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- 36. La plainte de la Confédération générale des travailleurs du Venezuela (CGT) est contenue dans une communication du 3 avril 1990. La Centrale latino-américaine des travailleurs a appuyé la plainte susmentionnée dans une communication du 5 avril 1990. Le gouvernement a fait parvenir ses observations sur cette affaire dans une communication du 10 octobre 1990.
- 37. Le Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de la confédération plaignante
A. Allégations de la confédération plaignante
- 38. La Confédération générale des travailleurs du Venezuela (CGT) allègue dans sa communication du 3 avril 1990 que, le 30 janvier 1990, plus de 250 chauffeurs routiers membres du Syndicat unique des chauffeurs, conducteurs de poids lourds et assimilés de l'Etat de Bolívar (SUCHOGAND-BOLIVAR), qui travaillent pour 20 entreprises de transport privées de marchandises, concessionnaires de l'entreprise Siderúrgica del Orinoco (SIDOR), ont déclenché une grève illimitée. La CGT ajoute que l'objet de la grève était de revendiquer le rétablissement des conditions de travail modifiées par une soi-disant convention collective signée sans le consentement ni l'autorisation des travailleurs par un comité directeur illégitime (dont cinq des sept membres avaient été remplacés de manière irrégulière en avril 1989), en collusion avec les employeurs, et qui avait été déclaré légale par l'inspection du travail malgré les plaintes des travailleurs. Concrètement, la grève visait le rétablissement du remboursement des 20 pour cent de fret brut, en vigueur depuis plus de vingt-cinq ans dans ce secteur et que la prétendue convention collective susmentionnée (dont l'enregistrement avait été accepté par le ministère du Travail) avait remplacé par une échelle des salaires.
- 39. La CGT signale que le 19 décembre 1989 SUCHOGAND-BOLIVAR a désigné un nouveau comité directeur légitime et qu'il a expulsé les précédents dirigeants. Cependant, le ministère du Travail et les employeurs ont refusé de le reconnaître.
- 40. La CGT ajoute que le gouvernement a répondu à la grève déclenchée le 30 janvier 1990 par l'adoption du décret no 795 du 2 mars 1990 qui exige, en violation des conventions nos 87 et 98, la reprise du travail et la soumission du conflit à l'arbitrage obligatoire.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 41. Le gouvernement rétorque que les activités des conducteurs des entreprises de transport de la Corporación Venezolana de Guayana (CVG) et de Siderúrgica del Orinoco C.A. (SIDOR) ont été paralysées à partir du 30 janvier 1990 et que le ministère du Travail a été désigné comme médiateur dans ce conflit, en vue de promouvoir une solution de conciliation, toutefois les parties n'ont pas abouti à un accord; l'économie vénézuélienne ne pouvant supporter un conflit du travail qui cause des pertes énormes à une entreprise essentielle de l'Etat, non sans répercussions négatives évidentes pour la vie économique du pays et pour sa population, le pouvoir exécutif national a ordonné, par décret no 795 du 2 mars 1990, la reprise du travail dans les conditions qui prévalaient avant son interruption. Il a également soumis le conflit à la décision d'un conseil d'arbitrage, en indiquant que, si aucune des deux parties ne désignaient ses représentants dans les cinq jours, le ministère du Travail les désignerait d'office. Le gouvernement ajoute que, le 12 mars 1990, le ministère du Travail a dû désigner d'office, par la résolution no 537, le représentant des travailleurs auprès du conseil d'arbitrage, dès lors que les travailleurs avaient présenté deux propositions désignant un représentant différent, signe évident d'un conflit de représentativité et de légitimité.
- 42. En date du 20 mars 1990, poursuit le gouvernement, le Syndicat unique des chauffeurs, conducteurs de poids lourds et assimilés de l'Etat de Bolívar, la Fédération nationale autonome des syndicats de conducteurs, la Centrale générale des travailleurs du Venezuela et la Confédération générale des travailleurs du Venezuela ont déposé par écrit auprès de la Chambre politico-administrative de la Cour suprême de justice un recours en amparo constitutionnel et un recours contentieux administratif en annulation du décret présidentiel no 795 du 2 mars 1990 et de la résolution no 237 dictée par le ministère du Travail en date du 12 mars 1980. Par sa décision du 18 avril 1990, la Cour suprême a ordonné d'informer les requérants qu'ils devaient réparer, dans un délai de 48 heures, l'erreur qu'ils avaient commise en vertu de l'article 18 de la loi organique de recours en amparo sur les droits et les garanties constitutionnels en omettant de consigner dans le dossier les éléments de preuve concernant la désignation du représentant des travailleurs syndiqués et l'autorisation qui aurait dû être donnée par les travailleurs syndiqués d'engager un recours en amparo constitutionnel. De l'acte du 6 mars 1990 il ressort uniquement que des élections avaient bien eu lieu et qu'un représentant auprès du conseil d'arbitrage avait été désigné. Toutefois, aucune liste des travailleurs, qui aurait dû en principe être annexée, ne figurait au dossier. En date du 6 juin 1990, la Cour a jugé irrecevable le recours en amparo constitutionnel déposé par les citoyens Ernesto Rodríguez, qui se présentait comme secrétaire général du syndicat, et Pedro León Trujillo comme président de la CGT, la Chambre ayant estimé que les documents qui figuraient au dossier montraient bien qu'un conflit déchirait le syndicat concerné, qui connaissait des problèmes de légitimité et d'exercice de la représentation que s'attribuent deux groupes de responsables syndicaux. Le tribunal précise que les questions sous-jacentes au recours en amparo sont la liberté syndicale, la démocratie syndicale et la souveraineté et que, de ce fait "ceux qui avancent que ces droits ont été violés doivent être, effectivement, les représentants de l'organisation syndicale lésée". La Cour estime également qu'il y a bien conflit, comme le précise la sentence arbitrale, et que, de ce fait, "se prononcer dans la présente affaire reviendrait à admettre cette représentativité aux requérants"; elle déclare qu'"il est inopportun que le recours en amparo soit, directement ou indirectement, le moyen de décider qui est titulaire d'un droit, car le jugement rendu serait alors constitutif de ce même droit; or on sait bien la prudence qu'exige ce genre de décisions; la Cour doit se borner à constater la violation du droit constitutionnel et ordonner réparation".
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 43. Le comité fait remarquer que, d'après les allégations et la réponse du gouvernement, il existe au sein du Syndicat unique des chauffeurs, conducteurs de poids lourds et assimilés de l'Etat de Bolívar (SUCHOGAND-BOLIVAR) deux comités directeurs qui se proclament tous deux légitimes, celui qui est reconnu par le ministère du Travail (du moins aux fins de la négociation collective) étant désavoué par l'organisation plaignante; selon cette dernière, le ministère du Travail a accepté d'enregistrer une convention collective préjudiciable aux travailleurs, conclue entre le comité directeur illégitime et les transporteurs concessionnaires de la SIDOR, et refuse de reconnaître le comité directeur légitime. L'organisation plaignante estime que le décret no 795 du 2 mars 1990, qui met fin à la grève déclenchée le 30 janvier 1990 par les chauffeurs en vue du rétablissement des conditions de travail (salariales) modifiées par la prétendue et illégale convention collective, viole les conventions concernant la liberté syndicale. De manière générale, le comité observe que les faits allégués s'inscrivent dans un contexte de rivalité intersyndicale au sein d'un même syndicat. Le comité demande au gouvernement d'assurer que le conflit au sein d'un syndicat soit résolu par un vote des travailleurs de telle sorte que ceux-ci puissent être représentés par les dirigeants syndicaux de leur choix.
- 44. En ce qui concerne le décret no 795 du 2 mars 1990, qui a ordonné la reprise du travail aux chauffeurs routiers (en grève depuis le 30 janvier 1990) et qui a ordonné de soumettre le conflit à un conseil d'arbitrage, le comité fait remarquer que le gouvernement justifie ce décret par les pertes de l'entreprise sidérurgique de l'Orinoco et par les effets négatifs sur la vie économique du pays, mais n'allègue à aucun moment que la grève en question ne répond pas aux conditions légales ou à des répercussions sur la vie, la sécurité ou la santé de la population. Par ailleurs, le gouvernement n'a pas nié non plus que la grève organisée par le comité directeur légitime (selon l'organisation plaignante) a des objectifs syndicaux et vise plus précisément le rétablissement des conditions salariales en vigueur jusqu'au moment où le conseil directeur illégitime (pour l'organisation plaignante) a conclu une prétendue convention collective préjudiciable pour les travailleurs (en vue de remplacer le remboursement des 20 pour cent de fret brut, en vigueur depuis plus de vingt-cinq ans, par une échelle des salaires).
- 45. Dans ces conditions, le comité attire l'attention du gouvernement sur le principe qu'il a toujours soutenu, selon lequel "l'imposition par voie législative de l'arbitrage obligatoire à la place du droit de grève pour résoudre les conflits du travail ne peut se justifier que dans les services essentiels au sens strict du terme - à savoir les services dont l'interruption pourrait mettre en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population. En dehors de ces cas, il s'agirait d'une mesure contraire au droit des organisations de travailleurs d'organiser leur activité et de formuler leur programme d'action" (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 387; voir aussi 226e et 236e rapport, cas no 1190 (Colombie), paragr. 288 et 144, respectivement.) Etant donné que, dans le cas d'espèce, les services de transport du secteur sidérurgique n'entrent pas dans ce concept de services essentiels et que la grève n'a affecté qu'une partie des camionneurs, le comité regrette que le gouvernement ait promulgué le décret no 795 pour soumettre le conflit des chauffeurs en grève à l'arbitrage obligatoire et lui demande de prendre les mesures nécessaires pour que le recours à l'arbitrage obligatoire ne soit possible à l'avenir que pour les services essentiels au sens strict du terme.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 46. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement d'assurer que tout conflit au sein d'un syndicat soit résolu par le vote des travailleurs de telle sorte que ceux-ci puissent être représentés par les dirigeants syndicaux de leur choix.
- b) Le comité regrette que le gouvernement ait promulgué le décret no 795 pour soumettre le conflit des chauffeurs en grève à l'arbitrage obligatoire. Il lui demande de prendre les mesures nécessaires pour que le recours à l'arbitrage obligatoire ne soit possible à l'avenir que pour les services essentiels au sens strict du terme.