Visualizar en: Inglés - Español
- 177. La plainte du Congrès syndical malaisien (CSM) est contenue dans une lettre datée du 8 mai 1980. Le gouvernement a répondu dans une lettre datée du 28 septembre 1981.
- 178. La Malaisie n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; elle a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 179. Le plaignant allègue que les modifications adoptées en mai 1980 à l'ordonnance de 1959 sur les syndicats et à la loi de 1967 sur les relations professionnelles contiennent à l'endroit des syndicats des dispositions restrictives et oppressives qui portent atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs, limitant les activités syndicales et aboutissant à une ingérence de l'Etat et des employeurs dans l'administration interne des syndicats.
- 180. Le CSM se réfère en particulier aux articles suivants de la nouvelle législation syndicale: l'article 27 (2) f) et (3) aa), qui dispose que les fonctionnaires ou toute personne employée par une administration publique et tenant un poste de direction ou assimilé ou de confiance ou de sécurité ne pourra ni rester ni devenir membre d'un syndicat; l'article 2 (1), dont la large définition de la grève comprend la "réduction" d'activité dans l'exécution des tâches, et l'article 40 (6) qui dispose que le Greffier des syndicats, s'il juge qu'une grève ou un lock-out contreviendra à l'ordonnance sur les syndicats ou à toute autre législation, peut enjoindre à l'organisation professionnelle ou à l'employeur concernés de renoncer à la grève ou au lock-out; à cet égard, le nouvel article 43 de la loi sur les relations professionnelles qui, au même propos, interdit les grèves dans les services essentiels - lesquels, selon le plaignant, comprennent maintenant des industries du secteur privé telles que les banques; l'article 18, qui permet au ministre du Travail de suspendre tout syndicat, sans autre approbation que celle du ministre chargé de la Sécurité intérieure, pour une durée ne dépassant pas six mois s'il estime que le syndicat poursuit des fins préjudiciables à la sécurité nationale ou à l'ordre public ou incompatibles avec eux (pendant la suspension, le certificat d'enregistrement du syndicat ne sera plus valide, il sera interdit au syndicat de poursuivre ses activités normales et ses avoirs seront gelés); il n'y a pas droit d'appel et toute contravention sera punie d'une amende ne dépassant pas 3.000 dollars, ou de trois années d'emprisonnement, ou des deux peines; l'article 52, qui interdit d'utiliser les fonds syndicaux à des fins politiques trop largement définies; l'article 28 (2), qui permet au greffier, à sa propre discrétion, d'interdire de fonctions tout dirigeant d'un syndicat ou d'une fédération; l'article 64, qui donne au greffier droit d'accès aux locaux syndicaux et lui permet, s'il a des raisons de penser qu'une contravention à l'ordonnance sur les syndicats a été commise, d'obtenir d'un magistrat un mandat de perquisition et de rechercher et de saisir tout document ou objet comme pièce à conviction; et l'article 76A (1) b), qui dispose que nul syndicat ne s'affiliera à un organisme consultatif ou assimilé, qu'il soit établi à l'intérieur ou à l'extérieur de la Malaisie, sans l'agrément préalable du Greffier.
- 181. En ce qui concerne les modifications à la loi sur les relations professionnelles, la plainte du CSM porte sur l'article 2A qui fait du poste de directeur général des relations professionnelles une affectation politique et non plus administrative; l'article 8A de la loi, qui dispose que l'employeur pourra communiquer directement à ses travailleurs, comme il le jugera bon, toute information sur les négociations collectives ou les conflits sociaux les concernant (selon le plaignant, il en résulterait des malentendus entre la base et les responsables syndicaux); l'article 40 (1) et (2), qui interdit aux travailleurs qui ne seraient pas directement concernés par le différend et aux responsables syndicaux élus de participer directement aux piquets de grève (selon le plaignant, cela laisserait les piquets sans direction); l'article 52 de la loi, qui refuse aux travailleurs employés par une administration publique le bénéfice de ses dispositions sur la protection des droits des travailleurs et des employeurs et de leurs associations (partie II), sur la reconnaissance et le mandat de la représentation (partie III), sur la négociation collective (partie IV), sur la conciliation (partie V) et sur la représentation lors des congédiements (partie VI).
- 182. De plus, le plaignant déclare que le gouvernement ne lui a envoyé les projets de modification que le 29 janvier 1980, alors que la Commission consultative tripartite nationale du travail devait en débattre le 4 février; la protestation du plaignant, tendant à retarder la réunion pour lui donner le temps d'étudier à fond les modifications proposées, n'a pas été écoutée; à la réunion de la commission du travail, le gouvernement a accordé au Congrès syndical un mois pour étudier les propositions et communiquer ses observations; il a suffi au congrès de 15 jours pour ce faire, mais ses contre-propositions n'ont été ni présentées ni discutées pendant l'adoption des amendements. Selon le plaignant, lui et ses syndicats affiliés se sont efforcés de convaincre le gouvernement d'ajourner l'adoption des modifications pour permettre à toutes les parties concernées d'en discuter plus avant, et un mémoire a été présenté à cette fin au Premier ministre le 27 mars 1980; les lois ont néanmoins été modifiées sans égard aux objections du syndicat.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 183. Dans sa lettre du 28 septembre 1981, le gouvernement déclare que les travailleurs de Malaisie jouissent du droit de s'organiser et de négocier collectivement, conformément aux dispositions de la convention no 98, ratifiée par la Malaisie. Il ajoute que les exigences posées par l'ordonnance sur les syndicats aux termes desquelles les organisations doivent être structurées sur la base d'industries, métiers ou professions particulières ou similaires ne sont pas en contradiction avec la convention. Le gouvernement affirme que ces dispositions ont aidé la croissance régulière des syndicats et le développement de la négociation collective, comme le prouvent les statistiques. Ainsi, en 1969, il existait 337 syndicats regroupant 314.758 membres qui avaient conclu cette année-là 58 conventions; en 1975, il existait 350 syndicats regroupant 455.795 membres avec 137 conventions; en 1980, 392 syndicats comptaient 547.877 adhérents et avaient signé 280 conventions collectives. Selon le gouvernement, les amendements apportés en 1980 à l'article 27 de l'ordonnance ajoutent simplement les personnes occupant un poste de confiance ou de sécurité ou de direction ou assimilé aux membres de la police, des forces armées et des services pénitentiaires à qui les activités syndicales sont interdites. Le gouvernement déclare que, par une mesure administrative en juin 1981, l'étendue du personnel de direction et assimilé a été considérablement réduite. Selon le gouvernement, cet amendement reflète la reconnaissance qu'il peut exister un conflit d'intérêts si certains membres des hautes sphères des directions du secteur public sont autorisés à participer à des activités syndicales.
- 184. Au sujet de la modification de la définition du terme "grève", le gouvernement déclare que ceci n'introduit aucun changement de fond mais fournit une plus grande clarté à la définition.
- 185. Pour ce qui est de la nouvelle disposition permettant la suspension des syndicats, le gouvernement souligne qu'elle n'entraîne pas la disparition du syndicat, mais le place seulement sous "gel" temporaire de ses activités pendant une période n'excédant pas six mois et que l'ordre de suspension peut, à tout moment, être modifié ou rapporté par le ministre. Le gouvernement considère cette disposition comme essentielle pour le maintien du droit et de l'ordre à la lumière des expériences passées.
- 186. Au sujet de l'article 52 amendé, le gouvernement déclare que les fonds syndicaux ne peuvent être dépensés qu'A des fins indiquées dans l'ordonnance et que l'amendement clarifie simplement ce que sont des "fins politiques". Il souligne qu'il n'empêche en aucune manière à un membre d'un syndicat de s'engager, à titre individuel, dans la politique.
- 187. Au sujet des nouveaux pouvoirs de destituer des dirigeants syndicaux, le gouvernement affirme que l'amendement ne confère pas au greffier des syndicats le pouvoir de destituer toute personne qualifiée, dément élue aux organes directeurs. Il vise les personnes qui sont élues bien qu'elles soient exclues d'un tel poste aux termes de l'ordonnance.
- 188. Pour ce qui est de l'article 64, le gouvernement observe que les pouvoirs d'accès aux locaux syndicaux et de perquisition sont soumis à l'existence de présomptions, d'infractions à la loi et à l'obtention d'an mandat délivré par un magistrat.
- 189. En ce qui concerne l'interdiction de création d'organes consultatifs ou similaires ou d'application à de tels organes, le gouvernement déclare que les dispositions concernant l'affiliation à des organismes internationaux ont toujours été prévues dans l'ordonnance et que l'amendement ne fait qu'exposer en détail les questions de procédures se posant pour une telle demande d'affiliation. Il investit également le greffier de pouvoirs destinés à retirer son autorisation à une application si le syndicat, en cause n'applique pas l'ordonnance. Le gouvernement souligne que la décision du greffier peut faire l'objet d'un recours devant le ministre du Travail et de la Main-d'oeuvre.
- 190. Au sujet des amendements apportés à la loi no 1967 sur les relations professionnelles, le gouvernement déclare que la fonction de directeur général des relations professionnelles est un poste désigné au sein de la fonction publique et il nie qu'il fasse l'objet de nominations politiques.
- 191. Concernant le droit des employeurs de fournir certaines informations aux travailleurs, le gouvernement remarque qu'au cours des dernières années, les travailleurs s'étaient plaints de l'absence d'information provenant des dirigeants syndicaux. Ceci avait entraîné un ralentissement injustifié de la négociation collective ainsi que des différends qui, autrement, ne se seraient pas produits. Selon, le gouvernement, lorsque les employeurs ont tenté de tenir leurs salariés informés de la situation, ils ont été accusés par les dirigeants syndicaux de se livrer à des pratiques déloyales de travail. L'amendement légalise maintenant cette action. Le gouvernement souligne que cette disposition n'est pas destinée à saper les fonctions syndicales et qu'aucun employeur ne souhaitera disséminer de fausses informations.
- 192. Le gouvernement déclare ensuite que l'amendement apportant des restrictions à la participation aux piquets de grève n'introduit aucun changement de fond, sauf s'il rend la disposition plus explicite et qu'il introduit un élément de souplesse en autorisant un dirigeant ou employé du syndicat concerné, qui peut ne pas être un travailleur impliqué dans le différend en question, à être présent pour maintenir l'ordre et le respect de la loi. Selon le gouvernement, la renomination des "services d'utilité publique" en "services essentiels" (article 43) est due à une difficulté d'interprétation et A une confusion passée. Il n'y a pas interdiction des grèves dans les services essentiels si les conditions posées par la loi sont respectées. Il indique que les "services bancaires" sont inclus dans cette catégorie car ils constituent un service dont dépend la vie économique de la nation.
- 193. Enfin, le gouvernement déclare que les parties II, III, IV, V et VI de la loi ne s'appliquent pas aux fonctionnaires publics dont les termes et conditions d'emploi sont fixés par le gouvernement. Les salariés des organes statutaires et des collectivités locales ont été aussi exclus du champ d'application de ces parties de la loi afin d'harmoniser les conditions du secteur public dans son ensemble et pour aligner la situation de ces salariés sur celle des fonctionnaires, ceci ne constitue en aucun cas, comme l'allègue l'organisation plaignante, une mesure discriminatoire.
- 194. Le gouvernement ajoute que, malgré la position du plaignant au sujet des amendements apportés en 1980 à la législation du travail, des syndicats indépendants ont accepté les raisons d'être de ces modifications. Il fournit une copie du discours de deuxième discussion des deux textes, fait par le ministre du Travail et de la Main-d'oeuvre, dans lequel il déclare que les amendements ont été discutés au Conseil consultatif paritaire national du travail, au niveau des commissions, lors de onze réunions séparées avec les travailleurs et les employeurs dans des sessions du conseil lui-même et dans un entretien avec le ministre. Le ministre indique qu'il n'y a eu aucune hâte injustifiée dans l'amendement de la législation du travail et que de nombreuses suggestions ont été reflétées dans les modifications.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 195. Le comité note que ce cas concerne des amendements apportés aux deux principales législations en matière de travail dont l'organisation plaignante allègue qu'ils constituent de graves violations aux droits fondamentaux des travailleurs et qu'ils ont été adoptés sans consultation appropriée. Pour le gouvernement, ces amendements ont été largement discutés et ne mettent pas en danger les droits syndicaux.
- 196. En ce qui concerne, premièrement, les allégations relatives à la loi modificatrice sur les syndicats, amendant l'ordonnance de 1959, et notamment l'article 18 (pouvoir discrétionnaire conféré au ministre de suspendre un syndicat, sous réserve de l'agrément du ministre responsable de la sécurité intérieure, pendant une durée maximum de six mois pour raisons d'ordre public), le comité note la réponse du gouvernement selon laquelle cet amendement est, à la lumière de l'expérience passée, essentiel pour le maintien du droit et de l'ordre. Il rappelle cependant qu'il a déjà souligné l'importance du principe généralement admis selon lequel les organisations d'employeurs et de travailleurs ne devraient pas pouvoir être suspendues ou dissoutes par voie administrative, là où des mesures de suspension sont prises par une autorité administrative, elles risquent de paraître arbitraires, même si elles sont provisoires ou limitées dans le temps.
- 197. En ce qui concerne l'article 27 (déni du droit de se syndiquer aux fonctionnaires de direction et assimilés), le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle ceci évite une situation de conflit d'intérêts et qu'une mesure administrative récente a considérablement réduit l'étendue du personnel de direction et assimilé, auquel il est interdit de se syndiquer. Néanmoins, le comité souligne l'importance fondamentale du droit d'organisation, qui doit être assuré sans distinction d'aucune sorte non seulement aux travailleurs du secteur privé mais aussi aux fonctionnaires et employés des services publics en général. La définition des personnels qui pourraient être exclus du droit de se syndiquer devrait être restrictive, et ne devrait comprendre que les personnes qui représentent véritablement les intérêts de l'Etat en tant qu'employeur. La définition des personnels de direction et assimilés ne devrait pas avoir une extension telle qu'elle affaiblisse les organisations en les privant d'une grande partie de leurs membres actuels ou potentiels.
- 198. En ce qui concerne l'article 28 (2) (pouvoir du greffier de disqualifier tout dirigeant d'un syndicat ou d'une fédération pour les raisons énoncées à l'article 28 (1), c'est-à-dire d'exercer depuis moins de trois ans la profession à laquelle se rattache le syndicat, d'avoir été condamné pénalement pour abus de confiance, extorsion, intimidation ou tout autre délit que le greffier pourrait juger rédhibitoire, ou encore pour banqueroute, etc.), le comité, tout en reconnaissant que certaines de ces raisons peuvent constituer des motifs valables de disqualification veut rappeler que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a exprimé l'avis que quand la législation nationale prévoit que tous les dirigeants syndicaux doivent appartenir à la profession dans laquelle l'organisation exerce son activité, les garanties prévues par la convention risquent d'être mises en cause et qu'il serait souhaitable d'assouplir ces dispositions en levant les conditions prévues quant à l'appartenance à la profession pour une proportion raisonnable des responsables des organisations. Dans le présent cas, le comité estime que le Greffier se trouve investi de pouvoirs discrétionnaires exagérés pour disqualifier les dirigeants syndicaux. Le comité rappelle, comme il l'a déjà fait à cet égard, que la révocation par un gouvernement de certains chefs syndicalistes constitue une atteinte grave au libre exercice des droits syndicaux, et qu'il est nécessaire d'éviter toute immixtion gouvernementale dans l'exercice, par les dirigeants syndicalistes, de fonctions syndicales auxquelles ils ont été librement élus par les membres des syndicats. Le comité estime en outre qu'il importe au plus haut point que les peines de suspension ou de disqualification à l'égard des dirigeants syndicaux ne devraient être appliquées qu'en exécution d'un jugement ferme rendu par l'autorité judiciaire compétente, ou en tout cas après que les délais prévus pour faire appel se soient écoulés sans que l'appel ait été interjeté.
- 199. En ce qui concerne l'article 40 (pouvoir du greffier d'enjoindre à un syndicat de ne pas déclencher une grève qui contreviendrait à l'ordonnance ou à toute autre législation écrite), le comité tient à faire observer que cet article, qui tend à instituer un contrôle sur la légalité des grèves et des lock-out, peut avoir pour effet de limiter gravement l'exercice du droit de grève, ce particulièrement lorsqu'il est lu conjointement avec le nouvel article 43 de la loi sur les relations professionnelles, qui interdit les grèves dans les services essentiels énumérés en annexe à la loi (banque, ports, services postaux, production, entreposage et distribution du carburant, télécommunications, transport et service des eaux). Le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle il n'y a pas d'interdiction de la grève dans les services essentiels si la loi est respectée. Il note également que les services bancaires sont inclus dans cette catégorie car la vie économique dépend d'eux. Cependant, le comité a toujours considéré que le droit de grève constitue un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels. Il a admis que le droit de grève pourrait faire l'objet de restrictions, voire d'interdiction dans la fonction publique ou les services essentiels au sers strict du terme, c'est-à-dire dans des services dont l'interruption mettrait en danger la vie ou les conditions normales d'existence de tout ou partie de la population. Jugeant sur ce critère, le comité a estimé que les hôpitaux étaient un service essentiel, mais que des activités comme la banque, le pétrole, les travaux ordinaires de manutention dans les ports, la réparation des avions et les transports n'étaient pas strictement essentielles. De plus, lorsque les grèves sont interdites ou sujettes à restriction, il importe que soient établies, pour protéger pleinement les intérêts des travailleurs ainsi empêchés de faire valoir leurs intérêts professionnels, des garanties appropriées sous forme d'une procédure de conciliation et d'arbitrage adéquate, impartiale et rapide à toutes les étapes de laquelle puissent participer les intéressés.
- 200. En ce qui concerne l'article 52 (interdiction d'utiliser les fonds syndicaux à des fins politiques, définies comme a) payer les frais de candidature aux élections législatives, b) tenir des réunions et diffuser des tracts en période de campagne électorale, c) pourvoir aux moyens d'existence d'un député, d) enregistrer les électeurs ou choisir un candidat à la députation, e) tenir des réunions politiques et distribuer des documents politiques de toutes sortes, et f) tout objet que le ministre pourra préciser dans le Journal officiel), le comité note l'explication du gouvernement selon laquelle cet amendement n'empêche pas un membre d'un syndicat de s'engager à titre individuel dans la politique. Il tient à relever de façon générale que la liberté syndicale n'implique pas seulement le droit pour les travailleurs et les employeurs de constituer librement des associations de leur choix, mais qu'il implique encore celui, pour les associations professionnelles elles-mêmes, de se livrer à une activité licite de défense de leurs intérêts professionnels. Plus précisément, s'il est interdit en termes généraux aux syndicats de mener aucune activité politique, il peut en résulter des difficultés du fait que l'interprétation pratique des dispositions applicables peut changer à tout moment et réduire considérablement les possibilités d'action de ces organisations; les Etats devraient donc être en mesure, sans interdire de manière générale toute activité politique aux organisations professionnelles, de charger les autorités judiciaires du soin de redresser les abus que pourraient commettre dans certains cas les organisations qui auraient perdu de vue leur objectif fondamental, qui doit être le progrès économique et social de leurs membres. Dans le cas présent, il semble au comité que certaines des restrictions imposées, telles que celle qui vise les moyens d'existence d'un député ou les frais de candidature, peuvent être considérées comme raisonnables. Mais l'interdiction d'utiliser des fonds syndicaux à des réunions politiques ou à la diffusion d'aucune sorte de documents politiques et la faculté donnée au ministre de définir quel objet doit être considéré comme politique paraissent au comité aller trop loin et être susceptibles d'application d'une manière qui serait contraire aux principes de la liberté syndicale.
- 201. En ce qui concerne l'article 64 (pouvoir du greffier de pénétrer dans les locaux syndicaux, et de fouiller et saisir des documents sur mandat de perquisition délivré par un magistrat), le comité tient à rappeler que, tout en admettant que les syndicats, comme les autres associations ou les particuliers, ne peuvent se prévaloir d'aucune immunité contre la perquisition de leurs locaux, il a souligné qu'une telle intervention ne devait se produire qu'à la suite de la délivrance d'un mandat par l'autorité judiciaire ordinaire et seulement lorsque cette autorité s'est convaincue qu'il y a de sérieuses raisons de supposer que les preuves nécessaires à la poursuite d'un délit visé par la législation ordinaire s'y trouvent, et à condition que la perquisition soit limitée aux objets qui ont motivé la délivrance du mandate. Dans le présent cas, la disposition visée prescrit que l'autorité judiciaire ordinaire délivrera un mandat de perquisition "si elle se convainc, sur information écrite reçue du greffier, qu'il y a de justes raisons de penser qu'un délit défini par l'ordonnance ou toute autre législation a été commis, et que le bureau, le local ou l'endroit à préciser dans le mandat de perquisition est destiné ou utilisé par le syndicat". Il semble en l'occurrence que la législation est conforme aux principes admis de la liberté syndicale.
- 202. En ce qui concerne l'article 76A (interdiction, sauf autorisation du greffier, aux syndicats déclarés de former des organismes consultatifs ou assimilés ou d'y adhérer, que ces organismes aient leur siège en territoire malaisien ou à l'étranger), le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle cet amendement ne fait qu'exposer en détail les procédures concernant une telle demande d'affiliation et permet au greffier de retirer une autorisation déjà accordée. Le comité tient à rappeler, l'importance du principe selon lequel aucun obstacle ne devrait être mis à la libre affiliation des organisations de travailleurs à une organisation internationale de travailleurs de leur choix. A cet égard, il a déjà eu l'occasion de déclarer qu'une législation qui subordonne l'affiliation internationale d'un syndicat à l'autorisation d'un gouvernement n'est pas compatible avec le principe d'affiliation libre et volontaire d'un syndicat à des organisations internationales le comité considère en outre que cette disposition limite les droits des travailleurs et de leurs organisations d'organiser leurs activités et de formuler leurs programmes, étant donné que la création de tels organismes fait normalement partie des activités légitimes d'un syndicat pour la défense des intérêts professionnels des travailleurs.
- 203. Passant secondement aux modifications à la loi sur les relations professionnelles, le comité note que, selon le plaignant, l'article 2A (nomination d'un directeur général des relations professionnelles) introduit une affectation de caractère politique, mais que le gouvernement nie cette affirmation comme le plaignant n'explique pas en quoi cela viole la liberté syndicale, le comité considère que cet aspect du cas ne relève pas de sa compétence et n'appelle pas un examen plus approfondi.
- 204. En ce qui concerne l'article 8A (droit de l'employeur de renseigner son personnel sur la négociation collective et les différends du travail), le comité note que le plaignant craint qu'il n'en résulte la diffusion de renseignements dénaturés, surtout dès lors que les syndicats ne jouissent pas du droit inverse (communication directe avec le conseil d'administration et les actionnaires). A cet égard, le comité estime que la disposition en question confère à l'employeur un droit tout à fait raisonnable et qu'elle n'est donc pas contraire aux principes de la liberté syndicale. Le comité est néanmoins d'avis que l'employeur ne devrait pas user de ce droit pour saper la position du syndicat ou des représentants des travailleurs ni pour porter atteinte au droit du syndicat de représenter les travailleurs dans la négociation collective.
- 205. En ce qui concerne l'article 40 (1) (exclusion des employeurs et des travailleurs qui ne sont pas directement parties à un conflit du travail des piquets), le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle des syndicalistes non impliqués dans le conflit peuvent participer à des piquets en vue de maintenir l'ordre et le respect de la loi. A cet égard, le comité tient à faire observer, comme il l'a fait dans le passée, que les piquets de grève agissant légalement ne doivent pas faire l'objet d'intervention de la part des autorités, mais qu'il a jugé légitimes les dispositions légales qui interdisent aux piquets de grève de troubler l'ordre public et de menacer les travailleurs qui poursuivent leurs occupations. Dans le présent cas, le comité considère que puisque la restriction mise à la participation aux piquets s'applique aussi bien aux employeurs qu'aux travailleurs qui ne sont pas directement parties au différend, elle ne viole pas les principes de la liberté syndicale. En ce qui concerne l'article 40 (2) (rôle des responsables syndicaux dans les piquets de grève), le comité prend note de l'objection du plaignant selon qui il laisserait les piquets sans direction; il semble au comité que cette disposition, qui autorise les dirigeants syndicaux à participer à des piquets de grèves organisées par les membres de leurs syndicats dans le seul but de maintenir l'ordre et la discipline est exagérément restrictive et qu'elle va à l'encontre du principe selon lequel les syndicats doivent avoir le droit de formuler leurs programmes d'action et d'organiser leurs activités sans ingérence de la part des autorités publiques.
- 206. En ce qui concerne l'article 52 (exclusion des fonctionnaires et des employés des administrations publiques des droits garantis par la loi), le comité note l'explication du gouvernement selon laquelle ceci correspond à une harmonisation du traitement des salariés du secteur public dans son ensemble et n'est en aucune manière discriminatoire. Cependant, le comité tient à rappeler que la convention no 98, et notamment son article 4, qui concerne l'encouragement et la promotion de la négociation collective, est applicable au secteur privé comme aux entreprises nationalisées et aux organismes publics, à l'exception seulement des fonctionnaires. La Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a signalé que, si l'on peut admettre que le concept de fonctionnaire public puisse varier dans une certaine mesure selon les différents systèmes juridiques, il serait contraire à l'esprit de la convention d'exclure de son champ d'application des fonctionnaires n'agissant pas en tant qu'organes de la fonction publique, même s'ils jouissent d'un statut identique à celui des fonctionnaires publics engagés dans l'administration de l'Etat. La distinction essentielle, selon la commission d'experts, semble devoir être établie entre les fonctionnaires publics employés à des titres divers dans les ministères et autres organismes comparables, d'une part, et les autres personnes employées par le gouvernement, par les entreprises publiques et par des institutions publiques autonomes, d'autre parti. Dans le présent cas, il semble que la disposition considérée soit trop large et qu'en conséquence elle ne soit pas conforme à la convention.
- 207. Compte tenu des divers principes et considérations énoncés dans les paragraphes qui précèdent à propos des articles 18, 27, 28, 40 (6), 52 d), e) et f) et 76A de l'ordonnance sur les syndicats et des articles 40 (2), 43 et 52 de la loi sur les relations professionnelles, qui vont à l'encontre des principes de la liberté syndicale, le comité souhaiterait que le gouvernement étudie sérieusement la possibilité de modifier lesdits articles pour rendre sa législation syndicale conforme à ces principes. Le comité estime aussi que l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations devrait être attirée sur les aspects de la nouvelle législation qui sont incompatibles avec la convention no 98, ratifiée par la Malaisie.
- 208. Enfin, en ce qui concerne l'allégation du plaignant selon laquelle tant la Commission consultative tripartite nationale du travail que le Premier ministre ont passé outre à la protestation du plaignant, le comité note que, selon le gouvernement, des consultations ont eu lieu à plusieurs reprises et que de nombreuses suggestions sont reflétées dans les amendements. Compte tenu des déclarations contradictoires à cet égard, le comité se limitera à rappeler les termes de la recommandation (no 113) sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960, selon laquelle des mesures appropriées aux conditions nationales devraient être prises pour promouvoir une consultation et une coopération efficaces entre les autorités publiques et organisations d'employeurs et de travailleurs. Cette consultation et cette coopération devraient viser à permettre l'examen en commun des problèmes d'intérêt mutuel pour aboutir, dans toute la mesure possible, à des solutions acceptées de part et d'autre. De même la consultation devrait assurer que les autorités publiques compétentes recherchent les vues, les conseils et le concours des organisations d'employeurs et de travailleurs dans des domaines tels que la préparation et la mise en oeuvre de la législation touchant leurs intérêts.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 209. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver les conclusions suivantes:
- En ce qui concerne les allégations relatives à l'article 64 de l'ordonnance sur les syndicats et aux articles 2A et SA de la loi sur les relations professionnelles, le comité considère que ces aspects du cas n'appellent pas un examen plus approfondi.
- Le comité tient à attirer l'attention du gouvernement sur les principes et considérations énoncés dans les paragraphes qui précèdent à l'égard des articles 18, 27, 28, 40 (6), 52 d), e) et f) et 76A de l'ordonnance sur les syndicats, et des articles 40 (2), 43 et 52 de la loi sur les relations professionnelles, qui vont à l'encontre des principes de la liberté syndicale. Il prie le gouvernement d'envisager sérieusement une modification de ces articles pour rendre la législation syndicale conforme à ces principes.
- Le comité tient aussi à attirer l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects de la nouvelle législation qui sont incompatibles avec la convention no 98, ratifiée par la Malaisie.
- Le comité prie le gouvernement de l'informer de toute mesure prise ou envisagée pour modifier les dispositions susmentionnées de la législation syndicale conformément aux principes de la liberté syndicale exposés dans les précédents paragraphes.