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- 868. La plainte figure dans des communications de la Confédération générale des travailleurs portugais – Intersyndicale nationale (CGTP-IN) en date du 17 juillet 2009.
- 869. En l’absence d’une réponse du gouvernement, le comité a été contraint d’ajourner l’examen du cas à deux reprises. A sa réunion de mai-juin 2010 [voir 357e rapport, paragr. 5], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement, indiquant que, conformément aux règles de procédure énoncées au paragraphe 17 de son 127e rapport (1972), approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire à sa réunion suivante même si les observations ou les informations qu’il attendait de lui n’étaient pas reçues en temps voulu. A ce jour, le gouvernement n’a envoyé aucune information.
- 870. Le Portugal a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 871. Dans des communications en date du 17 juillet 2009, la Confédération générale des travailleurs portugais – Intersyndicale nationale (CGTP-IN) allègue que la révision récente du Code du travail a créé une nouvelle forme juridique, à savoir la possibilité de «choisir sa convention collective». Concrètement, le nouvel article 497 du Code du travail reconnaît au travailleur sans appartenance syndicale le droit de choisir individuellement la convention collective ou la sentence arbitrale qu’il souhait se voir appliquer dès lors qu’une ou plusieurs conventions collectives ou sentences arbitrales sont applicables dans l’entreprise. Cette disposition décourage les travailleurs non syndiqués d’adhérer à un syndicat et encourage les autres à renoncer à leur affiliation car elle place les travailleurs non syndiqués dans une position plus favorable que les autres. En effet, pour les travailleurs syndiqués, c’est la convention collective conclue par l’organisation correspondante qui s’applique automatiquement, alors que les non-syndiqués peuvent choisir la convention collective qui leur convient le mieux.
- 872. La CTGP-IN estime que cette disposition porte atteinte aux droits des organisations syndicales et de leurs membres et qu’elle présente par conséquent un caractère antisyndical. Les dispositions légales qui étaient en vigueur auparavant permettaient aux conventions collectives et aux sentences arbitrales d’être appliquées également aux travailleurs non syndiqués.
- 873. L’organisation plaignante ajoute que, avec le nouvel article 497 du Code du travail, l’employeur, qui occupe une position de force dans la relation de travail, risque de chercher à influencer les travailleurs non syndiqués dans le choix de leur convention collective mais aussi de pousser les travailleurs syndiqués à renoncer à leur affiliation si la convention collective conclue par leur syndicat n’a pas leur préférence. De cette manière, l’employeur peut favoriser certains syndicats aux dépens des autres, violant ainsi les conventions de l’OIT.
- 874. Par ailleurs, la Confédération générale des travailleurs portugais – Intersyndicale nationale (CGTP-IN) dénonce les entraves à la négociation par l’entreprise CTT-Correos de Portugal S.A. (société à capital exclusivement public, dont le seul actionnaire est l’Etat, et qui se trouve sous la tutelle du ministère des Travaux publics, des Transports et des Communications), aux dépens du Syndicat des travailleurs des postes et télécommunications (SNTCT), qui représente 65 pour cent environ des travailleurs employés par l’entreprise elle-même ou dans des services liés à son activité, soit 7 791 travailleurs sur 12 000 au total.
- 875. Le SNTCT et les autres organisations syndicales ont signé une convention collective avec l’entreprise en 2006. Le SNTCT a dénoncé ce texte le 27 avril 2007. Les négociations concernant la révision de cette convention ont commencé le 24 mai 2007. Le 10 mars 2008, l’entreprise a conclu un «accord de principe» avec une organisation syndicale représentant 24 pour cent environ des travailleurs. Cet accord a été entériné le 15 avril 2008. L’entreprise a donné aux autres syndicats trois jours pour faire connaître leurs vues. Le SNTCT n’a pas signé l’accord et il est donc resté soumis à la convention collective de 2006. Cependant, l’entreprise a allégué que cette convention expirait le 8 novembre 2008 et elle a commencé à appliquer la convention collective de 2008 aux membres du SNTCT par le biais d’«adhésions individuelles». Les personnes refusant une telle adhésion devaient se voir appliquer les dispositions générales du Code du travail.
- 876. Le SNTCT a engagé une procédure en mesures conservatoires communes devant le tribunal du travail de Lisbonne, demandant que la convention collective de 2006 continue de s’appliquer à ses membres ou que les droits correspondants soient inscrits dans les contrats de travail des intéressés. Aucune date d’expiration n’était fixée dans le cas de la convention collective de 2006, sauf pour les questions salariales et financières (les dispositions en question restant applicables 12 mois), mais sa durée d’application minimale était de 24 mois. La convention collective de 2006 était donc encore en vigueur et devait le rester tant qu’elle n’avait pas été remplacée par une autre convention conclue par les mêmes parties. L’article 3 du texte prévoyait sa révision éventuelle mais pas son extinction. Interpréter ces dispositions autrement impliquerait la violation de la Constitution de la République. Néanmoins, le ministère du Travail et de la Solidarité sociale défend une autre position.
- 877. De plus, aux termes de l’article 560 du Code du travail, les droits dérivant d’une convention collective ne peuvent être restreints que par une convention collective plus favorable globalement. Or, si l’on compare la convention de 2006 et celle de 2008, on constate que le deuxième texte suppose une réduction considérable des droits.
- 878. Au motif que la convention collective de 2006 avait expiré, l’entreprise a réduit à cinq le nombre des dirigeants syndicaux au bénéfice d’un congé syndical complet (ces personnes exerçaient leur activité syndicale sur plus de 1 800 lieux de travail), la durée quotidienne du congé étant portée à trois heures et 45 minutes, ce qui est clairement insuffisant et contraire à l’article 2 de la convention no 135 de l’OIT. De même, l’entreprise a interdit dans les faits les réunions syndicales du SNTCT et, lorsque de telles réunions ont eu lieu, elle a entamé des procédures disciplinaires contre les personnes présentes.
- 879. De même, les membres du SNTCT ont été invités ou incités à signer la convention collective de 2008 en faisant part par écrit de leur adhésion à titre individuel et de leur volonté de se voir appliquer la convention elle-même, l’augmentation de salaire de 2,8 pour cent prévue, ainsi que d’autres prestations. L’entreprise avait comme objectif ce faisant d’affaiblir la représentativité du SNTCT. Cette situation a poussé le Département des enquêtes et des poursuites pénales à intervenir, en sa qualité d’organe national responsable des enquêtes relatives aux affaires pénales. En outre, pendant cette période, le ministère du Travail a organisé des réunions de conciliation entre le SNTCT et l’entreprise.
- 880. L’organisation plaignante indique que l’imposition unilatérale d’une convention collective négociée avec des organisations syndicales très minoritaires (ayant une représentativité de près de 25 pour cent) contre la volonté des organisations syndicales les plus représentatives (le SNTCT représente en effet 65 pour cent des travailleurs) est contraire aux conventions de l’OIT en matière de négociation collective.
- 881. L’organisation plaignante indique que, le 17 juin 2008, suite à une médiation du ministère du Travail à la demande de l’entreprise, le médiateur nommé par le ministère a adressé une proposition au SNTCT, proposition que le syndicat a acceptée, de même que les autres organisations syndicales, mais que l’entreprise a refusée. Après plusieurs propositions ultérieures de l’entreprise, qui demandait un arbitrage volontaire, le SNTCT a demandé au ministère du Travail de procéder à un arbitrage obligatoire en vue de la révision de la convention collective de 2006, invoquant à l’appui de sa demande les négociations longues et infructueuses déjà effectuées, la mauvaise foi de l’entreprise dans le processus de négociation et son absence de volonté de négocier. Quatre-vingt-dix jours plus tard, le ministère n’avait toujours pas donné suite à cette demande mais il s’était prononcé en faveur de l’expiration de la convention collective de 2006, sur demande de l’entreprise, publiant, le 7 novembre 2009, un avis de fin de validité. Le SNTCT a demandé en conséquence la mise en place d’une mesure conservatoire devant le tribunal administratif local.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité- 882. Le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations de l’organisation plaignante, alors qu’il a été invité à plusieurs reprises à présenter ses commentaires et observations sur ce cas, notamment par un appel pressant.
- 883. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
- 884. Le comité rappelle au gouvernement que l’ensemble de la procédure instituée par l’OIT pour l’examen des allégations concernant la violation de la liberté syndicale a pour objet de promouvoir le respect de celle-ci de fait comme de droit. Le comité reste persuadé que, si cette procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci doivent à leur tour reconnaître l’importance de présenter effectivement, en vue d’un examen objectif par le comité, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]
- 885. Le comité note que, dans sa première allégation, l’organisation plaignante conteste le nouvel article 497 du Code du travail, qui permet à un travailleur non syndiqué de choisir au sein de l’entreprise la convention collective ou la sentence arbitrale qu’il souhaite se voir appliquer lorsqu’il en existe plusieurs. Selon l’organisation plaignante, cette disposition décourage l’affiliation syndicale et ouvre la voie à des acte d’ingérence de l’employeur qui pourrait chercher à inciter les travailleurs à choisir la convention collective ayant sa préférence.
- 886. Le comité observe que l’article 497 du Code du travail établit ce qui suit:
- 1. Lorsque plusieurs conventions collectives ou décisions arbitrales sont applicables au sein d’une entreprise, le travailleur qui n’est affilié à aucune organisation syndicale peut choisir lequel de ces instruments lui sera applicable.
- 2. L’application de la convention visée au paragraphe 1 se poursuivra jusqu’à l’échéance de ce texte sans préjudice du paragraphe suivant.
- 3. Si une convention collective n’a pas de durée d’application déterminée, elle s’appliquera aux travailleurs pendant une période minimale d’un an.
- 4. Le travailleur peut modifier son choix; les dispositions du paragraphe 4 de l’article précédent s’appliqueront dans ce cas.
- Le paragraphe 4 de l’article 496 établit ce qui suit:
- 4. Si le travailleur, l’employeur ou une organisation à laquelle l’un ou l’autre aurait adhéré se désaffilie de l’organisme ayant conclu la convention collective, celle-ci continue à s’appliquer jusqu’à la date d’expiration indiquée dans le texte ou, en l’absence d’une telle mention, pendant un an, ou, dans tous les cas, jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention collective qui la modifie.
- 887. Le comité souhaite rappeler que tant les systèmes de négociation collective accordant des droits exclusifs au syndicat le plus représentatif que les systèmes permettant à plusieurs syndicats d’une entreprise de conclure des conventions collectives différentes sont compatibles avec les principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 950.] Dans le premier cas, les systèmes nationaux prévoient généralement que la convention collective conclue avec le syndicat le plus représentatif s’applique à tous les travailleurs, qu’ils soient syndiqués ou non; dans le deuxième cas, chaque convention s’applique en principe aux membres de l’organisation qui l’a signée. Le comité rappelle également qu’il existe des systèmes qui prévoient la négociation avec l’entreprise ou l’unité de négociation correspondante d’une seule convention collective par tous les syndicats. Dans le cas du Portugal, la législation octroie au travailleur non syndiqué le droit de choisir la convention collective qu’il préfère quand il en existe plusieurs (ou une seule) au sein de l’entreprise, et l’organisation plaignante estime que cette pratique décourage l’affiliation syndicale et peut donner lieu à des actes d’ingérence par l’employeur, qui peut chercher à pousser les travailleurs non syndiqués à choisir la convention collective ayant sa préférence pour affaiblir un syndicat donné par exemple.
- 888. A ce sujet, le comité estime que les travailleurs non syndiqués sont les mieux placés pour savoir lequel des syndicats défend le mieux, dans sa convention collective, les intérêts de la catégorie professionnelle à laquelle il appartient dans l’entreprise. Il considère également que ce libre choix ne porte pas atteinte au principe de la promotion de la négociation collective libre et volontaire tel qu’établi à l’article 4 de la convention no 98, principe qui n’est pas limité par la coexistence de plusieurs conventions collectives au sein d’une entreprise.
- 889. Comme l’organisation plaignante l’indique, l’employeur pourrait tenter d’exercer une influence ou une pression sur les travailleurs non syndiqués pour les amener à adhérer à une convention collective plutôt qu’à une autre. Néanmoins, le comité note que l’article 2 de la convention no 98 établit l’obligation d’une protection adéquate contre les actes d’ingérence de l’employeur et que la législation portugaise comporte des dispositions allant dans ce sens, notamment la Constitution de la République qui garantit explicitement dans son article 55 l’indépendance des organisations syndicales vis-à-vis des employeurs et de l’Etat et prévoit des voies de recours en cas d’infraction. De même, le comité note que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations n’a pas critiqué la législation portugaise sur ce point. Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas l’examen de l’allégation concernant l’article 497 du Code du travail.
- 890. Le comité observe que l’organisation plaignante allègue aussi dans sa plainte l’existence, au sein l’entreprise CTT-Correos de Portugal S.A., de pratiques contraires à la négociation collective tendant à affaiblir le SNTCT. En effet, l’entreprise aurait négocié une convention collective avec des syndicats minoritaires, elle aurait écarté ce faisant le SNTCT (qui représente 65 pour cent des travailleurs) et elle aurait invité ou poussé les membres de ce syndicat à adhérer à la convention collective signée avec des syndicats minoritaires en 2008, texte moins favorable que la convention de 2006 signée par tous les syndicats. Au motif que ce dernier texte n’était pas applicable, l’entreprise aurait réduit radicalement les droits en matière de congés syndicaux complets, et elle aurait restreint dans les faits d’autres droits, le droit de réunion syndicale par exemple, ce qui aurait donné lieu à des procédures disciplinaires. Le ministère du Travail a donné raison à l’entreprise et, de plus, il n’a pas répondu à la demande du SNTCT, qui souhaitait un arbitrage obligatoire devant permettre de résoudre un conflit qui durait depuis longtemps, tous les efforts entrepris s’étant révélés infructueux.
- 891. Le comité note que le fond de la plainte concerne des questions d’interprétation ou d’appréciation apparemment soumises aux autorités judiciaires, notamment la question de savoir si la convention collective de 2008 était globalement moins favorable que celle de 2006 et si la convention collective de 2006 (signée par tous les syndicats de l’entreprise) était applicable ou non lors de la négociation ultérieure de la convention collective de 2008 avec des syndicats minoritaires. Dans ces conditions, le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai ses observations sur les allégations relatives à des atteintes au droit de négociation collective et à des pratiques antisyndicales, qui seraient imputables à l’entreprise CTT-Correos de Portugal S.A. et aux autorités et auraient porté préjudice au SNTCT, et de communiquer les décisions administratives et judiciaires rendues (y compris celles qu’aurait adoptées le Département des enquêtes et des poursuites pénales), ainsi que des informations sur l’évolution du conflit depuis la présentation de la plainte en juillet 2009, afin qu’il puisse se prononcer sur les allégations en toute connaissance de cause.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 892. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité regrette que le gouvernement n’ait pas envoyé ses observations concernant la présente plainte, alors qu’il a été contraint de reporter l’examen du cas à plusieurs reprises et d’adresser au gouvernement un appel pressant à sa réunion de mai-juin 2010.
- b) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai ses observations sur les allégations relatives à des atteintes au droit de négociation collective et à des pratiques antisyndicales, qui seraient imputables à l’entreprise CTT-Correos de Portugal S.A. et aux autorités et auraient porté préjudice au SNTCT, et de communiquer les décisions administratives et judiciaires rendues (y compris celles qu’aurait adoptées le Département des enquêtes et des poursuites pénales), ainsi que des informations sur l’évolution du conflit depuis la présentation de la plainte en juillet 2009, afin qu’il puisse se prononcer sur les allégations en toute connaissance de cause.