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Interim Report - Report No 387, October 2018

Case No 2609 (Guatemala) - Complaint date: 24-OCT-07 - Active

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent un grand nombre d’assassinats et d’actes de violence à l’encontre de syndicalistes ainsi que des lacunes structurelles qui débouchent sur une situation d’impunité sur le plan pénal et en matière de travail

  1. 367. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion de juin 2017 et a présenté, à cette occasion, un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 382e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 330e session (juin 2017), paragr. 315 à 354.]
  2. 368. Le Mouvement syndical et populaire autonome du Guatemala et les Syndicats globaux du Guatemala ont présenté de nouvelles allégations dans une communication en date du 19 juillet 2018. La Confédération de l’unité syndicale du Guatemala (CUSG) a présenté de nouvelles allégations dans une communication datant du 20 août 2018.
  3. 369. Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications datées des 19 février, 1er mars, 19 mars et 18 septembre 2018.
  4. 370. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 371. A sa réunion de juin 2017, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir rapport no 382, paragr. 354]:
    • a) Le comité exprime de nouveau sa vive et croissante préoccupation face à la gravité de ce cas, dans lequel il est fait état d’un grand nombre d’assassinats, de tentatives d’assassinat, d’agressions, de menaces de mort, et face à l’existence d’un climat d’impunité totale.
    • b) Le comité s’attend à ce que la collaboration entre le ministère public et la police nationale civile concernant les enquêtes sur les homicides commis contre des membres du mouvement syndical se poursuive et s’institutionnalise et prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de prendre de toute urgence toutes les mesures qui s’imposent pour garantir que, dans la conception et le déroulement des enquêtes, l’éventuelle nature antisyndicale des homicides de membres du mouvement syndical est pleinement et systématiquement prise en considération et que les enquêtes ciblent à la fois les auteurs matériels et les commanditaires des faits. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé dans les délais les plus brefs des initiatives prises et des résultats obtenus à cet égard, tout particulièrement en ce qui concerne les cas pour lesquels des indices signalant un possible mobile antisyndical ont été identifiés.
    • d) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de l’informer dans les meilleurs délais des initiatives prises au sujet de l’octroi urgent de ressources économiques et humaines complémentaires à l’Unité spéciale d’enquête sur les délits commis contre des syndicalistes, ainsi que des résultats obtenus.
    • e) Le comité encourage le gouvernement à prendre les mesures qui s’imposent en vue de créer des tribunaux spéciaux, qui permettraient de traiter plus rapidement les crimes et délits commis contre les membres du mouvement syndical. Le comité prie le gouvernement de l’informer des initiatives concrètes prises à cet égard.
    • f) Le comité prie le gouvernement de prendre, avec l’appui du représentant spécial du Directeur général du BIT au Guatemala, les mesures qui s’imposent pour renforcer la collaboration institutionnelle avec la CICIG ainsi qu’avec le groupe de travail syndical du ministère public.
    • g) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement d’élaborer et mettre en œuvre des mesures de protection efficaces à l’endroit des personnes qui acceptent de collaborer avec les enquêtes pénales relatives aux actes de violence antisyndicale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé dans les meilleurs délais des initiatives prises à cet égard.
    • h) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé du déroulement des enquêtes relatives aux auteurs matériels de l’homicide de M. Barrera Barco ainsi que celles concernant des liens éventuels entre l’activité syndicale de la victime et son refus de se soumettre au racket d’une bande de criminels.
    • i) En ce qui concerne l’assassinat de M. Carlos Antonio Hernández Mendoza, le comité prie le gouvernement de le tenir informé des résultats des enquêtes en cours, ainsi que des recherches mises en œuvre en vue de déterminer les liens éventuels entre l’homicide du dirigeant syndical et ses activités syndicales.
    • j) Le comité prie le gouvernement de lui fournir des informations sur les mobiles possibles des assassinats de MM. Retana Carias et Ortiz Jiménez, du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Jalapa, ainsi que sur les enquêtes diligentées dans le but de déterminer le lien éventuel entre les homicides et l’activité syndicale des victimes.
    • k) Le comité prie les organisations plaignantes de confirmer que les informations fournies par le gouvernement concernant l’assassinat de M. Marlón Dagoberto Vásquez López, perpétré le 6 janvier 2014, correspondent à la plainte pour homicide, à la même date, d’une personne présentée comme Marlón Velásquez.
    • l) Concernant les homicides de MM. Jerónimo Sol Ajcot, Genar Efrén Estrada Navas et Edwin Giovanni De la Cruz Aguilar, le comité prie instamment le gouvernement de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour, en collaboration avec les organisations syndicales, clarifier l’identité des personnes mentionnées et de le tenir informé des enquêtes menées afin d’identifier et sanctionner les auteurs matériels et commanditaires desdits faits.
    • m) Le comité prie instamment le gouvernement de continuer à prendre, en application de la mesure d’instruction générale no 1/2015, et dans les plus brefs délais, toutes les mesures qui s’imposent pour identifier les auteurs matériels et les commanditaires de l’homicide de M. Eliseo Villatoro Cardona et les sanctionner, de s’assurer que les plaintes pour menaces de mort déposées devant le ministère public sont examinées avec la rapidité requise, et d’octroyer immédiatement aux membres du SEMOT qui font l’objet de menaces les mesures de protection qui s’imposent. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • n) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur les allégations de tentatives d’exécution extrajudiciaire et de menaces de mort dont ont été victimes des membres du Syndicat de travailleurs du commerce de Coatepeque. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de manière détaillée sur ladite enquête et sur les procédures pénales engagées en conséquence.
    • o) Le comité attire de nouveau spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.

B. Nouvelles allégations

B. Nouvelles allégations
  1. 372. Dans une communication en date du 19 juillet 2018, le Mouvement syndical et populaire autonome du Guatemala et les Syndicats globaux du Guatemala dénoncent: i) l’assassinat, le 29 avril 2018, de M. Alejandro García Felipe, secrétaire général de la filiale locale du département de Santa Rosa du Syndicat national des travailleurs de la santé du Guatemala (SNTSG); ii) l’assassinat, entre le 15 et le 20 juin 2018, de M. Domingo Nach Hernández, secrétaire général du Syndicat des travailleurs municipaux de la municipalité de Villa Canales, département du Guatemala (SITRAMVCG); et iii) l’assassinat, le 21 juin 2018, de M. Juan Carlos Chavarría Cruz, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Melchor de Mencos, Petén.
  2. 373. Concernant l’assassinat de M. Alejandro García Felipe, l’organisation plaignante indique que: i) il avait déjà reçu de nombreuses menaces de mort en raison de son travail social et de son activité syndicale; ii) le 29 avril 2018 au matin, il est sorti de chez lui après avoir reçu un appel téléphonique; iii) son corps a été retrouvé le 1er mai à la morgue de la municipalité de Escuintla portant des marques de torture et de strangulation. En ce qui concerne l’assassinat de M. Domingo Nach Hernández, l’organisation plaignante déclare que son corps a été retrouvé portant des marques de nombreux coups et de strangulation. En ce qui concerne la mort de M. Juan Carlos Chavarría Cruz, l’organisation plaignante déclare que: i) le Syndicat des travailleurs de la municipalité de Melchor de Mencos était engagé dans un conflit du travail avec la municipalité portant sur le non-paiement des salaires et la réintégration de travailleurs licenciés; et ii) la plainte judiciaire déposée dans le cadre de ce conflit contre le maire pour abus de pouvoir et manquement à ses obligations a été jugée recevable.
  3. 374. L’organisation plaignante manifeste sa grande préoccupation à l’égard de ces trois assassinats et indique ne pas avoir reçu d’informations précises sur les progrès de l’enquête de la part du ministère public. Elle ajoute en outre que tous les moyens doivent être mis en œuvre de toute urgence pour assurer la protection personnelle des dirigeants syndicaux du Guatemala et faire la lumière sur les faits intervenus en identifiant et en punissant les auteurs matériels et les commanditaires des assassinats.
  4. 375. Dans une communication du 20 août 2018, la CUSG apporte des éléments de première importance au sujet de l’allégation d’assassinat de M. Domingo Nach Hernández, secrétaire général du SITRAMVCG perpétré en juin 2018. L’organisation plaignante allègue en particulier que: i) M. Nach Hernández a été séquestré le 15 juin 2018 et son corps a été retrouvé sans vie le 20 juin 2018 à la morgue de l’Institut national de médecine légale (INACIF); ii) depuis janvier 2016, M. Nach Hernández participait activement à l’organisation et au rassemblement des travailleurs de la municipalité de Villa Canales, premièrement en soutenant la constitution d’un comité ad hoc, puis, à partir du 23 juin 2017, avec la constitution et l’inscription du SITRAMVCG; iii) la constitution du SITRAMVCG a déclenché une vague de licenciements massifs et injustifiés de la part de la municipalité, dont celui de M. Nach Hernández, lequel a été réintégré à son poste de travail le 1er juin 2018 en application d’une ordonnance judiciaire; iv) le 16 décembre 2016, M. Nach Hernández avait déjà été victime d’un premier enlèvement, dûment établi par le ministère public. L’organisation plaignante ajoute qu’il existe des incohérences entre le certificat de décès établi par le Registre national des personnes qui indique que M. Nach Hernández est décédé le 20 juin 2018 et le certificat de décès émis par l’INACIF qui indique qu’il est décédé le 17 juin 2018 des suites d’un hématome sous dural, d’une lacération cérébrale et d’un traumatisme crânien.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement

    Allégations de meurtres déjà examinées

  1. 376. Dans des communications datées des 19 février et 18 septembre 2018, le gouvernement transmet les informations fournies par le ministère public concernant plusieurs cas d’assassinats de membres du mouvement syndical. En ce qui concerne l’homicide de M. Jorge Barrera Barco, conducteur d’autobus de son état, qui avait refusé, à l’instar d’autres chauffeurs, de se soumettre au racket d’une bande de criminels locale, le ministère public indique que: i) l’identité de l’auteur matériel ainsi que du commanditaire des faits a pu être établie; ii) la septième chambre de la Première instance pénale de lutte contre le trafic de drogue et les crimes contre l’environnement du Guatemala a constaté le décès de l’auteur le 4 août 2017 et a mis un terme aux poursuites pénales intentées contre l’auteur en question à la demande du ministère public; l’enquête concernant cette affaire suit son cours.
  2. 377. En ce qui concerne l’assassinat, le 8 mars 2013, de M. Carlos Antonio Hernández Mendoza, membre de la Centrale générale des travailleurs du Guatemala (CGTG), le ministère public rappelle que les accusés avaient bénéficié d’un non-lieu, le tribunal ayant considéré que les déclarations des témoins des faits étaient contradictoires à plusieurs égards. Le ministère public informe avoir ouvert le 21 juin 2017 une procédure pénale à l’encontre des témoins pour faux témoignage en faveur des accusés. Le ministère public va réexaminer toutes les procédures en vue d’identifier les auteurs matériels et les commanditaires des faits délictueux.
  3. 378. S’agissant des informations demandées par le Comité de la liberté syndicale quant aux motifs des meurtres de Retana Carías et Ortiz Jiménez, membres du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Jalapa, affaires qui se sont conclues en 2017 par des condamnations pour assassinat, le ministère public déclare à ce propos que: i) il a été considéré que le mobile de l’assassinat de Retana Carías était l’extorsion; ii) le tribunal a considéré que, dans le cas d’Ortiz Jiménez, l’assassinat a été commis par un tueur à gages payé par l’ex-époux de la compagne de la victime, qui a été condamné à vingt-cinq ans de prison; iii) l’hypothèse que le mobile de ces assassinats soit lié à l’exercice d’activités syndicales par les victimes a été écartée, considérant que l’une et l’autre n’étaient que de simples membres de leur syndicat, nullement investis de fonctions de représentation ou de direction au sein de celui-ci.
  4. 379. En ce qui concerne l’homicide de M. Jerónimo Sol Ajcot, membre de la Coordination nationale indigène et paysanne (CONIC), le ministère public informe que la victime a été assassinée en mars 2013 par un groupe de personnes munies d’armes à feu. Le ministère public fournit le rapport du bureau du procureur d’Atitlán chargé de l’enquête selon lequel: i) ont été interrogés les parents de la victime, la CONIC qui employait la victime et le comité directeur de l’Association Maya Tzutujil, agriculteurs de Santiago Atitlán (AMTASA); ii) toutes les personnes interrogées ont déclaré méconnaître le motif de l’assassinat de M. Sol Ajcot mais que la victime avait fait l’objet d’une tentative d’extorsion en 2007, ces faits ne se s’étant pas reproduits depuis; et iii) le 27 mars 2013, un rapport de la CONIC a été reçu qui retrace le parcours professionnel de M. Sol Ajcot.
  5. 380. En ce qui concerne l’homicide de M. Genar Efren Estrada Navas, le ministère public informe que, le 12 mars 2014, la victime a reçu plusieurs coups de feu tandis qu’elle conduisait sa motocyclette sur une route de la municipalité de Jalapa. Le ministère public transmet également un rapport établi par le bureau du procureur du district de Jalapa chargé de l’enquête selon lequel: i) un projectile provenant d’une arme à feu a été retrouvé sur le lieu du crime et a permis d’en déterminer le calibre; ii) les témoignages recueillis auprès de trois parents de la victime mettent en cause deux personnes ayant eu un conflit avec la victime pour des questions de servitude de passage liées à une propriété immobilière et pour un litige auquel était liée l’une de ses filles, déclarations qui n’ont été toutefois étayées par aucun élément d’incrimination justifiant l’ouverture d’une procédure; iii) le 26 juillet 2017, une déposition est faite par une quatrième personne, qui a déclaré que l’une des deux personnes mentionnées par la famille de la victime possédait une arme à feu et qu’elle était en conflit avec la victime; iv) un rapport de la Direction générale du contrôle des armes et munitions du 25 juillet 2018 établit que les personnes suspectées ne détiennent pas d’armes à feu enregistrées à leur nom; et v) l’enquête sur cette affaire suit actuellement son cours.
  6. 381. En ce qui concerne l’allégation d’homicide de M. Edwin Giovanni De la Cruz Aguilar, le ministère public informe que les recherches menées avec l’aide du Système informatique de contrôle de l’enquête du ministère public (SICOMP) n’ont pas permis d’identifier l’homicide en question. La seule information obtenue au sujet de cette personne est qu’elle a été témoin dans une affaire de vol survenu en 2001.
  7. 382. En ce qui concerne l’homicide de M. Eliseo Villatoro Cardona, du Syndicat des employés municipaux organisés de Tiquisate (SEMOT), intervenu le 9 novembre 2016, le ministère public informe que toutes les mesures d’urgence ont été prises et que le dossier est en cours d’instruction en attendant de recevoir les rapports demandés qui n’ont pas encore été remis.
  8. 383. En ce qui concerne l’homicide de M. Luis Haroldo García Ávila, du Syndicat des travailleurs du commerce de Coatepeque, perpétré en mars 2009, le ministère public informe que: i) le dossier d’instruction a été transmis à la Direction d’analyse criminelle du ministère public afin que ce cas ainsi que deux autres cas portant sur des faits survenus dans le cadre d’un conflit entre la municipalité de Coatepeque et les commerçants du secteur soient examinés conjointement; ii) plusieurs dispositions n’ont pas encore été prises, parmi lesquelles le profilage de l’épouse de la victime et de la victime elle-même; et iii) un rapport de comparaison balistique a été demandé sur les indices trouvés sur la scène du crime ainsi qu’une vérification pour établir si la victime disposait d’une assurance au profit de son épouse ou d’une tierce personne.
  9. 384. En ce qui concerne l’homicide de M. Armando Donaldo Sánchez Betancourt, également membre du Syndicat des travailleurs du commerce de Coatepeque, perpétré le 23 décembre 2008, le ministère public informe que: i) ce cas est lié à deux autres homicides; et ii) l’ensemble des pièces versées au dossier a été remis à la Direction d’analyse criminelle du ministère public afin d’élucider la vague de criminalité qui régnait dans la région en vue de désigner individuellement les auteurs matériels et les commanditaires de l’homicide.
  10. 385. En ce qui concerne l’homicide de M. Julián Capriel Marroquín, du Syndicat des vendeurs de la place publique de Jocotán, intervenu le 16 juillet 2009, le ministère public informe que: i) aucune concordance balistique n’a pu être établie avec les indices relevés sur la scène du crime; ii) les enquêteurs de la Division spécialisée dans l’investigation criminelle ont reçu des orientations en vue de localiser les témoins et désigner les auteurs présumés du crime; et iii) de nombreuses informations balistiques n’ont pas encore été reçues.
  11. 386. En ce qui concerne l’homicide de M. Amado Corazón Monzón, du Syndicat des travailleurs du commerce de Coatepeque, intervenu en janvier 2009, le ministère public informe que: i) ce cas étant lié à d’autres assassinats violents commis dans la municipalité de Coatepeque, des mesures ont été prises pour diligenter une enquête conjointe et demander que ces cas soient tous confiés à une juridiction de haut risque, et ii) les auteurs des faits doivent encore être identifiés à l’aide des indices balistiques obtenus et de l’analyse des appels téléphoniques.
  12. 387. Dans ses communications du 1er et du 19 mars 2018, le gouvernement transmet les informations fournies par le ministère public concernant le renforcement de l’Unité spéciale d’enquête sur les délits commis à l’encontre de syndicalistes (désormais désignée comme Unité spéciale d’enquête). Le ministère public souligne à cet égard le renforcement du budget alloué à l’Unité spéciale d’enquête pour l’année 2018, indiquant que: i) le budget affecté en 2018 à l’Unité spéciale d’enquête se monte à 4 331 148,49 quetzales, contre un total de 4 178 537,85 quetzales pour l’année 2017; ii) le budget de l’Unité spéciale d’enquête consacré au personnel est passé de 3 535 650,54 quetzales à 3 661 148,49 quetzales; et iii) le budget consacré aux installations, véhicules et matériels est passé de 79 700 quetzales à 100 000 quetzales. Le ministère public rappelle également que ces dernières années, les effectifs de l’Unité spéciale d’enquête ont été renforcés et qu’ils comptent désormais un chef d’unité, trois enquêteurs, huit auxiliaires d’enquête I, deux auxiliaires d’enquête II, trois bureaux d’enquête et un enquêteur de la Direction d’analyse criminelle.
  13. 388. S’agissant de la collaboration entre la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG) et le ministère public, le gouvernement indique dans sa communication du 1er mars 2018 que celle-ci, qui a débuté en 2013, n’a pas une échéance déterminée et qu’elle a pour finalité de renforcer les capacités d’enquête et d’analyse du ministère public dans les affaires de violences commises contre des dirigeants et des membres du mouvement syndical. Dans sa communication du 18 septembre 2018, le gouvernement fait état d’une lettre datée du 16 juillet 2016 dans laquelle le représentant de la CICIG, M. Iván Velásquez Gómez: i) rappelle que l’accord de coopération conclu à propos des affaires de violences commises contre des dirigeants ou membres du mouvement syndical a pour objet le renforcement des capacités d’investigation du ministère public; ii) indique que la CICIG s’est acquittée de sa mission en présentant en temps et heure des recommandations visant à un renforcement des investigations dans 12 affaires déterminées; et iii) recommande que ce soit le ministère public qui donne des informations sur l’avancement des enquêtes concernées.
  14. 389. S’agissant du groupe de travail syndical du ministère public, qui a été créé le 30 août 2013 pour favoriser l’échange d’informations entre le ministère public et les organisations syndicales, le gouvernement indique dans ses communications des 1er mars et 18 septembre 2018 que: i) l’existence de cette instance a été prorogée le 9 septembre 2015 pour une nouvelle période de deux ans; ii) la réunion dudit groupe de travail syndical prévue le 1er septembre 2017 n’a pu avoir lieu, en raison de l’absence des représentants du mouvement syndical; iii) quand cela lui est demandé, le ministère public informe les organisations syndicales de l’avancement des affaires; et iv) en application de l’instruction générale 1 2015, dans toute affaire de violences commises contre un membre du mouvement syndical, le contexte correspondant aux relations socioprofessionnelles est dûment pris en considération.
  15. 390. Le gouvernement déclare enfin que: i) la collaboration entre le ministère public et la police nationale civile dans les enquêtes sur les meurtres de membres du mouvement syndical continue de se développer et de s’institutionnaliser; ii) concernant la demande du Comité de la liberté syndicale tendant à ce que des mesures de protection efficaces soient définies et mises en place pour les personnes qui acceptent de collaborer dans les enquêtes pénales sur les faits de violences antisyndicales, il existe un mécanisme spécifiquement conçu pour la protection des témoins mais, parmi les témoins qui collaborent avec l’unité spéciale, aucun n’a été placé sous la protection de l’Office de protection des témoins.

    Nouvelles allégations de meurtres

  1. 391. Dans sa communication du 18 septembre 2018, le gouvernement communique un certain nombre d’éléments concernant les allégations de meurtres d’Alejandro García Felipe, Domingo Nach Hernández et Juan Carlos Chavarría Cruz. S’agissant d’Alejandro García Felipe, qui était membre du Syndicat national des travailleurs de la santé du Guatemala, le gouvernement déclare que: i) le corps de la victime a été découvert le 30 avril 2018 dans le périmètre d’une exploitation agricole de Puerto de San José Escuintlá et il a été remis à l’Institut médico-légal national le 1er mai 2018; ii) l’enquête a été confiée à l’unité spéciale; iii) 11 différents actes d’investigation sont actuellement en attente, incluant des analyses scientifiques, des demandes d’informations auprès d’autorités locales ainsi que des auditions de l’entourage professionnel, syndical et personnel de la victime, en vue de déterminer les circonstances du meurtre et son mobile éventuel. S’agissant de Domingo Nach Hernández, qui était membre du SITRAMVCG, le gouvernement indique que: i) le 16 juin 2018, à 0 h 35, il a été acheminé par les pompiers à un hôpital de la ville de Guatemala, où il est mort le jour suivant des suites d’un traumatisme crânien; ii) l’enquête sur cette affaire a été confiée à l’unité spéciale; iii) six actes d’investigation axés sur l’identification du véhicule par lequel la victime a été renversée sont actuellement en attente. S’agissant de Juan Carlos Chavarría Cruz, qui était secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Melchor de Mencos, Petén, le gouvernement indique que: i) il a succombé le 21 juin 2018 sur le territoire de la commune de Melchor de Mencos, département du Petén, aux tirs d’armes à feu de plusieurs personnes; ii) l’enquête a été confiée à l’unité spéciale; iii) d’après les déclarations de son épouse, la victime allait remettre un bracelet d’argent à quelqu’un au moment des faits; et iv) huit actes d’investigation sont actuellement en attente dans cette affaire, incluant des analyses scientifiques, des demandes d’information auprès d’autorités locales ainsi que des auditions de l’entourage de travail et de l’entourage syndical et personnel de la victime, en vue de déterminer les circonstances du meurtre et son mobile.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 392. Le comité rappelle que, dans le présent cas, les organisations plaignantes dénoncent un grand nombre d’assassinats et d’actes de violence perpétrés à l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ainsi que la situation d’impunité qui en découle. Le comité examine ce cas pour la neuvième fois.
  2. 393. Le comité observe que, depuis son dernier examen du cas en juin 2017, le Conseil d’administration du BIT a examiné à trois reprises la plainte relative au non-respect par le Guatemala de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, plainte déposée par plusieurs délégués travailleurs en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT, à la 101e session (2012) de la Conférence internationale du Travail. Le comité rappelle que cette plainte dénonce, entre autres, les assassinats de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ainsi que l’impunité qui prévaudrait à cet égard. Le comité rappelle tout particulièrement que: i) dans le cadre du suivi de la plainte déposée en vertu de l’article 26 de la constitution de l’OIT, le gouvernement a adopté en octobre 2013 en consultation avec les partenaires sociaux une feuille de route par laquelle il s’engageait à juger et condamner rapidement les auteurs matériels et les commanditaires de crimes commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes ainsi qu’à renforcer les mécanismes de prévention et de protection face aux menaces et aux attentats perpétrés contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes; ii) le 2 novembre 2017, les mandants tripartites du Guatemala ont signé un accord tripartite national destiné à la mise en œuvre intégrale de la feuille de route et à résoudre ainsi les éléments soulevés dans la plainte présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT; iii) en vertu de cet accord, en février 2018, a été créée la Commission nationale tripartite des relations professionnelles et de la liberté syndicale; et iv) le Conseil d’administration a décidé à sa 333e session (juin 2018) de reporter sa décision sur ladite plainte à sa session d’octobre-novembre 2018.
  3. 394. Le comité prend note des observations envoyées par le gouvernement par le biais des communications des 19 février, 1er mars, 19 mars et 18 septembre 2018. Le comité observe également que, dans le cadre du suivi de la plainte déposée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT, le gouvernement ainsi que les organisations plaignantes dans le présent cas ont régulièrement fourni au conseil d’administration du BIT des informations détaillées, qui se révèlent pertinentes dans leur majorité pour l’examen des allégations du présent cas.
  4. 395. Le comité regrette de nouveau profondément le grand nombre d’actes de violence contenus dans la plainte et se dit gravement préoccupé face au nombre élevé de dirigeants syndicaux et de syndicalistes assassinés. Le comité attire de nouveau l’attention du gouvernement sur le fait que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des syndicalistes, et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 84.]

    Données de caractère général

  1. 396. Le comité prend note de la vue d’ensemble fournie par le gouvernement en mai 2018 dans le cadre du suivi de la plainte présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT sur l’état d’avancement des enquêtes et procédures pénales relatives à 86 assassinats de membres du mouvement syndical (74 cas dénoncés précédemment devant ce comité et 12 cas dénoncés au niveau national), indiquant que: i) 16 condamnations ont été prononcées concernant 14 cas (2 cas comptant pour 2 jugements chacun); ii) 4 décisions de relaxe ont été prononcées; iii) 1 jugement a été rendu pour des mesures de sécurité et de correction; iv) des mandats d’arrêt ont été lancés concernant 6 cas; v) les poursuites pénales ont été abandonnées dans 5 cas; vi) 3 cas se trouvent en phase de procédure intermédiaire; vii) 1 cas est en cours de débat; viii) 52 cas se trouvent en phase d’examen.
  2. 397. Le comité note en outre que, dans ses diverses communications dans le cadre du présent cas et de la plainte présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT, le gouvernement se réfère à une série d’initiatives institutionnelles visant à rendre plus efficaces les enquêtes relatives aux assassinats de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, notamment: i) une augmentation de 3,66 pour cent du budget de l’Unité spéciale d’enquête pour 2018 par rapport à l’année précédente; ii) la réalisation, entre août 2017 et mai 2018, de 17 réunions entre l’Unité spéciale d’enquête et la Division spécialisée dans l’investigation criminelle (DEIC) de la police civile en vue d’analyser les divers faits délictueux dans leur contexte syndical; iii) la création, le 1er août 2017, d’un nouveau Tribunal de première instance pénale, trafic de drogue et crime contre l’environnement compétent pour traiter les procédures à haut risque, sachant que les procédures pour atteinte à la vie de syndicalistes peuvent être traitées par des instances de haut risque, avec information et résolution préalables de la chambre pénale, et que la plupart des jugements récents relatifs à des assassinats de syndicalistes sont rendus par ces juridictions pénales; iv) le maintien de la collaboration avec la CICIG concernant les 12 assassinats signalés par le mouvement syndical; v) l’entière disponibilité du ministère public pour continuer d’échanger des informations avec le mouvement syndical, soit par le biais d’un bureau syndical (officiellement en vigueur jusqu’au 1er septembre 2017), soit par d’autres moyens; et vi) la mise en place, dans le cadre de la récente création de la Commission nationale tripartite des relations de travail et de la liberté syndicale résultant de l’accord tripartite de novembre 2017, d’une sous-commission d’application de la feuille de route.
  3. 398. Le comité prend bonne note de ces diverses initiatives et notamment de l’opportunité qu’elles représentent pour assurer la lutte contre l’impunité en matière de violence antisyndicale: i) le renforcement de la collaboration entre l’Unité spéciale d’enquête et la DEIC de la police civile; ii) la possibilité de recourir plus souvent aux tribunaux de haut risque dans les cas d’assassinat de membres du mouvement syndical; et iii) la création de la sous commission d’application de la feuille de route pour assurer un suivi tripartite renforcé des actions entreprises dans la lutte contre la violence antisyndicale. Le comité observe néanmoins avec regret que, depuis le dernier examen du cas en juin 2017, les résultats obtenus ont peu évolué et que la plupart des motifs de profonde préoccupation qu’il avait exprimés dans son dernier examen du cas subsistent toujours, en particulier: i) le nombre encore fort bas d’affaires d’homicides ayant donné lieu à une condamnation (16 sur 86 plus une décision d’internement en hôpital psychiatrique) en dépit du temps écoulé depuis le moment des faits; ii) le nombre encore plus réduit de cas de condamnation des commanditaires (deux); et iii) le nombre très élevé de cas en cours d’instruction pour lesquels, d’après la documentation fournie par le ministère public, aucune possibilité d’identification des auteurs matériels et des commanditaires des faits n’est entrevue à court terme. A cet égard, le comité rappelle que l’absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d’insécurité, et est donc extrêmement dommageable pour l’exercice des activités syndicales. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 52.]

    Allégations d’homicides déjà examinées

  1. 399. Par ailleurs, lors de son examen antérieur du cas, le comité avait observé avec une préoccupation particulière l’absence de progrès dans les enquêtes relatives aux assassinats pour lesquels des indices d’un mobile antisyndical possible ont été identifiés (soit parce que de nombreux membres d’un même syndicat avaient été tués, soit parce que la CICIG ou le ministère public lui-même avaient déjà identifié expressément un éventuel mobile antisyndical, ou encore parce que les victimes faisaient partie de syndicats pour lesquels le comité sait fort bien qu’au moment des faits ils faisaient l’objet d’actes antisyndicaux). Le comité faisait référence à cet égard à 20 victimes membres du Syndicat des travailleurs des bananeraies d’Izabal, du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Coatepeque, du Syndicat des travailleurs du commerce de Coatepeque, du Syndicat de microbus urbains du secteur Camposanto Magnolia, du Syndicat national des travailleurs de la santé du Guatemala, du Syndicat des travailleurs municipaux de Malacatán, San Marcos, du Syndicat des travailleurs de l’assistance technique et administrative à l’Institut de défense publique pénale et du Syndicat de l’Union des employés des services des migrations. [Voir 382e rapport, paragr. 339, et 378e rapport, paragr. 310.] Concernant ces assassinats, le comité prend note, d’une part, de l’imposition en mars 2017 d’une condamnation à six ans d’emprisonnement pour association illicite d’une des personnes impliquées dans l’assassinat de Bruno Ernesto Figueroa, dirigeant d’une filiale du Syndicat national de la santé et, d’autre part, des indications du ministère public selon lesquelles d’autres enquêtes conjointes sont en cours d’instruction concernant trois homicides de membres du Syndicat des travailleurs du commerce de Coatepeque afin de démontrer la vague criminelle sévissant alors dans la région. Le comité prend toutefois note avec regret que: i) sur les 20 assassinats mentionnés, et en dépit des années écoulées depuis l’établissement des faits, seules deux condamnations ont été prononcées à ce jour; ii) le gouvernement ne fournit pas d’informations précises concernant l’avancée des enquêtes ou des mesures prises concernant les autres cas; iii) à l’exception du cas mentionné de Coatepeque, le comité ne dispose toujours pas d’éléments permettant d’établir un lien entre les différentes enquêtes sur les homicides de membres de la même organisation syndicale; et iv) en dépit de ses demandes antérieures, le comité n’a connaissance d’aucun élément indiquant que les instructions en cours ont été repensées en vue de prendre dûment en compte les activités syndicales des victimes.
  2. 400. Compte tenu de ce qui précède, et rappelant l’adoption de l’instruction générale no 1/2015 du ministère public, le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de continuer à prendre et de renforcer de toute urgence toutes les mesures nécessaires pour assurer que, dans la conception et le déroulement des enquêtes, l’éventuelle nature antisyndicale des assassinats de membres du mouvement syndical est pleinement et systématiquement prise en considération et que les enquêtes ciblent à la fois les auteurs matériels et les commanditaires des faits. Confiant dans les éléments fournis par la nouvelle sous-commission d’application de la feuille de route à ce sujet, le comité demande au gouvernement de le tenir informé dans les plus brefs délais des mesures prises et des résultats obtenus à cet égard, tout particulièrement en ce qui concerne les cas signalés au paragraphe précédent.
  3. 401. En ce qui concerne l’assassinat en 2013 de Jorge Barrera Barco, conducteur d’autobus et membre de la CUSG qui, avec d’autres chauffeurs, avait refusé de payer les sommes que tentaient de lui extorquer une bande de criminels locale, le comité prend note de l’information fournie par le gouvernement selon laquelle, le 4 août 2017, les tribunaux ont déclaré l’extinction des poursuites pénales à l’encontre de l’auteur et commanditaire présumé des faits suite à son décès, mais l’enquête concernant cette affaire reste ouverte. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des résultats de cette enquête.
  4. 402. En ce qui concerne l’assassinat, en 2013, de Carlos Antonio Hernández Mendoza, membre de la CGTG, le comité prend note que le ministère public a ouvert une procédure pénale pour faux témoignage à l’encontre de deux témoins du cas et que le dossier va être à nouveau examiné en vue de désigner les auteurs matériels et les commanditaires de ces crimes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des conclusions de cette enquête.
  5. 403. S’agissant des meurtres de Retana Carías et Ortiz Jiménez, membres du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Jalapa, affaires qui s’étaient conclues par des condamnations pour assassinat mais à propos desquelles le gouvernement n’avait pas fait état des mobiles, le comité note que le gouvernement indique que: i) il a été considéré que le mobile de l’assassinat de Retana Carías était l’extorsion; ii) le tribunal a considéré que, dans le cas d’Ortiz Jiménez, l’assassinat a été commis par un tueur à gages payé par l’ex époux de la compagne de la victime, lequel a été condamné à vingt-cinq ans de prison.
  6. 404. En ce qui concerne l’assassinat de MM. Jerónimo Sol Ajcot, membre de la CONIC, Genar Efrén Estrada Navas, membre de la CUSG, et Edwin Giovanni De La Cruz Aguilar, également membre de la CUSG, le comité prend note que le gouvernement indique que: i) M. Sol Ajcot, membre de la CONIC, a été assassiné par plusieurs personnes en mars 2013; ii) l’interrogatoire de la famille de la victime et les contacts avec la CONIC n’ont pas permis d’identifier les auteurs du crime ni leurs motifs; iii) M. Estrada Navas a été assassiné par une arme à feu en mars 2014 alors qu’il conduisait sa motocyclette; iv) les témoignages de plusieurs membres de la famille établissent un lien entre l’assassinat de M. Estrada Navas et un litige lié à la fille de la victime, le dossier étant toujours en cours d’instruction auprès du procureur de district de Jalapa; et v) les recherches portant sur M. Edwin Giovanni De la Cruz Aguilar n’ont pas permis d’élucider son assassinat, la seule donnée le concernant étant qu’il fut témoin dans une affaire de vol en 2001. Tout en prenant note de ces éléments, le comité observe que les enquêtes relatives au cas de M. Estrada Navas, menées par l’Unité spéciale d’enquête, ne semblent pas tenir compte de liens éventuels entre l’assassinat et l’activité syndicale de la victime. Le comité prie par conséquent le gouvernement de veiller à ce que cet aspect soit pleinement pris en considération dans la poursuite de l’enquête. En ce qui concerne le cas de M. De la Cruz Aguilar, le comité demande à la CUSG de fournir au ministère public des éléments complémentaires concernant cette allégation d’assassinat.
  7. 405. En ce qui concerne l’assassinat de M. Eliseo Villatoro Cardona, dirigeant du SEMOT, perpétré le 9 novembre 2016 dans le cadre, selon les allégations de l’organisation plaignante, d’un conflit aigu entre le maire de Tiquisate et le syndicat, le comité prend note avec inquiétude des indications du ministère public selon lesquelles, près de deux ans après le crime, l’instruction attend de recevoir plusieurs rapports dont elle a fait la demande et qui n’ont pas encore été fournis. Le comité prie le gouvernement de déployer tous les efforts nécessaires pour que soit remis dans les plus brefs délais les rapports demandés et que l’enquête puisse être menée à bien sans délai. Le comité demande au gouvernement de l’informer à ce sujet.
  8. 406. Ainsi que l’indique brièvement le paragraphe 29, le comité prend également note des informations fournies par le ministère public concernant les homicides perpétrés en 2008 et 2009 de trois membres du Syndicat des travailleurs du commerce de Coatepeque (de MM. Luis Haroldo García Ávila, Armando Donaldo Sánchez Betancourt et Amado Corazón Monzón). Tout en constatant avec inquiétude que, plus de neuf ans après les faits, certains aspects essentiels de l’enquête tels que les rapports balistiques ou les analyses téléphoniques n’ont pas été réalisés, le comité prend bonne note que: i) le ministère public a pris des dispositions pour que l’instruction soit menée conjointement avec sa Direction d’analyse criminelle en vue d’établir la vague de criminalité qui sévissait alors dans la région et de désigner les auteurs matériels et les commanditaires des crimes; et ii) il a demandé que tous les cas soient confiés à une juridiction de haut risque. Soulignant qu’il est important que les enquêtes conjointes mentionnées tiennent compte des éventuels liens entre les assassinats et l’activité syndicale des victimes, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la poursuite et des résultats de ces enquêtes.
  9. 407. Le comité prend également note des informations fournies concernant les enquêtes conduites dans le cadre de l’assassinat de M. Julian Capriel Marroquín, membre du Syndicat des vendeurs de la place publique de Jocotán, perpétré le 16 juillet 2009. Le comité observe avec inquiétude que plus de neuf ans après les faits, les informations balistiques n’ont pas encore été obtenues. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’obtention desdites informations.
  10. 408. Enfin, le comité prend note des indications du gouvernement selon lesquelles il existe un mécanisme spécifiquement conçu pour la protection des témoins mais que, parmi les témoins qui collaborent avec l’Unité spéciale d’enquête, aucun n’a été placé sous la protection de l’Office de protection des témoins. Le comité prie le gouvernement de l’informer des motifs pour lesquels ce mécanisme n’est pas appliqué aux enquêtes pénales examinées dans le cadre du présent cas.

    Nouvelles allégations d’assassinats

  1. 409. Le comité prend note avec préoccupation que le Mouvement syndical et populaire autonome du Guatemala, les Syndicats globaux du Guatemala ainsi que, dans le troisième cas, la CUSG, dénoncent: i) l’assassinat le 29 avril 2018 de M. Alejandro García Felipe, secrétaire général de la filiale locale de la section de Santa Rosa du SNTSG; ii) l’assassinat, entre le 15 et le 20 juin 2018, de M. Domingo Nach Hernández, secrétaire général du SITRAMVCG; et iii) l’assassinat le 21 juin 2018 de M. Juan Carlos Chavarría Cruz, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Melchor de Mencos, Petén. Le comité déplore profondément ces nouveaux homicides et prend note avec une préoccupation profonde des allégations des organisations plaignantes indiquant que, dans les trois cas, des éléments et des antécédents concrets pointent vers l’éventuel caractère antisyndical de ces assassinats. Le comité prend note des premières informations communiquées par le gouvernement au sujet de ces nouveaux homicides et relève en particulier que: i) ces trois homicides ont donné lieu à l’ouverture d’enquêtes, confiées à l’Unité spéciale d’enquête; ii) dans chaque affaire, l’unité spéciale a diligenté un certain nombre d’actes d’investigation, qui sont en attente de réalisation; et iii) dans deux des trois affaires, les actes d’investigation prévus prennent en considération le fait que la victime avait une activité syndicale, et, dans la troisième, l’enquête se concentre sur l’identification du véhicule par lequel la victime aurait été renversée. Rappelant les principes déjà mentionnés au sujet de la lutte contre l’impunité et la rapidité nécessaire des enquêtes et procédures judiciaires dans les cas d’actes de violence antisyndicale, le comité prie le gouvernement, en application de l’instruction générale no 1/2015, de prendre avec la plus grande diligence toutes les mesures qui s’imposent pour identifier les auteurs matériels ainsi que les commanditaires de ce crime et les sanctionner dans les délais les plus brefs, en veillant à ce que l’instruction relative à ces trois homicides tienne dûment compte des éventuels liens entre les faits et l’activité syndicale des victimes. Notant en outre que trois des quatre derniers assassinats dénoncés dans cette affaire (l’assassinat de MM. Nach Hernández et Chavarría Cruz, examiné pour la première fois dans le présent rapport, ainsi que l’assassinat de M. Villatoro Cardona, dirigeant du SEMOT, examiné pour la première fois par le comité dans son rapport de juin 2017) concernent des dirigeants syndicaux et des membres des syndicats municipaux, le comité prie le gouvernement de prendre des mesures concrètes pour veiller au plein respect de la liberté syndicale dans les municipalités et empêcher de futurs actes de violence à l’encontre de membres des syndicats municipaux. Le comité prie enfin le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  2. 410. Profondément préoccupé par l’intensification des allégations d’homicides antisyndicaux ces derniers mois et prenant note, d’une part, de la demande des organisations plaignantes pour que tous les mécanismes de protection personnelle des dirigeants syndicaux du Guatemala soient déployés de toute urgence et, d’autre part, du fait que les informations fournies par le gouvernement au Conseil d’administration dans le cadre du suivi de la plainte présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT portent essentiellement sur la mise en place d’un périmètre de sécurité et non pas de mesures personnelles, le comité prie le gouvernement de réexaminer dans les plus brefs délais, par le biais des espaces de dialogue entre le ministère de la Gouvernance et les organisations syndicales et la nouvelle sous-commission d’application de la feuille de route, les mécanismes de protection accordés aux membres du mouvement syndical se trouvant en situation de risque. Le comité prie enfin le gouvernement de le tenir informé à cet égard.

    Autres allégations d’actes de violence

  1. 411. Dans son examen antérieur du cas, le comité avait prié le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les dénonciations de menaces de mort à l’encontre de plusieurs membres du SEMOT déposées auprès du ministère public soient examinées avec la rapidité requise et de garantir immédiatement aux membres du SEMOT faisant l’objet de menaces les mesures de protection qui s’imposent. Face à l’absence d’informations détaillées à ce sujet de la part du gouvernement, le comité réitère avec insistance ses précédentes requêtes.
  2. 412. Tout en notant les informations du gouvernement sur l’état des enquêtes conjointes relatives au meurtre de plusieurs membres du Syndicat des travailleurs du commerce de Coatepeque, le comité regrette que, plus de neuf ans après ces graves allégations, le gouvernement n’ait toujours pas fourni d’éléments sur l’ouverture d’une enquête concernant les tentatives d’exécution extrajudiciaire et les menaces de mort ayant affecté d’autres membres de ce syndicat. Rappelant que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations et qu’il appartient au gouvernement de garantir le respect de ce principe [voir Compilation, op. cit., paragr. 84], le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les enquêtes actuellement en cours visant à élucider la vague de criminalité dont ont été la cible les membres du Syndicat des travailleurs du commerce de Coatepeque incluent également les allégations de tentative d’assassinat et de menaces de mort. Le comité prie enfin le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  3. 413. De manière générale, tout en prenant bonne note des mesures que le gouvernement continue de prendre et de la difficulté de faire la lumière sur les meurtres les plus anciens examinés dans le présent cas, le comité ne peut qu’exprimer sa profonde préoccupation devant les trois nouveaux assassinats de membres du mouvement syndical commis ces derniers mois et devant la persistance du haut niveau d’impunité à l’égard des nombreux meurtres et actes de violence antisyndicale dénoncés dans le cadre de cette plainte. Le comité note également la fin annoncée du mandat de la CICIG, en septembre 2019. Le comité considère que l’importance et l’envergure des défis mentionnés, alliés à la volonté exprimée par les mandants tripartites par le biais de la signature de l’accord tripartite de novembre 2017 et la création qui en découle de la Commission nationale tripartite de relations du travail et de la liberté syndicale, rendent nécessaires et opportunes les mesures ambitieuses pour renforcer et appliquer la politique nationale de lutte contre la violence antisyndicale et l’impunité. A ce titre, le comité prie tout particulièrement le gouvernement, après une consultation avec les partenaires sociaux les plus représentatifs, de: i) augmenter substantiellement les ressources humaines et financières de l’Unité spéciale d’enquête; ii) renforcer et pérenniser la collaboration entre l’Unité spéciale d’enquête et la DEIC de la police civile; iii) veiller à la pleine application de l’instruction générale no 1/2015 du ministère public, afin que dans la conception et le déroulement des enquêtes soit dûment et systématiquement pris en compte l’éventuel caractère antisyndical des homicides des membres du mouvement syndical; iv) tirer le meilleur parti de la collaboration avec la CICIG concernant les enquêtes relatives au meurtre de membres du mouvement syndical; v) donner un nouvel élan à la collaboration entre le ministère public et le mouvement syndical; vi) prendre les mesures nécessaires pour que le plus grand nombre possible de meurtres de membres du mouvement syndical soit examiné par des juridictions de haut risque; et vii) veiller à ce que soient adoptées, dans les meilleurs délais, toutes les mesures de sécurité personnelle que pourraient solliciter les membres du mouvement syndical en situation de risque. Rappelant que le gouvernement peut continuer à solliciter l’assistance technique du Bureau à cet égard, le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 414. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité exprime de nouveau sa profonde et croissante préoccupation face à la gravité de ce cas qui fait état de nombreux assassinats, tentatives d’assassinat, agressions et menaces de mort et face au climat d’impunité qui prévaut.
    • b) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement de continuer à prendre et de renforcer de toute urgence toutes les mesures qui s’imposent pour garantir que, dans la conception et le déroulement des enquêtes, l’éventuelle nature antisyndicale des homicides de membres du mouvement syndical est pleinement et systématiquement prise en considération et que les enquêtes ciblent à la fois les auteurs matériels et les commanditaires des faits. Confiant dans les contributions de la nouvelle sous-commission d’application de la feuille de route à cet égard, le comité prie le gouvernement de le tenir informé dans les meilleurs délais des mesures prises et des résultats obtenus à cet égard, notamment au sujet des cas signalés au paragraphe 399 du présent rapport.
    • c) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des résultats de l’enquête concernant l’homicide de M. Barrera Barco.
    • d) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des résultats de l’enquête relative au meurtre de M. Carlos Antonio Hernández Mendoza.
    • e) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des résultats de l’enquête relative au meurtre de M. Estrada Navas, en tenant dûment compte des possibles liens entre les activités syndicales de la victime et son assassinat.
    • f) En ce qui concerne M. De la Cruz Aguilar, le comité prie l’organisation plaignante de fournir au ministère public des éléments complémentaires concernant l’allégation d’assassinat.
    • g) Soulignant l’importance de prendre en considération les liens éventuels entre les homicides et les activités syndicales des victimes dans les enquêtes conjointes en cours sur l’assassinat de trois membres du Syndicat des travailleurs du commerce de Coatepeque, le comité prie le gouvernement de le tenir informé des développements et résultats de ces enquêtes.
    • h) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’obtention des informations balistiques concernant l’homicide de M. Julián Capriel Marroquín.
    • i) Le comité prie le gouvernement de l’informer des motifs pour lesquels le mécanisme de protection des témoins n’est pas appliqué aux enquêtes pénales examinées dans le cadre du présent cas.
    • j) Le comité prie instamment le gouvernement de faire en sorte que, en application de l’instruction générale no 1/2015, toutes mesures soient prises, dans les plus brefs délais et avec la plus grande diligence, pour que les auteurs matériels et les commanditaires des meurtres commis sur les personnes d’Alejandro García Felipe, Domingo Nach Hernández et Juan Carlos Chavarría Cruz soient identifiés et punis, et de veiller notamment à ce que les enquêtes prennent dûment en considération les liens possibles entre les faits et l’activité syndicale exercée par les trois victimes. Le comité prie enfin le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • k) Observant que trois des quatre derniers homicides dénoncés dans le cadre de ce cas portent sur des dirigeants syndicaux et des membres de syndicats municipaux, le comité prie le gouvernement de prendre des mesures concrètes pour assurer le plein respect de la liberté syndicale dans les municipalités et empêcher que de futurs actes de violence soient perpétrés contre les membres des syndicats municipaux. Le comité prie enfin le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • l) Le comité prie le gouvernement de réexaminer dans les plus brefs délais, par le biais des espaces de dialogue existant entre le ministère de la Gouvernance et les organisations syndicales et de la nouvelle sous-commission d’application de la feuille de route, les mécanismes de protection accordée aux membres du mouvement syndical en situation de risque. Le comité prie enfin le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • m) Le comité prie à nouveau le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les plaintes pour menaces de mort à l’endroit de plusieurs membres du Syndicat des employés municipaux organisés de Tiquisate (SEMOT) déposées devant le ministère public soient examinées avec la rapidité voulue et que des mesures de protection adaptées soient immédiatement accordées aux membres du SEMOT faisant l’objet de ces menaces. Le comité prie enfin le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • n) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les enquêtes actuellement en cours élucident la vague de criminalité dont ont fait l’objet les membres du Syndicat des travailleurs du commerce de Coatepeque et prennent également en considération les allégations mentionnées de tentative d’assassinat et de menaces de mort. Le comité prie enfin le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • o) De manière générale, le comité prie tout particulièrement le gouvernement, après consultation des partenaires sociaux les plus représentatifs, de: i) augmenter substantiellement les ressources humaines et financières de l’Unité spéciale d’enquête; ii) renforcer et pérenniser la collaboration entre l’Unité spéciale d’enquête sur les délits contre les syndicalistes et la Division spécialisée dans l’investigation criminelle (DEIC) de la police civile; iii) assurer la pleine application de l’instruction générale n° 1/2015 du ministère public, afin que dans la conception et le déroulement des enquêtes soit pleinement et systématiquement pris en considération le caractère éventuellement antisyndical des meurtres de membres du mouvement syndical; iv) profiter au mieux de la collaboration avec la CICIG sur les enquêtes portant sur les meurtres de membres du mouvement syndical; v) donner un nouvel élan à la collaboration entre le ministère public et le mouvement syndical; vi) prendre les mesures nécessaires pour assurer que le plus grand nombre possible de meurtres de membres du mouvement syndical soit examiné par des juridictions de haut risque; et viii) veiller à ce que soient adoptées dans les meilleurs délais toutes les mesures de sécurité personnelle sollicitées par les membres du mouvement syndical en situation de risque. Rappelant que le gouvernement peut continuer à solliciter l’assistance technique du Bureau à cet égard, le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
    • p) Le comité attire de nouveau spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
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