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Observación (CEACR) - Adopción: 1998, Publicación: 87ª reunión CIT (1999)

Convenio sobre el trabajo forzoso, 1930 (núm. 29) - Myanmar (Ratificación : 1955)

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1. La commission rappelle qu'une plainte a été déposée en 1996, en vertu de l'article 26 de la Constitution, contre le gouvernement du Myanmar, pour non-respect des dispositions de la présente convention, et qu'une commission d'enquête a été constituée pour examiner cette plainte. La commission rappelle que le non-respect de la convention a fait l'objet d'observations depuis de nombreuses années et qu'en 1993 une réclamation avait déjà été déposée en vertu de l'article 24 de la Constitution alléguant l'inexécution de la convention, à la suite de laquelle il avait été conclu en 1994 que de graves violations étaient commises. La commission note, par ailleurs, que la commission d'enquête a achevé ses travaux au mois d'août 1998 et qu'elle a présenté son rapport au Conseil d'administration du Bureau international du Travail à sa 273e session, en novembre 1998.

2. La commission note qu'à la clôture de ses travaux la commission d'enquête a adopté des conclusions et recommandations détaillées, notamment les suivantes:

528. De très nombreux éléments de preuve soumis à la commission montrent que les autorités civiles et militaires pratiquent de façon très généralisée le recours au travail forcé qui est imposé à la population civile dans tout le Myanmar pour le portage, la construction, l'entretien et les services des camps militaires, d'autres travaux à l'appui des forces armées, le travail sur des projets agricoles et forestiers et d'autres projets de production réalisés par les autorités civiles ou militaires, parfois au profit de particuliers, pour la construction et l'entretien de routes, de voies ferrées et de ponts, pour d'autres travaux d'infrastructure et pour toute une série d'autres tâches, dont aucune ne relève des exceptions énumérées à l'article 2, paragraphe 2, de la convention.

3. Dans son rapport, la commission d'enquête conclut par ailleurs que "le travail forcé au Myanmar est fréquemment accompli par des femmes, des enfants et des personnes âgées ainsi que par des personnes autrement inaptes au travail" (paragr. 531). Elle ajoute:

533. Le travail forcé est une lourde charge pour l'ensemble de la population du Myanmar; il empêche les paysans de travailler sur leurs terres et les enfants d'aller à l'école. Il pèse le plus lourdement sur les ouvriers sans terre et les catégories les plus pauvres de la population, qui dépendent pour leur subsistance de pouvoir louer leurs bras et qui n'ont généralement pas les moyens de verser les diverses sommes demandées par les autorités en remplacement ou en sus du travail forcé. L'impossibilité de gagner de quoi vivre en raison de la quantité de travail forcé exigée est une raison fréquente pour fuir le pays.

534. Le fardeau du travail forcé semble aussi peser tout particulièrement sur les groupes ethniques non birmans, notamment dans les régions où la présence militaire est forte et sur la minorité musulmane, y compris les Rohingyas.

535. Toutes les informations et les preuves devant la commission montrent le total mépris que manifestent les autorités pour la sécurité et la santé ainsi que pour les besoins essentiels des personnes qui effectuent du travail forcé ou obligatoire. Les porteurs, y compris les femmes, sont souvent envoyés en tête des troupes dans des situations particulièrement dangereuses -- par exemple lorsque l'on soupçonne que le terrain peut être miné --, et beaucoup sont ainsi blessés ou y laissent la vie. Il est rare que les porteurs reçoivent un traitement médical quelconque; les blessures aux épaules, au dos et aux pieds sont fréquentes mais sont généralement peu ou pas soignées, et les porteurs malades ou blessés sont parfois abandonnés dans la jungle. De même, sur les projets de construction de routes, la plupart du temps les blessures ne sont pas soignées et, sur certains de ces projets, les morts par maladie et accidents du travail sont fréquentes. Les travailleurs forcés, y compris ceux qui sont malades ou blessés, sont fréquemment battus ou brutalisés par les soldats, leur causant de graves blessures; certains sont tués, et des femmes exécutant un travail forcé sont violées ou victimes d'autres abus sexuels de la part des soldats. Dans la plupart des cas, les travailleurs forcés ne reçoivent aucune nourriture -- parfois ils doivent même apporter nourriture, eau, bambous et bois aux militaires; les porteurs peuvent recevoir de faibles rations de riz avarié, mais être privés d'eau potable. Vêtements et chaussures adéquates ne sont pas fournis aux porteurs, même lorsqu'ils ont été saisis lors d'une rafle sans aucun préavis. La nuit, les porteurs sont enfermés dans des bunkers ou doivent dormir en plein air, sans qu'on leur fournisse ni abri ni couverture, même lorsqu'il fait froid ou qu'il pleut, et souvent enchaînés les uns aux autres. Les travailleurs forcés qui travaillent sur les projets de construction de routes ou de voies ferrées doivent s'arranger eux-mêmes pour trouver un abri et assurer tous leurs autres besoins essentiels.

536. En conclusion, l'obligation aux termes de l'article 1, paragraphe 1, de la convention de supprimer l'emploi du travail forcé ou obligatoire est violée au Myanmar dans la législation nationale, en particulier par la loi sur les villages et la loi sur les villes, ainsi que dans la pratique, de façon généralisée et systématique, avec un mépris total de la dignité humaine, de la sécurité, de la santé et des besoins essentiels du peuple du Myanmar.

537. De même, le gouvernement viole son obligation au titre de l'article 25 de la convention de s'assurer que les sanctions imposées par la loi pour le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sont réellement efficaces et strictement appliquées. Bien que l'article 374 du Code pénal prévoie des sanctions à l'égard de celui qui contraint illégalement une personne à travailler contre son gré, cette disposition ne semble jamais être appliquée dans la pratique, même lorsque les méthodes utilisées pour enrôler de force des travailleurs ne sont pas conformes aux dispositions de la loi sur les villages et de la loi sur les villes, auxquelles il n'est d'ailleurs jamais fait référence dans la pratique.

538. L'Etat qui commandite, incite, accepte ou tolère le travail forcé sur son territoire commet un fait illicite et engage sa responsabilité pour la violation d'une norme impérative du droit international. Quelle que soit la position en droit national en ce qui concerne l'imposition de travail forcé ou obligatoire et la punition de ceux qui en sont responsables, toute personne qui viole l'interdiction du recours au travail forcé aux termes de la convention commet un crime international qui constitue également, s'il est commis à grande échelle ou de manière systématique, un crime contre l'humanité.

4. La commission d'enquête a formulé les recommandations suivantes:

539. Au vu du manquement flagrant et persistant du gouvernement aux dispositions de la convention, la commission exhorte le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour assurer:

a) que les textes législatifs pertinents, en particulier la loi sur les villages et la loi sur les villes, soient mis en conformité avec la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, comme l'a déjà demandé la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations et comme le gouvernement le promet depuis plus de trente ans et l'annonce de nouveau dans ses observations sur la plainte. Ceci devrait être effectué sans délai et achevé au plus tard le 1er mai 1999;

b) que, dans la pratique, aucun travail forcé ou obligatoire ne soit plus imposé par les autorités, et notamment par les militaires. Ceci est d'autant plus important que le pouvoir d'imposer du travail obligatoire paraît être tenu pour acquis, sans aucune référence à la loi sur les villages ou à la loi sur les villes. En conséquence, au-delà des modifications législatives, des mesures concrètes doivent être prises immédiatement pour chacun des nombreux domaines dans lesquels du travail forcé a été relevé aux chapitres 12 et 13 ci-dessus, afin d'arrêter la pratique actuelle. Ceci ne doit pas être fait au moyen de directives secrètes, qui sont contraires à un Etat de droit et ont été inefficaces, mais par des actes publics du pouvoir exécutif promulgués et diffusés à tous les niveaux de la hiérarchie militaire et dans l'ensemble de la population. Aussi, les mesures à prendre ne doivent pas se limiter à la question du versement d'un salaire; elles doivent assurer que personne ne soit contraint de travailler contre son gré. Néanmoins, il faudra également prévoir au budget les moyens financiers nécessaires pour engager une main-d'oeuvre salariée travaillant librement aux activités relevant du domaine public qui sont actuellement exécutées au moyen de travail forcé et non rémunéré;

c) que les sanctions qui peuvent être imposées en vertu de l'article 374 du Code pénal pour le fait d'exiger du travail forcé ou obligatoire soient strictement appliquées, conformément à l'article 25 de la convention. Ceci demande de la rigueur dans les enquêtes et poursuites et l'application de sanctions efficaces à ceux reconnus coupables. Comme l'a relevé en 1994 le comité du Conseil d'administration créé pour examiner la plainte présentée par la CISL en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT, alléguant le non-respect par le Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, les poursuites pénales engagées à l'encontre de ceux qui recourent à la coercition paraissent d'autant plus importantes que l'absence de délimitations nettes entre travail obligatoire et travail volontaire, qui apparaissait tout au long des déclarations du gouvernement au comité, risque encore de marquer le recrutement effectué par les responsables locaux ou militaires. Le pouvoir d'imposer du travail obligatoire ne cessera d'être tenu pour acquis que lorsque ceux qui sont habitués à exercer ce pouvoir seront réellement confrontés avec leur responsabilité pénale.

540. Les recommandations formulées par la commission demandent une action immédiate de la part du gouvernement du Myanmar. La tâche de la commission d'enquête s'achève avec la signature du présent rapport, mais il est souhaitable que l'Organisation internationale du Travail reste informée des progrès réalisés pour donner effet aux recommandations de la commission. La commission recommande par conséquent que le gouvernement du Myanmar indique régulièrement dans ses rapports au titre de l'article 22 de la Constitution de l'Organisation internationale du Travail concernant les mesures prises pour donner effet aux dispositions de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, les mesures qu'il a prises au cours de la période de rapport pour donner effet aux recommandations contenues dans le présent rapport. En outre, le gouvernement souhaitera peut-être inclure dans ses rapports des informations sur l'état de la législation et de la pratique nationales en ce qui concerne le service militaire obligatoire.

5. La commission note également qu'après avoir reçu le rapport de la commission d'enquête le gouvernement a adressé, le 23 septembre 1998, une réponse au Directeur général dans laquelle il considère que les allégations sont dénuées de fondement et sont inspirées par des mobiles politiques. Il ajoute toutefois "... les autorités du Myanmar ont révisé à plusieurs reprises et de leur propre initiative les lois sur les villes et sur les villages afin de les mettre en conformité avec les conditions existant actuellement dans le pays et pour que le Myanmar puisse s'acquitter des obligations qui lui incombent ... En conséquence, les autorités feront tout leur possible pour mener à terme l'action requise dans les délais fixés dans le rapport. (...) la mise en oeuvre des recommandations figurant au paragraphe 539 du rapport ne présente pour nous aucune difficulté."

6. La commission prend note des conclusions et recommandations de la commission d'enquête qui confirment et élargissent les conclusions qu'elle avait elle-même formulées concernant le non-respect par le gouvernement des obligations découlant de cette convention fondamentale, celles de la Commission de la Conférence internationale du Travail sur l'application des normes ainsi que celles adoptées par le Conseil d'administration à l'issue de l'examen de la réclamation. Elle note, par ailleurs, que le gouvernement se déclare disposé à mettre en oeuvre les recommandations figurant dans le rapport de la commission d'enquête. Elle l'invite instamment à s'acquitter de cette tâche non seulement pour que la convention soit appliquée, mais surtout pour épargner à ses propres citoyens les souffrances et les obstacles entravant leur développement qui ont été mis si clairement en évidence dans le rapport de la commission d'enquête. Elle le prie par ailleurs de fournir des informations détaillées sur les mesures prises pour mettre en application les recommandations et la convention, et l'engage instamment, pour ce faire, à solliciter l'aide du Bureau international du Travail. Elle note à ce propos qu'après avoir étudié le rapport de la commission d'enquête le Conseil d'administration a demandé au Directeur général de lui présenter un rapport intérimaire sur l'application de la convention à sa 274e session (en mars 1999). La commission veut croire que le gouvernement sera très prochainement en mesure d'aviser le Conseil d'administration, la Conférence et la commission d'experts qu'il s'est pleinement acquitté des obligations contractées au titre de la convention.

[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 87e session et de communiquer un rapport détaillé en 1999.]

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