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Observación (CEACR) - Adopción: 2021, Publicación: 110ª reunión CIT (2022)

Convenio sobre la discriminación (empleo y ocupación), 1958 (núm. 111) - China (Ratificación : 2006)

Otros comentarios sobre C111

Observación
  1. 2022
  2. 2021
Solicitud directa
  1. 2022
  2. 2021
  3. 2020
  4. 2016
  5. 2012
  6. 2009

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Se référant à ses commentaires précédents, la commission rappelle les observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues les 16 et 28 septembre 2020, et note que des observations supplémentaires de la CSI, réaffirmant et complétant ses observations précédentes, ont été reçues le 6 septembre 2021. La commission prend également note de la réponse du gouvernement, reçue le 19 novembre 2020, et des informations supplémentaires communiquées par le gouvernement, le 30 août 2021, en réponse à la demande directe de la commission.
Articles 1, paragraphes 1 a) et 3, de la convention. Définition et interdiction de la discrimination dans l’emploi et la profession. Motifs de discrimination interdits. Législation. La commission rappelle que la traduction en anglais de l’article 12 de la loi de 1994 sur le travail dispose «[qu’en] ce qui concerne l’emploi, les travailleurs ne doivent pas subir de discrimination relative à leur nationalité, leur race, leur sexe et leurs convictions religieuses» et que la traduction en anglais de l’article 3 de la loi de 2007 sur la promotion de l’emploi dispose que «les travailleurs à la recherche d’un emploi ne doivent pas faire l’objet d’une discrimination sur la base de facteurs tels que leur appartenance ethnique, leur race, leur sexe, leurs convictions religieuses, etc.». La commission note que, dans son rapport, le gouvernement mentionne: 1) le «règlement relatif aux affaires religieuses» révisé, qui est entré en vigueur le 1er février 2018 et qui dispose que «nulle organisation ou nul individu (…) ne peut faire subir de discrimination à un citoyen qui croit dans une religion, quelle qu’elle soit, (…) ou à un citoyen qui ne croit en aucune religion (…)»; et 2) la loi sur le travail et la loi sur la promotion de l’emploi qui contiennent des dispositions relatives à l’interdiction de la discrimination dans l’emploi et à la promotion de l’emploi équitable. La commission note néanmoins que ces textes législatifs et réglementaires ne contiennent pas de définition de la discrimination, directe ou indirecte, et qu’aucun ne semble couvrir tous les aspects de «l’emploi et la profession» tels que définis à l’article 1, paragraphe 3, de la convention. La commission demande donc au gouvernement de prendre des mesures pour: i) inclure une définition claire et complète de la discrimination (directe et indirecte) dans sa législation du travail; et ii) préciser si les dispositions de la loi de 1994 sur le travail couvrent également l’accès à l’emploi et à la formation professionnelle. En ce qui concerne les dispositions antidiscrimination légales en vigueur, la commission demande également au gouvernement de confirmer que: i) la loi de 1994 sur le travail ne couvre que les motifs de nationalité, race, sexe et convictions religieuses; et ii) la loi de 2007 sur la promotion de l’emploi prévoit une liste ouverte de motifs sur la base desquels la discrimination est interdite et couvre donc également la discrimination fondée sur la couleur, l’ascendance nationale, l’origine sociale et l’opinion politique (même si ces motifs ne sont pas expressément mentionnés). Elle demande également au gouvernement d’indiquer si les autorités judiciaires ont rendu une interprétation concernant «etc.» qui figure dans la loi de 2007 sur la promotion de l’emploi et, le cas échéant, de transmettre copie des décisions rendues.
Articles 1, paragraphe 1 a), 2 et 3. Allégations de discrimination fondée sur la race, la religion, l’ascendance nationale et l’origine sociale ayant des effets sur les minorités ethniques et religieuses du Xinjiang. La commission se réfère à ses commentaires sur l’application de la convention (no 122) sur la politique de l’emploi, 1964. Dans l’intérêt de la cohérence et de la transparence de ses commentaires, considérant qu’à la fois dans les allégations et les informations reçues en réponse, on voit apparaître un lien étroit entre la politique de l’emploi, le libre choix de l’emploi des minorités ethniques et religieuses et leur protection contre la discrimination dans l’emploi et la profession, la commission présente le même résumé des informations disponibles dans les deux commentaires.
Dans ses observations de 2020 et 2021, la CSI allègue que le gouvernement chinois s’est engagé dans un large et systématique programme impliquant une utilisation considérable de travail forcé de la part des Ouïghours et autres minorités turcophones et/ou musulmanes dans des activités agricoles et industrielles dans toute la région autonome ouïghoure du Xinjiang (Xinjiang), violant ainsi le droit à un emploi librement choisi énoncé à l’article 1, paragraphe 2, de la convention no 122. La CSI affirme que 13 millions de membres des minorités ethniques et religieuses du Xinjiang sont ciblés sur la base de leur appartenance ethnique et de leur religion, le but étant le contrôle social et l’assimilation de leur culture et leur identité. Selon la CSI, le gouvernement inscrit ce programme dans un contexte de «réduction de la pauvreté», de «formation professionnelle», de «rééducation par le travail» et de «désextrémisation».
Pour la CSI, une caractéristique fondamentale du programme est l’utilisation de travail forcé ou obligatoire de ou à proximité de camps d’internement ou de «rééducation» où sont internés près de 1,8 million d’Ouïghours et autres personnes turcophones et/ou musulmanes dans la région, ainsi que dans ou autour de prisons et lieux de travail dans tout le Xinjiang et d’autres parties du pays.
La CSI indique qu’au début de 2017, le gouvernement a fortement élargi son programme d’internement, quelque 39 camps ayant pratiquement triplé en taille. La CSI explique qu’en 2018, des représentants du gouvernement ont commencé à qualifier ces camps de «centres d’éducation et de formation professionnelles» et qu’en mars 2019, le gouverneur de la région autonome ouïghoure du Xinjiang les a décrits comme des «pensionnats qui dispensent des compétences professionnelles à des stagiaires admis sur une base volontaire et autorisés à quitter les camps». La CSI indique que la vie dans les «centres de rééducation» se caractérise par des conditions extraordinairement pénibles, l’absence de liberté de mouvement, la torture physique et psychologique, la formation professionnelle obligatoire et du véritable travail forcé.
La CSI mentionne aussi des «centres de formation centralisés» qui ne sont pas appelés «camps de rééducation» mais présentent des caractéristiques similaires en matière de sécurité (par exemple, de hauts grillages, des miradors et du fil de fer barbelé) et dispensent des programmes d’éducation similaires (règles juridiques, cours de mandarin, discipline de travail et exercices militaires). La CSI ajoute que les «camps de rééducation» constituent le pivot d’un programme d’endoctrinement axé sur «l’épuration» des minorités ethniques et religieuses et l’éloignement de leur culture, leurs croyances et leur religion. Les motifs d’internement peuvent être d’avoir voyagé à l’étranger, d’avoir demandé un passeport, d’avoir communiqué avec des personnes vivant à l’étranger ou de prier régulièrement.
La CSI fait aussi état de travail pénitentiaire, principalement dans la récolte du coton et la confection de textiles, de vêtements et de chaussures. Elle cite des recherches suivant lesquelles, à partir de 2017, la population carcérale des Ouïghours et autres minorités musulmanes a fortement augmenté, représentant 21 pour cent de toutes les arrestations effectuées en Chine en 2017. Les chefs d’inculpation sont généralement «terrorisme», «séparatisme» et «extrémisme religieux».
Enfin, la CSI allègue qu’au moins 80 000 Ouïghours et travailleurs d’autres minorités ethniques ont été transférés du Xinjiang dans des usines de l’est et du centre de la Chine, dans le cadre d’un programme de «transfert de main-d’œuvre» appelé «Xinjiang Aid». Ce programme devait aussi permettre à des entreprises: 1) de créer une usine de satellites au Xinjiang ou 2) d’embaucher des travailleurs ouïghours pour leurs usines situées hors de cette région. La CSI allègue que les travailleurs qui sont forcés de quitter la région ouïghour n’ont pas le choix et qu’ils sont menacés de détention pour eux-mêmes ou pour leur famille, s’ils refusent. À l’extérieur du Xinjiang, ces travailleurs vivent et travaillent séparés des autres, sont contraints de suivre des cours de mandarin et il leur est interdit de pratiquer leur culture et leur religion. D’après la CSI, des agents de la sécurité d’État assurent une surveillance physique et virtuelle permanente. Les travailleurs n’ont pas de liberté de mouvement, ils sont confinés dans des dortoirs et obligés d’utiliser des moyens de transport surveillés pour se rendre à l’usine et en revenir. Ils sont soumis à des objectifs de productivité impossibles à atteindre et à de longs horaires de travail. La CSI ajoute que, lorsque des salaires sont payés, ils subissent souvent des prélèvements qui les réduisent à presque rien. Elle ajoute encore que, sans ces transferts organisés, les Ouïghours ne trouveraient pas d’emploi hors du Xinjiang parce que leur apparence physique amènerait la police à enquêter.
Selon les allégations de la CSI, pour faciliter la mise en œuvre de ces programmes, le gouvernement offre des avantages et des exonérations fiscales aux entreprises qui forment et emploient des détenus; des subventions sont accordées pour encourager les entreprises appartenant à des Chinois à investir dans des usines et construire des usines situées à proximité ou à l’intérieur des camps d’internement; et des indemnités sont versées aux entreprises qui facilitent le transfert et l’emploi de travailleurs ouïghours hors de la région ouïghoure.
La CSI accompagne ses observations de 2021 d’informations, notamment de témoignages provenant de la Xinjiang Victims Database, une base de données accessible au public qui, à la date du 3 septembre 2021, aurait enregistré les témoignages de 35 236 membres de minorités ethniques internés de force par le gouvernement depuis 2017.
Le gouvernement déclare que le droit à l’emploi est un élément important du droit à des moyens de subsistance et au développement, qui constituent des droits humains fondamentaux. Il indique que, sous sa direction, le Xinjiang progresse beaucoup dans la protection des droits de l’homme et le développement. Il ajoute que des personnes de tous les groupes ethniques participent volontairement à un emploi de leur choix et que la CSI n’a pas tenu compte des progrès accomplis en matière de développement économique, de réduction de la pauvreté, d’amélioration des conditions d’existence des gens et des efforts pour faire du travail décent une réalité au Xinjiang.
S’agissant des observations formulées par la CSI à propos du recours au travail forcé, le gouvernement souligne que ces allégations sont erronées et qu’elles répondent à des motifs politiques.
Le gouvernement indique que, suivant la constitution, l’État crée des conditions pour l’emploi au travers de différents canaux. La loi sur la promotion de l’emploi (2007) dispose que les travailleurs ont droit à l’égalité dans l’emploi et le droit de choisir un emploi de leur propre initiative, sans discrimination. Conformément à la loi sur l’éducation professionnelle de 1996, les citoyens sont habilités à recevoir une éducation professionnelle et l’État prend des mesures pour développer l’éducation professionnelle dans les régions des minorités ethniques ainsi que dans les régions éloignées et pauvres.
Le gouvernement indique que les personnes résidant dans les zones durement frappées par la pauvreté du sud du Xinjiang souffrent d’une insuffisance d’employabilité, de taux d’emploi faibles, de revenus très limités et de pauvreté durable. Il déclare que l’élimination de la pauvreté au Xinjiang est un élément essentiel du plan stratégique national unifié pour l’éradication de la pauvreté d’ici à la fin de 2020. Le gouvernement ajoute qu’il a éliminé la pauvreté absolue, y compris dans le sud du Xinjiang, grâce à des programmes officiels tels que le Programme de revitalisation des zones frontalières et d’enrichissement de la population au cours du 13e plan quinquennal (GUOBANFA no 50/2017) et le plan triennal pour l’emploi et la réduction de la pauvreté dans les zones pauvres des quatre préfectures du sud du Xinjiang (2018-2020). Le Programme de revitalisation des zones frontalières et d’enrichissement de la population avait arrêté des objectifs de développement pour neuf provinces et régions autonomes, y compris le Xinjiang, consistant par exemple à sortir tous les pauvres ruraux de la pauvreté et à relever de manière constante les taux d’emploi en combinant l’emploi indépendant, l’emploi régulé par le marché, la promotion par le gouvernement de l’emploi et de l’esprit d’entreprise, et la formation professionnelle pour accroître l’employabilité des travailleurs. Le plan triennal a jeté les bases qui ont permis au gouvernement du Xinjiang de fournir une assistance dynamique, catégorisée et ciblée à des personnes en difficulté d’emploi et des familles dans lesquels personne n’a un emploi, et de créer des conditions structurées pour permettre aux gens de trouver des emplois localement, de chercher du travail en zone urbaine, ou de démarrer leur propre entreprise.
Le gouvernement explique que l’opération de transfert des pauvres à des fins de réduction de la pauvreté est achevée et que les conditions d’existence et de production des pauvres ont été sensiblement améliorées: le taux d’incidence de la pauvreté des quatre préfectures pauvres du Xinjiang a chuté de 29,1 pour cent en 2014 à 0,21 pour cent en 2019. Entre 2014 et 2020, la population employée totale au Xinjiang est passée de 11,35 millions de personnes à 13,56 millions, soit une hausse de 19,4 pour cent. Sur la même période, 2,8 millions d’opportunités d’emploi urbain en moyenne ont été offertes chaque année à la «main-d’œuvre rurale en surnombre».
Le gouvernement affirme avec assurance qu’il respecte scrupuleusement les souhaits en matière d’emploi et les besoins de formation des travailleurs du Xinjiang, y compris ceux des minorités ethniques. Le gouvernement du Xinjiang réalise régulièrement des enquêtes sur la volonté des travailleurs journaliers de trouver un emploi et se tient au courant de leurs besoins en termes de lieu de l’emploi, de description des postes, de rémunération, de conditions de travail, de cadre de vie, de perspectives d’évolution et de besoins de formation. Ces enquêtes montrent que davantage de travailleurs urbains et ruraux «en surnombre» espèrent s’installer dans des villes du nord du Xinjiang ou d’autres provinces et villes plus développées d’autres parties du pays, où les salaires sont plus élevés, les conditions de travail meilleures, de même que le cadre de vie. Les minorités ethniques comptent sur le gouvernement pour diffuser plus d’informations sur l’emploi et offrir d’autres services publics de l’emploi à leurs membres. Le fait que les travailleurs des minorités ethniques partent travailler est totalement volontaire, autonome et libre. Suivant le gouvernement, le plan triennal pour le sud du Xinjiang parle explicitement de «consentement à l’emploi» et souligne que les souhaits des personnes «qui ne consentent pas à travailler pour des motifs de santé ou autres» seront totalement respectés, et qu’ils ne seront jamais contraints de s’inscrire dans une formation.
Le gouvernement souligne que la formation linguistique des travailleurs des minorités ethniques du Xinjiang est nécessaire pour accroître leurs aptitudes linguistiques et rehausser leur employabilité, et qu’elle ne les prive pas du droit d’utiliser leur propre langue.
Le gouvernement répond aussi aux allégations de la CSI suivant lesquelles les Ouïghours et autres minorités ethniques du Xinjiang ne sont pas payés au salaire minimum local applicable, en indiquant que la législation du travail de la République populaire de Chine dispose que le régime de salaire minimum s’applique dans tout le pays, bien que les normes de salaire minimum puissent varier entre régions administratives. Depuis le 1er janvier 2021, le salaire minimum pour le Xinjiang est subdivisé en quatre catégories: 1 900 yuans, 1 700 yuans, 1 620 yuans et 1 540 yuans. Le gouvernement considère les rumeurs suivant lesquelles les salaires mensuels de certains travailleurs migrants du Xinjiang ne dépasseraient pas 729 yuans (environ 114 dollars des États Unis) comme dénuées de fondement, affirmant que l’énorme majorité de ces informations proviennent d’interviews individuelles et ne mentionnent pas clairement la provenance des données ou informations statistiques. En outre, le gouvernement fait remarquer que ces informations ne précisent pas clairement si les personnes concernées travaillent moins que la durée de travail légale, auquel cas elles seraient payées moins. Il ajoute qu’en partant travailler, beaucoup touchent un salaire réel beaucoup plus élevé que le salaire minimum du Xinjiang.
Le gouvernement explique aussi que le gouvernement local du Xinjiang a mis en place des systèmes d’inspection du travail qui protègent les droits et intérêts des travailleurs, et donnent suite à leurs signalements et plaintes concernant des arriérés de salaires, le fait de ne pas signer de contrats de travail et d’autres infractions. Le gouvernement indique qu’il prendra des mesures pour encore renforcer l’inspection et le contrôle du respect par l’employeur des dispositions relatives au salaire minimum, appeler les employeurs à respecter les normes de salaire minimum et traiter les infractions.
Le gouvernement fournit des informations détaillées sur sa législation et ses politiques concernant la liberté de religion, l’égalité entre les 56 groupes ethniques de Chine et pour le renforcement et le développement de l’unité entre ces groupes et au sein de ceux-ci.
Le gouvernement explique que la Chine adopte des politiques garantissant la liberté de conviction religieuse; gère les affaires religieuses en accord avec la loi; adhère au principe de l’indépendance vis-à-vis des pays étrangers et de l’autogestion; et guide activement les religions pour qu’elles s’adaptent à la société socialiste de telle sorte que les croyants puissent aimer leur pays et leurs compatriotes, préserver l’unité nationale et la solidarité ethnique, se soumettre aux intérêts supérieurs de la nation et du peuple chinois et les servir. La loi de la République populaire de Chine relative à l’administration des activités d’organisations non gouvernementales étrangères en Chine interdit aux ONG étrangères de se livrer illégalement à des activités religieuses ou d’en parrainer. Le droit pénal chinois, la loi sur la sécurité nationale et la loi antiterroriste assurent la protection de la liberté de conviction religieuse des citoyens. La loi antiterroriste de la République populaire de Chine dit que la Chine est opposée à tous les extrémismes qui cherchent à instiller la haine, incitent à la discrimination et prônent la violence en déformant les doctrines religieuses ou par d’autres moyens, et interdit tout comportement discriminatoire fondé sur la région, l’appartenance ethnique et la religion. Le règlement relatif aux affaires religieuses interdit à toute organisation ou à tout individu de prôner, soutenir ou parrainer l’extrémisme religieux, ou d’utiliser la religion pour saper l’unité ethnique, diviser le pays, ou s’engager dans des activités terroristes. Selon le gouvernement, la Chine prend des mesures contre la propagation et l’expansion de l’extrémisme religieux et, en même temps, évite soigneusement d’associer l’extrémisme religieux et le terrorisme à un groupe ethnique ou à une religion en particulier.
La commission prend bonne note de toutes les allégations et informations communiquées par la CSI et le gouvernement sur l’application des conventions nos 111 et 122, apparemment liées entre elles, ainsi que de la politique gouvernementale affichée, telle qu’elle ressort de différents documents réglementaires et directifs.
La commission prend note de l’explication du gouvernement au sujet de ses différentes règlementations et orientations, y compris sur l’éradication de la pauvreté sans discrimination. Elle exprime néanmoins sa préoccupation quant aux méthodes appliquées, à l’impact de leurs objectifs affichés et à leur effet discriminatoire (direct ou indirect) sur les possibilités d’emploi et le traitement des minorités ethniques et religieuses en Chine.
La commission rappelle que la convention n° 111 impose la formulation et l’adoption d’une politique nationale d’égalité, afin d’éliminer toute discrimination (article 2) et qu’elle définit la discrimination comme «toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité de chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession» (article 1, paragraphe 1 a)). Aux termes de la convention, la discrimination fondée sur la «race» comprend toute discrimination à l’égard des communautés linguistiques ou des groupes minoritaires dont l’identité est fondée sur des caractéristiques religieuses ou culturelles ou sur l’origine nationale ou ethnique (Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 762). La commission rappelle également que le harcèlement racial, qui constitue une forme grave de discrimination, se produit lorsqu’une personne fait l’objet d’un comportement s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, ou de tout autre comportement fondé sur la race, qui porte atteinte à sa dignité ou crée un environnement de travail intimidant, hostile ou humiliant pour son destinataire (voir l’observation générale de 2018 sur l’application de la convention).
La commission rappelle que le fait d’être à l’abri de la discrimination est un droit humain fondamental et qu’il est essentiel pour les travailleurs afin que ceux-ci choisissent librement leur emploi, développent tout leur potentiel et retirent des bénéfices économiques sur la base du mérite. Ainsi, il importe d’intégrer la promotion de l’égalité de chances et de traitement dans l’emploi et la profession dans les politiques nationales pertinentes, telles que les politiques d’éducation et de formation, les politiques de l’emploi, les stratégies de réduction de la pauvreté, les programmes de développement rural ou local, les programmes d’autonomisation économique des femmes et les stratégies d’atténuation des changements climatiques et d’adaptation à ces changements (voir l’observation générale de 2018).
La commission rappelle également que la convention vise à assurer une protection contre la discrimination fondée sur la religion dans l’emploi et la profession, ce type de discrimination découlant souvent de l’absence de liberté de religion ou de l’intolérance à l’égard de personnes d’une confession donnée ou d’une confession différente ou de personnes sans religion. Cette protection s’étend à l’expression et à la manifestation de la religion. Des mesures appropriées doivent être adoptées pour supprimer toutes les formes d’intolérance (Étude d’ensemble de 2012, paragraphe 798).
La commission fait observer que la discrimination fondée sur la religion réelle ou supposée, à laquelle s’ajoutent des exclusions et des distinctions fondées sur d’autres motifs comme la race, l’appartenance ethnique ou l’ascendance nationale, continue à gagner de l’ampleur, notamment à la faveur des mouvements croissants de personnes à la recherche de meilleures conditions de vie dans le monde et compte tenu de la volonté de combattre et de prévenir le terrorisme. Des mesures visant à promouvoir la tolérance et la coexistence des minorités religieuses, ethniques et nationales et à sensibiliser l’opinion publique sur la législation interdisant la discrimination en vigueur sont par conséquent plus que jamais essentielles pour réaliser les objectifs de la convention (Étude d’ensemble de 2012, paragraphe 801).
La commission rappelle qu’elle s’est référée, dans son commentaire précédent, aux observations finales du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) au sujet de la situation dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Elle note que le CERD était notamment alarmé par: 1) «les nombreuses informations faisant état de la détention d’un grand nombre d’Ouïghours de souche et d’autres minorités musulmanes, détenus au secret et souvent pendant de longues périodes, sans avoir été inculpés ni jugés, sous prétexte de lutter contre l’extrémisme religieux»; 2) «les informations faisant état d’activités de surveillance à grande échelle ciblant de manière disproportionnée les Ouïghours»; et 3) «les informations indiquant que tous les résidents de la région autonome ouïghoure du Xinjiang sont tenus de remettre leurs documents de voyage à la police et de demander l’autorisation de quitter le pays, laquelle peut prendre des années à être accordée ». Le CERD a recommandé que des mesures soient prises à ce propos et notamment recommandé de mettre un terme à «la pratique consistant à placer des personnes qui n’ont pas été régulièrement inculpées, jugées et reconnues coupables d’une infraction pénale dans des centres de détention extrajudiciaires» et de libérer immédiatement «les personnes actuellement détenues dans ces circonstances, et de permettre à celles qui ont été détenues à tort de demander réparation»; d’ouvrir «rapidement des enquêtes approfondies et impartiales sur toutes les allégations de profilage racial, ethnique et ethnoreligieux» et d’éliminer les «restrictions aux déplacements qui touchent de façon disproportionnée les membres des minorités ethniques». La commission note également que le CERD s’est dit «préoccupé par les informations selon lesquelles les Ouïghours (…) sont souvent victimes de discrimination dans les offres d’emploi et les procédures de recrutement» (CERD/C/CHN/CO/14-17, 19 septembre 2018, paragr. 40, 42 et 47).
En outre, la commission se réfère à ses commentaires sur l’application de la convention no 122 en ce qui concerne les préoccupations exprimées par des experts des droits de l’homme des Nations Unies mandatés par le Conseil des droits de l’homme au sujet du transfert forcé de travailleurs minoritaires, en particulier ouïghours, dans tout le pays, et de la politique de formation professionnelle déployée dans le but affiché de lutter contre le terrorisme et l’extrémisme religieux.
La commission rappelle que l’article 3 de la convention n° 111 établit un nombre d’obligations précises quant à la formulation d’une politique nationale visant à promouvoir l’égalité de chances et de traitement et à éliminer toute discrimination en matière d’emploi et de profession. Ledit article dispose en particulier que les parties à la convention doivent abroger toute disposition législative et modifier toute disposition ou pratique administratives qui sont incompatibles avec ladite politique; suivre ladite politique en ce qui concerne les emplois soumis au contrôle direct d’une autorité nationale; et assurer l’application de ladite politique dans les activités des services d’orientation professionnelle, de formation professionnelle et de placement soumis au contrôle d’une autorité nationale.
La commission note que, dans son livre blanc sur l’enseignement et la formation professionnels au Xinjiang (2019), le gouvernement décrit le Xinjiang, où résident les Ouïghours et d’autres minorités musulmanes, comme un «champ de bataille clé dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme en Chine». Selon la loi, le gouvernement a établi «un groupe de centres professionnels» pour offrir une éducation et une formation systématiques en réponse à «un ensemble de besoins urgents»: porter un coup d’arrêt aux actes terroristes fréquents; éradiquer le terreau de l’extrémisme religieux; aider les participants à bénéficier d’une meilleure instruction et à acquérir de meilleures compétences professionnelles, à trouver un emploi et à augmenter leurs revenus; et, surtout, préserver la stabilité sociale et la paix durable au Xinjiang. L’article 33 de la décision du 10 octobre 2018 portant révision du règlement de la région autonome ouïghoure du Xinjiang relatif à la déradicalisation (décision du XUAR ) a introduit une nouvelle disposition qui définit la responsabilité des centres d’enseignement et de formation professionnels et d’autres organismes d’éducation et de transformation dans les efforts de déradicalisation comme suit: éduquer et former à la langue nationale parlée et écrite, à la législation et aux compétences professionnelles; organiser et mener à bien l’éducation idéologique de déradicalisation, la réadaptation psychologique et les modifications de comportement; et encourager la conversion idéologique des personnes qui suivent l’éducation et la formation, en les faisant revenir dans la société et leur famille.
Cette décision, lue conjointement avec le livre blanc, fournit une base pour autoriser la détention administrative aux fins de conversion idéologique, y compris des «personnes qui ont participé à des activités terroristes ou extrémistes qui ont représenté un danger réel mais n’ont pas causé de préjudice réel, dont la culpabilité subjective n’était pas grave, qui ont reconnu leurs infractions et qui se sont montrées affligées par leurs actions passées et qui ne nécessitent donc pas une condamnation à des peines ou sont dispensées de peine, et qui ont montré leur volonté de suivre une formation» (Livre blanc sur l’enseignement et la formation professionnels au Xinjiang). Dans ce livre blanc, il est considéré que l’éducation et la formation ne sont pas une mesure qui vise à limiter ou à délimiter la liberté de la personne mais plutôt une mesure importante pour aider les apprentis à se libérer des idées de terrorisme et d’extrémisme religieux.
La commission note que la décision du XUAR définit également les responsabilités des entreprises (art. 46) et des syndicats (art. 34) en matière de déradicalisation. Les entreprises qui ne s’acquittent pas de leurs obligations en la matière s’exposent à «la critique et l’éducation» de la part de l’unité où elles se situent ou du département compétent supérieur dont elles dépendent, et ordre leur est donné de se réformer (art. 47).
La commission partage les préoccupations exprimées par les rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l’homme (voir commentaire sur la loi antiterroriste de la République populaire de Chine (2015) et ses mesures de mise en œuvre régionales, et les mesures de mise en œuvre de la loi antiterroriste de la région autonome ouïghoure du Xinjiang (2016)) sur les pratiques de profilage terroriste fondées sur l’appartenance ethnique, l’origine nationale ou la religion d’une personne en ce qu’elles créent un climat d’intolérance, propice à la discrimination dans l’emploi et la profession et aux pratiques de travail forcé telles que celles alléguées dans les observations de la CSI.
À ce sujet, la commission rappelle qu’aux termes de l’article 4 de la convention, «[n]e sont pas considérées comme des discriminations toutes mesures affectant une personne qui fait individuellement l’objet d’une suspicion légitime de se livrer à une activité préjudiciable à la sécurité de l’État ou dont il est établi qu’elle se livre en fait à cette activité, pour autant que ladite personne ait le droit de recourir à une instance compétente établie suivant la pratique nationale». Toutefois, le simple fait d’exprimer des croyances religieuses ou philosophiques ou des opinions politiques ne suffit pas à justifier l’application de cette exception. Les personnes se livrant à des activités dont le but est d’exprimer ou de manifester, par des moyens non violents, une opposition aux principes politiques établis ne sont pas exclues de la protection assurée par la convention en vertu de l’article 4.
Après avoir dûment pris en considération les informations fournies par le gouvernement en réponse à ces allégations graves, la commission exprime sa profonde préoccupation quant aux orientations qui figurent dans de nombreux documents stratégiques et réglementaires nationaux et régionaux et prie donc le gouvernement:
  • i) de passer en revue ses politiques nationales et régionales en vue d’éliminer toute distinction, exclusion ou préférence qui a pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité de chances et de traitement en matière d’emploi et de profession;
  • ii) d’abroger les dispositions de la décision du XUAR qui imposent aux entreprises et aux syndicats des obligations en matière de déradicalisation et qui empêchent les entreprises et les syndicats de jouer leur rôle respectif dans la promotion de l’égalité de chances et de traitement dans l’emploi et la profession, sans discrimination fondée sur la race, l’ascendance nationale, la religion ou l’opinion politique;
  • iii) de réviser les politiques nationales et régionales en vue de veiller à ce que les activités d’orientation professionnelle, de formation professionnelle et de placement servent à aider les minorités ethniques et religieuses à développer et à utiliser leurs capacités de travail dans leur propre intérêt et selon leurs propres aspirations, compte tenu des besoins de la société;
  • iv) de modifier les dispositions réglementaires nationales et régionales en vue de réorienter le mandat des centres de formation et d’enseignement professionnels en le faisant passer d’une rééducation politique fondée sur la détention administrative à l’objectif énoncé à l’alinéa iii);
  • v) de fournir des informations sur les mesures prises pour garantir le respect de la politique visant à promouvoir l’égalité de chances et de traitement dans les activités de formation professionnelle menées dans les centres de formation et d’enseignement professionnels du Xinjiang ; et
  • vi) de fournir des informations sur les mesures prises pour assurer le respect de la politique visant à promouvoir l’égalité de chances et de traitement des Ouïghours et autres minorités ethniques lorsqu’ils cherchent un emploi hors de la province autonome du Xinjiang.
Articles 2 et 3. Égalité de chances et de traitement pour les minorités ethniques et religieuses, y compris dans la fonction publique. Faisant suite à sa demande, la commission prend note des informations fournies par le gouvernement sur: 1) les efforts accrus concernant les programmes de formation du personnel qualifié dans les régions ethniques (plus de 30 programmes de formation avancée dans les régions ethniques, par exemple: Mongolie intérieure, Guangxi, Yunnan, Qinghai, Tibet, Guizhou, Ningxia et Xinjiang), avec 10 000 personnes formées par an; 2) les programmes de formation spéciaux pour le personnel qualifié au Xinjiang et au Tibet (sélection de 200 talents appartenant à des minorités ethniques du Xinjiang et de 120 du Tibet); 3) le recrutement effectif de 25 000 fonctionnaires appartenant à des minorités ethniques dans tout le pays, en 2016 (13,3 pour cent des nouveaux fonctionnaires recrutés), et de 23 000, en 2017 (11,75 pour cent des nouveaux fonctionnaires recrutés); et 4) la poursuite du renforcement des capacités de la main-d’œuvre dans les régions ethniques, en redoublant d’efforts pour soutenir la formation ciblant les fonctionnaires dans les régions ethniques, les séances de formation thématiques et les ateliers de formation sur site (14 séances, avec plus de 870 fonctionnaires engagés, depuis 2016) et la participation active à des programmes bilingues. Prenant note de ces faits nouveaux, la commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises, et sur leurs effets, pour promouvoir l’égalité de chances et de traitement pour les minorités ethniques et religieuses, en indiquant si et comment les partenaires sociaux et les groupes concernés sont consultés au moment de la formulation et de la mise en œuvre de ces mesures. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur la situation actuelle des différentes minorités ethniques et religieuses à l’intérieur et à l’extérieur des régions autonomes en matière d’emploi, notamment des données relatives à l’emploi dans la fonction publique ventilées par sexe et appartenance ethnique.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 110e session et de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2022.]
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