouvernement sur les considérations exposées au paragraphe 49;
- b) de demander au gouvernement de lui communiquer le texte des jugements rendus, ainsi que leurs considérants;
- c) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité présentera un autre rapport lorsqu'il aura reçu les informations qu'il a demandées.
- Genève, 22 février 1973. (Signé) Roberto AGO. Président.
Z. ANNEXE
Z. ANNEXE
- ADDITIF
- Cas no 703
- PLAINTE PRESENTEE PAR LE SYNDICAT PROFESSIONNEL DES EMPLOYES DE RAYON SAID INDUSTRIAS QUIMICAS SA, PLANTA MAIPU, CONTRE LE GOUVERNEMENT DU CHILI (PARAGRAPHES SUPPLEMENTAIRES)
- 1 Le comité a examiné ce cas à sa session de février-mars 1973 et a présenté, à cette occasion, des conclusions qui figurent aux paragraphes 41 à 50 de son 136e rapport; celui-ci est soumis, pour examen, au Conseil d'administration à sa présente session (130e session, mai-juin 1973). Dans une communication du 28 février 1973, le gouvernement a formulé certaines observations sur les conclusions du comité et a demandé qu'elles soient examinées par le Conseil d'administration conjointement avec le rapport précité portant sur ce cas.
- 2 Dans sa communication, le gouvernement signale qu'il ressort clairement de l'exposé des faits par le comité que les plaignants eux-mêmes reconnaissent que ce sont leurs compagnons de travail qui les ont empêchés d'entrer dans l'usine; que l'assemblée des travailleurs a décidé de refuser l'accès des lieux de travail à seize membres du syndicat qui avaient voté la levée de la réquisition; que, réuni en assemblée, le syndicat avait voté en faveur d'une motion de censure présentée contre le comité directeur de l'organisation, en vertu de laquelle celui-ci devait se démettre de ses fonctions; que l'ancien comité directeur du syndicat et le délégué du personnel, reconnaissant l'impossibilité de continuer à travailler dans l'entreprise en raison de l'opposition que leur manifestaient tant les membres du syndicat des ouvriers de l'entreprise que ceux du syndicat des employés, ont décidé de présenter leur démission ou de mettre fin à la relation de travail avec l'entreprise. Malgré cela, les seize employés touchés par cette décision ont saisi les tribunaux d'une demande de reconnaissance de leurs droits, et certains ont présenté des plaintes en congédiement injustifié et demandé la réintégration dans leur emploi. Les jugements sur ces diverses plaintes sont encore en suspens.
- 3 Le gouvernement poursuit en relevant que les conclusions du comité ne concordent pas avec l'exposé des faits et sont inacceptables pour lui. Au paragraphe 49 du rapport, il est dit que: "D'après les informations disponibles, il semble que les mesures prises par l'administrateur de l'entreprise contre les syndicalistes ont été motivées, en partie, par la nécessité de régler la situation créée par l'opposition des travailleurs à l'entrée de ces syndicalistes dans l'entreprise" et, plus loin, que "toutefois, il semblerait également que ces mesures aient été prises à titre de sanction contre ces syndicalistes parce qu'ils s'étaient opposés, lors d'une assemblée syndicale, à la réquisition ordonnée par le gouvernement". Cette dernière phrase, souligne le gouvernement, est subjective; elle ne repose sur aucun antécédent et préjuge une situation qui devra en définitive être tranchée par les tribunaux.
- 4 Le gouvernement rappelle que la réquisition de l'entreprise constitue un acte souverain du gouvernement conforme aux pouvoirs que lui accorde la loi et qu'elle a été motivée par le fait que la production et la distribution des filés qu'elle fabrique se sont trouvées paralysées, entraînant une pénurie de ces produits sur le marché. Dans ce cas, poursuit le gouvernement, on comprend mal les expressions employées ensuite par le comité quand il dit que, lorsqu'une activité déterminée de certains membres ou dirigeants au sein de l'organisation syndicale ne constitue pas, en même temps, une violation de leurs obligations de travailleurs, "les sanctions que pourrait leur appliquer un employeur en se fondant sur ce motif équivaudraient à des actes de discrimination tendant à réduire la liberté syndicale en matière d'emploi, et les travailleurs devraient être protégés contre de telles mesures". Le gouvernement affirme que les mesures de réquisition qui ont été prises l'ont été précisément en accord avec la classe travailleuse, ce qui ne permet même pas de supposer qu'il aurait voulu diminuer la liberté syndicale en matière d'emploi. Qui plus est, il ressort du dossier que les employés en question ont agi en tant qu'agents de l'entreprise réquisitionnée qui, pour des raisons politiques, avait paralysé la production et la distribution de ses produits.
- 5 Le comité prend note de ces observations du gouvernement et souhaite préciser que, lorsqu'il a signalé qu'il semblerait aussi que les mesures prises par l'administrateur de l'entreprise contre les syndicalistes "avaient été prises à titre de sanction contre ces syndicalistes parce qu'ils s'étaient opposés, lors d'une assemblée syndicale, à la réquisition ordonnée par le gouvernement", il avait tenu compte du fait qu'à cette même occasion, l'administrateur avait suspendu cinq dirigeants syndicaux et deux délégués du personnel (afin de solliciter par la suite l'autorisation judiciaire pour les congédier), qu'il avait décidé de mettre fin au contrat de travail de dix autres employés qui avaient voté, conjointement avec les premiers, contre la réquisition lors d'une assemblée syndicale, sous prétexte de "manquements graves et répétés à la loyauté due à leurs compagnons de travail et à l'entreprise, en matière tant de production que de distribution des produits".
- 6 Le comité a considéré et considère toujours que les faits relatés aussi bien que les motifs invoqués par l'administrateur pour congédier les syndicalistes qui n'étaient pas couverts par l'immunité syndicale révélaient une relation de cause à effet entre la position adoptée par les dirigeants et les membres du syndicat au sujet de la réquisition et les mesures prises par l'administrateur à leur encontre. Cette position fut adoptée au cours d'une assemblée syndicale et se concrétisa par un vote en faveur de la levée de la réquisition; il no ressort pas des renseignements disponibles que les intéressés aient commis d'autres actes, tels qu'un arrêt de travail individuel ou collectif. En d'autres termes, il s'agirait de l'attitude adoptée par certains syndiqués dans le cadre de leurs activités au syndicat, attitude qui n'aurait pas porté préjudice à l'accomplissement de leurs obligations découlant de leur contrat de travail. C'est la raison pour laquelle le comité avait estimé que, dans l'ensemble, il fallait distinguer, d'une part, la responsabilité que peuvent avoir ces syndicalistes auprès de leur organisation en cas de violation éventuelle des statuts et, d'autre part, les actes de ces syndicalistes qui pourraient constituer une violation des obligations inhérentes à leur relation d'emploi. Le comité a signalé que, lorsqu'une activité déterminée de certains membres ou dirigeants au sein de l'organisation syndicale no constitue pas en, même temps, une violation de leurs obligations de travailleurs, les sanctions que pourrait leur appliquer l'employeur en se fondant sur ce motif équivaudraient à des actes de discrimination tendant à réduire la liberté syndicale en matière d'emploi. En revanche, le comité n'a jamais considéré que la mesure de réquisition prise par le gouvernement à l'encontre de l'entreprise Rayón Said SA constitue un acte de discrimination antisyndicale.
- 7 Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de prendre note des observations du gouvernement et de décider, sur la base des considérations exposées dans les deux paragraphes précédents, qu'il convient de maintenir les conclusions relatives au cas qui figurent aux paragraphes 49 et 50 du 136e rapport du comité.
- Genève, le 29 mai 1973.