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- 844. La plainte figure dans une communication du 20 mai 2004 de la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT).
- 845. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication du 5 novembre 2004.
- 846. Le Venezuela a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants - 847. Dans sa communication du 20 mai 2004, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) affirme que, le 15 mars 2002, la commission électorale du Syndicat unique des travailleurs de la santé et des institutions publiques et privées de la sécurité sociale de l’Etat de Carabobo (SUTRASALUD CARABOBO) a annoncé les résultats des élections du conseil de direction dudit syndicat et a fait prêter serment aux membres du conseil en question. Le 23 avril 2002, MM. Carlos Viloria et Jesús Pinto ont contesté le processus électoral devant le Conseil national électoral (invoquant le fait qu’un des bureaux de vote qui devait constituer quatre tables de vote, le nombre d’électeurs s’élevant à 1 217, n’en a constitué qu’une seule, contrairement au règlement électoral, ce qui a empêché de nombreux électeurs d’exercer leur droit de vote). Dans la résolution du 5 novembre 2003, le Conseil national électoral (CNE) a ordonné la reprise des élections dans le bureau de vote en question, le 19 novembre 2003. Ledit bureau a dû, pour l’occasion, constituer quatre tables de vote et le scrutin a confirmé les résultats obtenus auparavant dans les autres bureaux de vote.
- 848. Le président de SUTRASALUD CARABOBO a déposé une requête devant la Cour suprême de justice demandant au juge d’annuler ladite résolution du CNE et a intenté un recours en amparo, dont il s’est cependant désisté en février 2004 parce que la Cour n’avait pas suspendu le vote (partiel) ordonné par le CNE. Par conséquent, le président a déposé un recours devant le CNE mais ce dernier ne s’est pas prononcé sur la question.
- 849. La CLAT signale que, lorsqu’ils ont déposé le recours devant le CNE, MM. Carlos Viloria et Jesús Pinto, auteurs de la plainte contre le processus électoral déposée le 26 mars 2002, ne faisaient plus partie de SUTRASALUD CARABOBO parce qu’ils avaient formé une entité syndicale parallèle. Ainsi, la qualité de membre de SUTRASALUD CARABOBO leur faisait défaut. Bien que cette allégation ait été présentée devant le CNE, ce dernier a quand même pris une résolution le 5 novembre 2003 ordonnant la reprise des élections. Pendant ces élections, qui ont eu lieu le 19 novembre 2003 dans le bureau de vote no 10, secteur no 5, du SUTRASALUD CARABOBO, situé dans le centre hospitalier Enrique Tejera de Valencia dans l’Etat de Carabobo, le ministre de la Santé du gouvernement national, la Garde nationale et la Direction des services de renseignement et de prévention (DISIP), soit la police politique de l’Etat, sont intervenus avec violence. L’organisation plaignante précise:
- – qu’une commission de la DISIP protégée par le ministre de la Santé et appuyée par la Garde nationale a surveillé la commission électorale pendant le transfert des bulletins à un endroit différent de celui qui avait été convenu pour le dépouillement des votes;
- – que par le biais d’une opération de commandos, la Garde nationale, accompagnée de militants du parti au pouvoir (Movimiento V República), a attribué plus de 300 votes à la liste 4; et
- – que la Garde nationale, accompagnée de militants du parti au pouvoir, a attaqué le siège de SUTRASALUD CARABOBO, qui est toujours occupé.
- 850. Par ailleurs, la liste 3, qui correspond à la tendance politique et au groupe électoral auquel appartient le président du syndicat et qui, selon les résultats des élections du 26 mars 2002, était majoritaire au sein du Conseil de direction de SUTRASALUD CARABOBO, a connu encore une fois un triomphe marquant en l’emportant de plus de 500 votes. Ces derniers ont «disparu» du dépouillement des votes réalisé par la Garde nationale et la DISIP qui ont mis sous séquestre le matériel électoral et ont changé les résultats en faveur de la liste 4 (favorable au gouvernement).
- 851. A cause de l’occupation par la violence du siège de SUTRASALUD CARABOBO par les forces de sécurité de l’Etat, il a été interdit pendant trois mois, tant au président du syndicat qu’aux autres dirigeants de la liste 3, d’accéder au siège en question. Ce dernier se trouve sous surveillance continue de la Garde nationale depuis le 19 novembre 2003. Les portes et les cadenas du siège ont été cassés, les grilles ont été détruites, et, que ce soit pour l’usage personnel des membres de la liste 4 ou pour faciliter leurs actions, tout le mobilier, le matériel, les archives et d’autres biens qui sont la propriété du syndicat ont été saisis.
- 852. Le Conseil national électoral a validé les résultats des élections qui se sont déroulées le 19 novembre 2003 par le biais d’une nouvelle résolution datée du 27 février 2004. Cette résolution indique que les autorités ont protégé et approuvé la présence illégitime, illégale, arbitraire et violente d’autres personnes que les membres du Conseil de direction de SUTRASALUD CARABOBO au siège de l’organisation syndicale (surveillée par les forces de sécurité gouvernementale) entre le 19 novembre 2003 et le 27 février 2004, soit pendant trois mois et huit jours.
- 853. Pour les motifs évoqués ci-dessus, le président du syndicat a déposé un recours en matière de contentieux électoral devant la Chambre électoral de la Cour suprême de justice contre la résolution qui a validé les résultats des élections (à la date de la plainte, le jugement se trouvait au stade de l’instruction).
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement - 854. Dans sa communication du 5 novembre 2004, le gouvernement a envoyé copie de la décision no 85 rendue le 8 juin 2004 par la Chambre électorale de la Cour suprême de justice relativement au cas en question.
- 855. Il ressort des actions déposées devant les instances nationales que, dans un document daté du 10 mars 2004, M. José Mogollón, agissant en son nom personnel et en qualité de président du Syndicat unique des travailleurs de la santé et des institutions publiques et privées de la sécurité sociale de l’Etat de Carabobo (SUTRASALUD CARABOBO), a déposé un recours en matière de contentieux électoral contre la résolution du Conseil national électoral, ainsi qu’une demande de suspension des effets des résultats électoraux. Cette résolution no 040122-06, datée du 22 janvier 2004 et publiée dans le Journal électoral no 189 du 27 février 2004, avait reconnu la validité du processus électoral qui avait eu lieu au sein du susdit syndicat. La requête se fondait sur les éléments suivants:
- Le plaignant a présenté une série de plaintes contre la reprise partielle de l’acte de vote dans le cadre des élections du Syndicat unique des travailleurs de la santé et des institutions publiques et privées de la sécurité sociale de l’Etat de Carabobo (SUTRASALUD CARABOBO), à savoir: (nous avons souligné le texte)
- i) l’invalidité de la Commission électorale syndicale qui a conduit la reprise partielle de l’acte de vote;
- ii) l’invalidité des actes de constitution des tables de vote et du dépouillement des votes si l’on tient compte des dispositions de l’article 216 de la loi organique sur le suffrage et la participation politique;
- iii) la nullité des votes à cause de l’illégalité de la constitution des tables considérant les dispositions de l’article 218 de la loi organique sur le suffrage et la participation politique;
- iv) le manque de témoins appartenant à un parti adverse à la prétendue liste gagnante à cause de l’intervention de la Garde nationale;
- v) le désaccord avec les résultats électoraux;
- vi) la nullité des actes de scrutin; et
- vii) l’inéligibilité de MM. Carlos Viloria et Jesús Pinto.
- 856. Ces plaintes constituent le fondement de la violation présumée des droits syndicaux. Au vu de ces arguments, la Chambre électorale de la Cour suprême de justice a déclaré:
- A ce sujet, il ressort de la jurisprudence de la présente Chambre électorale (cf. Décision de la Chambre électorale no 117, le 12 juin 2002) que l’acte de «reconnaissance de la validité» d’un processus électoral syndical est un acte formel effectué par l’organe le plus élevé du pouvoir électoral qui a le rôle d’«organiser» le processus électoral syndical (article 293, paragraphe 6, de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela). Ce pouvoir, tout en respectant la liberté syndicale reconnue à l’article 95 de la Constitution, se prononce sur la présence de certaines conditions objectives nécessaires à la détermination des représentants des organisations syndicales (selon l’article 56 du Statut spécial sur le renouvellement des instances dirigeantes syndicales établi par le Conseil national électoral, il s’agit de recevoir les actes de totalisation, de répartition et de proclamation et de vérifier le respect du projet électoral défini qui est prévu) et ne se prononce pas de façon exhaustive sur la légalité de la procédure en question. Ainsi, même après ladite «reconnaissance», les requérants peuvent déposer les recours administratifs prévus devant le CNE (à condition qu’ils respectent les délais fixés par ce dernier) contre les actes électoraux relevant des commissions électorales syndicales. (nous avons souligné le texte)
- 857. C’est pour la raison évoquée ci-dessus que la décision de la Chambre électorale no 117 du 12 juin 2002 souligne:
- ... considérant que la prétention de cette procédure est de frapper de nullité ladite résolution, les allégations qui sont exposées dans l’action doivent s’y rapporter de façon à ce qu’il y ait une correspondance entre l’exposition des faits et la prétention. Dans le cas contraire, les arguments manqueraient de pertinence et d’adéquation relativement à la résolution de la controverse et, par conséquent, le juge devra les rejeter. En effet, la révision de la résolution entraînerait l’absence d’un lien logique et correct entre ce qui a été décidé et les motifs de cette décision. Ce manque de logique nuirait ainsi au droit à une protection juridique effective. (nous avons souligné le texte)
- La Chambre conclut que les arguments de l’appelant devaient être formulés contre la reconnaissance de l’élection syndicale (acte attaqué) et non contre l’élection du Syndicat unique des travailleurs de la santé et des institutions publiques et privées de la sécurité sociale de l’Etat de Carabobo (SUTRASALUD CARABOBO) parce qu’il doit y avoir adéquation entre les faits et les allégations présentés, d’une part, et l’acte attaqué, d’autre part, en l’occurrence, la reconnaissance de la validité de la susdite procédure électorale remise en question. (nous avons souligné le texte)
- 858. Dans cette décision, la Chambre électorale a prononcé un non-lieu relativement à la requête déposée le 10 mars 2004 par M. José Mogollón contre la résolution du Conseil national électoral no 040122-06 du 22 janvier 2004. Cette résolution, publiée dans le Journal électoral no 189 du 27 février 2004, a autorisé la reconnaissance de la validité du processus électoral qui a eu lieu au sein du Syndicat unique des travailleurs de la santé et des institutions publiques et privées de la sécurité sociale de l’Etat de Carabobo (SUTRASALUD CARABOBO).
- 859. En se fondant sur ce qui vient d’être exposé et sur l’évaluation juste des documents remis, le gouvernement espère que cette plainte sera rejetée parce qu’elle manque de substance et qu’une adéquation entre les faits et les allégations exposés est nécessaire.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité - 860. Le comité note que l’organisation plaignante s’oppose à l’intervention abusive des autorités dans les élections syndicales du syndicat SUTRASALUD CARABOBO, en mars 2002.
- 861. Le comité note que la Chambre électorale de la Cour suprême de justice a prononcé un non-lieu dans sa décision du 8 juillet 2004 relativement à la requête déposée le 10 mars 2004 par M. José Mogollón, ex-président de SUTRASALUD CARABOBO, contre la résolution du Conseil national électoral no 040122-06 du 22 janvier 2004. Cette résolution, publiée dans le Journal électoral no 189 du 27 février 2004, a validé le processus électoral tenu au sein de SUTRASALUD CARABOBO le 19 novembre 2003. Ce processus électoral était une reprise partielle du processus électoral précédent (mars 2002) ordonnée par une décision du Conseil nation électoral.
- 862. Le comité note que, pour les raisons évoquées dans la résolution de la Chambre électorale et reprises dans la réponse du gouvernement, ladite chambre n’a pas examiné en détail plusieurs plaintes déposées par le plaignant (ex-président de SUTRASALUD CARABOBO) contre la reprise partielle de l’acte de vote des élections de SUTRASALUD CARABOBO le 19 novembre 2003, à savoir:
- i) l’invalidité de la Commission électorale syndicale qui a conduit la reprise partielle de l’acte de vote;
- ii) l’invalidité des actes de constitution des tables de vote et du dépouillement des votes conformément aux dispositions de l’article 216 de la loi organique sur le suffrage et la participation politique;
- iii) la nullité des votes à cause de l’illégalité de la constitution des tables de vote conformément aux dispositions de l’article 218 de la loi organique sur le suffrage et la participation politique;
- iv) l’absence de témoins appartenant à un parti adverse à la prétendue liste gagnante à cause de l’intervention de la Garde nationale;
- v) le désaccord avec les résultats électoraux;
- vi) la nullité des actes de scrutin; et
- vii) l’inéligibilité de MM. Carlos Viloria et Jesús Pinto.
- 863. Dans son recours, l’ex-président de SUTRASALUD CARABOBO affirme par exemple que, le 19 novembre 2003, la Commission électorale, qui avait empêché trois scrutateurs principaux d’assister à l’acte de vote, n’était pas conforme aux règlements concernant le nombre de membres requis. Ainsi, les actes ont été signés par seulement deux membres contrairement à ce qui est prévu dans les règlements syndicaux.
- 864. Le comité fait remarquer qu’il a déjà remis en cause le rôle attribué au Conseil national électoral par la Constitution et par la loi, qui l’autorisent à organiser, superviser et annuler les élections syndicales. En effet, le comité considère que l’organisation des élections incombe exclusivement aux organisations syndicales, conformément à l’article 3 de la convention no 87, et que la compétence de les annuler relève d’une autorité judiciaire indépendante, la seule qui puisse assurer avec suffisamment de garanties le droit de défense et une procédure en bonne et due forme. Par ailleurs, l’organisation plaignante a mis l’accent sur la présence et l’intervention de la Garde nationale et d’autres autorités pendant les élections (partielles) dont le Conseil national électoral avait ordonné la reprise le 19 novembre 2003 dans un des bureaux de vote. De plus, le comité souligne le retard du Conseil national électoral (CNE) qui ne s’est prononcé sur les élections syndicales de mars 2002 que le 5 novembre 2003 et de la Chambre électorale de la Cour suprême de justice qui s’est prononcée le 8 juillet 2004 sur la décision du CNE sans mentionner les arguments de la partie plaignante. Le comité déplore l’ingérence de plusieurs organes étatiques, y compris le Conseil national électoral, dans les élections syndicales de SUTRASALUD CARABOBO et demande au gouvernement que, dorénavant, les autorités publiques ne s’ingèrent pas dans les élections syndicales et que leur annulation éventuelle ne puisse être décidée que par l’autorité judiciaire. Cependant, considérant le temps qui s’est écoulé depuis les élections de mars 2002 et que la Chambre électorale s’est prononcée sur la question en juin 2004, le comité estime qu’il ne peut pas recommander une nouvelle reprise des élections.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 865. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité déplore l’ingérence de plusieurs organes étatiques, y compris le Conseil national électoral, dans les élections syndicales de SUTRASALUD CARABOBO et demande au gouvernement que, dorénavant, les autorités publiques ne s’ingèrent pas dans les élections syndicales et que leur annulation éventuelle ne puisse être décidée que par une autorité judiciaire indépendante.