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Informe provisional - Informe núm. 395, Junio 2021

Caso núm. 3405 (Myanmar) - Fecha de presentación de la queja:: 05-MAR-21 - Activo

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Allégations: La plainte s’appuie sur de graves allégations de nombreuses attaques des autorités militaires contre des syndicalistes, des travailleurs et des fonctionnaires qui demandent le retour à un régime civil suite au coup d’État au Myanmar le 1er février 2021. Les allégations portent sur des actes d’intimidation et des menaces à l’encontre de syndicalistes, de travailleurs et de fonctionnaires pour qu’ils reprennent leur travail et renoncent à participer au mouvement de désobéissance civile, sur la suspension de postes et le recours au remplacement de grévistes, le retrait d’avantages sociaux et de certificats de compétence professionnelle, l’établissement de listes de travailleurs et de syndicalistes par la police en vue de leur arrestation, de leur emprisonnement et de leur détention, ainsi que sur de nombreux décès à la suite d’interventions des forces militaires et policières lors de manifestations pacifiques, dont le meurtre de dirigeants syndicaux

  1. 284. La plainte figure dans des communications de la Confédération syndicale internationale (CSI) et de l’Internationale de l’éducation (IE) datées respectivement du 5 mars et du 30 mai, et du 23 mars 2021.
  2. 285. La réponse du ministère du Travail, de l’Immigration et de la Population (MOLIP) a été transmise dans des communications en date du 23 avril et du 7 mai 2021.
  3. 286. Le Myanmar a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais n’a pas ratifié la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 287. Dans sa communication en date du 5 mars 2021, la CSI présente une plainte urgente alléguant de violations par l’armée du Myanmar du droit à la liberté syndicale, du droit à la liberté d’opinion et d’expression et du droit de réunion et de manifestation pacifiques, compte tenu de la détérioration rapide de la situation des droits humains et des droits au travail des travailleurs et des dirigeants syndicaux au Myanmar. La CSI rappelle que des élections nationales ont eu lieu dans le pays le 8 novembre 2020, remportées par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) et suivies, le 1er février 2021, par un coup d’État organisé par l’armée, qui a mis la Constitution du Myanmar de côté et a arrêté des dirigeants politiques, dont des membres élus du Parlement et des représentants des pouvoirs publics. Elle rappelle en outre que le peuple du Myanmar, y compris les travailleurs, a participé à des manifestations pacifiques appelant au rétablissement de la Constitution et d’un gouvernement civil et au respect du résultat des élections du 8 novembre 2020. C’est dans ce contexte que la Confédération des syndicats du Myanmar (CTUM) a appelé les travailleurs à manifester pacifiquement.
  2. 288. La CSI indique être profondément préoccupée par le fait que, au moment de la rédaction de la plainte, l’armée ait donné son aval aux attaques visant des manifestants, perpétrées par des militaires et d’autres forces de sécurité, dont la police, et que quelque 38 personnes aient été abattues dans les rues et de nombreuses autres battues et blessées. Dans certains cas, des manifestants et des passants ont été frappés et/ou ont été directement la cible de tirs. Selon la CSI, de telles attaques meurtrières vont continuer et un système d’impunité va s’ancrer au détriment des travailleurs et du peuple du Myanmar sans une intervention urgente et immédiate, tenant les militaires du Myanmar pour responsables des obligations internationales du pays en matière de droits humains et syndicaux.
  3. 289. La CSI rappelle que le comité a considéré qu’un système démocratique est fondamental pour le libre exercice des droits syndicaux. Elle estime que, sans intervention, le système démocratique est gravement menacé d’être sabordé au Myanmar et elle souligne que les allégations de fraude électorale ne peuvent trouver d’issue que par des moyens judiciaires ou civils et non par un coup d’État militaire.
  4. 290. La CSI est particulièrement préoccupée par des rapports selon lesquels la police et l’armée ont procédé à des fouilles de porte à porte pour trouver des syndicalistes dans leurs dortoirs et foyers d’hébergement dans la municipalité industrielle de Hlaingtharyar (Yangon), tandis que des employés du secteur industriel ont été persécutés au poste de police, de même que les syndicats du rail de la circonscription d’Insein. Elle allègue en outre que le régime militaire a inculpé des membres du comité central de la CTUM et des dirigeants syndicaux en vertu de l’article 505 (Kha) du Code pénal, qui ne prévoit aucune possibilité de libération sous caution et une peine de deux ans d’emprisonnement.
  5. 291. Le 1er mars 2021, la CTUM a publié une déclaration condamnant le régime pour avoir privé les travailleurs de liberté syndicale, de liberté d’expression et du droit de réunion pacifique. La CSI ajoute que, au-delà des incidents figurant dans la présente plainte, près de 100 fonctionnaires et travailleurs ont porté plainte auprès du bureau de l’OIT à Yangon au sujet de représailles dues à leur participation au mouvement de désobéissance civile pour la défense de leurs droits à la liberté syndicale et à la liberté d’expression. La CSI demande au comité de donner des instructions pour que ces plaintes soient traitées, afin de veiller à ce que tous les travailleurs des secteurs public et privé puissent exercer leurs droits syndicaux sans faire l’objet de menaces, d’intimidation ou de harcèlement.
  6. 292. La CSI fait également référence aux actions des travailleurs de la santé de 70 hôpitaux publics, qui ont interrompu leur travail le même jour pour s’opposer au coup d’État. La CTUM et la Fédération des syndicats de l’industrie, de l’artisanat et des services du Myanmar (MICS) ont suspendu leur participation aux organes tripartites et aux plateformes de médiation des conflits du travail à tous les niveaux pour s’opposer au coup d’État. La CTUM a invité instamment les membres des syndicats à se joindre à la grève et au mouvement national de désobéissance civile pour exiger le rétablissement du résultat des élections du 8 novembre, la libération des dirigeants de la LND et des personnes arrêtées par les militaires dans le cadre du mouvement. Les syndicats et les organisations syndicales, dont la CTUM et la MICS, ont appelé à une grève générale à laquelle ont participé des travailleurs de tous secteurs à travers le pays. Enfin, la CSI allègue que, le 20 février 2021, des travailleurs en grève au chantier naval de Mandalay ont été attaqués par les forces de sécurité et que 2 d’entre eux ont été tués et 20 autres blessés.

    Amendements législatifs retirant des protections relatives aux libertés publiques fondamentales

  1. 293. Outre la répression et les attaques contre des syndicalistes et des travailleurs, la CSI se réfère également à plusieurs amendements législatifs adoptés après le coup d’État en violation des obligations du gouvernement au titre de la convention no 87. À cet égard, la CSI allègue que les modifications apportées les 13 et 14 février par les dirigeants du coup d’État à la loi protégeant la vie privée et la sécurité des citoyens, à la loi concernant l’administration des circonscriptions et des villages, à la loi sur la cybersécurité et au Code pénal visent à étendre les pouvoirs de l’armée afin de restreindre davantage les droits fondamentaux et les libertés publiques de la population du Myanmar et de priver les syndicats et les travailleurs de l’espace leur permettant d’exercer leur droit fondamental à la liberté syndicale, d’expression et de réunion pacifique.
  2. 294. Dans la loi protégeant la vie privée et la sécurité des citoyens, les dispositions relatives à la protection des individus contre les arrestations arbitraires, les perquisitions, les détentions injustifiées, les interceptions et les intrusions ont été supprimées, ce qui confère aux forces de sécurité le pouvoir d’arrêter et de détenir des travailleurs, des syndicalistes et des citoyens participant au mouvement de désobéissance civile. Cette situation, associée aux menaces à l’encontre de fonctionnaires et d’agents de l’État désireux d’exercer leur droit de réunion pacifique et de protestation, a sérieusement restreint la liberté syndicale et de réunion.
  3. 295. La loi concernant l’administration des circonscriptions et des villages (quatrième amendement) rétablit l’obligation d’enregistrer les nuitées des non-locaux, des invités et des visiteurs, qui avait été abrogée par le gouvernement civil, obligeant les administrateurs des circonscriptions et des villages à dresser une liste des noms des personnes qui arrivent ou visitent le village et à la passer au crible. Les militaires ont également élargi l’article 17 pour obliger les résidents et les villageois à informer les administrateurs de l’arrivée, du séjour de nuit et du départ des membres de leur famille qui ne figurent pas sur la liste, ainsi que des invités qui résident dans d’autres circonscriptions ou villages. En outre, l’administrateur de la municipalité est autorisé, en vertu du nouvel article 16(d), à remplacer les administrateurs de circonscription ou de village qui ont failli à leurs responsabilités, avec la permission de l’administration régionale ou nationale ou du conseil de Naypyidaw. L’article 27 prévoit des peines d’emprisonnement de sept jours au maximum en cas de violation des règles. La CTUM indique que les traques nocturnes de dirigeants syndicaux par les militaires et les policiers se sont intensifiées. Les officiers militaires les recherchent dans les circonscriptions et les villages sur la base d’une liste de travailleurs comprenant les noms des usines dans lesquelles ils travaillent, créant ainsi un environnement coercitif et angoissant pour les travailleurs et les syndicalistes.
  4. 296. La loi sur la cybersécurité a été adoptée pour permettre aux militaires d’interdire les informations et les nouvelles, y compris les fausses nouvelles, menaçant la sécurité nationale et la stabilité sociale. Selon la CSI, cette loi permettra aux militaires de prendre le contrôle de tous les moyens de communication au Myanmar et aura des conséquences dramatiques pour la démocratie et les droits humains. Elle vise à contrôler les défenseurs des droits humains, les syndicats et les groupes de travailleurs, ainsi que leurs dirigeants, et à avoir un effet dissuasif sur la liberté d’expression, d’opinion et de réunion pacifique, avec des répercussions désastreuses pour la société civile et les droits de l’homme au Myanmar. La nouvelle loi empêche de remettre en question en ligne la législation en vigueur et les agissements de la junte militaire, ce qui est passible de peines d’emprisonnement et de lourdes amendes. Tous les employeurs, y compris les entreprises étrangères opérant au Myanmar, feront l’objet d’une surveillance stricte et seront contraints de se conformer aux diktats et aux décrets de l’armée, sans tenir compte de leurs obligations en matière de diligence raisonnable, de droits humains et de normes internationales du travail, exposant ainsi employeurs et employés à de graves risques. Par exemple, la loi inclut dans son cadre relatif à la cybercriminalité toute «déclaration écrite et verbale contre les lois existantes», en violation flagrante des droits internationalement reconnus à la liberté syndicale et de réunion et d’autres normes internationales en matière de droits humains. Cette disposition empêchera également les syndicats et les organisations d’employeurs de faire des commentaires sur la législation pertinente auprès de l’Organisation internationale du Travail, en violation des procédures de l’OIT. Outre les infractions sur le territoire national, la loi prévoit également de sanctionner les «délits commis au niveau international». Cela signifie que ceux qui critiquent la junte en dehors du Myanmar risquent de faire l’objet de poursuites de la part des militaires. Même les syndicalistes et les défenseurs des droits humains seront tenus pour responsables.
  5. 297. Enfin, la CSI exprime sa profonde préoccupation quant au fait que le chef de trahison, en vertu de l’article 505 du Code pénal, a été modifié pour inclure toute tentative «de nuire ou de porter atteinte à la motivation, à la discipline, à la santé et à la conduite du personnel militaire et des agents de l’État, et de provoquer la haine, la désobéissance ou la déloyauté à l’égard de l’armée et du gouvernement». Les actes qui sont considérés comme relevant de l’incitation à la peur, de la diffusion de fausses nouvelles ou d’une campagne contre un agent de l’État feront l’objet de sanctions pénales au titre du nouvel alinéa 505A, et ce afin d’empêcher les fonctionnaires de continuer à participer aux manifestations. Il s’agit d’une menace à l’encontre de tous ceux qui critiquent légitimement l’action des militaires et appellent à la restauration de la Constitution civile et au contrôle constitutionnel de l’armée du Myanmar, dans les conditions les plus propices à l’exercice de la liberté syndicale et des libertés publiques.

    Intimidation militaire, coercition et remplacement des grévistes

  1. 298. L’armée intimide et contraint systématiquement les fonctionnaires et les agents de l’État qui participent librement et pacifiquement aux manifestations publiques contre le coup d’État militaire à reprendre le travail. Ils sont menacés de licenciement, de poursuites et de suppression des avantages sociaux s’ils se joignent aux grèves et aux manifestations, ce qui est contraire à leur droit de se réunir et de manifester pacifiquement. Le 9 février, le MOLIP a publié une directive interne pour exiger l’application de l’article 26(a) de la Constitution du Myanmar et de l’article 10(g) du Règlement du personnel de la fonction publique sur la neutralité politique des fonctionnaires et des agents de l’État et pour interdire leur participation aux manifestations publiques. L’article 38 du Règlement relatif aux obligations professionnelles des fonctionnaires et des agents de l’État sera strictement appliqué pour leur interdire de prendre des congés non approuvés. Il est demandé aux employés de se présenter au travail et de rendre compte de leur absence, faute de quoi ils s’exposent à une procédure disciplinaire et à voir leur responsabilité juridique engagée (lettre du MOLIP jointe à la plainte). Des directives similaires ont été émises par tous les ministères, institutions et entreprises publiques.
  2. 299. La CSI allègue en outre que, le 13 février, le Parti de la solidarité et du développement de l’Union (USDP), soutenu par l’armée et qui allègue de fraudes lors des élections de novembre 2020, a demandé au Bureau des nominations militaires générales relevant du Bureau du commandant en chef des services de défense d’utiliser des travailleurs de remplacement pour disperser les manifestations sur le lieu de travail. Une lettre d’instruction demandant le remplacement des travailleurs par des forces militaires auxiliaires est jointe à la plainte.
  3. 300. La CSI allègue également que les employés du MOLIP à Naypyidaw ont été informés par le ministre du Travail de l’Union, lors d’un discours le 16 février, que la liste des membres du personnel qui avaient manifesté ou rejoint le mouvement de désobéissance civile serait remise aux militaires en vue de leur arrestation, et que personne ne pouvait se cacher ou s’enfuir. Le 10 février, des policiers en uniforme et des membres du personnel administratif de la municipalité de Langkho, dans l’État de Shan, se trouvaient au département de la santé de Langkho pour prendre des photos du personnel et contraindre un employé à établir une liste des membres du personnel ayant rejoint le mouvement de désobéissance civile. Le personnel a été menacé d’être remplacé par du personnel militaire s’il n’obtempérait pas.
  4. 301. Selon la CSI, le personnel militaire a fait usage de la force physique pour contraindre les contrôleurs aériens travaillant à l’aéroport international de Yangon, à Mingalardon, à reprendre le travail. Le 11 février, des contrôleurs ont été vus emmenés de force par des militaires hors du dortoir du personnel où ils logeaient près de l’aéroport. Les contrôleurs et leurs familles auraient été menacés d’être arrêtés pour incitation en vertu de l’article 505(b) du Code pénal s’ils rejoignaient le mouvement de désobéissance civile. Ils ne sont pas autorisés à prendre des congés et sont placés sous surveillance militaire sur leur lieu de travail et dans les logements du personnel.
  5. 302. La CSI condamne fermement ces agissements comme étant contraires au principe de liberté syndicale et déplore que des travailleurs manifestant pacifiquement aient été physiquement contraints, intimidés et menacés, y compris par le recours à des travailleurs de remplacement, pour briser leur volonté de protester pacifiquement contre une prise de pouvoir militaire qui portera atteinte à leurs droits au travail.
  6. 303. La CSI allègue également d’autres mesures prises par les militaires pour entraver l’exercice des droits syndicaux des travailleurs. Elle fait en particulier référence à des lettres de la direction envoyées à 51 membres du personnel du MOLIP à Naypyidaw qui avaient manifesté devant le bureau contre le coup d’État, leur demandant de rendre compte de leur absence du travail et de le reprendre avant les 11 et 15 février, les menaçant d’une procédure disciplinaire et du retrait de leurs allocations de logement. Le 15 février, le MOLIP a suspendu 29 membres du personnel de la section du Département d’inspection des usines et de la législation générale du travail (FGLLID), y compris des hauts fonctionnaires. Au cours de la même période, 11 employés du Département du travail du MOLIP dans d’autres États ont été suspendus pour avoir quitté leur lieu de travail et avoir rejoint le mouvement de désobéissance civile. De même, le Département de l’administration générale du ministère des Affaires de l’Union a licencié 6 employés dans la circonscription de Layshi (Sagaing) le 12 février et un autre dans celle de Danubyu (Ayeyarwady) le 17 février.
  7. 304. La CSI fournit une liste d’exemples d’autres travailleurs menacés de licenciement, de voir leur responsabilité juridique engagée, ainsi que de retrait de leurs allocations de logement et de leur certificat professionnel s’ils ne rendent pas compte de leur absence du lieu de travail. Il a été demandé que les listes jointes à la plainte avec les noms des personnes intimidées, harcelées et sanctionnées restent confidentielles pour les protéger de graves représailles:
    • a) 6 employés du Département de l’administration générale du ministère des Affaires de l’Union dans la circonscription de Layshi (Sagaing) le 10 février;
    • b) 23 employés du Département de l’administration générale du ministère des Affaires de l’Union dans la circonscription de Kanma le 17 février;
    • c) 9 employés du Département de l’administration des aliments et des médicaments du ministère de la Santé et des Sports de la circonscription de Dawei (Tanintharyi) le 16 février;
    • d) 22 employés de la Direction de la surveillance et de l’inspection industrielles du ministère de la Planification, des Finances et de l’Industrie dans différentes régions le 16 février;
    • e) 61 employés de la Direction de l’investissement et de l’administration des entreprises du ministère de l’Investissement et des Relations économiques extérieures dans différentes régions le 16 février.
  8. 305. Le 16 février, le ministère de la Santé et des Sports à Naypyidaw a annoncé qu’il confisquerait la licence professionnelle du personnel du département médical s’il s’avère qu’il a participé aux manifestations. Des institutions publiques telles que la Nay Pyi Taw Development Bank, des écoles et universités relevant du ministère de l’Éducation, des logisticiens de Yangon et des entreprises publiques telles que Myanmar Gem Enterprise ont lancé les mêmes avertissements et procédures disciplinaires pour empêcher les travailleurs de quitter leur lieu de travail sans autorisation. La CSI allègue que des travailleurs du secteur privé subissent des intimidations de même nature de la part de leurs employeurs, comme ceux du secteur bancaire dans l’État de Rakhine. La Fédération des travailleurs de l’industrie du Myanmar (IWFM) a signalé que la direction d’une usine de vêtements située dans la commune de Hlaingtharyar à Yangon, avait licencié 135 membres du syndicat sur un effectif de 490 personnes pour s’être absentés du travail du 21 au 24 février et avoir rejoint le mouvement de désobéissance civile.
  9. 306. La CSI exprime sa profonde préoccupation quant au fait que des dirigeants syndicaux et des travailleurs identifiés soient contraints de se cacher. Des membres de l’IWFM de la zone industrielle de Hlaingtharyar ont affirmé que certains employeurs du secteur de l’habillement demandent activement aux travailleurs les coordonnées et l’emplacement des présidents et vice-présidents du syndicat. La fédération craint que les employeurs antisyndicaux ne profitent de la situation pour démanteler le syndicat. Il est également allégué que des officiers militaires en civil surveillent les travailleurs qui rentrent des manifestations et les suivent jusqu’à leur logement afin d’obtenir des informations et de retrouver les dirigeants syndicaux.

    Arrestations et poursuites de syndicalistes

  1. 307. La CSI indique qu’elle a établi 28 cas d’arrestations et de poursuites concernant plus de 50 syndicalistes pour un délit présumé d’incitation sur la base de fausses informations en vertu du Code pénal (art. 505) et pour non-respect de la distanciation sociale en raison du COVID 19 en vertu de la loi sur la gestion des catastrophes naturelles (art. 25). Dans de nombreux cas, aucune accusation formelle justifiant l’arrestation n’a été émise, ce qui constitue un déni de procédure. Un ingénieur du champ de pétrole et de gaz naturel Maubin (Sud) GOCS 1 dans la région d’Ayeyarwady, appartenant à la Myanmar Oil and Gas Enterprise, a été enlevé par des policiers en civil et transféré à Pathein le 12 février. La police communale a affirmé qu’il était accusé d’avoir rejoint le mouvement de désobéissance civile, alors qu’il n’avait pas quitté son lieu de travail depuis le 1er février. Le 18 février, des membres de l’IWFM ont fait savoir que des officiers militaires en civil enquêtaient auprès des propriétaires d’usines de confection de la zone industrielle de Hlaingtharyar pour obtenir les noms des dirigeants syndicaux. Le 24 février, la CTUM a appris que l’armée avait inscrit sur sa liste 20 dirigeants syndicaux de cette zone, dont 6 membres du comité central de la CTUM et 7 membres de la Fédération des transports du Myanmar de la circonscription d’Insein, et avait engagé des poursuites à leur encontre.

    Radiation d’organisations syndicales

  1. 308. Le 26 février, les militaires ont déclaré illégales 16 organisations syndicales, à savoir la All Burma Federation of Trade Unions (ABFTU), Let’s Help Each Other (LHEO), Future Light Center (FLC), Action Labour Right (ALR), All Myanmar Trade Unions Network (AMTUN), Agriculture Freedom of Myanmar (AFM), Association for Labour and Development (ALD), Federation of Garment Workers Myanmar (FGWM), Labour Action Group (LAG), Labour Power Group (LPG), We Generation Network, Young Chi Oo Workers’ Association (YCOWA), Solidarity Trade Unions Myanmar (STUM), Coordination Committee of Trade Unions (CCTU), Myanmar Petroleum Worker Labor Federation (MPWLF), Industrial Women Workers Organization (IWWO). La CSI dénonce ces radiations comme étant contraires aux principes de liberté syndicale contenus dans les normes internationales du travail et les obligations en matière de droits de l’homme. Elles visent clairement à supprimer toute protection dont les travailleurs et les membres des organisations peuvent se prévaloir en vertu de leur affiliation syndicale.
  2. 309. En conclusion, la CSI souligne que, au vu de la dégradation rapide de la situation humaine et syndicale, les travailleurs et les dirigeants syndicaux seront soumis à un préjudice irréparable sans l’intervention urgente des organes de contrôle de l’OIT et, dans le cas présent, du comité.
  3. 310. Dans sa communication en date du 23 mars 2021, l’IE condamne fermement la déclaration de l’état d’urgence au Myanmar pour un an par l’armée, le 1er février 2021. Depuis le coup d’État, des centaines de milliers de personnes ont manifesté pacifiquement dans tout le pays pour protester contre la prise de pouvoir par les militaires et appeler au rétablissement de la démocratie. Le recours à la force et aux menaces contre les manifestants pacifiques s’est généralisé, y compris avec des tirs à balles réelles, des gaz lacrymogènes, des canons à eau et des grenades assourdissantes. Plus de 50 manifestants auraient été tués. Des informations ont également fait état de tirs de policiers et de militaires dans des maisons et des immeubles d’habitation à Yangon, de biens incendiés et de perquisitions de maisons et d’établissements scolaires.
  4. 311. L’IE souligne que c’est dans ce contexte que se déroulent des exécutions illégales et des arrestations de dirigeants syndicaux et de travailleurs défendant l’état de droit, la démocratie et les libertés dans le cadre de mouvements de désobéissance civile, en violation grave des conventions de l’OIT. Les nouveaux dirigeants militaires ont adopté des directives spécifiques pour interdire la participation des fonctionnaires et des agents de l’État, y compris les enseignants, aux manifestations publiques.
  5. 312. L’IE déplore également le maintien en détention de l’universitaire australien Sean Turnell, directeur du Myanmar Development Institute et conseiller économique de la Conseillère d’État Aung San Suu Kyi. Il a été arrêté lors du coup d’État du 1er février 2021 et est détenu depuis. Turnell est membre du Syndicat national de l’enseignement tertiaire.
  6. 313. L’IE est solidaire de son affiliée, la Fédération des enseignants du Myanmar (MTF), qui a aidé à compiler les listes des travailleurs de l’éducation et des étudiants détenus (il a été demandé que les listes jointes à la plainte restent confidentielles afin de protéger les personnes concernées de graves représailles). La MTF a invité ses membres à se joindre à la grève et au mouvement de désobéissance civile national pour exiger le respect du résultat des élections du 8 novembre, la libération des dirigeants de la LND et des personnes arrêtées par l’armée dans le cadre du mouvement.
  7. 314. L’IE déplore l’exécution et la torture de Zaw Myat Lynn, un éminent organisateur communautaire et enseignant. Il était un militant de la LND. Zaw Myat Lynn avait été à l’avant-garde des manifestations locales contre le coup d’État. Il avait diffusé des vidéos montrant des soldats en train de frapper et de tirer sur des manifestants pacifiques.
  8. 315. L’IE condamne les mesures d’intimidation et de coercition utilisées pour pousser les fonctionnaires et les agents de l’État, qui participent librement et pacifiquement aux manifestations publiques contre le coup d’État militaire, à retourner au travail. Les employés sont menacés de licenciement, de poursuites et de suppression des avantages sociaux afin de les empêcher de se joindre aux grèves et aux manifestations. L’IE se réfère à la directive interne émise par le MOLIP le 9 février et ajoute que l’article 38 du Règlement du personnel de la fonction publique sur les obligations professionnelles des fonctionnaires et des agents de l’État a été strictement appliqué pour leur interdire de prendre des congés non approuvés. Des directives similaires ont été émises par tous les ministères, institutions et entreprises publiques. Les institutions publiques telles que les écoles et les universités relevant du ministère de l’Éducation ont émis le même avertissement et mis en œuvre des procédures disciplinaires pour empêcher les travailleurs de l’éducation de quitter leur lieu de travail sans autorisation.
  9. 316. L’IE fait également référence à la directive visant à utiliser des travailleurs de remplacement pour disperser les manifestations sur le lieu de travail, soumise le 13 février par le Parti de la solidarité et du développement de l’Union, soutenu par l’armée.
  10. 317. Enfin, l’IE allègue que les nouveaux dirigeants du Myanmar ont lancé des poursuites pour fraude électorale contre des enseignants qui travaillaient dans les bureaux de vote lors de l’élection de novembre 2020, alors qu’ils assumaient les responsabilités qui leur avaient été confiées par l’État malgré la pandémie mondiale de COVID 19. Certains membres du personnel des bureaux de vote, dont des enseignants et des membres de leur famille, ont été infectés par le coronavirus, et deux enseignants et des membres de la famille de leurs collègues ont perdu la vie.
  11. 318. Dans une communication datée du 30 mai 2021, la CSI a fourni des informations supplémentaires et de nouvelles allégations en rapport avec sa plainte, y compris de graves allégations de meurtres de travailleurs et de dirigeants syndicaux.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 319. Les réponses du MOLIP transmises dans des communications du 23 avril et du 7 mai 2021 sont les suivantes. Le Myanmar a adopté la loi sur les organisations syndicales en 2011 et elle est entrée en vigueur le 9 mars 2012, en application de la convention no 87. Si les travailleurs veulent constituer des organisations syndicales pour traiter des questions liées au travail, ils doivent s’enregistrer conformément à ses dispositions. Toutes les organisations enregistrées peuvent s’organiser librement conformément aux dispositions de la loi sur les organisations syndicales. Le Myanmar compte 2 878 organisations syndicales au niveau local (niveau de base), 161 au niveau municipal, 24 au niveau des régions et des États, 9 ligues d’organisations syndicales, 1 organisation nationale des affaires du travail et 1 ligue d’organisations d’employeurs. Par conséquent, un total de 3 073 organisations syndicales et de 29 organisations d’employeurs ont déjà été constituées au Myanmar. Si les travailleurs veulent protester au sujet de questions liées au travail, ils doivent le faire conformément aux dispositions de la loi de 2012 sur les conflits du travail. S’ils protestent au-delà des dispositions de cette loi, les départements concernés peuvent prendre des mesures conformément à la législation existante.
  2. 320. En ce qui concerne les accusations d’arrestation et d’emprisonnement, si des syndicalistes, des travailleurs et des dirigeants d’organisations syndicales violent les lois civiles en commettant des actes qui peuvent être considérés comme violents, comme l’incendie d’usines, les menaces et les coups contre des travailleurs qui ne s’engagent pas dans le mouvement de désobéissance civile, le blocage de routes empêchant les pompiers et les ambulances d’effectuer leur travail dans une situation d’urgence et le blocage des usines, les postes de police locaux ont la possibilité de prendre des mesures et d’engager des poursuites. Les dirigeants des travailleurs seront poursuivis en vertu des lois pertinentes existantes telles que le Code pénal et la loi sur les communications. Le MOLIP n’a pas intenté de poursuites, n’a pas procédé à des arrestations et n’a pas mis lesdits syndicalistes en prison. Cependant, certains travailleurs pourraient faire l’objet de poursuites de la part des postes de police concernés pour avoir participé aux agissements susmentionnés.
  3. 321. Certains syndicalistes ont incité les travailleurs des usines et des ateliers à participer au mouvement de désobéissance civile. Certains travailleurs y ayant pris part ont attendu à l’entrée des usines et ont empêché leurs collègues de se rendre au travail. Le MOLIP a invité les représentants des employeurs et des travailleurs à des discussions, dans la mesure où le chômage augmentait parce que certains employeurs ne pouvaient pas payer les salaires, la production de certaines usines s’était arrêtée ou leur productivité avait diminué, et parce que certains travailleurs étaient incités à quitter les usines et à rejoindre le mouvement de désobéissance civile par les dirigeants des travailleurs. Les organisations de travailleurs et d’employeurs ont été informées et encouragées à continuer à coopérer non seulement dans le cadre des mécanismes tripartites, mais aussi selon les besoins.
  4. 322. En ce qui concerne l’appel de la CTUM à une grève nationale, le MOLIP indique que, bien que la CTUM et une autre organisation syndicale, qui serait la MICS-TUsF, aient publié une déclaration le 3 février informant qu’elles suspendaient leur participation à tous les organes tripartites pendant un an, il avait été constaté qu’elles ne s’engageaient pas beaucoup dans tous les mécanismes de règlement des différends dans l’ensemble du pays. Malgré cela, le MOLIP n’a pas dissous ou fermé ces organisations et a coopéré avec elles dans les affaires du travail, conformément aux lois, règlements et pratiques en vigueur.
  5. 323. Quant aux amendements législatifs, ils visent à maintenir la stabilité et la paix de l’État ainsi que la sécurité des citoyens pendant la période où l’armée (Tatmadaw) détient/conserve temporairement le pouvoir de l’État. Ils ne prévoient aucune restriction au droit de réunion et d’association pacifiques, mais visent à maintenir la sécurité nationale, la sûreté et l’ordre public. Certaines modifications ont été introduites pour protéger les droits et la liberté d’autrui, puisque certaines personnes impliquées dans le soi-disant mouvement de désobéissance civile empêchent les autres d’accéder à leur lieu de travail, les menaçant et les frappant dans certains cas. Les citoyens du Myanmar, y compris les travailleurs, peuvent exercer leurs droits de défilé, de réunion et d’association pacifiques conformément aux dispositions de la législation pertinente. Les récentes manifestations se sont transformées en révolte et les mesures nécessaires ont donc été prises à l’encontre des auteurs d’actes violents. Étant donné que le Myanmar est un État partie à la convention no 87, il reste attaché aux lois, règlements et procédures nationaux élaborés conformément à la convention.
  6. 324. S’agissant des allégations d’intimidation et de coercition à l’encontre de fonctionnaires et d’agents de l’État, le MOLIP se réfère aux articles suivants de la loi sur la fonction publique: l’article 10(e) – «un agent est responsable de l’exécution efficace des tâches et des responsabilités qui lui sont assignées»; l’article 10(f) –«dans le respect des règlements, des principes, des ordonnances et des directives, ainsi que dans le respect des règles et des règlements du lieu de travail, des ordonnances et des directives établies par cette loi et des conditions, ordonnances et directives spécifiques au lieu de travail particulièrement stipulées par l’organisation respective des agents»; et l’article 10(g) – «la non-implication dans tout parti politique». En ce qui concerne les limitations liées aux congés, il y est fait référence à l’article 15: «un agent peut bénéficier d’un congé conformément aux statuts, principes et règlements avec la permission des personnes auxquelles le ministère et les organisations ont conféré l’autorité». En outre, l’article 162(a) du règlement de la loi sur la fonction publique impose des actions du département ou des mesures disciplinaires aux personnes qui «ne remplissent pas correctement leurs fonctions, font preuve d’irresponsabilité ou exercent leurs fonctions avec négligence» et l’article 162(d) à celles qui «ne se conforment pas aux ordonnances et directives émis conformément à la loi».
  7. 325. S’agissant des allégations de suspension temporaire des fonctions, il est fait référence à la règle 173(b): «en ce qui concerne les mesures du département, si un agent est reconnu coupable, l’une des lourdes punitions telles que la réduction du salaire dans l’échelle des salaires, la rétrogradation, la révocation du poste occupé ou le renvoi de la fonction publique peut très probablement lui être imposée». À cet égard, le département a pris un arrêté le 16 février 2021 pour suspendre temporairement 29 agents. Les agents suspendus de leurs fonctions sont ceux qui se sont absentés de leur travail sans l’autorisation d’un supérieur ou d’un superviseur habilité à donner cette permission et qui ont quitté leur lieu de travail de leur propre chef. De telles mesures, conformes à la loi et au règlement sur la fonction publique, pourraient être prises à n’importe quel moment pour une absence similaire du travail. En ce qui concerne les heures de travail, la règle 161(d) du règlement de la loi sur la fonction publique stipule que des mesures du département ou de l’administration peuvent être prises à l’égard de ceux qui sont «absents du travail sans congé en violation des règles régissant l’octroi de congés». Si un fonctionnaire enfreint ces règles et s’absente du travail sans raison, des mesures telles que la suspension temporaire ou, s’il est reconnu coupable après avoir été entendu par le conseil d’examen départemental (DE), des sanctions telles que le retrait de la qualité de fonctionnaire ou le licenciement seront imposées conformément à la loi sur la fonction publique et par obligation légale.
  8. 326. En ce qui concerne les réglementations et principes sur le comportement et la conduite au travail pour les fonctionnaires, des mesures disciplinaires peuvent être prises par le département concerné en vertu de: i) la règle 163(d) du règlement de la fonction publique concernant le fait d’être «l’instigateur, l’initiateur ou le complice de toute action susceptible de troubler la paix et de provoquer des malentendus/divisions parmi le personnel»; ii) la règle 163(s) concernant les actes de «désobéissance aux instructions ou aux ordres donnés par des supérieurs ou des superviseurs dans le cadre de leur responsabilité ou de leur fonction conformément à la loi, ou incitant, menaçant ou persuadant d’autres fonctionnaires de désobéir»; iii) la règle 163(t) concernant le fait de «ne pas protéger des documents officiels classifiés ou de fournir des informations confidentielles directement ou indirectement à des personnes non concernées»; et iv) la règle 163(v) pour ce qui est de la «participation, de l’instigation ou de la complicité dans toute activité ayant un effet négatif sur la sécurité nationale et l’état de droit».
  9. 327. Après qu’un département a pris des mesures conformément aux principes du personnel et s’il s’avère coupable, le fonctionnaire recevra une sanction allant de la plus légère, à savoir un avertissement par lettre, à la plus lourde, à savoir la révocation du poste occupé et le licenciement, conformément à la disposition 53 de la loi sur la fonction publique. Si une sanction lourde est infligée, le fonctionnaire devra quitter l’appartement ou la chambre du foyer qu’il occupe conformément aux règles et règlements. Le gouvernement construit et aménage des logements et des appartements à grands frais pour la commodité des fonctionnaires qui servent comme il se doit le pays en tant que tels. Par conséquent, le MOLIP avise le personnel de ne pas s’impliquer dans une quelconque instigation politique et de retourner au bureau, pour ne pas craindre de perdre le droit de rester dans les logements du gouvernement pour les fonctionnaires une fois qu’ils ne le seront plus. À l’heure actuelle, le département concerné du MOLIP n’a pas ordonné ou demandé à un agent de quitter un appartement ou une chambre.
  10. 328. Par ailleurs, le ministère n’a pas indiqué ou notifié par lettre que les certificats professionnels délivrés par l’organisme national de codification des compétences (NSSA) du MOLIP, y compris les certificats de reconnaissance professionnelle de niveau national délivrés aux évaluateurs et aux inspecteurs, seraient résiliés ou retirés. Il n’a pas non plus émis de notifications ou d’ordonnances ni menacé d’annuler des certificats de compétences professionnelles des médecins nommés dans l’organisation de la sécurité sociale ainsi que des médecins et experts médicaux et sanitaires détachés par le ministère de la Santé et des Sports.
  11. 329. Le ministère n’a pas non plus envoyé de lettres de notification au personnel de l’organisation de la sécurité sociale impliqué dans le mouvement de désobéissance civile, ni ne l’a menacé ou averti de quitter ses appartements. Il a plutôt exhorté et sensibilisé les fonctionnaires absents de leur travail à retourner au bureau et à s’y rendre de manière régulière.
  12. 330. En ce qui concerne les allégations de remplacement de travailleurs, y compris de fonctionnaires participant à des manifestations pacifiques, et de coercition militaire pour qu’ils reprennent le travail, le MOLIP indique ne pas avoir dit qu’il remettrait les noms des personnes ayant participé à la manifestation et au mouvement de désobéissance civile à la Tatmadaw (l’armée) pour qu’elle les arrête, et qu’elle ne l’a pas fait.
  13. 331. En ce qui concerne les allégations de radiation de 16 organisations syndicales, le MOLIP rappelle que, si les travailleurs veulent former des organisations syndicales pour traiter des questions du travail, ils doivent enregistrer leurs organisations conformément aux dispositions de la loi sur les organisations syndicales. Ces 16 organisations n’ont pas été enregistrées conformément à la loi, mais elles ont agi dans le domaine du travail. Elles ont donc été déclarées «organisations illégales faute d’avoir été enregistrées conformément à la loi en vigueur».
  14. 332. En ce qui concerne les allégations générales d’un climat facilitant les pratiques antisyndicales, bien qu’il n’y ait pas eu de rapport officiel remis au ministère, des informations ont fait état de l’opposition de certains travailleurs aux organisations de travailleurs et de malentendus ou de divisions parmi les travailleurs de la base, car certaines organisations syndicales ont fait des communiqués de presse ou des annonces sans consulter et discuter avec les organisations au niveau de la base, de la municipalité et de la région.
  15. 333. En conclusion, il est certain que toutes les mesures ont été prises en conformité avec la législation, en réponse aux agissements tels que l’incendie d’usines et d’installations industrielles, qui ont été investies par des étrangers et des locaux et qui sont d’une importance cruciale pour la productivité du pays. Lors des grèves menées dans le cadre du système démocratique, certains ont abusé de leurs droits, ce qui s’est traduit par des émeutes et des violences, obligeant le gouvernement à prendre des mesures conformément à la loi. Le Myanmar envisage de rouvrir les usines et les industries fermées afin de rétablir les possibilités d’emploi pour les citoyens, de relancer le transport pour le commerce et d’être en mesure de remettre le pouvoir de l’État au parti élu conformément aux normes démocratiques, en organisant des élections générales multipartites libres et équitables en vertu de la Constitution de 2008 après avoir surmonté la situation d’urgence.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 334. Le comité rappelle que les graves allégations du présent cas concernent de nombreuses attaques des autorités militaires contre des syndicalistes, des travailleurs et des fonctionnaires qui demandent le retour à un régime civil depuis le coup d’État au Myanmar le 1er février 2021. Les allégations portent sur des intimidations et des menaces à l’encontre de syndicalistes, de travailleurs et de fonctionnaires pour qu’ils reprennent le travail et renoncent à leur participation au mouvement de désobéissance civile, la suspension de postes et le recours au remplacement de grévistes, le retrait d’avantages sociaux et de certificats de compétence professionnelle, l’établissement de listes de travailleurs et de syndicalistes par la police en vue de leur arrestation, de leur emprisonnement et de leur détention, et de nombreux décès à la suite d’interventions des forces militaires et policières lors de manifestations pacifiques, y compris le meurtre de dirigeants syndicaux. La Confédération syndicale internationale (CSI) allègue en outre que les forces de sécurité ont attaqué des travailleurs en grève au chantier naval de Mandalay, faisant 2 morts et 20 blessés, tandis que l’Internationale de l’éducation (IE) déplore le meurtre et la torture de Zaw Myat Lynn, un éminent organisateur communautaire et enseignant qui militait pour la Ligue nationale pour la démocratie (LND) et avait été à l’avant-garde des manifestations locales contre le coup d’État, partageant des vidéos de soldats frappant et tirant sur des manifestants pacifiques.
  2. 335. Le comité prend note des informations d’ordre général transmises par le ministère du Travail, de l’Immigration et de la Population (MOLIP), qui rappelle son cadre législatif garantissant la liberté syndicale en vertu de la loi sur les organisations syndicales, la conduite attendue en vertu de la loi sur la fonction publique et des règlements pertinents, et la législation pénale applicable aux actes violents et aux troubles à la paix et à l’ordre en vertu du Code pénal et de la loi sur les communications. Le MOLIP indique que toutes les mesures qui ont pu être prises à l’encontre des travailleurs protestataires l’ont été dans le cadre légal.

    Mandat et compétence du Comité de la liberté syndicale

  1. 336. Le comité rappelle qu’il n’est pas compétent pour traiter les allégations de nature purement politique, mais il lui appartient d’examiner les dispositions de nature politique prises par un gouvernement dans la mesure où elles peuvent avoir des répercussions sur l’exercice des droits syndicaux. Le comité observe que les allégations exposées ci-dessus ont trait aux libertés civiles et rappelle qu’à de nombreuses reprises, il a souligné l’importance du principe affirmé en 1970 par la Conférence internationale du Travail dans sa résolution sur les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, qui reconnaît que «les droits conférés aux organisations de travailleurs et d’employeurs se fondent sur le respect des libertés civiles, qui ont été énoncées notamment dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et que l’absence des libertés civiles enlève toute signification au concept des droits syndicaux». [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 24 et 68.] Le comité rappelle, d’après la résolution de la Conférence internationale du Travail susmentionnée, que parmi ces libertés essentielles à l’exercice normal des droits syndicaux figurent la liberté d’opinion et d’expression, la liberté de réunion, le droit de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement et le droit à un procès équitable par un tribunal indépendant et impartial. Par ailleurs, pour que la contribution des syndicats et des organisations d’employeurs ait le degré voulu d’utilité et de crédibilité, il est nécessaire que leur activité se déroule dans un climat de liberté et de sécurité. Ceci implique que, dans une situation où ils estimeraient ne pas jouir des libertés essentielles pour mener à bien leur mission, les syndicats et les organisations d’employeurs seraient fondés à demander la reconnaissance et l’exercice de ces libertés et que de telles revendications devraient être considérées comme entrant dans le cadre d’activités syndicales légitimes. [Voir Compilation, paragr. 75.] Compte tenu de ce qui précède, le comité poursuivra l’examen du cas.

    Force militaire et policière excessive contre des manifestants pacifiques, en violation des libertés civiles qui sont essentielles à l’exercice des droits syndicaux

  1. 337. En ce qui concerne le contexte général, le comité observe que, le 24 mars 2021, le Conseil des droits de l’homme (CDH) des Nations Unies a adopté une résolution sur la situation des droits de l’homme au Myanmar (A/HRC/RES/46/21), dans laquelle il condamne dans les termes les plus énergiques le renversement, le 1er février 2021, du gouvernement civil élu, qui, outre qu’il constitue une tentative inacceptable de la part de l’armée du Myanmar pour invalider par la force les résultats des élections générales du 8 novembre 2020, marque un recul majeur dans la transition démocratique du Myanmar et menace gravement l’état de droit et la bonne gouvernance ainsi que le respect et la protection des droits de l’homme et des pratiques démocratiques (point 1). Le CDH demande à l’armée du Myanmar de s’abstenir de tout emploi excessif de la force, d’exercer la plus grande retenue et de rechercher un règlement pacifique de la crise, et lui rappelle qu’elle est tenue par le droit international des droits de l’homme de respecter les principes démocratiques, l’état de droit et les droits de l’homme, notamment le droit à la vie et le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion, qui comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de communiquer des informations, et que le recours à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants est interdit (point 7). Le comité note également la décision du Conseil d’administration à sa 341e session (mars 2021) concernant le rapport de situation sur le suivi de la Résolution concernant les autres mesures sur la question du Myanmar adoptées par la Conférence à sa 102e session (2013) (GB.341/INS/17(Add.1)). Le Conseil d’administration s’est, entre autres, déclaré profondément préoccupé par l’évolution de la situation depuis le 1er février et a appelé les autorités militaires à respecter la volonté du peuple et les normes démocratiques et à rétablir le gouvernement démocratiquement élu (alinéa b)). Le comité regrette la grave détérioration de la liberté syndicale et d’autres droits humain pertinents dans le pays et exprime en particulier sa profonde préoccupation face aux allégations d’attaques contre les travailleurs grévistes du chantier naval de Mandalay, qui auraient fait deux morts, ainsi que du meurtre et de la torture de Zaw Myat Lynn. Le comité demande une enquête complète et indépendante sur les circonstances de ces décès et d’être tenu informé de ses résultats.
  2. 338. Le comité observe également les allégations faites au sujet des amendements adoptés après le coup d’État, qui violent encore davantage les libertés publiques fondamentales de tous les citoyens du Myanmar, y compris des syndicalistes. En particulier, la CSI fait référence à la suppression de la loi protégeant la vie privée et la sécurité des citoyens des dispositions relatives à la protection des individus contre les arrestations arbitraires, les perquisitions, les détentions injustifiées, les interceptions et les intrusions ainsi qu’au pouvoir conféré aux forces de sécurité pour arrêter et retenir des travailleurs, des syndicalistes et des citoyens qui participent au mouvement de désobéissance civile. La CSI se réfère également à la loi concernant l’administration des circonscriptions et des villages (quatrième amendement) qui rétablit l’enregistrement obligatoire des nuitées des non-locaux, des invités et des visiteurs qui avait été abrogé par le gouvernement civil, obligeant ainsi les administrateurs des circonscriptions et des villages à dresser la liste des noms des personnes qui arrivent ou visitent le village et à la passer au crible. Selon la CSI, l’armée a également élargi l’article 17 pour obliger les résidents et les villageois à informer les administrateurs de l’arrivée, du séjour de nuit et du départ des membres de leur famille qui ne figurent pas sur la liste, ainsi que des invités qui résident dans d’autres circonscriptions ou villages. La CSI ajoute que la Confédération des syndicats du Myanmar (CTUM) a fait état d’une intensification des traques nocturnes de responsables syndicaux par des militaires et des policiers à partir d’une liste de travailleurs comprenant les noms des usines dans lesquelles ils travaillent, créant ainsi un environnement coercitif et angoissant pour les travailleurs et les syndicalistes. Le comité observe que les amendements apportés le 13 février 2021 à la loi protégeant la vie privée et la sécurité des citoyens suspendent les articles relatifs à la protection contre les perquisitions et les saisies illégales, la détention pour une durée indéterminée et à un large éventail de droits à la vie privée.
  3. 339. La CSI allègue en outre que la loi sur la cybersécurité a été adoptée pour permettre l’interdiction d’informations et de nouvelles menaçant la sécurité nationale et la stabilité sociale, qu’elle empêche la remise en question en ligne de la législation en vigueur et de toute action de la junte militaire sous peine d’emprisonnement et d’une lourde amende et qu’elle placera toutes les communications au Myanmar sous le contrôle de l’armée, avec des conséquences désastreuses pour la démocratie et les droits humains. Le comité observe que des éléments du projet de loi sur la cybersécurité ont été intégrés dans la loi sur les transactions électroniques adoptée le 15 février 2021, qui prévoit, à l’article 38 c), que toute personne reconnue coupable d’avoir diffusé de fausses nouvelles ou de fausses informations dans le cyberespace dans le but d’inquiéter la population, de faire perdre la foi à quelqu’un, de manquer de respect à quelqu’un ou de briser l’unité, est passible d’une peine d’emprisonnement d’un an minimum à trois ans maximum ou d’une amende n’excédant pas cinq millions de kyats, ou des deux à la fois, alors que les termes «fausses nouvelles» et «fausses informations» ne sont pas définis dans la législation, pas plus que les notions de répercussions sur l’inquiétude de la population ou d’unité brisée, ce qui laisse place à une large interprétation et utilisation. En outre, la CSI est profondément préoccupée par la modification de l’article 505 du Code pénal, qui inclut dans la définition de la trahison toute tentative «de nuire ou de porter atteinte à la motivation, à la discipline, à la santé et à la conduite du personnel militaire et des agents de l’État, et de provoquer la haine, la désobéissance ou la déloyauté à l’égard de l’armée et du gouvernement». La CSI allègue que les actes qui sont considérés comme relevant d’une incitation à la peur, de la diffusion de fausses nouvelles ou d’une campagne contre un agent de l’État feront l’objet de sanctions pénales en vertu du nouvel alinéa 505A, et ce afin d’empêcher les fonctionnaires de continuer à participer aux manifestations. Selon la CSI, cet amendement représente une menace à l’encontre de tous ceux qui critiquent légitimement l’action de l’armée et appellent à la restauration de la Constitution civile et au contrôle constitutionnel de l’armée du Myanmar, dans les conditions les plus propices à l’exercice de la liberté syndicale et des libertés publiques.
  4. 340. Le comité note la réponse du MOLIP indiquant que ces amendements législatifs visaient à maintenir la stabilité et la paix de l’État et la sécurité des citoyens pendant la période où la Tatmadaw détient/conserve temporairement le pouvoir de l’État. Les amendements législatifs ne prévoient aucune restriction au droit de réunion et d’association pacifiques, mais visent à maintenir la sécurité nationale, la sûreté et l’ordre public. Certaines modifications ont été introduites pour protéger les droits et la liberté d’autrui, puisque certaines personnes impliquées dans le soi-disant mouvement de désobéissance civile empêchent les autres d’accéder à leur lieu de travail, les menaçant et les frappant dans certains cas. Les citoyens du Myanmar, y compris les travailleurs, peuvent exercer leurs droits de manifestation et de réunion pacifiques et d’association conformément aux dispositions de la législation pertinente. Les récentes manifestations se sont transformées en révolte et les mesures nécessaires ont donc été prises à l’encontre des auteurs d’actes violents. Étant donné que le Myanmar est un État partie à la convention no 87, il reste attaché aux lois, règlements et procédures nationaux élaborés conformément à la convention.
  5. 341. Le comité note que les informations fournies par le MOLIP se limitent à affirmer que toutes les mesures prises étaient nécessaires pour assurer la sécurité et l’ordre publics. Le comité note cependant à cet égard que les allégations concernent des modifications législatives qui portent gravement atteinte aux libertés publiques, telles que la détention illimitée sans procès, les irrégularités de procédure, les mesures de surveillance, la limitation de la liberté d’expression et les peines sévères. Le comité rappelle que, dans sa décision de mars 2021 (GB.341/INS/17(Add.1)), le Conseil d’administration s’est dit sérieusement préoccupé par les mesures ou les ordonnances qui contribuent depuis le 1er février 2021 à limiter la liberté d’expression et d’opinion et la liberté de réunion, rappelant que ces libertés sont essentielles pour l’exercice des droits syndicaux. Il a appelé à lever immédiatement ces mesures ou ces ordonnances et à garantir que les partenaires sociaux pourront s’acquitter librement de leurs fonctions sans être exposés à des menaces d’intimidation ou de violence (alinéa d)). Le comité prie instamment les autorités militaires responsables de cesser immédiatement de recourir à la violence contre les manifestants pacifiques et de rétablir les protections qui étaient garanties par la loi protégeant la vie privée et la sécurité des citoyens, de retirer les pouvoirs de surveillance qui ont été rétablis dans les circonscriptions et les villages, d’abroger l’alinéa 505A du Code pénal et de modifier l’article 38(c) de la loi sur les transactions électroniques en vue de garantir le plein respect des libertés publiques fondamentales nécessaires à l’exercice des droits syndicaux, notamment la liberté d’opinion et d’expression, la liberté de réunion, le droit de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement et le droit à un procès équitable par un tribunal indépendant et impartial, afin que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent exercer leurs activités et leurs fonctions sans être exposés à des menaces d’intimidation ou de violence et dans un climat de sécurité totale.

    Mesures de représailles contre les syndicalistes, les fonctionnaires et les travailleurs participant au mouvement de désobéissance civile

  1. 342. Le comité note les allégations des organisations plaignantes selon lesquelles de nombreux syndicalistes, travailleurs, fonctionnaires, enseignants et travailleurs du secteur de la santé ont fait l’objet d’actes d’intimidation, de menaces et de harcèlement dans le but de leur interdire de se joindre aux grèves et de participer au mouvement de désobéissance civile appelant à la restauration d’un régime démocratique, en violation de leur droit de réunion et de protestation pacifique. Les actes de répression dont ils auraient été victimes comprennent le licenciement ou la révocation, la suppression ou la menace de suppression d’avantages, comme le logement et les certificats de compétence professionnelle. Selon la CSI, le MOLIP a émis une directive interne pour exiger l’application de l’article 26(a) de la Constitution du Myanmar et de l’article 10(g) du Règlement du personnel de la fonction publique sur la neutralité politique des fonctionnaires et des agents de l’État et pour interdire leur participation aux manifestations publiques. Il est demandé aux agents de se présenter au travail et de rendre compte de leur absence, faute de quoi ils s’exposent à une procédure disciplinaire et à voir leur responsabilité juridique engagée. Des directives similaires ont été émises par tous les ministères, institutions et entreprises publiques. L’IE allègue en outre que des institutions publiques telles que les écoles et les universités relevant du ministère de l’Éducation ont émis le même avertissement et mis en œuvre des procédures disciplinaires pour empêcher les travailleurs de l’éducation de quitter leur lieu de travail sans autorisation. La CSI et l’IE font également référence à la directive visant à utiliser des travailleurs de remplacement pour disperser les manifestations sur le lieu de travail, soumise le 13 février par le Parti de la solidarité et du développement de l’Union, soutenu par l’armée, au Bureau des nominations militaires générales relevant du Bureau du commandant en chef des services de défense. La CSI a joint à la plainte une lettre d’instruction demandant le remplacement de travailleurs par des forces militaires auxiliaires.
  2. 343. La CSI allègue en particulier que les employés du MOLIP à Naypyidaw ont été informés par le ministre du Travail de l’Union, lors d’un discours le 16 février, que la liste des membres du personnel qui avaient manifesté ou rejoint le mouvement de désobéissance civile serait remise aux militaires en vue de leur arrestation, et que personne ne pouvait se cacher ou s’enfuir. Des policiers en uniforme ont également menacé de remplacer le personnel administratif par du personnel militaire dans la municipalité de Langkho, dans l’État de Shan. Quant aux contrôleurs aériens travaillant à l’aéroport international de Yangon, à Mingalardon, ils auraient été menacés d’être arrêtés pour incitation en vertu de l’article 505(b) du Code pénal s’ils rejoignaient le mouvement de désobéissance civile. Ils n’ont pas été autorisés à prendre des congés et sont placés sous surveillance militaire. La CSI fournit des listes d’exemples d’une centaine de travailleurs menacés de licenciement, de voir leur responsabilité juridique engagée, ainsi que de retrait de leurs allocations de logement et de leur certificat professionnel s’ils ne rendent pas compte de leur absence du lieu de travail.
  3. 344. La CSI fait en particulier référence à des lettres de la direction envoyées à 51 membres du personnel du MOLIP à Naypyidaw qui avaient manifesté devant le bureau contre le coup d’État, leur demandant de rendre compte de leur absence du travail et de le reprendre. La direction a par la suite procédé à la suspension de 29 membres du personnel de la section FGLLID, y compris des hauts fonctionnaires, tandis que 11 employés relevant du Département du travail du MOLIP dans d’autres États ont été suspendus pour avoir quitté leur lieu de travail et rejoint le mouvement de désobéissance civile. De même, le Département de l’administration générale du ministère des Affaires de l’Union a licencié 6 employés dans la circonscription de Layshi (Sagaing) le 12 février et un autre dans celle de Danubyu (Ayeyarwady) le 17 février. La CSI allègue en outre que des travailleurs du secteur privé subissent des intimidations de même nature de la part de leurs employeurs et que 135 membres du syndicat auraient été licenciés dans une usine de la commune de Hlaingtharyar, à Yangon, pour s’être absentés du travail du 21 au 24 février et avoir rejoint le mouvement de désobéissance civile.
  4. 345. Enfin, la CSI fait référence aux plaintes adressées directement au bureau de liaison de l’OIT à Yangon. À ce propos, depuis le 1er février 2021, le bureau a enregistré dans sa base de données 354 communications relatives aux événements intervenus depuis la prise du pouvoir par les militaires. Elles concernent notamment des plaintes relatives à des représailles pour avoir participé au mouvement de désobéissance civile et une correspondance générale sur des violations plus larges des droits humains. Les plaintes relatives au mouvement de désobéissance civile portent sur l’inscription sur une liste noire, le refus d’avantages contractuels et de congés, les suspensions, les menaces de licenciement ou les menaces de licenciement et d’arrestation, ainsi que les recherches au porte-à-porte de participants ou de défenseurs du mouvement de désobéissance civile. Au total, 120 plaintes relatives au mouvement de désobéissance civile ont été déposées concernant des fonctionnaires de 16 ministères ou entités gouvernementales/régionales. La correspondance générale reçue sur les violations des droits de l’homme comprend des rapports, des enregistrements vidéo et des photographies (par exemple de passages à tabac, de traitements dégradants, d’arrestations violentes et destruction de biens) ainsi que des demandes d’information ou de soutien. Selon le décompte des sanctions prises à l’encontre des fonctionnaires effectué par ONU Femmes dans Gender, Women’s Rights and the 2021 Myanmar Crisis, publié le 4 mai 2021, le ministère de l’Éducation compte le plus grand nombre de fonctionnaires sanctionnés (605 personnes à ce jour, dont 452 femmes).
  5. 346. Le comité note les informations fournies par le MOLIP en réponse aux allégations susmentionnées, selon lesquelles les membres du personnel qui ont été suspendus de leurs fonctions sont ceux qui s’étaient absentés du lieu de travail sans la permission de superviseurs habilités à donner cette autorisation et qui avaient quitté le travail de leur propre chef. De telles mesures disciplinaires, conformes à la loi et au règlement sur la fonction publique, pourraient être prises à n’importe quel moment pour le même type d’absence du travail. Le MOLIP explique qu’il avise les fonctionnaires de ne pas s’impliquer dans une quelconque instigation politique et de retourner au bureau, pour ne pas craindre de perdre le droit de rester dans les logements du gouvernement pour les fonctionnaires une fois qu’ils ne le seront plus. Le MOLIP indique toutefois qu’à l’heure actuelle le département concerné n’a pas ordonné ou demandé à un membre du personnel de quitter un appartement ou une chambre. En outre, le ministère dit ne pas avoir indiqué ou notifié par lettre que les certificats professionnels, y compris les certificats de reconnaissance professionnelle de niveau national délivrés aux évaluateurs et aux inspecteurs, seraient résiliés ou retirés, et qu’il n’a pas non plus émis de notifications ou d’ordonnances ni menacé d’annulation des certificats de compétences professionnelles des médecins et des experts médicaux et sanitaires. Le ministère affirme également qu’il n’a pas envoyé de lettres de notification au personnel de l’organisation de la sécurité sociale impliqué dans le mouvement de désobéissance civile, et qu’il ne l’a pas non plus menacé ou averti de quitter ses appartements. Il a plutôt exhorté et sensibilisé les fonctionnaires absents du travail à retourner au bureau et à s’y rendre de manière régulière. En ce qui concerne les allégations de remplacement de travailleurs, y compris de fonctionnaires participant à des manifestations pacifiques, et de coercition militaire pour qu’ils reprennent le travail, le MOLIP indique ne pas avoir dit qu’il remettrait les noms des personnes ayant participé aux manifestations et au mouvement de désobéissance civile à la Tatmadaw (l’armée) pour qu’elle les arrête, et qu’elle ne l’a pas fait.
  6. 347. En ce qui concerne l’appel de la CTUM à une grève nationale, le MOLIP indique que, bien que la CTUM et une autre organisation syndicale, qui serait la MICS-TUsF, aient annoncé qu’elles suspendaient leur participation à tous les organes tripartites pendant un an à compter du 3 février, elles n’avaient pas participé aux mécanismes de règlement des différends requis dans tout le pays. Le MOLIP indique toutefois qu’il n’a pas dissous ou fermé ces organisations et qu’il a coopéré avec elles dans les affaires du travail, conformément aux lois, règlements et pratiques en vigueur.
  7. 348. Le comité rappelle qu’il a toujours reconnu aux travailleurs et à leurs organisations le droit de grève comme moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux. Il considère que le droit de grève ne devrait pas être restreint aux seuls différends du travail susceptibles de déboucher sur une convention collective particulière: les travailleurs et leurs organisations doivent pouvoir manifester, le cas échéant, dans un cadre plus large leur mécontentement éventuel sur des questions économiques et sociales touchant aux intérêts de leurs membres. [Voir Compilation, paragr. 752 et 766.] Par conséquent, le comité demande aux autorités responsables de réintégrer les fonctionnaires, les travailleurs du secteur de la santé ou les enseignants licenciés ou suspendus pour avoir participé au mouvement de désobéissance civile et de rétablir les avantages qui ont pu être supprimés en conséquence afin que leurs droits syndicaux soient rétablis. Le comité s’attend en outre à ce que des mesures appropriées soient prises pour veiller à ce que les syndicalistes et les travailleurs du secteur privé ne soient pas pénalisés pour avoir participé au mouvement de désobéissance civile pour le rétablissement de leurs droits syndicaux et à ce qu’ils retrouvent leur emploi et les avantages correspondants, le cas échéant.

    Arrestation et emprisonnement de syndicalistes et de travailleurs

  1. 349. Le comité note que la CSI a établi 28 cas d’arrestations et de poursuites concernant plus de 50 syndicalistes pour un délit présumé d’incitation sur la base de fausses informations en vertu du Code pénal (art. 505) et pour non-respect de la distanciation sociale en raison du COVID 19 en vertu de la loi sur la gestion des catastrophes naturelles (art. 25). Dans de nombreux cas, aucune accusation formelle justifiant l’arrestation n’a été émise, ce qui constitue un déni de procédure. Selon la CSI, la CTUM a également appris que l’armée avait engagé des poursuites contre 20 dirigeants syndicaux dans la zone industrielle de Hlaingtharyar, dont 6 membres du comité central de la CTUM et 7 membres de la Fédération des transports du Myanmar dans la circonscription d’Insein, tandis qu’un ingénieur a été enlevé à Ayeyarwady par des policiers en civil et transféré à Pathein le 12 février. L’IE déplore pour sa part le maintien en détention, depuis le 1er février 2021, de l’universitaire australien Sean Turnell, directeur du Myanmar Development Institute, membre du Syndicat national de l’enseignement tertiaire et conseiller économique de la Conseillère d’État Aung San Suu Kyi. L’IE fournit en outre des listes des travailleurs de l’éducation et des étudiants détenus, compilées avec l’aide de son affiliée, la Fédération des enseignants du Myanmar (MTF), qui avait invité ses membres à rejoindre la grève et le mouvement de désobéissance civile à l’échelle nationale.
  2. 350. Le comité note la réponse fournie par le MOLIP, selon laquelle les syndicalistes qui ont commis des actes de violence, comme l’incendie d’usines, les menaces et les coups contre des travailleurs qui ne s’engagent pas dans le mouvement de désobéissance civile, le blocage de routes empêchant les pompiers et les ambulances d’effectuer leur travail dans une situation d’urgence et le blocage des usines, feraient l’objet de mesures en vertu du Code pénal et de la loi sur les communications. Cependant, certains syndicalistes ont incité les travailleurs des usines et des ateliers à participer au mouvement de désobéissance civile et ont également attendu à l’entrée des usines pour empêcher leurs collègues de se rendre au travail. Le MOLIP a invité les représentants des employeurs et des travailleurs à des discussions, puisque le chômage augmentait parce que certains employeurs ne pouvaient pas payer les salaires, la production de certaines usines s’était arrêtée ou leur productivité avait diminué, et parce que certains travailleurs étaient incités à quitter les usines et à rejoindre le mouvement de désobéissance civile par les dirigeants des travailleurs. Certains travailleurs pourraient faire l’objet de poursuites de la part des postes de police concernés pour avoir participé aux agissements susmentionnés. Le MOLIP précise toutefois qu’il n’a pas intenté de poursuites, qu’il n’a pas procédé à des arrestations et qu’il n’a pas mis lesdits syndicalistes en prison.
  3. 351. Tout en observant la réponse du MOLIP selon laquelle certains travailleurs peuvent être arrêtés pour s’être livrés aux actes violents décrits ci-dessus, le comité rappelle que les principes de la liberté syndicale ne protègent pas des abus qui consistent en des actes de caractère délictueux dans l’exercice d’une action de protestation et souligne que les autorités ne devraient pas recourir aux mesures d’arrestation et d’emprisonnement en cas d’organisation ou de participation à une grève pacifique, et que de telles mesures comportent de graves risques d’abus et de sérieux dangers pour la liberté syndicale. [Voir Compilation, paragr. 224 et 970.] Le comité demande instamment que toutes les mesures nécessaires soient prises pour garantir qu’aucune personne n’est détenue du fait de la participation à une action de protestation pacifique en faveur du rétablissement de ses droits syndicaux. En outre, le comité demande instamment la libération immédiate de toutes les personnes qui auraient été arrêtées et/ou détenues pour avoir participé à une manifestation pacifique pour le rétablissement de leurs droits syndicaux et d’être tenu informé de toutes les mesures prises à cette fin.

    Radiation de syndicats

  1. 352. Le comité note les allégations de la CSI selon lesquelles, le 26 février, le gouvernement militaire a déclaré illégales 16 organisations syndicales, à savoir la All Burma Federation of Trade Unions (ABFTU), Let’s Help Each Other (LHEO), Future Light Center (FLC), Action Labour Right (ALR), All Myanmar Trade Unions Network (AMTUN), Agriculture Freedom of Myanmar (AFM), Association for Labour and Development (ALD), Federation of Garment Workers Myanmar (FGWM), Labour Action Group (LAG), Labour Power Group (LPG), We Generation Network, Young Chi Oo Workers’ Association (YCOWA), Solidarity Trade Unions Myanmar (STUM), Coordination Committee of Trade Unions (CCTU), Myanmar Petroleum Worker Labor Federation (MPWLF), Industrial Women Workers Organization (IWWO), privant les travailleurs et les membres des organisations de la protection dont ils peuvent se prévaloir en vertu de leur affiliation syndicale.
  2. 353. Le comité note la réponse du MOLIP, selon laquelle ces syndicats n’étaient pas enregistrés conformément à la loi, mais qu’ils agissaient dans le domaine du travail. Ils ont donc été déclarés comme des organisations illégales puisqu’ils n’étaient pas enregistrés conformément à la loi.
  3. 354. Le comité rappelle que l’exercice d’activités syndicales légitimes ne devrait pas dépendre de l’enregistrement, et est préoccupé par le fait que, en l’espèce, il ne s’agit pas d’une décision de refus d’enregistrer une organisation parce qu’elle ne remplit pas certaines conditions formelles, mais plutôt d’une décision indue de déclarer publiquement illégales un grand nombre d’organisations. Dans les circonstances actuelles, le comité est profondément préoccupé par le fait que cette déclaration place ces organisations et leurs membres dans une situation particulièrement grave où toute action entreprise se verra refuser la protection normale de la loi. En conséquence, le comité demande instamment le retrait immédiat de la déclaration faite par les autorités militaires le 26 février au sujet des syndicats susmentionnés.
  4. 355. Le MOLIP conclut plus généralement que toutes les mesures ont été prises en conformité avec la législation, en réponse aux agissements tels que l’incendie d’usines et d’installations industrielles, qui ont été investies par des étrangers et des locaux et qui sont d’une importance cruciale pour la productivité du pays. Lors des grèves menées dans le cadre du système démocratique, certains ont abusé de leurs droits, ce qui s’est traduit par des émeutes et des violences, obligeant le gouvernement à prendre des mesures conformément à la loi. Le Myanmar envisage de rouvrir les usines et les industries fermées afin de rétablir les possibilités d’emploi pour les citoyens, de relancer le transport pour le commerce et d’être en mesure de remettre le pouvoir de l’État au parti élu conformément aux normes démocratiques, en organisant des élections générales multipartites libres et équitables en vertu de la Constitution de 2008 après avoir surmonté la situation d’urgence.
  5. 356. Le comité se doit d’exprimer sa profonde préoccupation face à la grave détérioration de la liberté syndicale et d’autres droits humains pertinents au Myanmar et devant l’indication du MOLIP selon laquelle toutes les actions susmentionnées ont été prises afin de remettre le pouvoir au parti élu conformément aux normes démocratiques. Le comité regrette profondément les nombreuses mesures prises depuis le 1er février, qui ont conduit à un nouveau recul de la protection des libertés publiques fondamentales nécessaires pour que les travailleurs et les employeurs puissent exercer leurs activités syndicales dans un climat de liberté et de sécurité totales. Le comité prie les autorités militaires de reconnaître qu’il est essentiel de garantir ces droits et libertés aux travailleurs et aux employeurs du pays, comme condition nécessaire à l’exercice de leurs activités syndicales. Le comité demande en outre que des informations détaillées soient fournies en réponse aux informations supplémentaires et aux nouvelles allégations soumises par la CSI dans sa communication du 30 mai 2021.
  6. 357. Le comité attire l’attention du Conseil d’administration sur le caractère grave et urgent du présent cas.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 358. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité regrette la grave détérioration de la liberté syndicale et d’autres droits humains pertinents qui se produit dans le pays et exprime en particulier sa profonde préoccupation face aux allégations d’attaques contre des travailleurs en grève au chantier naval de Mandalay, qui ont fait deux morts, et face au meurtre et à la torture de Zaw Myat Lynn. Le comité demande une enquête complète et indépendante sur les circonstances de ces décès et à être tenu informé de ses résultats.
    • b) Le comité prie instamment les autorités militaires responsables de cesser immédiatement de recourir à la violence contre les manifestants pacifiques et de rétablir les protections qui étaient garanties par la loi protégeant la vie privée et la sécurité des citoyens, de retirer les pouvoirs de surveillance qui ont été rétablis dans les circonscriptions et les villages, d’abroger l’alinéa 505A du Code pénal et de modifier l’article 38(c) de la loi sur les transactions électroniques en vue de garantir le plein respect des libertés publiques fondamentales nécessaires à l’exercice des droits syndicaux, notamment la liberté d’opinion et d’expression, la liberté de réunion, le droit de ne pas être arrêté ou détenu arbitrairement et le droit à un procès équitable par un tribunal indépendant et impartial, afin que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent exercer leurs activités et leurs fonctions sans être exposés à des menaces d’intimidation ou de violence et dans un climat de sécurité totale.
    • c) Le comité demande aux autorités responsables de réintégrer les fonctionnaires, les travailleurs du secteur de la santé ou les enseignants licenciés ou suspendus pour avoir participé au mouvement de désobéissance civile et de rétablir les avantages qui ont pu être supprimés en conséquence afin que leurs droits syndicaux soient rétablis. Le comité s’attend en outre à ce que des mesures appropriées soient prises pour veiller à ce que les syndicalistes et les travailleurs du secteur privé ne soient pas pénalisés pour avoir participé au mouvement de désobéissance civile pour le rétablissement de leurs droits syndicaux et à ce qu’ils retrouvent leur emploi et les avantages correspondants le cas échéant.
    • d) Le comité demande instamment que toutes les mesures nécessaires soient prises pour garantir qu’aucune personne n’est détenue du fait de la participation à une action de protestation pacifique en faveur du rétablissement de ses droits syndicaux. Le comité demande en outre instamment la libération immédiate de toutes les personnes qui auraient été arrêtées et/ou détenues pour avoir participé à une manifestation pacifique pour le rétablissement de leurs droits syndicaux et d’être tenu informé de toutes les mesures prises à cette fin.
    • e) Le comité demande instamment le retrait immédiat de la déclaration des autorités militaires du 26 février qui a désigné 16 syndicats comme n’étant pas légaux.
    • f) Le comité demande en outre que des informations détaillées soient fournies en réponse aux informations supplémentaires et aux nouvelles allégations soumises par la CSI dans sa communication du 30 mai 2021.
    • g) Le comité attire l’attention du Conseil d’administration sur le caractère grave et urgent du présent cas.
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