National Legislation on Labour and Social Rights
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1. Réquisition de personnes. La commission note avec satisfaction que l’ordonnance no 62-101 du 26 avril 1962 déléguant aux chefs de circonscription certaines mesures nécessaires à la sécurité de l’Etat et au maintien de l’ordre public, qui conférait aux chefs de circonscription de très larges pouvoirs de réquisition de personnes, a été abrogée par la loi no 2005-016 du 27 janvier 2005.
2. La question des séquelles de l’esclavage en Mauritanie, et les pratiques de travail forcé qui en résultent, fait l’objet d’un examen attentif de la part de la commission ainsi que de la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail depuis plusieurs années. A cet égard, la commission prend note de la discussion qui a eu lieu au sujet de l’application de la convention par la Mauritanie, en juin 2005, au sein de la Commission de l’application des normes, à la suite de laquelle cette dernière a considéré que, compte tenu des informations contradictoires au sujet de la persistance des pratiques de travail forcé et d’esclavage, une mission d’investigation devait être entreprise et que cette mission devrait vérifier l’application effective de la législation nationale. Le gouvernement a accepté cette proposition, et une mission s’est rendue en Mauritanie du 13 au 20 mai 2006. La commission prend note du rapport de la mission, et notamment de ses conclusions et recommandations qui ont été communiquées au gouvernement en août 2006. La commission prend également note du rapport du gouvernement reçu au Bureau le 12 octobre 2006 qui met à jour le rapport reçu précédemment en 2005. Elle note par ailleurs que dans une communication reçue au Bureau le 29 novembre 2006, le gouvernement a indiqué que les recommandations contenues dans le rapport de mission «devraient être prises en charge dans la stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage».
a) Reconnaissance de l’existence des séquelles de l’esclavage et engagement du gouvernement à les combattre
La commission relève que la mission a noté dans les conclusions de son rapport que «le gouvernement estime qu’il existe toujours des séquelles d’esclavage résultant essentiellement de la pauvreté endémique» et qu’elle a constaté que «le discours des autorités mauritaniennes sur cette problématique avait évolué et que cette question n’était plus taboue». A cet égard, la commission note avec intérêt qu’il ressort des informations contenues dans le rapport de la mission ainsi que de celle fournies dans le rapport du gouvernement que ce dernier a pris un certain nombre de mesures qui témoignent de son engagement dans ce domaine:
– Reconnaissance des associations les plus actives dans les aspects des droits de l’homme relatifs au travail forcé, telles que SOS esclaves, l’Association mauritanienne des droits de l’homme (AMDH).
– Discussion du problème de l’esclavage ou de ses séquelles lors des journées nationales de la concertation d’octobre 2005. Ce point a été consigné dans les recommandations issues de ces journées et il a été reconnu que des mesures devraient être prises dans ce domaine.
– Organisation par le ministère de la Justice, le 24 mars 2006, d’une Journée de réflexion sur les voies et moyens d’éradiquer les séquelles de l’esclavage en Mauritanie, à laquelle ont participé les membres du gouvernement, les organisations de la société civile, notamment les ONG des droits de l’homme, les ulémas, les représentants des partis politiques, etc. La commission note qu’un comité interministériel a été chargé d’étudier les recommandations issues de cette journée et a proposé dans une communication adoptée en Conseil des ministres, le 12 juillet 2006, que «le gouvernement réaffirme solennellement et sans équivoque sa volonté d’intensifier et de systématiser la lutte contre les séquelles de l’esclavage jusqu’à l’éradication définitive et rapide de celles-ci» ainsi que «l’élaboration, dans le cadre d’une approche participative, d’une stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage».
– Adoption par le Conseil des ministres en juillet 2006 de l’ordonnance portant institution de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH). Cette institution publique indépendante serait dotée de l’autonomie administrative et financière; elle serait composée de membres désignés au titre des institutions, des organisations professionnelles et de la société civile, d’une part, et de membres désignés au titre des administrations, d’autre part. La commission constate que, parmi les fonctions de la CNDH, figure celle de «faire connaître les droits de l’homme et la lutte contre toutes les formes de discrimination et d’atteinte à la dignité humaine, notamment … les pratiques esclavagistes…, en sensibilisant l’opinion publique par l’information, la communication et l’enseignement, et en faisant appel à tous les organes de presse».
b) Législation applicable.
Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que l’article 5 du nouveau Code du travail interdit le travail forcé, défini comme un travail ou un service exigé d’une personne sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel cette personne ne s’est pas offerte de son plein gré et que toute violation de cette interdiction est passible des sanctions pénales prévues par la loi no 2003-025 du 17 juillet 2003 portant répression de la traite des personnes. La commission avait fait part de sa préoccupation face aux conséquences pratiques possibles résultant du fait que l’interdiction générale du travail forcé se trouve dans le Code du travail, alors que les sanctions figurent dans une loi spécifique réprimant un autre délit.
La commission note que la mission d’investigation avait pour objectif d’obtenir des informations sur la législation nationale et d’évaluer si celle-ci est suffisante et effectivement appliquée pour mettre fin aux séquelles de l’esclavage. Il ressort du rapport que le caractère lacunaire de la législation a été souligné par de nombreux interlocuteurs de la mission, y compris par le ministre de la Justice qui a reconnu le besoin de clarification de la législation et a souligné la nécessité de mieux caractériser les pratiques serviles, et de prévoir les sanctions adéquates dans le cadre de la réforme du Code pénal. A cet égard, la commission souscrit aux recommandations de la mission qui «estime que la définition des éléments constitutifs des pratiques esclavagistes et leur incrimination permettraient de renforcer le dispositif législatif». La commission espère que, comme l’a recommandé la mission dans son rapport, le gouvernement prendra les mesures nécessaires en vue d’«adopter un texte incriminant clairement les pratiques esclavagistes et en définissant, de façon précise, les éléments constitutifs de nature à permettre aux juridictions de l’appliquer aisément» et d’«inscrire ces innovations juridiques dans le cadre général de la révision du Code pénal en cours».
c) Application effective de la législation.
Dans ses précédents commentaires, la commission a demandé au gouvernement de communiquer des informations sur les juridictions compétentes pour recevoir les recours et sur les sanctions imposées en cas de violation de l’interdiction de recourir au travail forcé, en particulier sur le nombre de recours déposés, et de fournir copie des décisions judiciaires.
La commission note que, dans ses conclusions, la mission constate que «jusqu’à présent les juridictions nationales n’ont jamais été saisies d’une action en justice alléguant des pratiques relevant du travail forcé ou de l’esclavage. Lorsque les enquêtes sont menées, l’esclavage n’est jamais retenu pour qualifier les faits, ce qui exclut qu’une action en justice puisse être initiée sur cette base.» Il ressort de ce rapport et des informations fournies par le gouvernement dans son rapport sur l’application de la convention que les victimes rencontrent des difficultés pour être entendues et faire valoir leurs droits tant au niveau des autorités relevant de la force publique que de l’autorité judiciaire.
La commission note cependant que des mesures ont été prises dans ce domaine. Ainsi, la commission note la circulaire du 2 janvier 2006 adressée par le ministre de l’Intérieur aux Walis, Hakems et chefs d’arrondissements, suite aux recommandations issues des journées de concertation sur le processus de transition démocratique à l’occasion desquelles il a été décidé de prendre des mesures pour lutter contre les séquelles de l’esclavage. Dans cette circulaire, le ministre a demandé à ces représentants de l’Etat «de faire respecter la loi, notamment en ce qui concerne les séquelles du phénomène de l’esclavage», de traiter les cas dont ils auraient connaissance «avec la rigueur requise et de soumettre à la justice les cas qui relèvent de sa compétence. En tout état de cause, la loi doit demeurer la référence unique en la matière». La commission relève également que le ministre de la Justice a indiqué à ce sujet à la mission qu’il avait personnellement donné instruction au Parquet de se rendre systématiquement sur place lorsqu’une allégation concernant les séquelles de l’esclavage est portée à sa connaissance et d’enquêter.
S’agissant de l’accès des victimes à la justice, la commission note l’adoption, le 26 janvier 2006, de l’ordonnance no 2006-005 relative à l’aide juridique dont l’objectif est d’apporter une assistance juridique et judiciaire aux personnes les plus défavorisées.
La commission rappelle qu’en vertu de l’article 25 de la convention les Etats qui ratifient la convention ont l’obligation de s’assurer que les sanctions pénales imposées par la loi pour exaction de travail forcé sont réellement efficaces et strictement appliquées. Tout en étant consciente des difficultés que rencontre le système judiciaire et des réticences pouvant exister en ce qui concerne la question des séquelles de l’esclavage, la commission considère qu’il est important que les mesures prises par le gouvernement pour mettre fin aux séquelles de l’esclavage (sur le plan de la sensibilisation, de la lutte contre la pauvreté, etc.) s’appuient sur un système judiciaire fiable, capable d’infliger aux coupables des peines dissuasives. La commission espère donc que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour donner suite aux recommandations de la mission demandant au gouvernement «de continuer à tout mettre en œuvre pour s’assurer: que les autorités compétentes (procureurs, magistrats, policiers et gendarmes) ordonnent ou procèdent aux enquêtes, de manière rapide et impartiale, en cas de dénonciation ou de plainte concernant l’esclavage et ses manifestations; que la qualification des faits ne soit pas détournée; que, lorsqu’ils sont fondés, ces cas soient soumis aux juridictions compétentes et traités de manière prioritaire; que, le cas échéant, les sanctions imposées soient suffisamment dissuasives».
d) Stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage.
La commission note que, dans son rapport, la mission a souligné que les problèmes liés aux séquelles de l’esclavage «ont des causes diverses qui relèvent du poids de la tradition, de la culture et des croyances religieuses et qui sont renforcées par la situation de dépendance économique dans laquelle se trouvent les victimes» et que «le gouvernement a un rôle essentiel à jouer en tant que catalyseur du changement. Il doit pour cela adopter une politique active et des mesures législatives adéquates.» La commission note que, depuis lors, le Conseil des ministres a adopté le 12 juillet 2006 le principe de «l’élaboration, dans le cadre d’une approche participative, d’une stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage. Cette stratégie, qui fera l’objet d’un processus continu de suivi, aura pour objectif d’identifier et de proposer toutes les mesures susceptibles d’éliminer les séquelles de l’esclavage, à la lumière notamment des recommandations des Journées nationales de la concertation.» Elle note également qu’un comité interministériel a été mis en place à cet effet en octobre 2006.
La commission considère que, dans le cadre de cette stratégie, il est important, comme l’a souligné la mission dans son rapport de disposer «de données fiables permettant d’évaluer l’ampleur du phénomène d’esclavage et ses caractéristiques». L’absence de ces données pouvant «constituer un obstacle à la mise en œuvre d’une politique de lutte efficace». La commission espère que le gouvernement pourra mener à bien une telle étude, avec l’assistance technique du Bureau et des autres organisations internationales qui ont fait part de leur intérêt à coopérer avec le gouvernement dans ce domaine. Une telle étude permettrait de mieux orienter les actions devant être menées par les pouvoirs publics et de cibler les populations et les zones géographiques concernées.
De manière plus générale, la commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur la mise en œuvre de la Stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage. Elle espère qu’au moment de définir cette stratégie le gouvernement tiendra compte de l’ensemble des recommandations formulées par la mission, comme il l’a indiqué dans une communication adressée au Bureau en novembre 2006. La commission considère à cet égard que tous les acteurs appelés à jouer un rôle dans la lutte contre ces pratiques – notamment les partenaires sociaux, les forces de police et de maintien de l’ordre, l’appareil judiciaire, l’inspection du travail et la société civile, y compris les autorités religieuses – devront être parties prenantes dans cette stratégie. Elle espère également que, parmi les mesures qui seront adoptées dans le cadre de cette stratégie nationale, le gouvernement tiendra compte de la nécessité de mener des actions de sensibilisation aux niveaux national, régional et local, ciblant l’ensemble des acteurs ci-dessus mentionnés. De même, il conviendra de mettre en œuvre dans un cadre concerté des programmes de lutte contre la pauvreté, ciblant plus spécifiquement les communautés au sein desquelles le phénomène lié aux séquelles de l’esclavage est connu et perdure, ceci afin d’éviter que ces personnes vulnérables soient de nouveau victimes de ces pratiques.