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Informe provisional - Informe núm. 395, Junio 2021

Caso núm. 3076 (Maldivas) - Fecha de presentación de la queja:: 08-ABR-14 - En seguimiento

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Allégations: Usage disproportionné de la force par la police contre des travailleurs en grève; arrestation arbitraire de membres et de dirigeants de la TEAM; licenciement abusif de neuf travailleurs dont des dirigeants de la TEAM ayant participé à une grève comme meneurs. Les organisations plaignantes indiquent que, malgré un jugement définitif rendu en leur faveur, les travailleurs licenciés ne sont pas encore réintégrés à leur poste plus de dix ans après leur licenciement

  1. 252. Le comité a examiné ce cas (présenté en avril 2014) pour la dernière fois à sa réunion d’octobre 2019 et, à cette occasion, a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 391e rapport, paragr. 385 à 412, approuvé par le Conseil d’administration à sa 337e session (octobre-novembre 2019)  .]
  2. 253. L’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) a fourni des informations complémentaires dans une communication en date du 18 mai 2021.
  3. 254. Le gouvernement a présenté ses observations dans une communication en date du 31 janvier 2021.
  4. 255. La République des Maldives a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 256. Lors de son précédent examen du cas en octobre 2019, le comité a formulé les recommandations suivantes sur les questions en suspens [voir 391e rapport, paragr. 412]:
    • a) Le comité regrette profondément que, en dépit du temps écoulé depuis la présentation de la plainte en avril 2014, le gouvernement n’ait toujours pas répondu aux allégations des organisations plaignantes bien qu’il ait été prié à plusieurs reprises de présenter ses commentaires et observations sur ce cas. Le comité prie instamment à nouveau le gouvernement de présenter ses observations sur les allégations des organisations plaignantes sans délai supplémentaire et de faire preuve de plus de coopération à l’avenir. Le comité rappelle à nouveau au gouvernement qu’il a la possibilité de se prévaloir de l’assistance technique du Bureau.
    • b) Le comité exhorte à nouveau le gouvernement à diligenter une enquête indépendante concernant les motifs de l’arrestation et de la détention de membres de la TEAM dans les trois occasions précitées (décembre 2008, avril 2009 et mai 2013) et, s’il s’avérait qu’ils aient été arrêtés en raison de leurs activités syndicales, d’obliger les responsables à rendre compte de leurs actes et de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les autorités compétentes reçoivent les instructions requises pour s’abstenir de recourir à l’avenir à l’arrestation et à la détention de syndicalistes pour des raisons liées à leurs activités syndicales. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
    • c) Le comité s’attend à ce que la procédure civile en cours concernant les licenciements de responsables de la TEAM à l’hôtel A  se termine sans délai et veut croire que la Cour suprême prendra en considération, dans sa décision, les principes de la liberté syndicale et les conclusions antérieures du comité concernant le cas d’espèce. Compte tenu du temps qui s’est écoulé depuis que le tribunal du travail a déclaré pour la première fois leurs licenciements illégaux, le comité s’attend à ce que, entre-temps, les travailleurs licenciés soient réintégrés et reçoivent des arriérés de salaires et prie instamment le gouvernement de prendre des mesures pour réunir la direction et les travailleurs concernés afin de résoudre les problèmes qui se posent depuis longtemps dans le cas d’espèce. Le comité prie le gouvernement de lui fournir une copie de la décision de la Cour suprême une fois qu’elle aura été rendue et de le tenir informé de tout fait nouveau.
    • d) Le comité prie instamment à nouveau le gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur les allégations d’usage excessif de la force par la police contre les travailleurs de l’hôtel A et de veiller à ce que les instructions appropriées soient données pour que de telles situations ne se reproduisent plus à l’avenir. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toutes les mesures prises à cet égard.
    • e) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les procédures judiciaires relatives aux allégations de licenciements abusifs dans les hôtels B  et C  soient rapidement menées à bien, afin d’éviter des retards déraisonnables, et pour que les décisions soient rapidement et pleinement appliquées par les parties concernées. Le comité veut croire que, malgré le temps qui s’est écoulé depuis que ces allégations ont été formulées, les tribunaux seront en mesure d’ordonner des réparations adéquates, la réintégration étant le moyen privilégié; si, pour des raisons objectives et impérieuses, la réintégration n’est pas possible, les travailleurs devraient être dûment indemnisés.
    • f) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le syndicat de l’hôtel C puisse exercer librement ses activités syndicales légitimes, y compris son droit d’organiser des réunions et de déployer des banderoles syndicales, sans aucune ingérence de la direction, et pour que les cadres syndicaux licenciés aient un accès raisonnable aux membres et aux locaux du syndicat, de sorte qu’ils puissent remplir leurs fonctions de représentation. Le comité invite en outre le gouvernement à tendre la main aux parties et à les encourager à s’engager de bonne foi dans la négociation collective afin de créer et de maintenir des relations de travail harmonieuses et de prévenir les conflits du travail. Le comité prie également le gouvernement de donner toutes les instructions requises pour faire en sorte que la police ne soit pas utilisée comme un instrument d’intimidation ou de surveillance des membres de syndicats et de le tenir informé des mesures prises ou envisagées à cet égard.
    • g) S’agissant des allégations spécifiques de ce cas d’espèce, le comité prie le gouvernement de demander des informations aux organisations d’employeurs concernées en vue de pouvoir disposer de leur version des faits et de celle des entreprises en cause sur les questions en instance.
    • h) Enfin, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures législatives et d’application nécessaires, en consultation avec les partenaires sociaux concernés, afin de garantir que la protection des droits syndicaux, en particulier le droit à la liberté de réunion, et la protection contre la discrimination antisyndicale sont pleinement garanties tant en droit que dans la pratique. Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
    • i) Observant que le gouvernement a exprimé le besoin d’obtenir l’assistance technique du Bureau, le comité veut croire qu’il sera en mesure de s’en prévaloir dans un avenir proche.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 257. Dans sa communication en date du 31 janvier 2021, le gouvernement indique que les informations qu’il fournit ont trait à des allégations d’usage disproportionné de la force par la police contre des travailleurs en grève, d’arrestations et de détentions répétées de dirigeants de l’Association des salariés du tourisme des Maldives (TEAM), de licenciement abusif de ces derniers et de non-application du jugement ordonnant leur réintégration sans perte de salaire, concernant des faits survenus entre novembre 2008 et mai 2013. Le gouvernement souligne que ces informations proviennent d’enquêtes factuelles menées par le ministère du Développement économique, en collaboration avec le bureau du Procureur général.
  2. 258. S’agissant des allégations d’usage disproportionné de la force par la police contre des travailleurs en grève, le gouvernement indique que, selon les informations obtenues par le ministère à propos de ces incidents, plusieurs salariés de l’hôtel A travaillant sur le site se sont mis en grève le 28 novembre 2008. Le gouvernement indique que l’employeur a fait appel au service de police de la République des Maldives le 30 novembre 2008 pour assurer la sécurité des autres salariés et des clients qui séjournaient dans le complexe. Il a été fait état d’une première confrontation entre les travailleurs en grève et les policiers, lorsque ces derniers ont tenté d’évacuer certains des travailleurs des locaux de l’hôtel. La situation est restée sans solution jusqu’à ce que le gouvernement, par l’intermédiaire du cabinet du Président, intervienne comme «médiateur» entre les parties en conflit.
  3. 259. Le gouvernement souligne que, selon les informations fournies par le service de police, les policiers ont fait usage de la force dans le respect des règles pertinentes en vigueur, dans la mesure nécessaire et de façon proportionnée, et fait en outre observer que personne n’a été arrêté à cette occasion. Il indique que le service de police de la République des Maldives est un organe civil chargé, entre autres, de faire respecter la loi, avec le devoir d’assurer la sécurité, de protéger les biens et de maintenir l’ordre public, et qu’il est soumis à la loi no 5/2009 (loi sur la police). Les actes des policiers sont contrôlés par plusieurs institutions, dont la Commission nationale de l’intégrité (à l’époque Commission de l’intégrité de la police) créée en 2015, la Commission des droits de l’homme des Maldives et des commissions parlementaires. La Commission nationale de l’intégrité et la Commission des droits de l’homme sont toutes deux des institutions indépendantes établies par la loi, qui jouent le rôle d’organes de surveillance de l’action de l’exécutif, y compris des décisions de la police. Selon le gouvernement, la Commission des droits de l’homme a enquêté sur les faits en présence de l’avocat de l’employeur, des travailleurs en grève et des policiers responsables qui étaient présents sur les lieux. La Commission des droits de l’homme avait reçu des plaintes concernant des blessures subies par certains des travailleurs en grève lors des confrontations entre les travailleurs en grève et les policiers qui étaient intervenus. Il ressort de cette enquête que la police a fait usage de la force pour maîtriser les troubles qui ont suivi la confrontation entre les policiers et les travailleurs.
  4. 260. Le gouvernement déclare enfin que le service de police de la République des Maldives a entrepris des réformes s’agissant de l’usage de la force lors de manifestations et de troubles. La police a adopté un plan stratégique, réaffirmant sa mission qui est de fournir des services de police dans un esprit de confiance, de respect des droits de l’homme et de collaboration. Le Parlement a adopté le 6 décembre 2020 un nouveau projet de loi sur la police, qui vise à améliorer la gouvernance de la police et à renforcer son obligation de rendre des comptes, avec une évolution vers une police démocratique et axée sur la population.
  5. 261. S’agissant des allégations d’arrestation et de détention arbitraires de membres et de dirigeants de la TEAM, le gouvernement indique ce qui suit: i) personne n’a été arrêté pendant la grève et les troubles qui ont suivi en novembre 2008; ii) lors d’un incident distinct de la grève de novembre 2008, le directeur général de l’hôtel A a été brutalement attaqué par un groupe de salariés de l’hôtel, le 13 avril 2009; iii) sur la base d’une enquête initiale de la police, neuf salariés de l’hôtel ont été arrêtés en lien avec cette agression pour être interrogés et faire l’objet d’une enquête plus approfondie. Ces neuf salariés étaient des membres de la TEAM qui avaient également participé à la grève en novembre et décembre 2008; iv) le 23 novembre 2009, au terme de son enquête, la police a transmis le dossier d’un des travailleurs arrêtés au bureau du Procureur général pour que celui-ci engage des poursuites pénales. Le tribunal pénal a conclu qu’il n’y avait pas assez de preuves de la culpabilité du travailleur concerné; v) le 23 mai 2013, trois des travailleurs licenciés ont été arrêtés pour avoir tenté de s’introduire dans une propriété privée (hôtel A). Selon l’employeur, au moment de l’arrestation, les trois travailleurs licenciés étaient accompagnés d’un groupe de personnes non identifiées. Après enquête et consultation du bureau du Procureur général, la police a classé cette affaire en attendant que des informations supplémentaires puissent être obtenues. Ladite enquête n’a pas évolué jusqu’à présent. Bien que les organisations plaignantes aient cherché à justifier l’embarquement non autorisé sur le ferry du complexe par le retour au travail conformément à la décision du tribunal, l’employeur a déclaré que les salariés n’avaient pas encore été réintégrés à ce moment-là et que le tribunal ne les avait pas autorisés à pénétrer de force dans les locaux de l’hôtel.
  6. 262. Le gouvernement souligne que, pour chacun des faits d’arrestation et de détention, les autorités ont respecté les droits constitutionnels des personnes concernées, y compris le droit d’être traduit devant un juge du tribunal pénal chargé de se prononcer sur la validité de l’arrestation. Selon le gouvernement, les allégations concernant l’arrestation et la décision subséquente du tribunal pénal de faire libérer huit des personnes arrêtées le 13 avril 2009 (une personne ayant été placée en détention provisoire pendant neuf jours) et l’arrestation et la détention pendant trois jours du vice-président de la TEAM, le 14 avril 2009, doivent être examinées au regard des règles de la justice pénale. Selon le gouvernement, aucune des personnes arrêtées n’a jamais été placée en détention en l’absence de mandat, dans le respect des dispositions légales applicables. Le gouvernement n’est donc pas en mesure d’établir que l’arrestation des militants de la TEAM était manifestement déraisonnable et qu’elle était fondée sur des motifs antisyndicaux.
  7. 263. Le gouvernement fait en outre référence aux grandes réformes du système de justice pénale entreprises au cours des quinze dernières années. Un Code pénal complet et révisé a été promulgué: la loi no 9/2014 (Code pénal de la République des Maldives). Les règles de la procédure pénale ont été révisées et consolidées par la promulgation de la loi no 12/2016 (loi sur la procédure pénale), qui fixe les règles relatives aux arrestations, aux enquêtes, aux poursuites et au déroulement des procès pénaux, ce qui garantit davantage encore que toutes les institutions de l’État protègent et préservent les droits constitutionnels.
  8. 264. S’agissant de l’allégation de licenciement abusif de neuf travailleurs, dont des dirigeants de la TEAM, pour avoir organisé une grève et y avoir participé, et de non-application du jugement ordonnant leur réintégration sans perte de salaire et le paiement d’une indemnité, le gouvernement indique que, selon les informations obtenues par le ministère auprès des autorités compétentes et les informations fournies par l’employeur en rapport avec ces allégations, les neuf salariés ont déposé une plainte devant le tribunal du travail, qui a examiné toutes ces affaires et rendu une décision dans chacune d’elles. Le gouvernement indique en outre que sur ces neuf affaires: i) cinq des travailleurs ne se sont jamais présentés au travail depuis leur réintégration, et il n’y a aucune trace d’autres demandes de leur part; l’employeur est donc parti du principe que ces personnes refusaient leur réintégration et abandonnaient leur emploi; ii) trois des travailleurs ont conclu des accords privés, extrajudiciaires, de règlement de conflits qui ont réglé l’affaire, et ont retiré leur plainte contre l’employeur; iii) une affaire a été réglée en vertu d’une décision en appel rendue par la Haute Cour.
  9. 265. Le gouvernement affirme ne pas soutenir et ne pas approuver les licenciements de représailles, sous quelque forme que ce soit, contrairement à ce qui est allégué dans la plainte, et indique que ni lui ni le tribunal du travail n’ont été en mesure d’établir la véracité des allégations de discrimination antisyndicale formulées par les organisations plaignantes en rapport avec le licenciement. En outre, le gouvernement déclare ne pas être en mesure d’établir que l’on soit en attente de l’exécution d’une décision judiciaire dans l’une quelconque des affaires, comme allégué dans la plainte.

C. Informations complémentaires des organisations plaignantes

C. Informations complémentaires des organisations plaignantes
  1. 266. Dans une communication datée du 18 mai 2021, les organisations plaignantes fournissent de nouvelles informations concernant l’affaire et allèguent qu’aucun progrès n’a été réalisé dans aucune des affaires concernant respectivement l’hôtel A, l’hôtel B et l’hôtel C.
  2. 267. Dans le cas de l’hôtel A, les plaignants indiquent que la Cour suprême a confirmé la décision de la Haute Cour de novembre 2016 selon laquelle la réintégration ne nécessite pas de retour sur le même lieu de travail, car il n’y aurait plus de «confiance» dans la relation entre l’employeur et les travailleurs. Aucun autre recours juridique n’est possible.
  3. 268. Dans le cas de l’hôtel B, les plaignants indiquent que, dans son jugement de février 2021, la Cour suprême a confirmé la décision de la Haute Cour concernant le licenciement abusif, mais a annulé la décision initiale du Tribunal du travail ordonnant la réintégration et l’indemnisation (le jugement de la Cour suprême était joint aux allégations supplémentaires). La Cour suprême a convenu que, bien qu’il n’y ait pas de base pour le licenciement des travailleurs licenciés, le paiement reçu par ces travailleurs en lieu et place du préavis constituait une compensation suffisante. Les plaignants indiquent en outre qu’ils demanderont une révision judiciaire de l’arrêt de la Cour suprême dans le cas de l’hôtel B.
  4. 269. En outre, les plaignants allèguent que: i) il n’y a pas eu d’enquête indépendante sur le recours à la force policière et l’arrestation de membres de la TEAM (en décembre 2008; avril 2009; mai 2013), et la menace d’arrestation en réponse à des activités syndicales continue de créer un climat de peur dans les stations balnéaires de l’ensemble des Maldives; ii) il n’existe toujours pas dans le pays de législation garantissant le droit à la liberté d’association et la protection contre la discrimination antisyndicale, malgré l’assistance technique et les conseils permanents du BIT en la matière; et iii) dans ces circonstances, le statut des organisations syndicales telles que la TEAM repose sur l’enregistrement en tant qu’association en vertu de la loi sur les associations (2003), ce qui signifie qu’il n’y a aucune obligation pour les employeurs de reconnaître ces syndicats ou de s’engager dans des négociations collectives.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 270. Le comité rappelle que le présent cas porte sur des faits survenus dans un hôtel (hôtel A) entre novembre 2008 et mai 2013 et concerne des allégations d’usage disproportionné de la force par la police contre des travailleurs en grève, d’arrestation et détention répétées de dirigeants de la TEAM, de licenciement de ces derniers et de non-application du jugement ordonnant leur réintégration sans perte de salaire. Le présent cas porte également sur des allégations de discrimination antisyndicale dans deux autres établissements hôteliers (hôtels B et C).
  2. 271. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement. Il observe que ces informations ont trait aux faits survenus en novembre 2008 et en mai 2013 en rapport avec l’hôtel A et ne couvrent donc pas les allégations concernant les hôtels B et C. En conséquence, le comité note que la réponse du gouvernement ne porte que sur les recommandations b), c) et d) ci-dessus.
  3. 272. Le comité prend également bonne note des informations actualisées fournies par le plaignant en date du 18 mai 2021, selon lesquelles aucun progrès n’aurait été réalisé dans les affaires concernant les hôtels A, B et C.
  4. 273. S’agissant des motifs de l’arrestation et de la détention de membres de la TEAM (recommandation b)), le comité rappelle que, dans le présent cas, des dirigeants syndicaux auraient été arrêtés et détenus en relation avec leurs activités syndicales au moins en deux occasions – une fois dans le contexte d’une grève organisée pour défendre les intérêts professionnels de travailleurs et une autre fois lorsqu’ils tentaient de dénoncer le fait que l’employeur persistait dans son refus d’appliquer une décision judiciaire ordonnant la réintégration de travailleurs après un licenciement illégal.
  5. 274. Le comité observe que le gouvernement conteste les allégations des organisations plaignantes en affirmant ce qui suit: i) personne n’a été arrêté pendant la grève et les troubles qui ont suivi en novembre 2008; ii) lors d’un incident distinct de la grève de novembre 2008, le directeur général de l’hôtel A a été brutalement attaqué par un groupe de salariés de l’hôtel, le 13 avril 2009; iii) sur la base d’une enquête initiale de la police, neuf salariés de l’hôtel ont été arrêtés en lien avec cette agression pour être interrogés et faire l’objet d’une enquête plus approfondie. Ces neuf salariés étaient des membres de la TEAM qui avaient également participé à la grève en novembre et décembre 2008; iv) le 23 novembre 2009, au terme de son enquête, la police a transmis le dossier d’un des travailleurs arrêtés au bureau du Procureur général pour que celui-ci engage des poursuites pénales. Le tribunal pénal a conclu qu’il n’y avait pas assez de preuves de la culpabilité du travailleur concerné. Par la suite, le 23 mai 2013, trois des travailleurs licenciés ont été arrêtés pour avoir tenté de s’introduire dans une propriété privée (hôtel A). Selon l’employeur, au moment de l’arrestation, les trois travailleurs licenciés étaient accompagnés d’un groupe de personnes non identifiées. Après enquête et consultation du bureau du Procureur général, la police a classé cette affaire en attendant que des informations supplémentaires puissent être obtenues. Ladite enquête n’a pas évolué jusqu’à présent. Bien que les organisations plaignantes aient cherché à justifier l’embarquement non autorisé sur le ferry du complexe par le retour au travail conformément à la décision du tribunal, l’employeur a déclaré que les salariés n’avaient pas encore été réintégrés à ce moment-là et que le tribunal ne les avait pas autorisés à pénétrer de force dans les locaux de l’hôtel.
  6. 275. En ce qui concerne les recommandations b) et d) du comité priant le gouvernement de mener une enquête indépendante sur les allégations relatives à l’hôtel A selon lesquelles des membres du TEAM ont été arrêtés à trois reprises (en décembre 2008, avril 2009 et mai 2013) en raison de leurs activités syndicales et sur les allégations selon lesquelles la police a fait un usage excessif de la force, le comité prend note des allégations des plaignants selon lesquelles il n’y a pas eu d’enquête indépendante sur l’utilisation de la force policière et l’arrestation de membres du TEAM et que la menace d’arrestation en réponse à des activités syndicales continue de créer un climat de peur dans les stations balnéaires de l’ensemble du territoire. Le comité note les informations fournies par le gouvernement selon lesquelles, d’après le Service de police des Maldives, le personnel de police a fait usage de la force conformément aux règles en vigueur et qu’aucune arrestation n’a été effectuée à cette occasion. Le gouvernement ajoute que l’HRCM créée en 2015, qui agit en tant qu’organe de surveillance indépendant de l’action de l’exécutif, y compris des décisions du Service de police des Maldives, a enquêté sur l’incident sur la base des plaintes qui lui ont été soumises concernant les blessures subies par certains des travailleurs en grève lors des affrontements qui ont eu lieu avec les policiers qui sont intervenus. Le comité observe que les conclusions de l’HRCM indiquent que le service de police des Maldives a fait usage de la force pour contrôler les troubles qui ont suivi la confrontation entre les policiers et les travailleurs. Bien qu’aucune information n’ait été fournie quant au fait de savoir si cette enquête indépendante a également examiné les allégations selon lesquelles il y aurait eu des arrestations en raison d’une activité syndicale, le comité observe, d’après les informations fournies par le gouvernement, qu’un seul des cas a été renvoyé devant le tribunal pénal, lequel a considéré qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour condamner le syndicaliste, et que les autres cas concernant l’intrusion ont été classés par le service de police des Maldives dans l’attente d’ informations complémentaires. S’agissant de la plainte de l’employeur selon laquelle le directeur général de l’hôtel a été brutalement attaqué, comme des plaintes des travailleurs selon lesquelles ils ont été blessés lors de l’affrontement avec la police, le comité rappelle que l’exercice de la liberté syndicale est incompatible avec la violence ou les menaces de toute nature, qu’elles soient dirigées contre des employeurs, des travailleurs ou d’autres acteurs de la société.
  7. 276. En ce qui concerne la situation des responsables de la TEAM licenciés à l’hôtel A (recommandation c)), le comité prend note des informations fournies par le gouvernement selon lesquelles le tribunal du travail a examiné les plaintes dont il avait été saisi par les neuf salariés et a rendu une décision dans chacune de ces affaires. Le comité prend note, d’une part, des indications données par le gouvernement sur ces neuf affaires: i) cinq des travailleurs ne se sont jamais présentés au travail depuis leur réintégration, et il n’y a aucune trace d’autres demandes de leur part; l’employeur est donc parti du principe que ces personnes refusaient leur réintégration et abandonnaient leur emploi; ii) trois des travailleurs ont conclu des accords privés, extrajudiciaires, de règlement de conflits qui ont réglé l’affaire, et ont retiré leur plainte contre l’employeur; iii) une affaire a été réglée en vertu d’une décision en appel rendue par la Haute Cour. Le comité prend note, d’autre part, que d’après les informations récentes fournies par les organisations plaignantes en mai 2021, la Cour suprême a confirmé en février 2021 la décision de la Haute Cour de novembre 2016, dans laquelle la Cour avait jugé que les dirigeants et les membres du syndicat victimes ne devaient pas forcément être réintégrés sur le même lieu de travail comme ils l’avaient demandé et que les employeurs avaient toute discrétion pour déterminer le sens et les modalités de la réintégration. Au vu de ce qui précède, et prenant dûment note de l’indication des plaignants selon laquelle aucun autre recours juridique n’est possible, le comité observe que les dirigeants et membres syndicaux concernés, malgré une première décision de justice ordonnant leur réintégration il y a plus de douze ans, n’ont toujours pas été rétablis dans leurs droits. Le comité demande au gouvernement et aux plaignants de fournir des informations sur l’emploi actuel des membres concernées de la TEAM.
  8. 277. S’agissant des allégations générales d’usage excessif de la force par la police en l’espèce, le comité prend note des indications données par le gouvernement: i) le service de police de la République des Maldives a entrepris des réformes s’agissant de l’usage de la force lors de manifestations et de troubles, en vue d’améliorer la gouvernance de la police et de renforcer son obligation de rendre des comptes; ii) la commission de l’intégrité de la police de l’époque, chargée d’enquêter sur les allégations d’actes et de pratiques illicites du service de police de la République des Maldives, a été réformée et rebaptisée en 2015 Commission nationale de l’intégrité; et iii) cette commission est habilitée à jouer un rôle d’organe de surveillance des actions de l’exécutif, y compris de celles de la police.
  9. 278. Le comité accueille favorablement les informations fournies par le gouvernement au sujet de la réforme de la police et veut croire que tout sera fait pour que la force ne soit utilisée que dans les situations où l’ordre public est gravement menacé, pour que l’intervention de la force publique reste proportionnée à la menace pour l’ordre public et pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d’éliminer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l’ordre public.
  10. 279. S’agissant des allégations de discrimination antisyndicale à l’hôtel B rapportées par les organisations plaignantes en août 2019, le comité rappelle qu’il a noté que 22 membres de la TEAM auraient été licenciés abusivement en raison de leur participation à un arrêt de travail pacifique et que, malgré de longues procédures judiciaires, les travailleurs licenciés n’avaient pas encore été réintégrés. Le comité note que les plaignants indiquent dans leur récente communication que, dans son arrêt de février 2021, la Cour suprême a confirmé la décision de la Haute Cour concernant le licenciement abusif, mais a annulé la décision initiale du Tribunal du travail ordonnant la réintégration et l’indemnisation. Le comité observe que la Cour suprême a convenu que, bien qu’il n’y ait pas eu de base pour le licenciement des travailleurs licenciés, le paiement reçu par ces travailleurs en lieu et place du préavis était une compensation suffisante, déclarant seulement que les travailleurs licenciés pouvaient déposer un nouveau dossier juridique s’ils estimaient avoir droit à une compensation. Le comité note avec regret à cet égard que, bien que l’arrêt fasse brièvement référence aux allégations selon lesquelles les dirigeants syndicaux ont été licenciés en raison de leur participation à une grève, cette question n’a pas été examinée plus avant par la Cour, pas plus qu’elle n’a jugé que l’indemnisation fournie par l’employeur, d’un montant équivalent de 1 000 à 2 216 dollars des États-Unis au moment du licenciement, constituait une compensation équitable. À cet égard, le comité rappelle que la discrimination antisyndicale est une des violations les plus graves de la liberté syndicale puisqu’elle peut compromettre l’existence même des syndicats. Nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales légitimes, et il importe que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique. La protection contre les actes de discrimination antisyndicale doit couvrir non seulement l’embauche et le licenciement, mais aussi toute mesure discriminatoire qui interviendrait en cours d’emploi et, en particulier, les transferts, les rétrogradations et autres actes préjudiciables. Nul ne devrait faire l’objet de sanctions pour avoir déclenché ou tenté de déclencher une grève légitime. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, 2018, paragr. 1072, 1087 et 953.] Le comité regrette que, dix ans après que leur licenciement ait été jugé injustifié, les 22 dirigeants et membres du syndicat TEAM n’aient reçu aucune compensation au-delà de l’indemnité de licenciement initiale. Observant l’intention des plaignants de demander une révision judiciaire de l’arrêt de la Cour suprême dans le cas de l’hôtel B, le comité prie instamment le gouvernement de procéder à un examen approfondi des allégations relatives au caractère antisyndical de ces licenciements en vue de garantir que, dans le cas où les allégations seraient prouvées, les employés concernés reçoivent une indemnisation adéquate en réparation de tous les dommages subis et afin de prévenir toute répétition de tels actes à l’avenir.
  11. 280. S’agissant de l’hôtel C, le comité rappelle qu’il avait pris note des allégations formulées au sujet des procédures disciplinaires de masse qui auraient touché une centaine de travailleurs syndiqués et des licenciements (ou non renouvellements de contrats) antisyndicaux ciblés de dix membres de la TEAM. La Haute Cour avait estimé que le licenciement de trois dirigeants syndicaux était justifié, mais cette affaire était également en instance devant la Cour suprême. Regrettant qu’aucun autre développement n’ait été signalé à cet égard, le comité prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les procédures judiciaires relatives aux allégations de licenciements abusifs au sein de l’hôtel C soient rapidement menées à bien, afin d’éviter des retards déraisonnables, et pour que les décisions soient rapidement et pleinement appliquées par les parties concernées.
  12. 281. S’agissant des allégations d’autres violations de la liberté syndicale à l’hôtel C (notamment le fait que la direction a refusé aux membres du syndicat le droit de se réunir le 1er mai, ainsi que l’interdiction faite aux membres du syndicat licenciés de pénétrer dans l’île et dans les locaux du syndicat), compte tenu de l’absence de réponse du gouvernement, le comité prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le syndicat de l’hôtel C puisse exercer librement ses activités syndicales légitimes, y compris son droit d’organiser des réunions et de déployer des banderoles syndicales, sans aucune ingérence de la direction, et pour que les cadres syndicaux licenciés aient un accès raisonnable aux membres et aux locaux du syndicat, de sorte qu’ils puissent remplir leurs fonctions de représentation. Le comité invite en outre le gouvernement à tendre la main aux parties et à les encourager à s’engager de bonne foi dans la négociation collective afin de créer et de maintenir des relations de travail harmonieuses et de prévenir les conflits du travail.
  13. 282. Enfin, le comité prend note de la préoccupation des plaignants quant au fait qu’il n’existe toujours pas de législation adéquate dans le pays garantissant le droit à la liberté d’association et de réunion et la protection contre la discrimination antisyndicale. Rappelant que la CEACR a été saisie de cet aspect, le comité veut croire que le gouvernement ‘assurera rapidement l’adoption de la législation nécessaire en vue de garantir pleinement la liberté d’association et le droit de négociation collective.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 283. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) La commission prie le gouvernement et les organisations plaignantes de fournir des informations sur la situation professionnelle actuelle des dirigeants et membres du syndicat TEAM licenciés à l’hôtel A.
    • b) En ce qui concerne la question de l’indemnisation liée aux licenciements injustifiés à l’hôtel B, compte tenu de l’intention des plaignants de demander une révision judiciaire de l’arrêt de la Cour suprême, le comité prie instamment le gouvernement de procéder à un examen approfondi des allégations relatives à la nature antisyndicale de ces licenciements en vue de garantir que, dans le cas où les allégations seraient prouvées, les employés concernés reçoivent une indemnisation adéquate pour réparer tous les dommages subis et prévenir toute répétition de tels actes à l’avenir.
    • c) Le comité prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les procédures judiciaires relatives aux allégations de licenciements abusifs dans l’hôtel C soient rapidement menées à bien, afin d’éviter des retards déraisonnables, et pour que les décisions soient rapidement et pleinement appliquées par les parties concernées.
    • d) Le comité prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le syndicat de l’hôtel C puisse exercer librement ses activités syndicales légitimes, y compris son droit d’organiser des réunions et de déployer des banderoles syndicales, sans aucune ingérence de la direction, et pour que les cadres syndicaux licenciés aient un accès raisonnable aux membres et aux locaux du syndicat, de sorte qu’ils puissent remplir leurs fonctions de représentation. Le comité invite en outre le gouvernement à tendre la main aux parties et à les encourager à s’engager de bonne foi dans la négociation collective afin de créer et de maintenir des relations de travail harmonieuses et de prévenir les conflits du travail.
    • e) Rappelant que les aspects législatifs de l’affaire ont été renvoyés à la CEACR, le comité veut croire que le gouvernement agira rapidement en vue de garantir l’adoption de la législation nécessaire pour assurer pleinement la liberté d’association et les droits de négociation collective.
    • f) S’agissant des allégations spécifiques de ce cas d’espèce, le comité prie à nouveau le gouvernement de demander des informations aux organisations d’employeurs concernées en vue de pouvoir disposer de leur version des faits et de celle des entreprises en cause sur les questions en instance.
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