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Allégations: Les organisations plaignantes contestent la décision de la direction du service du Trésor public de déduire des salaires des travailleurs les jours pendant lesquels ils ont pris part à une paralysie d’activités
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387. La plainte figure dans une communication de l’Association nationale des fonctionnaires du Trésor public du Chili (ANEIICH) et de l’Association des contrôleurs du Trésor public du Chili (AFIICH) d’octobre 2011. Par une communication en date du 17 mai 2012, les organisations plaignantes ont fait parvenir des informations complémentaires.
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388. Le gouvernement a adressé ses observations dans une communication en date du 16 octobre 2012.
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389. Le Chili a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes
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390. Dans leur communication d’octobre 2011, l’Association nationale des fonctionnaires du Trésor public du Chili (ANEIICH) et l’Association des contrôleurs du Trésor public du Chili (AFIICH) déclarent présenter une plainte pour atteinte à la liberté syndicale en vertu de l’application, par l’autorité supérieure du Service du Trésor public (SII), de normes qui interdisent la négociation et la grève, eu égard à la paralysie survenue lors de la dernière négociation du réajustement général des rémunérations du secteur public, laquelle s’est déroulée de novembre à décembre 2010. Selon les organisations plaignantes, le Service du Trésor public a défendu, au moyen de poursuites judiciaires engagées par son directeur national et son sous-directeur juridique, l’application d’une réglementation qui contrevient aux droits reconnus aux fonctionnaires dans les conventions sur la liberté syndicale, et en particulier dans la convention no 151 de l’OIT, et a fait valoir le bien-fondé de l’application de dispositions obsolètes de la Constitution politique et du Statut administratif qui interdisent la grève et la négociation dans le secteur public, notamment en ce qui concerne l’application du point i) de l’article 84 du Statut administratif, qui interdit de «diriger, promouvoir ou participer à des grèves, interruptions ou paralysies d’activités, totales ou partielles».
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391. Les organisations plaignantes indiquent que, depuis le rétablissement des institutions démocratiques en 1990, les gouvernements chiliens ont négocié le réajustement général des rémunérations du secteur public avec le Bureau du secteur public qui coordonne la Centrale unitaire des travailleurs, laquelle comprend les présidents des organisations de travailleurs suivantes: ANEF, AJUNJI, ANTUE, ASEMUCH, Collège des professeurs, CONFUSAM, CONFEMUCH, CONFENATS, Collège des infirmières du Chili, FENAFUCH, FENAFUECH, FENTESS, FENATS Unitaria, FAUECH, FENPRUSS et FENFUSSAP. La négociation se déroule chaque année entre les mois d’octobre et novembre et, du fait de la nature statutaire de la relation juridique qui unit les fonctionnaires et l’Etat en sa qualité d’employeur, une fois le processus de tenue de réunions entre les parties mené à son terme, l’exécutif remet au Congrès national le projet de loi concerné, avec ou sans l’accord des parties, selon le cas. Ces négociations ne se sont pas toujours terminées par la signature d’accords par les parties et, au cours de bon nombre d’entre elles, les fonctionnaires ont dû recourir à la grève comme moyen de pression pour obtenir des améliorations de la proposition du gouvernement.
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392. Les organisations plaignantes ajoutent que l’on estime à environ 178 230 fonctionnaires l’ensemble des effectifs des organisations représentatives de fonctionnaires et de travailleurs qui négocient, et la couverture générale des accords qu’elles négocient a des répercussions sur plus de 692 792 fonctionnaires. La pratique de la négociation collective dans le secteur public du Chili dépasse le contenu des normes constitutionnelles et légales, qui ne reconnaissent et ne règlementent pas le droit des fonctionnaires de négocier. Les organisations du secteur public sont les entités chargées de négocier ce qui relève du droit du travail et, pour ce qui est de l’Etat, il est représenté par les pouvoirs publics correspondant aux différents niveaux concernés, sous la supervision de la direction du budget du ministère des Finances, en particulier de la division de la rationalisation et de la fonction publique. Les avantages obtenus dans les négociations sont d’application générale, ainsi qu’il découle du régime juridique qui règlemente les rémunérations dans ce secteur, de sorte que les avantages négociés s’appliquent à tous les fonctionnaires des services affiliés à l’organisation qui négocie.
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393. Selon les organisations plaignantes, trois accords de branche ont également été négociés avec le gouvernement, par l’entremise du Groupement national des employés du ministère public (ANEF), accords à partir desquels ont été édictées les lois no 19553 sur la modernisation de l’Etat et la gestion publique, no 19882 sur le nouveau traitement, et no 20212 portant modification des lois antérieures et mettant en place des dispositions d’encouragement au départ à la retraite. Les organisations plaignantes disent avoir également participé aux processus de modernisation du service pour lequel travaillent leurs membres, parvenant ainsi à atteindre un niveau d’excellence dans les prestations fournies. Elles relèvent à cet égard que le dernier rapport remis en 2009 par l’Etat du Chili à l’Organisation internationale du Travail au sujet de la mise en œuvre de la convention no 151 de l’OIT indiquait ce qui suit: «Pratique nationale relative à la convention. a) Accords généraux entre le gouvernement et les organisations professionnelles du secteur public. A partir des gouvernements de la Concertation (de l’année 1990 à ce jour), une pratique annuelle a été instaurée par laquelle le gouvernement négocie avec les représentants des différentes associations de fonctionnaires du secteur public un réajustement général des rémunérations. Les entités participantes sont les organisations représentant le secteur public central, décentralisé, municipal, les services transférés, les professeurs dépendant des municipalités et les établissements privés de l’enseignement subventionné, y compris ceux de l’administration déléguée, ainsi que les universités d’Etat. Le secteur public est placé sous la coordination de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT). De son côté, le gouvernement est représenté par le ministère des Finances et le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale.»
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394. Les organisations plaignantes affirment que le gouvernement ne saurait méconnaître le droit des fonctionnaires à négocier collectivement, étant donné qu’il s’est engagé à adopter les mesures appropriées pour permettre la mise en œuvre de la convention no 151 de l’OIT et, dans ce contexte, a maintenu une pratique incorporant la négociation comme mécanisme de détermination des conditions communes de travail et de rémunération des fonctionnaires, en faisant concorder les avantages salariaux et les systèmes d’encouragement de telle sorte qu’ils s’appliquent à l’ensemble de l’administration publique.
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395. Les organisations plaignantes indiquent que la pratique qui s’est développée en matière de négociations au cours des vingt dernières années entre les pouvoirs publics et diverses organisations de travailleurs représentatives des fonctionnaires fait partie d’une définition politique qui, jusqu’en 2010, reconnaissait le droit des fonctionnaires à prendre part à la détermination de leurs conditions communes d’emploi. Conformément à cette pratique, c’est de bonne foi et protégés par une pratique nationale en conformité avec les obligations de l’Etat en matière de liberté syndicale que les fonctionnaires du SII participent à la négociation de 2010 sur le réajustement du secteur public, en exerçant également de bonne foi leur droit de grève, à l’instar de ce qui s’était fait à de multiples reprises au cours des vingt dernières années.
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396. Les organisations plaignantes allèguent que, à la suite de la négociation salariale pour le dernier réajustement du secteur public et de la paralysie des activités par les agents du secteur public à la fin de l’année 2010, plusieurs services publics ont opéré des déductions sur les rémunérations des travailleurs ayant pris part à cette paralysie des activités, au motif qu’ils étaient tenus de le faire en application de l’article 72 du Statut administratif, qui interdit que des rémunérations soient perçues pour les périodes pendant lesquelles une personne n’a pas effectivement travaillé. Il convient de signaler que, pour procéder à ces déductions spécifiques, les autorités respectives ont demandé des rapports aux préfectures intermédiaires, ce qui a donné lieu à des informations hétérogènes en termes de qualité et de véracité, qui ont finalement débouché sur des déductions arbitraires et illégales.
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397. Dans le cas du SII, le 17 janvier 2011, les rémunérations correspondant à la période qui devait être payée le 19 janvier 2011 n’ont pas été publiées comme il était d’usage de le faire. Les dirigeants des organisations plaignantes ont donc pris contact avec le responsable pour lui en demander la raison, et ils ont alors été informés que des déductions seraient opérées sur les rémunérations. Dans ce contexte, le 19 janvier 2011, le directeur du SII et le sous-directeur des ressources humaines du service ont confirmé les déductions imposées, selon les modalités précisées au cours de la réunion par le ministre des Finances, aux fonctionnaires ayant prétendument participé à l’arrêt de travail et aux mobilisations auxquels avait appelé le Bureau du secteur public, sur la base de listes communiquées par des préfectures régionales, établies de manière informelle et sans informer les personnes concernées ou leurs associations.
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398. Les organisations plaignantes déclarent que, en vertu des pouvoirs que leur confère la loi no 19296, elles ont demandé aux autorités des informations sur la liste nominative des fonctionnaires affiliés pour lesquels une déduction avait été opérée sur leurs salaires de janvier, et les montants respectifs correspondant, pour chacun d’eux, aux journées de mobilisation de l’ANEF. Elles ont aussi demandé à être informées des précédents à l’appui de l’application desdites déductions, ce qui leur a été refusé. Les associations de fonctionnaires ont alors recouru à une action en protection des garanties constitutionnelles, prévue par l’arsenal juridique chilien, mettant en avant l’illégalité et le caractère arbitraire des déductions. Il était évident que le caractère arbitraire et disproportionné des déductions masquait l’intention d’affaiblir l’exercice de la grève et les organisations elles-mêmes, puisqu’il portait préjudice à un nombre important d’affiliés, dans des circonstances dans lesquelles la paralysie d’activités était absolument légitime et avait été exercée de bonne foi, au cours d’un processus de négociation régulière avec l’autorité politique, dans le cadre de l’application pratique de la convention no 151 de l’OIT, et selon les modalités suivies au cours des vingt dernières années.
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399. Les organisations plaignantes font savoir que les actions en protection ont donné lieu aux recours en protection nos 544-2011 et 545-2011, dans lesquels a été exigée la légalité des déductions sur les rémunérations, qui avaient lésé 2 074 fonctionnaires du fait de montants de déductions disproportionnés, sans rapport avec l’importance de la paralysie de l’activité, et ce dans le cadre d’une procédure arbitraire ne respectant pas les garanties élémentaires de la procédure administrative. Selon les organisations plaignantes, le 16 septembre 2011, la septième chambre de la cour d’appel de Santiago a fait droit aux recours en protection des organisations plaignantes, déclarant que la défenderesse avait porté atteinte aux garanties constitutionnelles des personnes lésées en procédant à une déduction massive sans avoir recours à une procédure appropriée, ordonnant la restitution des rémunérations déduites, et déclarant qu’il n’y avait pas lieu d’opérer une quelconque déduction au titre d’une paralysie d’activité, «tant que n’aurait pas été déterminé de manière irréfutable, au moins par une enquête sommaire digne de foi, le nombre d’heures pendant lesquelles les appelants n’ont pas travaillé». Les arrêts reconnaissent le pouvoir hiérarchique du service d’adopter des décisions dans le cadre de ses compétences, mais nient la légalité de l’exercice de ce pouvoir dans les déductions opérées par le SII, faisant valoir des «manques de contrôle et de respect des procédures» et le non-respect du principe de «transparence» et du «principe du contradictoire» énoncés dans la loi no 19880 concernant les bases des procédures administratives des organes de l’Etat.
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400. Selon les organisations plaignantes, dans le cadre de l’examen du recours en appel, le SII a fait part de sa volonté de sanctionner cet exercice des droits syndicaux, en réaffirmant que la paralysie d’activités enfreint l’interdiction de «diriger, promouvoir ou participer à des grèves, interruptions ou paralysies d’activités, totales ou partielles», visée à l’article 84, point i) du Statut administratif; mais ce qui est plus grave, c’est que cela a pour conséquence logique de laisser entendre que l’exercice de la grève constitue une infraction aux interdictions énoncées dans le Statut administratif, ce qui expose les travailleurs à l’application des règles de détermination de la responsabilité administrative, à savoir l’enquête sommaire ou l’enquête administrative auxquelles se réfèrent les articles 119 et 121 du Statut administratif, lesquels stipulent à cet effet que: article 119: «l’employé qui manque à ses obligations ou devoirs de fonctionnaire pourra faire l’objet de l’inscription d’un blâme dans son dossier professionnel ou de mesures disciplinaires», ajoutant ensuite que: «les fonctionnaires encourront une responsabilité administrative lorsque l’infraction à leurs devoirs et obligations sera susceptible de se voir appliquer une mesure disciplinaire, laquelle devra être justifiée par une enquête sommaire ou une enquête administrative»; et, article 121: «les fonctionnaires pourront faire l’objet des mesures disciplinaires suivantes: a) blâme; b) amende; c) suspension de l’emploi allant de trente jours à trois mois, et d) révocation. Les mesures disciplinaires seront appliquées en tenant compte de la gravité de la faute commise et des circonstances atténuantes ou aggravantes que leur dossier fera apparaître.»
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401. Les organisations plaignantes considèrent que, dans ce contexte, si l’on maintient la décision soutenue par le SII et si on lui permet de s’immiscer dans la décision de la Cour suprême de justice – qui acceptera finalement les recours en protection interjetés par les organisations plaignantes – l’application des règles qui interdisent l’exercice de la grève entraînera la révocation des fonctionnaires qui auraient participé ou participeraient à l’avenir à des paralysies d’activités, ce qui représente une atteinte à la liberté syndicale sans précédent dans l’histoire démocratique du Chili, que l’on peut seulement assimiler aux persécutions infligées au mouvement syndical chilien dans les années soixante-dix.
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402. En résumé, les organisations plaignantes indiquent que: 1) les mesures et décisions adoptées par le directeur du service du Trésor public attaquent la négociation la plus importante menée par les agents de la fonction publique chiliens et menacent en outre l’emploi de tout le personnel que l’autorité a décidé et décide arbitrairement de sanctionner pour avoir fait grève, puisque, en persévérant dans l’intention de demander la déclaration d’illégalité des grèves dans le secteur public, elles pourraient aller jusqu’à faire courir aux fonctionnaires le risque d’être révoqués; 2) l’absence d’un mécanisme approprié pour pouvoir déterminer les déductions à opérer en cas de paralysies d’activités ne saurait porter atteinte au droit au conflit dont disposent les agents de la fonction publique, notamment les agents syndiqués, du fait de l’insistance des autorités supérieures du SII à appliquer les normes légales qui interdisent la grève, dans des situations où la paralysie d’activités est un moyen de pression légitimement utilisé par les organisations de fonctionnaires chiliens dans le cadre de leurs négociations, avec une légitimité totale y compris avant même la ratification de la convention no 151, comme l’a reconnu la cour d’appel de Santiago dans ses arrêts statuant sur les recours des organisations plaignantes; et 3) le SII n’a pas garanti de respecter le droit de faire grève, qu’il estime «illégal», avertissant qu’il engagera des poursuites en responsabilité administrative en cas de refus des déductions arbitraires appliquées aux rémunérations des agents syndiqués. Il s’agit là d’une condition inacceptable car elle revient à admettre l’absence d’un mécanisme ou d’une procédure objective, transparente et juste pour la détermination des déductions, ce qui affaiblirait le droit lui-même. Enfin, les organisations plaignantes prient le comité de demander au gouvernement d’adopter dans les plus brefs délais les mesures visant à empêcher l’application de l’interdiction de la grève dans le secteur public. Pour terminer, dans leur communication du 18 mai 2011, les organisations plaignantes font savoir qu’elles ont déposé une communication auprès de la commission d’éthique de la Cour suprême de justice concernant une juge du tribunal qui a rendu deux arrêts jugeant que les déductions ont été opérées dans le strict respect de la légalité.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
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403. Dans sa communication du 25 octobre 2012, le gouvernement rappelle que la réclamation présentée par l’ANEIICH et l’AFIICH allègue, en résumé, des pratiques qui nuiraient à la liberté syndicale et à la négociation collective dans le secteur public, le non-respect de la convention no 151 de l’OIT en la matière et l’application de réglementations interdisant la grève par l’autorité supérieure du Service du Trésor public (SII). Les agissements des autorités du SII qui, selon les organisations plaignantes, porteraient atteinte à la liberté syndicale et à la négociation dans le secteur public et qui auraient lésé les fonctionnaires de l’ANEIICH et de l’AFIICH, se rapporteraient aux déductions opérées en janvier 2011 sur les rémunérations des fonctionnaires ayant participé à des grèves et n’ayant pas fait normalement leur travail.
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404. Le gouvernement a ensuite demandé aux autorités du SII leurs observations à ce sujet et elles ont indiqué que les déductions en question opérées sur les rémunérations des fonctionnaires s’inscrivaient dans le cadre légal chilien, citant à cet effet en détail les articles 1 et 19, point 16, dernier alinéa de la Constitution politique de la République; les articles 3 et 62, point 8, de la loi no 18575; et les articles 61 et 72 du Statut administratif, le tout venant s’ajouter aux décisions prises en la matière par le Département de Contrôle général de la République – ci-après la CGR. Le SII a par ailleurs indiqué que, en application de la réglementation mentionnée, ainsi que des critères énoncés dans les instructions et les avis de la CGR, le secteur chargé des rémunérations du service a commencé, à la demande écrite des préfectures directes, à imputer aux fonctionnaires ayant adhéré à la paralysie d’activités signalée les déductions découlant de leur nombre d’heures non travaillées.
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405. En ce qui concerne la procédure employée par le SII pour opérer les déductions, ce service a indiqué que la procédure de déduction et les précédents en la matière ont été soumis à révision juridictionnelle, ce qui a eu pour résultat le dépôt de deux recours en protection par les associations de fonctionnaires du SII. Les deux recours ont été rejetés par des arrêts prononcés par la Cour suprême de justice le 19 janvier 2012 (Inscriptions à la Cour no 10788-2011 et no 10790-2011), dans lesquels les déductions et la procédure employée pour les effectuer ont été validées. En outre, le SII a indiqué que les décisions de la plus haute instance judiciaire avaient conclu que la procédure de déduction qu’il avait suivie avait été appliquée dans le strict respect de la légalité et était basée sur des critères techniques, ce qui avait conduit cette haute instance judiciaire à conclure qu’il convenait de rejeter toute présomption d’absence de caractère raisonnable de la procédure employée et à établir que la procédure en question ne présentait pas le moindre élément de caractère arbitraire.
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406. Enfin, pour ce qui a trait à la dénonciation de pratiques qui nuiraient au respect de la convention no 151 de l’OIT et à l’application de normes interdisant la grève par des autorités supérieures du SII, ces dernières ont signalé que, si la convention no 151 est effectivement encline à protéger les droits syndicaux des fonctionnaires, parmi lesquels on pourrait, avec une interprétation large, aller jusqu’à inclure la protection du droit à négocier collectivement, elles sont convaincues qu’il ne peut pas exister de marge permettant la convention no 151 comme protégeant les paralysies d’activités et les grèves dans le secteur public, attendu que le texte de la convention s’oppose à celles-ci. Elles ont en outre fait remarquer que la partie V, article 8, de la convention no 151 intitulée «Règlement des différends» dispose: «Le règlement des différends survenant à propos de la détermination des conditions d’emploi sera recherché, d’une manière appropriée aux conditions nationales, par voie de négociation entre les parties ou par une procédure donnant des garanties d’indépendance et d’impartialité, telle que la médiation, la conciliation ou l’arbitrage, instituée de telle sorte qu’elle inspire la confiance des parties intéressées.», et non au moyen de grèves, d’arrêts de travail ou de mobilisations tels que ceux qui ont eu lieu dans le cas en question.
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407. Pour sa part, le gouvernement fait valoir que le dernier alinéa du point 16 de l’article 19 de la Constitution politique de la République (CPR) stipule: «Les fonctionnaires de l’Etat et des municipalités ne pourront pas se déclarer en grève. Pas plus que ne le pourront les personnes qui travaillent dans des sociétés ou entreprises qui, quelles que soient leur nature, leur finalité ou leur fonction, assurent des services d’utilité publique ou dont l’arrêt des activités constituerait une menace grave pour la santé, l’économie du pays, l’approvisionnement de la population ou encore la sécurité nationale». Il s’avère évident que la Constitution chilienne ne permet pas aux fonctionnaires – parmi lesquels se trouvent ceux qui travaillent au SII – de se déclarer en grève, comme l’ont fait quelques fonctionnaires de ladite institution fin 2010.
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408. En conformité avec ce qui précède, le principe de légalité consacré aux articles 6 («Les organes de l’Etat doivent faire en sorte que leurs actes soient conformes à la Constitution et aux normes édictées conformément à celle-ci...») et 7 de la CPR («Les organes de l’Etat, dont les membres doivent avoir été élus légalement, sont tenus d’agir dans la limite de leurs compétences et conformément aux dispositions légales prévues en la matière, sans pouvoir s’attribuer d’autres autorité ou droits que ceux qui leur auront été expressément conférés en vertu de la Constitution et des lois.»); l’article 62 de la loi organique constitutionnelle no 18575 sur les bases générales de l’Administration publique, qui stipule que «les conduites suivantes contreviennent spécialement au principe de probité administrative» précise à son point 8 que parmi ces conduites figure le fait d’«agir à l’encontre des devoirs d’efficience, d’efficacité et de légalité qui régissent l’exercice des charges publiques, par une entrave grave au service ou à l’exercice des droits citoyens vis à-vis de l’Administration»; le point a) de l’article 61 du Statut administratif, qui impose comme une obligation des fonctionnaires d’«exercer personnellement les fonctions de leur charge de manière régulière et continue...»; et le dernier alinéa de l’article 65 de ce même statut qui dispose que «les fonctionnaires devront assumer leurs fonctions de manière permanente au cours de la journée ordinaire de travail», sont autant d’instruments qui permettent de conclure que le fait de ne pas assumer les fonctions de leur charge de manière permanente et régulière au cours de la journée de travail – sans l’autorisation/excuse correspondante de la préfecture – pourrait contrevenir aux devoirs d’efficience, d’efficacité et de légalité, en portant également atteinte au principe de probité administrative posé par la législation elle-même.
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409. Par ailleurs, concernant les textes de loi et les déductions appliqués, il convient de rappeler que le droit à rémunération est institué à l’article 93 du Statut administratif: «les fonctionnaires auront le droit de percevoir pour leurs services les rémunérations et autres allocations supplémentaires prévues par la loi, de manière régulière et complète», ce droit ayant pour fondement la prestation effective, par le fonctionnaire, des services pour lesquels il a été désigné. Ce qui précède, venant s’ajouter aux dispositions de l’article 72 du même dispositif juridique qui stipule: «Aucune rémunération ne pourra être perçue pour les heures qui n’auront pas été effectivement travaillées, sauf s’il s’agit de jours fériés, de congés ou d’autorisations auxquels sont applicables les rémunérations prévues dans le présent Statut, de la suspension préventive visée à l’article 136, d’un cas fortuit ou de force majeure. Les payeurs devront déduire sur une base mensuelle, sur demande écrite du supérieur hiérarchique immédiat, les heures non travaillées par les employés, étant entendu que la rémunération correspondant à une journée ou à une heure de travail équivaudra au quotient obtenu en divisant la rémunération mensuelle par trente, soixante et cent quatre vingt-dix, respectivement…», fait clairement apparaître que la législation autorise les déductions de rémunérations lorsque sont remplies les conditions prévues à cet effet.
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410. Selon le gouvernement, tout ce qui précède, ajouté à de nombreux avis rendus par la CGR en matière de déductions de rémunérations (no 22064 de 1999, no 4981 de 2004, no 58845 de 2004, no 7207 de 2007 et no 62446 de 2009, entre autres), permet de confirmer que les autorités du SII auraient agi conformément à la Constitution et à la législation nationale; et leurs décisions ont été validées à deux reprises par la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire du Chili.
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411. Le gouvernement affirme que les fonctionnaires du SII, conformément aux dispositions de la loi organique, DFL no 7 de 1980 du ministère des Finances, et en tant que parties intégrantes d’un organe public de contrôle, exercent des fonctions d’autorité en représentation de l’Etat portant sur l’application et le contrôle de toute la fiscalité déjà prévue dans la loi ou qui le sera ultérieurement.
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412. Le gouvernement tient à souligner avec force qu’il n’y a pas eu violation de la convention no 151, étant donné que celle-ci ne consacre pas explicitement le droit de grève dans le cas des fonctionnaires. De plus, l’interprétation du Comité de la liberté syndicale a été très claire en indiquant que la liberté syndicale des fonctionnaires n’implique pas nécessairement le droit de grève, que cette liberté peut être limitée ou interdite lorsque sont exercées des fonctions d’autorité au nom de l’Etat (cas des fonctionnaires du SII) et que la déduction salariale des jours de grève ne soulève pas d’objections du point de vue de la liberté syndicale.
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413. De plus, selon le gouvernement, il découle de la lecture des articles 7 et 8 de la convention no 151 de l’OIT – article 7: «Des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures permettant la négociation des conditions d’emploi entre les autorités publiques intéressées et les organisations d’agents publics, ou de toute autre méthode permettant aux représentants des agents publics de participer à la détermination desdites conditions», et article 8: «Le règlement des différends survenant à propos de la détermination des conditions d’emploi sera recherché, d’une manière appropriée aux conditions nationales, par voie de négociation entre les parties ou par une procédure donnant des garanties d’indépendance et d’impartialité, telle que la médiation, la conciliation ou l’arbitrage, instituée de telle sorte qu’elle inspire la confiance des parties intéressées» – que les moyens de régler les différends ne sont pas les grèves, arrêts de travail ou mobilisations, comme cela s’est produit dans le cas en question, mais bien d’y parvenir en encourageant et en promouvant l’utilisation de procédures indépendantes et impartiales de négociation entre les autorités et les organisations d’agents publics, toujours en conformité avec les conditions et la législation nationales, conditions qui sont pleinement respectées dans le pays.
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414. Enfin, le gouvernement conclut qu’il n’y a eu ni action antisyndicale ni violation des conventions nos 87, 98 et 151 de l’OIT, étant donné que les autorités du SII ont agi conformément au droit, en faisant appel aux instances juridictionnelles prévues par le droit national (une vérification ayant été réalisée à deux reprises par la plus haute instance judiciaire du pays), ces dernières déclarant dans leurs jugements respectifs qu’elles considéraient que, dans la procédure de déduction de rémunérations, on avait agi en conformité avec le droit. En outre, la mise en œuvre de ces déductions ne saurait être considérée en elle-même comme une pratique antisyndicale ou une atteinte à la convention no 151 de l’OIT, attendu qu’il n’est pas précisé de quelle manière ladite convention autorise la grève dans le secteur public, interprétation qui doit non seulement cadrer avec le droit interne mais aussi se conformer aux décisions du Comité de la liberté syndicale en la matière.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
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415. Le comité observe que, dans le cas présent, les organisations plaignantes allèguent que, à la suite de la négociation entre les pouvoirs publics et diverses organisations de travailleurs représentatives de fonctionnaires pour le réajustement général des rémunérations du secteur public à la fin de l’année 2010 et après avoir exercé de bonne foi le droit de grève, certains services publics (elles citent en particulier le Service du Trésor public – SII) ont opéré des déductions sur les rémunérations des travailleurs ayant pris part à la paralysie des activités en question, au motif qu’ils étaient tenus de le faire en application de l’article 72 du Statut administratif (qui interdit que des rémunérations soient perçues pour les périodes pendant lesquelles une personne n’a pas effectivement travaillé). Les organisations plaignantes allèguent également que, pour procéder aux déductions mentionnées, les autorités respectives ont demandé des rapports aux préfectures intermédiaires, ce qui a donné lieu à des informations hétérogènes en termes de qualité et de véracité, qui ont finalement débouché sur des déductions arbitraires et illégales, et que les mesures adoptées par le SII ne respectent pas le droit de grève.
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416. A cet égard, le comité prend note que le gouvernement fait part des observations du SII, lequel déclare que: 1) les déductions en question opérées sur les rémunérations des fonctionnaires s’inscrivaient dans le cadre légal chilien (articles 1 et 19, point 16, dernier alinéa de la Constitution politique de la République; articles 3 et 62, point 8, de la loi no 18575; et articles 61 et 72 du Statut administratif) et des décisions prises en la matière par le Département de contrôle général de la République (CGR); 2) en application de la réglementation susmentionnée, ainsi que des critères énoncés dans les instructions et les avis de la CGR, le secteur chargé des rémunérations du SII a commencé, à la demande écrite des préfectures directes, à imputer aux fonctionnaires ayant participé à la paralysie d’activités en question les déductions découlant de leur nombre d’heures non travaillées; 3) la procédure de déduction et les précédents en la matière ont été soumis à révision juridictionnelle, ce qui a eu pour résultat le dépôt de deux recours en protection par les organisations plaignantes et les deux recours ont été rejetés par des arrêts prononcés par la Cour suprême de justice le 19 janvier 2012 (Inscriptions à la cour no 10788-2011 et no 10790-2011), dans lesquels les déductions et la procédure employée pour les effectuer ont été validées; et 4) la plus haute instance judiciaire a conclu que la procédure de déduction suivie avait été appliquée dans le strict respect de la légalité et était basée sur des critères techniques, ce qui avait conduit cette haute instance judiciaire à conclure qu’il convenait de rejeter toute présomption d’absence de caractère raisonnable de la procédure employée et, en conséquence, à établir que la procédure en question ne présentait pas le moindre élément de caractère arbitraire.
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417. Le comité prend également note que le gouvernement déclare que: 1) la Constitution politique de la République (CPR) ne permet pas aux fonctionnaires – parmi lesquels se trouvent ceux qui travaillent au SII – de se déclarer en grève, comme l’ont fait quelques fonctionnaires de ladite institution fin 2010; 2) le principe de légalité consacré dans la CPR et dans la loi organique constitutionnelle sur les bases générales de l’Administration publique et dans le Statut administratif permet de conclure que le fait de ne pas assumer les fonctions de leur charge de manière permanente et régulière au cours de la journée de travail – sans l’autorisation/excuse correspondante de la préfecture – pourrait contrevenir aux devoirs d’efficience, d’efficacité et de légalité, en portant également atteinte au principe même de probité administrative posé par la législation; 3) en ce qui concerne les textes de loi et les déductions appliqués, il convient de rappeler que le droit à rémunération est institué à l’article 93 du Statut administratif et que la législation autorise les déductions de rémunérations lorsque sont remplies les conditions prévues à cet effet; 4) tout ce qui précède, venant s’ajouter à de nombreux avis rendus par la «Contraloría General de la República» (Département de Contrôle général de la République) en matière de déductions de rémunérations, permet d’indiquer que les autorités du SII auraient agi conformément à la Constitution et à la législation nationale, ces décisions ayant été validées à deux reprises par la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire du Chili; 5) les fonctionnaires du SII, conformément aux dispositions de la loi organique, DFL no 7 de 1980 du ministère des Finances, et en tant que parties intégrantes d’un organe public de contrôle, exercent des fonctions d’autorité en représentation de l’Etat portant sur l’application et le contrôle de toute la fiscalité déjà prévue dans la loi ou qui le sera ultérieurement; 6) l’interprétation du comité a été très claire en indiquant que la liberté syndicale des fonctionnaires n’implique pas nécessairement le droit de grève, que cette liberté peut être limitée ou interdite lorsque sont exercées des fonctions d’autorité au nom de l’Etat (cas des fonctionnaires du SII) et que la déduction salariale des jours de grève ne soulève pas d’objections du point de vue de la liberté syndicale; et 7) il n’y a eu ni action antisyndicale ni violation des conventions nos 87, 98 et 151 de l’OIT, étant donné que les autorités du SII ont agi conformément au droit, en faisant appel aux instances juridictionnelles prévues par le droit national (une vérification ayant été réalisée à deux reprises par la plus haute instance judiciaire du pays), ces dernières déclarant dans leurs jugements respectifs qu’elles considéraient que, dans la procédure de déduction de rémunérations, on avait agi en conformité avec le droit.
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418. A cet égard, le comité rappelle que, selon ses principes, le droit de grève peut se voir restreint pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, mais il observe que, dans le présent cas, l’exercice de ce droit est permis dans la pratique. Dans ces conditions, en tenant compte de toutes les informations produites dans le cadre de ce cas et du fait que la Cour suprême de justice a établi que «les déductions opérées sur les rémunérations des travailleurs ont été faites après vérification de l’identité des personnes qui avaient effectivement arrêté de travailler, la défenderesse ayant notamment procédé d’office à une rectification d’erreurs qu’elle aurait commises dans un premier temps», c’est-à-dire que la procédure administrative mise en œuvre par la défenderesse sur la base de critères techniques et avec la correction d’office d’erreurs existantes écarte la présomption d’absence de caractère raisonnable, et qu’il a indiqué à de nombreuses reprises que «les déductions de salaire pour les jours de grève ne soulèvent pas d’objections du point de vue des principes de la liberté syndicale» [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 654], le comité ne poursuivra pas l’examen de ces allégations.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
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419. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à considérer que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi.