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Informe provisional - Informe núm. 381, Marzo 2017

Caso núm. 3148 (Ecuador) - Fecha de presentación de la queja:: 18-MAY-15 - Activo

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Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent, d’une part, le refus d’enregistrement d’une organisation syndicale de travailleurs des bananeraies regroupant les travailleurs de plusieurs entreprises du secteur et, d’autre part, la perpétration d’actes antisyndicaux visant à empêcher la constitution d’un syndicat d’entreprise dans le même secteur

  1. 420. La plainte figure dans des communications de l’Association syndicale des travailleurs agricoles et paysans (ASTAC) et de l’Association syndicale de l’entreprise Frutas Selectas S.A. FRUTSESA datées du 18 mai 2015 et des 19 février et 11 août 2016.
  2. 421. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications datées des 23 février, 24 octobre et 29 décembre 2016.
  3. 422. L’Equateur a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 141) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 423. Dans leurs communications, les organisations plaignantes allèguent en premier lieu que, en violation des conventions nos 87, 98, 110 et 141 de l’OIT, ratifiées par l’Equateur, l’administration du travail refuse d’enregistrer l’ASTAC. A cet égard, les organisations plaignantes affirment en particulier que: i) le 10 février 2014, 66 travailleurs de l’industrie agroalimentaire de la banane se sont réunis en assemblée dans la ville de Quevedo, région de Los Ríos, pour constituer l’ASTAC; ii) le 30 juillet 2014, la demande d’enregistrement de l’ASTAC a été présentée à la Direction régionale du travail de la ville de Guayaquil, dûment accompagnée des documents requis par l’article 443 du Code du travail; iii) le 15 octobre 2014, une décision du vice-ministre du Travail rejette la constitution de l’ASTAC; iv) la décision de l’administration du travail est fondée sur le constat suivant: les travailleurs présents à l’assemblée constitutive de l’ASTAC sont des travailleurs dépendant de plusieurs entreprises, les documents soumis ne se rapportent à aucun employeur en particulier et, de ce fait, les requérants expriment leur volonté de créer une association autonome en dehors d’une relation de travail, ce qui contrevient aux procédures établies dans les articles 1, 9, 443 et 454 du Code du travail; v) le 17 avril 2015, s’appuyant sur les mêmes motifs, le ministère du Travail refuse le recours extraordinaire en révision présenté contre la décision de refus de constitution du syndicat; et vi) le 12 février 2016, la Cour de justice de Quevedo déclare que la demande de recours en protection présentée par le syndicat en formation contre le ministère du Travail pour atteinte au droit à la liberté syndicale est irrecevable pour incompétence territoriale. A cet égard, l’organisation plaignante affirme que la Cour de justice de Quevedo a violé non seulement la loi organique sur les garanties juridictionnelles et le contrôle de constitutionnalité, mais aussi la Constitution, dans lesquelles il est reconnu que la «compétence revient au juge du tribunal du lieu où s’est produit l’acte ou le manquement ou bien au juge du tribunal du lieu où se produisent leurs conséquences».
  2. 424. Les organisations plaignantes ajoutent que le rejet de la constitution d’un syndicat regroupant des travailleurs de bananeraies employés par plusieurs entreprises du secteur empêche plus de 20 000 travailleurs d’exercer leurs droits syndicaux, puisqu’il existe dans le pays plus de 3 000 petites exploitations bananières employant moins de 30 travailleurs – nombre minimum requis par le Code du travail pour former une organisation syndicale. Les organisations plaignantes signalent en outre que, dans les exploitations agricoles qui emploient un nombre suffisant de travailleurs pour qu’un syndicat soit légalement constitué, les employeurs exercent souvent des représailles lorsqu’une organisation syndicale est créée, comme le montre la deuxième allégation de la présente plainte; c’est pourquoi il est d’autant plus important de ne pas interdire la création d’une organisation syndicale sectorielle dans le secteur bananier. Les organisations plaignantes font enfin savoir que le ministère du Travail reconnaît pourtant, dans d’autres secteurs, la validité du modèle syndical sectoriel, comme le montre l’enregistrement, le 20 juin 2016, du Syndicat national unique des travailleuses domestiques rémunérées (SINUTRHE).
  3. 425. Les organisations plaignantes allèguent également que les membres et dirigeants de l’Association des travailleurs des bananeraies 7 de Febrero de l’entreprise Frutas Selectas S.A. FRUTSESA (ci-après «le syndicat d’entreprise») font l’objet d’une série d’actes antisyndicaux visant à faire disparaître cette organisation syndicale en formation ainsi qu’à empêcher son enregistrement. A cet égard, les organisations plaignantes font notamment observer que: i) l’assemblée constitutive du syndicat d’entreprise, à laquelle ont participé 45 travailleurs, a lieu le 22 juin 2014; ii) le 14 août 2014, le secrétaire général, M. Luis Ochoa, présente la demande d’enregistrement du syndicat d’entreprise à la Direction régionale du travail de Guayas; iii) le 20 octobre 2014, l’inspectrice provinciale du travail de Guayas informe l’entreprise bananière qu’elle a reçu la demande d’enregistrement du syndicat; iv) le 23 octobre 2014, la Direction régionale du travail de Guayaquil reçoit les déclarations sous serment de cinq travailleurs affirmant ne pas avoir participé à l’assemblée constitutive du syndicat d’entreprise et ne pas souhaiter en faire partie, bien que leurs noms figurent dans le procès-verbal de l’assemblée constitutive; v) à partir du 24 octobre 2014, l’entreprise commence à licencier les dirigeants et les membres du syndicat d’entreprise qui n’ont pas signé de déclaration sous serment, parmi lesquels figure M. Luis Ochoa, le secrétaire général de l’organisation; vi) les 27 et 29 octobre 2014, respectivement, trois et quatre déclarations sous serment supplémentaires sont déposées à la Direction régionale du travail de Guayaquil, dont le texte est identique à celles qui ont été reçues le 23 octobre; vii) allant à l’encontre de la loi, le notaire ne lit pas le texte desdites déclarations aux travailleurs, qui les signent sous la contrainte; viii) le 28 octobre 2014, le représentant légal de l’entreprise bananière conteste devant la Direction régionale du travail la démarche de constitution du syndicat, faisant valoir que 12 des 45 membres fondateurs du syndicat n’ont jamais travaillé pour cette entreprise et que deux autres personnes ont rompu leur contrat de travail avec l’entreprise avant la création du syndicat; ix) le 26 novembre 2014, une décision du vice-ministre du Travail rejette la constitution du syndicat d’entreprise au motif que le nombre d’affiliés est inférieur au minimum requis par le Code du travail; x) il est expressément indiqué dans la décision que, d’après la vérification effectuée par l’entreprise, seules 31 des 45 personnes indiquées comme étant des membres fondateurs étaient effectivement des travailleurs de l’entreprise lors de la création du syndicat et que, sur ces 31 personnes, 11 avaient présenté une déclaration sous serment par laquelle elles niaient avoir participé à la création du syndicat; et xi) le 11 mai 2015, M. Luis Ochoa dépose une plainte pénale contre M. Tito Gentillini, représentant de l’entreprise, pour délit d’intimidation, ayant reçu, les 8 et 9 mai 2015, des appels et des SMS menaçant son intégrité physique s’il continuait à entretenir des liens avec les travailleurs affiliés à l’entreprise qui n’ont pas encore été licenciés. Les organisations plaignantes allèguent enfin que, malgré les licenciements et les menaces proférées à l’encontre des dirigeants du syndicat d’entreprise, aucune autorité publique ne s’est prononcée pour protéger les travailleurs.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement

    Refus d’enregistrer l’Association syndicale des travailleurs agricoles et paysans (ASTAC)

  1. 426. En ce qui concerne le refus d’enregistrement de l’ASTAC par le ministère du Travail, le gouvernement fait savoir, dans sa communication du 23 février 2016, que la décision du ministère est fondée sur la bonne application des dispositions du Code du travail. Le gouvernement signale en particulier que: i) en vertu de l’article 443 du Code du travail, le nombre minimum de travailleurs requis pour créer un syndicat est de 30; ii) en vertu de l’article 449 dudit code, les dirigeants des associations de travailleurs, de toutes sortes, doivent comprendre uniquement des travailleurs de l’entreprise dont relèvent ces associations; iii) l’article 2.6 du règlement des organisations professionnelles (décret ministériel no 130) dispose que la notification à l’employeur de la création d’une organisation syndicale est une condition préalable à la constitution de celle-ci. Compte tenu de ce qui précède, le gouvernement indique que, dans le cas de l’ASTAC, les 31 personnes présentes à l’assemblée constitutive étaient liées à plusieurs employeurs par un contrat de travail et que, par conséquent, l’ASTAC ne respectait pas l’article 449 du Code du travail selon lequel les organisations syndicales doivent être composées d’employés de la même entreprise. Le gouvernement affirme en outre que, à défaut de constituer une organisation syndicale, les membres de l’ASTAC pourraient constituer une organisation à caractère social (régie par le décret exécutif no 739).
  2. 427. Dans une deuxième communication datée du 24 octobre 2016, le gouvernement fait référence à l’enregistrement du SINUTRHE mentionné par les organisations plaignantes. Le gouvernement fait savoir que la reconnaissance du SINUTRHE ne constitue pas une discrimination à l’encontre des travailleurs des bananeraies, car l’autorisation de création du SINUTRHE fait directement suite à l’application de la convention (no 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011, ratifiée par l’Equateur, aux termes de laquelle l’Etat doit prendre des mesures pour assurer la promotion et la protection effectives des droits humains de tous les travailleurs domestiques, tels que la liberté d’association, la liberté syndicale et la reconnaissance effective du droit de négociation collective. Le gouvernement ajoute que, conformément au Code du travail, il est toujours possible pour les travailleurs des bananeraies de créer une organisation syndicale de deuxième niveau, composée par des organisations syndicales de premier niveau.
  3. 428. Dans une communication datée du 29 décembre 2016, le gouvernement fait parvenir ses observations concernant la décision de la Cour de justice de Quevedo du 12 février 2016, qui a déclaré irrecevable le recours en protection présenté par l’ASTAC contre le ministère du Travail pour violation du droit à la liberté syndicale, en se fondant sur son incompétence territoriale. Le gouvernement précise que, en vertu de la Constitution de la République de l’Equateur, il ne peut pas intervenir dans l’administration de la justice ni dans les décisions des tribunaux.
  4. 429. Dans sa communication du 23 février 2016, le gouvernement déclare que le syndicat d’entreprise n’a pas été enregistré par l’administration du travail, car son effectif était inférieur au nombre minimum d’affiliés requis par l’article 443 du Code du travail. Le gouvernement signale à cet égard que: i) conformément aux informations fournies par l’Institut équatorien de la sécurité sociale, 12 des 45 membres fondateurs du syndicat d’entreprise n’ont jamais travaillé pour l’entreprise précitée, réduisant à 33 le nombre d’affiliés; ii) deux de ces 33 personnes ont mis un terme à leur contrat de travail avant la tenue de l’assemblée constitutive du syndicat d’entreprise, ce qui aboutit à un total de 31 affiliés sous contrat avec l’entreprise; iii) dans les 11 déclarations sous serment qui ont été présentées, les travailleurs concernés ont nié avoir été présents à l’assemblée constitutive du syndicat d’entreprise et indiqué qu’ils n’avaient l’intention de s’affilier à aucune organisation syndicale; iv) lesdites déclarations sous serment, faites devant notaire, ont été prises en considération par l’administration du travail, étant donné que, aux termes de l’article 6 de la loi notariale, les notaires sont les fonctionnaires dépositaires de la foi publique; et v) compte tenu de ce qui précède, seulement 20 travailleurs de l’entreprise souhaitent être affiliés à l’organisation syndicale, ce qui représente un nombre inférieur au minimum requis par l’article 443 du Code du travail, raison pour laquelle la constitution de l’organisation a été refusée par la décision du vice-ministre du Travail du 26 novembre 2014.
  5. 430. Dans sa communication du 29 décembre 2016, le gouvernement fournit des informations sur les travailleurs de l’entreprise bananière qui ont participé à la création du syndicat d’entreprise et dont la rupture du contrat de travail a été enregistrée par le ministère du Travail. Dans la liste fournie par le gouvernement, il apparaît que: i) entre le 31 août et le 9 septembre 2014, les contrats de travail de deux membres fondateurs du syndicat ont été rompus d’un commun accord entre les parties; ii) entre les 22 et 24 octobre 2014, les contrats de travail de neuf membres fondateurs du syndicat ont été rompus d’un commun accord entre les parties; iii) le 24 octobre 2014, deux membres fondateurs ont fait l’objet de licenciements injustifiés; iv) entre janvier et mars 2015, les contrats de travail de quatre autres membres fondateurs du syndicat ont été rompus d’un commun accord entre les parties; et v) un autre membre fondateur a subi un licenciement injustifié le 11 mars 2015. Le gouvernement ajoute que rien n’indique que, pendant la période mentionnée, l’employeur ait déposé auprès de l’inspection du travail une demande de rupture de contrat de travail pour faute du travailleur (démarche d’autorisation de licenciement unilatérale appelée «visto bueno»).

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 431. Le comité note que, dans le présent cas, les organisations plaignantes allèguent, d’une part, le refus d’enregistrement d’une organisation syndicale de travailleurs des bananeraies regroupant les travailleurs de plusieurs entreprises du secteur et, d’autre part, la perpétration d’actes antisyndicaux visant à empêcher la création d’un syndicat d’entreprise dans le même secteur.
  2. 432. En ce qui concerne le refus d’enregistrement de l’ASTAC par l’administration du travail, le comité prend note des informations fournies par les organisations plaignantes, selon lesquelles l’ASTAC a été constituée le 10 février 2014 par un nombre suffisant de membres fondateurs et, bien que la demande d’enregistrement envoyée au ministère du Travail ait été accompagnée de tous les documents requis par le Code du travail, le ministère a refusé d’enregistrer le syndicat, car il n’était pas constitué par les travailleurs d’une même entreprise. Le comité note que, selon les allégations des organisations plaignantes: i) ce refus d’enregistrement viole directement les droits syndicaux reconnus dans les conventions nos 87, 98, 110 et 141, ratifiées par l’Equateur; ii) dans la pratique, le fait d’empêcher que les travailleurs des bananeraies constituent un syndicat de niveau supérieur à l’entreprise empêche 20 000 travailleurs du secteur d’exercer leurs droits syndicaux puisqu’il existe des milliers d’entreprises bananières dont le nombre d’employés est inférieur à 30, nombre minimum requis par le Code du travail pour créer un syndicat; et iii) le refus d’enregistrement constitue une discrimination à l’encontre des travailleurs des bananeraies étant donné que, dans d’autres secteurs du pays, l’administration du travail autorise l’enregistrement de syndicats sectoriels, comme le montre la création du Syndicat national unique des travailleuses domestiques rémunérées (SINUTRHE) en juin 2016.
  3. 433. Le comité note également que, d’après le gouvernement: i) les membres fondateurs de l’ASTAC sont des travailleurs dépendant de plusieurs entreprises et que, de ce fait, l’ASTAC ne respecte pas l’article 449 du Code du travail, aux termes duquel les organisations syndicales doivent être composées de travailleurs de la même entreprise; ii) les membres de l’ASTAC pourraient en revanche créer une organisation à caractère social ou une organisation syndicale de deuxième niveau, qui devrait toutefois être composée d’organisations syndicales d’entreprise; et iii) la reconnaissance du SINUTRHE, syndicat qui regroupe des employées domestiques travaillant pour plusieurs employeurs, ne constitue pas une discrimination à l’encontre des travailleurs des bananeraies, mais constitue le résultat des exigences de la convention no 189 de l’OIT qui demande aux Etats de faire en sorte que les travailleurs domestiques puissent exercer leur liberté syndicale.
  4. 434. Au vu de ce qui précède, le comité observe que le refus d’enregistrer l’ASTAC tient au fait que les membres fondateurs de l’organisation syndicale ne travaillent pas pour un seul et même employeur, ce qui, d’après le gouvernement, est contraire à l’article 449 du Code du travail, aux termes duquel les dirigeants des associations de travailleurs, de toutes sortes, doivent comprendre uniquement des travailleurs de l’entreprise dont relèvent ces associations. Tout en observant que l’article 449 du Code du travail n’interdit pas directement la création de syndicats composés de travailleurs de plusieurs entreprises, alors que d’autres dispositions dudit code (en particulier l’article 440) reconnaissent clairement le droit des travailleurs à constituer les organisations de leur choix, le comité rappelle que le libre exercice du droit de constituer des syndicats et de s’y affilier implique la libre détermination de la structure et de la composition de ces syndicats et que les travailleurs devraient pouvoir décider s’ils préfèrent former, au premier niveau, un syndicat d’entreprise ou une autre forme de regroupement à la base, tel qu’un syndicat d’industrie ou de métier. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 333 et 334.] De plus, le comité rappelle que le nombre minimum de 30 travailleurs exigé pour la constitution de syndicats serait admissible dans le cas des syndicats d’industrie, mais ce nombre devrait être réduit dans le cas des syndicats d’entreprise afin de ne pas faire obstacle à la création de ces organisations, surtout si l’on tient compte du fait qu’il existe dans le pays une proportion considérable de petites entreprises et que la structure syndicale est fondée sur le syndicat d’entreprise.
  5. 435. En l’espèce, soulignant à nouveau qu’il est particulièrement important que des travailleurs de plusieurs entreprises puissent constituer une organisation syndicale de premier niveau pour l’exercice de leur droit à la liberté syndicale, dans un contexte caractérisé par la présence d’un grand nombre de petites entreprises, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que la législation nationale est en conformité avec les principes susmentionnés et renvoie le suivi de ces aspects législatifs à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR).
  6. 436. En ce sens, le comité prend dûment note des indications fournies par le gouvernement concernant la reconnaissance d’un syndicat de travailleurs et travailleuses domestiques n’étant pas employés par un seul et même employeur, qui permet auxdits travailleurs d’exercer leurs droits syndicaux conformément à la convention no 189 de l’OIT. Le comité rappelle que, en ce qui concerne les travailleurs ruraux et agricoles en général, l’article 3, paragraphe 3, de la convention (no 141) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975, ratifiée par l’Equateur, dispose que l’acquisition de la personnalité juridique par les organisations de travailleurs ruraux ne peut être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause l’exercice du droit des travailleurs ruraux de constituer, sans autorisation préalable, des organisations de leur choix. Il convient également de rappeler que le paragraphe 8 2) b) i) de la recommandation (no 149) sur les organisations de travailleurs ruraux, 1975, souligne l’importance d’adapter la législation pertinente aux conditions spéciales des zones rurales, de manière notamment à éviter que les normes minima en matière d’effectifs, de niveau d’instruction et de ressources financières empêchent le développement des organisations dans les régions rurales où les populations sont clairsemées, peu instruites et pauvres. A cet égard, le comité note avec préoccupation qu’un grand nombre de travailleurs du secteur de l’agriculture en Equateur sont, d’une part, dans l’impossibilité réelle de créer des syndicats d’entreprise en raison de l’exigence d’un nombre minimum d’affiliés qui n’est pas adaptée à la structure du secteur où les petites unités de production sont prédominantes et font, d’autre part, face à d’importantes difficultés pour dépasser cet obstacle moyennant le regroupement de travailleurs en organisations sectorielles. Dans ce contexte, le comité prie par conséquent le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour permettre sans délai l’enregistrement de l’ASTAC et pour que, dans l’intervalle, ses membres bénéficient des garanties et protections nécessaires. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  7. 437. En ce qui concerne la deuxième allégation du présent cas, relative à de multiples actes antisyndicaux, y compris des licenciements et des menaces, ayant pour but d’empêcher la création du syndicat d’entreprise, le comité note que, selon les organisations plaignantes: i) l’assemblée constitutive du syndicat d’entreprise a eu lieu le 22 juin 2014 et a réuni 45 travailleurs, et la demande d’enregistrement a été présentée à l’administration du travail le 14 août 2014; ii) l’entreprise a été informée de la demande d’enregistrement du syndicat le 20 octobre 2014; iii) entre le 23 et le 29 octobre 2014, l’administration a reçu des déclarations sous serment, contenant le même texte, par lesquelles 12 travailleurs ont fait savoir, sous la contrainte, qu’ils n’avaient pas participé à l’assemblée constitutive du syndicat et qu’ils n’avaient l’intention de participer à la création d’aucune organisation syndicale; iv) à partir du 24 octobre 2014, l’entreprise bananière a commencé à licencier les dirigeants, y compris le secrétaire général, et les membres du syndicat d’entreprise qui n’avaient pas signé de déclaration sous serment; v) le 28 octobre 2014, le représentant légal de l’entreprise bananière a contesté devant l’administration du travail la demande de constitution du syndicat; vi) le 26 novembre 2014, l’administration du travail a refusé l’enregistrement du syndicat d’entreprise au motif qu’il n’était pas composé du nombre minimum de 30 affiliés requis par la législation; et vii) le 11 mai 2015, le secrétaire général du syndicat a déposé une plainte pénale contre le représentant légal de l’entreprise pour menaces d’atteinte à son intégrité physique.
  8. 438. Le comité observe par ailleurs que le gouvernement, dans ses observations, corrobore les faits rapportés par les organisations plaignantes concernant la constitution du syndicat d’entreprise, la réception de déclarations sous serment des travailleurs niant leur participation à l’assemblée constitutive du syndicat, la rupture du contrat de travail de plusieurs membres fondateurs du syndicat ainsi que le refus d’enregistrement du syndicat composé de moins de 30 travailleurs affiliés, nombre minimum requis par le Code du travail. Le comité observe que, concernant les faits susmentionnés, le gouvernement indique que: i) 12 des 45 membres fondateurs du syndicat n’ont pas été comptabilisés, car ils n’ont jamais été liés à l’entreprise par un contrat de travail; ii) les déclarations sous serment de 12 travailleurs niant leur participation à la constitution du syndicat ont été prises en considération par l’administration du travail en vertu de la loi notariale, aux termes de laquelle les notaires sont les fonctionnaires dépositaires de la foi publique; iii) entre le 22 et le 24 octobre 2014, les contrats de travail de neuf membres fondateurs du syndicat d’entreprise ont été rompus d’un commun accord entre les parties, alors que deux autres membres fondateurs ont fait l’objet d’un licenciement injustifié; et iv) le résultat cumulatif des deux faits susmentionnés a empêché que le syndicat atteigne le nombre minimum d’affiliés requis par le Code du travail (30 travailleurs).
  9. 439. Compte tenu de ces éléments, le comité observe que le syndicat d’entreprise n’a pas été enregistré parce que, d’après l’administration du travail, il serait composé de moins de 30 affiliés employés par l’entreprise. Le comité constate que, d’après les allégations des organisations plaignantes, le nombre d’affiliés au syndicat en formation a diminué en raison des pressions exercées par l’entreprise, lesquelles se seraient traduites par la signature de plusieurs déclarations sous serment, par lesquelles de nombreux membres fondateurs ont nié avoir participé à la création du syndicat, et par la rupture du contrat des membres qui ont refusé de signer les déclarations sous serment, ainsi que par des menaces d’atteinte à l’intégrité physique du secrétaire général du syndicat. A cet égard, le comité observe que, malgré l’affirmation du gouvernement selon laquelle les contrats de travail d’un grand nombre de membres fondateurs du syndicat ont été rompus quelques jours après la notification de la demande d’enregistrement à l’employeur, le gouvernement ne se prononce pas sur les motifs de ces ruptures de contrat ni ne mentionne la réalisation d’enquêtes visant à déterminer la véracité des allégations d’actes de discrimination antisyndicale dénoncés par les organisations plaignantes. A cet égard, le comité rappelle que la discrimination antisyndicale représente l’une des violations les plus graves du droit à la liberté syndicale puisqu’elle peut compromettre l’existence même des syndicats et que, lorsqu’elles sont saisies de plaintes en discrimination antisyndicale, les instances compétentes doivent mener immédiatement une enquête et prendre les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences des actes de discrimination antisyndicale qui auront été constatés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 769 et 835.] Tout en se référant à sa recommandation précédente relative au nombre minimum d’affiliés requis pour la constitution d’un syndicat, le comité prie également le gouvernement de veiller à la réalisation, dans les plus brefs délais, d’une enquête indépendante sur les différents actes antisyndicaux qui auraient accompagné la création du syndicat d’entreprise et de l’informer des résultats de cette enquête ainsi que des éventuelles mesures prises par les autorités publiques à la suite de cette enquête, y compris en ce qui concerne l’enregistrement du syndicat d’entreprise.
  10. 440. Le comité observe, par ailleurs, que le gouvernement ne fournit pas d’éléments concernant les allégations de menaces reçues par le secrétaire général du syndicat d’entreprise et la présentation par ce dernier d’une plainte pénale pour délit d’intimidation. Rappelant que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe [voir Recueil, op. cit., paragr. 44], le comité veut croire que la plainte pénale déposée aboutira sans délai à des enquêtes et des décisions pertinentes de la part des autorités compétentes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  11. 441. En dernier lieu, le comité regrette d’avoir dû examiner cet aspect du cas sans disposer des observations de l’entreprise concernée et prie donc le gouvernement de faire en sorte que, par l’intermédiaire de l’organisation d’employeurs concernée, l’entreprise ait la possibilité, si elle le souhaite, d’exprimer son point de vue sur les allégations mentionnées.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 442. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que la législation nationale est conforme aux principes de la liberté syndicale, s’agissant du nombre minimum de 30 membres requis par la législation pour la constitution d’un syndicat d’entreprise ainsi que de la possibilité de former des organisations de premier niveau qui regroupent des travailleurs de plusieurs entreprises. Le comité renvoie le suivi de ces aspects législatifs à la CEACR.
    • b) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour permettre sans délai l’enregistrement de l’ASTAC et pour que, dans l’intervalle, ses membres bénéficient des garanties et protections nécessaires.
    • c) Le comité prie le gouvernement de veiller à la réalisation, dans les plus brefs délais, d’une enquête indépendante sur les différents actes antisyndicaux qui auraient accompagné la création du syndicat d’entreprise et de l’informer des résultats de cette enquête ainsi que des éventuelles mesures prises par les autorités publiques à la suite de cette enquête, y compris en ce qui concerne l’enregistrement du syndicat.
    • d) Le comité veut croire que la plainte pénale déposée par le secrétaire général du syndicat d’entreprise susmentionné aboutira sans délai à des enquêtes et des décisions pertinentes de la part des autorités compétentes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • e) Le comité prie le gouvernement de faire en sorte que, par l’intermédiaire de l’organisation d’employeurs concernée, l’entreprise susmentionnée ait la possibilité d’exprimer, si elle le souhaite, son point de vue sur les allégations relatives à la constitution d’un syndicat en son sein.
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