Allégations: Les organisations plaignantes allèguent des menaces, des actes d’intimidation et des représailles graves contre des membres et des dirigeants du Syndicat national des journalistes somaliens (NUSOJ) et l’absence de réponse adaptée de la part du gouvernement fédéral de la Somalie
- 592. Le comité a examiné le présent cas pour la dernière fois à sa réunion d’octobre-novembre 2016 et, à cette occasion, présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 380e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 328e session (octobre-novembre 2016), paragr. 898 à 935.]
- 593. Le Syndicat national des journalistes somaliens (NUSOJ) a envoyé des informations supplémentaires relatives à la plainte dans une communication en date du 31 mai 2017.
- 594. Le gouvernement a envoyé une communication en date du 10 septembre 2017 concernant le cas.
- 595. La Somalie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 596. Lors de son examen antérieur du cas à sa réunion d’octobre-novembre 2016, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 380e rapport, paragr. 935]:
- a) Le comité s’attend à ce que le gouvernement respecte la décision de la cour suprême concernant la direction du NUSOJ et prie instamment le gouvernement de s’abstenir de toute nouvelle ingérence dans les affaires syndicales internes du NUSOJ et de la FESTU et de veiller à ce que les dirigeants élus de ces syndicats – en particulier M. Osman jusqu’à ce qu’il en soit indiqué autrement par les membres syndicaux eux-mêmes – soient libres d’exercer leurs mandats au nom de leurs membres conformément aux statuts des syndicats. Le comité veut croire que le gouvernement reconnaîtra sans délai la direction du NUSOJ et de la FESTU conduite par M. Osman.
- b) Le comité est profondément préoccupé par l’allégation des organisations plaignantes selon laquelle le président de la Cour suprême M. Aidid Abdullahi Ilkahanaf, qui a rendu une décision en faveur de M. Osman – et contre la position du gouvernement –, a depuis lors été démis de ses fonctions par décret présidentiel. Observant qu’un pouvoir judiciaire indépendant est essentiel pour garantir le plein respect des droits fondamentaux de la liberté syndicale et de la négociation collective, le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures pour assurer le plein respect de ce principe et de garantir que M. Aidid Abdullahi Ilkahanaf ne fasse pas l’objet de menaces dans l’exercice de ses fonctions en vertu du mandat dont il a la charge. Le comité demande au gouvernement de répondre en détail à cette allégation.
- c) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai des explications détaillées sur les motifs de l’arrestation de M. Abdi Adan Guled, vice-président du NUSOJ.
- d) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai des explications détaillées sur toute enquête de police et procédure judiciaire engagée en lien avec la tentative d’assassinat à l’encontre M. Osman le 25 décembre 2015. De manière générale, le comité prie instamment le gouvernement d’assurer la protection et de garantir la sécurité des dirigeants et des membres de la FESTU et du NUSOJ, et de diligenter une enquête judiciaire complète et indépendante sur les allégations d’actes d’intimidation et de menaces de mort à leur encontre.
- e) Le comité exhorte le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour diligenter de toute urgence une enquête sur le meurtre de M. Abdiasis Mohamed Ali, membre du NUSOJ, et de le tenir informé des résultats.
- f) Le comité prie instamment le gouvernement de garantir le plein respect des principes relatifs au droit de constituer les organisations de leur choix sans autorisation préalable et de s’abstenir de toute initiative ou relation dans la création d’un syndicat.
- g) Le comité rappelle fermement que les dirigeants syndicaux ne devraient pas être soumis à des mesures de rétorsion, et notamment des arrestations et des détentions sans procès, pour avoir exercé des droits découlant des instruments de l’OIT sur la liberté syndicale, en l’occurrence pour avoir déposé plainte auprès du comité. Le comité s’attend à ce que le gouvernement garantisse le plein respect de ce principe.
- h) Enfin, le comité rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau afin de déterminer les mesures appropriées pour traiter de manière effective ses recommandations en suspens.
B. Informations complémentaires des organisations plaignantes
B. Informations complémentaires des organisations plaignantes- 597. Dans une communication en date du 31 mai 2017, le NUSOJ a transmis copie d’un avis juridique en date du 11 mai 2017 émanant du Procureur général de l’Etat à l’intention du ministère du Travail et des Affaires sociales concernant le présent cas à l’examen du comité. Dans sa communication en réponse à la demande du ministère du Travail et des Affaires sociales, le Procureur général de l’Etat a conseillé au gouvernement de se conformer aux recommandations formulées en octobre 2016 par le Comité de la liberté syndicale concernant le cas. Par ailleurs, le Procureur général de l’Etat rappelle au gouvernement la nature indépendante des syndicats et d’autres organisations de la société civile qui devraient être libres de s’organiser et d’élire leurs propres représentants sans aucune ingérence du gouvernement, sous réserve de ne pas troubler l’ordre public. Le NUSOJ dénonce le fait que, malgré cet avis juridique, le gouvernement ne met toujours pas en œuvre les recommandations du comité.
- 598. Le NUSOJ a par ailleurs indiqué, toutefois, que M. Omar Faruk Osman, son secrétaire général, a été convoqué au bureau du procureur général, le 29 mai 2017, et a été avisé verbalement qu’il serait interrogé au sujet des deux chefs d’accusation formulés à son endroit. Il a été prié de se représenter au bureau du procureur général le 31 mai. Il s’est alors vu remettre la citation à comparaître officielle contenant les deux chefs d’accusation suivants: i) organisation, le 3 mai 2017, d’une célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse au Diplomatic Hotel sans autorisation du ministère de l’Information; et ii) déclaration abusive, le 6 mai 2017, en termes offensants et diffamatoires à l’encontre du ministre de l’Information du gouvernement fédéral.
- 599. Selon l’organisation plaignante, il est clair que le ministère de l’Information est l’instigateur de ces accusations et qu’il intervient en coulisse. L’organisation plaignante a indiqué que M. Osman a comparu devant le bureau du procureur général et a contesté avec assurance les accusations portées contre lui. Il a notamment rappelé que, en vertu de la Constitution nationale, la norme suprême en droit national, il n’est pas nécessaire de demander ou d’obtenir une quelconque autorisation d’un ministère pour organiser une réunion.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement- 600. Dans sa communication en date du 10 septembre 2017, le gouvernement reconnaît qu’il a consulté le Procureur général de l’Etat au sujet du cas et confirme que ce dernier a écrit aux ministères compétents et conseillé aux autorités concernées de se conformer aux recommandations du comité. Le gouvernement déclare qu’il accorde beaucoup de poids à cet avis juridique.
- 601. Le gouvernement déclare par ailleurs qu’il n’y a pas de désaccord quant au fait que la Fédération des syndicats somaliens (FESTU), dirigée par M. Omar Faruk Osman, est l’organisation de travailleurs la plus représentative. Il reconnaît également M. Osman comme étant le dirigeant du NUSOJ. Cependant, le gouvernement souhaite régler les différends politiques existant entre la FESTU et les décideurs au sein du gouvernement.
- 602. Enfin, le gouvernement sollicite l’assistance du BIT pour favoriser un dialogue constructif et pour trouver dans l’harmonie une solution à un conflit de longue date.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 603. Le comité rappelle qu’il a examiné ce cas grave de menaces présumées, d’actes d’intimidation et de représailles contre des membres et des dirigeants syndicaux de la FESTU et du NUSOJ à plusieurs reprises. Au vu de la gravité des questions soulevées et de l’absence apparente de compréhension de la part du gouvernement de leur importance fondamentale, le comité a décidé d’avoir recours au paragraphe 69 de sa procédure et a invité le gouvernement à se présenter devant lui pour exposer les mesures prises concernant les questions en suspens pour lesquelles il n’a pas fourni de réponses adéquates. Le gouvernement a présenté une communication écrite en mars 2016 et fait une présentation orale devant le comité lors de sa réunion de mai-juin 2016.
- 604. Le comité note les informations fournies par l’organisation plaignante selon lesquelles: i) malgré un avis juridique émis le 11 mai 2017 dans lequel le Procureur général de l’Etat conseille au ministère du Travail et des Affaires sociales de se conformer aux recommandations formulées en octobre 2016 par le Comité de la liberté syndicale concernant le cas, à ce jour, le gouvernement n’a pas mis en œuvre ces recommandations; et ii) M. Omar Faruk Osman, secrétaire général de la FESTU et du NUSOJ, a été convoqué au bureau du procureur général en mai 2017 et a reçu une lettre dans laquelle il était accusé d’avoir organisé, le 3 mai 2017, une célébration de la Journée mondiale de la liberté sans autorisation du ministère de l’Information et d’avoir fait, le 6 mai 2017, une déclaration offensante et diffamatoire à l’encontre du ministre de l’Information. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, le ministère de l’Information est l’instigateur de ces accusations, ce qui prouve les mesures de représailles constantes prises par les autorités contre les activités syndicales légitimes du NUSOJ. Le comité prie instamment le gouvernement de fournir des observations détaillées concernant ces accusations à l’encontre de M. Omar Faruk Osman et de le tenir informé des suites éventuelles données à cette procédure.
- 605. Le comité prend dûment note de la communication en date du 10 septembre 2017 dans laquelle le gouvernement: i) a reconnu que le ministère du Travail et des Affaires sociales a consulté le Procureur général de l’Etat au sujet du cas et que ce dernier a écrit aux ministères compétents et conseillé aux autorités concernées de se conformer aux recommandations du comité; ii) a reconnu que la FESTU, dirigée par M. Omar Faruk Osman, est l’organisation de travailleurs la plus représentative du pays et que M. Osman est le dirigeant du NUSOJ; iii) a indiqué qu’il souhaitait régler les différends politiques entre la FESTU et les décideurs au sein du gouvernement; et iv) a sollicité l’assistance du BIT pour favoriser un dialogue constructif et pour trouver dans l’harmonie une solution à un conflit de longue date.
- 606. Le comité accueille favorablement la détermination du gouvernement à trouver une solution à ce cas qui concerne des allégations très graves (arrestation du vice-président du NUSOJ; tentative d’assassinat à l’encontre du secrétaire général du NUSOJ; assassinat d’un journaliste, membre du NUSOJ; ingérence des autorités dans la constitution d’un syndicat). En conséquence, le comité réitère ses recommandations précédentes à cet égard et s’attend à ce que le gouvernement fournisse rapidement des informations sur les mesures prises pour veiller à ce que la FESTU et le NUSOJ puissent mener leurs activités syndicales sans entrave et à ce que des enquêtes judiciaires indépendantes soient promptement diligentées en cas de plaintes pour ingérence, menaces ou actes de violence à l’encontre de syndicalistes et de dirigeants syndicaux, et ce afin d’établir pleinement les faits et circonstances, d’identifier les responsables, de sanctionner les coupables et de prévenir la répétition de tels actes.
- 607. Le comité veut croire que le gouvernement se prévaudra aussitôt que possible de l’assistance technique du Bureau afin de déterminer les mesures appropriées pour traiter de manière effective ses recommandations en suspens.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 608. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Tout en accueillant favorablement la détermination du gouvernement à trouver une solution à ce cas qui concerne des allégations très graves, le comité réitère ses recommandations précédentes et s’attend à ce que le gouvernement fournisse rapidement des informations sur les mesures prises pour veiller à ce que la FESTU et le NUSOJ puissent mener leurs activités syndicales sans entrave et à ce que des enquêtes judiciaires indépendantes soient promptement diligentées en cas de plaintes pour menaces ou actes de violence à l’encontre de syndicalistes et de dirigeants syndicaux, et ce afin d’établir pleinement les faits et circonstances, d’identifier les responsables, de sanctionner les coupables et de prévenir la répétition de tels actes.
- b) Le comité prie le gouvernement de répondre aux allégations selon lesquelles le président de la Cour suprême, nommément M. Aidid Abdullahi Ilkahanaf, qui avait rendu une décision en faveur de M. Osman – et contre la position du gouvernement –, a été démis de ses fonctions par décret présidentiel. Le comité prie également le gouvernement d’indiquer les fonctions actuelles de M. Aidid Abdullahi Ilkahanaf, et en particulier si ce dernier est demeuré dans la magistrature.
- c) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai des explications détaillées sur les motifs de l’arrestation, le 15 octobre 2016, de M. Abdi Adan Guled, vice-président du NUSOJ.
- d) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai des explications détaillées sur toute enquête de police et procédure judiciaire engagée en lien avec la tentative d’assassinat à l’encontre M. Osman le 25 décembre 2015.
- e) Le comité prie instamment le gouvernement de le tenir informé du résultat de l’enquête sur le meurtre de M. Abdiasis Mohamed Ali, membre du NUSOJ.
- f) Le comité prie instamment le gouvernement de fournir des observations détaillées concernant les accusations portées en mai 2017 contre M. Omar Faruk Osman et de le tenir informé des suites éventuelles données à cette procédure.
- g) Le comité veut croire que le gouvernement se prévaudra aussitôt que possible de l’assistance technique du Bureau afin de déterminer les mesures appropriées pour traiter de manière effective ses recommandations en suspens.