Visualizar en: Inglés - Español
- 154. Les plaintes en instance dans le présent cas ont été présentées en novembre 1986 et en juin et juillet 1987. Malgré de nombreuses demandes qui lui avaient été adressées par le comité, le gouvernement n'avait fourni aucun commentaire sur ces affaires. En conséquence, après avoir noté que les observations demandées à plusieurs reprises n'avaient pas été reçues et avoir lancé un appel pressant au gouvernement pour qu'il transmette ses observations, le comité, en novembre 1987, avait attiré l'attention du gouvernement sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, il présenterait un rapport sur le fond des affaires en instance à sa session suivante, même si les observations du gouvernement n'étaient pas reçues à temps.
- 155. A sa session de mars 1988, en l'absence de réponse du gouvernement, le comité avait dû examiner ce cas et présenter un rapport intérimaire sur le fond des affaires au Conseil d'administration (voir 254e rapport du comité approuvé par le Conseil d'administration en mars 1988).
- 156. En outre, conformément à une décision du comité, son président, M. Roberto Ago a rencontré la délégation gouvernementale de Haïti au cours de la Conférence internationale du Travail de 1988. Il a été décidé, au cours de cette entrevue, que la mission chargée d'examiner la mise en oeuvre des recommandations formulées en 1983 par la Commission d'enquête concernant les travailleurs haïtiens dans les plantations de canne à sucre en République dominicaine discuterait également des questions soulevées dans le présent cas. Cette mission s'est rendue à Haïti en octobre 1988, et le comité se propose d'examiner le cas à la lumière des informations qu'elle a recueillies sur place.
- 157. Haïti a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas
- 158. Les allégations formulées dans la présente affaire avaient trait essentiellement à des mesures de représailles antisyndicales exercées par les employeurs à l'encontre de travailleurs qui cherchaient à exercer des activités syndicales légitimes, à des arrestations à la suite d'une grève de deux jours en 1987 de militants et de dirigeants syndicaux nommément désignés par les plaignants, à la dissolution par voie administrative de la Centrale autonome des travailleurs haïtiens (CATH), même si par la suite cette dissolution avait été levée, à l'occupation violente des locaux de cette dernière et à la confiscation de matériel syndical lui appartenant. En l'absence de dénégation de la part du gouvernement sur ces allégations, le comité avait à l'époque dû conclure à la violation grave des principes de la liberté syndicale.
- 159. En mars 1988, le Conseil d'administration, sur recommandation du comité, après avoir déploré le manque de coopération du gouvernement dans cette affaire, lui avait demandé:
- - d'assurer que les biens et fonds de la Centrale autonome des travailleurs haïtiens confisqués lors de l'assaut du siège de la centrale le 22 juin 1987 (voiture, matériel de bureau, somme d'argent) soient restitués à la CATH;
- - de prendre des mesures sévères pour prévenir les risques que comportent les activités syndicales, les arrestations de syndicalistes à la suite de grèves et les mauvais traitements et autres mesures punitives qui leur auraient été infligés, et d'indiquer si des enquêtes judiciaires ont été engagées à propos des mauvais traitements qui auraient été infligés aux syndicalistes emprisonnés;
- - de s'efforcer d'obtenir la réintégration de nombreux travailleurs licenciés pour avoir voulu exercer des activités syndicales légitimes, y compris la création d'organisations syndicales au sein de leurs entreprises.
B. Informations recueillies par la mission
B. Informations recueillies par la mission
- 160. La mission a rencontré sur place des représentants syndicaux concernés par cette affaire. Ceux-ci ont précisé que beaucoup de matériel emporté par les forces armées, après l'assaut des locaux de la CATH le 22 juin 1987, n'a pas été rendu, à savoir une photocopieuse, trois machines à écrire, trois motocyclettes, 1.800 dollars et les archives de l'organisation. Quelques appareils ont été rendus mais tous brisés et incapables de fonctionner.
- 161. D'après les représentants syndicaux, les travailleurs licenciés pour avoir voulu exercer des activités syndicales légitimes n'ont pas été réintégrés dans leur poste de travail et huit militants de la CATH, malmenés lors de leur arrestation le 22 juin 1987, sont toujours malades et à la charge de la CATH pour soins médicaux. Aucune enquête judiciaire n'a été menée à propos des allégations de mauvais traitements.
- 162. Les représentants syndicaux ont par ailleurs allégué qu'il n'y a qu'une liberté syndicale apparente dans le pays, qu'aucune norme garantissant la liberté syndicale n'est respectée, qu'avec la connivence des autorités les employeurs ne respectent pas la liberté syndicale et que les travailleurs continuent d'être licenciés pour activités syndicales. Les représentants syndicaux ont également dénoncé, de manière générale, la corruption qui règne parmi les inspecteurs et au sein des tribunaux du travail, indiquant que certains dossiers sont en instance depuis 1986 sans que les ouvriers aient reçu de salaires, de primes ou de pension, que des fédérations paysannes affiliées à la CATH attendent depuis deux ans d'être enregistrées et que deux locaux syndicaux ont été incendiés.
- 163. Les autorités gouvernementales pour leur part ont réfuté ces allégations précisant que tout le matériel confisqué avait été rendu à la CATH et que, pour le surplus, les allégations n'avaient pas pu être vérifiées. Les autorités gouvernementales ont néanmoins assuré que la question du remboursement des frais médicaux encourus par les militants malmenés pourrait être réexaminée.
- 164. Au sujet de la réintégration des syndicalistes licenciés, les autorités gouvernementales ont souligné que cette question relève des tribunaux du travail, mais elles ont admis que la difficulté consiste en ce que les tribunaux n'imposent que des dommages et intérêts ou des amendes et non la réintégration des travailleurs dans leur poste de travail. Les autorités n'ont pas nié, par ailleurs, qu'il n'y avait pas eu d'enquête judiciaire sur les agissements des militaires dont a été victime la CATH le 22 juin 1987.
- 165. De plus, au cours de la mission sur place, des projets de modifications des dispositions législatives et réglementaires ont été élaborés avec les autorités gouvernementales en vue de mettre les dispositions de la législation nationale en conformité avec les conventions nos 87 et 98, et le gouvernement s'est engagé à tenir un séminaire national sur les normes internationales du travail en Haïti au cours de l'année 1989.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 166. Jusqu'ici le comité avait été tenu de déplorer le manquement grave du gouvernement à l'obligation de coopérer à la procédure. Le comité ne peut que se féliciter de ce que la mission qui s'est rendue sur place en Haïti a pu rencontrer sans entraves tant l'organisation nationale plaignante que les autorités gouvernementales et a pu noter une certaine évolution en matière de liberté syndicale dans le pays.
- 167. Sur le fond des affaires en instance, le comité prend note des informations et des observations des plaignants ainsi que celles du gouvernement. S'il observe en particulier que, selon les plaignants, la liberté syndicale n'est toujours pas respectée dans la pratique, loin s'en faut, le comité relève néanmoins plusieurs éléments positifs qui vont dans le sens d'une amélioration sensible de la situation syndicale. Notamment la dissolution de la CATH a été levée, les syndicalistes détenus ont été libérés et certains des biens confisqués à la CATH ont été restitués à cette centrale, même si ces biens n'étaient pas toujours en bon état.
- 168. Sur le plan des faits, le comité note toutefois avec préoccupation que des militants syndicaux ont été malmenés lors des événements de juin 1987 et que les soins médicaux qui leur sont donnés sont à la charge de la CATH. Tenant compte des assurances données par le gouvernement à la mission selon lesquelles la question du remboursement des frais médicaux encourus par les militants malmenés lors de ces événements pourrait être réexaminée, le comité prie instamment le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 169. Au sujet de la réintégration des travailleurs licenciés pour activités syndicales, le comité, tout en prenant note des indications du gouvernement selon lesquelles la question relève des tribunaux du travail, ne peut que rappeler avec fermeté ses conclusions antérieures, à savoir qu'un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les fondateurs d'organisations syndicales, étant donné que pour remplir leurs fonctions ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudices en raison des mandats syndicaux qu'ils briguent ou qu'ils détiennent.
- 170. Le comité insiste donc auprès du gouvernement pour qu'il s'efforce d'obtenir la réintégration des travailleurs licenciés pour avoir tenté de fonder une organisation syndicale, et il le prie instamment de le tenir informé de tout progrès intervenu dans ce domaine.
- 171. Au sujet de l'aspect législatif du cas, le comité note qu'au cours de la mission des projets de modifications des dispositions législatives ou réglementaires ont été élaborés à la lumière des commentaires de la commission d'experts afin de mettre la législation en conformité avec les conventions ratifiées. Le comité espère que les organisations professionnelles et le Bureau international du Travail seront consultés avant l'adoption desdits projets et il veut croire que des dispositions conformes aux conventions nos 87 et 98 seront adoptées rapidement.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 172. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité note que, contrairement à ce qui est arrivé dans le passé, le gouvernement a coopéré à la procédure en acceptant la venue sur place d'une mission du BIT qui a pu noter une certaine évolution en matière de liberté syndicale dans le pays, en particulier la dissolution de la CATH a été levée, les syndicalistes détenus ont été libérés et certains des biens confisqués à la CATH ont été restitués à cette centrale.
- b) Néanmoins, le comité note avec préoccupation que des militants syndicaux ont été malmenés lors des événements de juin 1987 et que les soins médicaux qui leur sont donnés sont à la charge de la CATH. Le comité, notant que le gouvernement a indiqué à la mission que la question du remboursement de ces frais médicaux pourrait être réexaminée, prie instamment le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) Le comité observe également avec regret, au sujet des travailleurs qui ont été licenciés pour activités syndicales, que le gouvernement indique seulement que ces questions relèvent des tribunaux du travail. Le comité insiste auprès du gouvernement pour que, conformément aux engagements internationaux qui sont les siens en vertu de l'article 1 de la convention no 98 qu'il a ratifiée, il prenne des mesures pour assurer aux travailleurs une protection contre les actes de discrimination antisyndicale.
- d) Le comité demande donc au gouvernement de s'efforcer d'obtenir la réintégration des travailleurs licenciés pour avoir tenté de fonder une organisation syndicale, et il le prie instamment de le tenir informé de tout progrès intervenu à cet égard.
- e) Le comité veut croire qu'une législation conforme aux conventions nos 87 et 98 sera adoptée rapidement en consultation avec les organisations professionnelles et le Bureau international du Travail, et il attire l'attention de la commission d'experts sur cet aspect du cas.