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Informe provisional - Informe núm. 151, Noviembre 1975

Caso núm. 804 (Pakistán) - Fecha de presentación de la queja:: 21-OCT-74 - Cerrado

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  1. 159. La plainte de la Fédération internationale des ouvriers du transport (FIOT) figure dans une lettre du 21 octobre 1974. Cette plainte a été transmise au gouvernement qui a fait parvenir ses observations dans une communication du 24 janvier 1975.
  2. 160. Le Pakistan a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 161. La plainte de la FIOT repose principalement sur des informations qui lui ont été communiquées par la Fédération nationale des syndicats du Pakistan (PNFTU). Selon cette dernière, l'Organisation des travailleurs du cartel du port de Karachi avait engagé des négociations avec l'employeur en juillet 1974 et déposé peu après, conformément à l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles, un préavis de grève de quatorze jours qui fut prolongé à plusieurs reprises. Le 28 août 1974, poursuit la PNFTU, le conciliateur déclara l'échec de sa mission et trois jours plus tard le gouvernement notifia l'interdiction de la grève et le renvoi du différend devant la Commission nationale des relations professionnelles, bien que le syndicat intéressé ait informé l'employeur et les autorités qu'il ne faisait pas confiance à cette commission, n'entendait pas se soumettre à sa juridiction et préférait des négociations entre parties.
  2. 162. Le syndicat ne se rendit pas, ajoute la PNFTU, aux deux réunions de la commission. Le secrétaire au Travail chercha alors à aboutir à un règlement du conflit et y parvint sur la seule question laissée en suspens, le pourcentage d'augmentation des salaires. Toutefois, lors de la rédaction de l'accord, la direction revint sur le taux convenu d'allocations de logement et refusa de céder. Après avoir encore espéré, mais en vain, un signe de rapprochement, continue la PNFTU, le syndicat se décida à déclencher la grève.
  3. 163. La PNFTU, à laquelle le syndicat en question est affilié, déclare que la police investit alors ses propres locaux et arrêta les personnes présentes, membres ou non du syndicat intéressé. Les forces de l'ordre occupèrent également la zone portuaire. La grève débuta et la police aurait procédé à l'arrestation de nombreux membres du syndicat, même chez eux. On rapporte, poursuit la PNFTU, que plus de 1.500 travailleurs ont été arrêtés, que des personnes ont fait l'objet de brimades et que des femmes ont été torturées. L'eau aurait été coupée et l'on aurait arrêté certains transports, par bateau, de personnes et de produits de première nécessité. Le gouvernement aurait prétendu que la grève avait été fomentée par le Parti national Awami et l'Afghanistan. Selon la PNFTU, tout cela n'était qu'un prétexte pour annuler l'enregistrement du syndicat en question.
  4. 164. La FIOT proteste contre la détention sans jugement de dirigeants syndicaux. Elle précise que le syndicat concerné est depuis longtemps reconnu officiellement comme agent négociateur. Elle indique que la PNFTU a introduit un recours auprès de la Haute Cour pour que celle-ci déclare que la grève n'était pas illégale, que l'annulation de l'enregistrement du syndicat était sans fondement et que l'arrestation des dirigeants syndicaux ainsi que des grévistes était injustifiée. Le 16 octobre, ajoute la FIOT, la Haute Cour ordonna la libération des détenus, mais sept d'entre eux furent arrêtés de nouveau, immédiatement après. La FIOT croit savoir que vingt-cinq dirigeants syndicaux et trois cents grévistes sont encore incarcérés, mais que cinq cents travailleurs environ sont toujours en grève. La grande majorité des travailleurs aurait toutefois été contrainte de reprendre le travail.
  5. 165. Dans sa réponse, le gouvernement indique que la procédure à suivre en cas de conflit du travail est prévue par les articles 26 à 33 de l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles si un syndicat est d'avis qu'un différend du travail est survenu ou est sur le point de survenir, il peut communiquer ses observations par écrit à l'employeur, qui est alors obligé d'essayer de régler le différend dans les dix jours suivants par voie de négociation bilatérale. Lorsque la procédure de négociation a échoué dans le délai prévu, le syndicat peut, dans les sept jours suivants, adresser à l'employeur un préavis de grève de quatorze jours et doit, simultanément, en adresser une copie au conciliateur pour qu'il entame des procédures de conciliation. Lorsque la procédure de conciliation n'a pas permis d'aboutir à un règlement pendant le délai de préavis de grève, cette procédure ne peut pas être poursuivie sans le consentement des parties. Le gouvernement n'a pas le droit de prolonger ou d'écourter les procédures de conciliation. En cas d'échec de la procédure de conciliation et de refus des parties de porter le différend devant un arbitre privé, les travailleurs peuvent se mettre en grève à l'expiration de la période de quatorze jours de préavis ou à la date à laquelle le conciliateur aura déclaré l'échec de la procédure de conciliation, si cette date est ultérieure à l'échéance de la période de préavis. Si une grève se prolonge pendant plus de trente jours, le gouvernement peut en interdire la poursuite et soumettre le différend au Tribunal du travail ou à la Commission nationale des relations professionnelles, selon le cas, pour trancher le différend dans les trente jours. Dans les services d'utilité publique, tels que le service dont il est question dans le présent cas puisqu'il s'agit de l'unique port du Pakistan, ajoute le gouvernement, il peut interdire une grève à tout moment avant ou après son déclenchement et soumettre le différend aux organes mentionnés ci-dessus, pour décision dans les trente jours. Si, de l'avis du gouvernement fédéral, un conflit revêt une importance nationale, il ne peut être porté que devant la Commission nationale des relations professionnelles.
  6. 166. Les négociations bilatérales et la procédure de conciliation ont duré en l'espèce, poursuit le gouvernement, environ deux mois et ont abouti au règlement de toutes les questions, à l'exception de celle des salaires. Après leur échec, il n'y avait eu, selon lui, d'autre issue que d'interdire la grève dans ce centre nerveux pour l'économie du pays et de renvoyer le conflit à la Commission nationale des relations professionnelles, pour décision: toute tergiversation de sa part aurait eu pour effet de paralyser l'économie nationale.
  7. 167. Le gouvernement rappelle alors que le syndicat intéressé refusa de se soumettre à la juridiction de la commission et ne se présenta pas à ses deux réunions. Bien que celle-ci eût pu trancher le différend par défaut, le secrétaire provincial au travail chercha un règlement amiable et y parvint. Toutefois, poursuit le gouvernement, l'accord se heurta, lors de la rédaction, à la question de l'allocation de logement qui aurait été ramenée, selon les plaignants, à un taux inférieur à celui prévu initialement.
  8. 168. Le gouvernement ajoute que la Commission nationale des relations professionnelles est présidée par un juge de la Haute Cour à la retraite et que ses membres à temps partiel comprennent les secrétaires au Travail de chacune des provinces, un secrétaire adjoint du Département fédéral du travail et des organismes locaux et un du Département de l'industrie, un représentant des travailleurs et un représentant des employeurs. La commission comprend également deux membres à plein temps qui répondent aux exigences requises d'un juge de la Haute Cour. Les décisions prises par la commission siégeant en présence d'un ou deux de ses membres peuvent faire l'objet d'un recours devant la commission en chambre plénière, c'est-à-dire siégeant en présence de trois de ses membres ou plus; les parties peuvent faire appel contre la décision définitive de la commission devant la Haute Cour ou devant la Cour suprême qui rendront une ordonnance judiciaire en la matière. Les plaignants n'ont fourni, poursuit le gouvernement, aucun document pour étayer l'allégation selon laquelle la commission serait mal, disposée à l'égard des travailleurs. Le syndicat aurait été bien avisé d'utiliser les remèdes prévus par la loi et non des méthodes illégales.
  9. 169. Au dire du gouvernement, les mesures adoptées par les autorités locales chargées du maintien de l'ordre public ont été interprétées à tort comme visant à contraindre les travailleurs à renoncer à la grève. Ces mesures ont été prises par précaution, pour éviter les sabotages. Les personnes arrêtées furent traitées conformément à la loi et furent toutes remises en liberté, les unes après les autres. Selon la Constitution et la législation du Pakistan, poursuit le gouvernement, nul ne peut être détenu pendant plus de vingt-quatre heures sans être déféré devant un magistrat qui décide, en se fondant sur le dossier, si l'inculpé doit ou non être maintenu en détention en attendant d'être jugé. Le fonctionnaire chargé de l'enregistrement des syndicats a annulé l'enregistrement du syndicat considéré, avec l'approbation préalable du tribunal du travail compétent, étant donné que le syndicat avait violé la loi. Le syndicat a fait appel auprès de la Haute Cour contre cette annulation et contre le renvoi du conflit à la commission.
  10. 170. Il ressort des informations disponibles qu'après l'échec des négociations et de la tentative de conciliation, le syndicat concerné refusa de se soumettre à la juridiction de la Commission nationale des relations professionnelles et, malgré l'interdiction des autorités, déclencha une grève dans le port de Karachi. Les forces de l'ordre intervinrent, arrêtèrent notamment de nombreux dirigeants syndicaux et grévistes, et l'enregistrement du syndicat fut annulé.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 171. Le comité a toujours signalé que l'intervention des forces de l'ordre qui, en l'espèce et selon le plaignant, se seraient livrées à certains excès devrait se limiter au maintien de l'ordre public. Il estime également que l'arrestation d'un si grand nombre de grévistes et dirigeants syndicaux comporte de graves risques d'abus ainsi que de sérieux dangers pour la liberté syndicale et que les autorités compétentes devraient recevoir des instructions appropriées afin de prévenir ces risques et ces dangers. Le comité note cependant que la législation pakistanaise interdit de détenir une personne pendant plus de vingt-quatre heures sans la déférer devant un magistrat et que tous les détenus ont été remis en liberté.
  2. 172. Par ailleurs, les articles 10 et 11 de l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles (telle qu'amendée jusqu'en 1974) fixent la procédure à suivre pour annuler l'enregistrement d'un syndicat: l'annulation interviendra, si le tribunal en décide ainsi, à la suite d'une plainte écrite du préposé à l'enregistrement, lorsque le syndicat contrevient notamment aux dispositions de l'ordonnance et de ses règlements d'application. D'après les informations du gouvernement, cette procédure a été utilisée en l'occurrence. Toutefois, un recours a été introduit contre le retrait de l'enregistrement auprès de la Haute Cour. Dans ces conditions, et étant donné que le syndicat en question était, selon le plaignant, reconnu depuis longtemps comme agent négociateur pour les travailleurs du port de Karachi, le comité estime nécessaire d'obtenir des informations sur le résultat de l'action engagée.
  3. 173. En ce qui concerne l'interdiction de la grève, le gouvernement indique que Karachi est le seul port du pays et un centre nerveux pour l'économie nationale qui aurait été paralysé par la grève. En outre, les parties en conflit étaient parvenues à un accord sur tous les points, à l'exception d'un seul, l'allocation de logement, et c'est en raison de cette dernière divergence que le syndicat intéressé déclencha une grève illimitée.
  4. 174. Le comité a signalé à maintes reprises que le droit de grève est généralement reconnu aux travailleurs et à leurs organisations en tant que moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels, mais il a admis que ce droit pourrait faire l'objet de restrictions, voire d'interdictions, dans la fonction publique ou les services essentiels, parce que la grève pourrait y provoquer de graves préjudices à la collectivité nationale. Il a aussi considéré qu'il ne semble pas que des grèves importantes puissent se produire dans des entreprises qui constituent un secteur clé pour la vie du pays sans qu'il en résulte de semblables préjudices.
  5. 175. Selon la législation pakistanaise, si un conflit revêt une importance nationale, une grève peut être interdite, et le différend porté devant la Commission nationale des relations professionnelles pour décision (articles 22A et 33 de l'ordonnance précitée). Celle-ci est composée d'une chambre plénière comptant trois membres au moins et d'autres chambres de un ou plusieurs membres (article 22B 2)). Comme la commission comprend notamment, ainsi que l'indique le gouvernement, les secrétaires provinciaux au Travail et deux secrétaires adjoints, des membres du pouvoir exécutif pourraient donc, bien que la commission comprenne d'autres membres et, entre autres, un représentant des travailleurs, être amenés à trancher seuls le différend. Le syndicat intéressé a, d'autre part, manifesté expressément son manque de confiance à l'égard de celle-ci.
  6. 176. Le comité rappelle qu'il a très fréquemment souligné que les restrictions ou les interdictions du droit de grève devraient s'accompagner de garanties adéquates afin de protéger pleinement les travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels. Il a mentionné spécialement parmi ces garanties des procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées aux diverses étapes desquelles les parties concernées devraient pouvoir participer. Il a en outre estimé essentiel que tous les membres des organismes investis de ces fonctions non seulement soient impartiaux, mais soient encore considérés comme tels par les intéressés, s'ils voulaient gagner et garder la confiance de ceux-ci, confiance dont dépend réellement le succès de ces procédures.
  7. 177. En l'occurrence, les garanties destinées à compenser la perte du droit de grève n'ont pas paru suffisantes au syndicat intéressé. Le comité estime que cette situation peut créer un climat de tension et, de toute façon, est peu propice au règlement pacifique des conflits du travail.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 178. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de noter que tous les détenus ont été libérés;
    • b) de rappeler que l'intervention des forces armées et de la police doit se limiter au maintien de l'ordre public;
    • c) de prier le gouvernement de communiquer, avec ses attendus, le texte du jugement qui sera prononcé par la Haute Cour au sujet de l'annulation de l'enregistrement du syndicat concerné;
    • d) d'attirer l'attention du gouvernement sur les considérations et principes exprimés aux paragraphes 176 et 177 ci-dessus;
    • e) de prendre note de ce rapport intérimaire, étant entendu que le comité soumettra un nouveau rapport au Conseil d'administration quand il aura obtenu les informations demandées à l'alinéa c) ci-dessus.
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