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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 211, November 1981

Case No 1020 (Mali) - Complaint date: 19-DEC-80 - Closed

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  1. 223. Par une communication du 19 décembre 1980, la Commission centrale des comités syndicaux du Syndicat national de l'éducation et de la culture a présenté une plainte en violation des droits syndicaux au Mali. Le gouvernement, pour sa part, a fait parvenir ses observations dans une lettre du 30 avril 1981, et les décisions judiciaires relatives à cette affaire dans une communication reçue au BIT le 26 octobre 1981.
  2. 224. Le Mali a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 225. La plainte porte sur des arrestations, des condamnations à l'emprisonnement, des déportations et autres sanctions disciplinaires infligées à des syndicalistes enseignants.
  2. 226. Les plaignants, dans leur lettre du 19 décembre 1980, précisent que le début des événements remonte au 15 mars 1979, jour où le Conseil national du Syndicat national de l'éducation et de la culture (CN du SNEC), syndicat affilié à l'Union nationale des travailleurs maliens (UNTM), avait décidé d'une marche de protestation contre un article de journal contestant le bien-fondé des revendications des enseignants en matière de revalorisation de leur fonction. Ils joignent le texte d'une pétition du secrétaire général du SNEC, relative à l'article de journal, appelant à la manifestation. Cependant, poursuivent-ils, le SNEC, dix minutes avant la marche, l'avait annulée alors que tous les militants étaient présents.
  3. 227. Ces derniers avaient immédiatement exigé la démission de la Direction nationale du mouvement syndical, la collusion entre celle-ci et le pouvoir paraissant, au dire des plaignants, évidente. Sous la pression des militants, la Direction nationale avait projeté un congrès extraordinaire, pour le mois de mai, mais ce congrès ne fut finalement pas réuni du fait que, selon les plaignants, le pouvoir y voyait une menace pour l'ordre.
  4. 228. Les plaignants allèguent ensuite que des organisations syndicales ayant été dissoutes, des comités syndicaux se sont regroupés librement au sein d'une commission centrale jouissant d'une large audience. Cette commission centrale contraignit jusqu'au 29 juillet 1980 les autorités politiques et les syndicats qui, selon les allégations, seraient inféodés au pouvoir à traiter avec elle. Cependant, le gouvernement et les syndicats en question ont décidé de mettre un terme aux activités de la Commission centrale comme en témoignent, déclarent les plaignants, les exactions qui ont été commises à l'encontre de leurs membres.
  5. 229. Les plaignants expliquent que les enseignants, sans jamais cesser de dispenser régulièrement leurs cours, s'étaient abstenus de participer à la surveillance et à la correction des examens de fin d'année pour lesquels ils avaient vainement demandé des indemnités. Leur traitement a alors été suspendu pendant trois mois, de juillet à septembre. Douze enseignants syndicalistes ont été arrêtés et condamnés par le Tribunal correctionnel de Bamako le 12 septembre 1980 à trois et quatre mois de prison ferme et transférés dans des lieux inconnus sur ordre du ministre de l'Intérieur. Leur avocat a interjeté appel. Les syndicalistes condamnés ont également été exclus du corps enseignant et intégrés dans celui de l'administration au rang de commis-secrétaires de sous-préfet, dans des postes sahéliens, par décision du ministre de l'Intérieur du 4 décembre 1980. Vingt autres enseignants syndicalistes encourent, selon les plaignants, les mêmes sanctions.
  6. 230. Les plaignants joignent diverses pièces à l'appui de leur plainte, telles les circulaires ministérielles annonçant les retenues de traitements et les mutations dans les postes sahéliens, l'attestation de leur avocat adressée au ministère de la Justice, d'où il ressort que ses clients ont été transférés dans des lieux inconnus sur ordre du ministre de l'Intérieur.
  7. 231. Un mémorandum de défense collective des enseignants joint à la plainte explique que les syndicalistes arrêtés ont été inculpés "d'opposition à l'autorité légitime" pour avoir, selon eux, souhaité mettre un terme au syndicalisme inféodé au pouvoir. Le mémoire fait état également de mesures de représailles prises à l'encontre des syndicalistes incarcérés; interpellation de leurs épouses, agression physique et morale contre les enseignants qui leur rendaient visite au commissariat de police, prolongation abusive de la garde à vue, défaut de notification de mandats d'arrêt et de perquisition, refus de permis de communiquer au cours de la détention préventive.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 232. Dans sa communication du 30 avril 1981, le gouvernement explique qu'au cours de l'année 1979-80 des grèves ont perturbé le fonctionnement normal des établissements d'enseignement et abouti au boycottage des examens.
  2. 233. A la veille desdits examens, le SNEC, organisation affiliée à l'UNTM, avait été saisi du problème du taux des indemnités de surveillance, de correction et de secrétariat. A la suite de négociations intervenues entre les autorités nationales compétentes et les bureaux exécutifs des syndicats susmentionnés, un accord est intervenu entre les parties sur le paiement des indemnités dont les taux ont été revalorisés, déclare le gouvernement.
  3. 234. Il poursuit en précisant qu'un petit groupe d'enseignants mécontents de l'accord le rejeta alors que la grande majorité des enseignants l'entérinait. Ce groupe intitulé "Commission des corrections" prit ensuite, et sans qu'aucun statut juridique n'ait consacré son existence en tant qu'organisation syndicale, la dénomination de "Commission des comités syndicaux de Bamako et de Kati" puis de "Commission centrale des comités syndicaux du SNEC".
  4. 235. La situation créée par ce groupe d'enseignants a donc amené les pouvoirs publics à prendre des mesures de sauvegarde et de protection de la souveraineté de l'Etat, ajoute le gouvernement qui précise que les forces de l'ordre ont appréhendé, en flagrant délit de sédition sur la voie publique, de nombreux manifestants qui se livraient à des actes de vandalisme (incendie et pillage, jets de pierres sur les édifices, violences sur les personnes). L'enquête a prouvé que les faits se commettaient conformément aux instructions données par un groupe d'enseignants comprenant les auteurs de la plainte, affirme le gouvernement. Cependant, les intéressés n'ont été inculpés que du délit d'opposition à l'autorité légitime et condamnés à trois ou quatre mois de prison selon les cas.
  5. 236. Selon le gouvernement, la commission plaignante est une organisation informelle, clandestine, qui n'a pas déposé de statuts et n'a pas été reconnue par les autorités maliennes comme l'exige l'article 283 du Code du travail malien. Elle n'a donc pas d'existence légale et n'est pas fondée à saisir l'OIT au nom des travailleurs qu'elle ne représente pas. Le gouvernement conclut à l'irrecevabilité de la plainte.
  6. 237. Sur les divers griefs invoqués par les plaignants, le gouvernement rétorque, au sujet de la condition et de la revalorisation de la fonction enseignante, que les enseignants maliens sont des fonctionnaires soumis au Statut général de la fonction publique, qu'ils jouissent du droit syndical et disposent, s'ils s'estiment lésés dans leurs droits, de voie de recours administratif et contentieux. Des mesures ont été récemment adoptées pour améliorer la situation du personnel enseignant dont un relèvement de la prime d'enseignement de 25 à 50 pour cent selon les zones d'affectation en novembre 1979. Au sujet de la non-rémunération des journées non travaillées, il explique qu'aux termes de la loi les fonctionnaires, qui se sont absentés irrégulièrement de leur travail, ne sont pas payés. Les plaignants ayant boycotté les examens et abandonné leur poste ne pouvaient prétendre à leurs salaires, d'où la justification des non-paiements à partir du mois de juillet.
  7. 238. Au sujet des poursuites pénales, le gouvernement communique le jugement de première instance rendu à Bamako le 2 septembre 1980 et l'arrêt d'appel rendu en audience foraine à Gao le 28 novembre 1980. Il nie qu'il y ait eu atteinte à la liberté syndicale: la grève des examens n'ayant pas été normalement déclenchée, leurs auteurs étaient en infraction avec l'article 79 du Code pénal qui punit d'une amende ou d'un emprisonnement allant jusqu'à trois mois ceux qui s'opposent par actes, paroles, gestes, manoeuvres à l'exercice de l'autorité légitime et ceux qui, par abstention volontaire, ont porté atteinte à l'ordre public ou entravé la bonne marche des services administratifs. La pluralité d'auteurs entraîne le doublement des peines. Par ailleurs, la loi d'organisation judiciaire autorise les juridictions à se déplacer en toute localité de leur ressort. Ainsi, déclare le gouvernement, c'est en vain que l'avocat des plaignants a protesté de leur transfert dans le nord du pays où la Cour les a rejoints pour les juger. Au sujet de la délivrance de permis de communiquer, le gouvernement souligne que les délais opposés aux titulaires de permis ont été motivés par l'affluence des visiteurs.
  8. 239. Pour ce qui est des mutations dans les régions sahéliennes, le gouvernement déclare qu'il s'agit d'actes d'administration et, en particulier, de la sauvegarde de l'ordre public. Il affirme que les enseignants mutés bénéficient dans les services des mêmes chances que les autres fonctionnaires pour accéder aux divers postes de responsabilité. Il est loisible aux plaignants de s'adresser à la section administrative de la Cour suprême habilitée en matière de contentieux de la fonction publique. Or, ajoute-t-il, cette instance n'a pas été saisie.
  9. 240. Le gouvernement précise que les enseignants condamnés, après avoir purgé leur peine, ont été élargis. A l'heure actuelle, aucun n'est détenu pour quelque motif que ce soit.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 241. Le comité constate en premier lieu que le gouvernement estime la plainte irrecevable car elle n'émane nullement d'une organisation de travailleurs reconnue, le groupement dénommé "Commission centrale des comités syndicaux" n'ayant pas déposé ses statuts conformément à la loi, précise le gouvernement.
  2. 242. A cet égard, le Comité de la liberté syndicale a posé en principe, lors de sa première réunion en janvier 1952, qu'il possède entière liberté pour décider si une organisation peut être considérée comme une organisation professionnelle au sens de la Constitution de l'OIT, et il ne se considère lié par aucune définition nationale de ce terme. Le comité estime en l'occurrence, comme il l'a déjà signalé dans une précédente occasion, que le fait qu'un syndicat n'a pas déposé ses statuts, ainsi que pourrait le requérir la loi nationale, ne saurait suffire pour rendre sa plainte irrecevable, étant donné que les principes de la liberté syndicale exigent justement que les travailleurs puissent, sans autorisation préalable, constituer des organisations professionnelles de leur choix.
  3. 243. Sur le fond, le comité observe que la présente affaire porte sur un conflit collectif de travail dans l'enseignement public provoqué, selon les plaignants, par un refus du gouvernement d'accorder des indemnités de correction aux enseignants qui faisaient passer les examens.
  4. 244. Le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle la situation l'a conduit à prendre des mesures de sauvegarde et de protection de la souveraineté de l'Etat. En conséquence, les forces de l'ordre ont appréhendé, selon lui, en flagrant délit de sédition sur la voie publique, de nombreux manifestants qui se livraient à des actes de vandalisme, conformément aux instructions des enseignants auteurs de la plainte.
  5. 245. En ce qui concerne le refus allégué d'accorder des indemnités de correction, le gouvernement déclare qu'il y a eu accord entre les bureaux exécutifs de l'UNTM et du SNEC et les autorités compétentes sur le paiement des indemnités et que les taux ont été revalorisés.
  6. 246. Cependant, le comité note également que les enseignants appartenant à la Commission centrale des comités syndicaux du SNEC, organisation qui s'était créée antérieurement, se sont opposés à l'accord. Le mouvement de grève qui en est résulté a conduit douze syndicalistes en prison pour trois ou quatre mois; de plus, ceux-ci, après avoir purgé leur peine, ont été mutés, hors du corps enseignant, dans des régions sahéliennes.
  7. 247. De l'avis du comité, les agissements des responsables de la Commission centrale des comités syndicaux du SNEC qui, dans le cadre de ce conflit du travail, auraient été convaincus d'incitation à la violence débordent ce que l'on peut définir comme étant des activités syndicales normales.
  8. 248. Néanmoins, le comité estime qu'après que le gouvernement eut constaté que l'accord signé avec le SNEC au sujet des indemnités de correction donnait lieu à l'opposition d'une partie du corps enseignant, une négociation constructive avec l'ensemble des parties en cause, y compris les représentants de la Commission centrale des comités syndicaux du SNEC, aurait dû s'engager, conformément aux principes de la liberté syndicale. Ceci aurait peut-être permis d'éviter les tensions qui se sont manifestées dans ce cas.
  9. 249. Au sujet des peines d'emprisonnement ferme ayant frappé les grévistes, le comité observe à la lecture des décisions judiciaires communiquées par le gouvernement que les intéressés ont été condamnés à trois et quatre mois de prison uniquement pour avoir refusé de surveiller les examens de l'année scolaire 1979-80. Le comité note également la déclaration du gouvernement selon laquelle, après avoir purgé leur peine, les intéressés ont tous été élargis. Néanmoins, le comité croit important de rappeler une fois encore que le développement des relations professionnelles est compromis par une attitude inflexible dans l'application de sanctions trop sévères pour faits de grève et il signale que toute sanction devrait être proportionnée au délit commis.
  10. 250. En ce qui concerne les mutations d'enseignants qui ont participé à la grève, le comité, tout en prenant note des déclarations du gouvernement, tient à souligner qu'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les syndicalistes doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à leur liberté en matière d'emploi, suspensions, transferts, rétrogradations et autres actes préjudiciables. Le comité a aussi indiqué qu'une politique de mutation des syndicalistes peut porter préjudice au bon fonctionnement des activités syndicales.
  11. 251. En conséquence, le comité souligne l'intérêt qu'il attache à ce que la situation des douze enseignants muté hors de leur corps d'origine soit réexaminée en vue d'apaiser les tensions dans le pays et au sein du mouvement syndical.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 252. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver les conclusions suivantes:
    • En ce qui concerne les peines d'emprisonnement ferme ayant frappé les grévistes, le comité tout en notant que ces derniers ont recouvré la liberté estime que le développement des relations professionnelles est compromis par une attitude inflexible dans l'application de sanctions trop sévères pour faits de grève et il rappelle que toute sanction doit être proportionnée au délit commis.
    • Pour ce qui est des mutations d'enseignants qui ont participé à la grève, le comité rappelle l'importance pour les syndicalistes de bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à leur liberté en matière d'emploi, suspensions, transferts, rétrogradations et autres actes préjudiciables, et il souligne l'intérêt qu'il attache à ce que la situation des douze enseignants mutés hors de leur corps d'origine soit réexaminée en vue d'apaiser les tensions dans le pays et au sein du mouvement syndical. Il prie donc le gouvernement de le tenir informé de toute évolution à cet égard.
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