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Informe en el que el Comité pide que se le mantenga informado de la evolución de la situación - Informe núm. 177, Junio 1978

Caso núm. 890 (Guyana) - Fecha de presentación de la queja:: 15-SEP-77 - Cerrado

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  1. 139. La plainte du Syndicat guyanais des travailleurs agricoles et autres (GAWU) figure dans un télégramme du 15 septembre 1977. Le plaignant a fourni des informations complémentaires par des communications des 7 septembre, 11, 19 et 31 octobre 1977. Ces communications ont été transmises au gouvernement au fur et à mesure de leur réception. Ce dernier a envoyé des observations dans une lettre du 17 octobre 1977.
  2. 140. La Guyane a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 141. Le plaignant déclare qu'il a dû déclencher une grève dans l'industrie sucrière à partir du 24 août 1977 afin d'obtenir le paiement à quelque 20.000 travailleurs de la participation aux bénéfices pour les années 1974, 1975 et 1976. Cette participation a été accordée en 1968 par une commission d'enquête présidée par un conseiller à la Haute Cour, et une recommandation faite par une autre instance a, en 1975, modifié la base du calcul de cet avantage. Le plaignant précise que la majorité des travailleurs du sucre sont payés pour un travail déterminé et n'ont pas, en général, obtenu un emploi à temps plein. Cette branche d'activité a été nationalisée en mai 1976.
  2. 142. Le prix du sucre ayant fortement augmenté en 1974, ajoute le GAWU, le gouvernement a, par une loi, imposé une taxe sur le prix d'exportation du sucre selon une formule qui ne tient pas compte de la hausse des coûts de production. En 1974, les travailleurs reçurent 7,9 millions de dollars guyanais à titre de participation aux bénéfices; ils ne touchèrent rien en 1975 et 1976, car l'entreprise déclara qu'il n'y avait pas de bénéfice. Le tribunal d'arbitrage reconnut, en 1975, qu'il existait là un problème et suggéra une modification de la taxe qui, selon le plaignant, a pour effet de spolier les travailleurs; cet impôt reste basé sur des chiffres constants en dollars guyanais malgré une hausse des coûts de production.
  3. 143. Il existe quatre syndicats dans l'industrie du sucre, précise le GAWU, parmi lesquels lui-même qui a été reconnu en décembre 1975 à la suite d'un scrutin. Ces quatre organisations ont soumis un mémoire réclamant que 50 pour cent des revenus de la nouvelle taxe soient consacrés à l'ajustement des salaires des travailleurs du sucre; cette demande a été ignorée. Lorsqu'il fut admis au sein du Congrès des syndicats de Guyane (TUC) lors de la Conférence de 1976, le GAWU proposa une résolution sur la suppression de l'impôt en question. Cette résolution fut amendée et demande l'aménagement de la taxe afin de permettre aux travailleurs de recevoir leur participation aux bénéfices sur une base calculée avant le prélèvement de l'impôt. En mars déjà, le plaignant avait l'intention de déclencher une grève, mais il se laissa persuader d'attendre afin de discuter, par l'intermédiaire du TUC, avec la direction et le gouvernement. Ces discussions n'aboutirent pas. Finalement, le GAWU donna un préavis de grève de 72 heures conformément à l'accord en vigueur; celle-ci débuta le 24 août 1977 et fut immédiatement qualifiée de politique par l'entreprise. Le 26 août, le TUC fut invité à rencontrer le gouvernement qui proposa une participation aux bénéfices à partir du 1er janvier 1977, en abandonnant la question pour les années 1974 à 1976.
  4. 144. Le GAWU explique également - dans la documentation jointe à ses communications - qu'il a été accusé de ne pas avoir soumis de mémoire à l'instance chargée d'examiner l'exactitude des paiements faits en 1974. Il a considéré et considère encore, déclare-t-il, qu'une enquête limitée, menée par un comité composé d'une seule personne, ne pouvait contrôler l'exactitude des écritures de la compagnie. Il a donc insisté pour que soit établie à la place une commission en vertu de l'ordonnance sur la commission d'enquête. Le ministre du Travail maintint sa préférence pour le comité institué et indiqua qu'il possédait des documents prouvant qu'un autre versement devait être fait aux travailleurs pour 1974 conformément au système de participation aux bénéfices. Toutefois, le ministre ne produisit pas ces chiffres quand on les lui demanda.
  5. 145. Le 25 août, poursuit le plaignant, le Parlement fut réuni à la hâte pour voter la seconde partie de la loi sur la sécurité nationale qui permet aux forces de sécurité de détenir des personnes de manière préventive et d'imposer le couvre-feu. Ces dispositions, adoptées le 1er septembre 1977, prévoient également des restrictions à la liberté de mouvement; le couvre-feu peut être imposé dans des zones spécifiées et l'armée peut utiliser toute la force nécessaire dans ces zones. A la même session, la loi sur les juridictions inférieures fut modifiée: dorénavant les personnes condamnées par ces juridictions et qui fort appel ne sont plus relâchées automatiquement pendant la durée du recours; leur mise en liberté sous caution peut être refusée par le magistrat. L'administration a ainsi les moyens de maintenir en prison des militants sans égard pour les mérites de leur appel. Ces mesures furent votées en une seule séance, contrairement au règlement intérieur, et sans laisser de temps pour une discussion publique.
  6. 146. Le plaignant signale que 18.000 travailleurs de l'industrie sucrière participent à la grève contre la Guyana Sugar Corporation (Guysuco) et fait état de mesures vexatoires ou d'intimidation à l'égard de ces travailleurs. Il cite les noms de 51 personnes qui auraient été arrêtées sous l'accusation de menaces, incendie volontaire, conduite désordonnée, jet de projectiles et assemblée illégale. En outre, la police a maintenu en détention pendant plus de 24 heures 53 travailleurs sans qu'aucune charge n'ait été retenue contre eux. Après leur libération, on leur demanda de se présenter dans différents postes de police, pendant plusieurs jours, parce que l'enquête était toujours en cours. Deux personnes au moins furent détenues à trois reprises avant d'être inculpées. Les cautions demandées pour la mise en liberté sont excessives et conditionnelles, poursuit le GAWU, alors que les procès sont régulièrement ajournés. Pour des accusations semblables, des personnes autres que les grévistes sont libérées moyennant une faible caution, jugées rapidement et condamnées à une amende nominale. Quand certains travailleurs ont comparu devant le magistrat, on leur a dit que les charges retenues contre eux seraient abandonnées s'ils acceptaient de retourner au travail.
  7. 147. Le GAWU allègue aussi que des demandes introduites pour la tenue de réunions publiques ont été rejetées dans "l'intérêt public", alors qu'il n'y a eu dans aucune réunion organisée par le syndicat d'incidents qui aient obligé la police à l'interrompre ou encore de personnes molestées ou inculpées.
  8. 148. Le gouvernement a également lancé, selon le plaignant, une campagne pour briser la grève. Il a fait appel à la police, à l'armée, aux forces paramilitaires ainsi qu'aux fonctionnaires, aux employés des entreprises d'Etat et à un grand nombre de jeunes gens sans emploi (dont certains auraient moins de 14 ans) pour couper et transporter les cannes à sucre. Plus de 6.000 "jaunes" auraient été recrutés et titularisés; normalement, les travailleurs sont, dans l'industrie du sucre, engagés sur une base précaire et doivent attendre trois récoltes consécutives avant d'être titularisés (plus de 3.000 travailleurs sont encore employés sur cette base). La direction refuse d'écarter ces "jaunes" afin de faciliter une reprise normale du travail et le gouvernement lui aurait, dit-on, demandé de titulariser tous les travailleurs au travail en ce moment.
  9. 149. Le gouvernement, poursuit le plaignant, contrôle complètement les importations d'huile et la fourniture de riz ainsi que des aliments de base pour la classe laborieuse. Par des manipulations administratives, il aurait détourné la distribution de ces denrées des zones sucrières. Les secours de grève, sous forme de denrées alimentaires, auraient été saisis par la police et entreposés dans un poste de police (depuis le 1er octobre 1977), sous le prétexte que ces biens auraient été volés; la police aurait refusé de les rendre malgré les efforts faits par le syndicat qui aurait présenté des reçus. De même, allègue le GAWU, le véhicule du syndicat a été saisi à deux reprises (les 1er septembre et 13 octobre 1977) sous le prétexte qu'il n'était pas en bon état.
  10. 150. Comme la majorité des travailleurs du sucre sont, pour des raisons historiques, ajoute le GAWU, des indo-guyanais et que la plupart des fonctionnaires ainsi que des membres des forces de sécurité sont des afro-guyanais, la campagne menée pour briser la grève a eu des implications raciales qui menacent l'unité de la classe ouvrière. Beaucoup y voient une campagne inspirée par la crainte suscitée par l'unité accrue de la classe ouvrière depuis trois ans. Les travailleurs de ce secteur se voient reprocher aussi de ruiner l'économie du pays, de "déstabilisation", de sabotage et de tous les maux de la société. Dans son télégramme du 31 octobre 1977, le plaignant déclare que la grève continue parce que le gouvernement refuse de céder et considère celle-ci comme politique.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 151. Le gouvernement commence par indiquer que le GAWU est un syndicat régulièrement enregistré et l'agent négociateur reconnu pour la plupart des domaines et des entreprises sucrières de Guyane. L'industrie du sucre a été nationalisée le 26 mai 1976 et les biens ont été transférés à la Guysuco. Il explique ensuite en détail que le GAWU est étroitement lié au (et contrôlé par) le parti politique d'opposition, le Parti populaire du progrès (PPP) et que les mêmes personnes occupent les postes de direction au sein du parti et du GAWU. Ce dernier, continue-t-il, n'a plus été au pouvoir depuis 1964 et son influence est allée déclinant depuis lors. De juillet 1973 à mai 1976, il a boycotté le Parlement et essayé d'organiser une campagne de "désobéissance civile". La manoeuvre échoua et ce parti décida alors d'apporter un appui critique au gouvernement; les conversations engagées avec le parti au pouvoir ne donnèrent aucun résultat. En juillet 1977, le PPP proposa de participer au gouvernement, ce qui fut refusé. Tout de suite après, ses dirigeants et ceux du syndicat déclarèrent publiquement et à plusieurs reprises que le parti avait le pouvoir de paralyser l'économie et qu'il le ferait si le parti au pouvoir n'acceptait pas un gouvernement d'union nationale. Un des dirigeants du PPP aurait déclaré le 12 octobre 1977 que la grève ne visait pas seulement la participation aux bénéfices mais à obtenir le pouvoir.
  2. 152. La raison donnée à la grève par le plaignant, ajoute le gouvernement, est l'absence de participation aux bénéfices pour 1975 et 1976 et les versements insuffisants pour 1974. Toutefois, le syndicat et le PPP ont donné des raisons complètement différentes lors de réunions publiques et dans les journaux; ils ont déclaré que la grève visait la loi de 1974 relative à la taxe sur le sucre. Ainsi, cette action n'est pas dirigée contre l'entreprise ou contre des problèmes dont elle a le contrôle, mais elle met en question le droit du Parlement d'adopter des lois; elle veut faire pression sur celui-ci et sur le gouvernement. Le syndicat et le parti qui lui est lié, poursuit-il, estiment que s'il n'y avait pas eu de taxe à l'exportation du sucre (pour faire bénéficier l'Etat également des prix inhabituellement élevés du sucre sur le marché mondial en 1974 et 1975), les anciens propriétaires auraient fait de plantureux bénéfices dont une partie serait revenue aux travailleurs du secteur par la voie de la participation aux bénéfices. Ils ont calculé ces bénéfices à 215 millions de dollars guyanais (85 millions de dollars des E.-U.) et ont réclamé cette somme colossale à la Guysuco, sans indiquer comment ils étaient arrivés à ce chiffre. La revendication se fonde sur la thèse que tous les profits de l'industrie nationalisée du sucre appartiennent aux travailleurs du secteur. Le gouvernement rejette catégoriquement cette thèse: si ceux-ci ont droit à des rémunérations raisonnables, les profits du secteur appartiennent à tout le peuple et doivent être utilisés au profit de tous. Le montant de la demande est tel, selon le gouvernement, qu'il est impossible à tout syndicat responsable de l'avancer et que cela prouve qu'il existe une autre motivation. Ni la branche d'activité ni le gouvernement n'ont les moyens financiers de verser cette somme.
  3. 153. En 1974, continue le gouvernement, les anciens propriétaires ont payé 8 millions de dollars guyanais conformément à l'accord sur la participation aux bénéfices. Le PPP ayant trouvé cette somme trop faible, le gouvernement établit un tribunal d'arbitrage, conformément à la loi, pour enquêter sur cette question et la trancher. Un juge à la Cour d'appel de Guyane fut désigné comme arbitre unique. Le tribunal tint sa première séance officielle le 20 juillet 1976, le syndicat et les anciens propriétaires étant représentés. Conformément à la procédure légale, l'arbitre demanda au syndicat de soumettre un mémoire sur l'affaire et celui-ci s'engagea à le déposer dans les deux mois. Il ne l'a pas déposé et n'a pas indiqué au tribunal s'il abandonnait ou non sa demande. Juridiquement, un tribunal est toujours saisi de celle-ci.
  4. 154. En ce qui concerne les réclamations pour 1975 et jusqu'au 25 mai 1976, déclare le gouvernement, la Guysuco a fourni au syndicat, à la demande des autorités, toutes les informations pertinentes, financières et autres, qu'elle possédait sur les opérations faites pendant cette période par les anciens propriétaires. Ceci devait permettre au syndicat de préparer son dossier à l'égard de ces propriétaires, et c'était la première fois dans l'histoire de l'industrie du sucre que de telles informations étaient fournies volontairement à un syndicat. A ce jour, le syndicat n'a rien fait sur la base de la convention collective conclue avec les anciens propriétaires et n'a pas utilisé les procédures légales disponibles pour donner suite à sa demande à l'égard de ceux-ci. Pourtant, précise le gouvernement, toute réclamation portant sur la période antérieure au 25 mai 1976 ne peut pas légalement être adressée à la Guysuco qui n'existait pas avant cette date et n'est pas le successeur en titre des anciens propriétaires. C'est à ces derniers (qui ont encore des représentants en Guyane et sont encore une entité légale) que de telles plaintes doivent être adressées: leur responsabilité a été expressément réservée par le gouvernement dans l'accord de nationalisation.
  5. 155. Quant aux réclamations allant du 26 mai au 31 décembre 1976, la Guysuco a fourni au syndicat, à la demande du gouvernement, toutes les informations financières et autres sur les opérations durant ces sept mois. Les chiffres révèlent, selon le gouvernement, que les profits réalisés n'atteignent pas le niveau qui permettrait au système de participation aux bénéfices de s'appliquer. Il est loisible au syndicat, ajoute-t-il, qui ne l'a pas fait jusqu'ici, d'introduire une réclamation conformément à la convention collective ou aux lois du travail. Le syndicat faisait d'ailleurs partie d'une équipe spéciale du TUC qui a négocié et réglé à l'amiable un nouvel accord de salaire minimum avec le gouvernement pour tous les travailleurs du secteur public (y compris ceux de l'industrie sucrière). Cet accord prévoit des avantages substantiels pour les travailleurs et fut signé le 23 août 1977; son article 6 stipule expressément que le TUC et ses affiliés feraient tout ce qui est en leur pouvoir pour assurer dans tous les secteurs et toutes les zones d'activité une pleine production et une productivité accrue. Le syndicat a déclenché la grève immédiatement après.
  6. 156. Pour toutes ces raisons, le gouvernement estime que la grève est plus politique que professionnelle. Il relève également que le GAWU a adressé un ultimatum de grève au Premier ministre. Le gouvernement fait aussi observer qu'une convention collective existe entre la Guysuco et le syndicat en vue d'éviter et de régler les différends; cet accord, contresigné par le ministre du Travail, établit des procédures de règlement des conflits du travail; il est toujours en vigueur. En violation de cet accord, le syndicat adressa le 20 août 1977 un ultimatum de grève à la Guysuco. Le TUC demanda au syndicat de suspendre cette action pour 24 heures afin de lui permettre d'examiner les problèmes et de fournir ses bons offices en tant que conciliateur. Le syndicat ignora cette demande. Le gouvernement souligne qu'il a fait tout ce qu'il a pu dans le cadre de sa compétence légale et administrative pour permettre au syndicat de mener à bien ses réclamations dans le cadre des procédures et pratiques professionnelles acceptées, selon la loi. Le GAWU a refusé catégoriquement d'adopter les règles acceptées en matière de relations professionnelles ou de faire usage des dispositions légales.
  7. 157. Le gouvernement expose les procédures normales de règlement des conflits de travail (procédures prévues également dans la convention collective intervenue entre le syndicat et la Guysuco): d'abord, des discussions avec les employeurs; en cas d'échec, les parties doivent demander au ministre d'agir comme conciliateur; si les efforts de celui-ci n'aboutissent pas, les parties doivent s'en remettre à l'arbitrage. Les procédures d'arbitrage sont de nature judiciaire et les sentences sont obligatoires.
  8. 158. Le gouvernement déclare qu'il a le devoir de protéger le pays et son économie d'un désastre. Il explique longuement que l'industrie sucrière est un secteur de base et vital pour le pays qui se trouve de surcroît en 1977 dans une situation économique difficile pour des raisons que le gouvernement énumère. Quand le chômage est déjà beaucoup trop élevé, poursuit-il, il ne peut accepter que la sécurité de l'emploi des travailleurs et l'économie en général soient mises en péril par une action téméraire inspirée par des mobiles politiques. Le gouvernement souligne l'absence d'appui à la grève de la part des cercles syndicaux responsables et leur répugnance à voir un syndicat manipulé par un parti à des fins politiques. Les travailleurs de la branche d'activité qui ne sont pas représentés par le syndicat mais qui bénéficient aussi d'un système de participation aux bénéfices n'ont pas fait grève; sur 21.981 travailleurs, 10.550 ont continué à travailler normalement. Le gouvernement cite encore plusieurs syndicats et d'autres associations qui ont condamné la grève. Le TUC ne l'a pas appuyée, a déploré la précipitation avec laquelle elle a été déclenchée, a reconnu sa motivation politique sous-jacente et demandé qu'elle se termine.
  9. 159. Beaucoup de travailleurs des champs de canne à sucre ont également refusé de se mettre en grève. Dans ces conditions, le gouvernement a fait appel, ajoute-t-il, à 370 membres de l'armée du peuple pour aider ces travailleurs; c'est un chiffre dérisoire qui représente 1,4 pour cent de la main-d'oeuvre et l'armée participe d'une manière générale au développement économique du pays. En même temps, un grand nombre de citoyens (de toutes catégories sociales) et d'organisations (notamment syndicales) se sont portés volontaires pour la récolte et ont ainsi sauvé le pays de la ruine économique. La plupart des syndicats n'ont pas empêché leurs membres de se porter volontaires et quelques-uns les ont poussés à le faire. En fait, la majorité des volontaires étaient syndiqués.
  10. 160. Le gouvernement dément encore que des "jaunes" aient été engagés. Beaucoup de travailleurs ne se sont jamais mis en grève et beaucoup sont retournés au travail. La Guysuco a recruté des travailleurs normalement selon les pratiques traditionnelles dans ce secteur pendant la saison. L'embauchage pendant cette période est en moyenne de 4.189, ce qui porte à 26.000 le total de la main-d'oeuvre. En 1977, le secteur a engagé 6.132 travailleurs, dont; 5.084 ont par le passé travaillé dans la branche, ce qui fait 1.048, travailleurs "nouveaux" dans celle-ci. Leur engagement ne peut en aucune façon, selon le gouvernement, mettre en danger le travail des grévistes ou de tout autre travailleur du secteur: en raison du déclin constant de la main-d'oeuvre agricole, celui-ci a toujours éprouvé des difficultés à garder un personnel suffisant; en outre, la Guysuco a étendu et diversifié ses activités agricoles et a donné au TOC l'assurance qu'il y avait du travail pour tous. Ce dernier a admis que la Guysuco n'avait pas mal agi. Il n'est pas vrai non plus, selon le gouvernement, que des adolescents de moins de quatorze ans aient été recrutés: ceux-ci doivent légalement aller à l'école (qui est gratuite).
  11. 161. Quand le PPP s'aperçut que l'appel à la grève risquait de ne pas être entendu, déclare encore le gouvernement, ce parti introduisit dans la zone sucrière de nombreux aventuriers qui ont proféré des menaces, attaqué, intimidé par d'autres moyens les personnes qui désiraient travailler comme elles en avaient légalement le droit. Les familles de ces travailleurs ont aussi fait l'objet d'actes d'intimidation; leurs logements furent assaillis et, dans certains cas, on chercha à y mettre le feu. De plus, il arriva fréquemment que de jeunes cannes à sucre fussent incendiées comme des cannes appartenant à de petits fermiers ou des coopératives. D'autres tentatives de sabotage furent constatées à l'égard des usines, des machines, des véhicules et d'autres biens dans la zone sucrière. En présence de cette situation dangereuse, les directions du PPP et du syndicat ont poussé de manière insensée à la violence. Laissée incontrôlée, la situation risquait de dégénérer en une anarchie complète. En raison des antécédents du PPP (le gouvernement cite de nombreuses déclarations incendiaires prononcées en 1973 par les leaders de ce parti), le gouvernement devait, ajoute-t-il, agir rapidement afin de s'assurer les pouvoirs nécessaires au maintien de la paix, à la protection de la vie et des biens. Depuis le début de la grève, des déclarations violentes ont à nouveau été faites par les dirigeants de ce parti et du syndicat; ces déclarations sont entre les mains des autorités responsables et pourraient conduire à des inculpations.
  12. 162. La législation adoptée et les mesures administratives prises depuis le début de la grève se sont strictement conformées à la Constitution et aux lois guyanaises, précise-t-il. Les tribunaux sont les gardiens de la constitution ainsi que des droits qui en découlent, dont tous les citoyens bénéficient. Tout citoyen qui a subi un préjudice en raison d'une mesure gouvernementale a le droit de recourir aux tribunaux pour obtenir les réparations légales. La Constitution garantit l'indépendance des tribunaux qui ne font pas l'objet d'ingérences gouvernementales ou politiques.
  13. 163. Le gouvernement confirme qu'il a réactivé la partie II de la loi sur la sécurité nationale, comme le prévoit la Constitution guyanaise. La sécurité est suffisamment menacée à ses yeux pour justifier les décisions prises afin de protéger la vie, les biens des citoyens et leur permettre de vaquer normalement à leurs occupations. Bien que la loi de 1977 modifiant les dispositions en matière de sécurité nationale donne aux forces de sécurité de vastes pouvoirs pour garantir la paix publique, le gouvernement souligne qu'aucune personne n'a été détenue en vertu de cette loi et qu'aucun couvre-feu n'a été imposé: il s'est assuré de tels pouvoirs par précaution, afin de décourager de nouveaux actes de violence et d'intimidation et d'empêcher une situation dangereuse de dégénérer. Le fait que ceci ne s'est pas produit jusqu'ici justifie, d'après lui, les mesures prises.
  14. 164. Les références aux modifications apportées à la loi sur les juridictions inférieures ne sont pas, selon lui, pertinentes: ces changements ne sont en aucune façon liés à la grève. Il s'agissait de corriger une situation anormale: précédemment, si une personne était condamnée par une juridiction inférieure à une peine de prison, elle était libérée automatiquement si elle faisait appel et remplissait certaines formalités; il en allait autrement en assises où elle devait introduire une demande spéciale auprès du juge. Les possibilités sont aujourd'hui les mêmes dans les deux situations. Contrairement aux allégations, relève le gouvernement, une personne emprisonnée à la suite d'une condamnation par une juridiction inférieure a le droit de demander au magistrat compétent sa mise en liberté sous caution et peut le faire de manière répétée malgré des refus antérieurs. En outre, elle a le droit de faire appel de la décision.
  15. 165. Le gouvernement indique que la police a arrêté et inculpé 130 personnes pour différents délits allant des menaces et des voies de fait jusqu'aux coups et blessures et à l'incendie volontaire. La main-d'oeuvre régulière dans les plantations de sucre est de 21.981 personnes (26.000 en pleine saison); ces incidents sont survenus dans plusieurs domaines, s'étendant sur plus de 200 miles, et les procès-verbaux de police montrent que la plupart des inculpés ne sont ni grévistes ni membres du syndicat, mais des activistes rémunérés du PPP. Les tribunaux ont examiné 13 cas qui ont abouti à trois condamnations et à dix acquittements; ces derniers s'expliquent largement par l'absence des témoins essentiels de la police.
  16. 166. Le gouvernement rejette encore les allégations concernant les dangers d'un conflit racial. Ces allégations sont à ses yeux symptomatiques de la politique raciste du parti PPP d'opposition. Il est significatif à cet égard que plus de la moitié des citoyens qui ont récolté le sucre comme volontaire et gratuitement soient d'origine indienne.
  17. 167. Le gouvernement rejette les autres allégations du plaignant, en particulier celles relatives aux fournitures alimentaires des zones sucrières. Même s'il existe quelques magasins de distribution appartenant à l'Etat, la grande majorité des magasins sont privés, spécialement dans ces zones.
  18. 168. Le syndicat a maintenant demandé au TUC, ajoute-t-il, de négocier avec la Guysuco les conditions de la reprise du travail. Le TUC a accepté cette mission et, vu le désir réel du syndicat de mettre fin à la grève, il n'y a plus d'obstacle à ce que celle-ci se termine rapidement. Le gouvernement réaffirme enfin son attachement aux conventions de l'OIT auxquelles il a souscrit ainsi que le droit des travailleurs de faire grève; toutefois la détérioration des relations professionnelles ne doit pas mettre en danger la vie même du pays. Les relations du gouvernement avec le TUC et les syndicats en général sont des plus harmonieuses; les autorités respectent, conclut-il, les droits syndicaux, comme l'a reconnu le président du TUC dans un discours prononcé en septembre 1977.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 169. Cette affaire a trait à une grève déclenchée par le syndicat plaignant dans l'industrie du sucre; le conflit se rapporte à l'application d'un système de participation aux profits après qu'une taxe sur le sucre a abouti à réduire ou supprimer ces bénéfices. Le GAWU se réfère en particulier aux mesures suivantes prises pendant la grève: l'adoption de dispositions législatives sur la sécurité nationale et sur les juridictions inférieures; l'arrestation de travailleurs; l'interdiction de réunions publiques; le détournement de secours alimentaires destinés aux grévistes; l'utilisation des forces de l'ordre et d'autres personnes pour remplacer les grévistes.
  2. 170. Les versions de ces événements données par le gouvernement et par le plaignant diffèrent de manière considérable. Ainsi, le premier considère la grève comme politique parce que, notamment, elle est dirigée, selon lui, contre une loi fiscale votée par le Parlement et parce que le GAWU est très lié au parti politique d'opposition qui serait désireux de créer des tensions qui lui permettraient de revenir au pouvoir. Le gouvernement souligne que la grève a été déclenchée dans un secteur vital pour l'économie du pays. Il estime que le syndicat plaignant n'a pas respecté les procédures conventionnelles en vigueur pour régler le différend. Ce dernier déclare de son côté avoir donné un préavis de grève de 72 heures, ce qui est conforme à l'accord en vigueur; il signale l'échec des discussions engagées précédemment. Conformément à la résolution adoptée à la conférence du TUC, il demande, précise-t-il, que la participation aux bénéfices soit calculée avant le prélèvement de l'impôt. Il estime que le gouvernement impute aux grévistes tous les maux du pays. Quant aux mesures prises au cours de cette grève, les informations émanant du gouvernement et du plaignant divergent également de manière sensible.
  3. 171. Le comité constate que la taxe sur le sucre est au coeur du conflit qui a abouti à la grève organisée par le GAWU. Cette taxe, qui a supprimé les avantages que les travailleurs retiraient du système de participation aux bénéfices, date de 1974 alors que la grève a éclaté seulement en 1977 à un moment où les divergences s'accentuaient entre le gouvernement et le parti politique d'opposition dont les dirigeants occupent de hautes fonctions à la direction du GAWU. La grève, bien que fondée sur des motifs professionnels, parait donc avoir des implications politiques très prononcées. De toute manière, elle n'a pas été interdite même si le gouvernement a adopté pour lui faire échec diverses mesures rappelées au paragraphe 169.
  4. 172. Le comité n'a pas à se prononcer sur les côtés politiques de ce conflit. Pour ce qui est de ses aspects professionnels, il constate que la taxe appliquée sur le prix du sucre constitue un élément nouveau qui vient modifier profondément le système de participation aux bénéfices existant dans l'industrie sucrière. Un gouvernement peut évidemment adopter des mesures fiscales dans le cadre de sa politique économique nationale. En l'espèce, l'application de cette taxe a toutefois soulevé un problème important pour les travailleurs du secteur dont la participation aux bénéfices a été réduite à néant. Un tribunal d'arbitrage avait déjà relevé ce fait en 1975, suggérant que des mesures soient prises à cet égard. D'autres syndicats, y compris le TUC, se sont prononcés dans le même sens. Ce problème nouveau ne pouvait, de l'avis du comité, se résoudre par les procédures conventionnelles de solution des conflits, normalement destinées à régler les questions d'application des accords existants. Des négociations devaient par conséquent avoir lieu à ce sujet.
  5. 173. Si des discussions ont eu lieu, le gouvernement a adopté, une fois la grève déclenchée, une série de mesures dont certaines pouvaient mettre en cause les principes de la liberté syndicale. De toute manière, le gouvernement signale que le syndicat a maintenant demandé au TUC de négocier avec l'entreprise les conditions de la reprise du travail et que, vu le désir réel du plaignant de mettre fin à la grève, il n'y a plus d'obstacle à ce que celle-ci se termine rapidement. Le comité note cette information avec intérêt. Il exprime l'espoir que le problème fera l'objet de négociations approfondies entre les principaux intéressés et que les discussions aboutiront à un accord tenant pleinement compte des points de vue des différentes parties.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 174. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement et du syndicat plaignant sur les considérations exposées dans les paragraphes qui précèdent et de prier le gouvernement de tenir le comité informé des développements du conflit de travail qui fait l'objet de la plainte.
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