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Informe definitivo - Informe núm. 139, 1974

Caso núm. 660 (Mauritania) - Fecha de presentación de la queja:: 28-ENE-71 - Cerrado

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  1. 36. La présente affaire a déjà été examinée par le comité à sa 59e session, tenue au mois de novembre 1971, à l'occasion de la quelle il a présenté au Conseil d'administration un rapport intérimaire contenu dans les paragraphes 257 à 306 de son 127e rapport.
  2. 37. Certains aspects du cas ont fait l'objet de la part du comité de recommandations définitives alors que, sur d'autres, des informations complémentaires ont été sollicitées du gouvernement.
  3. 38. Sur ces points restés en suspens, le comité a recommandé au Conseil d'administration:
    • a) de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer s'il est exact ou non, d'une part, que le congrès des enseignants, de septembre 1970, a été interrompu par les forces de l'ordre et, d'autre part, que les congrès de dix-huit autres organisations ont été reportés sine die sur ordre du gouvernement;
    • b) de prier le gouvernement, d'une part, d'indiquer que les motifs exacts qui ont justifié à ses yeux l'interdiction et la dispersion du meeting du 10 janvier 1971, d'autre part, de bien vouloir communiquer le texte du décret du 23 octobre 1935 mentionné par lui dans sa réponse;
    • c) de prier le gouvernement de bien vouloir, d'une part, indiquer si tous les syndicalistes mentionnés dans les plaintes comme ayant été arrêtés sont passés en jugement et, dans l'affirmative, préciser la nature de l'instance judiciaire qui a eu à connaître de leur cas et fournir le texte du jugement rendu ainsi que celui de ses considérants, et, d'autre part, fournir le texte des tracts mentionnés par lui et qui ont été distribués à l'occasion du meeting du 10 janvier 1971;
    • d) de prier le gouvernement de bien vouloir indiquer s'il a fait procéder à une enquête au sujet des allégations de tortures de syndicalistes formulées par les plaignants.
  4. 39. Les informations ci-dessus ayant été demandées au gouvernement par une lettre du Directeur général en date du 23 novembre 1971, le gouvernement a répondu par une communication en date du 9 décembre 1971.
  5. 40. La Mauritanie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; elle n'a pas ratifié, en revanche, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 41. Lorsqu'il a examiné cette affaire à sa 60e session (février 1972), le comité a estimé que, avant de soumettre des recommandations définitives sur la question au Conseil d'administration, il serait opportun de permettre aux plaignants de présenter tout commentaire utile sur les observations du gouvernement. Ces observations ont donc été communiquées aux organisations plaignantes (à savoir, le Bureau national du syndicat national des enseignants et les divers syndicats qui se sont désignés sous le nom de "Union des travailleurs de Mauritanie") par lettres en date des 15 mars et 21 juin 1972. La lettre du 15 mars a été retournée par la poste et la lettre du 21 juin ne semble pas être parvenue aux plaignants (voir à ce sujet le paragraphe 46).
  2. 42. A sa 61e session (2-3 juin 1972), le comité, notant que les commentaires demandés aux plaignants ne lui étaient pas encore parvenus, a décidé une nouvelle fois d'ajourner l'examen de l'affaire.
  3. 43. Dans une communication en date du 25 juillet 1972, adressée directement au BIT, un groupe d'organisations professionnelles se désignant comme 1"'Union des travailleurs de Mauritanie" a fourni de nouveaux renseignements à l'appui de la plainte.
  4. 44. Dans une communication en date du 17 août 1972, adressée directement au BIT, la Confédération mondiale du travail a exprimé son accord avec les allégations contenues dans la communication du 25 juillet 1972, mentionnées au paragraphe précédent, et a demandé que sa lettre soit considérée comme une plainte contre le gouvernement de la Mauritanie pour violation des libertés syndicales.
  5. 45. Une autre organisation se désignant comme 1"'Union des travailleurs de Mauritanie" a déclaré dans une communication datée du 6 septembre 1972 et signée par son secrétaire général, M. Fall Malic, que la plainte n'émanait pas de son organisation, qu'elle n'était revêtue de la signature d'aucun des membres du bureau national élu démocratiquement par le dernier congrès de l'UTM les 1-3 février 1969, et qu'elle devait être considérée comme nulle et non avenue. Toujours d'après cette communication, en vertu de l'article 8 de ses statuts, l'UTM est indépendante de toutes les internationales syndicales mais elle est associée à la confédération syndicale africaine. En fait, d'après la communication, toute affiliation internationale est interdite. Le Secrétaire général explique que l'Union des travailleurs de Mauritanie est une organisation nationale unitaire née de la fusion de toutes les centrales syndicales opérée en mai 1961, et que son organisation n'a déposé aucune plainte contre la Mauritanie.
  6. 46. Lors de son examen de l'affaire à sa 59e session, le comité a noté qu'il y avait eu une scission au sein de l'organisation connue sous le nom d'Union des travailleurs de Mauritanie (UTM) et qu'à la suite de l'instauration, en janvier 1970, d'un régime de syndicat unique par la loi no 70030, il apparaissait qu'une seule centrale syndicale était reconnue et qu'aucun syndicat non affilié à cette confédération n'était autorisé. Le comité a également noté que la seule confédération reconnue par le gouvernement était connue sous le nom d'Union des travailleurs de Mauritanie (UTM) et que cette organisation avait des liens les plus étroits avec le parti du peuple mauritanien.
  7. 47. Le comité a rappelé (paragraphes 268-273 du 127e rapport) les observations qu'il avait déjà eu à formuler à d'autres occasions au sujet de systèmes de syndicalisme unitaire établis par voie législative, et a appelé l'attention (paragraphe 269) sur le droit, pour tout groupe de travailleurs (ou d'employeurs), de constituer une organisation en dehors de l'organisation déjà existante, s'il estime cette solution préférable pour la défense de ses intérêts d'ordre matériel ou moral.
  8. 48. Dans le cas présent, le comité a reçu des plaintes d'un groupe d'organisations professionnelles de Mauritanie qui sont directement intéressées par les questions soulevées, ainsi qu'une plainte présentée par une organisation internationale de travailleurs ayant statut consultatif auprès de l'OIT. Le comité estime que, même si le groupe d'organisations professionnelles dont il s'agit n'est pas "l'Union des travailleurs de Mauritanie" officiellement reconnue, ce fait ne supprime pas leur droit, en tant qu'organisations de travailleurs, de présenter des plaintes sur des questions les intéressant directement.
  9. 49. Le comité se propose d'abord d'étudier les renseignements à sa disposition concernant les questions en suspens mentionnées au paragraphe 38 ci-dessus.
  10. 50. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle le congrès des enseignants de septembre 1970 a été interrompu par la police et les congrès de dix-huit autres organisations remis sine die sur ordre du gouvernement, celui-ci donne les indications suivantes: "il est inexact que le congrès des enseignants de septembre 1970 ait été interrompu par les forces de l'ordre qui étaient totalement absentes, sauf la faction normale de deux agents de garde. Il est vrai que la commission de réconciliation syndicale qui supervisait les travaux de tous les syndicats - à la suite d'un désaccord profond entre les diverses fractions du syndicat des enseignants, différend lui a été porté à sa connaissance par les syndicalistes eux-mêmes - et conformément à son objectif qui était d'unir les travailleurs d'un même syndicat a été amenée à suspendre les travaux de ce congrès, ce que tout le monde a accepté sans intervention des forces de l'ordre".
  11. 51. Le gouvernement indique, en outre, qu'il est inexact que les congrès des autres organisations aient été reportés sine die sur son ordre. "En effet, précise-t-il, tous ces congrès se sont tenus dans le premier trimestre de 1971. Le retard enregistré par rapport au calendrier publié est le fait de ces mêmes organisations."
  12. 52. Le comité recommande au Conseil d'administration de prendre note des explications fournies par le gouvernement.
  13. 53. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle un meeting des secrétaires généraux de presque tous les syndicats aurait été brutalement dispersé par la police, les explications données par le gouvernement montrent que deux raisons principales justifiaient, selon son opinion, l'interdiction du meeting organisé le 10 janvier 1971 par un organisme syndical dénommé "Comité directeur". La première est que la demande d'autorisation du meeting a été formulée par ce comité directeur qui est un organisme clandestin; la seconde est que la réunion "devait se tenir sur une place publique, près du marché et du service de l'emploi toujours fréquenté par des sans-emploi prêts à toutes les aventures, et non à la bourse du travail, comme ce devrait être normal".
  14. 54. En ce qui concerne le premier motif d'interdiction invoqué par le gouvernement, le comité croit devoir rappeler, comme il l'avait fait lors de son dernier examen du cas, que, s'il a considéré que le droit d'organiser des réunions publiques forme un aspect important des droits syndicaux, il a toujours également opéré une distinction entre les manifestations ayant un objet purement syndical, qu'il considère comme rentrant dans l'exercice d'un droit syndical, et celles qui tendent à d'autres fins.
  15. 55. Dans le cas d'espèce, d'après les indications fournies par les plaignants, le comité estime que le meeting en question - bien que convoqué par une organisation non reconnue par le gouvernement - avait pour objet d'informer les travailleurs de la situation syndicale et qu'il rentrait de ce fait dans le cadre d'une action syndicale normale.
  16. 56. En ce qui concerne le second motif d'interdiction invoqué par le gouvernement, qui a trait au maintien de l'ordre public, le comité estime qu'il pourrait en principe avoir été valable. Le comité a en effet considéré à plusieurs reprises dans le passé que l'interdiction des manifestations ou des cortèges sur la voie publique dans les quartiers les plus animés de la ville, lorsqu'ils font craindre des désordres, ne constitue pas une infraction d l'exercice des droits syndicaux.
  17. 57. Le gouvernement indique en terminant que le meeting a été dispersé parce qu'il n'avait pas été autorisé conformément aux dispositions du décret du 23 octobre 1935, dont l'article premier prévoit que "les réunions sur la voie publique sont interdites".
  18. 58. Le comité note, si l'on en juge par la décision rendue par le Tribunal de première instance de Nouakchott (voir paragraphe 65 ci-dessous), qu'il n'est pas certain que les autorités, en interdisant la réunion en question, aient respecté les formalités imposées par la loi.
  19. 59. Par ailleurs, il parait douteux que le comité directeur, en tant qu'organisation non reconnue, ait pu se voir accorder l'autorisation de se réunir à la bourse du travail s'il l'avait sollicitée, comme le gouvernement semble le laisser entendre (voir paragraphe 53 ci-dessus).
  20. 60. En tout état de cause, le comité considère que si, pour éviter des désordres, les autorités décident d'interdire une réunion prévue dans un lieu donné de la voie publique, ces mêmes autorités devraient s'efforcer de s'entendre avec les organisateurs de la manifestation afin de permettre sa tenue en un autre lieu où des désordres ne seraient pas à craindre, et il recommande au Conseil d'administration d'attirer sur cette opinion l'attention du gouvernement.
  21. 61. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles des syndicalistes auraient été arrêtés (paragraphe 38 c) ci-dessus), le gouvernement déclare que tous les syndicalistes arrêtés sont passés en jugement devant le Tribunal de première instance de Nouakchott et joint le texte du jugement rendu à sa réponse. Le gouvernement ajoute qu"'il n'est pas possible de fournir le texte des tracts qui se trouvent au greffe du tribunal".
  22. 62. A défaut de tracts, qui auraient pu lui fournir d'utiles éléments d'information, le comité s'est reporté au texte du jugement communiqué par le gouvernement.
  23. 63. De ce jugement, il ressort tout d'abord que les intéressés ont comparu sous le triple chef d'inculpation: détention de tracts de nature à nuire à l'intérêt national en vue de leur distribution; participation à une manifestation interdite; administration d'une association non autorisée.
  24. 64. Au sujet du premier chef d'inculpation, le tribunal a estimé qu'il ne résultait pas du dossier et des débats de charges suffisantes contre les prévenus "d'avoir rédigé, détenu ou distribué des tracts, bulletins ou papillons de nature à nuire à l'intérêt national" et qu'il y avait donc lieu de tous les acquitter sur ce chef d'accusation.
  25. 65. Sur le deuxième chef d'inculpation, le tribunal s'exprime en ces termes dans son jugement: "attendu, en ce qui concerne la participation à l'organisation d'une manifestation interdite, qu'il ne résulte pas du dossier et des débats la preuve que les dispositions formelles du décret du 23 octobre 1935 ont été respectées par les autorités administratives compétentes pour formuler cette interdiction, qu'en conséquence le délit n'est pas établi et qu'il y a lieu de relaxer également tous les prévenus de ce chef d'inculpation".
  26. 66. En ce qui concerne le troisième chef d'accusation, à savoir l'administration d'une association fonctionnant sans autorisation (il s'agit du comité directeur mentionné au paragraphe 53 ci-dessus), sept des prévenus ont été reconnus coupables "d'avoir administré ou participé à l'administration d'une association, organisation ou groupe fonctionnant sans autorisation", les autres prévenus ayant été acquittés sur ce chef d'accusation. Les sept personnes reconnues coupables ont été condamnées à deux mois d'emprisonnement avec sursis.
  27. 67. Il apparaît ainsi que tous les prévenus ont été reconnus non coupables en ce qui concerne les deux premiers chefs d'accusation. Pour ce qui est du troisième chef d'accusation, sept des intéressés ont été reconnus coupables. Cette décision est la conséquence du régime du syndicat unique instauré par la loi du 23 janvier 1970, et de la loi no 64098 du 9 juin 1964 qui subordonne la création de toute association à l'autorisation préalable du ministre de l'Intérieur. Le comité et le Conseil d'administration ayant déjà formulé leurs conclusions définitives au sujet du régime du syndicat unique en vigueur en Mauritanie, le comité ne peut que recommander au Conseil d'administration de les confirmer.
  28. 68. En ce qui concerne les allégations de torture de syndicalistes (paragraphe 38 d) ci-dessus), le gouvernement réaffirme que les personnes mentionnées dans les plaintes n'ont fait l'objet d'aucun mauvais traitement. Il ajoute que ni le juge d'instruction ni le président du Tribunal n'ont pu être convaincus par quelque fait que ce soit de l'existence de la torture et précise que les avocats n'ont d'ailleurs jamais déposé de conclusions écrites à ce sujet.
  29. 69. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration de prendre note des affirmations du gouvernement.
  30. 70. Au sujet, enfin, d'une allégation à propos de laquelle le comité et le Conseil avaient estimé qu'elle n'appelait pas un examen plus approfondi et qui avait trait à des mesures prises à l'encontre de fonctionnaires à la suite d'une grève, le gouvernement, dans ses observations, porte à la connaissance du comité que "dans un souci d'apaisement et dans l'intérêt national bien compris, le bureau politique national du parti a décidé, en sa réunion d'août 1970, de réintégrer les 240 fonctionnaires et agents de l'Etat révoqués ou licenciés à la suite des événements de janvier 1971 dans la fonction publique mauritanienne". Le gouvernement précise que ces fonctionnaires et agents de l'Etat ont repris leur service depuis le 15 septembre 1971. Le comité recommande au Conseil d'administration de prendre note de ces informations.
  31. 71. Dans leur communication en date du 25 juillet 1972, les plaignants déclarent que, depuis février 1969, aucune solution n'a été trouvée à la crise syndicale en raison de l'ingérence directe du gouvernement dans les affaires syndicales. Toujours d'après les plaignants, le gouvernement a essayé par tous les moyens de contrecarrer le désir des travailleurs d'unir leurs intérêts. Les plaignants font allusion à la création de commissions de conciliation syndicale qui a abouti au renouvellement des structures syndicales. Les plaignants ajoutent que les travailleurs ont dû se syndiquer sous la surveillance stricte de la police et des représentants gouvernementaux.
  32. 72. Les plaignants indiquent, en outre, que, au cours des dix-huit derniers mois, tous les syndicalistes ont été soit assignés à résidence, soit mutés d'une localité à une autre, soit chassés de leur emploi. Les travailleurs qui engagent des actions de grève sont licenciés et contraints d'écrire des lettres individuelles demandant "la clémence".
  33. 73. A sa 62e session (6 novembre 1972), le comité a décidé d'ajourner l'examen du cas, pour lequel il a chargé le Directeur général d'obtenir certaines informations de l'un des plaignants, la Confédération mondiale du travail (CMT).
  34. 74. Dans une communication du 21 décembre 1972, la CMT fournit les informations suivantes. Au moment même où tous les syndicats posaient comme exigence la tenue du Congrès des travailleurs de Mauritanie (UTM), le Bureau politique du parti unitaire gouvernemental a décidé unilatéralement d'intégrer le mouvement syndical, remettant en cause l'orientation démocratique adoptée par la base de tous les syndicats de maintenir leur indépendance à l'égard du patronat, du parti et du gouvernement. Ces décisions ont été accompagnées de dispositions policières de toutes sortes. Depuis 1969, le gouvernement de Mauritanie poursuivrait "une politique de liquidation systématique des organisations syndicales".
  35. 75. Au mois de juillet 1972, le Bureau politique du parti unique (organe suprême de décision de l'Etat), ajoute la CMT, a annoncé que les syndicats devront être intégrés au parti dans un délai de six mois. Préalablement, des centaines de travailleurs ont été licenciés, des militants et des dirigeants syndicaux incarcérés ou assignés à résidence "dans des coins perdus de la brousse". Le 1er novembre 1972, poursuit la CMT, la "phase active" de l'intégration des syndicats au parti unique a commencé; la lettre adressée au Directeur général du BIT, le 6 septembre 1972 (voir paragraphe 45 ci-dessus), provient de cette "UTM intégrée".
  36. 76. Le parti du peuple mauritanien, continue la CMT, déclare qu'avec les syndicats professionnels "la preuve est faite qu'aucun travail sérieux ne peut être entamé avec quelque chance de succès"; et elle ajoute qu'entre le syndicalisme revendicatif qu'entendent mener les travailleurs et le syndicalisme tel que le conçoit l'Etat, qui a "pour tâche essentielle l'éducation politique et professionnelle du travailleur" au sein du parti unique, le fossé est profond.
  37. 77. Dans sa communication du 28 avril 1973, le gouvernement répond aux allégations contenues dans la communication du 25 juillet 1972 des secrétaires généraux des syndicats professionnels et dans celle du 17 août 1972 de la CMT. Il déclare qu'il est pénible pour un gouvernement responsable d'être obligé, par courtoisie, de répondre à un tract, même soutenu par la Confédération mondiale du travail. Car, en fait, la soi-disant plainte du syndicat des enseignants ne constitue qu'un tract, car elle n'est signée d'aucune autorité syndicale responsable et identifiable. Par ailleurs, le gouvernement affirme que ces allégations sont fondées sur des citations tronquées d'une déclaration du Bureau politique national du 21 juin 1972 où celui-ci définit les rapports qu'il peut avoir avec les syndicats.
  38. 78. Il n'y a rien dans cette déclaration, ajoute le gouvernement, qui viole la liberté syndicale; celle-ci est au contraire réaffirmée et complétée par l'obligation faite aux entreprises de créer des comités d'entreprise pour la gestion des oeuvres sociales au bénéfice des travailleurs et la participation désormais obligatoire des travailleurs aux conseils d'administration de toutes les sociétés d'Etat. En outre, poursuit le gouvernement, les travailleurs délégueront l'un des leurs au sein du Bureau politique national du parti unique et constitutionnel, instance de décision, et seront présents au congrès de ce parti, instance d'orientation politique et économique du pays. Le gouvernement termine en déclarant que l'immense majorité des travailleurs, près de 80 pour cent, ont accepté ces mesures qu'ils ont approuvées dans leurs congrès.
  39. 79. Une des pièces soumises au comité par les plaignants est le texte d'un communiqué no 004/BPN du Bureau politique national du partie du peuple mauritanien, réuni en session les 20 et 21 juillet 1972. Ce communiqué déclare notamment qu'en considérant que parmi les 20.000 salariés du pays, bon nombre sont militants du parti et que tous les autres citoyens des secteurs agricole et rural le sont également, "on est amené objectivement, en dehors même de toute considération légale, à établir une hiérarchie de fait entre le parti, expression de la volonté populaire, et le syndicat, organe de défense d'intérêts particuliers, même si ces intérêts peuvent être considérés, par les ouvriers du privé, comme légitimes et fondés". "La subordination du syndicat au parti est donc légale, légitime et objective."
  40. 80. L'intégration des syndicats au parti, poursuit cette déclaration, se justifie politiquement, se justifie moralement et constitue une nécessité. Cette intégration s'entend au sens large: l'inscription de l'action concrète des syndicats dans la "mouvance" d'un ensemble politique, stratégiquement dominant. Que les syndicats puissent influencer ou participer à la prise de décision de cet ensemble qu'est le parti ne peut constituer, pour eux, qu'un avantage et même une faveur. Une faveur pour les syndicats des fonctionnaires et agents de l'Etat (dont le sort est entièrement du ressort du gouvernement et du parti), puisque leur représentation au sein du Bureau politique (instance suprême du pouvoir politique) contribuera à leur information et à la compréhension par eux des intérêts économiques nationaux et de leurs véritables intérêts, solidaires des intérêts nationaux. Un avantage pour les travailleurs qui, mieux éduqués, mieux informés, recevront le soutien puissant du parti et de l'Etat dans leur "action revendicative fondamentale". Les conflits sociaux, ajoute ce communiqué, seront moins fréquents, mais plus fondamentaux, mieux compris par les instances responsables du parti et du gouvernement. La réforme du syndicalisme devra donc être totale; le renouvellement de tous les syndicats se fera dans un délai indicatif de six mois, sous l'égide d'une commission désignée par le comité permanent du Bureau politique national; l'adhésion se fera par l'achat d'une carte syndicale délivrée par le parti; sur cette base, l'adhésion est libre, le cadre juridique en vigueur subsiste et toutes les actions des travailleurs qui s'inscriront rencontreront, après analyse et concertation, le soutien du parti.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 81. Lors de son examen du cas à sa 59e session, le comité a fait valoir, ainsi qu'il l'avait déjà fait dans le passé, que, dans l'intérêt du développement normal du mouvement syndical, il serait désirable que les parties intéressées s'inspirent des principes énoncés dans la résolution sur l'indépendance du mouvement syndical, adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 35e session (1952)1, qui prévoit notamment que l'objectif fondamental et permanent du mouvement syndical est le progrès économique et social des travailleurs, et que, lorsque les syndicats décident, en se conformant aux lois et usages en vigueur dans leurs pays respectifs et à la volonté de leurs membres, d'établir des relations avec les partis politiques ou d'entreprendre une action politique conformément à la Constitution pour favoriser la réalisation de leurs objectifs économiques et sociaux, ces relations ou cette action politique ne doivent pas être de nature à compromettre la continuité du mouvement syndical ou de ses fonctions sociales et économiques, quels que soient les changements politiques qui peuvent survenir dans le payse.
  2. 82. Le comité a, par ailleurs, confirmé le principe énoncé dans cette même résolution, aux termes duquel les gouvernements ne devraient pas chercher à transformer le mouvement syndical en un instrument politique qu'ils utiliseraient pour atteindre leurs objectifs et ne devraient pas, non plus, essayer de s'immiscer dans les fonctions normales d'un syndicat en prenant prétexte de ses rapports librement établis avec un parti politique.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 83. Dans ces conditions, étant donné ce qui est dit aux paragraphes 79 et 80 ci-dessus, le comité recommande au Conseil d'administration d'attirer, de nouveau, l'attention du gouvernement sur les considérations contenues aux paragraphes 81 et 82 ci-dessus et de rappeler l'importance qu'il a toujours attachée aux principes selon lesquels:
    • a) les travailleurs et les employeurs ont le droit de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s'affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières, et
    • b) les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action.
  2. 84. Dans ces conditions et en ce qui concerne le cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de prendre note des explications fournies par le gouvernement au sujet des allégations selon lesquelles, d'une part, le congrès des enseignants de septembre 1970 aurait été interrompu par les forces de l'ordre, d'autre part, les congrès de dix-huit autres organisations auraient été reportés sine die sur ordre du gouvernement;
    • b) en ce qui concerne les allégations relatives à l'interdiction et à la dispersion du meeting du 10 janvier 1971, d'attirer l'attention du gouvernement sur l'opinion selon laquelle, si, pour éviter des désordres, les autorités décident d'interdire une réunion de caractère syndical prévue dans un lieu donné de la voie publique, il serait souhaitable que ces mêmes autorités s'efforcent de s'entendre avec les organisateurs de la manifestation afin de permettre cette réunion en un autre lieu où des désordres ne seraient pas à craindre;
    • c) en ce qui concerne les allégations relatives à l'arrestation de syndicalistes, de confirmer les conclusions auxquelles il avait abouti au sujet du régime du syndicat unique instauré en Mauritanie, telles qu'elles figurent aux paragraphes 268 à 273: du 127e rapport du comité;
    • d) de prendre note des affirmations du gouvernement concernant les allégations de mauvais traitements formulées par les plaignants;
    • e) de prendre note des informations complémentaires fournies par le gouvernement concernant la situation des fonctionnaires et agents de l'Etat qui avaient fait l'objet de mesures à la suite des événements de janvier 1971, aspect de l'affaire sur lequel le comité et le Conseil d'administration avaient déjà formulé leurs conclusions définitives, et
    • f) en ce qui concerne les allégations sur l'intégration des syndicats au parti politique au pouvoir, d'attirer l'attention du gouvernement sur les considérations exposées aux paragraphes 81 à 83 ci-dessus, et notamment sur le principe énoncé dans la résolution sur l'indépendance du mouvement syndical adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 35e session (1952), aux termes duquel les gouvernements ne devraient pas chercher à transformer le mouvement syndical en un instrument politique qu'ils utiliseraient pour atteindre leurs objectifs, et ne devraient pas, non plus, essayer de s'immiscer dans les fonctions normales d'un syndicat, en prenant prétexte de ses rapports librement établis avec un parti politique.
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