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- 187. Les plaintes de la Confédération générale des travailleurs portugais (CGTP-IN) et de la Fédération des syndicats des travailleurs du textile, de la laine et de l'habillement figurent dans des communications des 23 et 27 octobre 1981, respectivement. La Fédération syndicale mondiale (FSM) a adressé un télégramme sur cette affaire le 5 novembre 1981. La Fédération du textile et la CGTP-IN ont envoyé des informations complémentaires à l'appui de leurs plaintes les 23 novembre et 10 décembre 1981. Enfin, la Confédération mondiale du travail (CMT) s'est jointe aux plaintes le 20 janvier 1982.
- 188. Le gouvernement, pour sa part, a fait parvenir ses observations dans des communications des 22 janvier, 11, 18 et 19 février et 31 mars 1982.
- 189. Le Portugal a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants
- 190. Dans cette affaire, l'ensemble des organisations plaignantes allèguent une violation du droit de négociation collective volontaire par le patronat qui, selon elles, aurait profité de la législation nationale pour obtenir un accord global avec un syndicat non représentatif, le Syndicat démocratique des textiles (SINDETEX), affilié à l'Union générale des travailleurs (UGT), et diminuer, par là même, les droits antérieurement acquis par les travailleurs dans les conventions collectives du secteur textile.
- 191. La Fédération des syndicats des travailleurs du textile, de la laine et de l'habillement envoie des informations détaillées où elle explique représenter 90 pour cent des travailleurs de ce secteur d'activité, lequel comprend 220.000 travailleurs, ce qui correspond au tiers de l'emploi dans l'industrie manufacturière. Brossant un tableau général de la situation depuis 1974, elle déclare qu'elle a participé aux négociations collectives en 1975, et que les conventions adoptées ont été révisées en 1977, 1979 et 1980.
- 192. Dans la présente affaire, elle s'insurge contre les dispositions du décret-loi no 519-C-1-79 qui impose un minimum de durée aux conventions collectives à compter de la date de leur publication au journal officiel et non, comme elle l'aurait souhaité, à partir de la date de la conclusion de l'accord. Elle explique que le dépôt, la publication et la promulgation des conventions étant des actes administratifs, le gouvernement retarderait au maximum la procédure de mise en application pour accéder aux désirs du patronat. Ainsi la dernière révision de la convention du 23 juin 1980 n'a été publiée que le 15 septembre et promulguée que le 20 octobre 1980.
- 193. D'une manière plus spécifique, la fédération, dans sa communication du 23 novembre 1981, déclare qu'elle avait proposé dès le 14 mai 1981 aux associations patronales d'actualiser les salaires, de créer des indemnités alimentaires et de réduire la durée du travail de 45 à 44 heures. Cependant, le patronat s'y est refusé en arguant de ce que dix mois ne s'étaient pas écoulés depuis la promulgation de la convention et en déclarant qu'il ne négocierait qu'après l'expiration de ce délai.
- 194. Parallèlement, le patronat a négocié avec un syndicat rival, SINDETEX, des conventions collectives qui retirent aux travailleurs une centaine de droits et avantages acquis et précisent formellement dans l'une de leurs clauses que les nouvelles conventions sont plus favorables que les conventions antérieures, ce qui, en application de l'article 15 du décret-loi précité, a pour effet de révoquer les droits acquis par les travailleurs, explique la fédération plaignante.
- 195. Elle ajoute que, lorsque le 4 septembre 1981 les négociations directes ont enfin commercé avec le patronat, celui-ci a d'abord refusé de négocier sur la durée du travail, les indemnités d'alimentation et l'organisation générale du travail, prétextant que la législation portugaise n'autorisait pas la négociation sur ces sujets cette année-là. Par la suite, changeant de tactique, il a prétendu imposer à tous les travailleurs les conditions conclues avec le SINDETEX. En effet, patronat et SINDETEX avaient, entre-temps, obtenu du gouvernement que leurs conventions soient étendues à tout le secteur. La fédération plaignante ayant refusé de se soumettre aux désirs du patronat sur ce point, les négociations furent rompues, la conciliation du ministère du Travail échoua et la médiation fut demandée en vain par la fédération plaignante car le patronat s'y refusa.
- 196. L'annonce, le 13 octobre 1981, par le Secrétaire d'Etat au Travail de ce qu'il allait étendre les conventions signées par le patronat et SINDETEX à tout le secteur d'activité provoqua une grève pacifique des travailleurs, à Covilha notamment. Dans sa communication du 10 décembre 1981, la fédération plaignante précise à cet égard que les piquets de grève ont agi dans le respect de la loi, qu'ils n'ont fait que de persuader les hésitants sur la motivation de la grève sans exercer de violence sur les briseurs de grève. Cependant, il ressort des communications des plaignants que le gouvernement aurait riposté par l'envoi de centaines de policiers dans les usines de textile et que, selon la Fédération du textile, les policiers auraient frappé des femmes, des enfants, des vieillards, et même des travailleurs des téléphones qui étaient en train de réparer les lignes téléphoniques.
- 197. En résumé, les plaignants estiment que les droits et avantages acquis retirés par l'extension qui a été effectivement prononcée par les arrêtés publiés au journal officiel du 21 novembre 1981, et dont une photocopie est jointe à la documentation, concernent dans le domaine de la liberté syndicale: la réduction du crédit d'heures des délégués syndicaux au minimum fixé par la loi, la réduction des heures payées passées en assemblée générale par les travailleurs dans les entreprises, la restriction au droit d'accès aux locaux syndicaux dans l'entreprise et des représentants aux réunions des travailleurs, le retrait de la compétence en matière de négociation qui était accordée à la commission syndicale d'entreprise ils portent aussi sur l'augmentation de l'horaire hebdomadaire du sous-secteur de la laine et de la tapisserie de 42 h 30 à 45 heures, sur la suppression de la nécessité de l'accord préalable de la commission syndicale de l'entreprise pour procéder à tout changement d'horaire ainsi que sur des restrictions de droits acquis en matière d'hygiène et de sécurité, de médecine du travail, de paiement du treizième mois, de discipline du travail et de conditions de travail des travailleurs à domicile.
- 198. La fédération plaignante, pour sa part, s'insurge contre le fait que le préambule des arrêtés d'extension ne fait aucune référence à l'opposition juridique qu'elle a manifestée contre ces textes.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 199. Le gouvernement admet que le secteur du textile occupe en effet 26 pour cent du total des travailleurs pour le compte d'autrui, d'où, déclare-t-il, l'intérêt qu'il porte à cette branche de l'économie, notamment lors des périodes de crise et de chômage. Il ajoute, à cet égard, que c'est justement dans le secteur du textile que s'est produit le plus grand nombre de conflits du travail et que certains avaient pour origine la négociation de conventions collectives. Ce fait, explique-t-il, n'est pas sans rapport avec le travail pénible dans cette industrie et les difficultés économiques qu'elle a traversées et qui n'ont pas rendu possible son développement et son avance technologique. C'est pourquoi il s'est efforcé d'éviter que des conflits subsistent dans ce secteur, soit en stimulant la négociation volontaire, soit, lorsque celle-ci s'est montrée impossible, en établissant des conditions de travail de sa propre initiative.
- 200. Puis le gouvernement fait un bref historique de la négociation collective dans le secteur du textile après 1974. Il explique que, de 1975 à 1980, les conditions de travail dans ce secteur ont été fixées par les autorités publiques, après de longs processus de négociation collective qui n'ont pas abouti. En effet, en 1975, 1977 et 1979, le ministère du Travail, à lui seul ou conjointement avec le ministère de l'Industrie, a établi les conditions de travail dans ce secteur, en faisant émettre des arrêtés de réglementation de travail, à la suite de divers conflits collectifs, motivés par des processus de négociation collective qui se sont avérés sans solution par le recours à des formes de solution volontaire de conflits prévues dans la loi portugaise (conciliation, médiation, arbitrage).
- 201. Le gouvernement ajoute que l'arrêté de réglementation de travail émis en 1975 contenait en annexe les conditions de travail négociées entre deux associations patronales du secteur en question et plusieurs associations syndicales, parmi lesquelles la fédération plaignante. Toutefois, au dire du gouvernement, selon certains dirigeants patronaux, une partie de ces conditions n'a pas été, en fait, appliquée.
- 202. Les conditions de travail établies en 1975, par voie administrative et par voie de négociation, poursuit-il, n'ont été modifiées qu'en 1977, en partie, au moyen d'un nouvel arrêté de réglementation de travail émis par les ministères du Travail et de l'Industrie après une négociation d'une année. Le préambule de l'arrêté fait mention du désaccord qui s'est manifesté entre les parties lors de la définition de l'étendue du secteur de la future convention et le ministère du Travail, à la demande de la Fédération des textiles, est intervenu dans cette définition en vue de contribuer à la solution du différend. Cependant, les parties n'ont pas pu surmonter leurs divergences, que ce soit dans les négociation directes déjà menées ou dans la conciliation obtenue, et les conditions de travail dans ce secteur ont à nouveau été fixées par les autorités publiques au moyen d'un arrêté de réglementation de travail. Il en fut de même en 1979.
- 203. En 1980, la première vraie convention collective verticale dans ce secteur après 1974 a été conclue par plusieurs associations patronales et syndicales, y compris la Fédération des syndicats des travailleurs des textiles, lainages et vêtements du Portugal. Elle maintenait en vigueur les conditions de travail les plus favorables contenues dans toute la réglementation précédente et établies par les autorités publiques, y compris celles qui ont commencé à être négociées en 1975, et n'incluait pas dans son champ d'action le sous-secteur du vêtement dans la zone sud du pays, dans lequel les conditions de travail avaient été à nouveau fixées par voie administrative, après des négociations infructueuses.
- 204. On le voit, poursuit le gouvernement, l'intervention des autorités publiques dans la réglementation des conditions de travail dans le secteur du textile s'est produite avec une relative fréquence, vu l'incapacité des parties d'obtenir des solutions négociées pour les différends qui les opposent et l'importance économique du secteur en question. Cette intervention, cependant, avait en vue des objectifs sociaux - adaptation périodique des conditions de travail, notamment des rémunérations -, et elle a eu lieu, dans la plupart des cas, à la demande des associations syndicales intéressées, dont la fédération plaignante; elle s'est tenue au strict accomplissement des normes légales - qui exigent que toutes les formes volontaires de négociation aient été épuisées - et elle n'a pas fait l'objet de contestation insurmontable de la part de ceux à qui elle s'adressait.
- 205. Puis le gouvernement relève que, selon les dires de la fédération plaignante, le processus de négociation aurait débuté le 14 mai 1981 par une proposition de négociation adressée à toutes les associations patronales du secteur, et qu'elle aurait été refusée par ces dernières en raison de son inopportunité. Le ministère ne dispose d'aucun élément à ce sujet mais il explique, d'une manière générale, qu'en accord avec la loi portugaise (article 16, no 2, du D.L. 519/79 du 29 décembre), les conventions collectives ne peuvent être dénoncées avant vingt ou dix mois à partir de la date de leur publication, selon qu'il s'agisse, respectivement, d'une révision globale ou d'une révision salariale or, puisque la convention que l'on prétendait revoir avait été publiée la 15 septembre 1980, les délais indiqués n'étaient pas encore écoulés et les associations d'employeurs avaient le droit légitime de refuser la négociation.
- 206. La fédération plaignante, poursuit le gouvernement, justifie la dénonciation avant l'écoulement du délai légal par le fait qu'un grand retard s'est vérifié dans la publication de la convention à revoir, et que ce retard était imputable au ministère du Travail. Cette affirmation est dénuée de tout fondement et elle ne peut être invoquée que de mauvaise foi, puisque ladite association syndicale tonnait les formalités qui concernent les règles du dépôt de la convention susmentionnée, et le gouvernement rappelle que les accords entre des organisations de travailleurs et d'employeurs doivent être déposés et publiés par le ministère du Travail. Le dépôt et la publication sont des actes administratifs soumis à des règles et à des délais obligatoires pour qu'ils deviennent effectifs (articles 24 et 26 du D.L. 519-cl/79) Ainsi, les conventions collectives doivent obligatoirement être remises pour dépôt aux services compétents et sont réputées déposées dans les quinze jours qui suivent la date de remise au ministère du Travail si elles n'ont pas été refusées. Cependant, le dépôt est refusé s'il n'obéit pas à certaines conditions (alinéa 3 de l'article 24 du D.L. 519-cl/79 et articles 11 et 15 du D.L. 121/78 du 2 juin). La convention conclue par la fédération plaignante, bien qu'elle ait été signée le 23 juin 1980, n'a été remise au ministère du Travail pour dépôt que le 30 juillet 1980 affirme le gouvernement. Ce dépôt a été refusé le 14 août 1980 pour défaut d'accomplissement des dispositions de l'article l du D.L. 121/78 qui exige que les conventions fixent, des salaires pour toutes les professions qu'elles comprennent. Cette correction n'a été faite par les parties que le 9 septembre 1980, et la convention a été déposée le jour même et envoyée immédiatement pour publication au Bulletin du ministère du Travail du 15 septembre 1980. La fédération plaignante ne peut pas affirmer qu'il y ait eu connivence entre le gouvernement et le patronat en vue de retarder le dépôt de la convention. Le retard observé n'est à imputer qu'aux parties qui, connaissant la loi, ne l'ont point observée.
- 207. Le gouvernement remarque que les plaignants ne décrivent pas comment s'est déroulé le processus de négociation après le refus des associations patronales de négocier, et le ministère du Travail n'a aucun élément à ce sujet. Mais, d'une façon générale, il explique que la négociation de conventions collectives se déroule en marge des autorités publiques.
- 208. Il poursuit en signalant que le ministère du Travail n'a eu officiellement connaissance que les négociations étaient bloquées que lorsque, le 17 septembre 1981, les associations patronales lui ont demandé de procéder à la conciliation, conformément à l'article 31 du D.L. 519-cl/79. Celle-ci a été tentée sans aucun succès lors de quatre réunions, et bien que les associations patronales aient souhaité qu'elle se prolonge, le conciliateur du ministère du Travail a été contraint de la considérer comme terminée. Le gouvernement annexe à sa réponse les procès-verbaux des réunions de conciliation. Il confirme d'autre part que le recours à la médiation a été proposé par les associations syndicales, mais qu'il a été refusé par les associations patronales, les deux parties ayant déclaré ne pas souhaiter avoir recours à l'arbitrage.
- 209. Pendant que se déroulait cette négociation, le gouvernement explique que le ministère du Travail a eu connaissance de la conclusion de deux conventions collectives dans le même secteur, qui lui étaient communiquées pour dépôt. Les parties à ces conventions sont quelques associations patronales comprises dans la négociation et plusieurs syndicats, dont le Syndicat démocratique des textiles - SINDETEX, lequel est en concurrence avec la fédération plaignante, dans le même secteur et le même contexte, pour la représentation des travailleurs des mêmes professions.
- 210. Sur le grief invoqué relatif à la représentativité du syndicat rival, le ministère du Travail, déclare le gouvernement, ne peut être juge de la représentativité du syndicat SINDETEX, ni l'empêcher, le cas échéant, de négocier des conventions collectives. A cet égard, il explique que les autorités publiques n'exercent aucun contrôle sur la représentativité préalable des syndicats à constituer et qu'elles n'ont pas de moyens qui leur permettraient de juger de leur représentativité "à posteriori". En effet, la loi ne prévoit pas l'obligation pour les syndicats de fournir au ministère du Travail le nombre de travailleurs qui y sort inscrits, et ils ne le font pas de leur propre initiative. En conséquence, le concept de représentativité en usage dans certains pays, notamment pour des effets de négociation collective, est inconnu en droit portugais. Ainsi, le gouvernement ne peut confirmer ou infirmer la représentativité que la Fédération des syndicats des textiles prétend détenir, comme il ne peut avancer aucun élément sur la représentativité du SINDETEX. Il ajoute qu'aux termes de la loi tous les syndicats ont le droit de conclure des conventions collectives (article 3 du décret-loi no 519). Les autorités publiques ne peuvent donc, légitimement, sans violer les normes susmentionnées, déterminer quels sont les syndicats représentatifs pour des effets de négociation collective; le principe en vigueur en cette matière est, par conséquent, celui de la liberté et de l'autonomie des parties dans le choix des partenaires pour les négociations, conclut le gouvernement.
- 211. Sur le grief relatif à l'inclusion dans la convention conclue par SINDETEX d'une clause dans laquelle il est déclaré que cette convention est plus favorable que la convention précédente, le gouvernement relève que la Fédération des syndicats des textiles s'y oppose parce qu'il en adviendrait pour les travailleurs de ce secteur une diminution de plus de 100 de leurs droits. Pour lui, la loi portugaise établit (article 15 du décret-loi 519-cl/79) le principe du progrès social, selon lequel les conditions de travail fixées par une convention ne peuvent être réduites par une convention ultérieure, sauf si les partenaires jugent que cette dernière convention, dans son ensemble, est plus favorable que la première. En ce cas, l'analyse de l'aspect le plus favorable des conditions de travail n'est plus faite point par point, selon la théorie du cumul juridique, mais elle est faite convention par convention, selon la théorie de l'observation globale.
- 212. Le gouvernement déclare qu'il n'est pas de son ressort de se prononcer sur l'inclusion dans des conventions collectives de dispositions de ce type et que, dans le système juridique portugais, les parties jouissent, dans les limites fixées par la loi (article 6 du D.L. 519-cl/79), de liberté et d'autonomie pour fixer le contenu matériel des conventions collectives.
- 213. Revenant sur la question du conflit qui a surgi entre la Fédération des syndicats des textiles et les associations patronales du même secteur à propos de la révision de leur convention, le gouvernement rappelle qu'il n'a pu être résolu par aucun des moyens volontaires de solution habituels: conciliation, médiation, arbitrage. Il explique que la loi portugaise admet (article 36 du D.L. 519-cl/79), en plus de ces formes de solution, lors de conflits surgissant au cours de la conclusion ou de la révision d'une convention collective, l'intervention du gouvernement - par l'intermédiaire du ministère du Travail et du secteur d'activité où ce conflit a eu lieu -, dans certaines conditions et si tous les moyens volontaires de solution ont été épuisés. Ces conditions se limitent aux cas d'impasse ou de mauvaise foi dans les négociations, imputables à l'une des parties ou à toutes les deux. L'intervention du gouvernement peut alors prendre la forme d'un arrêté de réglementation de travail ou d'un arrêté d'extension. Et, s'il existe dans le secteur où surgit un conflit au cours de la conclusion ou de la révision d'une convention collective une autre convention susceptible d'être appliquée aux parties en cause, la législation prévoit que le gouvernement l'élargisse, au lieu de fixer lui-même d'autres conditions de travail. Il justifie cette situation en déclarant qu'il serait aberrant que des autorités publiques elles-mêmes, au moyen de normes qu'elles établiraient, risquent de créer des asymétries dans le coût de la main-d'oeuvre ou dans les conditions de travail à l'intérieur d'un même secteur d'activité.
- 214. Ainsi, le ministère du Travail ayant eu connaissance de l'échec de la conciliation et les parties n'étant pas d'accord sur le recours à la médiation ou à l'arbitrage, le gouvernement pouvait, soit ne pas intervenir, soit intervenir en émettant des arrêtés d'extension des contrats qui ont entre-temps été conclus dans le même secteur d'activité, vu qu'un arrêté de réglementation, de travail, comme le souhaitait la Fédération des syndicats des textiles, n'était ni légalement viable, ni adéquat.
- 215. Ces solutions ont été communiquées à la fédération plaignante lors d'une réunion qui s'est tenue avec le Secrétaire d'Etat au Travail le 13 octobre 1981 et où il a été souligné que le gouvernement verrait avec intérêt la reprise des négociations directes, ce qui n'a pas eu lieu.
- 216. Donc, tenant compte de toutes les conditions existantes dans ce secteur - son importance économique et l'importance du conflit - ainsi que de l'attitude du gouvernement dans d'autres cas analogues, il a été décidé, conformément à l'article 29, alinéas 1, 5 et 6, du D.L. 519-cl/79, de rendre publique l'intention d'étendre les conventions conclues par le SINDETEX au moyen de la publication d'avis dans le Bulletin du travail et de l'emploi, le ministère du Travail cherchant à obtenir l'opinion des dirigeants patronaux et des travailleurs intéressés au sujet de l'extension qu'il prévoyait.
- 217. La Fédération des syndicats des textiles a fait opposition à ces avis invoquant, en plus de leur illégalité, l'illégalité et l'anticonstitutionnalité des arrêtés d'extension prévus, ajoutant qu'ils violeraient les conventions nos 87 et 98 de l'Organisation internationale du Travail, ratifiées par le Portugal.
- 218. Après avoir analysé les arguments présentés, le ministère du Travail a considéré que l'émission des arrêtés d'extension annoncés ne constituait aucunement une violation des normes invoquées et, aucune autre solution alternative ne se présentant, ces arrêtés ont donc été émis, cette solution étant, de l'avis du gouvernement, conforme à l'intérêt général.
- 219. Le gouvernement conclut en estimant que sa conduite n'est aucunement contraire aux principes figurant dans les conventions nos 87 et 98. En effet, les arrêtés d'extension ne violent pas le droit à la négociation collective, puisqu'ils n'ont été émis que lorsqu'il a été impossible d'aboutir par des négociations et qu'après avoir épuisé toutes les formes volontaires de solution du conflit qui opposait la Fédération des syndicats des textiles aux associations patronales de ce secteur. Il ajoute d'ailleurs que l'émission de ces arrêtés n'empêche nullement la continuation des processus de négociation volontaire. Le gouvernement affirme en outre que les conventions contestées se présentent globalement comme plus favorables et contiennent des augmentations de salaires de 21 pour cent supérieures à l'augmentation du coût de la vie qui est de 20 pour cent. Il déclare aussi que sa pratique habituelle est d'étendre celles des conventions qui présentent les meilleures conditions de travail. Cette pratique est fondée sur la conviction que les conventions présentant de meilleures conditions de travail doivent être, en principe, celles qui ont été conclues par les associations syndicales ayant un plus haut degré de représentativité. Au dire du gouvernement, c'est ce qui s'est passé avec les arrêtés d'extension mentionnés par la fédération. Du reste, rappelle-t-il, une situation identique s'était vérifiée lors de l'extension des conventions horizontales du secteur du textile, en 1980, sans que l'action du gouvernement ait fait l'objet de contestation et il estime qu'en matière d'extension il a toujours suivi les mêmes critères, indépendamment de l'appartenance des associations syndicales qui ont conclu les conventions à étendre, à l'une ou à l'autre des centrales syndicales existant dans le pays.
- 220. Quant à la prétendue répression exercée par les forces policières, le gouvernement déclare qu'il n'a pas eu connaissance qu'elles aient dépassé les strictes limites du maintien de l'ordre public.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 221. Dans la présente affaire, les versions des plaignants et du gouvernement sont en évidente contradiction. Pour les plaignants, des conventions collectives jugées par eux peu progressives et même restreignant les droits acquis par les travailleurs, et signées par un syndicat très peu représentatif (5 pour cent) de la branche, auraient été imposées par arrêté d'extension à tous les travailleurs du secteur textile, alors que la fédération plaignante représentative à 90 pour cent des intérêts des travailleurs était en train de négocier pour obtenir la révision de la convention collective de 1980 qu'elle avait signée avec le patronat et qui régissait les conditions de travail dans le textile. En revanche, pour le gouvernement, le conflit du travail entre le patronat et 'a fédération plaignante était arrivé à une impasse. Des associations syndicales rivales étant parallèlement parvenues à un accord global avec le patronat pour sauvegarder l'intérêt général dans ce secteur d'activité, le gouvernement a donc décidé d'étendre au secteur les dispositions des accords intervenus entre certaines associations syndicales dont SINDETEX et le patronat et jugés par le gouvernement comme contenant des dispositions plus favorables, notamment en matière d'augmentation de salaire.
- 222. Pour sa part, le comité n'est pas à même d'estimer si les dispositions de telles ou telles conventions collectives, e l'occurrence l'accord de 1980 par rapport à l'accord de 1981, sont ou non plus favorables. Cependant, et c'est là l'essentiel, le comité constate qu'effectivement les accords du 16 novembre 1981, publiés le 21 novembre, prévoient expressément qu'ils prévalent sur tout autre instrument de réglementation collective du travail applicable dans le secteur et le champ des conventions objet de l'extension, révoquant ainsi les droits antérieurs qui régissaient les conditions de travail dans le textile. Le comité estime dans ces conditions que le gouvernement, avant de prononcer l'extension, aurait pu, face à l'opposition de la fédération plaignante, qui disait représenter 90 pour cent des travailleurs de ce secteur, à un accord qu'elle estimait peu progressiste, procéder à une vérification objective de la représentativité des associations professionnelles en cause.
- 223. En l'absence d'une telle vérification, l'extension d'une convention peut en effet être imposée à tout le secteur d'activité contre l'avis même de l'organisation majoritaire de la catégorie de travailleurs visée par la convention étendue et limiter ainsi le droit de négociation volontaire de cette organisation majoritaire. En outre, ce système permet d'étendre des conventions dont certaines dispositions constituent une détérioration des conditions de travail et même de la protection des libertés syndicales. A cet égard, le comité relève que le gouvernement lui-même a déclaré que les conditions de travail fixées par une convention collective peuvent être réduites par une convention ultérieure si les partenaires jugent que cette dernière convention dans son ensemble est plus favorable que la première, l'analyse de l'aspect le plus favorable des conditions de travail n'étant pas fait point par point, mais convention par convention. Le comité estime que de telles situations ne peuvent qu'être préjudiciables au climat harmonieux des relations professionnelles dans un secteur d'activité donné. En conséquence, il veut croire qu'à l'avenir une telle situation pourra être évitée.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 224. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver les conclusions suivantes:
- Dans cette affaire, le comité estime que le gouvernement aurait pu, avant de prononcer l'extension de la convention face à l'opposition de la fédération plaignante qui dit représenter 90 pour cent des travailleurs de ce secteur, procéder à une vérification objective de la représentativité des organisations professionnelles en cause. Il veut croire qu'à l'avenir une telle situation pourra être évitée.