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- 280. La plainte de la Fédération syndicale mondiale (FSM) figure dans une communication du 19 octobre 1977 et celle de la Fédération internationale des ouvriers du transport (FIOT), dans une communication du 3 février 1978. Ces communications ont été transmises au gouvernement, qui a présenté ses observations dans trois communications, en date des 9 mars, 5 avril et 3 mai 1978.
- 281. Fidji n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
- 282. Les allégations formulées par la FSM ont trait à l'arrestation d'un dirigeant syndical et celles présentées par la FIOT concernent l'annulation de l'enregistrement du Syndicat des débardeurs et des gens de mer de Fidji.
A. Allégations relatives à l'arrestation d'un dirigeant syndical
A. Allégations relatives à l'arrestation d'un dirigeant syndical
- 283. Dans sa communication du 10 octobre 1977, la FSM allègue que le président du Conseil des syndicats de Fidji (et membre du Conseil général de la FSM), M. Apisai Tora, a été arrêté et condamné à un an de prison pour avoir participé à une grève organisée pour appuyer les revendications légitimes des travailleurs.
- 284. Dans sa réponse, le Procureur général, répondant au nom du gouvernement, signale en premier lieu que la Constitution de Fidji contient une déclaration des droits du citoyen qui protège les libertés et les droits individuels fondamentaux conformément à la Déclaration universelle des droits de l'homme, notamment en ce qui concerne la liberté individuelle et le droit de réunion et d'association.
- 285. Le gouvernement a joint à sa réponse des extraits de la procédure concernant M. Tora qui s'était déroulée devant le tribunal correctionnel et la Cour suprême, devant laquelle M. Tora s'était pourvu en appel. Le gouvernement ajoute que M. Tora a été jugé par les tribunaux ordinaires conformément à la procédure prévue au Code de procédure pénale, toutes les règles normales en matière de preuve ayant été respectées. M. Tora a été défendu par un avocat de haut rang et la peine prononcée contre lui est prévue dans la loi sur l'industrie sucrière, en vertu de laquelle il était poursuivi.
- 286. M. Tora, continue le gouvernement, a maintenant recouru contre la décision de la Cour suprême auprès de la cour d'appel de Fidji. Avant l'audience de jugement de cette instance, il a été mis en liberté sous caution.
- 287. Au sujet de l'arrêt de travail qui a entraîné l'arrestation et la détention de M. Tora, le comité relève que, à Fidji, l'industrie sucrière est considérée comme essentielle pour l'économie nationale, la production de sucre y étant réglementée par des textes législatifs spéciaux qui contiennent des dispositions sur les procédures à suivre en cas de conflit du travail. Les infractions aux dispositions dont il s'agit relèvent du droit pénal et sont passibles de sanctions graves. C'est parce qu'il ne s'est pas conformé aux dispositions légales en vigueur pour l'industrie sucrière que M: Tora a été arrêté, qu'il est passé en jugement et qu'il a été condamné.
- 288. Dans plusieurs cas, le comité a reconnu qu'une notification préalable aux autorités administratives ainsi que l'obligation de recourir aux procédures de conciliation et d'arbitrage dans les conflits collectifs du travail avant de déclencher une grève figurent dans la législation d'un nombre important de pays et que des dispositions de ce genre, lorsqu'elles sont raisonnables, ne sauraient être considérées comme une atteinte à la liberté syndicale. De plus, le comité a admis que le droit de grève peut être interdit dans la fonction publique ou les services essentiels, parce que la grève pourrait y provoquer de graves préjudices pour la collectivité nationale. Il a aussi considéré qu'il ne semble pas que des grèves importantes puissent, sans qu'il en résulte de tels préjudices, se produire dans des entreprises qui constituent un secteur clé pour la vie du pays.
- 289. Comme la détention de syndicalistes peut comporter une grave ingérence dans les droits syndicaux et vu l'importance qu'il attache au principe d'une procédure judiciaire régulière, le comité a invité les gouvernements à déférer les détenus dans tous les cas devant les tribunaux, quelles que soient les raisons avancées pour leur détention. De plus, le comité a insisté sur l'importance qu'il attache à ce que, dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de droit commun considérés, par le gouvernement, comme étrangers à leurs activités syndicales, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante.
- 290. S'agissant de M. Tora, le comité constate que, selon les décisions judiciaires qui lui ont été communiquées, l'intéressé a été accusé d'entraver la production du sucre en dehors d'un conflit dûment notifié par le président indépendant de l'industrie sucrière, étant donné que le 4 août 1977 il a empêché la fabrication du sucre à la fabrique de Lautoka de la "Fiji Sugar Corporation", en violation de l'article 15, paragraphe 1, de l'ordonnance sur l'industrie sucrière (chap. 180, telle que modifiée par l'article 4 de la loi no 35 de 1969 portant modification de la législation sur l'industrie sucrière). M. Tora a été reconnu coupable d'avoir provoqué un arrêt du travail parles travailleurs syndiqués de la fabrique de Lautoka, au mépris des dispositions des textes précités.
- 291. La plainte contre M. Tora a été présentée par le ministère public, avec le consentement du Procureur général, comme le veut la loi sur l'industrie sucrière. Sur la base de cette plainte, le juge a décerné un mandat d'arrêt contre M. Tora ensuite, ce dernier a été traduit devant lui et placé en détention préventive. La libération sous caution, refusée une première fois, a été accordée le 8 août 1977.
- 292. En ce qui concerne les poursuites judiciaires engagées contre M. Tora, le comité constate que l'intéressé a été jugé sans retard puisque la procédure en correctionnelle et l'examen de l'affaire par la Cour suprême étaient tous deux terminés avant la: fin de décembre 1977. De plus, M. Tora a été, à tout moment, représenté par un avocat et il a été en mesure d'introduire un autre recours auprès de la cour d'appel de Fidji.
- 293. Dans ces conditions, le comité estime que l'arrestation de M. Tora et son emprisonnement à l'issue de poursuites judiciaires régulières ne constituent pas une atteinte aux principes énoncés au paragraphe 10 en ce qui concerne les garanties d'un procès régulier devant une instance judiciaire impartiale et indépendante.
B. Allégations relatives à l'annulation de l'enregistrement du Syndicat des débardeurs et des gens de mer de Fidji
B. Allégations relatives à l'annulation de l'enregistrement du Syndicat des débardeurs et des gens de mer de Fidji
- 294. Dans sa communication du 3 février 1978, la FIOT allègue que le Syndicat des débardeurs et des gens de mer de Fidji, qui lui est affilié, a vu son enregistrement annulé pour la raison qu'il ne se serait pas conformé aux normes gouvernementales en ce qui concernait sa comptabilité. La FIOT ajoute que le gouvernement lui-même a mis le syndicat dans l'impossibilité de rectifier d'éventuelles erreurs en saisissant cette comptabilité. D'après l'organisation plaignante, les documents en question demeurent aux mains de la police et les responsables syndicaux n'y ont pas accès.
- 295. Répondant au nom du gouvernement, le préposé général à l'enregistrement des syndicats déclare que la responsabilité du préposé à l'enregistrement des syndicats se limite à la mise en oeuvre des dispositions de la loi sur les syndicats et que ce magistrat est lié par la norme légale selon laquelle il doit consulter, pour toutes les questions en rapport avec la suspension ou la révocation de l'enregistrement d'un syndicat quelconque, la Commission consultative des syndicats, organe composé de membres indépendants, dont certains représentent les syndicats mais aucun le gouvernement. Certes, le préposé à l'enregistrement n'est pas lié par l'avis de ladite commission, poursuit le fonctionnaire en question, mais, en l'espèce, les avis donnés par cet organisme aux différentes phases de cette affaire ont approuvé les mesures proposées par lui.
- 296. Le préposé général à l'enregistrement précise que tout syndicat peut se pourvoir auprès de la Cour suprême et que, en l'espèce, le Syndicat des débardeurs et des gens de mer de Fidji l'a fait, l'audience de son recours ayant eu lieu le 3 mars 1978. Ce préposé transmet, par sa communication du 3 mai 1978, le texte du jugement rendu par la cour suprême de Fidji.
C. C. Conclusions du comité
C. C. Conclusions du comité
- 297. Le comité note les informations fournies par le gouvernement au sujet de l'annulation de l'enregistrement du Syndicat des débardeurs et des gens de mer de Fidji et, en particulier, le jugement rendu par la Cour suprême de Fidji. Celle-ci rejette le recours introduit par le syndicat contre cette annulation. Il ressort de l'arrêt que la décision d'annuler l'enregistrement a été prise parce que le syndicat n'avait pas respecté les dispositions légales sur la tenue de la comptabilité, les registres financiers, etc.
- 298. A cet égard, le comité a signalé l'importance qu'il attache au principe selon lequel les organisations de travailleurs ne doivent pas être sujettes à suspension ou à dissolution par voie administrative. De plus, a souligné le comité, il ne suffit pas, pour que ce principe soit respecté, que la législation prévoie une possibilité de recours judiciaire contre de telles décisions- il faut encore que les décisions administratives ne puissent prendre effet qu'une fois écoulé le délai légal sans qu'un appel ait été interjeté ou lorsque ces décisions ont été confirmées par l'autorité judiciaire. Du reste, même une procédure d'appel auprès des tribunaux ne constitue pas toujours une garantie suffisante. Comme le comité l'a déjà signalé, si l'autorité administrative possède un pouvoir d'appréciation discrétionnaire pour prendre sa décision, les juges saisis du recours n'ont que la possibilité de s'assurer que la législation a été correctement appliquée. Il importe, par conséquent, que les juges puissent connaître du fond de la question et examiner les causes qui ont motivé la suspension ou le retrait de l'enregistrement d'une organisation.
- 299. Le comité constate que la loi sur les syndicats autorise le préposé à l'enregistrement, dans certaines circonstances, à notifier au syndicat un préavis d'un mois de son intention de suspendre l'enregistrement (article 14 4)). L'organisation intéressée possède donc un mois pour exposer par écrit les raisons qu'elle a de s'opposer à la mesure projetée. La loi oblige le préposé à rétablir ou à annuler l'enregistrement dans les quatre mois de la suspension. Il apparaît que ses décisions de suspendre ou d'annuler l'enregistrement sont exécutoires immédiatement. Sur là base du jugement prononcé, le comité remarque que la Cour, avant de rejeter l'appel, a pu examiner le fond de l'affaire quant aux différents motifs sur lesquels le recours se fondait.
- 300. Tout en attirant l'attention du gouvernement sur les principes exposés au paragraphe 298 - relatifs en particulier au moment où les décisions administratives de suspension et d'annulation de l'enregistrement devraient prendre effet -, le comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 301. Dans ces conditions et pour ce qui est de l'ensemble du cas, le comité recommande au Conseil d'administration;
- a) d'appeler l'attention sur les principes énoncés au paragraphe 288 concernant l'exercice du droit de grève;
- b) à propos de l'arrestation et l'emprisonnement de M. Tora, de décider, à la lumière des considérations exposées aux paragraphes 290 à 293, que ces faits n'ont pas porté atteinte aux principes énoncés au paragraphe 289 concernant le droit à une procédure judiciaire régulière devant un tribunal indépendant et impartial;
- c) à propos de l'annulation de l'enregistrement du Syndicat des débardeurs et des gens de mer de Fidji, d'appeler l'attention du gouvernement sur les principes énoncés au paragraphe 298 - concernant en particulier le moment où les décisions administratives de suspension ou d'annulation de l'enregistrement devraient prendre effet - et de décider que cet aspect du cas n'appelle pas un examen plus approfondi.