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Informe provisional - Informe núm. 286, Marzo 1993

Caso núm. 1623 (Bulgaria) - Fecha de presentación de la queja:: 29-ENE-92 - Cerrado

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  1. 474. Dans une communication en date du 29 janvier 1992, la Confédération des syndicats indépendants en Bulgarie (CSIB) a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de la Bulgarie. Elle a présenté de nouvelles allégations en date du 25 mai 1992. La Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE), dans une lettre datée du 15 juin 1992, a déclaré appuyer cette plainte.
  2. 475. Le gouvernement a envoyé ses observations au sujet des allégations dans des communications en date des 23 avril et 2 octobre 1992.
  3. 476. La Bulgarie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 477. Dans sa lettre du 29 janvier 1992, la Confédération des syndicats indépendants en Bulgarie (CSIB) allègue que la loi sur le patrimoine du Parti communiste bulgare, de l'Union populaire agrarienne bulgare, du Front de la patrie, de l'Union dimitrovienne de la jeunesse communiste, de l'Union des combattants actifs contre le fascisme et le capitalisme et des syndicats bulgares, entrée en vigueur le 19 décembre 1991 et prévoyant que le patrimoine acquis par le Conseil central des syndicats bulgares après le 9 septembre 1944 doit être considéré comme illégalement acquis et de ce fait confisqué au profit de l'Etat, est en contradiction flagrante avec les principes et les normes du droit international.
  2. 478. La CSIB est d'avis que cette loi n'est pas compatible avec un certain nombre de traités internationaux auxquels la Bulgarie est partie signataire, notamment la convention no 87 de l'OIT.
  3. 479. La CSIB estime que la loi du 19 décembre 1991 ne tient pas compte de la spécificité du développement historique du mouvement syndical en Bulgarie. Elle explique que les syndicats bulgares (Conseil central des syndicats bulgares) visés par cette loi existent depuis 1945 et que, durant 45 années, tous les salariés, soit environ 4 millions de personnes rien que pour les trois dernières décennies, ont adhéré à cette centrale. Leurs cotisations ont constitué d'importants fonds propres qui ont été affectés à la création du patrimoine syndical. La CSIB a condamné résolument le totalitarisme et le collaborationnisme du Conseil central des syndicats bulgares lors de son congrès constitutif en février 1990. Elle a fait siens et appliqué de manière conséquente les principes authentiques du syndicalisme, dans le cadre nouveau du pluralisme syndical, en tant que partie intégrante de la société bulgare en voie de démocratisation. L'article 32 de ses statuts, adoptés le 18 février 1990, stipule que la CSIB est un ayant droit du patrimoine et des biens du Conseil central de syndicats bulgares. Une partie considérable du patrimoine syndical de la CSIB visé par la loi du 19 décembre 1991 est par conséquent le fruit des contributions de plusieurs générations de travailleurs, et sa confiscation constitue une violation du droit de propriété de la CSIB sur ce patrimoine.
  4. 480. Toujours selon la CSIB, immédiatement après sa constitution et sur son initiative, le patrimoine d'Etat que les syndicats avaient à gérer auparavant a été entièrement rendu à l'Etat par l'arrêté du Conseil des ministres no 88 de 1990. La CSIB fait remarquer que son patrimoine actuel est un patrimoine syndical et non pas étatique, ce qui a été confirmé à la suite d'un contrôle effectué en 1991 par le ministère des Finances dont les conclusions ont indiqué de façon catégorique que la CSIB n'a pas de patrimoine qui doit être restitué à l'Etat.
  5. 481. La CSIB indique qu'à plusieurs reprises elle s'est déclarée prête à mettre une partie de son patrimoine à la disposition d'autres syndicats car elle est consciente du fait que celui-ci est constitué de cotisations de travailleurs dont une partie est aujourd'hui membre d'autres syndicats. La CSIB estime que la loi du 19 décembre 1991 est inspirée par des motifs politiques visant à éliminer la CSIB et à mettre fin au pluralisme syndical dans le pays en ressuscitant - cette fois-ci par une loi - "l'organisation syndicale unique" typique du passé totalitaire de la Bulgarie. Elle est d'avis que cela revient à mettre en cause l'idée même de la liberté syndicale.
  6. 482. Depuis février 1990, continue la CSIB, elle arbore l'image nouvelle d'un syndicat démocratique réunissant quelque 2,5 millions d'adhérents. Ceux-ci versent régulièrement, bénévolement et librement leurs cotisations, ce qui a permis de créer un nouveau patrimoine syndical. Pendant ce temps, elle n'a reçu aucune subvention de l'Etat. La confiscation prévue par la loi du 19 décembre 1991 inclut également ce patrimoine, ce qui représente encore une mainmise brutale sur sa propriété syndicale.
  7. 483. La CSIB est d'avis que l'intervention de l'Etat pour déterminer ses besoins traduit une autre atteinte au libre exercice du droit syndical. L'article 1 de la loi du 19 décembre 1991 ordonne la confiscation totale du patrimoine syndical et, aux termes de l'article 2, il est demandé au Conseil des ministres et aux autorités communales de ne fournir à la CSIB que "des locaux et des biens mobiliers" indispensables à la réalisation de ses activités, l'Etat se réservant le monopole d'évaluer les besoins en question. Ces dispositions ont déjà été mises en application par la décision no 26 du 20 janvier 1992. Le Conseil des ministres a défini unilatéralement les locaux dans lesquels la CSIB devra installer son siège, ce qui s'avère une ingérence inadmissible destinée à rendre les syndicats économiquement dépendants de l'Etat.
  8. 484. Selon la CSIB, la loi du 19 décembre 1991 porte atteinte aux droits des syndicats garantis par les articles 2, 3, 7 et 10 de la convention no 87. La mainmise sur le patrimoine syndical, c'est-à-dire la confiscation totale de celui-ci préconisée par la loi, privera la CSIB de possibilités réelles d'élaborer et de soutenir ses programmes de promotion et de défense syndicale des travailleurs. Une telle mesure viderait de son contenu le statut de personnalité juridique dont bénéficient de droit (sans procédure d'immatriculation aux registres) les syndicats en Bulgarie aux termes de l'article 49 du Code du travail. Selon la législation bulgare, une personnalité juridique dépourvue de patrimoine serait un non-sens juridique; la saisie du patrimoine voudrait signifier la liquidation pure et simple de cette personnalité juridique.
  9. 485. Dans une communication datée du 25 mai 1992, la CSIB a présenté de nouvelles allégations. Elle déclare que le bureau du Procureur a entamé des poursuites judiciaires contre M. Ivan Neikov, vice-président de la CSIB, pour avoir participé à des actions de protestation contre la prise de possession de l'immeuble du Syndicat des marins à Rousse, qui s'est déroulée avant l'adoption de la loi prévoyant la confiscation du patrimoine de la CSIB. Il aurait également été interdit à M. Neikov de quitter Sofia, raison pour laquelle il n'a pas été en mesure de participer à la Conférence de l'OIT. La CSIB indique que des poursuites similaires vont être engagées contre d'autres de ses dirigeants et ceux de la Confédération Podkrepa. Elle déclare également qu'elle fait constamment l'objet de pressions brutales et de harcèlement. Les immeubles qu'elle possède partout dans le pays ont été confisqués en vertu de la loi du 19 décembre 1991 et ses comités syndicaux se sont trouvés à la rue et dépourvus de moyens de travail. Avec l'aide d'instances judiciaires obéissantes, le gouvernement intente des procès politiques aux dirigeants de la CSIB. Les militants des syndicats affiliés à la confédération sont les premiers à être victimes des mesures de réduction d'effectifs sans qu'il soit tenu compte de la protection garantie par les dispositions du Code du travail.

B. Réponses du gouvernement

B. Réponses du gouvernement
  1. 486. Dans une première réponse datée du 23 avril 1992, le gouvernement indique qu'un groupe de députés du Parlement a déposé un recours auprès de la Cour constitutionnelle de la République de Bulgarie demandant que la partie de la loi du 19 décembre 1991 relative au patrimoine des syndicats bulgares, dont la CSIB était cessionnaire, soit déclarée inconstitutionnelle en vertu de l'article 149, paragraphe 1, alinéas 2 et 4, de la Constitution, et incompatible avec les principes du droit international universellement reconnus et les conventions internationales ratifiées par la Bulgarie. Suite à ce recours, le président de la Cour a ouvert une procédure sur la question du patrimoine de la CSIB (cas no 5/1992). Il l'a notifié aux parties concernées et les a invitées à soumettre leurs observations écrites ainsi que leurs moyens de preuve. Une fois que la Cour aurait estimé disposer de preuves suffisantes en vue du règlement du cas, elle prononcerait sa décision dans un délai de deux mois.
  2. 487. Le gouvernement déclare que la loi du 19 décembre 1991 ne prive pas la CSIB du droit d'acquérir des biens syndicaux. Selon l'article 2 de la loi, le Conseil des ministres et les communes doivent fournir aux organisations affectées par la loi, y compris la CSIB, les locaux et le mobilier nécessaires à leurs activités, et ceci après qu'elles aient présenté une déclaration de leurs besoins dans un délai d'un mois à partir de l'entrée en vigueur de la loi. En ce qui concerne le patrimoine qui avait été donné par l'Etat aux syndicats bulgares, le but manifeste de ces décisions avait été d'établir une organisation syndicale approuvée et contrôlée par l'Etat, comme l'attestent les statuts des syndicats bulgares. Il ne faisait aucun doute que les objectifs principaux et les domaines d'activité de ces syndicats étaient en pleine harmonie avec les décisions du parti et du gouvernement. Compte tenu de ces éléments, le gouvernement estime que le patrimoine de cette organisation ne peut jouir de la protection garantie par les termes généraux des articles 3 et suivants de la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical. Il estime que le patrimoine en question devait être distribué entre les nouvelles organisations syndicales.
  3. 488. Pour ce qui est de la question relative à la distinction entre le patrimoine acquis à travers les subventions de l'Etat et celui constitué par les cotisations qui avaient été versées par les membres des syndicats bulgares, elle présente, selon le gouvernement, une complexité factuelle. Seul un organe judiciaire compétent, en examinant tous les éléments de preuves écrites disponibles, y compris les documents parlementaires sur les débats qui avaient précédé l'adoption de la loi du 19 décembre 1991, serait en mesure d'évaluer pleinement ces questions ainsi que de les clarifier.
  4. 489. Dans une communication ultérieure datée du 2 octobre 1992, le gouvernement envoie des observations supplémentaires ainsi qu'une copie de la décision rendue par la Cour constitutionnelle le 27 juillet 1992. Le gouvernement indique qu'il est d'avis que le recours introduit devant cette Cour n'était pas justifié puisque la loi du 19 décembre 1991, qui fait l'objet de ce recours, vise à séparer de façon réelle les syndicats de l'Etat ainsi qu'à rétablir la justice dans la société. La loi ne présente pas un caractère de confiscation. Au contraire, elle a pour but le recouvrement des biens matériels dont l'Etat est propriétaire.
  5. 490. Le gouvernement explique qu'il est notoirement admis que les anciens syndicats bulgares ne constituaient pas une organisation autonome fondée sur les principes de la liberté syndicale. Ce syndicat était au service du Parti communiste bulgare qui s'était approprié le droit de guider de façon exclusive la société et l'Etat bulgare. La Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de l'OIT a soulevé à maintes reprises cette relation de dépendance en soulignant que celle-ci ne permettait aucun libre choix en matière d'organisation professionnelle. Le gouvernement continue en indiquant que la création de syndicats qui fonctionnent selon le principe du libre choix - y compris la CSIB - est récente. Ce principe garantit la liberté d'association, l'acquisition d'une liberté protégée légalement et la non-ingérence des autorités dans les activités syndicales. Le gouvernement estime que l'adoption de la loi du 19 décembre 1991 ne constitue pas un obstacle à la liberté d'association et ne porte pas atteinte à la personnalité juridique de la CSIB. La loi en question traite uniquement de questions relatives à des biens qui ont été acquis de manière injustifiée.
  6. 491. Le gouvernement fait observer que la CSIB, après sa constitution en syndicat indépendant ayant rompu tout lien avec le Parti communiste bulgare, a souhaité garder les biens qui appartenaient auparavant aux syndicats bulgares et s'en est unilatéralement déclarée successeur. A la question de savoir qui est le propriétaire de ces biens, grâce à quels fonds ils ont été acquis et qui est en droit de s'en considérer le successeur, le gouvernement explique qu'en vertu de la loi la CSIB a déclaré être propriétaire d'environ 150 millions de leva, soit 84 millions de biens immobiliers et 9 millions de valeurs mobilières, 18 millions de valeurs en caisse ou à encaisser et 38 millions d'intérêts dans des sociétés, maisons d'édition et associations. D'après des documents qui n'ont pas été contestés, les syndicats bulgares avaient reçu de l'Etat 630 millions de leva. Ce montant concerne uniquement un tiers de la période considérée. Pour les fonds attribués pendant les deux autres tiers de cette période, le gouvernement ne dispose pas d'informations. C'est la raison pour laquelle ils n'ont pas été inclus dans le montant cité, les biens des syndicats n'ayant pas été contrôlés régulièrement. Pour les dix dernières années, de 1981 à 1990, la somme allouée par le budget de l'Etat a été de 614 millions de leva. Il résulte de ces chiffres que la valeur des biens confisqués en vertu de la loi du 19 décembre 1991 est nettement inférieure au montant des fonds reçus en dotation de l'Etat. Des profits économiques avaient été réalisés par les anciens syndicats aux dépens de l'Etat. Etant donné qu'il est reconnu que les anciens syndicats étaient des organisations gérées par l'Etat et dominées par le parti communiste, le gouvernement estime que le seul objectif de la loi de 1991 est de recouvrer les biens de l'Etat, puisqu'ils ont été acquis grâce à des fonds alloués par l'Etat, et non de mettre obstacle aux activités syndicales. Il est en outre incontestable que les syndicats bulgares ont reçu davantage de fonds gouvernementaux au cours de la période considérée qu'ils n'en ont déclarés.
  7. 492. Le gouvernement fait remarquer qu'un grand nombre de fonctions qui étaient auparavant exercées par les anciens syndicats bulgares - protection du travail, sécurité sociale, récréation sociale, bureaux de placement et bien d'autres fonctions sociales - ont été reprises par le gouvernement et doivent être effectuées grâce également aux biens recouvrés par l'Etat. Aux termes de la résolution no 374 du 22 septembre 1991 du Conseil des ministres, le ministère du Travail et des Affaires sociales a dorénavant compétence pour résoudre les problèmes urgents liés aux facilités matérielles à mettre en place en matière de bureaux de placement et de propriétés des organisations que l'Etat s'est appropriés en vertu de la loi.
  8. 493. Selon une des allégations faisant partie du recours introduit devant la Cour constitutionnelle, la liberté syndicale aurait été violée en raison de l'appropriation par l'Etat des biens des syndicats. Le gouvernement nie cette allégation en invoquant l'article 2 de la loi du 19 décembre 1991 qui oblige le Conseil des ministres et les conseils municipaux à attribuer aux organisations dont les biens ont été retirés par la loi des locaux et des meubles nécessaires à l'exercice de leurs activités. En vue de s'acquitter de cette obligation, le Conseil des ministres, en application de l'article 46 du Code du travail, a, par la décision no 26 du 20 janvier 1992, attribué à la CSIB, plaignant dans cette affaire, à titre gratuit, des locaux (du 11e au 19e étage de l'immeuble central des syndicats à Sofia pour satisfaire les besoins administratifs de sa direction centrale), des véhicules (33 automobiles et 3 minibus), du mobilier de bureau et des fonds en espèces destinés à payer les dépenses de décembre 1991 et janvier 1992. Par ailleurs, par la décision no 22 du 11 février 1991, le Conseil des ministres avait également attribué un immeuble administratif à la Confédération "Podkrepa". Le gouvernement indique que les autorités municipales ont mis des immeubles et autres facilités matérielles à disposition des bureaux régionaux de la CSIB. En outre, il assure que la confédération plaignante ainsi que tous les autres syndicats sont entièrement libres d'acquérir dans le futur des biens et de les utiliser, conformément à la législation en vigueur, pour mettre en oeuvre leurs programmes et autres activités syndicales.
  9. 494. Le gouvernement est d'avis que tout ce qui précède mène à conclure que les normes et conventions internationales n'ont pas été violées et que la loi du 19 décembre 1991 n'entrave pas la liberté syndicale. Il fait remarquer à cet égard que le recours introduit devant la Cour constitutionnelle ne fait pas mention de violations concrètes des conventions nos 87 et 98. Le gouvernement exprime l'espoir que les conclusions du Comité de la liberté syndicale contribueront au processus de démocratisation dans le pays.
  10. 495. Par la même communication, le gouvernement transmet une copie du texte du jugement de la Cour constitutionnelle en date du 27 juillet 1992. La Cour avait à se prononcer sur deux recours, introduits respectivement le 19 février 1992 par un groupe de 48 parlementaires et le 5 mars 1992 par un groupe de 51 parlementaires, selon lesquels la loi du 19 décembre 1991 n'est pas conforme à la Constitution et aux normes et conventions internationales ratifiées par la Bulgarie. La Cour a rejeté les recours en considérant que la loi a été promulguée en vue d'éliminer les effets de la relation étroite entre le Parti communiste bulgare et les anciens syndicats et afin de donner à l'Etat la possibilité de recouvrer les fonds grâce auxquels les anciens syndicats s'étaient enrichis de manière injustifiée aux dépens de l'Etat. Conformément aux principes du pluralisme politique, la loi tend à séparer l'Etat des organisations politiques et cette opération est conforme à la nouvelle Constitution. En ce qui concerne la violation alléguée des conventions nos 87 et 98, la Cour a estimé que, étant donné que ces conventions se fondent sur le principe que les syndicats sont séparés de l'Etat et ne dépendent pas financièrement de ce dernier, la loi n'entrave pas les droits garantis par ces instruments.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 496. Le comité note que le présent cas porte sur le problème de la dévolution des biens acquis par les syndicats bulgares après le 9 septembre 1944. L'affaire peut être résumée de la manière suivante.
  2. 497. Sous le régime communiste, les syndicats avaient acquis une masse considérable de biens avec les ressources obtenues de l'Etat et des cotisations de leurs membres. Le patrimoine ainsi accumulé était d'autant plus important que les fonctions exercées par les syndicats allaient bien au-delà des activités traditionnelles menées par les organisations de travailleurs pour la défense des intérêts de leurs membres. Elles recouvraient notamment des activités dans des domaines aussi variés que la sécurité sociale, les loisirs, les bureaux de main-d'oeuvre, etc.
  3. 498. A la suite de la disparition du Conseil central des syndicats bulgares (CCSB), la Confédération des syndicats indépendants en Bulgarie, organisation plaignante dans la présente affaire, s'est déclarée, lors de l'adoption de ses statuts en 1990, successeur des biens financiers et autres du CCSB. Selon ses propres dires, elle aurait remis aux autorités gouvernementales la part du patrimoine étatique que les syndicats avaient à gérer auparavant.
  4. 499. Dans le contexte de la démocratisation du pays, l'Assemblée nationale a adopté, le 19 décembre 1991, une loi qui déclarait illégale l'acquisition des biens du Parti communiste et de diverses organisations qui lui étaient liées, dont le Conseil central des syndicats bulgares. En conséquence, les patrimoines acquis par ces organisations étaient confisqués. Par la suite, pour ce qui concerne les organisations syndicales, le Conseil des ministres a remis aux confédérations syndicales CSIB et Podkrepa, conformément à la loi de confiscation, "les locaux et biens mobiliers indispensables à la réalisation de leurs activités". Selon le gouvernement, les municipalités ont également, comme leur impose la loi, assigné des locaux et du matériel aux structures régionales de la CSIB.
  5. 500. Saisie de deux recours en inconstitutionnalité de la loi sur le patrimoine, la Cour constitutionnelle a débouté les requérants en estimant que cette loi était conforme à la fois à la Constitution nationale et aux obligations internationales de la Bulgarie, notamment la convention no 87.
  6. 501. En présentant sa plainte devant le comité, la CSIB fait valoir que la loi en cause contrevient aux principes de la liberté syndicale en ce sens qu'elle constitue une ingérence dans les activités internes des syndicats. Pour le gouvernement en revanche, non seulement la loi n'entrave pas la liberté syndicale, mais elle vise au contraire à séparer les syndicats de l'Etat.
  7. 502. En examinant la présente affaire, le comité est pleinement conscient de la grande complexité des questions qui y sont soulevées. Cette complexité tient à plusieurs facteurs: la diversité et l'origine des ressources dont disposaient les anciens syndicats bulgares (subventions de l'Etat et cotisations de leurs membres), la nature des fonctions qui leur étaient assignées (activités de nature syndicale et fonctions de nature administrative), l'émergence d'un pluralisme syndical.
  8. 503. Il n'échappe pas au comité que le processus de démocratisation dans le pays et la nouvelle situation syndicale exigeaient des mesures de la part du gouvernement. Il était en particulier indispensable que la question de la dévolution du patrimoine syndical accumulé par les anciens syndicats bulgares soit traitée sans tarder, d'une part, parce qu'une partie des fonctions qui étaient autrefois assignées aux syndicats devaient revenir, dans le cadre de la démocratisation, à l'Etat et, d'autre part, parce que l'appropriation unilatérale des biens syndicaux par la seule Confédération des syndicats indépendants en Bulgarie ne pouvait être considérée ni comme légitime ni comme satisfaisante dans une situation de pluralisme syndical.
  9. 504. Du fait de cette nécessité de l'intervention de l'Etat, l'utilisation de la voie législative pour traiter de la dévolution du patrimoine syndical ne peut, de l'avis du comité, être en soi considérée comme incompatible avec les principes de la liberté syndicale. Il reste cependant à examiner les modalités fixées par la loi quant à l'étendue du patrimoine confisqué et à la restitution aux syndicats d'une partie du patrimoine.
  10. 505. En ce qui concerne l'étendue du patrimoine confisqué, il ressort des déclarations de l'organisation plaignante que le patrimoine constitué par les cotisations volontaires des membres de la CSIB depuis sa création en février 1990 a été inclus dans les actifs confisqués. Cette assertion n'a pas été démentie par le gouvernement. Le comité considère sur ce point que cette partie du patrimoine devait être considérée sans ambiguïté comme propriété de la CSIB et n'aurait donc pas dû faire l'objet d'une confiscation.
  11. 506. Pour ce qui est du problème de la restitution aux syndicats d'une partie des biens confisqués, le comité doit rappeler que, lorsqu'il a eu à connaître d'un cas concernant la dévolution d'un patrimoine syndical, il a souligné l'importance du principe de l'affectation des biens aux finalités pour lesquelles ceux-ci avaient été acquis. (Voir 194e rapport, cas no 900 (Espagne), paragr. 261.)
  12. 507. Dans le cas présent, le comité est d'avis qu'il était nécessaire, comme l'a fait la loi en cause, d'opérer une distinction entre, d'une part, les activités des anciens syndicats qui pouvaient être considérées comme des activités syndicales ayant pour but la promotion et la défense des intérêts des travailleurs au sens de l'article 10 de la convention no 87, et, d'autre part, les autres activités qui pouvaient être considérées comme des fonctions qui sont normalement exercées par l'Etat.
  13. 508. A cet égard, le comité note que, selon le gouvernement, les biens recouvrés par l'Etat en vertu de la loi ne constituent qu'une faible partie du patrimoine que les syndicats bulgares ont acquis à partir de 1944. Toujours selon le gouvernement, ces ressources ont désormais été affectées à différentes fonctions, dont à son avis un grand nombre relève normalement de la compétence de l'Etat et non d'organisations syndicales. Le comité, ayant pris note du fait que le gouvernement indique que l'exercice de ces fonctions a été repris par lui et doit être effectué grâce aux biens recouvrés par l'Etat, est d'avis que le recouvrement de biens, dans le but de remplir des fonctions qui ne peuvent pas être considérées comme des activités propres aux syndicats, ne met pas en cause les principes de la liberté syndicale.
  14. 509. Le comité note, par ailleurs, que le gouvernement a procédé à une réaffectation, à titre gratuit, de certains biens qui avaient été recouvrés par l'Etat en vertu de la loi du 19 décembre 1991. Il prend note en particulier de la décision no 26 du 20 janvier 1992 par laquelle certains biens ont été attribués à la direction centrale de la CSIB, ainsi que de la décision no 22 du 11 février 1991 par laquelle un immeuble administratif a été affecté à la direction centrale de la Confédération "Podkrepa". Le comité note en outre que les autorités municipales ont mis des immeubles et autres facilités matérielles à disposition des bureaux régionaux de la CSIB.
  15. 510. Le comité doit cependant relever que, de toute évidence, malgré cette réaffectation de biens aux organisations syndicales, des divergences existent entre le gouvernement et l'organisation plaignante sur la répartition du patrimoine syndical. D'une part, la CSIB a fait valoir que, lors de l'adoption de la loi, le patrimoine d'Etat que les syndicats avaient à gérer auparavant avait été entièrement rendu à l'Etat, ce qui aurait été confirmé par un contrôle effectué en 1991 par le ministère des Finances. D'autre part, la CSIB allègue que l'étendue du patrimoine restitué aux syndicats a été évaluée unilatéralement par le gouvernement.
  16. 511. Le problème fondamental de la dévolution du patrimoine syndical ne semble donc pas avoir été résolu à la satisfaction de toutes les parties concernées. De l'avis du comité, une telle situation aurait pu être évitée si le gouvernement avait, avant l'adoption de toute décision, dûment consulté les organisations syndicales représentatives du pays. Le comité estime donc qu'il serait souhaitable que le gouvernement et l'ensemble des organisations syndicales concernées recherchent, dans les meilleurs délais, une formule qui règlerait l'affectation des fonds visés par la loi du 19 décembre 1991 de telle façon que, d'une part, le gouvernement puisse recouvrer les biens sociaux qui correspondent à l'accomplissement des fonctions qu'il exerce désormais et que, d'autre part, soit garantie, sur un pied d'égalité, à l'ensemble des syndicats la possibilité d'exercer effectivement leurs activités en toute indépendance. Il prie le gouvernement de fournir des informations sur l'évolution de la situation et, en particulier, sur tout accord qui interviendrait à cet égard.
  17. 512. Enfin, le comité constate que le gouvernement n'a pas répondu aux allégations concernant les poursuites judiciaires intentées contre M. Ivan Neikov, vice-président de la CSIB, et les restrictions à sa liberté de mouvement l'ayant empêché de se rendre à la Conférence internationale du Travail. Il le prie de fournir sans tarder ses observations sur ce point.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 513. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité invite le gouvernement et l'ensemble des organisations syndicales concernées à rechercher, dans les meilleurs délais, une formule qui réglera l'affectation des fonds visés par la loi du 19 décembre 1991 de telle façon que, d'une part, le gouvernement puisse recouvrer les biens qui correspondent à l'accomplissement des fonctions qu'il exerce désormais et que, d'autre part, soit garantie sur un pied d'égalité, à l'ensemble des organisations syndicales, la possibilité d'exercer effectivement leurs activités en toute indépendance. Il prie le gouvernement de fournir des informations sur l'évolution de la situation et, en particulier, sur tout accord qui interviendrait à cet égard.
    • b) Il prie en outre le gouvernement de restituer à la CSIB les cotisations volontaires que ses membres ont versées depuis sa création en février 1990.
    • c) Le comité prie le gouvernement de fournir sans tarder ses observations au sujet des allégations concernant les poursuites judiciaires intentées contre M. Ivan Neikov, vice-président de la CSIB, et les restrictions à sa liberté de mouvement l'ayant empêché de se rendre à la Conférence internationale du Travail.
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