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- 263. Le Comité a examiné ce cas la dernière fois à sa session de novembre 1965. A cette occasion, il a soumis un rapport intérimaire qui figure aux paragraphes 525 à 540 de son quatre-vingt-cinquième rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa 163ème session (novembre 1965). Le présent rapport se réfère seulement aux allégations dont l'examen avait été différé, c'est-à-dire à celles qui ont trait à la détention de dirigeants syndicaux, au sujet desquelles des informations complémentaires avaient été demandées au gouvernement au paragraphe 540 b) du quatre-vingt-cinquième rapport.
- 264. L'Equateur n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il a ratifié, en revanche, la convention (ne 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 265. Dans deux communications en date des 24 novembre et 23 décembre 1964, la Confédération latino-américaine des syndicalistes chrétiens a signalé l'incarcération de huit dirigeants de la Confédération équatorienne des ouvriers catholiques. MM. Francisco Checa et Carlos Aroca auraient été emprisonnés en septembre 1964, alors qu'ils assistaient à une réunion convoquée en vue de constituer une ligue paysanne. MM. Pedro Moreno Rocha, Carlos Idovro Vergara et Mesias Zamora Pérez auraient été arrêtés au moment où ils distribuaient des tracts invitant les paysans à une autre réunion convoquée dans le même but. Auraient été arrêtés, en outre, M. Hugo Espinosa, qui aurait été maintenu au secret, ainsi que les dirigeants Luis Cajas et Teodoro Reinoso; ces deux derniers ont toutefois été relâchés.
- 266. Lors de l'examen du cas dans son ensemble à ses sessions de février et de mai 1965, le Comité avait recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement ses observations au sujet des détentions alléguées, étant donné que, jusqu'à cette date, ses observations n'étaient pas encore parvenues. Par communication du 27 août 1965, le gouvernement a déclaré, sans fournir de plus amples précisions, que les emprisonnements en question étaient justifiés par des délits de droit commun, sans aucun rapport avec les activités syndicales. En procédant, à sa session de novembre 1965, à un nouvel examen du cas, le Comité a rappelé que, dans des cas analogues, il a toujours suivi la règle consistant à prier les gouvernements intéressés de fournir des informations complémentaires aussi précises que possible au sujet de ces détentions et de leurs motifs exacts. Il a rappelé également que si, dans certains cas, il avait décidé que les allégations relatives à l'arrestation et à la détention de militants syndicaux n'appelaient pas un examen plus approfondi, c'est parce qu'il avait reçu des gouvernements certaines informations prouvant, d'une manière évidente et précise, que ces arrestations ou détentions n'avaient rien à voir avec les activités syndicales, mais résultaient uniquement d'activités dépassant le cadre syndical, nuisibles à l'ordre public ou de caractère politique. Enfin, au paragraphe 540 b) de son quatre-vingt-cinquième rapport, le Comité a recommandé de nouveau au Conseil d'administration d'adresser au gouvernement une demande d'information complémentaire, en ce qui concerne cet aspect du cas, y compris un exposé des délits imputés à chacun des syndicalistes détenus, ainsi que le résultat des poursuites engagées contre eux.
- 267. Ayant été approuvée par le Conseil d'administration, cette recommandation a été transmise au gouvernement, qui a répondu par une communication en date du 11 février 1966. Dans cette dernière, le gouvernement déclare que MM. Checa et Aroca ont été arrêtés pour violation flagrante des dispositions expresses de la législation pénale équatorienne. Les autorités chargées d'appliquer la sanction correspondante ont ordonné, toutefois, la mise en liberté des deux inculpés pour éviter que le motif de leur détention fût trial interprété. Le gouvernement déclare à ce propos que la qualité de dirigeant syndical ne justifie pas la subversion de l'ordre public sous prétexte de constituer des syndicats de travailleurs. Quant à la détention de MM. Moreno Rocha, Hidrovo Vergara (dénommé Idrovo Vergara) et Zamora Pérez, il signale que, selon les renseignements fournis par les autorités compétentes, cette mesure avait été prise parce que les personnes en question distribuaient parmi les paysans des tracts subversifs sans adresse d'imprimeur, en compromettant de cette manière l'ordre public. Ces trois inculpés ont été mis en liberté provisoire, après avoir signé devant les autorités une déclaration dans laquelle ils s'engageaient à ne pas participer à des activités politiques étrangères, selon le gouvernement, à l'action syndicale. La distribution de tracts sans adresse d'imprimeur est un délit passible, aux termes de l'article 272 du Code pénal, d'une peine de prison de trois mois à une année et d'une amende de 80 à 200 sucres.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 268. En ce qui concerne les trois syndicalistes mentionnés en dernier lieu, le Comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle la détention aurait été justifiée par un délit prévu au Code pénal. Néanmoins, pour ce qui a trait à l'opinion émise par le gouvernement au sujet des activités politiques en liaison avec l'action des syndicats, le Comité estime opportun de rappeler l'avis énoncé par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations selon lequel « les dispositions interdisant aux syndicats, de façon générale, toute activité politique peuvent susciter des difficultés du fait que l'interprétation donnée dans la pratique est susceptible de modifier à tout moment et de réduire considérablement les possibilités d'action des organisations ». A cet égard, la Commission a jugé opportun de se référer à la résolution sur l'indépendance du mouvement syndical, approuvée par la Conférence internationale du Travail à sa 35ème session (1952), dans laquelle il est précisé notamment que, lorsque les syndicats entreprennent une action politique ou s'y rallient, cette action ne devrait pas être « de nature telle qu'elle puisse compromettre la continuité du mouvement syndical ou de ses fonctions sociales ou économiques, quels que soient les changements politiques qui puissent survenir dans le pays ». Il semble donc, ajoute la Commission, que les Etats, sans aller jusqu'à interdire en général toute action politique aux organisations professionnelles, devraient laisser aux autorités judiciaires le soin de réprimer les abus que pourraient commettre les organisations qui auraient perdu de vue leur objectif fondamental, à savoir: « le progrès économique et social de leurs membres ».
- 269. D'autre part, le Comité constate avec regret que, en dépit de sa demande réitérée d'informations précises sur la détention des autres syndicalistes énumérés dans la plainte, le gouvernement s'est borné, une fois de plus, à déclarer, dans sa communication du 11 février 1966, relative à deux inculpés seulement, que tous deux avaient violé les dispositions du Code pénal, sans préciser la nature exacte des délits imputés à ces personnes, contre lesquelles, par ailleurs, il semble qu'aucune action judiciaire n'ait été engagée.
- 270. Bien que ces deux syndicalistes, MM. Checa et Aroca, aient été mis en liberté ultérieurement à l'envoi de la plainte, le Comité, étant donné l'importance qu'il a toujours attachée à ce que, dans tous les cas de détention de syndicalistes pour des motifs de caractère politique ou de droit commun, les intéressés soient jugés avec toutes les garanties d'une action judiciaire régulière dans les plus brefs délais et par une autorité judiciaire impartiale et indépendante; et, fidèle à la pratique qu'il a toujours suivie dans des cas analogues, recommande au Conseil d'administration de signaler au gouvernement les dangers que peuvent entraîner, pour la liberté syndicale, les mesures de détention contre des syndicalistes, lorsqu'elles ne sont pas accompagnées de garanties judiciaires appropriées, tout gouvernement devant avoir pour principe de veiller au respect des droits de l'homme et, en particulier, du droit de tout détenu d'être jugé, dans les plus brefs délais possible, par une autorité judiciaire impartiale et indépendante.
- 271. En ce qui concerne les trois autres syndicalistes, MM. Espinosa, Cajas et Reinoso, dont la détention est alléguée également par les plaignants, le gouvernement n'a fourni jusqu'à ce jour aucune information.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 272. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de prendre note du fait que les syndicalistes Pedro Moreno Rocha, Carlos Idovro Vergara, Mesias Zamora Pérez, Francisco Checa et Carlos Aroca ont été remis en liberté;
- b) de signaler toutefois à l'attention du gouvernement:
- i) l'importance qu'il a toujours attachée à l'opinion de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations selon laquelle il n'y a pas lieu d'interdire aux organisations professionnelles toute activité politique, les autorités judiciaires ayant pour tâche de réprimer les abus qui pourraient être commis par les organisations ayant perdu de vue leur objectif essentiel, à savoir: le progrès économique et social de leurs membres;
- ii) les dangers que peuvent entraîner, pour la liberté syndicale, les mesures de détention contre des syndicalistes, lorsque celles-ci ne sont pas accompagnées de garanties judiciaires appropriées, tout en réaffirmant le principe suivant lequel tout gouvernement devrait avoir pour règle de veiller au respect des droits de l'homme, et, en particulier, du droit de tout détenu d'être jugé dans les plus brefs délais possible, par une autorité judiciaire impartiale et indépendante;
- c) de demander une fois de plus au gouvernement de communiquer d'urgence ses observations détaillées au sujet de la détention présumée de MM. Hugo Espinosa, Luis Cajas et Teodoro Reinoso, ainsi que des informations sur la situation dans laquelle ces personnes se trouvent actuellement devant la loi;
- d) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité fera à nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations demandées au gouvernement à l'alinéa c) ci-dessus.