ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Informe provisional - Informe núm. 93, 1967

Caso núm. 486 (Marruecos) - Fecha de presentación de la queja:: 15-JUN-66 - Cerrado

Visualizar en: Inglés - Español

  1. 299. La plainte de l'Union générale des travailleurs du Maroc (U.G.T.M.) est contenue dans une communication en date du 15 juin 1966, adressée directement à l'O.I.T. Cette plainte ayant été transmise le 30 juin 1966 au gouvernement pour observations, celui-ci a répondu par une communication en date du 14 octobre 1966.
  2. 300. Le Maroc n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; il a ratifié par contre la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 301. Les plaignants allèguent que le gouvernement favoriserait systématiquement l'Union marocaine du travail (U.M.T.) au détriment de l'U.G.T.M, que l'U.M.T jouirait ainsi d'un quasi-monopole syndical, que la politique gouvernementale priverait des centaines de milliers de travailleurs affiliés à l'U.G.T.M de la possibilité d'exercer convenablement leurs activités syndicales et que cette circonstance aurait pour effet d'exercer une influence injustifiée sur le choix des travailleurs quant au syndicat auquel ils entendent s'affilier.
  2. 302. A l'appui de ces affirmations d'ordre général, les plaignants formulent un certain nombre d'allégations spécifiques se rapportant à des faits qui illustrent, à leurs yeux, la discrimination dont l'U.G.T.M serait l'objet. Ces allégations seront examinées ci-dessous séparément.
    • Allégations relatives aux élections du personnel du port de Casablanca
  3. 303. Les plaignants allèguent que toutes les élections des délégués des ouvriers et du personnel des différentes commissions paritaires seraient faussées et se dérouleraient toutes dans des conditions irrégulières du fait que les représentants des administrations et du patronat prendraient chaque fois une attitude défavorable à l'U.G.T.M.
  4. 304. Plus précisément, déclarent les plaignants, les élections du personnel du port de Casablanca, qui se sont déroulées au mois d'octobre 1965, ont fait l'objet de la part de l'U.G.T.M de protestations quant à la régularité de leurs opérations. Conformément aux règles applicables en la matière, poursuivent les plaignants, une requête a été déposée auprès du Tribunal régional de Casablanca, qui, à sa séance du 23 mars 1966, après avoir pris en considération les arguments de l'U.G.T.M, a reconnu l'irrégularité des élections en question, les a annulées et a demandé au ministère des Travaux publics et des Communications, comme le prévoit la législation, de faire procéder à de nouvelles élections.
  5. 305. Au moment du dépôt de la plainte, près de quatre mois s'étaient écoulés et, d'après les plaignants, le jugement du tribunal n'avait pas été appliqué.
  6. 306. Le 10 juin 1966, allèguent encore les plaignants, le directeur du port de Casablanca, « sur ordre du ministère des Travaux publics et des Communications, a convoqué les membres élus lors des élections entachées d'irrégularité et annulées par le Tribunal régional de Casablanca, pour siéger et décider de l'avancement de certains ouvriers ».
  7. 307. Dans ses observations sur ces allégations, le gouvernement déclare qu'en ce qui concerne le jugement dont fait état l'U.G.T.M, le ministre des Travaux publics et des Communications a fait savoir qu'il n'en avait « pas eu notification jusqu'à ce jour » et que la Régie d'acconage du port de Casablanca n'avait pas fait l'objet d'une citation dans cette affaire.
  8. 308. Le Comité se trouve ici en présence de déclarations contradictoires. Alors que les plaignants, avec des précisions quant à la date de la décision prise et à l'instance qui l'aurait prise, affirment qu'un jugement aurait été rendu annulant les élections syndicales qui se seraient déroulées au port de Casablanca en octobre 1965, le gouvernement, lorsqu'il déclare que les autorités intéressées, en l'occurrence le ministère des Travaux publics et des Communications, n'ont pas eu connaissance d'une telle décision judiciaire, paraît laisser entendre que celle-ci n'aurait jamais existé.
  9. 309. La réponse du gouvernement sur ce point manquant de précision, le Comité, pour être en mesure de se prononcer en connaissance de cause sur cet aspect de l'affaire, estime qu'il lui est nécessaire de savoir s'il est ou non exact, comme l'allèguent les plaignants, qu'un jugement d'annulation des élections dont il est question a été rendu et, dans l'affirmative - tenant compte du fait que la déclaration du ministre des Travaux publics et des Communications, qui indique n'avoir pas eu notification d'un semblable jugement « jusqu'à ce jour », pourrait vouloir dire qu'un jugement a effectivement été rendu mais qu'il n'a pas encore été suivi d'effets -, quelle est la teneur dudit jugement et quelle suite lui a été donnée.
  10. 310. Le Comité recommande donc au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir les précisions dont la nature est indiquée au paragraphe précédent.
    • Allégations relatives aux élections syndicales à l'Office national de l'électricité (Oujda)
  11. 311. Les plaignants allèguent qu'en dépit du fait que 90 pour cent des ouvriers et employés de la centrale électrique d'Oujda appartiennent à l'U.G.T.M, le directeur de cette centrale refuserait de recevoir le bureau de l'U.G.T.M sous prétexte que le directeur général, lui-même membre actif de l'U.M.T lui aurait donné l'ordre de ne pas reconnaître les membres de l'U.G.T.M et que, d'une manière générale, ces membres feraient l'objet de la part du directeur de la centrale d'un traitement discriminatoire.
  12. 312. Plus précisément, les plaignants allèguent que le directeur de la centrale aurait « rejeté la liste des candidats U.G.T.M aux élections des membres représentant le personnel de l'énergie électrique ».
  13. 313. Dans sa réponse, le gouvernement déclare que les plaignants entendent faire allusion au fait que le directeur de l'Office national de l'électricité aurait, à leurs yeux, indûment rejeté les listes des représentants de l'U.G.T.M à Oujda pour le renouvellement des conseils d'administration du Conseil d'oeuvres sociales et de la Caisse mutuelle de sécurité sociale.
  14. 314. A cet égard, le gouvernement déclare que le rejet est intervenu conformément au règlement qui prévoit la présentation de listes complètes. En vertu dudit règlement, en effet, la liste du Conseil d'oeuvres sociales devait comprendre vingt-huit candidats, dont quatorze suppléants, et celle de la Caisse mutuelle de sécurité sociale douze titulaires et douze suppléants. Or, indique le gouvernement, les listes de l'U.G.T.M ne comprenaient que deux candidats par élection (un titulaire et un suppléant). Le gouvernement déclare que, malgré le report du scrutin, l'U.G.T.M s'est révélée incapable de compléter ses listes. Dans ces conditions, conclut le gouvernement, le rejet prononcé par le directeur de l'Office national de l'électricité était parfaitement justifié.
  15. 315. Il ressort des explications fournies par le gouvernement que l'organisation plaignante, malgré un délai supplémentaire accordé pour lui permettre de présenter des listes complètes en vue des élections des membres des conseils d'administration du Conseil d'oeuvres sociales et de la Caisse mutuelle de sécurité sociale, s'est abstenue de le faire et que c'est pour ne s'être ainsi pas conformée aux règles gouvernant les élections en question que l'U.G.T.M a vu refusées les listes présentées par elle.
  16. 316. Dans ces conditions, estimant que les plaignants n'ont pas apporté la preuve qu'il y ait eu, en l'occurrence, atteinte à la liberté syndicale, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
    • Allégations relatives au licenciement d'ouvriers et d'employés de la Société marocaine de construction automobile de Casablanca
  17. 317. Les plaignants allèguent que les six cents ouvriers et employés de la Société marocaine de construction automobile de Casablanca (SOMACA) auraient déclenché une grève légale pour protester contre le renvoi arbitraire de trente ouvriers. La direction, poursuivent les plaignants, au lieu d'entamer des négociations avec les grévistes, a décidé de renvoyer en masse tous les ouvriers et employés de l'usine et a ouvert un bureau de recrutement ayant « pour but de faire inscrire les ouvriers et employés désireux de reprendre leur travail à condition de perdre leur ancienneté et d'être repris en tant que débutants ». Les plaignants déclarent que ce bureau a en effet inscrit comme « débutants » trois cent quarante ouvriers et employés: « ceux qui, à la tête de familles nombreuses, ont eu peur de se voir jeter dans la rue et s'ajouter aux milliers de travailleurs licenciés, soit pour leur opinion syndicale, soit pour leur appartenance politique ». Les plaignants ajoutent que, malgré les interventions de l'U.G.T.M auprès du ministère de l'Intérieur et du ministère de l'Industrie, « deux cent soixante ouvriers et employés, tous appartenant à l'U.G.T.M, parmi lesquels se trouvent tous les représentants élus de l'usine, sont actuellement en chômage ».
  18. 318. Dans sa réponse, le gouvernement indique tout d'abord que les fluctuations du nombre des salariés de l'entreprise SOMACA sont fonction de son activité annuelle. C'est la raison pour laquelle, poursuit le gouvernement, la direction de la SOMACA a décidé, au mois d'avril 1966, de licencier, conformément à la législation du travail en vigueur, un certain nombre de manoeuvres en excédent. Le gouvernement termine en indiquant que la direction de la SOMACA a réembauché ces travailleurs tout récemment avec la reprise de son activité normale.
  19. 319. Ici encore, en face des allégations concrètes des plaignants, le Comité estime que la réponse du gouvernement ne contient pas les précisions qui lui seraient nécessaires pour apprécier la situation. Cette réponse, en effet, ne fait allusion qu'au licenciement, pour des raisons économiques, « d'un certain nombre de manoeuvres en excédent », lesquels auraient été par la suite réembauchés. De son côté, l'organisation plaignante fait état du renvoi, considéré par elle comme arbitraire, de trente ouvriers, d'une grève de protestation contre cette mesure à laquelle aurait pris part l'ensemble du personnel de l'entreprise, du congédiement massif, à la suite de la grève, de tous les ouvriers et employés de la SOMACA, du recrutement ultérieur d'une partie de ces travailleurs à des conditions moins avantageuses que celles dont ils bénéficiaient auparavant, de la non-réintégration, enfin, de deux cent soixante travailleurs qui, d'après les plaignants, seraient tous membres de l'U.G.T.M et compteraient parmi eux tous les représentants élus de l'entreprise.
  20. 320. Dans ces conditions, avant de pouvoir présenter ses recommandations définitives au Conseil d'administration, le Comité considère qu'il lui est nécessaire d'obtenir du gouvernement des informations plus détaillées sur cet aspect de l'affaire et il recommande en conséquence au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir fournir des observations détaillées sur chacune des allégations spécifiques rappelées au paragraphe précédent.
    • Allégations relatives à l'arrestation et à la condamnation de M. Drissi Laghnimi, secrétaire général de l'U.G.T.M à Sidi Slimane
  21. 321. Les plaignants allèguent qu'à l'occasion d'une grève des ouvriers agricoles de Sidi Slimane, destinée à appuyer des revendications légitimes, M. Drissi Laghnimi, secrétaire général de l'U.G.T.M à Sidi Slimane, aurait été arrêté par le caïd de la circonscription et menacé d'emprisonnement au cas où il refuserait de mettre un terme à la grève. Ayant refusé d'obtempérer, l'intéressé aurait été condamné arbitrairement à trois mois d'emprisonnement.
  22. 322. Dans ses observations, le gouvernement commence par déclarer que, contrairement aux affirmations de l'U.G.T.M, il ressort de l'enquête menée par le ministère de l'Intérieur que M. Laghnimi n'est pas secrétaire général de l'union locale de cette organisation, cette fonction ne pouvant être légalement assumée par lui en raison de son casier judiciaire (vol et perturbations publiques avec menaces de mort).
  23. 323. En ce qui concerne les événements évoqués par les plaignants et les mesures prises contre l'intéressé, le gouvernement fournit les explications suivantes. Au mois de mars 1966, M. Laghnimi a déclenché irrégulièrement des mouvements de grève au cours desquels il a incité les ouvriers à utiliser la force, tant à l'encontre de leur employeur que du représentant de l'autorité publique, lequel s'était rendu sur les lieux pour tenter de trouver une solution au litige qui opposait les ouvriers en grève au propriétaire de l'exploitation agricole qui les employait.
  24. 324. Le gouvernement déclare que, devant l'attitude menaçante de M. Laghnimi, ce dernier a été traduit devant le procureur du Roi et condamné pour violences et entrave à la liberté du travail en application de l'article 288 du dahir du 26 novembre 1962 portant approbation du texte du Code pénal.
  25. 325. Il semble bien ressortir des explications fournies par le gouvernement que la mesure qui a frappé la personne mise en cause n'a pas son origine dans les activités de défense des intérêts professionnels des travailleurs qui auraient pu être déployées par elle, mais bien dans des actes de violence ou d'incitation à la violence perpétrés à l'occasion d'un mouvement revendicatif. Par ailleurs, la décision prise à l'encontre de l'intéressé paraît bien l'avoir été en application de la loi selon une procédure judiciaire régulière.
  26. 326. Dans ces conditions, estimant que les plaignants n'ont pas apporté la preuve qu'il y ait eu en la circonstance atteinte à la liberté syndicale, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 327. En ce qui concerne le cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider, pour les raisons indiquées aux paragraphes 315 et 316 ci-dessus, que les allégations relatives aux élections syndicales de l'Office national de l'électricité (Oujda) n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
    • b) de décider, pour les raisons indiquées aux paragraphes 325 et 326 ci-dessus, que les allégations relatives à l'arrestation et à la condamnation de M. Drissi Laghnimi n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi;
    • c) en ce qui concerne les allégations relatives aux élections du personnel du port de Casablanca, de prier le gouvernement de bien vouloir lui faire savoir s'il y a eu ou non un jugement d'annulation desdites élections et, dans l'affirmative, de bien vouloir indiquer quelle est la teneur de ce jugement et quelle suite lui a été donnée;
    • d) en ce qui concerne les allégations relatives au licenciement d'ouvriers et d'employés de la Société marocaine de construction automobile de Casablanca, de prier le gouvernement de bien vouloir présenter des observations complémentaires sur chacune des allégations spécifiques formulées par les plaignants au sujet de cet aspect du cas, telles qu'elles sont récapitulées au paragraphe 319 ci-dessus;
    • e) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le Comité fera de nouveau rapport lorsqu'il sera en possession des informations complémentaires sollicitées du gouvernement dans les deux alinéas précédents.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer