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Observación (CEACR) - Adopción: 2002, Publicación: 91ª reunión CIT (2003)

Convenio sobre el trabajo forzoso, 1930 (núm. 29) - Myanmar (Ratificación : 1955)

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1. La commission prend note des réponses du gouvernement à propos de l’application de la convention, ainsi que des documents suivants: les rapports reçus les 9 septembre et 17 octobre 2002, les communications en date des 15 et 18 novembre 2002, un rapport sur les faits nouveaux concernant l’application de la convention en date du 18 novembre 2002, un rapport transmis le 27 novembre 2002 et un rapport complémentaire sur l’évolution de la situation en date du 27 novembre 2002. Pour examiner la suite donnée aux recommandations de la commission d’enquête instituée pour examiner le respect par le Myanmar de la convention, la commission a également pris note des informations suivantes:

- les informations soumises à la Conférence internationale du Travail, à sa 90e session (juin 2002), et les discussions qui ont eu lieu à cette occasion (Compte rendu provisoire no 28, 3e partie);

- les informations soumises au Conseil d’administration du BIT à sa 285e session en novembre 2002, en particulier le rapport «Faits nouveaux concernant la question de l’exécution par le gouvernement du Myanmar de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930» (document GB.285/4 et annexes), l’intervention du représentant du gouvernement et les conclusions du Conseil d’administration (document GB.285/PV);

- une communication en date du 14 octobre 2002 dans laquelle la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a soumis au BIT des documents récents selon lesquels les autorités militaires du Myanmar continuent de recourir massivement au travail forcé. Des copies de ces documents ont été transmises le 8 novembre 2002 au gouvernement pour tous commentaires qu’il souhaiterait formuler à propos des questions qui y sont évoquées.

2.  Les informations disponibles sur l’exécution par le gouvernement du Myanmar de la convention sont examinées en trois parties: i) modification de la législation; ii) mesures prises par le gouvernement pour mettre un terme à l’imposition du travail forcé ou obligatoire et informations disponibles sur les pratiques existantes; et iii) les sanctions qui peuvent être imposées en vertu du Code pénal en cas d’imposition de travail forcé ou obligatoire.

I.  Modification de la législation

3. Au paragraphe 470 de son rapport du 2 juillet 1998, la commission d’enquête a noté:

… qu’aux termes de l’article 11(d), lu conjointement avec l’article 8(1)(g), (n) et (o) de la loi sur les villages, ainsi que de l’article 9(b) de la loi sur les villes, du travail ou des services peuvent être imposés à toute personne résidant dans un arrondissement rural ou urbain, c’est-à-dire un travail ou des services pour lesquels l’intéressé ne s’est pas offert de plein gré et que la non-obtempération à une réquisition faite en application de l’article 11(d) de la loi sur les villages ou de l’article 9(b) de la loi sur les villes est passible des sanctions pénales prévues à l’article 12 de la loi sur les villages ou de l’article 9(a) de la loi sur les villes. Ainsi, ces lois prévoient l’imposition d’un «travail forcé ou obligatoire» relevant de la définition de l’article 2, paragraphe 1, de la convention.

La commission d’enquête a également noté que les amples facultés de réquisition de travail et de services au titre de ces dispositions ne rentrent dans aucune des exceptions énumérées à l’article 2, paragraphe 2, de la convention, et qu’elles sont tout à fait incompatibles avec la convention. Rappelant que, depuis plus de trente ans, le gouvernement promet de modifier ces dispositions, la commission d’enquête l’a exhortéà prendre les mesures nécessaires pour assurer que la loi sur les villages et la loi sur les villes soient mises en conformité avec la convention, et que ceci devrait être effectué sans délai et achevé au plus tard le 1er mai 1999 (paragr. 539(a) du rapport de la commission d’enquête).

4. La commission constate qu’à la fin de novembre 2002 la modification de la loi sur les villages et de la loi sur les villes, que la commission d’enquête et elle-même demandent et que le gouvernement promet depuis de nombreuses années, n’a pas encore été effectuée. De plus, il n’a été portéà la connaissance de la commission ni la proposition ni l’examen d’une loi allant dans ce sens. Dans son observation précédente, la commission avait noté que des pouvoirs législatifs ont été exercés par le gouvernement en juin 2000 et février 2001 lorsqu’il a adopté la loi judiciaire de 2000 et la loi de 2001 du ministère de la Justice. La commission exprime de nouveau l’espoir que la loi sur les villages et la loi sur les villes seront enfin mises en conformité avec la convention.

5. Dans son observation de 2001, la commission avait noté toutefois que, bien que la loi sur les villages et la loi sur les villes appellent toujours les amendements nécessaires, l’ordonnance no 1/99, qui exige de ne pas exercer les pouvoirs conférés par certaines dispositions de la loi de 1907 sur les villes et de la loi de 1907 sur les villages, telle que modifiée par l’ordonnance la complétant prise le 27 octobre 2000, pourrait constituer une base juridique suffisante pour assurer le respect de la convention dans la pratique -à condition d’être de bonne foi et d’être traduit dans les actes non seulement par les autorités locales habilitées à réquisitionner des personnes pour un travail au titre de la loi sur les villages et de la loi sur les villes, mais aussi par les autorités civiles et militaires habilitées à demander l’assistance des autorités locales en vertu des lois susmentionnées. De l’avis de la commission, cela demandait l’adoption de mesures supplémentaires telles que celles indiquées par la commission d’enquête dans ses recommandations qui figurent au paragraphe 539(b) de son rapport.

II.  Mesures pour mettre un terme à l’imposition du travail forcé ou obligatoire   et informations disponibles sur les pratiques existantes

A.  Mesures visant à mettre un terme à l’imposition dans la pratique   du travail forcé ou obligatoire

6. Dans ses recommandations qui figurent au paragraphe 539(b) de son rapport, la commission d’enquête avait indiqué que les mesures nécessaires pour assurer que, dans la pratique, aucun travail forcé ou obligatoire ne soit plus imposé par les autorités, et notamment par les militaires, étaient:

… d’autant plus importantes que le pouvoir d’imposer du travail obligatoire paraît être tenu pour acquis, sans aucune référence à la loi sur les villages ou à la loi sur les villes. En conséquence, au-delà des modifications législatives, des mesures concrètes doivent être prises immédiatement pour chacun des nombreux domaines dans lesquels du travail forcé a été relevé aux chapitres 12 et 13 du rapport, afin d’arrêter la pratique actuelle. Ceci ne doit pas être fait au moyen de directives secrètes, qui sont contraires à un Etat de droit et ont été inefficaces, mais par des actes publics du pouvoir exécutif promulgués et diffusés à tous les niveaux de la hiérarchie militaire et dans l’ensemble de la population. Aussi, les mesures à prendre ne doivent pas se limiter à la question du versement d’un salaire; elles doivent assurer que personne ne soit contraint de travailler contre son gré. Néanmoins, il faudra également prévoir au budget les moyens financiers nécessaires pour engager une main-d’œuvre salariée travaillant librement aux activités relevant du domaine public qui sont actuellement exécutées au moyen de travail forcé et non rémunéré.

7. Absence d’instructions spécifiques et concrètes. Dans son observation de 2001, la commission avait noté qu’en l’absence d’instructions spécifiques et concrètes adressées aux autorités civiles et militaires et décrivant les diverses formes et modalités de réquisition de travail forcé l’application des dispositions adoptées jusqu’à maintenant dépend de l’interprétation de la notion de «travail forcé». Cette notion ne va pas de soi, comme le montrent les divers termes birmans utilisés de cas en cas pour qualifier un travail exigé de la population - entre autres, «loh ah pay», travail «bénévole» ou «offert».

8. Dans son observation précédente, la commission avait noté que, dans son rapport sur l’application de la convention, le gouvernement ne se référait qu’à une directive émise le 1er novembre 2000 par le Conseil d’Etat pour la paix et le développement ordonnant à toutes les autorités concernées de se conformer strictement aux ordonnances prises par le ministre de l’Intérieur, c’est-à-dire l’ordonnance no 1/99 et celle la complétant. La commission avait noté, à la lecture du rapport de la Mission de haut niveau, que, à la date de la rédaction de son rapport en octobre 2001, la mission n’avait reçu que trois instructions en birman adressées par divers commandants militaires aux unités placées sous leurs ordres. Deux de ces instructions ne précisaient ni les types de tâches pour lesquelles la réquisition de main-d’œuvre était interdite ni la manière dont ces tâches devaient être effectuées désormais. La troisième instruction émise par la NaSaKa le 22 juillet 2001 fournissait un nouvel exemple de l’absence de délimitation nette entre travail obligatoire et travail volontaire, et l’exemple d’une mesure qui se limite en dernier ressort à la question du paiement d’un salaire, contrairement aux indications spécifiques figurant au paragraphe 539(b) du rapport de la commission d’enquête.

9. Dans le rapport que la commission a reçu le 9 septembre 2002, le gouvernement ne fait que mentionner les «éclaircissements» qui ont été donnés à propos de l’ordonnance no 1/99 et de celle la complétant, ordonnances dont il est question au paragraphe 5 précédent, à savoir que des éclaircissements ont été donnés aux services des Conseils pour la paix et le développement, à plusieurs niveaux, et aux services du Département général de l’administration, dans tout le pays. Le gouvernement indique également que les ordonnances ont été transmises à tous les ministères, y compris au ministère de la Défense, pour que celui-ci adresse d’autres instructions à toutes les unités placées sous ses ordres. Dans son rapport transmis le 27 novembre 2002, le gouvernement indique que des éclaircissements sur les ordonnances ont été donnés aux services du Département de la justice, aux forces de police et aux tribunaux de circonscription. Le gouvernement n’a pas fourni d’autres précisions à propos des «explications» ou des «autres instructions» dont il fait mention. Il n’a pas donné non plus d’autres indications à propos de la directive émise le 1er novembre 2002 par le Conseil d’Etat pour la paix et le développement dont il était question dans son rapport de 2001.

10. La commission prend note du rapport «Faits nouveaux concernant la question de l’exécution par le gouvernement du Myanmar de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930» (document GB.285/4 et annexes) qui comprend, à l’annexe I, un résumé des activités entreprises par le chargé de liaison ad interim de l’OIT. Dans ce résumé (paragr. 25 de l’annexe I), il est indiqué que le chargé de liaison s’est réuni le 23 août 2002 avec la commission chargée de l’application de la convention no 29 «afin de passer en revue les faits nouveaux depuis la visite de la Mission de haut niveau [en septembre et octobre 2001]». A l’occasion de cette réunion, le vice-ministre du Travail a indiqué ce qui suit:

A deux autres reprises depuis la visite de la Mission de haut niveau, plusieurs équipes dirigées par des directeurs du Département du travail se sont rendues sur le terrain pour évaluer la situation et expliquer les ordonnances à la population. Toutefois, un autre membre de la commission a précisé que ces équipes n’ont généralement pas rencontré les commandants militaires locaux.

La commission d’application a indiqué ce qui suit:

… outre leur distribution sous forme de documents imprimés en anglais et en birman, les ordonnances ont été annoncées publiquement par des crieurs dans les villes et des réunions ont été organisées afin de donner à la population des explications dans la langue qu’elle comprend, y compris diverses langues ethniques. Pour ce qui est des nouvelles instructions, aucune n’a été publiée depuis la visite de la Mission de haut niveau, mais de nouvelles consignes ont été données à des fonctionnaires convoqués à Yangon.

11. Dans son rapport transmis le 27 novembre 2002, le gouvernement, se référant aux déplacements en 2002 des équipes d’observation sur le terrain, indique seulement que, pendant ces déplacements, les équipes ont donné aux autorités les orientations nécessaires. Le gouvernement n’a pas donné d’informations plus détaillées sur le contenu des «éclaircissements», «informations» ou «orientations» qu’il affirme avoir donnés en faisant connaître l’ordonnance no 1/99 et l’ordonnance qui la complète.

12. Un représentant du gouvernement a indiqué au Conseil d’administration, à sa 285e session en novembre 2002, que les directives et instructions nécessaires étaient données à l’ensemble des ministères et départements intéressés, y compris le ministère de la Défense. Le représentant du gouvernement n’a pas donné d’informations plus détaillées à ce sujet.

13. Par conséquent, tout en admettant que le gouvernement a communiqué des instructions, la commission estime que des instructions claires restent nécessaires pour indiquer à tous les fonctionnaires intéressés, y compris les officiers à tous les niveaux des forces armées, tant les types de tâches pour lesquelles il est interdit de réquisitionner des personnes que la façon dont ces tâches doivent être dorénavant accomplies. La commission espère que les instructions détaillées nécessaires seront bientôt données et que, entre autres, elles porteront sur les points suivants:

- portage pour les militaires (ou d’autres groupes paramilitaires/militaires, pour des campagnes militaires ou pour des patrouilles régulières);

- construction ou réparation d’installations/camps militaires;

- autres formes d’appui à ces camps (guides, estafettes, cuisiniers, nettoyeurs, etc.);

-  génération de revenus par des particuliers ou des groupes (y compris travail dans des projets agricoles ou industriels dont l’armée est propriétaire);

-  projets d’infrastructure nationaux ou locaux (routes, voies ferrées, barrages, etc.);

- nettoyage/embellissement des zones rurales ou urbaines;

- la réquisition de matériaux ou de fournitures, de quelque nature qu’ils soient, doit être interdite, de même que les demandes d’argent, sauf s’il s’agit de sommes dues à l’Etat ou à une municipalité, aux termes de la législation applicable, étant donné qu’en pratique les demandes, par les militaires, d’argent ou de services sont souvent interchangeables.

14. Publicité des ordonnances. Dans son observation précédente, la commission avait pris note d’une communication, en date du 29 novembre 2001, de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), dans laquelle celle-ci affirmait ce qui suit:

En effet, de nombreux rapports ci-joints confirment que, dans certaines régions du pays du moins, l’ordonnance no 1/99 et l’ordonnance la complétant, et d’autres textes applicables en la matière, ont fait l’objet d’une large publicité. De nombreux rapports figurant dans la documentation de la CISL font état de réunions organisées à cet effet par les autorités dans les villages avant la visite de l’OIT. Fréquemment, elles avaient été dirigées par des fonctionnaires supérieurs du Conseil d’Etat pour la paix et le développement envoyés par le commandement régional ou même depuis Rangoon.

En réalité, les villageois ont dû souvent - si ce n’est toujours - payer les frais de ces «réunions d’information», et notamment l’essence ou la nourriture et la boisson pour les fonctionnaires en visite du Conseil d’Etat pour la paix et le développement. Quant aux ordonnances elles-mêmes, une publicité leur a été faite, assez cyniquement, par ce qu’on ne peut désigner que comme une «distribution forcée» du «livre vert» publié par les autorités à cet effet, qui devait être acheté au prix de 1 000 kyats ou davantage l’exemplaire; en règle générale, chaque village se voyait forcé d’acheter un à huit exemplaires, et les villageois étaient également contraints d’acheter les tableaux d’affichage où les ordonnances devaient être affichées.

15. La commission avait demandé au gouvernement de faire des commentaires à propos de cette allégation. Elle note que le gouvernement ne l’a fait dans aucun de ses rapports ou communications les plus récents. Le gouvernement se borne à indiquer dans plusieurs documents les mesures qu’il a prises ou qu’il envisage pour faire connaître les ordonnances:

- dans son rapport reçu le 9 septembre 2002, le gouvernement indique que l’ordonnance no 1/99 et l’ordonnance qui la complète ont été communiquées à l’ensemble des organismes publics et des ministères, y compris le ministère de la Défense;

- dans son rapport communiqué le 27 novembre 2002, le gouvernement indique que les ordonnances ont été affichées dans les bureaux des Conseils pour la paix et le développement, à tous les niveaux, dans les bureaux du Département de l’administration générale, du Département de la justice et des forces de police et dans les municipalités;

- dans une communication en date du 15 novembre 2002 du directeur général du Département du travail à la chargée de liaison du BIT (annexe au document GB.285/4(Add.2)), il est indiqué que, d’ici quelques jours, [le ministère du Travail diffusera] la traduction authentique en shan, en mon et en kayin, de l’ordonnance no 1/99 et de l’ordonnance la complétant. Il est aussi indiqué que la traduction de ces textes en kayah, en chin et en kachin est en cours, et qu’elle sera publiée très prochainement. Le directeur général du ministère du Travail a également indiqué qu’une brochure sur le travail forcé est en cours de préparation afin de faire connaître la convention. Dans un rapport en date du 18 novembre 2002, le gouvernement a joint copie de ce qu’il affirme être la traduction des ordonnances en mon, en shan et en kayin;

- dans un rapport transmis le 27 novembre 2002, le gouvernement indique au paragraphe 3 que les traductions des ordonnances seraient diffusées très prochainement, qu’il prévoit de traduire les ordonnances en chin, en kachin et en kayah, et qu’il a commencéà prendre les mesures nécessaires pour faire connaître les dispositions des ordonnances par des brochures, par voie de presse ou par d’autres moyens.

16. La commission prend note de ces informations et espère que le gouvernement, comme il l’a indiqué, fera connaître les ordonnances et indiquera les mesures prises à cette fin. Elle lui demande de répondre à propos de l’allégation que la CISL a formulée dans sa communication du 29 novembre 2001, ainsi que des indications récentes que la CISL a données dans sa communication du 14 octobre 2002, à savoir que:

… dans certaines zones, des villageois indiquent que la pratique du travail forcé n’a jamais cessé et que, en fait, ils n’ont jamais entendu parler d’«ordonnances» de Rangoon indiquant que le travail forcé est désormais interdit. C’est ce qui ressort clairement de plusieurs entretiens avec des victimes du travail forcé, entretiens dont la Fédération des syndicats de Birmanie (FTUB) et EarthRights International (ERI) ont communiqué le contenu.

17. Un rapport de juin 2002 d’EarthRights International, qui est joint à la communication de la CISL, se réfère à de nombreux entretiens avec des villageois des Etats de Shan, de Karenni et de Karen, et des divisions de Pegu, de Mandalay et de Tenasserim, qui ont été réalisés de janvier à mai 2002. EarthRights International affirme ce qui suit:

Peu de villageois connaissent l’ordonnance no 1/99. Certains ont entendu dire qu’il sera mis un terme à la pratique du travail forcé mais beaucoup n’ont toujours pas pris connaissance des ordonnances, formellement ou non.

D’autres documents fournis par la CISL font état de ce qui suit:

… les déclarations selon lesquelles il est mis un terme au travail forcé ont semé la confusion et la peur dans la population. Il en a résulté un climat qui n’encourage pas les villageois à porter plainte pour des pratiques de travail forcé, lesquelles persistent. A ce jour, ERI n’a rencontré aucun villageois qui connaisse la procédure pour porter plainte, et bien moins encore des villageois qui aient l’intention de porter plainte pour travail forcé.

La commission attend les commentaires du gouvernement à propos de ces allégations.

18. La question des ressources budgétaires. Dans son observation précédente, la commission avait noté que la question de l’affectation de ressources budgétaires suffisantes au recrutement de main-d’œuvre salariée volontaire pour les activités publiques ayant fait appel au travail forcé et non rémunéré a été soulevée par la Mission de haut niveau, au cours des entretiens avec les autorités du Myanmar. En un certain nombre d’occasions, au cours de ses déplacements sur le terrain et à Yangon, la mission a demandé des précisions sur les autres moyens d’obtenir le travail ou les services demandés, maintenant que le travail forcé a été interdit. La mission a également demandé s’il y avait des changements dans les dispositions budgétaires. La commission avait noté qu’il ressortait des paragraphes 63 à 66 du rapport de la mission qu’au moment de la rédaction finale du rapport (le 29 octobre 2001) la mission n’avait pas reçu d’informations lui permettant de conclure que les autorités avaient bien prévu le remplacement de la main-d’œuvre forcée et gratuite exigée pour le soutien de l’armée ou les projets de travaux publics.

19. La commission note que le chargé de liaison ad interim (voir ci-dessous) a évoqué devant la commission d’application à l’occasion de sa réunion le 23 août 2002 la question de l’affectation de ressources budgétaires suffisantes au recrutement de main-d’œuvre salariée volontaire. Le résumé de la réunion (document GB.285/4, annexe I, paragr. 25) indique ce qui suit:

En ce qui concerne les preuves de l’existence de crédits budgétaires pour rémunérer le travail fourni dans le cadre de projets de travaux publics, les autorités ont une nouvelle fois indiqué que, selon le système budgétaire du Myanmar, les coûts de main-d’œuvre ne constituent pas un poste séparé, et qu’il est donc impossible de fournir de telles preuves.

20. La commission prend note de l’indication du gouvernement qui figure au paragraphe 5 du rapport sur l’évolution de la situation qui a été transmis le 27 novembre 2002:

En ce qui concerne l’allocation de ressources, une dotation budgétaire est toujours prévue pour chaque projet. Les ouvriers et toutes les personnes occupées au titre des projets respectifs perçoivent les taux de salaire en vigueur dans les secteurs respectifs. Par conséquent, nous sommes convaincus d’avoir pleinement appliqué les mesures ayant trait aux dotations budgétaires…

21. La commission exprime de nouveau l’espoir que les instructions détaillées nécessaires seront bientôt transmises et que, pour reprendre les termes du paragraphe 539(b) du rapport de la commission d’enquête, on prévoira «au budget les moyens financiers nécessaires pour engager une main-d’œuvre salariée travaillant librement aux activités relevant du domaine public qui sont actuellement exécutées aux moyens de travail forcé et non rémunéré».

22. Mécanismes de contrôle. Dans son observation précédente, la commission avait noté que le gouvernement avait mentionné la création d’un comité au niveau ministériel et d’un comité de mise en œuvre au niveau national, qui doivent non seulement superviser l’application de la loi par les autorités locales, les membres des forces armées et d’autres personnels du service public, mais encore assurer que les autorités locales et la population soient pleinement au fait des ordonnances susmentionnées dans toute la nation. Le gouvernement avait également fait mention des équipes d’observation sur le terrain - placées sous la direction de chefs de départements relevant du ministère du Travail, elles comptent des membres exerçant des responsabilités dans le Département d’administration générale, les forces de police du Myanmar et le Département du travail - qui avaient été envoyées dans différentes régions pour enquêter sur la situation concernant la pratique du travail forcé et pour observer dans quelle mesure la population était au courant de ces ordonnances. Le gouvernement avait indiqué que ces équipes se rendraient fréquemment dans toutes les régions du pays.

23. Dans son rapport complémentaire sur l’évolution de la situation, qu’il a transmis le 27 novembre 2002, le gouvernement indique également qu’il a constitué une commission ministérielle qui a été chargée des questions ayant trait à l’OIT et placée sous la direction du ministre du Travail, ainsi qu’une commission d’application, dirigée par le vice-ministre des Affaires intérieures, pour superviser l’application de l’ordonnance no 1/99 et de l’ordonnance qui la complète. Le gouvernement indique également, au paragraphe 6 de ce rapport et dans son rapport précédent du 18 novembre 2002, que les autorités ont décidé d’inclure dans la commission d’application un officier militaire de haut rang du bureau de l’Inspection générale, laquelle relève du ministère de la Défense. La commission note que cette initiative sera utile et qu’elle aidera beaucoup la commission d’application.

24. Dans son rapport complémentaire sur l’évolution de la situation qu’il a transmis le 27 novembre 2002, le gouvernement fait état des déplacements d’équipes d’observation sur le terrain - ces équipes sont dirigées par les membres de la commission d’application - afin de faire connaître l’ordonnance no 1/99 et l’ordonnance qui la complète. Le gouvernement indique que les équipes ont demandé si les ordonnances étaient portées à la connaissance de la population et si des plaintes pour imposition de travail forcé avaient été enregistrées. Au paragraphe 4 de son rapport, le gouvernement indique qu’une liste de ces déplacements a été jointe au rapport. Il s’agit des visites mensuelles de fonctionnaires dans plusieurs municipalités et de visites de membres de la commission d’application, la plupart ayant eu lieu en août, septembre et octobre 2002. Au paragraphe 7 de son rapport, le gouvernement indique que des mesures ont été prises à cette occasion, notamment pour s’assurer directement que la population locale a pris connaissance des ordonnances et en a compris le sens, et pour évaluer l’efficacité des ordonnances et des mesures prises par les autorités régionales à l’échelle des Etats et des divisions, des municipalités et des villages.

25. Chargée de liaison du BIT. La commission note que, conformément à l’accord conclu le 19 mars 2002, le gouvernement a accepté la nomination d’un chargé de liaison de l’OIT au Myanmar, cette nomination devant déboucher sur une représentation continue de l’OIT dans le pays afin de pouvoir contribuer effectivement à l’élimination du travail forcé. Il a été décidé que le mandat du chargé de liaison couvrirait toutes les activités visant à garantir l’élimination rapide et effective du travail forcé dans le pays. En vertu de l’accord susmentionné, un chargé de liaison ad interim a été nommé le 6 mai 2002 jusqu’à octobre 2002. Pendant cette période, le chargé de liaison a:

-  pris des contacts initiaux en mai 2002 avec de hauts fonctionnaires;

-  tenu un certain nombre de réunions avec divers interlocuteurs de juin à octobre 2002; et

-  effectué un déplacement sur le terrain dans la division de Tanintharyi (document GB.285/4, paragr. 6).

Le 7 octobre 2002, la chargée de liaison permanente de l’OIT a pris ses fonctions à Yangon et a pu établir une série de contacts et organiser des réunions avec des fonctionnaires du gouvernement et d’autres fonctionnaires en octobre et en novembre 2002 (document GB.285/4(Add), paragr. 1).

26. Le gouvernement a formulé plusieurs commentaires à propos du déplacement que le chargé de liaison ad interim a effectué en septembre 2002 dans la division de Tanintharyi. Dans son rapport reçu le 17 octobre 2002, le gouvernement fait mention d’une visite d’une équipe d’observation sur le terrain, composée de fonctionnaires du gouvernement, avec le chargé de liaison ad interim de l’OIT. Le gouvernement indique que le rapport de cette visite, que l’équipe d’observation sur le terrain a soumis au ministère du Travail, indique qu’il n’y a pas de cas de travail forcé dans la région et qu’aucune action en justice n’a été intentée contre qui que ce soit, en vertu de l’article 374 du Code pénal pour infraction à l’ordonnance no 1/99. Le gouvernement n’a pas fourni copie du rapport dont il fait mention.

27. Le Rapport sur les faits nouveaux concernant la question de l’exécution par le gouvernement de la convention (document GB.285/4) indique aux paragraphes 13 et 14 qu’une équipe, composée du chargé de liaison ad interim de l’OIT, de son assistant et d’un haut fonctionnaire du ministère du Travail, s’est rendue dans la division de Tanintharyi. Il est indiqué dans le rapport que «ce déplacement ne visait pas à enquêter sur des allégations précises, mais à permettre de se faire une opinion sur les causes profondes du problème (comme la situation économique) et à examiner les possibilités d’assistance de l’OIT dans la solution de ce problème».

28. Tout en faisant bon accueil à l’action conjuguée de la chargée de liaison de l’OIT, de la commission d’application et des missions d’observation sur le terrain, la commission espère qu’il n’y aura pas de confusion en ce qui concerne les différents rôles et fonctions de la chargée de liaison et ceux des organismes gouvernementaux. Il est important de veiller à ce que l’on ne confonde pas les initiatives des équipes d’observation sur le terrain et celles de la chargée de liaison, étant donné que les fonctions et initiatives de chacun devraient rester nettement séparées.

29. La commission prend note des indications que le gouvernement a données, à savoir qu’il s’efforce d’éliminer la pratique du travail forcé dans tout le pays. La commission note que des efforts sont déployés mais qu’il n’y a pas d’instructions spécifiques et concrètes et que l’on manque de dotations budgétaires pour remplacer la main-d’œuvre forcée et non rémunérée.

  B.  Informations disponibles sur la pratique

30. Dans son observation précédente, la commission avait pris note des conclusions «relatives à l’impact sur les réalités du travail forcé des mesures prises pour mettre en œuvre les ordonnances» formulées aux paragraphes 54 à 58 du rapport de la Mission de haut niveau d’octobre 2001. La commission avait également pris note de l’analyse de la Mission de haut niveau figurant aux paragraphes 59 à 62 de son rapport, à savoir qu’elle avait recensé les obstacles à une éradication plus efficace du travail forcé au Myanmar, et qu’elle s’était notamment référée à la politique «d’autonomie» de l’armée, à l’incertitude relative aux dispositions de substitution financières et pratiques et à des obstacles institutionnels.

31. La commission a également pris note, dans sa précédente observation, de la communication de la CISL du 29 novembre 2001, qui contenait des allégations selon lesquelles les autorités militaires de la Birmanie continueraient de recourir au travail forcé sur une très grande échelle. A l’appui de ses allégations, la CISL avait joint quelque 30 rapports et autres documents, en tout plus de 100 pages, comportant souvent des indications précises de temps et de lieux, de bataillons ou compagnies militaires impliqués et des noms des commandants. La commission avait exprimé l’espoir que le gouvernement examinerait les indications données par la CISL et qu’il fournirait des informations détaillées sur toutes mesures prises à la suite de ces indications, de même qu’à la suite du rapport de la Mission de haut niveau, afin d’engager des poursuites contre toutes personnes reconnues responsables d’avoir ordonné du travail forcé, et enfin que le gouvernement fournirait des informations complètes sur l’action entreprise. Dans ses derniers rapports, le gouvernement n’a pas fourni les informations demandées par la commission.

32. L’avis du gouvernement. Dans son rapport précédent sur l’application de la convention, transmis le 30 septembre 2001, le gouvernement déclare que l’élimination du travail forcé«sera la préoccupation prioritaire principale du gouvernement». Avant le Conseil d’administration du BIT à sa 285e session en novembre 2002, le représentant gouvernemental a déclaré qu’en comparant la situation en 2000 et 2001 à celle de novembre 2002 l’on pourrait certainement dire qu’une amélioration et des progrès ont été accomplis au Myanmar au cours des années, mais il n’a pas expliqué en termes spécifiques quelles améliorations ou progrès il considérait avoir été réalisés. Dans son récent rapport transmis le 27 novembre 2002, le gouvernement indique que la commission d’application «fera tout son possible pour éradiquer le travail forcé». Ainsi, le gouvernement ne donne toujours aucune indication quant aux progrès et résultats atteints jusqu’ici.

33. Rapports sur les rencontres entre les chargés de liaison du BIT et les fonctionnaires du gouvernement. La commission note que le rapport sur les faits nouveaux (document GB.285/4) renvoie à un certain nombre de communications entre les chargés de liaison et les fonctionnaires du gouvernement sur toute une série de questions, y compris:

-  Une réunion avec le ministre des Affaires intérieures le 1er juillet 2002 au sujet des allégations selon lesquelles des adolescents étaient enlevés à Yangon et contraints de travailler comme porteurs, question qui fut par la suite discutée par le Conseil d’administration du BIT à sa 285e session en novembre 2002 (document GB.285/PV).

-  Une lettre adressée le 24 juillet au ministre du Travail (reproduite dans le document GB.285/4, annexe V) et une réunion tenue par la suite, le 30 juillet 2002, au cours de laquelle le chargé de liaison ad intérim a appelé l’attention sur les allégations précises de travail forcé contenues dans un rapport récent d’Amnesty international (du 17 juillet 2002, intitulé«Myanmar: Absence de sécurité dans les zones de lutte contre l’insurrection»), et a demandé que la commission d’application envoie des équipes dans les diverses zones pour enquêter sur ces allégations ainsi que sur d’autres allégations faisant état d’une aggravation du travail forcé dans certaines parties du nord de l’Etat de Rakhine.

-  Une lettre du 4 octobre 2002 du chargé de liaison provisoire à la commission d’application donnant des détails d’une plainte (sans en identifier la source) selon laquelle des propriétaires de véhicule étaient réquisitionnés avec leur véhicule pour transporter des troupes et des approvisionnements dans la zone de Kyaikto et pour travailler à la construction d’une base d’artillerie, et demandant à la commission d’enquêter en urgence sur cette question et d’informer l’OIT du résultat.

-  Une réunion avec la commission d’application le 23 août 2002, au cours de laquelle le chargé de liaison ad intérim a pu être informé des progrès accomplis depuis la dernière réunion, tenue en mai. La commission d’application a indiquéêtre au courant de diverses allégations de travail forcé, y compris celles contenues dans le rapport établi par Amnesty international, mais a déclaré qu’elles n’étaient étayées par aucun élément recueilli sur le terrain et qu’elle considérait la plupart d’entre elles comme excessives ou montées de toutes pièces par des groupes d’expatriés. Elle a cependant déclaré qu’elle prendrait note des arguments contenus dans le rapport de la Mission de haut niveau du BIT et examinerait la situation dans les zones éloignées.

-  Une réunion avec la commission d’application le 9 novembre 2002, où la chargée de liaison a pu assurer le suivi des allégations transmises par le chargé de liaison provisoire dans des lettres en date des 23 juillet, 7 août et 4 octobre 2002. La chargée de liaison a été informée par la commission des différents endroits du pays où ses membres ont voyagé pour diffuser une information et recueillir des éléments sur le terrain. En ce qui concerne les allégations spécifiques, la commission d’application a indiqué que la situation dans le nord de l’Etat de Rakhine avait fait l’objet d’une enquête approfondie, et que ces allégations se sont révélées infondées, tout comme les allégations concernant la réquisition de véhicules dans l’Etat de Mon. Les allégations d’Amnesty international n’ont pas fait l’objet d’une enquête, pas plus que celles concernant la construction d’une base d’artillerie dans l’Etat de Mon. La chargée de liaison a insisté sur le fait que des rapports d’enquête écrits étaient nécessaires, a indiqué que les informations fournies par la commission d’application concernant le nord de l’Etat de Rakhine ne concordaient pas avec une réponse fournie séparément par les autorités au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) sur la même question, et a soulevé un certain nombre d’allégations nouvelles qui avaient été communiquées et au sujet desquelles elle a indiqué que la commission devait enquêter. Ces nouvelles allégations, dont certains détails avaient été communiqués à la commission d’application par la chargée de liaison avant la réunion, portaient sur le recrutement forcé d’enfants soldats, l’assassinat d’un syndicaliste alors qu’il avait été forcéà travailler comme porteur, un certain nombre d’allégations spécifiques contenues dans des informations soumises récemment à la commission d’experts par la CISL, ainsi que des informations concernant des allégations de travail forcé dans deux villes de la division de Bago. La chargée de liaison a transmis d’autres détails concernant ces allégations à la commission d’application dans une lettre de rappel en date du 14 novembre.

-  Une réunion avec le ministre des Affaires étrangères le 12 novembre 2002, au cours de laquelle le ministre a indiqué que les autorités n’avaient pas une politique de recours au travail forcé, bien qu’elles réalisaient que cette pratique puisse continuer dans des zones reculées et comprenaient la nécessité de poursuivre les coupables.

-  Une réunion avec le secrétaire 1 du Conseil d’Etat pour la paix et le développement le 14 novembre 2002, au cours de laquelle le secrétaire a indiqué que les autorités n’avaient pas fermé les yeux sur le travail forcé et avaient donné des instructions claires pour l’interdire, bien qu’il soit possible que de telles pratiques continuent de prévaloir dans des zones reculées. La chargée de liaison a insisté sur la nécessité d’améliorer le système actuel d’examen des allégations et de trouver un moyen d’enquêter sur les allégations mettant en cause l’armée.

34. L’annexe au rapport sur les faits nouveaux se réfère à un entretien entre la chargée de liaison et Daw Aung San Suu Kyi, secrétaire générale de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), le 30 octobre. Selon le rapport:

Daw Aung San Suu Kyi s’est réjouie de la nomination d’une chargée de liaison du BIT à Yangon, et elle a émis le vœu que la NLD ait des contacts réguliers avec elle. A son avis, un véritable progrès en matière de travail forcé ne pourra être fait que si le processus de réconciliation lui-même progresse. Mais le BIT pourrait contribuer à des améliorations dans certains domaines. La NLD a noté une certaine diminution du recours au travail forcé, mais dispose aussi d’informations sur la poursuite de cette pratique, y compris certains cas que la secrétaire générale connaît personnellement.

35. La commission se félicite du dialogue que le gouvernement a engagé avec la chargée de liaison du BIT et espère que le gouvernement procédera à des enquêtes rigoureuses concernant les allégations indiquées par la chargée de liaison et qu’il fournira des rapports écrits contenant toutes poursuites engagées en application de l’ordonnance no 1/99. De cette façon, le gouvernement pourrait être en mesure de démontrer qu’il applique réellement l’engagement qu’il a exprimé d’éliminer le travail forcé dans le pays.

36. La communication de la CISL. Dans sa communication datée du 14 octobre 2002, la CISL a indiqué que les informations fournies couvrent approximativement la période octobre 2001 - septembre 2002. Elles émanent d’un certain nombre de sources et font état d’une persistance très grave du travail forcé. La CISL mentionne dans sa communication divers cas relatifs, entre autres, à l’Etat de Chin, l’Etat de Shan, l’Etat de Mon, l’Etat de Karen, l’Etat d’Arakan, et aux divisions d’Irrawaddy et Tenasserim. La CISL dit que, sur la base de ces informations:

… elle considère que du travail forcé continue àêtre imposé en Birmanie à la fois par les autorités militaires et par les autorités civiles et que ce travail forcé donne lieu régulièrement, sinon toujours, à de graves violations des droits de l’homme: travail d’enfants, homicides, prémédités ou non, tortures, viols et autres violences physiques, pillages ou confiscation de biens, privation de nourriture, de soins médicaux, de repos et d’abri, etc. Tous les éléments dont on dispose démontrent en fait clairement que, après que la Mission de haut niveau du BIT ait quitté le pays en octobre 2001, le travail forcé a totalement repris dans toutes les parties du territoire où cette pratique existait auparavant.

37. La CISL souligne que sa communication s’appuie sur de nombreux documents, notamment sur des dizaines d’entretiens avec des victimes de travail forcé. Elle déclare ainsi:

Les éléments que nous avons recueillis, en tout plus de 350 pages, font état, comme toujours, de centaines de cas de travail forcé, portant sur des milliers de victimes, et sont étayés par des centaines «de documents de réquisition de main-d’œuvre pour du travail forcé». La plupart du temps, ce travail forcé est accompli directement pour le compte de l’armée, pour qui il faut construire et entretenir des camps, des casernes, des clôtures et d’autres installations militaires, ou travailler sur des propriétés agricoles de l’armée (pour la plupart confisquées à des civils). Une partie du travail forcé concerne aussi ou a rapport avec des projets industriels d’entreprises étrangères. Il est également fait état de la culture forcée de l’opium, que l’armée imposerait à la population civile dans l’Etat de Shan.

38. Les pièces jointes à la communication de la CISL sont les suivantes:

-  la documentation de la CISL concernant le meurtre, en août 2002, par des éléments de l’armée, de U Saw Mya Than, dirigeant de la FTUB (Fédération des syndicats de Birmanie) et du KEWU (Kawthoolei education workers Union), qui avait été recruté de force comme porteur dans le bataillon d’infanterie légère (LIB) no 588, placé sous les ordres d’un certain commandant Myo Hlaing. La CISL estime que le rôle joué par U Saw Mya Than comme dirigeant syndical et militant pour les droits de l’homme était directement en rapport avec son recrutement de force comme porteur et, consécutivement, son meurtre par l’armée (paragr. 3);

-  un rapport de situation provenant des localités urbaines de Kya Inn-Seik Gyii et de Kawkereik et du district de Dooplaya, dans l’Etat de Karen, basé sur des entretiens avec des villageois, et exposant par le détail des accusations précises d’imposition de travail forcé par des soldats de la division SPDC 88;

-  le rapport de juin 2002 émanant de EarthRights International (ERI), intitulé«Nous ne sommes pas libres de travailler pour nous-mêmes: travail forcé et autres atteintes aux droits de l’homme en Birmanie (janvier - mai 2002)», basé sur 77 entretiens portant sur le travail forcé menés avec des villageois des Etats de Shan, de Karenni et de Karen et des divisions de Pegu, de Mandalay et de Tenasserim au cours de la période janvier - mai 2002. Selon ce rapport, au cours de la période considérée, le portage et d’autres formes de travail forcé ont continué de sévir dans des conditions constitutives de graves atteintes aux droits de l’homme; peu de villageois avaient connaissance de l’ordonnance no 1/99, et les extorsions de fonds sous couvert de recouvrement de droits sont allés en s’aggravant. Toujours selon ce rapport, la promulgation de l’ordonnance no 1/99 pourrait avoir eu comme effet de rendre le recours au travail forcé plus insidieux et plus difficile àéradiquer à l’avenir. Par exemple, ERI déclare avoir constaté les faits suivants: des manœuvres des autorités militaires tendant à«établir officiellement» que le travail forcé n’a plus cours en contraignant les villageois de témoigner sous diverses formes que la pratique n’a plus cours alors qu’elle continue de sévir; des menaces de représailles de la part des officiers et des soldats, notamment des menaces de mort à l’égard des villageois qui déclareraient que le travail forcé a toujours cours; un travestissement du vocabulaire entourant le travail forcé, comme l’utilisation du terme «assistant» (a-ku-ah-nyi) en lieu et place de «travailleur forcé» (loy-ah-pay); un paiement, dans de rares cas, du travail forcé mais toujours avec la persistance pour les villageois de l’impossibilité de refuser de travailler.

-  des extraits d’un rapport d’octobre 2002 émanant du centre de documentation et de recherche du front démocratique des étudiants de Birmanie, qui contient des accusations de travail forcé constaté dans l’Etat de Chin, division d’Irrawaddy, dans l’Etat de Rakhine, dans l’Etat de Shan et la division de Tenasserim;

-  des extraits de l’organe Narinjara News faisant état de pratiques de travail forcé dans l’Etat de Rakhine.

39. La documentation de la CISL apporte un autre supplément à celle d’octobre 2001, à savoir un rapport d’EarthRights International, intitulé«Toujours la même chose: le travail forcé persiste en Birmanie». Le rapport d’EarthRights dénonce un recours au travail forcé pour la construction des gazoducs de Yadana et de Yetagun, plus précisément:

-  des unités militaires assurant la sécurité dans le cadre de deux projets de gazoducs soumettent des villageois au travail forcé et les contraignent à des opérations de portage pour la construction et la réparation de camps et installations militaires et pour la réalisation de projets nationaux ou locaux d’infrastructures (dégagement de tracés de routes, construction de ponts, etc.) au titre de la sécurité militaire;

-  des consortiums exploitant ces gazoducs, dont notamment TotalFinaElf (anciennement Total) pour la France, Unocal pour les Etats-Unis et Premier Oil pour le Royaume-Uni font appel à l’armée birmane pour assurer la sécurité autour de ces projets, tout en sachant pertinemment que les militaires ont recouru et continueront de recourir à cette fin au travail forcé;

-  autour d’avril 2002, des civils d’au moins 16 villages de la division de Tenasserim (sud du pays) ont été contraints d’effectuer des travaux de construction sur une route entre Kanbauk et Maung Ma Gan.

Les documents annexés à la communication de la CISL contiennent également un exemplaire de la publication de la fondation de Monland intitulé The Mon Forum (no 7/202, du 31 juillet 2002), qui a son siège dans le sud de la Birmanie. Ces documents contiennent également des allégations de travail forcé en rapport avec des projets relatifs à des gazoducs.

Le Bureau a reçu une correspondance en date du 31 octobre 2002 émanant de TotalFinaElf qui rejette, pour l’essentiel, ces accusations.

40. La commission prie le gouvernement d’examiner les commentaires de la CISL qui sont spécifiquement détaillés dans son rapport et dans les pièces jointes, et de fournir des informations détaillées sur ces investigations et sur toutes mesures qu’il aura prises en conséquence pour que les personnes reconnues responsables d’avoir ordonné du travail forcé et des crimes qui ont été commis de manière concomitante soient poursuivies.

III. Mesures d’exécution

41. Au paragraphe 539(c) de ses recommandations, la commission d’enquête invitait instamment le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour assurer:

… que les sanctions qui peuvent être imposées en vertu de l’article 374 du Code pénal pour le fait d’exiger du travail forcé ou obligatoire soit strictement appliquées, conformément à l’article 25 de la convention. Ceci demande de la rigueur dans les enquêtes et poursuites et l’imposition de sanctions efficaces aux personnes reconnues coupables.

42. Dans son observation publiée en 2001, la commission avait relevé que le point 4 de la directive émise le 1er novembre 2000 par le Conseil d’Etat pour la paix et le développement (à laquelle le gouvernement se réfère dans son rapport de 2001) prévoit la poursuite des «personnes responsables», au regard de l’article 374 du Code pénal, et qu’une clause similaire est incluse au point 3 d’une instruction en date du 27 octobre 2000 adressée au directeur général de la police pour toutes les unités de cette force.

43. La commission fait à nouveau observer qu’aucune action sur le fondement de l’article 374 du Code pénal n’a encore été portée à sa connaissance et que le rapport du gouvernement faisant état d’une action administrative décidée ne s’appuie pas sur des éléments suffisants et, en tout état de cause, ne satisfait pas aux prescriptions posées par la convention.

44. Dans sa communication en date du 14 octobre 2002, la CISL, commentant les déclarations faisant état d’une reprise intégrale des pratiques de travail forcé après la visite de l’Equipe de haut niveau dans ce pays, en octobre 2001, déclare:

Ainsi, dans certains villages, des villageois dénoncent la reprise, avec la même intensité, du travail forcé, au mépris de l’ordonnance no 1/99 et de l’ordonnance supplémentaire à celle-ci, tandis que, dans d’autres, les villageois déclarent que la pratique n’a jamais cessé…

… De plus, de nombreux incidents démontrent clairement que les chefs militaires sur le terrain et les autres officiers de l’armée n’ont que mépris pour les demandes que leur adressent les villageois en s’appuyant sur l’ordonnance no 1/99 et l’ordonnance complémentaire en vue d’être épargnés du travail forcé. A Kyaik Don (district de Dooplaya, Etat de Karen), le commandant en chef Ohn Myint, en tête de la division 88, est cité dans l’un de nos rapports pour avoir tenu les propos suivants: «Si certains d’entre vous ne sont pas d’accord ou ne sont pas satisfaits des arrangements que j’ai pris pour demander aux villageois de travailler pour nous, vous pouvez le faire savoir aux médias si vous en avez l’audace. Je suis le cousin du général Khin Nyunt.»

La commission prie le gouvernement de faire part de son appréciation sur ces questions, en indiquant en particulier de quelle manière d’éventuelles investigations auraient été menées suite à ces allégations, par les militaires eux-mêmes ou par les instances judiciaires, et de faire connaître les mesures prises pour protéger contre des représailles à la fois les témoins et les victimes qui chercheraient à obtenir justice.

La commission prie également le gouvernement d’examiner la proposition relative à l’établissement du bureau de l’ombudsman ou un mécanisme similaire qui serait investi du mandat et des moyens voulus pour recevoir les plaintes de travail forcé et procéder à des investigations, comme suggéré par l’Equipe de haut niveau en 2001. Le gouvernement voudra sans doute engager un dialogue avec le fonctionnaire de liaison sur cette question.

*  *  *

45. En résumé, la commission prend note des points suivants:

-  les mesures que le gouvernement a récemment indiquées, entre autres la traduction de l’ordonnance no 1/99 et de l’ordonnance qui la complète en shan, en mon et en kayin;

-  la traduction imminente de l’ordonnance en kayah, en chin et en kachin;

-  l’intention de diffuser les traductions de l’ordonnance;

-  l’élargissement de la commission d’application: elle comprendra un officier militaire de haut rang du bureau de l’inspection générale, qui relève du ministère de la Défense;

-  l’élaboration d’une brochure sur le travail forcé afin de faire connaître la convention;

-  l’indication du gouvernement, au paragraphe 8 de son rapport du 27 novembre 2002, qu’un plan d’action prévoyant des mesures renforcées plus efficaces sera coordonné avec la participation de la chargée de liaison de l’OIT.

46. Ces mesures sont louables. La commission rappelle que le Conseil d’administration du BIT, à sa 285e session en novembre 2002 (document GB.285/PV), a fait bon accueil aux déclarations du gouvernement mais a dit qu’il attendait les mesures concrètes qui doivent y donner suite. Le Conseil d’administration a aussi déclaré que le gouvernement doit éliminer le travail forcé, veiller à ce que soient traduits en justice les responsables de pratiques de travail forcé et modifier la procédure juridique afin de donner effet aux mesures susmentionnées.

47. La commission indique que, malgré les indications et les arguments du gouvernement, aucune des trois recommandations que la commission d’enquête avait formulées, et que le gouvernement avait acceptées, n’a été suivie d’effet à ce jour. Malgré les promesses de longue date et la bonne volonté affichée par le gouvernement, la loi sur les villages et la loi sur les villes n’ont pas encore été modifiées. L’ordonnance no 1/99, telle que complétée, a été amplement diffusée, mais elle n’a pas permis de mettre un terme à l’imposition de travail forcé, en particulier de la part de l’armée. Rien n’indique que les instructions spécifiques et concrètes et les dotations budgétaires nécessaires ont été décidées ou, pour le moins, préparées, afin de remplacer dans les faits le travail forcé par des conditions de travail et des salaires décents susceptibles d’attirer, sans contrainte, les travailleurs dont on a besoin. Enfin, rien n’indique que des responsables de l’imposition de travail forcé et, souvent, d’infractions concomitantes aient été poursuivis, voire condamnés, en vertu de l’article 374 du Code pénal ou de toute autre disposition, conformément à l’article 25 de la convention.

[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 91e session].

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