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- 231. Le comité a déjà examiné ce cas à sa session de novembre 1980, au cours de laquelle il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. Depuis lors ou peu de temps avant cette session, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), la Confédération mondiale du travail (CMT), l'Union internationale des syndicats des mineurs (UISM), la Fédération syndicale mondiale (FSM), le Congrès permanent de l'unité syndicale des travailleurs de l'Amérique latine (CPUSTAL) ont adressé des informations contenant des allégations supplémentaires les 29 octobre et 5 novembre 1980 et les 19, 20, 21 et 22 janvier 1981, respectivement. Le gouvernement a communiqué des observations les 15 et 17 décembre 1980 ainsi que le 23 février 1981.
- 232. La Bolivie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 233. Les plaintes déposées dans le présent cas avaient trait à la répression dont a été l'objet le mouvement syndical à la suite du changement de gouvernement intervenu le 17 juillet 1980. Elles se référaient principalement à la mort violente de certains syndicalistes dont Gualberto Vega et à de très nombreuses arrestations de dirigeants et de militants syndicaux; ainsi le secrétariat de coordination du comité extérieur de la Centrale ouvrière bolivienne avait fourni une liste de plus de 400 noms de personnes arrêtées, liste qui avait été transmise au gouvernement afin qu'il communique ses observations. Les plaintes portaient également sur la dissolution par voie administrative de la Centrale ouvrière bolivienne et de la quasi-totalité des organisations syndicales. La CISL, pour sa part, avait dénoncé l'arrestation des membres d'une mission qui était allée en Bolivie à des fins humanitaires et qui s'était vu confisquer 30.000 dollars qui devaient être affectés à l'aide des familles des syndicalistes détenus.
- 234. A sa session de novembre 1980, le Conseil d'administration, sur recommandation du comité, avait noté qu'un représentant du Directeur général s'était rendu en visite sur place pour examiner conjointement avec le gouvernement la situation syndicale. Le Conseil avait exprimé sa profonde préoccupation devant la gravité de certaines allégations et rappelé, de façon générale, qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l'homme. D'autre part, il avait demandé instamment au gouvernement de fournir ses observations sur les allégations concernant la mort de dirigeants syndicaux et l'avait prié de transmettre des informations précises sur les circonstances du décès de ces dirigeants syndicaux s'il était exact que ceux-ci n'étaient plus en vie. Il avait également noté que certaines personnes mentionnées par les plaignants avaient été libérées mais qu'un nombre important d'autres personnes avaient été soit assignées à résidence soit exilées.
- 235. En conséquence, le Conseil d'administration avait rappelé au gouvernement les principes et considérations auxquels il est attaché concernant les mesures d'arrestation, d'assignation à résidence et d'exil et, en particulier, l'importance des garanties judiciaires appropriées, et il avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur la situation actuelle des autres syndicalistes mentionnés dans les plaintes. Il avait aussi appelé avec une acuité particulière l'attention du gouvernement sur l'article 4 de la convention no 87, ratifiée par la Bolivie, aux termes duquel les organisations de travailleurs ne doivent pas être sujettes à dissolution par voie administrative et exprimé le ferme espoir que les syndicats boliviens retrouveraient rapidement leur statut antérieur, que la nouvelle législation envisagée serait pleinement conforme aux conventions nos 87 et 98 et qu'au cours de la révision de la législation syndicale, le gouvernement, comme il en avait manifesté l'intention, demanderait l'avis et la coopération de l'OIT. Il avait prié le gouvernement de fournir des informations sur le progrès des travaux réalisés dans l'adoption de cette législation ainsi que sur l'évolution de la situation syndicale. Le Conseil avait en outre noté que les membres de la CISL arrêtés alors qu'ils effectuaient une mission en Bolivie avaient été libérés et expulsés mais, en l'absence des observations du gouvernement sur ce point, il avait prié ce dernier de fournir des informations sur l'allégation de confiscation d'une somme transportée par les membres de la mission.
B. Nouveaux développements
B. Nouveaux développements
- a) Informations communiquées par le gouvernement
- 236 Dans une communication du 15 décembre 1980, le gouvernement dénonce, comme il l'avait déjà fait en octobre 1980, la déviation du mouvement syndical bolivien qui, selon lui, s'était converti en instrument de politique partisane au service de consignes contraires à l'intérêt national. Cette situation, poursuit le gouvernement, l'a contraint à l'adoption de certaines mesures visant à rendre aux organisations syndicales leur authentique, liberté d'action. Actuellement, ajoute-t-il, le syndicalisme bolivien, libre de toutes pressions extérieures, s'organise à nouveau sous la forme de comités de base élisant librement leurs "préposés aux relations de travail". La seconde phase visera à l'organisation et à la composition de fédérations pour se terminer par la création de confédérations. Sur ce point, le gouvernement assure qu'il enverra périodiquement des informations sur la situation syndicale en Bolivie et qu'il tiendra compte de l'avis et de la coopération de l'OIT lorsque la révision de la législation sociale sera envisagée.
- 237 Le 17 décembre, le gouvernement a envoyé une seconde communication dans laquelle il annonce la libération, le 22 novembre 1980, de tous les détenus politiques ou syndicaux. L'ordre en a été donné par le Président de la République et suivi avec fermeté et sérieux, la Bolivie, poursuit le gouvernement, démontrant ainsi l'extravagance des versions qui circulent à l'extérieur.
- b) Nouvelles plaintes
- 238 Les organisations plaignantes ont, entre le 19 et le 22 janvier 1981, transmis de nouvelles allégations dans le cadre des plaintes en instance. Ces allégations concernent principalement l'assassinat, le 15 janvier 1981 à La Paz, de neuf dirigeants de l'opposition dont plusieurs syndicalistes abattus par les membres de la police et de nouvelles arrestations de syndicalistes.
- 239 Les plaignants font état en particulier de la mort d'Artemio Camargo, dirigeant de la Centrale ouvrière bolivienne (COB) et de la Fédération des mineurs, des blessures et de l'arrestation au cours d'affrontements avec la police de Gregorio Andrade, dirigeant paysan, Walter Delgadillo, dirigeant de la COB, et Pablo Copa, dirigeant de la Fédération des mineurs. La CISL allègue en outre l'arrestation de Gloria Ardaya et fait état des craintes qu'inspire le sort des syndicalistes arrêtés.
- 240 En outre, la CMT indique que, depuis la fin décembre, la vague d'arrestations aurait repris en Bolivie. Selon des informations provenant de diverses sources, déclare la CMT, plus de 1.000 personnes auraient été arrêtées depuis la fin de l'année 1980. Le régime militaire occuperait militairement les centres miniers et les principales usines de La Paz et de Cochabamba. L'armée tenterait de transformer certaines régions en "résidences surveillées". A cet égard, l'organisation plaignante annexe un communiqué militaire intitulé communiqué no 03/80 de Telamayu, daté du 23 octobre 1980, ordonnant aux étudiants et travailleurs qui n'ont pas de domicile fixe, dans les mines, de se présenter au commandement militaire avec leurs documents d'identité avant le 30 octobre 1980 sous peine d'emprisonnement et d'être soupçonnés d'activités clandestines. La CMT déclare que plusieurs camps de concentration auraient été dénombrés: L'Estancia, El Dorado, San-Joaquin, Puerto Cavinas et Madidi dans le département du Beni, Cobija et Puerto Rico dans celui du Pando, et elle annexe une liste partielle des prisons et autres camps. Elle allègue que les arrestations se feraient généralement pendant le couvre-feu et que les prisonniers se trouvant en détention au ministère de l'Intérieur ou à la caserne du centre militaire d'entraînement d'Irpavi n'auraient droit à aucune visite et seraient soumis à la torture.
- 241 Par ailleurs, toujours selon la CMT, le gouvernement aurait retiré leur emploi à 3.476 dirigeants syndicaux travaillant dans l'administration publique.
- c) Dernières informations communiquées par le gouvernement
- 242 Au sujet des allégations concernant la mort de Gualberto Vega, le gouvernement indique que les enquêtes effectuées ont permis d'aboutir à la conclusion que la personne en question n'existe pas et qu'elle n'apparaît dans aucun registre d'identification. Pour le gouvernement, cette personne est donc imaginaire.
- 243 Pour ce qui est des licenciements qui seraient intervenus dans la fonction publique, le gouvernement déclare que la grande majorité des intéressés ont cessé d'eux-mêmes d'exercer leurs fonctions.
- 244 Le gouvernement indique également qu'il va réviser la loi générale du travail adoptée en 1956 qu'il estime anachronique et inopérante.
- 245 Au sujet de l'allégation de confiscation d'une somme d'argent transportée par des membres de la CISL en mission en Bolivie, le gouvernement assure que ladite somme sera rapportée très prochainement par son représentant.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 246. Le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle, au 22 novembre 1980, il n'y avait plus un seul détenu, politique ou syndical. Depuis lors, le comité a été saisi de plaintes relatives à la mort de neuf personnes, parmi lesquelles plusieurs syndicalistes, et à l'arrestation de plusieurs dirigeants et militants syndicaux.
- 247. En premier lieu, le comité doit constater avec regret que les enquêtes effectuées par le gouvernement n'ont pas permis d'identifier Gualberto Vega. Selon les allégations concordantes de plusieurs organisations plaignantes, il s'agirait de M. Gualberto Vega Yapura, dirigeant de la Fédération syndicale des travailleurs des mines de Bolivie, représentant du district de Catavi qui aurait trouvé la mort le 17 juillet 1980 à l'occasion d'assauts donnés par les forces armées. En raison de la particulière gravité de cette allégation, le comité estime nécessaire que les recherches soient poursuivies en vue d'éclaircir les faits et prie le gouvernement de le tenir informé sur ce point.
- 248. D'autre part, en novembre 1980, le comité avait exprimé l'espoir que les syndicats boliviens retrouveraient leur situation antérieure et que la nouvelle législation envisagée serait conforme aux normes de l'OIT. A cet égard, le comité note que le gouvernement réitère ses déclarations selon lesquelles le syndicalisme bolivien s'organise sous la forme de comités de base et assure qu'il tiendra compte de l'avis et de la coopération de l'OIT quand il révisera sa législation sociale. Le comité ne peut qu'insister sur l'importance qui s'attache au droit des travailleurs de pouvoir constituer les organisations de leur choix et de pouvoir y adhérer. Il prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l'évolution de la situation législative.
- 249. Par ailleurs, le comité note les assurances données par le gouvernement selon lesquelles la somme d'argent confisquée à la délégation de la CISL sera très prochainement rapportée.
- 250. En ce qui concerne les allégations de la CMT relatives au licenciement de 3.476 dirigeants syndicaux travaillant dans l'administration publique, le comité tient à souligner, tout en notant les observations très générales fournies par le gouvernement, que les autorités ne devraient pas, même dans le cadre de bouleversement politique dans un pays, procéder à des actes de discrimination antisyndicale et, en particulier, à des licenciements de syndicalistes dans le secteur public. En conséquence, le comité prie le gouvernement de prendre des mesures en vue de permettre aux travailleurs concernés de réintégrer leur emploi.
- 251. En l'absence des observations du gouvernement sur les nouvelles allégations des plaignants relatives à la mort de neuf dirigeants de l'opposition dont Artemio Camargo et à l'arrestation de syndicalistes dont Gregorio Andrade, Walter Delgadillo, Pablo Copa et Gloria Ardaya, le comité prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur ces aspects du cas.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 252. Dans ces conditions, et pour ce qui est du cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire, et en particulier les conclusions suivantes:
- Le comité tient en premier lieu à exprimer sa préoccupation face à la gravité des allégations qui continuent à être portées à sa connaissance et à rappeler qu'un mouvement syndical réellement libre et indépendant ne peut se développer que dans le respect des droits fondamentaux de l'homme.
- Le comité doit constater avec regret que les enquêtes effectuées par le gouvernement n'ont pas permis d'identifier le dirigeant de la Fédération des mineurs Gualberto Vega, dont la mort avait été alléguée. Le comité prie le gouvernement de poursuivre ses recherches et de le tenir informé sur ce point. Au sujet des décès des dirigeants syndicaux dont Artemio Camargo, qui auraient eu lieu le 15 janvier 1981, le comité prie instamment le gouvernement de fournir des informations sur les circonstances de ces décès.
- Le comité prie également le gouvernement de fournir des informations aussi précises que possible sur le sort de Gregorio Andrade, dirigeant paysan, Walter Delgadillo, dirigeant de la COB, Pablo Copa, dirigeant de la Fédération des mineurs, et Gloria Ardaya, qui auraient été arrêtés en janvier 1981.
- Il note que la somme d'argent confisquée à une délégation de la CISL sera rapportée très prochainement.
- A propos des allégations sur les licenciements de syndicalistes de la fonction publique, le comité tient à souligner que les autorités ne devraient pas, même dans le cadre de bouleversement politique dans un pays, procéder à des actes de discrimination antisyndicale. Il prie le gouvernement de prendre des mesures en vue de permettre aux travailleurs concernés de réintégrer leur emploi.
- Finalement, en ce qui concerne la révision de la législation syndicale, le comité prie le gouvernement de continuer à le tenir informé des progrès réalisés en la matière et il exprime le ferme espoir que la législation ainsi amendée sera pleinement conforme aux dispositions des conventions nos 87 et 98, ratifiées par la Bolivie, et qu'elle permettra rapidement la restauration de la liberté syndicale dans le pays.