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Definitive Report - Report No 160, March 1977

Case No 851 (Greece) - Complaint date: 03-JUN-76 - Closed

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  1. 154. Le comité a déjà examiné le cas no 834 en mai 1976 et a présenté, à cette session, au Conseil d'administration un rapport qui figure aux paragraphes 236 à 249 de son 158e rapport.
  2. 155. Le cas no 851 se rapporte à des plaintes que le comité n'a pas encore examinées. Celles-ci, ainsi que les informations complémentaires présentées par les plaignants figurent dans les communications suivantes: une communication en date du .3 juin 1976 émanant du Front antidictatorial des travailleurs grecs (AEM), deux communications, l'une en date du 11 juin 1976, l'autre sans date mais reçue au AIT le 9 août 1976 émanant du Mouvement syndical panhellénique de lutte des travailleurs (PASKE), deux communications en date des 23 juin et 22 juillet 1976 émanant de la Confédération mondiale du travail (CMT), une communication, en date du 28 août 1976, émanant du Mouvement syndical unifié antidictatorial (ESAK).
  3. 156. Le gouvernement a présenté ses observations au sujet des deux cas par trois lettres en date des 19 août, 28 septembre et 8 novembre 1976.
  4. 157. Etant donné que des allégations analogues à celles contenues dans le cas no 834 constituent également un aspect du cas no 851, le comité estime opportun d'examiner ces deux affaires conjointement.
  5. 158. La Grèce a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Cas no 834
    1. 159 L'AEM, qui représente - déclarait-il - des dizaines de milliers d'ouvriers et d'employés, alléguait que les employeurs avaient licencié, en 1975, plus de 300 cadres syndicaux. D'après lui, il s'agissait d'une politique délibérée du patronat afin de maintenir une paix sociale selon ses voeux, et le gouvernement soutenait cette tendance des employeurs à congédier des syndicalistes, alors qu'il aurait pu adopter des mesures concrètes pour la protection efficace des intéressés. Le plaignant signalait notamment comme des mesures qui devraient être prises en ce sens la ratification de la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, ainsi que l'extension à d'autres personnes des garanties prévues par la loi extraordinaire no 1803 du 26 avril 1951 sur la protection des cadres syndicaux. Il estimait que ces licenciements continuels alourdissaient considérablement les relations professionnelles et énumérait, à titre d'exemples, les congédiements survenus dans plusieurs entreprises. Dans une lettre ultérieure, l'AEM communiquait notamment une nouvelle liste de 35 entreprises qui avaient procédé à des licenciements depuis sa plainte initiale.
    2. 160 Le gouvernement indiquait, dans sa réponse, qu'il avait adopté toute une série de mesures pour la protection des droits syndicaux et l'établissement d'un véritable mouvement syndical indépendant. Il se référait à la législation hellénique pertinente et déclarait envisager l'élaboration d'un projet de loi sur les organisations professionnelles de travailleurs qui étendrait la protection légale. Il étudiait, ajoutait-il, les dispositions de la convention no 135 en vue d'une éventuelle ratification, mais l'absence d'une législation en la matière suscitait des difficultés. Il devait tenir compte également du stade actuel de développement économique du pays et de la situation existante du mouvement syndical hellénique. Il existait, précisait-il, 3.400 syndicats, 97 centres ouvriers, 75 fédérations et 5 confédérations.
    3. 161 Le comité avait estimé, dans son 158e rapport, qu'en raison du nombre de licenciements allégués de dirigeants syndicaux et d'autres syndicalistes, il serait particulièrement approprié qu'une enquête fût menée par le gouvernement en vue d'établir les véritables raisons des mesures prises. Cette enquête pourrait également permettre d'apprécier le degré d'efficacité de la législation et des mesures qui pourraient, le cas échéant, la compléter utilement, comme le gouvernement déclarait l'envisager dans le cadre d'un projet de loi en préparation. Dans ces conditions, le comité avait notamment recommandé au Conseil d'administration de prier le gouvernement de le tenir informé de tout développement relatif à cette affaire.
    4. 162 Le gouvernement signale, dans sa communication du 19 août 1976, l'adoption d'une loi no 330 de 1975 sur les associations et unions professionnelles et sur la sauvegarde de la liberté syndicale. Il décrit en détail les garanties accordées par celles-ci aux représentants syndicaux et aux travailleurs en général pour l'exercice des activités syndicales légales.
    5. 163 Le ministère du Travail, ajoute-t-il, a procédé à une enquête sur les licenciements allégués de cadres syndicaux et sur les raisons de ces congédiements. Il en ressort que la plupart de ces renvois n'étaient pas dus aux activités syndicales des intéressés, mais qu'un certain nombre de congédiements concernaient des syndicalistes ayant exercé des activités syndicales. Lorsqu'il est apparu, sur la base des éléments recueillis, que les faits constituaient un délit pénal, l'affaire a été renvoyée au procureur compétent. On a également constaté, dans un nombre limité de cas, Que les licenciements intervenus constituaient un abus de droit selon les articles 281 à 286 du Code civil: la loi considérant comme nuls les renvois effectués pour une activité syndicale légale, les tribunaux civils sont alors compétents. Enfin, continue le gouvernement, le ministère du Travail a fait parvenir à tous ses services régionaux une circulaire - dont une copie est annexée - demandant à ceux-ci d'informer immédiatement l'autorité judiciaire compétente de toute transgression apparente ou indirecte de la loi afin Que les coupables soient poursuivis.
    6. 164 Le comité note les informations transmises par le gouvernement dans cette affaire. Etant donné que des allégations analogues sont examinées dans le cadre du cas no 851, le comité se réfère aux conclusions auxquelles il aboutit dans cette nouvelle affaire.
  • Cas no 851
  • Question de la recevabilité de certaines plaintes
    1. 165 Les plaintes de l'AEM, du PASKE et de l'ESAK relatives à cette affaire ayant été transmises au gouvernement, celui-ci a déclaré, dans sa communication du 19 août 1976, que ces organisations sont en réalité les mécanismes syndicaux de certains partis politiques et n'ont rien de commun, du point de vue de la représentativité, avec les autres organisations syndicales constituées conformément à la procédure légale. Il a ajouté qu'aucun lien légal n'existe entre les organisations précitées et les associations et unions professionnelles qui se présentent comme membres affiliés à celles-ci. Il a estimé, par conséquent, Que ces organisations ne peuvent pas déposer légitimement des plaintes. Le gouvernement a rappelé enfin que, dans un télégramme adressé le 31 mai 1976 au BIT, les cadres syndicaux des organisations professionnelles les plus importantes du pays ont marqué leur désaccord avec les allégations présentées.
    2. 166 Conformément aux règles de procédure en vigueur, le directeur général a demandé à l'AEM, au PASKE et à l'ESAK, de fournir des précisions et tout renseignement utile pour pouvoir mieux apprécier la nature de ces organisations.
    3. 167 L'AEM avait déjà indiqué, dans sa plainte du 3 juin 1976, que sa section syndicale comprenait des dizaines de groupements et d'unions ouvrières. Il avait également déclaré, dans le cadre du cas no 834, qu'il représentait des dizaines de milliers d'ouvriers et d'employés. En réponse à la demande du Directeur général, l'AEM déclare, dans une communication du 29 septembre 1976, que son organisation a été constituée en août 1967 pendant la période de la dictature militaire et a exercé alors ses activités dans l'illégalité: son but était le renversement de ce régime et le rassemblement de toutes les forces ouvrières en vue de défendre les droits de cette classe sociale. L'AEM, poursuit-il, est un mouvement syndical au même titre que l'ESAK, le PASKE et l'ADEK; il se compose d'organisations syndicales du premier et du second degré; il ne fonctionne pas comme les autres organisations sur la base de statuts mais sur la base du Code civil. Il jouit, conclut-il, d'une parfaite légalité et combat pour l'unification des forces ouvrières.
    4. 168 L'ESAK déclare qu'il a été fondé en 1968 Par des cadres syndicaux de gauche et d'autres tendances syndicales dans le but d'organiser le combat pour promouvoir les intérêts de la classe laborieuse grecque et la lutte contre la dictature, tant à l'intérieur du pays qu'auprès des marins et des travailleurs émigrés grecs. Après la chute de la dictature, poursuit-il, ses affiliés et ses cadres ont participé aux élections syndicales des premier et second degrés (sections locales, fédérations et centres de travail) ainsi qu'au congrès de la Confédération générale du travail de Grèce (CGTG). Sur les trente-cinq membres du conseil d'administration de celle-ci, désignés lors du 18e congrès (10-11 avril 1976), six furent élus sur la liste de l'ESAK, trois sur celle du PASKE et deux sur celle de l'AEM; l'ESAK a obtenu une représentation similaire dans les grands centres de travail du pays; il contrôle les conseils d'administration de centaines de sections syndicales et de quelques-unes fies quarante-cinq fédérations, notamment de la plus importante de celles-ci, la Fédération panhellénique des travailleurs de la construction. En bref, conclut-il, l'ESAK est le plus représentatif des groupements du mouvement syndical hellénique.
    5. 169 Le PASKE n'a pas fait parvenir sa réponse.
    6. 170 Quelles que soient les incertitudes qui puissent exister sur le caractère syndical de ces trois organisations, le comité constate que des allégations analogues pour l'essentiel à celles qu'elles ont présentées figurent également dans la plainte ou les informations complémentaires adressées par la CMT, dont la qualité de plaignant ne peut être contestée. Le gouvernement a par ailleurs transmis des observations sur le fond de l'affaire. Dans ces conditions, le comité considère qu'il ne peut que procéder à l'examen de ce cas quant au fond.
  • Allégations des plaignants
    1. 171 L'AEM déclare, dans sa communication du 3 juin 1976, que la loi no 330 précitée de 1976 ne protège pas les droits syndicaux des travailleurs grecs, mais que le gouvernement cherche, par la loi, à contrôler le mouvement ouvrier et à freiner les grèves au profit des employeurs, des grands capitaux et des entreprises multinationales.
    2. 172 D'une manière plus précise, le plaignant formule les griefs suivants:
      • a) la loi ne protège pas les 21 membres fondateurs de l'administration provisoire d'une nouvelle association. Comme les employeurs (l'entreprise Petrola-Latsis en est un exemple typique) licencient chaque jour des travailleurs qui tentent de créer une organisation, 700.000 personnes se trouvent sans syndicat;
      • b) la Grèce ne ratifie pas la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, qui prévoit une réelle protection des syndicalistes et des comités d'entreprise;
      • c) la loi limite le droit de grève (articles 34 et 35) ; elle n'autorise pas les grévistes à contrôler ce mode d'action (article 40) pour éviter que des éléments extrémistes ou suspects ne se mêlent aux grévistes, mais permet aux employeurs de transférer des briseurs de grève dans les villes et usines. Elle considère comme illégales les grèves déclarées par des comités de coordination là où des syndicats ne Peuvent se créer en raison des poursuites et des licenciements décidés à l'encontre des travailleurs. Elle interdit les grèves dirigées contre le gouvernement, sous le prétexte qu'il s'agit de grèves politiques;
      • d) la loi nouvelle n'a Pas aboli le régime de "mobilisation politique des grévistes"; d'ailleurs, des milliers de travailleurs ont été mobilisés les 24, 25 et 26 mai 1976 parce qu'ils s'opposaient au vote de la loi.
    3. Le plaignant ajoute que, malgré les modifications apportées à la loi par le gouvernement, sous la pression d'une grève de trois jours, les objectifs essentiels de celle-ci sont restés inchangés.
    4. 173 La CMT déclare, dans sa communication du 23 juin 1976, que 300.000 travailleurs ont fait grève pour protester contre la loi no 330 alors en projet, et que le gouvernement a réagi en envoyant, les 25 et 26 mai, ses blindés contre les grévistes; il y aurait eu un mort et 160 blessés. Cette loi, ajoute-t-elle, votée après quelques amendements qui n'ont rien changé d'essentiel est contraire aux conventions nos 87 et 98 ratifiées par la Grèce; la liberté de constituer des organisations syndicales est supprimée et le droit de grève reste limité; le pouvoir de déclarer une grève légale ou illégale revient aux magistrats. Quatre-vingt-dix-sept militants syndicaux, poursuit-elle, ont déjà été licenciés sur la base de la loi dans 17 entreprises entre les 26 mai et 2 juin 1976.
    5. 174 Le PASKE proteste également contre la loi no 330. Celle-ci est, d'après lui, radicalement contraire aux conventions internationales du travail et supprime les droits fondamentaux des travailleurs qui sont contenus dans ces conventions et dans la constitution. Elle abolit le droit de grève, reconnaît et Protège le lock-out ainsi que les mécanismes de rupture des grèves, légalise le congédiement des dirigeants syndicaux. Elle établit un contrôle strict et direct des organisations de travailleurs; elle prive ces derniers du droit de participer aux décisions qui affectent les choix nationaux et politiques du pays. Le PASKE signale encore les tentatives menées méthodiquement pour intimider les dirigeants syndicaux par des expulsions systématiques et des vagues de licenciements.
    6. 175 La CMT joint à sa seconde communication du 22 juillet 1976 plusieurs documents sur la situation syndicale en Grèce. On y trouve de longues listes de syndicalistes licenciés (parmi lesquels des membres de bureaux exécutifs de syndicats et de comités d'entreprise), ainsi que des protestations contre les congédiements. Cette documentation contient également une critique détaillée de la loi no 330 de 1976; on y met l'accent sur les nombreuses restrictions à l'exercice du droit de grève alors que le lock-out est déclaré légal; on y mentionne aussi l'absence de protection efficace des travailleurs et de leurs dirigeants contre les renvois dus à des activités syndicales, notamment à des grèves, et contre les autres Pressions exercées par les employeurs; on y cite encore différentes limitations légales aux activités syndicales, notamment en vertu des articles 21 (conditions d'éligibilité) et 31, paragraphe 2 (nombre de voix revenant à chaque organisation lors des assemblées des membres des unions professionnelles).
    7. 176 Le PASKE déclare, dans sa deuxième communication, que l'objectif principal de la loi no 330 est de supprimer le droit de grève pour les travailleurs non syndiqués et de la rendre difficile sinon impossible, même lorsqu'il existe un syndicat dans l'entreprise; il énumère différentes dispositions qui limitent le droit de grève et signale que le gouvernement recourt à la mobilisation des grévistes. Le plaignant se réfère également aux dispositions restrictives de la loi dans d'autres domaines, les articles 21 et 31 déjà cités, et mentionne spécialement les procédures d'élections syndicales ainsi que la protection contre les licenciements.
    8. 177 L'ESAK signale également, dans sa communication du 28 août 1976, plusieurs dispositions de la loi no 330 qui sont, selon lui, contraires aux conventions internationales du travail il mentionne en particulier les dispositions relatives à la grève ainsi que les articles 21 et 31 déjà cités et estime, en outre, que la protection des représentants syndicaux est trop limitée.
  • Réponse du gouvernement
    1. 178 Le gouvernement signale, dans une communication du 19 août 1976, que les plaintes déposées ne portent pas sur des cas concrets de violation de dispositions précises contenues dans les conventions nos 97 et 98. Celles-ci sont, selon lui, non seulement ratifiées, mais pleinement appliquées par la Grèce; d'ailleurs, les conventions internationales du travail deviennent après leur ratification (en vertu de l'article 28 de la Constitution hellénique) partie intégrante du droit interne; elles prévalent sur toute autre disposition législative; l'article let de la loi no 330 de 1976 se réfère aux conventions nos 87 et 98 et, si une disposition de cette loi était déclarée par l'instance compétente incompatible avec ces instruments, elle ne pourrait être appliquée. Le gouvernement estime, dans ces conditions, qu'il n'y a pas lieu de donner suite aux plaintes.
    2. 179 La loi no 330, ajoute-t-il, assure pour la première fois aux cadres syndicaux et à l'ensemble des travailleurs des garanties expresses non seulement contre le licenciement, mais aussi contre toute menace de renvoi du fait qu'ils exercent une activité syndicale légale. Le gouvernement se réfère en particulier aux articles 6, paragraphes 2 et 3, 261 et 40, paragraphe 4 (combiné avec les articles 3, paragraphe 3, et 5, paragraphe 2) de la loi nouvelle.
    3. 180 Répondant à l'allégation selon laquelle les vingt et un membres fondateurs de l'administration provisoire d'un syndicat ne sont pas protégés, le gouvernement mentionne en particulier les articles 3, 5, 40, paragraphe 4, et 26, paragraphe 3, de la loi, qui protègent, déclare-t-il, les cadres syndicaux et les salariés contre tout acte de discrimination antisyndicale.
    4. 181 Le gouvernement ajoute que la dénonciation du contrat de travail à titre de sanction contre la participation du salarié à une activité syndicale légale est frappée de nullité et que, d'une manière générale, le licenciement d'un travailleur pour un des motifs précités est nul. Il cite, comme exemple de la protection offerte par la loi nouvelle, la décision rendue le 11 juillet 1976 par le Tribunal de première instance de Thèbes (dont il joint une copie) à la suite d'une plainte contre une entreprise pour licenciement illégal de travailleurs et entrave à la formation d'une organisation professionnelle: le représentant de la société en cause fut condamné à deux mois de prison et 20.000 drachmes d'amende, et chaque personne licenciée obtint 8.000 drachmes en réparation du dommage moral qu'il avait subi sans que soient prises en considération les autres conséquences des actes attaqués.
    5. 182 Le gouvernement dément par ailleurs que des entraves soient apportées par la loi (articles 34 et 35) au déclenchement des grèves et indique que différentes dispositions garantissent au contraire la possibilité d'organiser une grève sans obstacles. Ces dispositions permettent aux travailleurs d'être pleinement informés, au moins du point de vue de la procédure, de la légalité de cette action, les conditions et formalités requises étant réduites au minimum. Contrairement à la législation antérieure, poursuit-il, la décision du conseil d'administration suffit pour un simple arrêt de travail ou pour une grève lancée par une union professionnelle (centre ouvrier, fédération, confédération) ou une organisation professionnelle de caractère panhellénique ou d'un champ d'action régional ou local. En outre, quand une décision préalable de l'assemblée générale du syndicat est nécessaire, l'article 34 l), dernier alinéa, assouplit le quorum requis en cas de seconde convocation (un quart des membres). Les décisions portant sur le déclenchement d'une grève demeurent en vigueur deux mois. Enfin, les travailleurs non syndiqués d'une entreprise ont le droit de se mettre en grève et, s'il n'y a pas de syndicat, la grève est décidée par le conseil d'administration du centre ouvrier compétent.
    6. 183 A propos de la liberté de travail en cas de grève, le gouvernement déclare que la Constitution nationale garantit non seulement le droit de grève (article 23, paragraphe 2), mais aussi la liberté individuelle, le droit au libre développement de la personnalité et à la participation à la vie sociale, économique et politique; elle protège le droit au travail et, dès lors, toute disposition contraire serait nulle. Le gouvernement cite encore l'article 8, paragraphe 1, de la convention no 87 selon lequel les travailleurs sont tenus, dans l'exercice des droits reconnus par cet instrument, de respecter la légalité à l'instar des autres personnes ou collectivités organisées. L'article 40 4) b) de la loi no 330, qui prévoit des sanctions pénales, vise non seulement les grévistes qui entravent l'accès au travail de leurs collègues désireux de s'y rendre, mais aussi ceux qui contraignent à travailler les personnes voulant faire grève.
    7. 184 D'après le gouvernement, la loi no 330 ne contient aucune disposition sur la mobilisation politique des grévistes et ne pourrait en comporter puisque, selon l'article 22, paragraphe 3, de la Constitution nationale, toute forme de travail obligatoire est interdite, des lois spéciales devant régler la réquisition de services personnels en cas de guerre, de mobilisation pour faire face aux besoins de la défense du pays, etc. Le décret présidentiel no 506 du 20 juillet 1974 a proclamé la mobilisation générale et demeure en vigueur en raison du différend gréco-turc; les quelques cas de mobilisation politique l'ont été sur cette base.
    8. 185 A l'allégation selon laquelle les grèves déclarées par des comités de coordination sont illégales, le gouvernement répond que, d'après la Constitution nationale (article 23, paragraphe 2), celles-ci sont déclenchées par les organisations syndicales légalement constituées et que les grèves sauvages sont, par conséquent, anticonstitutionnelles. Cependant, les travailleurs non syndiqués d'une entreprise, exploitation, section ou branche d'activité sont libres de participer à la grève déclarée par l'organisation compétente (article 32, paragraphe 4 de la loi no 330). En outre, poursuit-il, si les travailleurs d'une entreprise ne peuvent constituer un syndicat (faute, par exemple, de réunir le nombre requis de membres), la grève peut être décidée par le centre de travail le plus représentatif de la ville principale du district où ces personnes sont employées.
    9. 186 Quant aux grèves dirigées contre le gouvernement, continue celui-ci, ce n'est pas dans la loi mais dans la Constitution que figure l'interdiction des grèves politiques. D'après cette dernière, la grève ne peut être organisée que si elle est liée à la défense et à la promotion des intérêts économiques et professionnels et des intérêts concernant la sécurité sociale des travailleurs. Les grèves poursuivant le but cité par les plaignants sont donc interdites, ce qui n'est pas contraire, selon le gouvernement, aux dispositions de la convention no 87. Il cite à l'appui de sa thèse plusieurs décisions antérieures du comité.
    10. 187 Le gouvernement n'est pas à même, poursuit-il, d'envisager, pour l'instant du moins, la ratification de la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, parce que la législation grecque ne traite pas des délégués du personnel et des comités d'entreprise. Le gouvernement estime néanmoins que les représentants syndicaux et les travailleurs en général sont protégés adéquatement et rappelle, à cet égard, la décision précitée du Tribunal de Thèbes. Il conclut en déclarant que tous les travailleurs sans discrimination - à la seule exception des magistrats et des agents du corps de sécurité - jouissent du droit de grève décidée en vue de défendre et de promouvoir leurs intérêts économiques et sociaux: il n'existe pas, comme dans d'autres pays, de limitations de ce droit pour certaines catégories de travailleurs ni d'organismes spéciaux ayant le pouvoir de suspendre ce droit si la vie économique du pays se trouve perturbée.
    11. 188 Le gouvernement ajoute, dans sa communication du 28 septembre 1976, que la grève des 25 et 26 mai 1976 a été organisée par des groupes d'extrémistes dans le dessein d'impressionner et de troubler l'ordre public; ces actions ont été condamnées par tous les partis politiques représentés au Parlement et même par les organisations syndicales responsables. Les grévistes s'étaient munis d'avance de pierres et de bâtons ainsi que de moyens de protection contre les gaz lacrymogènes. Soixante-cinq des 189 personnes arrêtées pour avoir attaqué des agents de police, poursuit le gouvernement, sont des élèves et des étudiants; les autres appartiennent à diverses branches professionnelles (24 charpentiers, 21 employés du secteur Drivé, 6 marins, 5 commerçants, etc.). Parmi elles, 37 ont été traduites en justice et 30 ont été condamnées par le tribunal correctionnel d'Athènes (décision no 15.498 du 29 mai 1976). Trente-neuf des 68 blessés, précise-t-il, étaient des policiers; le décès d'une personne enfin est survenu par accident: il s'agissait non d'un manifestant mais d'une vieille mendiante qui traversa la rue sans précaution au moment où passait le véhicule de la police et qui fut traînée par celui-ci.
    12. 189 Le gouvernement précise, d'autre part, que la loi no 330 a été promulguée le 29 mai 1976 et est entrée en vigueur le 30 mai. Dès lors, les licenciements intervenus avant cette dernière date ne Pouvaient, contrairement à ce qu'affirment les plaignants, être intervenus sur la base de cette loi. Il répète que la loi nouvelle contient des garanties explicites non seulement contre les congédiements, mais aussi contre toute menace de renvoi pour activité syndicale.
    13. 190 Dans sa communication du 2 novembre 1976, le gouvernement indique, en se fondant sur des statistiques, que le nombre de licenciements a diminué dans le pays. Il déclare en outre que les plaintes ont voulu lier les licenciements ordinaires qui se sont produits avec l'adoption de la loi no 330. Les enquêtes réalisées par le ministère du Travail, poursuit le gouvernement, prouvent que la majorité des licenciements sont dus à des motifs étrangers aux activités syndicales. Le gouvernement donne à titre d'exemple les enquêtes effectuées dans les entreprises Mylonas SARL, Bougatsos, Trias SA, Tzortzos, Viofarm, Ladopoulos, Proel SARL, Papeteries d'Athènes, Trikopi, Standard Hella et Vepsy (Salonique). Il en résulte, selon le gouvernement, que, dans quelques cas seulement, se sont produits des licenciements de dirigeants syndicaux, lesquels furent réintégrés dans leurs fonctions grâce à l'intervention du ministère. Dans le cas de l'entreprise Vepsy, le ministère a intenté une action judiciaire contre l'entreprise et l'affaire est toujours en instance.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  • Conclusions du comité
    1. 191 Le comité se propose d'examiner principalement les dispositions de la loi no 330 qui, compte tenu des allégations Présentées par les plaignants, appellent certains commentaires à la lumière des normes et des principes contenus dans les conventions sur la liberté syndicale.
    2. 192 La loi nouvelle contient un certain nombre de dispositions qui visent à protéger les travailleurs et leurs organisations contre les pratiques antisyndicales (voir ainsi les articles 3, paragraphe 3, 5, 26 et 40, paragraphe 4). En particulier, il est interdit aux employeurs ou à leurs représentants d'exiger des travailleurs, en vue de les embaucher ou de les maintenir dans leur poste, une déclaration indiquant qu'ils ne vont pas adhérer à un syndicat donné ou qu'ils quitteront ce syndicat ou encore qu'ils s'affilieront à un syndicat donné (article 5, paragraphe 2 b)). En outre, la dénonciation du contrat de travail est considérée comme arbitraire lorsqu'elle intervient en tant que sanction contre la participation du salarié à une activité syndicale légale (article 26, paragraphe 3). Au sujet des dirigeants syndicaux et des membres de l'administration provisoire d'une organisation professionnelle, la loi nouvelle interdit, sous réserve d'un motif grave, le licenciement de certains d'entre eux selon des distinctions qu'elle établit. Cependant, l'étendue de la protection est fonction de l'importance numérique de l'organisation concernée (voir article 26): en particulier, les dirigeants des syndicats comprenant moins de 80 membres ne bénéficient pas de cette protection spéciale et, pour les organisations comptant de 80 à 100, les seuls président et secrétaire général jouissent de cette garantie, mais à condition, notamment, qu'il n'existe pas d'autre syndicat légalement constitué. D'autre part, la loi de 1914 sur les associations ne figure pas parmi les textes abrogés par l'article 41 de la loi nouvelle et il semble donc que les mesures protectrices qui figuraient à l'article 23 de cette loi de 1914 restent en vigueur dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux dispositions de la loi no 330.
    3. 193 L'efficacité des garanties offertes par des dispositions telles que celles qui viennent d'être citées dépend en fin de compte de l'application qui leur est donnée dans la pratique. A cet égard, le comité a déjà signalée que tant que la protection contre les actes de discrimination antisyndicale - à laquelle se réfère l'article 1er de la convention no 98, ratifiée par la Grèce - est effectivement assurée, les méthodes adoptées pour garantir les travailleurs contre de telles pratiques peuvent varier d'un Etat à l'autre, mais que si des actes de discrimination se produisent, le gouvernement intéressé doit, quelles que soient les méthodes utilisées normalement, prendre toutes les mesures qui s'avèrent nécessaires pour remédier à cette situation. En l'espèce, les plaignants citent des cas très nombreux de congédiements qui viennent s'ajouter à ceux déjà mentionnés dans le cas no 834. Une partie de ces licenciements ont été effectués après l'adoption de la nouvelle loi. Le gouvernement a communiqué les résultats d'une enquête en donnant certains exemples spécifiques sur des entreprises déterminées et en mentionnant les mesures prises par le ministère lorsqu'il s'agissait de licenciements de dirigeants syndicaux.
    4. 194 En ce qui concerne les délégués syndicaux, le comité a souligné, notamment dans son dernier examen du cas no 8343, que la protection contre les actes de discrimination antisyndicale est particulièrement souhaitable à l'égard de ces responsables, étant donné que pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en toute indépendance ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison de leur mandat. Par ailleurs, comme le comité l'a constaté dans d'autres affaires, des garanties inadéquates contre ces pratiques peuvent conduire à la disparition des syndicats eux-mêmes lorsqu'il s'agit d'organisations qui ne comprennent que les travailleurs d'une entreprise. Il convient de rappeler que la convention (no 135) et la recommandation (no 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, déclarent expressément que les représentants des travailleurs dans l'entreprise doivent bénéficier d'une protection efficace contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu'ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur. Le gouvernement répète à cet égard qu'il n'est pas à même de ratifier pour l'instant la convention no 135. Le comité estime néanmoins que d'autres mesures devraient être envisagées afin d'assurer aux dirigeants de toutes les organisations, aux délégués et aux membres des syndicats une protection plus complète contre tous actes discriminatoires.
    5. 195 Les plaignants citent également dans leurs plaintes l'article 21 de la loi no 330. Parmi les conditions d'éligibilité à une fonction syndicale fixées par cette disposition figure en particulier l'obligation d'appartenir à l'organisation depuis une année au minimum. Cette disposition pourrait être interprétée en ce sens que tous les dirigeants syndicaux doivent appartenir à la profession ou travailler dans l'entreprise dont le syndicat représente les travailleurs. Dans ce cas, s'appliquant à tous les responsables des organisations syndicales, ladite obligation serait incompatible avec les principes de la liberté syndicale.
    6. 196 En vertu de l'article 31, paragraphe 2, mentionné par les plaignants, le nombre total de voix revenant à chaque organisation, lors des assemblées des membres des unions professionnelles, ne peut excéder le dixième du nombre total des voix de l'assemblée. Le comité considère qu'une telle restriction n'est Pas compatible avec les articles 6 et 3 de la convention no 87 selon lesquels les fédérations et confédérations syndicales ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d'action, et les autorités publiques devront s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal.
    7. 197 Les allégations se réfèrent aussi aux articles 32 et suivants de la loi no 330 qui réglementent le droit de grève et le soumettent à certaines conditions. Ainsi, un préavis doit-il être préalablement donné à l'employeur ou à son organisation professionnelle (article 33), il est nécessaire de respecter un certain quorum et de prendre la décision de faire grève en scrutin secret (article 34). En outre, une grève organisée par les travailleurs occupés dans des entreprises à caractère public ou d'importance vitale ne peut être déclenchée avant l'expiration d'un délai de huit jours depuis la date de la ratification des revendications et des motifs justifiant cette décision (article 34, 35 et 36). Enfin, les organisations professionnelles de toutes les activités doivent veiller à ce que le personnel nécessaire à la sécurité des installations, à la prévention des accidents et destructions continue de fournir ses services, les divergences concernant le personnel nécessaire devant être tranchées par le tribunal administratif d'arbitrage de première instance. Le comité considère une ces limitations du droit de grève ne vont pas au-delà de celles qu'il a considérées dans d'autres cas comme admissibles.
    8. 198 En outre, la grève ne peut être décidée que par une organisation professionnelle constituée et fonctionnant légalement; les travailleurs non syndiqués ne sont donc pas autorisés à déclencher une telle action, bien qu'ils puissent y participer et que le "Centre de travail" (le plus représentatif de la ville principale du district dans lequel ils sont employés) puisse décider de la déclencher à leur place.
    9. 199 L'article 3 de la convention no 87 reconnaît aux organisations syndicales - en tant qu'organisations de travailleurs avant pour but de promouvoir et de défendre leurs intérêts professionnels (article 10) - le droit de formuler leur programme d'action et d'organiser leurs activités, dont découlent en particulier le droit de négocier avec les employeurs ou celui d'exprimer leur point de vue sur des questions économiques et sociales touchant aux intérêts professionnels de leurs membres. C'est également en partant du droit ainsi reconnu aux syndicats que le comité a toujours considéré le droit de grève comme un moyen légitime et même essentiel dont disposent les travailleurs pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels et qu'il a d'ailleurs estimée que les grèves purement politiques ne tombent pas dans le champ d'application des principes de la liberté syndicale. Dans ces conditions, il ne semble pas que réserver le droit de déclencher une grève aux seules organisations syndicales soit incompatible avec les normes de la convention no 87.
    10. 200 Encore faut-il que les travailleurs, et en particulier leurs dirigeants dans les entreprises, soient protégés contre des actes éventuels de discrimination en raison d'une grève exercée dans ces conditions et qu'ils puissent constituer des syndicats sans être en butte à des pratiques antisyndicales or le comité est d'avis qu'une protection plus complète pourrait être accordée aux travailleurs dans ce domaine et renvoie à cet égard aux paragraphes 193 et 194 ci-dessus.
    11. 201 En réponse, d'autre part, aux allégations concernant la mobilisation de travailleurs lors de la grève des 24, 25 et 26 mai 1976, le gouvernement indique que la mobilisation générale a été proclamée et demeure en vigueur en raison du différend gréco-turc; il précise que les quelques cas de mobilisation politique l'ont été sur cette base. A ce propos, le comité a estimé, à maintes reprises par le passé et notamment dans des cas relatifs à la Grèce, qu'il est inopportun de recourir à de semblables mesures, si ce n'est pour permettre le fonctionnement de services essentiels dans des circonstances de la plus haute gravité et il tient à attirer l'attention du gouvernement sur les possibilités d'abus que comporte la mobilisation ou la réquisition de travailleurs lors de conflits du travail.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 202. Dans ces conditions, et pour ce qui est de ces deux affaires, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de noter les informations transmises par le gouvernement;
    • b) de signaler au gouvernement que d'autres mesures devraient être envisagées afin d'assurer aux dirigeants, aux délégués et aux membres des syndicats une protection plus complète contre tous actes discriminatoires;
    • c) d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes et considérations exprimés aux paragraphes 195 (conditions d'éligibilité) et 196 (assemblées des membres des unions professionnelles) en vue d'introduire dans la législation grecque les amendements nécessaires;
    • d) de saisir la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations des questions reprises aux sous paragraphes b) et c) ci-dessus et
    • e) d'attirer l'attention du gouvernement sur les possibilités d'abus que comporte la mobilisation ou la réquisition de travailleurs lors de conflits du travail, comme il est dit au paragraphe 201 ci-dessus.
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