Allégations: Les organisations plaignantes font état de l’inobservation d’une convention collective par l’entreprise «Itaipú Binacional -Lado Paraguayo», de la négociation ultérieure d’une convention collective avec des organisations minoritaires et de représailles à la suite d’une grève
- 640. La plainte figure dans des communications du Syndicat des travailleurs de l’entreprise «Itaipú Binacional-Lado Paraguayo» (STEIBI), du Syndicat des conducteurs et employés de service du Haut Paraná (SICONAP/S), du Syndicat des travailleurs de «Itaipú Binacional» (SITRAIBI) et de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) en date des 26 septembre et 18 octobre 2011.
- 641. A ses réunions de mars, juin et octobre 2013, le comité a lancé des appels pressants au gouvernement et attiré son attention sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session (novembre 1971), il présenterait un rapport sur le fond de l’affaire, même si les informations ou observations du gouvernement n’étaient pas reçues à temps. A ce jour, le comité n’a pas reçu d’information du gouvernement.
- 642. Le Paraguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants- 643. Dans leurs communications des 26 septembre et 18 octobre 2011, les organisations plaignantes affirment que le Syndicat des travailleurs de l’entreprise «Itaipú Binacional -Lado Paraguayo» (STEIBI) et le Syndicat des travailleurs de «Itaipú Binacional» (SITRAIBI) sont des organisations syndicales du premier degré de l’entreprise «Itaipú Binacional-Lado Paraguayo» qui réunissent des travailleurs de l’entreprise. Le Syndicat des conducteurs et employés de service du Haut Paraná (SICONAP/S) est une organisation syndicale du premier degré qui rassemble tous les travailleurs des transports et des services du département du Haut Paraná, dont des travailleurs de l’entreprise et des entreprises sous-traitantes liées à cette dernière. L’entreprise est une institution créée en vertu de l’article III du traité signé entre la République du Paraguay et la République fédérative du Brésil le 26 avril 1973, et ratifié par le Paraguay en vertu de la loi no 389 du 11 juillet 1973.
- 644. Les organisations plaignantes indiquent que l’entreprise a signé avec elles une convention collective sur les conditions de travail et que, entre juin et septembre 2010, elles ont présenté des réclamations à l’entreprise au motif de son inobservation de cette convention. Elles ajoutent aussi que, en décembre 2010, le STEIBI a demandé au vice-ministère du Travail et de la Sécurité sociale de rejeter la demande, formulée par l’entreprise, d’homologation d’une disposition contractuelle supplémentaire souscrite avec quatre syndicats minoritaires (selon les organisations plaignantes, le STEIBI représente 81 pour cent des travailleurs), mais que l’autorité administrative a rejeté la demande du STEIBI et homologué cette disposition contractuelle en vertu de la résolution no 1665 du 24 décembre 2010.
- 645. Les organisations plaignantes indiquent que, du 10 mars au 14 avril 2011, les négociations sur la convention collective pour 2011-12 ont été menées à bien et que, dans ce contexte, une plainte a été portée devant les autorités contre l’entreprise au motif qu’elle avait affirmé insidieusement devant l’opinion publique que les syndicats avaient formulé des revendications excessives pendant les négociations et au motif qu’elle cherchait à diviser les syndicats.
- 646. Les organisations plaignantes indiquent que, finalement, le 26 avril 2011, se livrant à des pratiques ouvertement antisyndicales, l’entreprise a conclu la convention collective pour 2011-12 avec des syndicats dont la représentation est minoritaire et exclu les syndicats plaignants qui, ensemble, représentent 90 pour cent des travailleurs. Les organisations plaignantes ajoutent que, le 27 avril 2011, elles ont fait savoir aux dirigeants de l’entreprise que leurs assemblées générales respectives avaient rejeté leurs contre-propositions et qu’elles avaient décidé d’une grève de trente jours à partir du 3 mai 2011. Les organisations plaignantes indiquent que, le 10 mai, intimidant les grévistes pour qu’ils n’exercent pas le droit de grève, l’entreprise a dénoncé un prétendu blocage des accès de l’entreprise par les organisations qui menaient la grève et a demandé une mesure conservatoire, que la justice a rejetée au motif qu’elle était injustifiée.
- 647. Les organisations plaignantes indiquent que, le 23 mai 2011, plusieurs procès-verbaux ont été signés – clôture des négociations sur la convention collective avec l’entreprise, accord complémentaire, levée de la grève, accord d’engagement mutuel. L’entreprise indique que, par ce dernier accord, elle s’est engagée à ne saisir ni l’autorité administrative ni la justice contre les travailleurs qui avaient participé à la grève, qu’ils soient affiliés ou non aux syndicats qui l’avaient déclarée. De leur côté, les syndicats se sont engagés à ne saisir ni l’autorité administrative ni la justice au motif de l’inobservation de la convention collective pour 2010-11 (ce qui démontre, selon les organisations plaignantes, que l’entreprise reconnaît que la convention collective n’a pas été respectée).
- 648. Les organisations plaignantes affirment que, ne respectant pas l’engagement pris en vue de la levée de la grève, l’entreprise a exercé des représailles à l’encontre des syndicats : 1) elle a cessé sans motif ses relations avec les sous-traitants qui assuraient le service de transport (le SICONAP/S regroupait des travailleurs de ces entreprises) et a assujetti le recrutement des travailleurs des nouvelles entreprises de transport à la condition qu’ils renoncent à s’affilier au SICONAP/S; et 2) elle cherche à modifier un secteur d’activité (coordination du tourisme), ce qui aurait pour conséquence immédiate de priver d’emploi les travailleurs affiliés au STEIBI. Enfin, les organisations plaignantes déclarent aussi que l’entreprise a créé un nouveau syndicat, qui a été enregistré par l’autorité administrative.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité- 649. Le comité déplore que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait pas fourni les informations demandées alors qu’il y a été invité par trois appels pressants (le dernier appel ayant été lancé à sa réunion d’octobre 2013).
- 650. Dans ces conditions, conformément à la règle de procédure applicable [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration], le comité se voit dans l’obligation de présenter à nouveau un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte du complément d’information qu’il espérait recevoir du gouvernement.
- 651. Le comité rappelle que l’objet de l’ensemble de la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen des allégations de violations de la liberté syndicale vise à assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci doivent, à leur tour, reconnaître l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre.
- 652. Le comité note que, dans le présent cas, les organisations plaignantes affirment que l’entreprise: 1) n’a pas respecté la convention collective sur les conditions de travail pour 2010-11, situation qui, selon les organisations plaignantes, aurait été l’objet de plusieurs réclamations adressées à l’entreprise et de plaintes devant l’autorité administrative; 2) dans le cadre de pratiques ouvertement antisyndicales, elle a conclu la convention collective pour 2011-12 avec des syndicats dont la représentation est minoritaire et exclu les syndicats plaignants qui, ensemble, représentent 90 pour cent des travailleurs; et 3) elle n’a pas respecté un accord qu’elle avait conclu avec les organisations plaignantes en vue de la levée d’une grève et a pris des mesures de représailles (selon les allégations, ont été résiliés les contrats passés avec des entreprises de transport dont des travailleurs étaient des membres du SICONAP/S, et l’entreprise a assujetti le recrutement des travailleurs des nouvelles entreprises de transport à la condition qu’ils renoncent à s’affilier au SICONAP/S); enfin, elle cherche à modifier un secteur d’activité (coordination du tourisme ), ce qui aurait pour conséquence immédiate de priver d’emploi les travailleurs affiliés au STEIBI, et elle a créé un nouveau syndicat, qui a été enregistré par l’autorité administrative.
- 653. A ce sujet, le comité rappelle «l’importance qu’il attache à l’obligation de négocier de bonne foi pour le maintien d’un développement harmonieux des relations professionnelles» et que «les accords doivent être obligatoires pour les parties». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 934 et 939.] Le comité rappelle aussi que «le respect des principes de la liberté syndicale exige que l’on ne puisse ni licencier des travailleurs ni refuser de les réengager en raison de leur participation à une grève ou à toute autre action de revendication. Que le congédiement soit prononcé pendant ou après la grève n’est pas pertinent dans ce contexte.» [Voir Recueil, op. cit., paragr. 663.] Dans ces conditions, le comité demande instamment au gouvernement d’adresser sans retard ses observations au sujet de l’ensemble des allégations présentées dans ce cas.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 654. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité demande instamment au gouvernement d’adresser sans retard ses observations au sujet de l’ensemble des allégations présentées dans ce cas, et en particulier sur les allégations concernant l’entité «Itaipú Binacional -Lado Paraguayo»: 1) elle n’a pas respecté la convention collective sur les conditions de travail (CCCT) pour 2010-11, situation qui, selon les organisations plaignantes, aurait été l’objet de plusieurs réclamations adressées à l’entreprise et de plaintes devant l’autorité administrative; 2) dans le cadre de pratiques ouvertement antisyndicales, elle a conclu la convention collective pour 2011-12 avec des syndicats dont la représentation est minoritaire et exclu les syndicats plaignants qui, ensemble, représentent 90 pour cent des travailleurs; et 3) elle n’a pas respecté un accord qu’elle avait souscrit avec les organisations plaignantes en vue de la levée d’une grève et a pris des mesures de représailles (selon les allégations, ont été résiliés les contrats avec des entreprises de transport dont des travailleurs étaient des membres du SICONAP/S, et l’entreprise a assujetti le recrutement des travailleurs des nouvelles entreprises de transport à la condition qu’ils renoncent à s’affilier au SICONAP/S); enfin, elle cherche à modifier un secteur d’activité (coordination du tourisme), ce qui aurait pour conséquence immédiate de priver d’emploi les travailleurs affiliés au STEIBI, et elle a créé un nouveau syndicat, qui a été enregistré par l’autorité administrative.