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  1. 144. La plainte de la F.S.M fait l'objet d'une communication adressée directement à l'Organisation internationale du Travail le 28 janvier 1961. Par lettre du 9 février 1961, le gouvernement recevait communication de cette plainte et était invité à faire connaître ses observations; son attention était également attirée sur le fait que, des questions de liberté individuelle étant soulevées par la plainte, le cas présent pouvait être classé parmi ceux que le Conseil d'administration estime urgents - fait qui, conformément à la décision prise par le Conseil d'administration à sa 140ème session (novembre 1958), doit être spécialement signalé au gouvernement lorsque la plainte lui est communiquée, ce dernier étant instamment prié, au nom du Conseil d'administration, de donner sans tarder sa réponse en raison de cette urgence. Dans une note du 12 mai 1961, le gouvernement du Royaume-Uni a formulé ses observations en se fondant sur les informations qu'il déclarait avoir reçues du gouvernement de la Rhodésie du Sud.
  2. 145. La plainte et les observations fournies par le gouvernement mentionnées plus haut ont été examinées par le Comité à sa vingt-neuvième session (novembre 1961), où le Comité a soumis au Conseil d'administration les conclusions et les recommandations contenues aux paragraphes 590 à 621 de son cinquante-huitième rapport, lequel a été approuvé par le Conseil d'administration lors de sa 150ème session (novembre 1961). Le Comité a présenté ses recommandations définitives au Conseil d'administration en ce qui concerne certaines allégations relatives à l'application du projet de loi sur les pouvoirs exceptionnels et de la loi sur le vagabondage, ainsi qu'aux règlements syndicaux sur le droit de vote des membres. Les paragraphes qui suivent ne traitent que des allégations restées en suspens - savoir celles qui ont trait aux arrestations de dirigeants syndicaux ou aux restrictions à leur liberté de mouvement, à l'enregistrement des syndicats dans le cadre de la loi de 1959 sur la conciliation dans l'industrie et aux droits syndicaux des travailleurs agricoles, des gens de maison et des fonctionnaires -, au sujet desquelles le Comité a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration à sa 150ème session (novembre 1961). Conformément à ce rapport intérimaire, une demande d'informations complémentaires sur certains aspects du cas a été adressée au gouvernement. Celui-ci a fait parvenir sa réponse par une communication du 16 avril 1962.
  3. 146. Le gouvernement du Royaume-Uni a ratifié la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, et s'est engagé, avec l'accord du gouvernement de la Rhodésie du Sud, à en appliquer les dispositions en Rhodésie du Sud sans les modifier. Le gouvernement a également ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, mais a réservé sa décision quant à l'application des dispositions de ces conventions en Rhodésie du Sud.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives aux arrestations de dirigeants syndicaux ou aux restrictions à leur liberté de mouvement
    1. 147 Il est allégué que, l'état d'urgence ayant été décrété en février 1959 en Rhodésie du Sud, une trentaine de dirigeants syndicaux ont été arrêtés dans l'intention de décapiter les syndicats, et qu'une vingtaine de ces dirigeants auraient toujours été détenus en janvier 1961, dont M. J. T. Maluleke, Secrétaire général honoraire du Congrès des syndicats africains de la Rhodésie du Sud et secrétaire général du Syndicat des travailleurs africains du commerce de la Rhodésie du Sud; M. K. Mhizlia, trésorier du Congrès des syndicats africains de la Rhodésie du Sud et président du Syndicat des travailleurs des transports et des industries connexes de la Rhodésie du Sud et M.E. Sitole, administrateur du Congrès des syndicats africains de la Rhodésie du Sud. Le plaignant affirme que ces personnes sont détenues à la prison de Marandelles, en vertu de la loi de 1959 sur la détention préventive, promulguée après leur arrestation, et qu'elles ont été jugées secrètement par des tribunaux, sans que leur défense puisse être assurée dans les règles. D'autres dirigeants syndicaux auraient fait l'objet de mesures restreignant leur liberté de mouvement: il s'agit notamment de M. Musarurwa, président du Syndicat des travailleurs africains du commerce de la Rhodésie du Sud et de M. R. Foya, président de la section de Gwelo du Syndicat des travailleurs des transports et des industries connexes.
    2. 148 Dans sa communication du 12 mai 1961, le gouvernement déclarait que la détention de ces personnes, entièrement motivée par leurs activités subversives, n'a rien à voir avec leur qualité de dirigeants syndicaux. Bien que l'état d'urgence ait pris fin depuis lors, les autorités - disait-il - estiment encore nécessaire, dans l'intérêt de la sécurité publique, d'arrêter ou de mettre en résidence surveillée un certain nombre de personnes, dont celles qui sont nommément désignées dans la plainte.
    3. 149 Le gouvernement contestait que les personnes arrêtées ayant comparu devant les tribunaux d'instruction n'aient pu assurer convenablement leur défense. Aux termes de l'article 6, al. 6, de la loi de 1959 sur la détention préventive (dispositions provisoires), - les détenus sont représentés juridiquement devant le tribunal. Le gouvernement affirmait que toutes facilités ont été accordées à ceux qui tenaient à se faire représenter juridiquement, et qu'ils l'ont été en fait, quant aux personnes qui disposaient de revenus insuffisants, leurs représentants juridiques ont été désignés d'office.
    4. 150 A sa vingt-neuvième session (novembre 1961), le Comité a noté, d'après la réponse du gouvernement, que le cas des personnes arrêtées avait été porté devant un tribunal d'instruction et qu'elles n'avaient donc pas été « jugées » comme le prétendait la plainte.
    5. 151 Dans certains cas antérieurs, à l'occasion desquels on avait allégué que des fonctionnaires ou des membres de syndicats avaient été détenus à titre préventif, le Comité avait exprimé l'avis que des mesures de détention préventive peuvent constituer une atteinte sérieuse à l'exercice des droits syndicaux, qu'il semblerait nécessaire de justifier par l'existence d'un danger grave et qui pourrait faire l'objet de critiques, si elle n'est pas accompagnée de garanties judiciaires appropriées accordées dans un délai raisonnable; le Comité avait aussi déclaré que tout gouvernement devrait se faire une règle de veiller au respect des droits de l'homme et, en particulier, au droit de toute personne détenue à être jugée équitablement le plus tôt possible. Le Comité a également exprimé l'avis que le fait de restreindre à une région limitée la liberté de mouvement d'une personne et de lui interdire l'accès de la région où le syndicat auquel elle appartient exerce son activité et où elle remplit normalement ses fonctions syndicales, est également incompatible avec la jouissance normale du droit d'association et avec l'exercice du droit de poursuivre une activité syndicale et de remplir des fonctions syndicales, et qu'une telle restriction devrait aussi être accompagnée de garanties judiciaires appropriées, accordées dans un délai raisonnable, et, en particulier, de la protection du droit des intéressés à être jugés équitablement le plus rapidement possible.
    6. 152 D'autre part, lorsque, dans des cas précédents, les gouvernements ont répondu aux allégations selon lesquelles des dirigeants syndicaux ou des travailleurs avaient été arrêtés pour activités syndicales, en déclarant que les personnes en cause avaient, en fait été arrêtées pour leurs activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le Comité a toujours suivi la règle consistant à prier les gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires aussi précises que possible sur les arrestations et en particulier sur les procédures légales ou judiciaires engagées à la suite des arrestations et sur le résultat de ces procédures. Si, dans certains cas, le Comité a conclu que des allégations relatives aux arrestations ou aux détentions de militants syndicalistes ne méritaient pas un examen plus approfondi, c'est qu'il avait reçu des gouvernements certaines informations établissant de façon suffisamment évidente et précise que ces arrestations ou détentions n'avaient rien à voir avec des activités syndicales, mais résultaient uniquement d'activités dépassant le cadre syndical, qui nuisaient à l'ordre public, ou atteignaient l'ordre politique.
    7. 153 A sa vingt-neuvième session (novembre 1961), le Comité avait observé qu'en l'espèce, le gouvernement se bornait à déclarer que les détentions avaient été motivées par des activités subversives et qu'il estimait encore nécessaire, dans l'intérêt de la sécurité publique, de suspendre ou de limiter la liberté de mouvement de certaines des personnes en cause, sans donner aucune précision sur les mobiles de ces détentions ni sur toute autre procédure qui aurait pu être engagée par la suite.
    8. 154 Dans ces conditions, le Comité avait décidé de prier le gouvernement de préciser combien des vingt dirigeants syndicaux mentionnés par les plaignants étaient encore détenus ou faisaient l'objet de mesures restreignant leur liberté de mouvement et de donner de plus amples précisions sur les raisons qui ont motivé les sanctions prises à leur encontre et, eu égard aux principes exposés aux paragraphes 151 et 152 ci-dessus, sur la date à laquelle devaient être jugées celles des personnes incriminées qui pourraient n'être pas encore passées en jugement. Compte tenu de la décision du Conseil d'administration à sa 140ème session, mentionnée au paragraphe 144, le Comité avait prié le gouvernement de bien vouloir lui faire tenir ces renseignements d'urgence.
    9. 155 Dans sa communication du 16 avril 1962, le gouvernement du Royaume-Uni fournit à ce sujet des informations émanant du gouvernement de la Rhodésie du Sud.
    10. 156 Se référant à l'allégation selon laquelle, en février 1959, plus de trente dirigeants syndicaux auraient été incarcérés dans le but de décapiter les syndicats, le gouvernement, a fait observer que les plaignants n'ont apporté aucune preuve à l'appui de cette affirmation, puis confirme que les personnes détenues comptaient parmi elles un certain nombre de dirigeants syndicaux, mais reprend sa déclaration antérieure d'après laquelle la détention des personnes en question avait pour seule origine les activités subversives déployées par elles et non le fait qu'elles aient été dirigeants syndicaux. Le gouvernement transmet au Comité le voeu du gouvernement de Rhodésie du Sud « que le Comité ne méconnaisse pas la distinction nette qui existe entre l'arrestation, motivée par des activités syndicales, de chefs syndicaux ou de travailleurs et l'arrestation, motivée par des activités subversives étrangères au syndicalisme, de personnes qui se trouvent être des syndicalistes ».
    11. 157 Le gouvernement explique ensuite que le Congrès national africain de Rhodésie du Sud, organisation politique, a été déclaré illégal en vertu de la loi de 1959 sur les organisations illégales. Comme conséquence, aux termes de l'article 3, al. 2, de la loi de 1959 sur la détention préventive (disposition transitoire), les personnes participant aux activités de cette organisation pouvaient être mises en état d'arrestation. La loi de 1959 sur la détention préventive (dispositions provisoires) n'exige pas que les personnes arrêtées ou assignées à résidence passent en jugement mais que le tribunal institué en application de la loi enquête sur les raisons de la détention et examine périodiquement les mandats d'arrêt et d'assignation à résidence. Conditions qui ont été respectées, déclare le gouvernement.
    12. 158 Le gouvernement indique les noms de onze personnes encore sous le coup de mesures de restriction et déclare que plus personne ne se trouve actuellement en détention. La liste des noms donnée par le gouvernement comprend seulement deux des personnes mentionnées par les plaignants: M. E. Sitole, administrateur du Congrès des syndicats de Rhodésie du Sud, et M. R. Foya, président de la section de Gwelo du Syndicat des travailleurs des transports et professions connexes. Parmi les onze personnes en question, déclare le gouvernement, seules les deux personnes mentionnées nommément ci-dessus étaient des dirigeants syndicaux; elles ont été détenues, puis assignées à résidence non pas en raison de cette qualité mais parce qu'elles faisaient partie du bureau du Congrès national africain de Rhodésie du Sud, déclaré illégal.
    13. 159 Le Comité a pleinement conscience de la nette distinction qui existe entre l'arrestation de dirigeants syndicaux ou de travailleurs en raison de leurs activités syndicales et l'arrestation, pour des activités subversives étrangères aux activités syndicales, de personnes qui se trouvent être des syndicalistes. Par le passé, le Comité a relevé que les personnes sont condamnées pour des raisons sans rapport avec l'exercice des droits syndicaux, la question échappe à sa compétence, mais il a insisté sur le fait que le point de savoir si une telle question relève du droit pénal ou de l'exercice des droits syndicaux ne saurait être tranchée unilatéralement par le gouvernement intéressé. C'est là une des raisons pour lesquelles le Comité, signalant que, dans tous les cas où des dirigeants syndicaux sont placés en détention préventive, ces mesures peuvent comporter une sérieuse atteinte à l'exercice des droits syndicaux, a souligné, ainsi qu'il est indiqué au paragraphe 151 ci-dessus, le droit de toute personne détenue à être jugée équitablement le plus rapidement possible et ainsi qu'il est indiqué au paragraphe 152 ci-dessus, qu'il a demandé aux gouvernements ayant déclaré que les arrestations et la détention étaient motivées par des activités subversives de fournir des informations quant à la nature et au résultat des procédures légales ou judiciaires engagées. En effet, ce n'est que sur la base d'un procès assorti de toutes les garanties d'une procédure judiciaire régulière que le Comité peut apprécier si les affirmations du gouvernement à cet égard sont fondées ou non. Dans le cas présent, le gouvernement a donné les raisons - de caractère politique - qui ont motivé les restrictions apportées aux mouvements des dirigeants syndicaux intéressés. Il semblerait cependant que, si la détention des syndicalistes intéressés et de leur assignation ultérieure à résidence a pu être motivée par leurs activités politiques, ces personnes ne soient jamais passées en jugement sous un chef d'accusation quelconque et que rien dans la dernière réponse du gouvernement n'indique que l'on ait l'intention de les faire passer en jugement sous un chef d'inculpation quelconque.
    14. 160 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
      • a) de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle deux des dirigeants syndicaux mentionnés par les plaignants sont encore assignés à résidence;
      • b) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au droit qu'a toute personne détenue d'être jugée équitablement le plus rapidement possible;
      • c) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que la restriction de la liberté de mouvement des dirigeants syndicaux est incompatible avec la jouissance normale du droit d'association et avec l'exercice du droit de poursuivre une activité syndicale et de remplir des fonctions syndicales et qu'elle devrait, à l'instar de la détention, être assortie des garanties d'une procédure judiciaire régulière mise en oeuvre dans des délais raisonnables;
      • d) de demander au gouvernement s'il n'est pas envisagé de soumettre les dirigeants syndicaux assignés à résidence à un jugement prompt et équitable, d'indiquer quelles sont les mesures prises ou envisagées en vue de lever les restrictions dont ces personnes sont l'objet afin qu'elles puissent reprendre leurs fonctions syndicales en toute liberté.
    15. Allégations relatives à l'enregistrement des syndicats dans le cadre de la loi de 1959 sur la conciliation dans l'industrie
    16. 161 Il est allégué que les droits syndicaux sont sévèrement limités par la loi de 1959 sur la conciliation dans l'industrie et notamment que le greffier industriel peut, de son propre chef, refuser d'enregistrer un syndicat s'il n'est pas convaincu que celui-ci « est une collectivité responsable et suffisamment capable de prendre part aux négociations d'intérêt commun entre les employeurs et les salariés ».
    17. 162 Le gouvernement déclarait, dans sa réponse du 12 mai 1961, que cette loi était dépourvue de tout caractère racial et qu'elle a fait bénéficier les Africains de tous les avantages des institutions légales de conciliation, jusqu'ici réservées exclusivement aux non-Africains. Si le greffier industriel refuse d'enregistrer un syndicat, il est possible, dans la plupart des cas, de faire appel de cette décision devant les tribunaux - ou devant le ministre, dans un cas précis, ainsi qu'on pourra le constater d'après l'extrait de la loi reproduit plus loin. Le gouvernement déclarait considérer que les garanties offertes par l'article 37 de la loi, qui est cité in extenso, « sont en rapport avec les conditions existant en Rhodésie du Sud, où les syndicats en sont à un stade relativement primitif de leur évolution ».
    18. 163 La teneur de l'article 37 de la loi de 1959 sur la conciliation dans l'industrie, cité in extenso par le gouvernement dans sa réponse, est la suivante
    19. 37 1) Le greffier n'enregistrera aucun syndicat professionnel ou organisation patronale sans s'être assuré que:
      • a) les prescriptions de l'article 36 ont été observées;
      • b) les statuts sont compatibles avec la présente loi et ne contiennent pas de dispositions contraires à celles d'un acte législatif, tendant à empêcher la réalisation des objectifs d'un acte législatif, ou contraires à la bonne marche du syndicat ou de l'organisation ou à l'intérêt public;
      • c) le syndicat ou l'organisation est une collectivité responsable et suffisamment capable de prendre part aux négociations d'intérêt commun entre les employeurs et les salariés, conformément aux dispositions de la présente loi;
      • d) le syndicat ou l'organisation n'a pas été constitué(e) en vue d'éluder les dispositions d'un acte législatif quelconque;
      • e) le syndicat ou l'organisation ne fonctionne pas ou n'a pas été constitué(e) en vue de défendre les intérêts de ses membres en raison de la race, de la couleur ou de la religion à laquelle ils appartiennent.
    20. 2) Si, lors de l'examen des statuts d'un Syndicat professionnel ou d'une organisation patronale ou de modification apportée à ceux-ci, le greffier n'est pas en mesure de décider si une disposition est - ou n'est pas - conforme à la loi ou est - ou n'est pas - contraire à l'intérêt public, ou estime qu'une disposition est abusive à l'égard des membres ou du public, il refusera de l'approuver et approuvera uniquement les clauses qu'il juge conformes à la loi, non contraires à l'intérêt public et équitables à l'égard des membres ou du public, selon le cas.
    21. 3) Tout syndicat professionnel ou toute organisation patronale qui s'estimera lésé(e) par une décision prise par le greffier en application du présent article pourra:
      • a) si elle est fondée sur l'intérêt public ou sur le caractère équitable à donner aux statuts à l'égard des membres ou du public, en appeler au ministre dont la décision sera définitive.
      • b) si elle fondée sur tout autre motif, en appeler au tribunal industriel.
    22. 164 En premier lieu, ainsi que le Comité l'a fait remarquer à sa vingt-neuvième session (novembre 1961), il semblerait qu'un greffier n'enregistrera pas un syndicat sans s'être assuré que les statuts de celui-ci ne contiennent pas de dispositions contraires à l'intérêt public (article 37, al. 1, b)) et qu'en examinant ces statuts, il refusera d'approuver toute disposition lorsqu'il n'est pas en mesure de décider si celle-ci est - ou n'est pas - contraire à l'intérêt public ou lorsqu'il estime qu'elle est abusive à l'égard du public (article 37, al. 2); appel de cette décision ne peut être interjeté que devant le ministre, dont la décision sera définitive (article 37, al. 3, a)).
    23. 165 A cet égard la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a suggéré que les appels contre les décisions des greffiers devraient être portés devant les tribunaux; le fait a été noté par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 194 relatif à Singapour lorsqu'il a recommandé au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement du Royaume-Uni sur le même principe.
    24. 166 Le Comité a noté en outre que, ainsi que le laisse entendre l'article 37 de la loi, il semble que le greffier n'enregistrera pas un syndicat sans s'être assuré notamment que les autres conditions prescrites à l'article 37 al. 1 b) et c) sont respectées. Le greffier doit donc se fier à son propre jugement pour déterminer si ces conditions particulières sont respectées - bien que sa décision puisse faire l'objet d'un appel devant les tribunaux. Dans les cas de ce genre ainsi que l'a fait observer la Commission d'experts, « l'existence d'une procédure de recours judiciaire ne semble pas une garantie suffisante: en effet, cela ne modifie pas la nature des pouvoirs conférés aux autorités chargées de l'enregistrement et les juges saisis d'un tel recours n'auraient eux-mêmes... que la possibilité de s'assurer que la législation a été correctement appliquée ».
    25. 167 Dans ces conditions, tout en attirant l'attention du gouvernement sur l'importance du principe d'un recours aux tribunaux tel qu'il est signalé plus haut au paragraphe 165, le Comité a décidé, à sa vingt-neuvième session (novembre 1961), de prier le gouvernement de préciser les normes que le greffier doit éventuellement respecter ou dont il s'inspire selon le cas, lorsqu'il est appelé à juger des questions dont il a à connaître au titre de l'article 37 de la loi.
    26. 168 Dans sa communication du 16 avril 1962, le gouvernement déclare que lorsqu'il apprécie les différentes questions au sujet desquelles il doit se faire une opinion conformément à l'article 37 de la loi sur la conciliation des différends du travail, le fonctionnaire chargé de l'enregistrement s'inspire « de la Déclaration des droits de la Constitution de la Rhodésie du Sud, de la Déclaration de Philadelphie de l'O.I.T et des garanties et normes caractéristiques élaborées par le mouvement syndical britannique ».
    27. 169 Bien que les normes et instruments mentionnés plus haut donnent effet à un certain nombre de principes généralement acceptés, le Comité estime qu'ils n'offrent pas aux syndicats, en matière d'enregistrement, des garanties comparables à celles normalement offertes par des critères adéquatement définis par une loi.
    28. 170 Dans ces conditions, tout en étant conscient du fait que le mouvement syndical de la Rhodésie du Sud en est encore aux premières étapes de son développement, mais tenant compte également de ce que le gouvernement du Royaume-Uni s'est engagé à appliquer sans modification à la Rhodésie du Sud les dispositions de la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, le Comité recommande au Conseil d'administration:
      • a) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les appels contre les décisions de refus ou d'annulation d'enregistrement prises par les fonctionnaires chargés de l'enregistrement des syndicats devraient être portés devant les tribunaux;
      • b) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'opportunité d'une définition légale et claire des conditions précises que les syndicats doivent remplir pour pouvoir se faire enregistrer et d'une indication des critères légaux précis permettant de déterminer si ces conditions sont remplies ou non;
      • c) de suggérer au gouvernement d'envisager un nouvel examen des dispositions de la loi de 1959 sur la conciliation dans l'industrie afin de déterminer les modifications qu'il pourrait être opportun d'y apporter à la lumière des considérations qui précèdent;
      • d) de demander au gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant des progrès effectués dans ce sens.
    29. Allégations relatives aux droits syndicaux des travailleurs agricoles, des gens de maison et des fonctionnaires
    30. 171 Il est allégué que les travailleurs agricoles, les gens de maison et les fonctionnaires ne peuvent s'affilier à des syndicats.
    31. 172 Dans sa communication du 12 mai 1961, le gouvernement déclare que, si la loi sur la conciliation dans l'industrie ne prévoit pas de syndicats pour les travailleurs agricoles ou les gens de maison, la loi n'interdit pas à ces salariés de constituer des syndicats. Les fonctionnaires permanents peuvent se grouper en associations que le gouvernement reconnaît aux fins de négociations; ils ne peuvent constituer de syndicats qui soient enregistrés en vertu de la loi sur la conciliation dans l'industrie. Les fonctionnaires non permanents peuvent s'affilier aux syndicats enregistrés au titre de cette loi.
    32. 173 Lorsqu'elle s'est réunie en mars 1961, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a formulé une observation sur ces questions, à propos de l'application, en Rhodésie du Sud, de la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947. La Commission d'experts a regretté de constater que la loi, aux termes de son article 4, al. 2. a), n'est pas applicable aux « personnes occupées dans les exploitations agricoles (y compris la sylviculture) ou à des services domestiques chez les particuliers » et a déclaré qu'elle serait reconnaissante au gouvernement d'indiquer les mesures qu'il envisage de prendre afin de garantir à ces salariés « le droit de s'associer en vue de tous objets non contraires aux lois », conformément à la convention qui s'applique à tous les salariés.
    33. 174 En conséquence, à sa vingt-neuvième session (novembre 1961), le Comité avait recommandé au Conseil d'administration - compte tenu de l'observation de la Commission d'experts citée au paragraphe précédent, et du fait que les syndicats enregistrés dans le cadre de la loi de 1959 sur la conciliation dans l'industrie bénéficient de garanties et d'une protection considérables par rapport aux syndicats qui ne peuvent être enregistrés de prier le gouvernement de bien vouloir préciser les mesures qu'il comptait prendre pour garantir et défendre le droit des travailleurs agricoles et des gens de maison à s'organiser de la même façon que les travailleurs de l'industrie, dont les syndicats peuvent être enregistrés en application de la loi.
    34. 175 Dans sa communication du 16 avril 1962, le gouvernement du Royaume-Uni déclare avoir été informé par le gouvernement de la Rhodésie du Sud que cette question se trouvait encore à l'examen.
    35. 176 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note de cette déclaration et de demander au gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant des progrès effectués à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 177. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives aux arrestations de dirigeants syndicaux et aux restrictions à leur liberté de mouvement:
    • i) de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle deux des dirigeants syndicaux mentionnés par les plaignants sont encore assignés à résidence;
    • ii) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration a toujours attachée au droit qu'a toute personne détenue d'être jugée équitablement le plus rapidement possible;
    • iii) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que la restriction de la liberté de mouvement des dirigeants syndicaux est incompatible avec la jouissance normale du droit d'association et avec l'exercice du droit de poursuivre une activité syndicale et de remplir des fonctions syndicales et qu'elle devrait, à l'instar de la détention, être assortie des garanties d'une procédure judiciaire régulière mise en oeuvre dans des délais raisonnables;
    • iv) de demander au gouvernement s'il n'est pas envisagé de soumettre les dirigeants syndicaux assignés à résidence à un jugement prompt et équitable, d'indiquer quelles sont les mesures prises ou envisagées en vue de lever les restrictions dont ces personnes sont l'objet afin qu'elles puissent reprendre leurs fonctions syndicales en toute liberté;
    • b) de décider, en ce qui concerne les allégations relatives à l'enregistrement des syndicats dans le cadre de la loi de 1959 sur la conciliation dans l'industrie:
    • i) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel les appels contre les décisions de refus ou d'annulation d'enregistrement prises par le fonctionnaire chargé de l'enregistrement des syndicats devraient être portés devant les tribunaux;
    • ii) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'opportunité qu'il y a à définir clairement dans la législation les conditions précises que les syndicats doivent remplir pour pouvoir se faire enregistrer et à prescrire des critères légaux précis permettant de déterminer si ces conditions sont remplies ou non;
    • iii) de suggérer au gouvernement d'envisager un nouvel examen des dispositions de la loi de 1959 sur la conciliation dans l'industrie afin de déterminer les modifications qu'il pourrait être opportun d'y apporter à la lumière des considérations qui précèdent;
    • iv) de demander au gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant des progrès effectués dans ce sens;
    • c) de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle la question des mesures à prendre éventuellement pour assurer la garantie et la protection du droit d'organisation des travailleurs agricoles et des gens de maison de la même façon que dans le cas des travailleurs industriels, dont les syndicats peuvent se faire enregistrer dans le cadre de la loi de 1959 sur la conciliation dans l'industrie, se trouve encore à l'étude, et de demander au gouvernement de bien vouloir tenir le Conseil d'administration au courant des progrès effectués à cet égard.
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