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- 248. Le comité a déjà examiné ce cas en février 1976 et a Présenté à cette occasion un rapport au Conseil d'administration dans lequel il avait adopté certaines conclusions intérimaires sur la base des informations alors en sa possession. Ce rapport figure aux paragraphes 204 à 220 de son 157e rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 199e session (mars 1976).
- 249. Depuis lors, le gouvernement a adressé de nouveaux commentaires dans une communication en date du 10 mai 1976.
- 250. Le Mexique a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il n'a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants- 251. Il convient de rappeler que la plainte présentée par la Confédération mondiale du travail (CMT) concernait les mesures adoptées par l'entreprise Spicer à l'encontre de ses travailleurs alors que ceux-ci avaient décidé de se retirer de la Fédération des groupements ouvriers, organisation reconnue comme représentative en matière de convention collective au sein de l'entreprise et de s'affilier à un syndicat indépendant de l'entreprise, le Syndicat national des travailleurs de l'industrie du fer, de l'acier et des produits dérivés, similaires et connexes de la République mexicaine, affilié à la Centrale latino-américaine des travailleurs et à la Confédération mondiale du travail.
- 252. Selon les plaignants, l'enregistrement et l'affiliation du nouveau syndicat avaient été refusés par le secrétariat du Travail et de la Prévoyance sociale. Les travailleurs avaient en outre engagé une procédure devant l'Office fédéral de conciliation et d'arbitrage en vue d'obtenir la reconnaissance de leur représentativité en matière de négociation collective.
- 253. Toujours selon les plaignants, après que l'entreprise eut menacé de licencier 300 travailleurs s'ils ne se retiraient pas du syndicat indépendant, ceux-ci déclenchèrent une grève le 30 juin 1975. Les dirigeants du syndicat furent alors congédiés. Au cours de la grève, l'entreprise aurait dénoncé la convention collective en vigueur et en aurait signé une nouvelle avec un autre syndicat, le Syndicat national des travailleurs des mines et de la métallurgie de la République mexicaine.
- 254. La grève prit fin lorsque l'entreprise accepta de réintégrer les dirigeants du syndicat indépendant. Cependant, quelques jours après la reprise du travail, cet accord fut violé et l'entreprise licencia les dirigeants réintégrés ainsi que 150 travailleurs auxquels vinrent s'ajouter 500 autres par la suite. Une grève de la faim fut alors entreprise le 30 septembre 1975 par certains d'entre eux et leurs épouses.
- 255. Enfin, les plaignants alléguaient que le dirigeant syndical, Moises Escamilla, avait été arrêté arbitrairement.
- 256. Dans sa communication du 10 mai 1976, le gouvernement, avant d'examiner le cas quant au fond, remarque qu'au Mexique les autorités judiciaires jouissent d'une pleine autonomie et, qu'en conséquence, les autres autorités ne peuvent influencer, ni leur imposer, les décisions qu'elles adoptent dans l'exercice de leurs Fonctions. Le gouvernement ajoute que le conflit en cause dans le présent cas a été réglé par les tribunaux et que les travailleurs ont joui de tous les moyens de défense et autres garanties que leur accorde la loi.
- 257. Le gouvernement déclare en outre que les obligations découlant de la ratification de la convention no 87 n'incluent pas la possibilité pour l'OIT de réviser les décisions des tribunaux mexicains. Ceci, poursuit le gouvernement, annihilerait l'indépendance de la fonction judiciaire, violerait la séparation des pouvoirs et porterait atteinte à la souveraineté nationale.
- 258. Abordant le fond de la question, le gouvernement signale que les travailleurs de l'entreprise Spicer étaient groupés depuis quelques années au sein du Syndicat des travailleurs de l'industrie métallurgique de la République mexicaine qui est affilié à la Fédération des groupements ouvriers. Le syndicat était partie à la convention collective de travail qu'il avait signée avec l'entreprise Spicer pour la période 1974-75.
- 259. Une autre organisation, le Syndicat national des travailleurs de l'industrie du fer, de l'acier et des produits dérivés, similaires et connexes de la République mexicaine demanda la qualité de partie titulaire à la convention collective devant l'Office fédéral de conciliation et d'arbitrage du fait qu'il estimait regrouper la majorité des travailleurs de l'entreprise.
- 260. Alors que l'affaire était encore en instance et bien que là convention collective fût toujours en vigueur, un groupe de personnes imposa, le 30 juin 1975, la grève dans l'entreprise, notamment en empêchant par voies de fait l'accès au travail. Cette grève de fait fut menée sans qu'aucune procédure soit engagée devant l'Office fédéral de conciliation et d'arbitrage ou toute autre autorité. Le gouvernement remarque à cet égard que, selon la législation mexicaine, l'exercice du droit de grève est soumis à certaines règles, notamment quant à ses objectifs et à la nécessité d'adresser un préavis à l'entreprise et d'envoyer la copie des revendications à l'Office fédéral de conciliation et d'arbitrage. Ainsi, poursuit le gouvernement, si la grève est reconnue par la législation, en revanche, il n'est en aucune manière autorisé d'exercer ce droit en tendant à imposer un état d'anarchie qui constituerait un obstacle à des solutions juridiques.
- 261. A la suite de ces événements, l'entreprise Spicer demanda à l'Office fédéral de conciliation et d'arbitrage de déclarer "l'inexistence" de la grève et de fixer, conformément à la loi, un délai de 24 heures pour la reprise du travail en avertissant les travailleurs que le simple fait de ne pas observer cette décision entraînerait la cessation des relations de travail. Le gouvernement ajoute que, malgré la prise de possession des installations par les travailleurs, jamais ces derniers ne furent expulsés par la force, ni menacés de l'être.
- 262. Par ailleurs, l'affaire relative à la désignation du syndicat représentatif aux fins de la convention collective suivait son cours. Au cours de l'audience dite de "conciliation, requêtes, exceptions et administration des preuves", l'entreprise et le syndicat défendeur avaient fait valoir, à titre d'exception, que le syndicat plaignant ne possédait pas la personnalité pour ester en justice dans cette affaire. Cette question fut examinée et le 24 juillet 1975, la personnalité fut reconnue au syndicat plaignant, les arguments de l'entreprise et du syndicat défendeur ayant été repoussés. Il s'agissait ensuite de procéder au recensement des travailleurs en vue de déterminer quel était le syndicat majoritaire.
- 263. Entre-temps survint la suspension du travail. Une audience d'administration des preuves eut lieu le 17 juillet 1975. La décision fut repoussée et la situation de fait de suspension du travail continua.
- 264. Comme la situation menaçait de tourner au chaos, que des travailleurs avaient entamé une grève de la faim et que le syndicat perdant utiliserait certainement les recours prévus par la loi, ce qui prolongerait encore l'affaire, le secrétariat au Travail et à la prévoyance sociale intervint, conformément à la loi, pour tenter de régler le conflit. Un accord fut conclu et approuvé par l'Office fédéral de conciliation et d'arbitrage alors que le syndicat demandant la représentativité aux fins de la convention collective retira sa requête pour des raisons inconnues. La signature de l'accord mettait fin à la grève de fait.
- 265. Cet accord, que le gouvernement joint à sa communication, fut conclu entre l'entreprise, un nouveau syndicat, le Syndicat national des travailleurs des mines, de la métallurgie et des secteurs similaires de la République mexicaine et la Commission de négociation des travailleurs en grève. En vertu de cet accord, l'entreprise donnait à 450 travailleurs licenciés le choix entre la réintégration dans leur emploi et une indemnisation appropriée. Le même accord est intervenu au sujet de 35 autres travailleurs. Les travailleurs qui avaient opté pour leur réintégration devaient recevoir une somme en compensation de leurs arriérés de salaire. Les 127 travailleurs licenciés qui n'étaient pas concernés par cet arrangement ont été totalement indemnisés et leurs arriérés de salaire ont été calculés à compter du 18 août 1975. L'entreprise acceptait en outre de créer 100 postes nouveaux, en plus des postes existants et de ceux que devaient libérer les travailleurs indemnisés. Tous ces postes devaient être pourvus par des travailleurs temporaires, selon leur ancienneté dans l'entreprise. Enfin, l'accord prévoyait que les travailleurs qui seraient réintégrés adhéreraient, s'ils le désiraient, au Syndicat national des travailleurs des mines, de la métallurgie et des secteurs similaires de la République mexicaine. Ceux qui ne souhaitaient pas s'y affilier, réintégreraient l'entreprise sans adhérer à une organisation syndicale.
- 266. Le gouvernement se réfère ensuite aux allégations de la CMT selon lesquelles l'entreprise aurait violé l'accord en licenciant 650 travailleurs dont certains auraient entamé une grève de la faim le 30 septembre 1975. Selon le gouvernement, ces licenciements n'eurent jamais lieu. Le gouvernement remarque en outre que l'accord date du 27 octobre 1975 et, qu'en conséquence, la grève de la faim ne put être déclenchée pour violation de cet accord puisqu'il n'était pas encore signé. En réalité, à la suite de l'accord, l'entreprise procéda à la liquidation des indemnités des travailleurs qui ne voulurent pas reprendre le travail.
- 267. En ce qui concerne la détention du dirigeant syndical Moises Escamilla, le gouvernement repousse énergiquement l'affirmation selon laquelle cette arrestation avait eu pour objectif d'entraver le libre exercice, par la personne incriminée, de ses droits syndicaux. Un groupe de travailleurs avait accusé ce dirigeant d'abus de confiance et de malversations des fonds. Il fut arrêté comme n'importe quelle autre personne accusée de délit de droit commun. A la suite de son arrestation, il fut mis à la disposition du juge compétent et un procès fut intenté avec tous les droits et garanties établis par la loi mexicaine. Peu de temps après, le 10 novembre 1975, il fut mis en liberté.
- 268. En conclusion, le gouvernement déclare que:
- - les décisions des tribunaux ne sont pas sujettes à révision de la part de l'OIT;
- - le cas dont il s'agit a fait l'objet d'intervention de la part des tribunaux mexicains et qu'il a déjà été résolu;
- - la solution adoptée découle d'un accord approuvé par les parties alors que le troisième intéressé s'est désisté;
- - les travailleurs qui le souhaitaient furent réintégrés et les autres indemnisés conformément à l'accord conclu;
- - les faits mentionnés dans la plainte ne reflètent pas la vérité, comme le prouve l'examen chronologique des événements;
- - M. Moises Escamilla fut détenu provisoirement pour un délit de droit commun dont il était accusé et fut remis en liberté;
- - le gouvernement n'a commis aucune violation du droit d'association, l'entreprise Spicer a pu commettre de telles infractions mais les tribunaux mexicains furent toujours prompts à administrer la justice.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité- Conclusions du comité
- 269 Avant d'aborder la question quant au fond, le comité voudrait se référer aux déclarations du gouvernement selon lesquelles les décisions des tribunaux nationaux ne sont pas sujettes à révision de la part de l'OIT. Il est certain que le comité n'est nullement compétent pour réviser les décisions des tribunaux nationaux. Le comité entend simplement examiner dans quelle mesure la législation ou l'application qui en est faite est conforme aux principes de la liberté syndicale. Comme il a déjà été signalé, lorsque le comité estime qu'il y a eu atteinte à ces principes, il lui appartient de constater le fait et d'attirer sur lui l'attention du gouvernement intéressé aux fins appropriées.
- 270 Pour ce qui est du cas quant au fond, le comité note que l'affaire concerne, d'une part, les allégations concernant le licenciement de travailleurs dans un conflit de reconnaissance d'un syndicat par les employeurs et, d'autre part, la détention du dirigeant syndical Moises Escamilla.
- 271 En ce qui concerne le premier aspect du cas, le comité note que l'entreprise a licencié un grand nombre de travailleurs à la suite de leur participation à une grève engagée pour protester contre l'attitude de l'entreprise à l'égard de la formation et de la reconnaissance d'un nouveau syndicat. Cependant, cette grève fut déclenchée non seulement pendant que suivait son cours la procédure légale relative à la désignation du syndicat représentatif aux fins de la convention collective, mais encore sans qu'aient été suivies les règles prévues par la loi fédérale du travail.
- 272 Le comité note également qu'à la suite d'une intervention du secrétariat au Travail et à la Prévoyance sociale, un accord a été conclu entre l'entreprise, un nouveau syndicat, le Syndicat national des travailleurs des mines, de la métallurgie et des secteurs similaires de la République mexicaine et la Commission de négociation des travailleurs en grève. Le comité note enfin, qu'en vertu de cet accord, les travailleurs réintégrés adhéreraient à ce nouveau syndicat ou, s'ils ne souhaitaient pas s'y affilier, ne pourraient devenir membres d'une organisation syndicale quelle qu'elle soit.
- 273 Le comité prend acte du règlement de l'affaire à la suite de la mission de conciliation du secrétariat au Travail et à la Prévoyance sociale. Cependant, il n'apparaît pas clairement comment l'entreprise a pu engager des négociations et signer un accord avec un nouveau syndicat alors qu'une procédure de reconnaissance de la représentativité aux fins de la négociation collective était engagée entre deux autres organisations de travailleurs. En conséquence, le comité souhaite demander au gouvernement des informations complémentaires à propos du Syndicat national des travailleurs des mines, de la métallurgie et des secteurs similaires de la République mexicaine et de la reconnaissance de cette organisation par l'entreprise Spicer.
- 274 En ce qui concerne le second aspect du cas, le comité note que M. Moises Escamilla a été mis à la disposition du juge compétent et a été libéré peu de temps après à la suite d'un procès. Le comité désire rappeler à cet égard, comme il l'a déjà fait à maintes reprises, que l'arrestation par les autorités de syndicalistes contre lesquels finalement aucun chef d'inculpation n'est relevé peut entraîner des restrictions de la liberté syndicale. Les autorités intéressées devraient recevoir des instructions appropriées pour prévenir le risque que comportent pour les activités syndicales les mesures d'arrestation.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 275. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prendre acte du règlement de l'affaire à la suite de la mission de conciliation du secrétariat au Travail et à la Prévoyance sociale;
- b) de prier le gouvernement de fournir des informations complémentaires à propos du Syndicat national des travailleurs des mines, de la métallurgie et des secteurs similaires de la République mexicaine et de la reconnaissance de cette organisation par l'entreprise Spicer;
- c) tout en attirant l'attention sur le principe énoncé au paragraphe 274 ci-dessus, de noter la mise en liberté de M. Moises Escamilla et de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi;
- d) de prendre note de ce rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport lorsqu'il aura reçu les informations demandées à l'alinéa b) ci-dessus.