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- 101. La plainte en violation de la liberté syndicale au Canada (Québec) a été présentée par le Congrès du travail du Canada (CTC) en date du 19 février 1987. Le gouvernement fédéral du Canada a communiqué les observations du gouvernement du Québec sur cette affaire par une lettre du 27 octobre 1987.
- 102. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il n'a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 103. Le Congrès du travail du Canada, au nom de son affilié, la Fédération des travailleurs du Québec - Construction (FTQ-Construction), explique, dans sa plainte du 19 février 1987 les raisons qui ont motivé la grève et le lock-out qui ont eu lieu dans le secteur de la construction au Québec en mai et juin 1986.
- 104. Le plaignant indique que, jusqu'au 30 avril 1986, les conditions de travail des salariés de l'industrie de la construction étaient régies par un décret relatif à cette industrie dont il joint une copie. Il ajoute que les négociations pour le renouvellement de la convention collective avaient débuté vers le 11 mars 1986 entre les associations représentatives de la FTQ-Construction et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction qui représente la grande majorité des salariés de ce secteur.
- 105. Or, poursuit le plaignant, malgré l'intervention d'un conciliateur, ces négociations n'avaient pas abouti, et une grève légale, paisible et ordonnée avait été autorisée par vote secret. Elle eut lieu les 9, 16, 19, 23, 27 et 28 mai 1986 ainsi que les 2, 3 et 16 juin 1986; les employeurs avaient rétorqué par le lock-out déclenché les 4, 5 et 6 juin 1986.
- 106. Face à cette situation, le Parlement provincial adoptait le 17 juin 1986 une loi d'exception intitulée la loi no 106 sur la reprise des travaux de construction changeant complètement les règles du jeu et ayant pour effet direct et immédiat de brimer la liberté d'association des salariés de la construction, explique le plaignant.
- 107. En substance, la loi no 106 enlève aux salariés de la construction leur droit de grève pour une période de trois ans; elle prévoit la nomination d'un médiateur et la possibilité de fixer les conditions de travail des salariés de la construction si les parties ne concluent pas une entente collective avant le 1er août 1986; la loi prévoit également que, pendant cette période, les conditions de travail prévues par l'ancien décret sont remises en vigueur.
- 108. D'après le plaignant, cette loi enlève le droit de grève aux salariés de l'industrie de la construction, contrairement à la Constitution canadienne et à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, et elle viole la liberté d'association. L'histoire et la pratique de la liberté d'association des travailleurs sont liées à l'évolution de la négociation collective et du droit de grève; pour que la liberté d'association ait une signification réelle et non illusoire, il faut qu'elle comprenne toute conduite dont on peut raisonnablement inférer qu'elle participe aux buts légaux d'une association de travailleurs. C'est ainsi que le droit de grève fait partie intégrante et inséparable de la liberté d'association, poursuit le plaignant.
- 109. Il ajoute que la loi a été attaquée par voie de jugement déclaratoire devant les tribunaux supérieurs par la Fraternité nationale des charpentiers-menuisiers, forestiers et travailleurs d'usine, la FTQ-Construction ainsi que par un certain nombre de leurs membres.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 110. Le gouvernement fédéral du Canada, dans sa communication du 27 octobre 1987, transmet la réponse du gouvernement du Québec qui ne nie pas être intervenu dans ce conflit, mais qui estime que son intervention a permis un rapprochement entre les parties qui ont réussi à s'entendre sur les termes d'une nouvelle convention collective. Selon le gouvernement du Québec, face à une situation de crise, il a assumé la responsabilité qui lui incombe à l'égard de la population du Québec et il a respecté, dans toute la mesure possible, les droits fondamentaux des travailleurs de la construction.
- 111. De manière plus détaillée, le gouvernement du Québec explique qu'à la lumière des trois décisions, dont il joint des copies, rendues par la Cour suprême du Canada en avril 1987, la loi no 106 n'est pas incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés, intégrée dans la Constitution canadienne, ni avec la Charte québécoise des droits et libertés, et qu'elle est en conséquence conforme au droit canadien. Il ajoute que le plaignant, la FTQ-Construction, qui avait contesté devant la Cour supérieure du Québec la validité de la loi no 106, a mis un terme à ce recours à la suite de ces trois jugements.
- 112. Le gouvernement réitère par ailleurs son adhésion au principe suivant lequel le droit de négocier librement des conditions de travail avec les employeurs constitue un aspect fondamental de la liberté syndicale, il reconnaît que le droit de grève est un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux, et il affirme que la loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, qui régit les relations du travail dans cette industrie, garantit sans restriction l'exercice de la liberté syndicale.
- 113. Aussi le gouvernement reconnaît-il que, dès mars 1986, les parties patronale et syndicale ont entrepris des négociations en vue de renouveler les conditions de travail des salariés de ce secteur. Cependant, malgré le recours à la conciliation, les parties n'ont pu conclure une entente, et les travaux de construction ont été interrompus par la grève ou le lock-out à plusieurs reprises durant le mois de mai 1986. Malgré un dernier effort de négociation avec l'aide d'un conciliateur, les pourparlers ont abouti à une impasse totale, et la partie syndicale a décidé de déclencher une grève générale illimitée.
- 114. Or, d'après le gouvernement, une interruption prolongée des activités de la construction à l'échelle du Québec était susceptible de causer de graves préjudices à la collectivité nationale. Il a donc été contraint de recourir à des mesures exceptionnelles pour favoriser le règlement du conflit. Il s'est cependant refusé à imposer immédiatement des conditions de travail à ces salariés et il a prévu, dans la loi no 106, la poursuite des négociations avec un mécanisme de médiation dans le but de permettre aux parties de conclure une entente. Ces mesures ont porté leurs fruits puisque l'Association des employeurs et les associations syndicales représentatives, dont la FTQ-Construction, en ont conclu une, peu de temps après. Les parties signataires à la convention collective ont même par la suite demandé au ministre du Travail du Québec de décréter l'extension de cette convention à l'ensemble de l'industrie de la construction, conformément à la loi sur les relations du travail dans cette industrie.
- 115. Le gouvernement admet que la loi no 106 constituait une mesure exceptionnelle et temporaire, mais il précise qu'il a mis fin à son application par le décret no 1190/87, adopté le 29 juillet 1987.
- 116. Après avoir fourni une relation détaillée jour après jour du déroulement du conflit, le gouvernement déclare que son intervention était justifiée pour trois motifs: d'abord, l'impact de l'interruption prolongée des travaux de construction sur l'ensemble de l'économie québécoise; ensuite, les conséquences du conflit sur le plan social, et particulièrement le climat de violence qui prévalait dans ce conflit; enfin, le climat d'affrontement entre les parties qui rendait sa résolution, dans un délai acceptable, improbable, sinon impossible, malgré l'exercice répété de moyens de pression par les deux parties et les efforts constants d'un conciliateur agréé par celles-ci.
- 117. A propos de l'impact économique, le gouvernement explique que l'industrie de la construction est différente de la plupart des autres industries en ce que les négociations collectives s'y déroulent sur une base sectorielle pour l'ensemble du Québec, cette industrie étant fortement intégrée dans l'ensemble de l'économie québécoise. Il découle de cette situation qu'un conflit dans ce secteur a des conséquences non seulement sur les parties en cause, mais aussi sur l'ensemble de l'économie québécoise. En effet, d'après une étude d'avril 1987, les activités du secteur de la construction correspondent à environ 10 pour cent de la totalité de la demande des biens et services au Québec.
- 118. De surcroît, les conflits dans la construction transcendent le cadre de cette industrie pour s'étendre à l'ensemble des activités économiques du Québec. Enfin, en plus des conséquences sur les industries connexes, le gouvernement précise qu'au moment du conflit entre 15.000 et 20.000 logements étaient en construction au Québec, dont un bon nombre devaient être achevés pour le 1er juillet 1986. Un grand nombre de familles qui devaient emménager dans les nouveaux logements se sont donc trouvées sans logis pendant une certaine période en raison de ce conflit du travail. En conséquence, le retard dans la livraison des bâtiments neufs aurait eu des conséquences très graves si l'interruption des travaux de construction s'était prolongée davantage.
- 119. Le gouvernement précise, au surplus, qu'une interruption de ces activités pouvait entraîner, sur une base annuelle, des pertes de revenu de l'ordre de 3 milliards de dollars pour le gouvernement du Québec et de 1,7 milliard de dollars pour le gouvernement du Canada. Or il explique que l'économie canadienne, à l'instar des économies occidentales, se remet graduellement de la récession du début des années quatre-vingt, et que des pertes de cet ordre pouvaient faire pression à la hausse sur les déficits budgétaires déjà considérables et déstabiliser la croissance économique du Québec encore très fragile en 1986.
- 120. D'après le gouvernement, en outre, les effets de l'interruption des activités de construction seraient devenus de plus en plus irréversibles au fur et à mesure que le conflit se serait prolongé. Dans le cas d'un conflit de courte durée, il est permis de croire à un certain rattrapage qui en limiterait les conséquences sur les industries étroitement liées au secteur de la construction et sur l'économie en général mais, dans un conflit qui perdure, la situation peut être irréversible: les fournisseurs doivent notamment faire face à une hausse des frais de financement, à des coûts de stockage et à une réduction forcée de la main-d'oeuvre. Au niveau des utilisateurs de service, les entreprises qui souhaitent investir doivent subir en plus l'impact du retard de la production sur le marché; les ménages dont les maisons neuves ne peuvent être livrées en temps doivent assumer des frais additionnels (hausse des coûts, frais d'entrepôt, etc.) et doivent chercher un logement temporaire. A moyen et à long terme, un conflit prolongé dans la construction entraîne donc une réduction des investissements et une perte de confiance chez les investisseurs.
- 121. Le gouvernement reconnaît que le recours à la grève vise à exercer une pression économique sur l'employeur et a généralement des conséquences qui débordent le cadre de l'entreprise. En situation de concurrence, les fournisseurs ou utilisateurs peuvent généralement absorber les effets d'un conflit en ayant recours à d'autres entreprises. Or, dans le cas de la construction où le conflit s'étend à l'ensemble du Québec, les secteurs utilisateurs et les secteurs fournisseurs dont les activités n'excèdent pas les limites de la province ne peuvent recourir à des mesures alternatives et sont contraints de subir les conséquences du conflit sur lequel ils n'ont aucun contrôle.
- 122. Ces conséquences irrémédiables dues au conflit prolongé dans la construction sur des secteurs tiers et sur l'économie du Québec en général ont donc placé le gouvernement, face à cette grève de plusieurs jours et devant la perspective d'une grève illimitée, dans une situation d'urgence exceptionnelle; cette situation justifiait, selon lui, l'adoption de mesures extraordinaires pour favoriser un règlement du conflit.
- 123. A propos de l'impact social, le gouvernement estime que l'interruption des travaux de construction à l'échelle du Québec pour une période prolongée impliquait des conséquences sur le plan social telles que son intervention devenait nécessaire et impérieuse. Le gouvernement craignait une recrudescence importante de la violence à travers le pays. Au fur et à mesure que les journées de grève et de lock-out passaient, il constatait la résistance grandissante de certains employeurs face à l'interruption des travaux. Cette situation avait donné lieu, entre le 9 mai et le 3 juin 1986, à plusieurs actes de violence liés au conflit. Durant cette période, les parties s'étaient retranchées sur leur position, et les possibilités d'arriver à un règlement dans un avenir prévisible s'avéraient très ténues.
- 124. Par ailleurs, en raison de la forte intégration de la construction dans l'économie québécoise, un conflit prolongé aurait provoqué un grand nombre de pertes d'emploi dans les industries directement ou indirectement liées. Dans une période où le taux de chômage oscillait autour de 10 pour cent, l'impact non seulement économique, mais également social sur une grande proportion des travailleurs québécois devenait très important.
- 125. A propos du climat d'affrontement entre les parties, le gouvernement ajoute que, malgré l'intervention d'un conciliateur dont la compétence était unanimement reconnue dans les milieux concernés, aucun rapprochement significatif n'avait été effectué pendant les trois mois d'intenses négociations, de mars à juin 1986. A mesure que les pourparlers se poursuivaient, les parties s'étaient retranchées sur leurs positions initiales respectives, si bien que les négociations s'étaient retrouvées, au début de juin 1986, dans une impasse totale.
- 126. Le gouvernement espérait que l'exercice de moyens de pression et de négociations intenses permettrait un certain rapprochement entre les parties. Force avait été de constater que l'écart entre celles-ci demeurait toujours aussi grand au début du mois de juin 1986 et qu'une solution du conflit dans un délai prévisible demeurait impossible: les parties n'entendaient pas négocier avec une attitude de compromis, mais désiraient au contraire s'engager dans un affrontement qui ne pouvait se solder que par un acquiescement total de l'une des parties aux exigences de l'autre.
- 127. A cause de l'impact du conflit sur un grand nombre d'entreprises et d'individus qui ne pouvaient en contrôler l'issue, le gouvernement estime qu'il lui incombait d'intervenir et de trouver une solution pour dénouer la crise. Il n'a pas défini lui-même le contenu d'une nouvelle convention collective, mais il a choisi de faire appel au sens des responsabilités des parties en leur permettant de poursuivre les négociations avec l'aide d'un médiateur.
- 128. Cette mesure a produit l'effet positif escompté puisque les parties ont repris les négociations avec un nouvel esprit de compromis. Avec l'aide du médiateur nommé conformément à la loi no 106, les parties ont finalement réussi à conclure un accord. L'Association des entrepreneurs de construction du Québec, du côté patronal, et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (Internationale) ainsi que la FTQ-Construction, du côté syndical, ont signé une nouvelle convention collective le 29 août 1986. Les parties ont ensuite demandé, conformément à la loi, qu'un décret soit adopté afin que les conditions de travail prévues dans la convention collective puissent s'appliquer à l'ensemble de l'industrie de la construction du Québec. Un projet de décret a été publié dans la Gazette officielle du Québec le 5 décembre 1986, et le décret no 172/87 du 4 février 1987 sur la construction a été publié dans la Gazette officielle du 18 février 1987.
- 129. Le gouvernement considère que la loi no 106 est une mesure exceptionnelle et temporaire visant uniquement à favoriser un rapprochement entre les parties et la conclusion d'une nouvelle entente collective. Comme le prévoyait l'article 18 de la loi no 106, le gouvernement a en conséquence mis fin à son application par le décret no 1190/87 du 29 juillet 1987.
- 130. Pour conclure, le gouvernement estime que la législation québécoise prévoit que les conditions de travail des salariés de la construction sont négociées sur une base sectorielle par les employeurs et les syndicats dont la représentativité est établie démocratiquement. Ce processus permet la concrétisation des droits syndicaux à la négociation collective; il donne, par le fait, à un conflit de travail dans l'industrie de la construction qui s'étend à l'ensemble du Québec des proportions qui n'ont pas leur équivalent dans la plupart des autres secteurs. Les négociations en vue de renouveler les conditions de travail de ces salariés ont abouti, au printemps 1986, à une impasse totale; les positions maintenues par les parties malgré les efforts de conciliation ne permettaient pas d'entrevoir un règlement dans un délai raisonnable. Dans ce contexte, le gouvernement du Québec avait la responsabilité de trouver une solution pour favoriser un dénouement de l'impasse. Compte tenu de l'impact du conflit sur l'ensemble de l'économie du Québec et de sa population, le gouvernement n'avait d'autre choix que d'intervenir pour éviter les conséquences irrémédiables d'une interruption prolongée des activités de la construction. Il s'est refusé à imposer une nouvelle convention collective et a choisi de mettre en place un mécanisme susceptible de permettre un règlement entre les parties.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 131. La plainte du Congrès du travail du Canada est motivée par l'adoption, par le Parlement du Québec, le 17 juin 1986, d'une loi d'exception, la loi no 106 sur la reprise des travaux de construction, obligeant les travailleurs de la construction en grève à retourner au travail immédiatement et mettant fin, pour une période de trois ans, au droit de recourir à la grève dans ce secteur.
- 132. Les versions du plaignant et du gouvernement sur cette affaire sont partiellement contradictoires.
- 133. Selon le plaignant, devant l'échec des négociations entreprises depuis le 11 mars 1986, pour le renouvellement de la convention collective, les travailleurs se sont mis en grève légale, paisible et ordonnée, les 9, 16, 19, 23, 27 et 28 mai 1986 ainsi que les 2, 3 et 16 juin 1986, et les employeurs ont décrété le lock-out les 4, 5 et 6 juin 1986. Or, au milieu de la négociation, le Parlement du Québec a adopté la loi d'exception no 106, le 17 juin 1986, supprimant le droit de grève aux travailleurs de la construction pour trois ans et nommant un médiateur chargé d'aider les deux parties à conclure une entente collective avant le 1er août 1986, sinon le gouvernement pourrait fixer par décret les conditions de travail des salariés de la construction.
- 134. En revanche, selon le gouvernement, s'il est exact que la loi d'exception sur la reprise des travaux de construction a été adoptée, les raisons qui ont motivé cette intervention, de nature temporaire, tiennent au climat de violence qui prévalait dans le conflit et au climat d'affrontement entre les parties qui rendaient une solution du conflit, dans un délai acceptable, improbable, sinon impossible, malgré les efforts constants du conciliateur agréé par les deux parties. Elles tiennent aussi à l'impact de l'interruption prolongée des travaux de construction sur l'ensemble de l'économie québécoise.
- 135. Le gouvernement ajoute que son intervention a permis un rapprochement entre les deux parties et la conclusion, sous l'égide du médiateur, d'une convention collective, le 29 août 1986, rendue applicable par décret, à la demande des deux parties, à l'ensemble des industries de la construction. Il ajoute également qu'en date du 29 juillet 1987 le droit de grève a été rétabli.
- 136. Le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle, à la lumière de trois décisions rendues par la Cour suprême du Canada en avril 1987, la loi no 106 ne serait pas incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés, ni avec la Charte québécoise des droits et libertés et que, en conséquence, elle serait conforme au droit canadien.
- 137. Le comité, pour sa part, note que la loi no 106 sur la reprise des travaux de construction dispose, dans sa section II (art. 2), que les salariés qui ont cessé d'exécuter des travaux en raison d'une grève ou d'un lock-out doivent retourner au travail le 17 juin 1986 et, dans sa section VI (art. 18), que la section II cessera d'avoir effet à compter d'une date qui sera fixée par décret du gouvernement ou, au plus tard, le 30 avril 1989. Elle dispose aussi dans sa section IV (art. 8 à 11) que les négociations entre les parties doivent se poursuivre, qu'un médiateur chargé d'aider les parties à conclure une entente est nommé par le ministre du Travail, qu'il doit faire rapport au ministre sur l'état des négociations au 1er août 1986, et que, si les parties ne peuvent parvenir une entente, après que le médiateur a fait son rapport, le gouvernement peut fixer par décret les conditions de travail des salariés pour une période qu'il déterminera et qui pourra aller jusqu'au 30 avril 1989.
- 138. Pour ce qui le concerne, le comité relève en conséquence, avec préoccupation, que ce texte a imposé temporairement, mais à l'origine pour une période de trois ans, dans le secteur de la construction l'interdiction de recourir à la grève. Le comité rappelle l'importance qu'il a toujours attachée au principe selon lequel la grève est un des moyens essentiels dont doivent pouvoir disposer les travailleurs et leurs organisations pour défendre et promouvoir leurs intérêts professionnels.
- 139. Le comité a pris note de l'argument du gouvernement selon lequel la durée du conflit qui était ouvert depuis trois mois et pour lequel aucune solution ne semblait possible a justifié son action. Le comité ne peut accepter cet argument, étant donné que le gouvernement lui-même reconnaît que le conflit qui perdurait avait essentiellement des incidences économiques et sociales. La grève, dans le secteur de la construction, n'a donc pas mis en danger la vie, la sécurité ou la santé des personnes dans l'ensemble ou dans une partie de la population.
- 140. Le comité a par ailleurs pris note de l'argument du gouvernement relatif au climat de violence qui se serait développé pendant le déroulement de la grève. Sur ce point, le comité rappelle que les syndicalistes, à l'instar des autres personnes, doivent respecter la légalité et qu'il doit appartenir aux juridictions du pays concerné de traiter de la question d'éventuels actes de violence dans le cadre d'une bonne administration de la justice. Toutefois, de tels actes, s'ils avaient eu lieu, ne devraient pas entraîner, pour l'ensemble du secteur d'activité concerné, en l'occurrence pour le secteur de la construction, une interdiction générale de recourir à la grève.
- 141. Constatant qu'une convention collective a été élaborée le 29 août 1986 sous l'égide du médiateur et étendue par décret, à la demande des deux parties, à l'ensemble du Québec, le 18 février 1987, et constatant que le droit de grève a été rétabli dans ce secteur, le 29 juillet 1987, par le décret no 1190/87 portant la date à laquelle a cessé d'avoir effet la section II de la loi sur la reprise des travaux de construction, le comité estime qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de la question.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 142. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante: Le comité attire l'attention du gouvernement sur l'importance qui s'attache au principe selon lequel la grève est un des moyens essentiels dont doivent pouvoir disposer les travailleurs et, en particulier, les travailleurs de la construction et leurs organisations pour défendre et promouvoir leurs intérêts professionnels.