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Allégations: Les plaignants allèguent que le gouvernement encourage la révision
de conventions collectives en vigueur contenant des dispositions qu’il juge illégales ou
déraisonnables
- 349. La plainte figure dans une communication conjointe en date du
18 juin 2015 émanant de la Confédération syndicale internationale (CSI), de la
Confédération coréenne des syndicats (KCTU) et de la Fédération des syndicats coréens
(FKTU).
- 350. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en
date du 3 juin 2016.
- 351. La République de Corée n’a ratifié ni la convention (no 87) sur la
liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur
le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 352. Dans leur communication conjointe en date du 18 juin 2015, la CSI,
la KCTU et la FKTU allèguent que, le 15 avril 2015, le ministre de l’Emploi et du
Travail a annoncé un plan officiel visant à promouvoir la révision de centaines de
conventions collectives actuellement en vigueur contenant des dispositions que le
gouvernement juge soit «illégales», soit «déraisonnables». A cet égard, les
organisations plaignantes précisent qu’elles ne contestent pas les efforts que fait le
gouvernement pour éliminer les dispositions «illégales» portant sur des questions telles
que le recrutement des travailleurs par le biais de programmes de recrutement spéciaux,
y compris le recrutement de membres de la famille de syndicalistes, et qui sont mises en
cause par le gouvernement, car elles portent atteinte à l’égalité des droits garantie
par la Constitution.
- 353. Toutefois, s’agissant des dispositions réputées «déraisonnables»,
les plaignants indiquent que le gouvernement cible des dispositions librement négociées
qui donnent aux syndicats la possibilité de faire entendre leur voix lors de la prise de
décisions par la direction, notamment en cas de licenciement, de redéploiement des
effectifs et de recrutement. Les plaignants font savoir que, selon le ministère de
l’Emploi et du Travail (MOEL), 29,4 pour cent des 727 entreprises faisant l’objet de
l’étude ont besoin de l’accord d’un syndicat avant de procéder à un redéploiement de
leurs effectifs, tandis que 17,2 pour cent d’entre elles en ont besoin pour procéder à
des licenciements.
- 354. Les plaignants expliquent que, le 20 avril 2015, les fonctionnaires
du ministère ont commencé à se pencher sur les conventions collectives d’environ
3 000 entreprises employant chacune une centaine de travailleurs ou plus dans le pays,
afin de déterminer si ces conventions collectives contiennent ou non des dispositions
illégales ou déraisonnables. Selon les plaignants, le ministère se proposait de demander
instamment à la direction et aux syndicats de réviser volontairement les dispositions
des conventions collectives illégales et/ou déraisonnables avant la fin de juillet 2015,
et il promettait des mesures incitatives telles que de futurs programmes de soutien des
partenariats direction-travailleurs ou d’autres prestations à ceux qui réviseraient
volontairement ces dispositions illégales ou déraisonnables. Les plaignants allèguent
que ceux qui n’avaient pas révisé les accords collectifs à la fin de juillet 2015
devaient recevoir une ordonnance de rectification du ministère et que ceux qui n’avaient
pas révisé les dispositions illégales d’une manière appropriée se verraient infliger une
amende; cependant, aucune ordonnance de rectification n’a été émise concernant les
dispositions déraisonnables, car elles ne sont pas illégales. Le ministère prévoyait
aussi de donner des directives en matière de négociation collective afin que les futures
conventions collectives ne contiennent plus aucune disposition illégale ou
déraisonnable.
- 355. Les plaignants font valoir que la position du gouvernement selon
laquelle les dispositions de conventions collectives librement négociées précisant que
la direction doit consulter les syndicats concernant la prise de décisions en matière de
personnel sont déraisonnables est contraire à la jurisprudence coréenne en matière de
négociation collective. Les plaignants font référence à plusieurs cas dans lesquels la
Cour suprême a estimé que, s’agissant de dispositions prévoyant le consentement des
syndicats en matière de mesures disciplinaires, si une convention collective contient
des dispositions aux termes desquelles «les mesures relatives à des questions de
personnel affectant des dirigeants syndicaux doivent être prises en accord avec le
syndicat», toute mesure disciplinaire prise sans cet accord est en principe nulle et non
avenue.
- 356. Les plaignants font observer que le principe de négociation
collective selon lequel les gouvernements ne devraient pas intervenir pour modifier le
contenu des conventions collectives est un principe fondamental, et ils font référence à
cet égard au paragraphe 215 de l’étude d’ensemble de 2012 de la Commission d’experts
pour l’application des conventions et recommandations, aux paragraphes 881, 912, 913 et
1001 du Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale,
cinquième édition, 2006, ainsi qu’aux cas suivants examinés par le comité: nos 1897
(Japon), 1951 (Canada), 2178 (Danemark) et 2326 (Australie).
- 357. Les organisations plaignantes concluent en indiquant que les mesures
prises par le pouvoir exécutif ou le pouvoir législatif pour limiter le champ
d’application de la négociation collective sont contraires à la convention no 98. Elles
estiment que, dans le présent cas, le gouvernement a lancé une campagne publique pour
supprimer des dispositions dont même les tribunaux de la République de Corée avaient
jugé qu’elles constituaient des sujets légitimes de négociation. Quant aux dispositions
réputées «déraisonnables», le gouvernement offre des incitations pour encourager les
entreprises à faire pression sur les syndicats dans le but de leur faire accepter des
modifications. Les organisations plaignantes estiment que, en demandant instamment aux
employeurs de ne pas accepter certains termes négociés, le gouvernement affaiblit le
pouvoir de l’une des parties du système des relations professionnelles, ce qui constitue
une ingérence illégale dans la libre négociation collective entre les parties. Le plan
annoncé affectera les négociations à venir sur les lieux de travail, détruira le
principe des relations professionnelles autonomes et constituera une menace contre la
paix sociale.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 358. Dans sa communication en date du 3 juin 2016, le gouvernement de la
République de Corée explique que, en République de Corée, les droits fondamentaux des
travailleurs tels que la liberté syndicale, la négociation collective et l’action
collective sont garantis par la Constitution et par la législation. En vertu de
l’article 33.1 de la Constitution, «aux fins d’améliorer les conditions de travail, les
travailleurs jouissent du droit d’association, du droit de négociation collective et du
droit de grève». La loi fondée sur cette disposition, à savoir la loi sur les syndicats
et l’harmonisation des relations de travail (TULRAA), garantit les droits syndicaux
fondamentaux: les travailleurs ont le droit de constituer librement des organisations
syndicales (droit d’association); les syndicats peuvent négocier collectivement avec la
direction concernant leurs conditions de travail, pour autant que cette négociation ne
viole pas la loi (droit de négociation collective); et les travailleurs peuvent engager
une action collective, y compris la grève, après avoir recouru à la médiation, si les
efforts de négociation collective ont échoué (droit d’engager une action collective). La
section 30 de la loi TULRAA garantit le principe de la négociation autonome: «un
syndicat et un employeur ou une organisation d’employeurs peuvent négocier une
convention collective l’un avec l’autre en toute bonne foi et sincérité et en
s’abstenant d’abuser de leur pouvoir».
- 359. Le gouvernement souligne qu’il respecte la validité des conventions
collectives, et il est convaincu que les parties peuvent négocier librement et conclure
un accord collectif sur toutes questions qu’elles jugent opportunes telles que les
salaires, le temps de travail et autres conditions de travail. Cependant, les
conventions collectives librement négociées ne devraient pas violer la Constitution non
plus que la législation en vigueur. A cet égard, la section 31.3 de la loi TULRAA
prévoit que les autorités administratives peuvent délivrer une ordonnance de
rectification en vertu de la résolution prise par la Commission des relations
professionnelles concernant toute disposition illégale dans une convention collective.
Pour ce qui est des dispositions «illégales», le gouvernement estime, par exemple, que
les dispositions des conventions collectives relatives au recrutement spécial ou
préférentiel des enfants des syndicalistes sont illégales, car elles sont contraires au
«principe de l’égalité» consacré par la Constitution et parce qu’elles violent la
section 7 de la loi-cadre sur la politique de l’emploi, ainsi que la loi sur la sécurité
de l’emploi qui garantit l’égalité de chances dans l’emploi en matière d’opportunité. Le
gouvernement considère en outre qu’une disposition relative à la «négociation avec un
syndicat unique» est illégale elle aussi, car elle vise à empêcher l’employeur de
négocier avec des syndicats autres que la partie adverse dans le cadre de la convention
collective, en violation de la liberté de constituer des syndicats qui est pourtant
garantie. Par ailleurs, toute convention collective qui ne respecte pas les conditions
de travail statutaires est illégale. Par exemple, une convention collective prévoyant
que tout travailleur ayant un enfant âgé de «six ans au maximum» a droit à un congé pour
garde d’enfant serait illégale, car la législation pertinente a été révisée en vue
d’octroyer ce droit aux travailleurs ayant un enfant âgé de «huit ans au maximum». Par
conséquent, toutes les dispositions illégales devraient être révisées, la responsabilité
en incombe au syndicat et à la direction et le gouvernement a le devoir quant à lui
d’encourager les parties à prendre les mesures correctives appropriées en délivrant une
ordonnance de rectification en vertu de la section 31.3 de la loi TULRAA. Si une partie
s’estime lésée, elle peut déposer une plainte administrative contre une ordonnance de
rectification.
- 360. Le gouvernement indique que, en 2014, il a demandé à l’Institut
coréen du travail d’entreprendre une étude sur les conventions collectives. Selon cette
étude, 47 pour cent des conventions collectives violaient la Constitution, car elles
prévoyaient un syndicat unique pour la négociation, même après l’introduction du
principe du pluralisme; 30,4 pour cent d’entre elles contenaient des dispositions
relatives à l’emploi spécial pour les enfants des retraités, en violation de la
disposition qui garantit l’égalité en matière de perspectives d’emploi en vertu de la
loi-cadre sur la politique de l’emploi; et 24,9 pour cent des conventions collectives
contenaient des dispositions interdisant toute réaffectation et tout transfert de
syndicalistes sans le consentement de leur syndicat.
- 361. Le gouvernement dit que la Cour suprême a statué que, même si les
décisions très importantes de la direction ne sont pas assujetties à la convention
collective en principe, les partenaires sociaux peuvent négocier collectivement et
conclure des accords collectifs sur toutes questions de leur choix, y compris sur celles
qui relèvent des droits de la direction. La Cour suprême a également jugé que:
- –
La restructuration d’une entreprise par le biais de licenciements ou de fusions
entre équipes commerciales, par exemple, fait partie des décisions très importantes
que la direction peut être amenée à prendre et qui ne doivent pas en principe faire
l’objet de négociation collective; cependant, même une question relevant des droits
de l’employeur en matière de gestion peut faire l’objet d’une négociation collective
et de la conclusion d’un accord collectif entre travailleurs et employeur/direction,
s’ils en décident ainsi (décision 2011DU20406 de la Cour suprême, etc.).
- –
Si, dans une convention collective, une disposition requiert de l’employeur qu’il
conclue un «accord» avec le syndicat sur des questions relevant des droits de la
direction et outrepassant par conséquent le champ d’application de la négociation
collective, cette disposition unique ne devrait pas être interprétée comme
signifiant que l’employeur renonce à une partie de ses droits ou qu’il accepte de
les voir considérablement réduits; quant au sens du terme «accord» précisé dans la
disposition, il devrait être interprété à la lumière d’un examen complet visant à
vérifier que le syndicat partage aussi les responsabilités de la direction, en se
fondant sur le principe selon lequel les droits vont de pair avec les
responsabilités, sur les détails et circonstances qui ont conduit à la signature
d’une telle convention collective et sur la relation de cette disposition avec
d’autres dispositions de la convention collective (décision 2010D011030 de la Cour
suprême, etc.).
- – En principe, toute décision en matière de personnel prise
en dehors du processus d’approbation précisé dans la convention collective est nulle
et non avenue. Cependant, l’idée est de limiter les mesures disciplinaires injustes
qui pourraient être prises contre les dirigeants syndicaux, et non pas de refuser à
l’employeur l’exercice de son droit de prendre des mesures disciplinaires qui reste
l’un de ses droits fondamentaux. Par conséquent, cela ne signifie pas que l’accord
du syndicat est nécessaire dans tous les cas où l’employeur doit exercer son droit
de prendre des mesures disciplinaires (décision 2001DU3136 de la Cour suprême,
prononcée le 10 juin 2003).
- 362. Le gouvernement estime que, contre une convention collective qui
viole les droits fondamentaux de la direction en vertu de la législation coréenne, il
peut tout au plus recommander aux parties d’améliorer leurs conventions collectives de
manière autonome et les convaincre de le faire; il n’a pas la possibilité de les y
contraindre. Il observe également que, bien que le Comité de la liberté syndicale ait
insisté sur le principe de la négociation volontaire, il a également conclu que, si un
gouvernement souhaite que les dispositions d’une convention collective soient adaptées à
la politique économique du pays, il doit essayer d’amener les parties à prendre en
compte volontairement ces considérations, sans leur imposer la renégociation, et il se
réfère à cet égard aux paragraphes 933 et 1008 du Recueil, op. cit. En outre, le
gouvernement souligne que les organisations plaignantes reconnaissent aussi que toutes
dispositions illégales, par exemple celles qui sont contraires à la Constitution ou à la
législation, doivent être modifiées.
- 363. Le gouvernement estime que les plaignants décrivent sa position
d’une manière inexacte et, à cet égard, il réitère son opinion selon laquelle les
conventions collectives devraient être respectées en principe, à moins que leur contenu
ne soit illégal. Le gouvernement explique également qu’il est inexact de dire qu’il ne
reconnaît pas les dispositions en vertu desquelles «toute mesure disciplinaire prise
contre des dirigeants syndicaux devrait l’être en accord avec le syndicat». Au
contraire, le gouvernement soutient que, si un employeur qui est partie à une telle
convention collective prend des mesures disciplinaires à l’égard d’un dirigeant syndical
sans le consentement préalable du syndicat, ces mesures disciplinaires sont évidemment
nulles et non avenues. Cependant, selon le gouvernement, certains syndicats coréens font
obstruction et s’opposent systématiquement à l’exercice, par les employeurs, de leurs
droits d’administrer et de gérer leur personnel et leurs entreprises, même lorsqu’ils
agissent en toute légitimité. Par exemple, certains syndicats s’opposent à toutes
mesures disciplinaires, même lorsque l’employeur fait en sorte de les consulter
pleinement et invoque un motif irréfutable pour prendre de telles mesures, comme la
confirmation par un tribunal d’une peine prononcée à l’encontre d’un dirigeant syndical
qui a commis un acte illégal. Dans ce type de cas, si l’employeur n’est pas autorisé à
prendre des mesures disciplinaires sans le consentement du syndicat, il se trouve dans
l’impossibilité d’exercer ses droits d’administrer son propre personnel. Cette situation
inquiète le gouvernement, car les conventions collectives dotées de telles dispositions
peuvent non seulement entraîner une gestion inefficace des ressources humaines, mais
aussi mettre en danger la survie des entreprises.
- 364. Le gouvernement indique que les syndicats peuvent intervenir de
plusieurs manières dans l’exercice des droits des employeurs d’administrer leur
personnel et de gérer leurs entreprises: ainsi, ils peuvent demander à l’employeur de
les consulter sur les questions d’administration du personnel (mesures disciplinaires,
transferts et réaffectations de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes) ou concernant
la gestion de l’entreprise (décider entre la délocalisation d’une usine ou l’adoption de
nouvelles technologies, par exemple), et les syndicats peuvent aussi empêcher
l’employeur d’exercer ses droits d’administrer le personnel et de gérer son entreprise
sans leur consentement préalable. Par conséquent, le gouvernement estime que le champ
d’intervention des syndicats peut être décidé dans le cadre des conventions collectives
sans qu’il soit porté atteinte aux droits des employeurs d’administrer leur personnel ou
de gérer leurs entreprises. En effet, ces droits peuvent avoir une incidence sur les
conditions de travail des salariés. Par exemple, si une usine est délocalisée dans une
autre région, les salariés auront besoin d’argent pour leur relocalisation et de mesures
facilitant leur installation dans le nouvel endroit. Dans ce type de cas, le
gouvernement estime que l’employeur doit consulter pleinement le syndicat ou les
salariés et n’exercer ses droits en matière de gestion qu’après avoir pleinement
consulté le syndicat afin de promouvoir des relations travailleurs-direction
raisonnables.
- 365. Pour conclure, le gouvernement estime que les partenaires sociaux
seraient bien inspirés d’améliorer, par le biais d’une renégociation volontaire, les
conventions collectives qui contiennent des dispositions déraisonnables. Il encourage
donc vivement les partenaires sociaux à agir dans ce sens, car il est convaincu que
cette démarche sera bénéfique aux deux parties et les aidera à édifier des relations
professionnelles raisonnables, favorables au développement de chacune. Le gouvernement
estime qu’il n’est pas illégal de demander à un employeur de consulter les syndicats
avant d’exercer ses droits en matière d’administration de personnel et de gestion de
l’entreprise; au contraire, le gouvernement encourage la consultation conformément à la
loi sur la promotion de la participation et de la coopération des travailleurs. Le
gouvernement indique que la législation nationale et les précédents judiciaires, ainsi
que les conventions de l’OIT, montrent que l’essence même de l’administration du
personnel et de la gestion des entreprises ne saurait être compromise par des
dispositions de conventions collectives tendant à les limiter. Le gouvernement est
convaincu qu’il peut conseiller et persuader les partenaires sociaux d’améliorer leurs
conventions collectives par le biais de la renégociation volontaire, et non par la
contrainte, dans l’intérêt des deux parties. Le gouvernement estime que cette
proposition n’est pas du tout contraire à la convention no 98.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 366. Le comité note que les plaignants en l’espèce allèguent que le
gouvernement encourage la révision des conventions collectives contenant des
dispositions qu’il juge «illégales» ou «déraisonnables».
- 367. Le comité comprend, selon les explications données par le
gouvernement et les organisations plaignantes, que les dispositions «illégales» sont des
dispositions qui sont contraires à la législation nationale en vigueur. Il note en outre
les explications des plaignants selon lesquelles les syndicats ne contestent pas les
efforts du gouvernement visant à éliminer de telles dispositions.
- 368. Concernant les dispositions réputées «déraisonnables», le comité
note que ce sont des dispositions qui ont un impact sur certains droits de la direction
et, notamment, celles qui font obligation à l’employeur de consulter le syndicat pour
obtenir son accord concernant certaines questions telles que les mesures disciplinaires
imposées à un travailleur, les licenciements, les mises à pied, les délocalisations des
entreprises, etc. Le comité note que, d’une part, le gouvernement estime que toutes les
dispositions des conventions collectives librement négociées, y compris celles qui
portent atteinte aux prérogatives de la direction, sont contraignantes et doivent être
respectées. D’autre part, le gouvernement estime que ces dispositions sont
déraisonnables parce que, à son avis, elles pourraient engendrer des situations dans
lesquelles les directeurs ne peuvent exercer pleinement leurs droits de gestion, par
exemple une situation dans laquelle un syndicat évite d’être consulté ou refuse de
donner son accord concernant un licenciement, même lorsque la faute du travailleur a été
clairement démontrée. Le gouvernement estime que ce type de disposition constitue un
risque non seulement pour la gestion efficace de l’entreprise, mais encore pour sa
survie.
- 369. S’agissant de l’argument mis en avant par le gouvernement, le comité
comprend que la préoccupation du gouvernement n’est pas tant l’existence d’une telle
disposition que sa mise en pratique, et il rappelle que le respect mutuel des
engagements pris dans les accords collectifs est un élément important du droit de
négociation collective et doit être sauvegardé pour fonder des relations
professionnelles sur des bases solides et stables. [Voir Recueil de décisions et de
principes du Comité de la liberté syndicale, paragr. 940.] Cela revient à dire qu’un
syndicat qui est partie à une convention collective contenant une disposition qui
requiert son approbation pour qu’une mesure disciplinaire puisse être prise contre un
syndicaliste doit être consulté conformément aux dispositions pertinentes et compte tenu
de l’interprétation du tribunal compétent en cas de désaccord. Le comité note que, comme
l’a expliqué le gouvernement, la Cour suprême de la République de Corée semble avoir
traité plusieurs de ces cas et trouvé un équilibre entre la protection des syndicalistes
contre des mesures disciplinaires injustifiées et le droit des directeurs d’entreprise
de prendre de telles mesures; il existe donc une jurisprudence établie à cet égard.
- 370. Le comité note l’explication du gouvernement selon laquelle il
n’exige pas des partenaires sociaux qu’ils renégocient l’accord, mais il leur conseille
et tente de les persuader de le faire sur une base volontaire. Le comité note
l’allégation des plaignants, qui n’est pas contestée par le gouvernement, selon laquelle
le gouvernement recourt à des incitations diverses à cette fin. Le comité note que le
gouvernement estime que ses actions ne portent pas atteinte au principe de la
négociation libre et volontaire et qu’il les justifie en se référant aux paragraphes
suivants du Recueil, op. cit.:
- 933. Si certaines règles et
procédures peuvent faciliter le déroulement de la négociation collective et
contribuer à sa promotion et si certaines mesures peuvent faciliter aux parties
l’accès à certaines informations, par exemple, sur la situation économique de leur
unité de négociation, sur les salaires et les conditions de travail dans certaines
unités voisines et sur la situation économique générale, toutes les législations qui
instituent des organismes et des procédures de médiation et de conciliation destinés
à faciliter la négociation entre partenaires sociaux doivent sauvegarder l’autonomie
des parties à la négociation. En conséquence, au lieu de conférer aux autorités
publiques des pouvoirs d’assistance active, voire d’intervention, leur permettant de
faire prévaloir leur point de vue, il convient de faire en sorte de convaincre les
parties à la négociation de tenir compte de leur propre gré des raisons majeures de
politiques économiques et sociales d’intérêt général évoquées par le
gouvernement.
- […]
- 1008. La
suspension ou la dérogation; – par voie de décret, sans l’accord des parties – de
conventions collectives librement conclues est contraire aux principes de la libre
négociation collective volontaire consacrés par l’article 4 de la convention no 98.
Si un gouvernement souhaite que les dispositions d’une convention collective soient
adaptées à la politique économique du pays, il doit essayer d’amener les parties à
prendre en compte volontairement ces considérations, sans leur imposer la
renégociation des conventions collectives en vigueur.
- 371. Le comité estime qu’il faut distinguer entre, d’une part, la
situation dans laquelle le gouvernement souhaite que les dispositions d’une négociation
collective soient adaptées aux politiques économiques et sociales d’un pays, par exemple
les politiques d’intérêt général, et, d’autre part, la situation dans laquelle seuls les
intérêts des parties à la convention collective sont en jeu. Dans ce dernier cas, le
comité estime que toute tentative visant à influencer les partenaires sociaux concernant
les questions qui devraient être ou ne pas être couvertes par la négociation collective
dans le but de favoriser l’une des parties irait à l’encontre du principe de l’autonomie
des partenaires dans la négociation, et il rappelle à cet égard que la négociation
volontaire des conventions collectives, et donc l’autonomie des partenaires sociaux à la
négociation, constitue un aspect fondamental des principes de la liberté syndicale.
[Voir Recueil, op. cit., paragr. 925.] Le comité regrette que le gouvernement ait
apparemment proposé des incitations en vue de l’introduction de changements dans les
conventions collectives dans des domaines qui devraient relever de l’autonomie des
partenaires à la négociation; le comité demande au gouvernement de bien vouloir
s’abstenir de telles actions à l’avenir. Cependant, le comité considère que la mise au
point et l’adoption, dans un cadre tripartite, de directives en matière de négociation
collective constitueraient une méthode appropriée pour garantir un cadre efficace au
sein duquel les préoccupations légitimes liées au processus de négociation pourraient
être dûment prises en compte. Le comité s’attend à ce que toutes directives de cette
nature soient le résultat d’une consultation tripartite pleine et entière.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 372. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité prie le
gouvernement de bien vouloir s’abstenir à l’avenir de toute action visant à
favoriser l’introduction de changements dans des conventions collectives, dans des
domaines qui doivent continuer de relever de l’autonomie des partenaires à la
négociation. Le comité s’attend à ce que toutes directives qui seraient mises au
point en matière de négociation collective soient le résultat d’une consultation
tripartite pleine et entière.