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Definitive Report - Report No 153, March 1976

Case No 790 (Jamaica) - Complaint date: 13-MAY-74 - Closed

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  1. 31. Le comité a déjà examiné ce cas en février 1975 et a présenté, à cette session, des conclusions définitives qui figuraient aux paragraphes 56 à 76 de son 150e rapport. Le gouvernement ayant envoyé de nouvelles informations avant l'examen de ce rapport par le Conseil d'administration à sa 196e session (mai 1975), celui-ci a décidé d'ajourner l'examen de ce cas.
  2. 32. La plainte du Syndicat jamaïcain des employés de banques est contenue dans une lettre du 13 mai 1974. Elle a été complétée par une communication du 22 juin 1974. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications du 10 juin et du 10 octobre 1974 et de nouvelles informations dans une communication du 14 mai 1975.
  3. 33. La Jamaïque a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 34. Le plaignant décrit, dans sa première communication, différentes atteintes qui auraient été portées aux droits syndicaux dans le cadre du refus de la Jamaica Citizens Bank de le reconnaître. Depuis le 18 décembre 1973, cette banque aurait commis, selon le plaignant, des actes de discrimination antisyndicale pour empêcher son personnel de s'organiser dans le syndicat de son choix: menaces de renvois, refus d'augmentations de salaires, tentatives d'infiltration et de "subversion" au sein du syndicat plaignant. Ce dernier, en février 1974, a introduit une demande de reconnaissance et présenté la liste vérifiée de ses membres auprès du ministère du Travail. Bien que la demande parût prima facie fondée vu le nombre considérable de syndiqués dans le personnel, la banque refusa d'assister à une réunion pour se mettre d'accord sur la tenue d'un scrutin.
  2. 35. Le ministère du Travail, ajoute le plaignant, se contenta pendant cette période de transmettre les vues de l'employeur, plutôt que de chercher efficacement une solution au conflit. La banque accentua son opposition au syndicat et prit notamment les mesures suivantes: renvoi d'un dirigeant syndical, réduction à un grade inférieur du président du syndicat, transferts continuels des travailleurs sans juste préavis, destruction de documents syndicaux, menaces ouvertes de représailles. Elle chercha aussi à refuser le droit d'être représenté par le syndicat à certaines catégories de travailleurs, le personnel d'encadrement et de confiance, et cela sans aucun fondement juridique.
  3. 36. Le plaignant déclencha alors une grève qui mit fin, poursuit-il, à l'état de "subversion", mais qui ne parvint pas à paralyser les opérations de la banque. Celle-ci maintint son refus de négocier et prit des mesures pour placer le Club du personnel de la banque sous le contrôle de la direction. Quant au ministère du Travail, non seulement il n'aurait pas institué le mécanisme approprié pour traiter l'affaire, mais il aurait collaboré avec l'employeur et fourni le premier des briseurs de grève. Au cours de l'enquête qu'il mena, il n'aurait eu d'entrevues qu'avec la direction et aurait refusé ainsi, sur des bases erronées, d'agir contre la banque ainsi que d'utiliser pleinement les procédures de négociations collectives. Au dire du plaignant, la police aurait également collaboré avec la banque: le 26 avril 1974, douze membres du syndicat furent arrêtés pour s'être couchés dans la rue; quatre jours plus tard, le secrétaire général du syndicat fut assailli par quatre policiers alors qu'il manifestait devant le bureau central de la banque; le même jour, une réunion à un haut niveau se tenait entre la direction de la banque et les officiers supérieurs des forces de l'ordre; deux jours plus tard, huit piquets de grève furent arrêtés et placés en détention préventive, après un coup de téléphone de la direction.
  4. 37. Le plaignant ajoute que ceux qui soutenaient le syndicat se sont vus menacés, tant avant que pendant la grève, et en collusion avec d'autres banques, de suppression des crédits et des facilités bancaires. Le ministre du Travail enfin aurait admis qu'il se trouvait pratiquement sans pouvoir pour agir, parce que le droit national ne lui donnait pas d'autorité réelle pour régler le conflit.
  5. 38. Dans la seconde communication du plaignant, il est dit que la banque a dressé des listes de grévistes et envoyé celles-ci à toutes les banques commerciales de l'île, pour que ces travailleurs n'y soient plus jamais employés. Elle aurait également cherché à provoquer le renvoi des membres du syndicat dans d'autres secteurs d'activité comme les assurances et le tourisme; elle aurait averti divers établissements, en particulier des supermarchés, de ne pas accepter les chèques des grévistes. Le ministère du Travail n'aurait pas, de son côté, mis sur pied de commission d'enquête, malgré les demandes qui lui en étaient faites depuis le 25 avril 1974.
  6. 39. Le gouvernement a entièrement rejeté, dans sa lettre du 10 juin 1974, les accusations portées contre lui. Il a indiqué qu'un projet de loi avait été déposé devant le bureau de la Chambre des représentants pour développer et maintenir des relations professionnelles ordonnées et établir un mécanisme plus efficace de règlement des conflits de travail.
  7. 40. Le gouvernement a communiqué des informations plus circonstanciées le 10 octobre 1974. Il a encouragé, déclarait-il, l'autonomie des parties dans l'industrie; à cette fin, le ministère du Travail et de l'Emploi fournissait les moyens de résoudre les questions de représentation syndicale. Avec l'accord des parties, le ministère pouvait procéder à un vote secret pour déterminer les voeux des travailleurs intéressés; l'accord stipulait en général que les résultats du scrutin détermineraient la situation des parties en matière de négociation. Un scrutin pouvait aussi être organisé par le ministère afin de déterminer, pour un établissement donné, le nombre de membres d'un syndicat. Mais aucun scrutin ne pouvait avoir lieu sans la collaboration de l'employeur: ce dernier devait fournir une liste des travailleurs concernés et autoriser les fonctionnaires à pénétrer dans ses locaux pendant les heures de travail pour y organiser le scrutin. Le gouvernement annonçait que le projet de loi précité contenait des dispositions relatives à la reconnaissance obligatoire d'un syndicat qui remportait un scrutin. Le gouvernement a aussi communiqué en annexe une série de documents sur son rôle dans le conflit.
  8. 41. Enfin, le gouvernement a fait parvenir, par une communication du 14 mai 1975, une copie de la loi no 14 du 8 avril 1975 sur les relations de travail et les conflits professionnels. L'article 4 de cette loi prévoit des poursuites devant un magistrat et une amende n'excédant pas 2.000 dollars pour toute personne qui se livre à des actes de discrimination antisyndicale. En ce qui concerne la représentation des travailleurs par un ou plusieurs syndicats, l'article 5 dispose que le ministre peut, en cas de doute ou de conflit, faire procéder à un vote afin de déterminer la ou les organisations de travailleurs ayant le droit de négocier avec l'employeur. Si la majorité des travailleurs se prononce en faveur d'un syndicat, l'employeur est tenu de lui reconnaître le droit de négociation, sous peine de sanctions sévères. Plusieurs syndicats peuvent d'ailleurs obtenir ce droit vis-à-vis d'un employeur s'ils recueillent chacun au moins 30 pour cent des suffrages. L'employeur qui fait obstacle au déroulement du scrutin est passible d'une amende n'excédant pas 1.000 dollars. Si le ministre ne peut régler un différend portant sur la détermination de la catégorie des travailleurs intéressés par le vote, il doit déférer le conflit devant un tribunal.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 42. Le cas porte donc essentiellement sur le refus d'une banque d'accepter le syndicat plaignant comme représentant de son personnel, malgré l'intervention du gouvernement. Selon le plaignant, l'employeur utilisa, avant et pendant la grève qui suivit, des pratiques antisyndicales. Enfin, des piquets de grève furent arrêtés.
  2. 43. Au sujet de ces arrestations, le comité note que, selon le gouvernement, les travailleurs sont autorisés à placer des piquets de grève pacifiques, mais qu'en l'espèce ceux-ci avaient bloqué l'entrée de la banque et le trafic dans la rue, qu'ils ont refusé de s'éloigner et usé de termes menaçants et insultants à l'égard de la police. Le comité constate également qu'ils ont été reconnus coupables par les tribunaux, puis libérés.
  3. 44. Le Comité observe par ailleurs que la réponse du gouvernement ne contient pas d'informations concrètes sur les activités antisyndicales qu'aurait commises la banque, notamment avant le déclenchement de la grève. Le comité avait déjà souligné, dans un autre cas relatif à la Jamaïque, que l'on devrait pouvoir recourir à un mécanisme approprié pour l'examen de plaintes concernant des pratiques antisyndicales. Le comité note que la nouvelle loi du 8 avril 1975 prévoit un recours devant un magistrat et des sanctions pénales sévères en cas d'activités antisyndicales. Le comité estime que cette nouvelle loi est susceptible de remédier à des pratiques telles que celles qui ont été, selon le plaignant, utilisées par l'employeur.
  4. 45. Au sujet du refus de la banque de reconnaître le syndicat plaignant, le comité rappelle qu'il a examiné à plusieurs reprises des plaintes analogues relatives à la Jamaïque. Il ressortait des informations disponibles dans ces affaires, et les premières informations communiquées par le gouvernement dans le cas présent le confirmaient, qu'en tout état de cause le ministère ne pouvait organiser aucun scrutin en vue de déterminer le ou les syndicats représentatifs aux fins de négociation collective sans la collaboration de l'employeur. En l'occurrence, l'employeur a refusé sa collaboration et a empêché ainsi la tenue du scrutin.
  5. 46. Le comité avait souligné, dans des cas similaires concernant la Jamaïque, l'importance qu'il attache au principe selon lequel les employeurs devraient reconnaître les organisations représentatives de leur personnel aux fins de négociations collectives. Le comité avait aussi indiqué que les autorités compétentes devraient être toujours habilitées à procéder à une vérification objective d'une demande d'un syndicat affirmant qu'il représente la majorité des travailleurs d'une entreprise, pour autant qu'une telle demande soit plausible.
  6. 47. En vertu de la loi récemment adoptée, le ministre peut, en cas de doute ou de conflit, faire procéder à un scrutin afin de déterminer le ou les syndicats que l'employeur doit, si les travailleurs se prononcent dans ce sens, reconnaître aux fins de négociations collectives. Le comité estime que ces dispositions devraient permettre, dans la mesure où le ministre fait effectivement usage de son pouvoir d'ordonner un vote, d'éviter le type de conflit dont il est question dans le présent cas et servir ainsi à la promotion de la négociation collective.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 48. Dans ces conditions, et pour l'ensemble du cas, le comité recommande au Conseil d'administration de noter avec un intérêt particulier les nouvelles dispositions législatives qui tiennent compte des suggestions qu'il avait formulées dans des cas antérieurs, et qui sont susceptibles de remédier à des pratiques antisyndicales et d'éviter des conflits tels que ceux exposés dans la présente affaire, et de décider en conséquence que le cas no mérite pas de sa part un examen plus approfondi.
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