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Informe definitivo - Informe núm. 292, Marzo 1994

Caso núm. 1696 (Pakistán) - Fecha de presentación de la queja:: 29-ENE-93 - Cerrado

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  1. 131. Dans une communication datée du 29 janvier 1993, la Fédération internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (FITBB) a présenté une plainte contre le gouvernement du Pakistan pour violation de la liberté syndicale. Elle a fourni des informations complémentaires se rapportant à sa plainte dans une communication datée du 20 août 1993.
  2. 132. Le gouvernement a envoyé ses observations sur ce cas dans une communication datée du 3 octobre 1993.
  3. 133. Le Pakistan a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 134. Dans sa plainte du 29 janvier 1993, la FITBB allègue que l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles est contraire à la convention no 87, puisque le champ d'application restreint du droit d'organisation et le fait que ce droit est réservé à certaines catégories de travailleurs définies dans l'ordonnance constituent un obstacle à la constitution de syndicats par les travailleurs et à leur adhésion à des syndicats, comme en témoigne l'annulation, le 25 juillet 1992, de l'enregistrement d'un syndicat affilié à la FITBB, le Syndicat du personnel forestier - Balochistan Khuzdar.
  2. 135. La FITBB explique que le Syndicat du personnel forestier - Balochistan Khuzdar - (ci-après dénommé "le syndicat") s'est efforcé activement depuis 1987 d'obtenir son enregistrement légal, et elle expose brièvement l'enchaînement des faits qui ont conduit à l'enregistrement du syndicat en 1989, puis à l'annulation de cet enregistrement en 1992. Le 22 octobre 1987, le syndicat a déposé une demande d'enregistrement conformément aux articles 5, 6 et 7 de l'ordonnance sur les relations professionnelles, mais le bureau du greffier des syndicats du Baloutchistan a rejeté la demande le 27 octobre. Le syndicat a dénoncé la décision du greffier auprès du tribunal du travail du Baloutchistan, lequel a tranché, le 31 octobre, en faveur du syndicat et ordonné au greffier de l'enregistrer. Un appel a été interjeté auprès du tribunal d'appel du travail, qui a infirmé la décision du tribunal du travail et renvoyé l'affaire le 31 mars 1988. Le syndicat a alors déposé une nouvelle demande d'enregistrement, que le greffier a rejetée le 28 avril 1988. Le 16 mai, le syndicat a fait appel de la décision du greffier auprès du troisième tribunal du travail (juridiction du troisième degré), lequel a tranché en faveur du syndicat le 29 juin 1988. La FITBB joint une copie de cette décision à sa plainte. Le 4 janvier 1989, le greffier a cependant refusé une fois de plus d'établir un certificat d'enregistrement au nom du syndicat. Le 29 avril 1989, l'affaire a été portée devant le premier tribunal du travail, qui s'est prononcé en faveur du syndicat, à la suite de quoi le greffier a saisi le tribunal d'appel pour les questions de travail, lequel l'a débouté de sa demande le 28 août 1989. La FITBB joint également une copie de cette décision. Le 16 septembre 1989, le syndicat a donc reçu son certificat d'enregistrement (la FITBB en joint une copie à sa plainte).
  3. 136. Le syndicat prétend qu'après la délivrance du certificat le Département forestier du Baloutchistan a tenté de créer un syndicat rival. D'après la législation pakistanaise, si un établissement ou un lieu de travail compte deux ou plusieurs syndicats, le greffier doit organiser un vote au scrutin secret pour savoir quel syndicat représente la majorité des travailleurs, afin de délivrer un certificat d'agent négociateur. Un scrutin a donc été organisé et, le 22 septembre 1990, le syndicat a reçu un certificat d'agent négociateur pour les travailleurs du Département forestier (la FITBB joint une copie de ce certificat). Le syndicat fait observer que, après avoir essayé en vain d'annuler la certification comme agent négociateur du syndicat au moyen d'un scrutin, le département a introduit une instance auprès de la Haute Cour du Baloutchistan. Le département a fait valoir que les agents forestiers, en tant qu'employés de l'Etat, étaient des fonctionnaires et que, d'après la loi, ils ne pouvaient donc pas constituer de syndicat. Il a ajouté qu'il n'était ni un établissement ni une branche d'industrie au sens de l'ordonnance de 1968 sur le règlement intérieur et, en conséquence, ses agents ne pouvaient ni être définis comme des "travailleurs" ni former d'association.
  4. 137. La Haute Cour a décidé en faveur du Département forestier, en fondant son jugement sur la définition du terme "travailleur" qui apparaît dans l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles. La Cour a notamment déclaré que "pour créer un syndicat en vertu de l'ordonnance sur les relations professionnelles, chacune des catégories de salariés doit justifier de la nature de son travail ou de la rémunération qu'elle en tire, ainsi que de tous les autres éléments qui font qu'elle entre dans la catégorie des travailleurs telle qu'elle est définie dans la loi sur les fabriques, ou la loi sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, avant la création d'un syndicat ou la présentation au greffier d'une demande d'enregistrement d'un syndicat. En fait, les agents d'un organisme public dont les services sont réglementés par un texte de loi sont, sauf preuve contraire réputés être des fonctionnaires, à moins qu'ils n'établissent formellement qu'ils appartiennent à la catégorie des travailleurs telle qu'elle est définie dans la loi de 1934 sur les fabriques ou la loi de 1923 sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles." La Haute Cour a ainsi conclu qu'un grand nombre des agents forestiers qui avaient adhéré au syndicat ne pouvaient être définis comme des "travailleurs", mais qu'ils étaient plutôt des fonctionnaires, d'où sa décision d'annuler l'enregistrement du syndicat le 25 juillet 1992. La Cour a néanmoins mentionné la possibilité, pour les travailleurs qui pouvaient être définis comme tels, de présenter une nouvelle demande au greffier pour faire reconnaître leur syndicat. Le syndicat a interjeté appel auprès de la Cour suprême, laquelle a pourtant confirmé la décision de la Haute Cour le 7 octobre 1992.
  5. 138. La FITBB affirme que la définition des "travailleurs" contenue dans l'ordonnance sur les relations professionnelles est libellée de telle sorte que la grande majorité des ouvriers et des employés se trouve exclue et ne peut constituer des syndicats ou s'y affilier. La fédération souligne également que, quelle que soit la définition retenue par la Haute Cour pour déterminer que certains des travailleurs du Département forestier sont des "fonctionnaires", ces derniers ne devraient pas être empêchés de créer des syndicats, selon les dispositions de la convention no 87. Enfin, la FITBB soutient que la poursuite incessante du syndicat par le Département forestier devant les tribunaux, les efforts déployés par le département pour créer un syndicat de substitution, et le refus persistant du greffier d'enregistrer officiellement le syndicat constituent des ingérences inacceptables de la part des pouvoirs publics, qui visent à restreindre le droit des agents forestiers de constituer un syndicat. La fédération ajoute que la complexité du système judiciaire ne favorise pas la constitution de syndicats d'une manière générale, et constitue par conséquent un obstacle à la liberté syndicale au Pakistan.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 139. Dans sa communication du 3 octobre 1993, le gouvernement indique que la Haute Cour du Baloutchistan avait examiné en détail la requête concernant l'enregistrement légal du Syndicat du personnel forestier, mais que, ayant pris note des dispositions pertinentes de la législation du travail, elle a décidé que l'enregistrement devait être annulé. Toutefois, elle a également indiqué que les membres du syndicat qui appartenaient à la catégorie des "travailleurs" au sens de la loi de 1934 sur les fabriques, de la loi de 1923 sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles et de l'ordonnance de 1969 sur les relations professionnelles étaient habilités à présenter au greffier de nouvelles demandes d'enregistrement.
  2. 140. Le gouvernement souligne également que les agents forestiers ont interjeté appel auprès de la Cour suprême du Pakistan, laquelle a confirmé la décision de la Haute Cour. La Cour suprême a indiqué que, dans le cas présent, l'objectif principal du Département forestier était d'explorer toutes les voies pouvant mener au progrès dans un domaine particulier et de répondre aux besoins du public dans son ensemble, ces activités devant être financées à l'aide des fonds publics. Le rôle du Département forestier était de préserver les forêts de la destruction, condition nécessaire pour assurer un environnement salubre. Pour s'acquitter de ses fonctions, le département menait des recherches dans son domaine spécialisé. La nature de ses travaux ne pouvait en aucun cas donner à penser qu'il dirigeait une industrie. Les quelques activités économiques qui ont pu être entreprises étaient secondaires par rapport à l'objectif principal. Qui plus est, les agents forestiers n'avaient pas été engagés pour travailler dans quelque industrie que ce soit. Ainsi, les éléments propres à toute industrie faisaient défaut dans le cas à l'examen.
  3. 141. Le gouvernement est d'avis que les agents forestiers qui sont autorisés par les tribunaux à présenter une nouvelle demande d'enregistrement au greffier compétent devraient le faire, et que ceux qui n'appartiennent pas à la catégorie des "travailleurs" devraient s'abstenir de le faire illégalement. Il est clair que la décision des tribunaux est fondée sur la législation nationale, laquelle tient compte des normes internationales du travail en la matière. Le gouvernement ajoute qu'il a toujours respecté les normes internationales du travail contenues dans les instruments internationaux qu'il a ratifiés, dont les conventions nos 87 et 98. En outre, l'article 17 de la Constitution pakistanaise garantit convenablement les droits syndicaux dans l'ensemble du pays.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 142. Le comité note que les allégations formulées dans le présent cas concernent le fait que la définition du mot travailleur dans la législation sur les relations professionnelles restreint le droit d'organisation de certaines catégories de travailleurs ainsi que des actes d'ingérence des pouvoirs publics visant à interdire aux travailleurs du Département forestier de constituer un syndicat. D'une manière plus générale, l'organisation plaignante soutient que les restrictions contenues dans la législation nationale en ce qui concerne le droit d'organisation de certaines catégories de travailleurs sont incompatibles avec la convention no 87.
  2. 143. Le comité note en effet que le Syndicat du personnel forestier - Balochistan Khuzdar (le syndicat) - a essayé, depuis 1987, d'obtenir son enregistrement légal, mais qu'il n'a reçu de certificat d'enregistrement que le 16 septembre 1989. Le comité note avec préoccupation que ce retard était dû au refus persistant du greffier d'enregistrer le syndicat durant la période susmentionnée. Il estime que ce retard est d'autant plus grave que le greffier a, semble-t-il, refusé de délivrer un certificat d'enregistrement au syndicat alors que l'ordre lui en avait été donné par diverses instances judiciaires qui ont statué en faveur du syndicat en appel (notamment les 31 octobre 1987, 29 juin 1988 et 29 avril 1989). A cet égard, le comité tient à rappeler que si les conditions apportées à l'octroi de l'enregistrement équivalaient à exiger une autorisation préalable des autorités publiques à la constitution ou au fonctionnement d'un syndicat, il y aurait là une incontestable atteinte portée à la convention no 87. En outre, lorsque la procédure d'enregistrement est longue et compliquée ou que les autorités administratives compétentes exercent parfois leurs pouvoirs, (...) avec une large marge d'appréciation, ces facteurs sont de nature à entraver gravement la création d'un syndicat et ils peuvent revenir à nier le droit de constituer un syndicat sans autorisation préalable. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 275 et 281.)
  3. 144. L'organisation plaignante affirme par ailleurs que, après l'enregistrement du syndicat le 16 septembre 1989, le Département forestier du Baloutchistan a introduit une instance auprès de la Haute Cour du Baloutchistan, en faisant valoir que les agents forestiers, en tant qu'employés de l'Etat, étaient des fonctionnaires et que, d'après la loi, ils ne pouvaient donc pas constituer de syndicats. D'après le gouvernement, la Haute Cour n'a décidé en faveur du Département forestier qu'après avoir tenu compte des dispositions pertinentes de la législation nationale du travail, qui n'étaient pas contraires aux normes internationales du travail applicables en la matière. Le comité tient cependant à appeler l'attention du gouvernement sur le fait que les normes contenues dans la convention no 87 s'appliquent à tous les travailleurs "sans distinction d'aucune sorte" et couvrent donc le personnel de l'Etat; compte tenu de l'importance que revêt pour les employés de l'Etat ou des autorités locales le droit de constituer ou de faire enregistrer des syndicats, l'interdiction du droit d'association pour les travailleurs au service de l'Etat est incompatible avec le principe généralement admis selon lequel les travailleurs, sans aucune distinction, doivent avoir le droit de constituer, sans autorisation préalable, les syndicats de leur choix. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 213 et 215.) Le comité demande donc au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu'il soit procédé à nouveau à l'enregistrement du Syndicat du personnel forestier - Balochistan Khuzdar.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 145. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement d'assurer que les conditions apportées à l'octroi de l'enregistrement n'équivalent pas à exiger une autorisation préalable des autorités publiques à la constitution ou au fonctionnement d'un syndicat, contrairement à la convention no 87, et que la procédure d'enregistrement ne soit pas si longue et compliquée qu'elle soit de nature à entraver gravement la création d'un syndicat.
    • b) Le comité appelle l'attention du gouvernement sur le fait que les normes contenues dans la convention no 87 s'appliquent à tous les travailleurs "sans distinction d'aucune sorte" et couvrent donc le personnel de l'Etat; compte tenu de l'importance que revêt pour les employés de l'Etat ou des autorités locales le droit de constituer ou de faire enregistrer des syndicats, le comité demande au gouvernement de garantir aux travailleurs au service de l'Etat le droit de se syndiquer, sans autorisation préalable, dans les organisations de leur choix et de réexaminer à cet égard la définition du mot travailleur dans la législation sur les relations professionnelles.
    • c) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour qu'il soit procédé à nouveau à l'enregistrement du Syndicat du personnel forestier - Balochistan Khuzdar.
    • d) Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs du présent cas en ce qui concerne la convention no 87.
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