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- 292. La plainte figure dans une communication de l'Organisation internationale des employeurs (OIE) du 19 décembre 1984. L'OIE a envoyé des informations complémentaires par une communication du 27 décembre 1984. Le gouvernement a répondu par une communication du 27 mai 1985.
- 293. Le Nicaragua a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 294. L'organisation plaignante signale que l'OIT a tenu à Mexico, du 3 au 7 décembre 1984, un séminaire important auquel étaient invités les représentants des organisations d'employeurs d'Amérique latine pour discuter en particulier le rôle des organisations d'employeurs dans la création d'emplois. Le président du Conseil supérieur de l'entreprise privée du Nicaragua (COSEP), M. Enrique Bolaños Geyer, avait annoncé sa participation à ce séminaire.
- 295. Selon l'organisation plaignante, le 17 novembre 1984, c'est-à-dire 16 jours avant l'ouverture du séminaire, M. Bolaños, muni d'un passeport qu'il avait eu la précaution de photographier et que deux huissiers de Managua avaient certifié intact, s'est présenté au guichet du contrôle des passeports de l'aéroport de Managua. On lui a interdit de quitter le pays parce qu'il manquait une page à son passeport: en effet, une page de ce document avait été arrachée.
- 296. L'organisation plaignante indique qu'à la demande des autres participants qui avaient annoncé leur participation au séminaire, le Directeur général du BIT a bien voulu adresser au ministre des Affaires étrangères, le 20 novembre 1984, un télégramme lui demandant d'intervenir pour faciliter la sortie du pays du président du COSEP, M. Enrique Bolaños Geyer, afin qu'il puisse participer audit séminaire. Selon les informations de l'organisation plaignante, ce message est resté sans réponse. Ainsi, M. Bolaños Geyer n'a pas pu obtenir à temps un nouveau passeport pour remplacer celui qui avait été endommagé, pour assister à la réunion de l'OIT à Mexico.
- 297. L'organisation plaignante ajoute que, le 3 décembre 1984, l'Organisation internationale des employeurs, ainsi que la quarantaine de participants au séminaire, ont adressé un télégramme au coordonnateur de la Junte sandiniste déplorant que, malgré le message du Directeur général du BIT, on ait interdit à M. Bolaños de quitter le pays pour assister au séminaire, protestant contre la violation de la liberté syndicale et des droits fondamentaux que cela impliquait et demandant d'urgence que M. Bolaños soit autorisé à participer au séminaire. Ce télégramme est également resté sans réponse.
- 298. A l'appui de ses allégations, l'OIE communique une lettre de M. Bolaños adressée à cette organisation dans laquelle il signale que, le 17 novembre 1984, des fonctionnaires de la police des frontières ont enlevé la feuille de son passeport qui contenait les pages 11 et 12 et celle qui contenait les pages 21 et 22, procédant aussitôt après à l'annulation du passeport. A cette lettre est jointe une photocopie de toutes les pages du passeport de M. Bolaños faite le jour avant qu'il ne se présente à la police des frontières - photocopie où il est attesté en bas de page que le 16 novembre 1984 toutes les pages du passeport étaient complètes et dûment reliées.
- 299. Par ailleurs, l'organisation plaignante joint à sa communication une déclaration signée par 23 personnes dissidentes du régime sandiniste qui se donnent l'appellation de "dissidents captifs", dans laquelle elles soutiennent que le gouvernement sandiniste leur a dénié de façon arbitraire le droit de quitter librement le pays sans qu'il existe aucun fondement légal justifiant cette mesure. Selon la déclaration, parmi les procédés indus et illégaux utilisés à l'encontre des personnes susmentionnées figurent le refus d'accorder des visas de sortie en prétextant l'omission de documents qui ne sont pas exigés par la loi, la perte du passeport, l'existence d'ordres supérieurs, l'inclusion sur une liste spéciale, ainsi que l'invalidation du passeport au moyen d'une page découpée ou arrachée, ou encore d'altérations effectuées dans le passeport.
- 300. La déclaration susmentionnée, outre le cas de M. Bolaños et de certains dirigeants employeurs et membres de divers partis politiques, se réfère en particulier aux personnes suivantes:
- NICOLAS BOLANOS GEYER : Président d'UNCAFENIC, directeur d'Upanica et délégué auprès du COSEP. On lui a refusé le visa en alléguant des retards dans le travail.
- JUAN RAMON AVILES : Secrétaire exécutif du COSEP. La police des frontières lui a refusé le visa en alléguant que sa date de naissance était erronée.
- FRANCISCO CALDERA : Secrétaire exécutif de Conapro. La police des fontières a refusé de lui remettre son passeport en alléguant qu'il avait été envoyé à la zone spéciale no 1 par erreur involontaire.
- ORESTES ROMERO ROJAS : Secrétaire exécutif de la Chambre de commerce du Nicaragua. On lui a remis son passeport sans visa de sortie en alléguant qu'on ne pouvait pas le lui accorder.
- FRANK LEY : Directeur de la Chambre de commerce. Son passeport ne lui a pas été remis et on l'a fait venir de nombreuses fois dans les bureaux de la police des frontières sans lui donner de réponse.
- CARLOS NOGUERA : Délégué d'INDE à la Coordination démocratique du Nicaragua. La police des frontières lui retient son passeport en alléguant qu'il existe des restrictions à l'octroi de visa à certaines personnes.
- 301. Enfin, l'OIE rappelle qu'en 1982 elle a déposé une plainte auprès du Comité de la liberté syndicale en alléguant que le gouvernement mettait des obstacles à la participation de dirigeants du COSEP aux réunions internationales (cas no 1114) et que le comité a jugé bon de rappeler au gouvernement que "les représentants des travailleurs et des employeurs doivent bénéficier des facilités appropriées pour l'exercice de leurs fonctions, y compris le droit de sortir du pays lorsque leurs activités en faveur des personnes qu'ils représentent l'exigent".
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 302. Dans sa communication du 27 mai 1985, le gouvernement déclare que, selon les informations de la Direction de la police des frontières, M. Bolaños Geyer a effectivement fait l'objet de l'application de l'article 16 de la loi de migration selon lequel: "N'est pas valable tout passeport ou document d'identité et de voyage qui présente des altérations ou des modifications ou auquel il manque des feuilles ou la couverture...". A cet égard, le gouvernement déclare qu'il n'existe pas dans le pays d'autres restrictions pour voyager à l'étranger que celles qui sont établies expressément par la loi. Par ailleurs, le gouvernement signale qu'il n'a imposé de restrictions gratuites à aucun employeur. A l'appui de l'affirmation qui précède, il convient de souligner que M. Bolaños Geyer, selon les registres de la police des frontières, a effectué sans aucune difficulté 14 voyages à l'étranger entre le mois de mai 1983 et le mois de février 1985 (le gouvernement envoie une attestation officielle de la Direction de la police des frontières faisant état de 18 sorties du pays de M. Bolaños entre 1981 et 1985).
- 303. Le gouvernement ajoute qu'il n'a pas imposé non plus de restrictions gratuites aux soi-disant "dissidents captifs" auxquels se réfère la plainte de l'organisation plaignante. A l'appui de son affirmation, le gouvernement envoie une attestation officielle des différentes sorties du pays au cours des dernières années de MM. Juan Ramón Avilès et Orestes Romero Rojas ainsi que de huit autres "dissidents captifs".
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 304. Le comité note que, dans le présent cas, l'organisation plaignante a allégué l'existence de restrictions arbitraires au droit de quitter librement le Nicaragua. L'organisation plaignante s'est référée en particulier, d'une part, au cas du président du COSEP, M. Bolaños Geyer, qui, du fait que des pages de son passeport ont été enlevées, n'a pas pu assister à un séminaire organisé par l'OIT et, d'autre part, aux cas de 23 personnes qui se qualifient de "dissidents captifs" parmi lesquelles elle se réfère en particulier à six dirigeants d'organisations d'employeurs.
- 305. Le comité note aussi que l'organisation plaignante n'a pas indiqué les dates auxquelles ces six dirigeants d'organisations d'employeurs auraient été empêchés de quitter le pays ni si ces restrictions auraient gêné ou empêché l'exercice des activités de ces personnes en cette qualité.
- 306. Le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle il n'a imposé de restrictions gratuites à aucun employeur pour voyager à l'étranger et qu'au Nicaragua il n'existe pas d'autres restrictions à cet égard que celles qui sont établies expressément par la loi.
- 307. En particulier, en ce qui concerne le président du COSEP, M. Bolaños Geyer, le comité note que, selon le gouvernement, ce dirigeant d'une organisation d'employeurs, qui a effectué 18 voyages hors du pays entre 1981 et 1985, a fait l'objet de l'application de l'article 16 de la loi de migration selon lequel "N'est pas valable tout passeport ou document d'identité et de voyage qui présente des altérations ou des modifications ou auquel il manque des feuilles ou la couverture...". A cet égard, le comité regrette que le gouvernement se soit borné à se référer à l'article 16 de la loi de migration sans faire d'observations sur l'affirmation de l'organisation plaignante selon laquelle des fonctionnaires de la police des frontières ont soustrait le 17 novembre 1984 la feuille du passeport qui contenait les pages 11 et 12 et celle qui contenait les pages 21 et 22 pour annuler ledit passeport. Le comité note également que le gouvernement ne s'est pas référé non plus à l'affirmation de l'organisation plaignante selon laquelle le 16 novembre 1984, veille du jour où M. Bolaños voulait sortir du pays, deux huissiers ont pu constater que son passeport était intact.
- 308. Le comité déplore vivement que, après l'incident qui a affecté M. Bolaños le 17 novembre 1984, les autorités n'aient pas donné suite à la demande du Directeur général du BIT adressée le 20 novembre 1984 pour faciliter la sortie du pays de M. Bolaños afin qu'il puisse participer au séminaire organisé par l'OIT qui devait avoir lieu à Mexico du 3 au 7 décembre, c'est-à-dire bon nombre de jours après le jour où a eu lieu l'incident en question.
- 309. Au vu des considérations qui précèdent, le comité conclut que le gouvernement n'a pas justifié les mesures illégales de suppression de pages du passeport de M. Bolaños qui l'ont empêché une fois de plus de quitter le Nicaragua pour assister à Mexico au séminaire organisé par l'OIT. Dans ces conditions, compte tenu en outre que le gouvernement ne s'est pas référé spécifiquement à l'interdiction ou aux restrictions à la sortie du pays d'autres dirigeants d'organisations d'employeurs - bien que l'organisation plaignante n'ait pas souligné que ces cas étaient liés à l'exercice d'activités en tant que dirigeants d'entreprise -, le comité doit, comme il l'a fait dans le passé, notamment en 1983, à propos déjà de M. Bolaños, signaler à l'attention du gouvernement le principe selon lequel les représentants des travailleurs et des employeurs doivent bénéficier es facilités appropriées pour l'exercice de leurs fonctions, y compris le droit de sortir du pays lorsque leurs activités en faveur des personnes qu'ils représentent l'exigent et que la libre circulation de ces représentants doit être assurée par les autorités. (Voir 222e rapport, cas no 1114 (Nicaragua), paragr. 71.)
- 310. Le comité demande aussi au gouvernement de prendre des mesures pour que les autorités compétentes ne mettent pas d'entraves à la participation de dirigeants d'organisations d'employeur ou de travailleurs aux activités destinées à promouvoir et à défendre les intérêts de leurs membres.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 311. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) Le comité conclut que le gouvernement n'a pas justifié les mesures illégales de suppression de pages du passeport de M. Bolaños, président du COSEP, qui l'ont empêché une fois de plus de quitter le Nicaragua pour assister à Mexico à un séminaire organisé par l'OIT du 3 au 7 décembre 1984.
- b) Le comité déplore vivement que les autorités du Nicaragua n'ont pas donné suite à la demande du Directeur général du BIT, adressée le 20 novembre 1984 pour faciliter la sortie du pays de M. Bolaños afin qu'il puisse participer au séminaire en question.
- c) Le comité signale à l'attention du gouvernement, comme il l'a déjà fait dans le passé, notamment en 1983, à propos déjà de M. Bolaños, le principe selon lequel les représentants des travailleurs et des employeurs doivent bénéficier des facilités appropriées pour l'exercice de leurs fonctions, y compris le droit de sortir du pays lorsque leurs activités en faveur des personnes qu'ils représentent l'exigent et que la libre circulation de ces représentants doit être assurée par les autorités.
- d) Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour que les autorités compétentes ne mettent pas d'entraves à la participation de dirigeants d'organisations d'employeurs ou de travailleurs aux activités destinées à promouvoir et à défendre les intérêts de leurs membres.