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Allégations: Les organisations plaignantes font valoir que 786 gens de mer ont été licenciés par une compagnie du secteur maritime sans préavis ni consultation syndicale, en violation des conventions collectives conclues avec deux syndicats et de la législation nationale, et ont été réembauchés par la suite dans des conditions de travail moins favorables ou ont été remplacés par des travailleurs intérimaires non syndiqués

  1. 610. La plainte figure dans une communication datée du 11 mai 2022 soumise par Nautilus International (Nautilus), la National Union of Rail, Maritime and Transport Workers (RMT), le Congrès des syndicats (TUC), la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF), la Fédération internationale des travailleurs des transports (ITF) et la Confédération syndicale internationale (CSI).
  2. 611. Le gouvernement a fait part de ses observations dans des communications datées du 9 mars et du 20 septembre 2023.
  3. 612. Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 613. Dans leur communication datée du 11 mai 2022, les organisations plaignantes – Nautilus, la RMT, le TUC, l’ETF, l’ITF et la CSI – allèguent que le 17 mars 2022, P&O Ferries (la compagnie) a renvoyé sans préavis 786 gens de mer qu’elle employait directement. Selon les organisations plaignantes, ces gens de mer ont reçu en main propre des lettres de licenciement immédiat. Ceux qui se trouvaient à bord des navires ont été raccompagnés à terre par des agents de sécurité recrutés, passant devant des équipages de remplacement qui attendaient dans des autocars. Un membre d’équipage, que l’on avait réveillé pour lui communiquer la nouvelle, a eu quinze minutes pour rassembler ses effets personnels. Les affaires des employés ont été sorties des cabines et un membre d’équipage a déclaré qu’il lui avait fallu quinze jours pour récupérer les siennes. Deux membres d’équipage britanniques, renvoyés tandis que leur navire se trouvait à Rotterdam, ont été conduits en bus à Calais et ont dû prendre leurs propres dispositions pour rentrer chez eux.
  2. 614. Selon les organisations plaignantes, les syndicats des gens de mer n’ont pas été consultés au préalable. Les autorités du Royaume-Uni et des pays dans lesquels les navires étaient immatriculés n’ont pas été averties à l’avance, et les gens de mer n’ont reçu aucun préavis.
  3. 615. Les organisations plaignantes indiquent que la compagnie avait conclu des conventions collectives avec la RMT et Nautilus. Une «Entente de reconnaissance et de procédure» avait été passée avec chacun de ces syndicats, reconnaissant leur existence et définissant la procédure de négociation avec les employeurs. Aux termes de l’entente, divers accords de fond fixant les conditions d’emploi avaient été négociés. L’entente prévoyait que les accords resteraient en vigueur pour une durée indéterminée, sous réserve d’un préavis écrit adressé aux autres parties au moins six mois à l’avance, faisant état de l’intention de résilier l’entente en question. Les conditions énoncées dans ces accords de fond étaient explicitement intégrées (ainsi que toute modification apportée par une convention collective ultérieure) dans les contrats types de travail des gens de mer. Parmi les accords portant sur les conditions d’emploi figuraient des dispositions établissant une procédure de règlement des litiges, tant au niveau individuel que collectif. Ces dispositions prévoyaient un ensemble d’étapes menant à la possibilité de médiation et d’arbitrage, ainsi qu’un recours à un service de conseil, de conciliation et d’arbitrage ou de médiateurs ou d’arbitres tiers, avec une disposition de statu quo en l’attente de l’épuisement de la procédure. Les organisations plaignantes soutiennent que ces accords ont été violés sciemment et de manière flagrante par la compagnie, qui n’a pas tenu compte de la procédure de règlement des litiges et qui, sans le dire, a résilié de fait les accords sans respecter le préavis spécifié de six mois (ou tout autre préavis).
  4. 616. Les organisations plaignantes soutiennent que les conventions collectives ne sont pas applicables par les syndicats dans le cadre de la législation britannique. L’employeur pouvait les enfreindre en toute impunité, et c’est ce qu’il a fait. De surcroît, les renvois ayant été immédiats, il a été interdit aux gens de mer de mener une action syndicale. Selon les organisations plaignantes, la loi britannique interdit aux syndicats d’appeler des travailleurs à entreprendre une action de solidarité en faveur de personnes licenciées. Par conséquent, la RMT et Nautilus se sont vus privés de la possibilité d’entreprendre une action syndicale ou d’intenter une action en justice pour protéger les conventions collectives, les emplois et les conditions de travail de leurs membres.
  5. 617. Les organisations plaignantes considèrent qu’en licenciant le personnel, l’employeur n’a absolument pas respecté son obligation légale de consulter Nautilus et la RMT, obligation mentionnée dans l’article 188 de la loi consolidée de 1992 sur les syndicats et les relations professionnelles (TULRCA) (ainsi que dans les conventions collectives qui s’appliquent entre la compagnie et les syndicats). Les organisations plaignantes indiquent que le PDG de la compagnie a admis devant la commission parlementaire des transports et des affaires de la Chambre des communes du Royaume-Uni (la commission parlementaire) que la compagnie avait l’obligation légale de consulter les syndicats, mais qu’elle avait décidé de la bafouer.
  6. 618. En outre, la compagnie n’a pas respecté son obligation d’informer et de consulter Nautilus et la RMT, tel que requis par l’article 13 des règlements de 2006 sur la protection de l’emploi dans le cadre des transferts d’entreprises (règlements TUPE). Les organisations plaignantes indiquent que les règlements TUPE s’appliquent, car l’employeur a externalisé la gestion des équipages à International Ferry Management (une société internationale basée à Malte, qui a été enregistrée seulement un mois avant les licenciements massifs); celle-ci a embauché de nouveaux équipages par l’intermédiaire d’agences pour remplacer les gens de mer licenciés, procédant ainsi à une «modification des prestations de services». De surcroît, aucune consultation individuelle n’aurait été menée auprès de ces gens de mer, ce qui rend leurs licenciements abusifs en vertu du droit interne. En outre, selon les organisations plaignantes, ces licenciements étaient, en tout état de cause, abusifs puisqu’ils étaient dus à des modifications des prestations de services (règlements TUPE 3 et 7), et non à des raisons économiques, tel que défini par la compagnie, puisque cette dernière avait l’intention d’effectuer les mêmes activités par un nouvel équipage à bord des navires, ce qu’elle a fait.
  7. 619. Les organisations plaignantes soutiennent que la compagnie a, depuis longtemps, recours aux pavillons de complaisance pour ses navires. Afin de ne rien divulguer de ce stratagème, la compagnie a enfreint la loi britannique en omettant d’informer les États du pavillon des licenciements présumés dans les délais prescrits par les articles 193 et 193A de la TULRCA. Qu’il s’agisse ou non d’une restructuration légitime – ce qui n’était pas le cas selon les organisations plaignantes –, les gens de mer licenciés auraient dû être transférés au nouveau chef d’équipage selon les mêmes conditions, avec un maintien de la durée du service. Après les licenciements, certains (moins d’une centaine) se sont vu proposer des emplois par la compagnie internationale, emplois qu’ils ont acceptés, avec une détérioration de leurs conditions de travail. Ces nouveaux emplois n’ont été proposés qu’à condition que les gens de mer licenciés signent un accord de règlement les empêchant de porter plainte contre les deux compagnies.
  8. 620. La compagnie a proposé aux gens de mer licenciés des indemnités de licenciement dites améliorées, qui contiennent des indemnités pour défaut de consultation des syndicats, licenciement abusif et autres plaintes, sous réserve qu’ils signent un accord de règlement excluant toute poursuite devant le tribunal du travail et comportant un accord de confidentialité leur interdisant de commenter les licenciements. En cas d’infractions à la législation britannique, il est possible de faire une demande d’indemnisation auprès d’un tribunal du travail. Cependant, ce genre d’indemnisation ne peut dépasser un plafond (très bas) fixé par la loi. De ce fait, la compagnie a été en mesure de calculer avec précision le coût des licenciements effectués en recourant à son stratagème et d’évaluer le temps nécessaire pour récupérer ce coût sur les futurs bénéfices découlant des salaires de misère et des conditions de travail dégradées des nouveaux équipages.
  9. 621. Les organisations plaignantes soutiennent que, des mois avant les licenciements effectués suivant ce stratagème, la compagnie avait décidé de remplacer les gens de mer licenciés par des travailleurs intérimaires non syndiqués et bon marché et avait pris les mesures nécessaires pour le faire. Le PDG de la compagnie a admis, devant la commission parlementaire, que le salaire moyen de ces travailleurs intérimaires était de 5,50 livres sterling de l’heure, certains étant rémunérés à peine 5,15 livres sterling de l’heure, ce qui est inférieur au salaire minimum national au Royaume-Uni. Qui plus est, jusqu’à leur licenciement, les membres de l’équipage travaillaient selon un horaire de 12 heures par jour pendant sept jours consécutifs, en dormant à bord, suivis de sept jours de congé, tous payés au taux plein. Le personnel intérimaire de remplacement, quant à lui, travaille dans certains cas 12 heures par jour durant dix sept semaines sans interruption. Non seulement le taux horaire est inférieur, mais en outre, aucun congé compensatoire n’est versé, puisqu’il s’agit de contrats au voyage uniquement.
  10. 622. Par ailleurs, la société internationale exerce une discrimination à l’encontre des gens de mer sur la base de leur nationalité. Par exemple, un marin indien apte au travail est payé moins pour travailler beaucoup plus longtemps qu’un marin géorgien apte au travail exécutant les mêmes tâches sur le même navire. Ce modèle d’emploi discriminatoire est répandu dans le secteur des ferries et dans celui du transport maritime en général. Le gouvernement britannique s’est engagé à réviser la législation concernée, à savoir la règlementation no 1771 de 2011 relative à la loi de 2010 sur l’égalité concernant le travail sur les bateaux et les aéroglisseurs (Equality Act 2010 (Work on Ships and Hovercraft) Regulations 2011, no 1771), qui protège actuellement les gens de mer contre la discrimination salariale fondée sur la nationalité, en dehors du champ de la Stratégie maritime 2050.
  11. 623. Lors de l’audition devant la commission parlementaire, le PDG de la compagnie a affirmé que tout processus de consultation aurait été un simulacre et que les syndicats n’auraient pas accepté le nouveau modèle d’emploi, de sorte que la compagnie avait plutôt décidé d’indemniser le personnel. Lorsqu’on lui a demandé, à cette même audition, s’il prendrait à nouveau cette décision, il a répondu catégoriquement par l’affirmative.
  12. 624. Les organisations plaignantes considèrent que les actes de la compagnie et le fait que le gouvernement n’ait pas appliqué la législation du travail appropriée ni prévu de sanctions dissuasives pour en garantir le respect constituent de graves violations de la liberté syndicale et de négociation collective. Le mépris total de la compagnie pour les dispositions relatives à la consultation collective contenues dans les conventions collectives applicables représente une violation du principe de la négociation de bonne foi. Les organisations plaignantes soulignent que le respect mutuel des engagements pris dans les conventions collectives est un élément important du droit de négociation collective. En outre, la non application d’une convention collective, ne serait-ce que temporairement, va à l’encontre du droit de négociation collective ainsi que du principe de la négociation de bonne foi. Le fait qu’un employeur n’entame pas de consultations franches et approfondies avec les syndicats lorsqu’il élabore des plans de restructuration, de rationalisation ou de réduction du personnel constitue une violation fondamentale des principes de la liberté syndicale, étant donné que les syndicats ont un rôle décisif à jouer pour que des programmes de cette nature aient le moins d’impact négatif possible sur les travailleurs.
  13. 625. Compte tenu des récents conflits du travail au sein de la compagnie, des déclarations portant sur les syndicats faites par le PDG lors de l’audition devant la commission parlementaire, du mépris affiché par la compagnie à l’égard des conventions collectives et de leur résiliation brutale, du défaut de tentative de négocier des accords de remplacement, et du recours à des travailleurs intérimaires non syndiqués de la part de la compagnie, les organisations plaignantes estiment que le licenciement de ces 786 gens de mer représente également un acte de discrimination antisyndicale. En effet, le licenciement de travailleurs syndiqués en vue d’embaucher un groupe de travailleurs non syndiqués pour effectuer les mêmes tâches revêt le même caractère dissuasif. En outre, il est manifeste que la législation en vigueur ne permet pas d’empêcher la discrimination antisyndicale, car les employeurs peuvent en pratique, à condition de payer les indemnités prévues par la loi en cas de licenciement abusif, licencier n’importe quel travailleur parce qu’il est membre d’un syndicat et bénéficie de meilleures conditions de travail dans le cadre d’une convention collective. Enfin, les organisations plaignantes considèrent que les régimes d’application de la loi et de sanctions sur le marché du travail au Royaume-Uni sont totalement inadaptés, puisqu’une compagnie peut licencier sa main-d’œuvre pour éviter qu’elle ne fasse valoir ses droits prévus par la loi. Elles concluent que le gouvernement a manqué à son devoir proactif, en tant que Membre de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et partie aux conventions nos 87 et 98, de protéger les droits fondamentaux de tous les travailleurs, dont les gens de mer, en matière de liberté syndicale et de négociation collective. Au vu de ce qui précède, les organisations plaignantes demandent au comité de prier le gouvernement de:
    • demander à la compagnie de réintégrer immédiatement les gens de mer licenciés ou, à défaut, de veiller à ce que les gens de mer nouvellement recrutés bénéficient des mêmes conditions de travail que celles prévues dans les conventions collectives applicables avec la compagnie remplaçante;
    • mettre en place une législation visant à instituer des négociations collectives sectorielles entre les syndicats et les employeurs pour tous les ferries desservant les ports du Royaume Uni, et rendre les conventions collectives légalement contraignantes (comme dans le cadre de la loi de 1976 relative aux Conseils des salaires);
    • supprimer l’interdiction de mener des actions collectives secondaires lorsque l’employeur impliqué dans le différend n’a pas respecté l’obligation légale de procéder à des consultations avec le syndicat reconnu;
    • modifier la TULRCA pour: a) introduire un droit réglementaire, en cas de défaut de consultation du syndicat reconnu, permettant à ce dernier de demander une injonction pour empêcher que les licenciements deviennent effectifs ou, s’ils sont effectifs, pour réintégrer les travailleurs, jusqu’à ce qu’une consultation en bonne et due forme ait lieu; b) étudier comment introduire des infractions pénales, passibles d’amendes non plafonnées et illimitées, lorsqu’une entreprise et ses administrateurs ne consultent pas les syndicats; et c) prévoir que l’indemnité compensatoire accordée pour défaut de consultation des syndicats (actuellement plafonnée à 90 jours de salaire contractuel) soit non plafonnée et illimitée;
    • modifier les règlements TUPE de 2006 afin d’introduire un droit statutaire permettant à un syndicat reconnu de demander une injonction, en cas de défaut de consultation en temps voulu avant la réalisation d’un transfert, afin d’arrêter la procédure de transfert jusqu’à l’organisation d’une consultation en bonne et due forme;
    • modifier la loi de 1996 relative aux droits en matière d’emploi, afin d’empêcher les techniques de licenciement et de réembauche («fire and rehire») auxquelles la compagnie et la société ont été en mesure de recourir pour les gens de mer réengagés et qui permettent, dans la pratique, de déroger aux conventions collectives au détriment des membres des syndicats;
    • mettre en œuvre une législation nationale plus stricte, qui ne tienne pas compte du pavillon et protège tous les gens de mer contre toute forme de discrimination;
    • collaborer avec les syndicats pour élaborer des propositions communes en vue d’éventuelles modifications de la convention du travail maritime, 2006 (MLC, 2006), telle qu’amendée, afin de renforcer les normes minimales en matière de recrutement, de placement et de conditions de travail; et
    • modifier la loi de 1986 relative à la suspension des dirigeants de société (CDDA) afin que le défaut de consultation collective constitue un motif précis permettant de suspendre des dirigeants de société de leurs fonctions.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 626. Dans ses communications datées du 9 mars et du 20 septembre 2023, le gouvernement indique qu’il condamne avec la plus grande fermeté les actes de la compagnie qui ont donné lieu à cette plainte. Il a apporté son soutien aux travailleurs concernés et adopté des mesures pour qu’ils soient orientés de manière à bénéficier d’une aide adéquate. Il a également pris des mesures robustes pour faire respecter la règlementation existante et est déterminé à en prendre d’autres, le cas échéant, pour protéger les gens de mer. Néanmoins, il ne partage pas l’avis des organisations plaignantes selon lequel la législation britannique doit être modifiée dans le sens qu’elles préconisent. Le gouvernement présente les observations ci-dessous en vue de clarifier la législation en vigueur, les mesures qu’il a prises et la manière dont elles répondent aux questions soulevées par les organisations plaignantes en l’espèce.
  2. 627. Au Royaume-Uni, les employeurs qui envisagent de licencier plus de 20 personnes pour des raisons économiques doivent, dans la plupart des cas, consulter les représentants des travailleurs et notifier préalablement cette intention au secrétaire d’État (ou, en Irlande du Nord, au ministère compétent). La description ci-dessous est axée sur la législation en vigueur en Grande-Bretagne (c’est-à-dire en Angleterre, au Pays de Galles et en Écosse), mais des dispositions équivalentes sont prévues pour l’Irlande du Nord par l’ordonnance de 1996 relatives aux droits en matière d’emploi en Irlande du Nord. L’article 188 de la loi TULRCA impose aux employeurs qui envisagent de licencier 20 employés ou plus d’un même établissement au cours d’une période de quatre-vingt-dix jours de consulter les salariés ou leurs représentants en temps utile et, en tout état de cause, au moins trente jours avant que le premier licenciement devienne effectif; lorsque 100 licenciements ou plus sont envisagés, les consultations doivent intervenir au moins quarante-cinq jours avant que le premier licenciement devienne effectif. Les consultations doivent porter notamment sur la possibilité d’éviter ces licenciements, d’en réduire le nombre et d’en atténuer l’impact. En application de l’article 189 de cette loi, si l’employeur n’a pas respecté son obligation de consultation, une plainte peut être déposée auprès d’un tribunal du travail. Si le tribunal estime que la plainte est bien fondée, il peut accorder une indemnité compensatoire pouvant aller jusqu’à 90 jours de salaire, afin d’inciter au respect de cette obligation et de sanctionner les employeurs qui ne s’y conforment pas. L’article 193 prévoit que l’employeur doit notifier, dans des délais similaires, les licenciements collectifs envisagés au secrétaire d’État (plus précisément au service de l’insolvabilité, un organisme exécutif du ministère des Affaires et du Commerce). En application de l’article 194, l’employeur qui ne notifie pas les licenciements envisagés au secrétaire d’État, conformément à l’article 193, commet une infraction pénale et est passible d’une amende laissée à la discrétion du juge. L’obligation de notification diffère pour les navires immatriculés hors de Grande-Bretagne (ou, selon la législation de l’Irlande du Nord, hors d’Irlande du Nord). La directive 2015/1794 de l’Union européenne sur les gens de mer faisait obligation aux États membres de l’Union européenne – comme c’était le cas pour le Royaume-Uni à l’époque – de légiférer pour qu’un employeur soit tenu, en cas de licenciement collectif sur un navire battant pavillon étranger, d’en informer l’État du pavillon. Cela permet à l’État du pavillon d’étendre l’application de sa législation du travail aux gens de mer à bord des navires battant pavillon dudit État. L’article 193A de la TULRCA intègre cette directive, en disposant que c’est l’autorité compétente de l’État où le navire est immatriculé, et non le secrétaire d’État britannique, qui doit être informée de tout licenciement collectif. Tel a été le cas pour les licenciements de la compagnie, puisque les navires concernés ne battaient pas pavillon britannique (et que leurs gens de mer étaient employés par une compagnie basée hors du Royaume-Uni).
  3. 628. Le gouvernement indique également que, dans le cadre de son engagement à long terme à améliorer le bien-être et des conditions de travail des gens de mer, le ministère des transports évaluera la nécessité d’une nouvelle intervention législative. En particulier, le ministère évaluera la protection de l’emploi de ceux qui travaillent en mer, en tenant compte des droits comparables dont disposent les travailleurs à terre et de la nature du secteur maritime internationalement réglementée. L’examen portera notamment sur la question de savoir si les dispositions de la TULRCA relatives à la notification des licenciements collectifs sont suffisamment robustes.
  4. 629. Le gouvernement britannique est préoccupé par le bien-être des 786 gens de mer, compte tenu du traitement épouvantable qui leur a été infligé par la compagnie. Conformément à la demande des organisations plaignantes, le gouvernement a écrit à la compagnie, après l’annonce de sa décision du 17 mars 2022, pour lui faire part de sa colère et de sa déception. Dans ses lettres, il engageait la compagnie à revenir sur sa décision et proposait de faciliter le dialogue entre la compagnie, les gens de mer et les syndicats. Le gouvernement a fait des démarches analogues auprès de la société mère, DP World, et a de nouveau écrit à la compagnie, le 28 mars 2022, pour lui demander de proposer aux travailleurs de retrouver leur emploi aux conditions et salaires antérieurs. En outre, il a aidé les gens de mer à récupérer leurs effets personnels.
  5. 630. Par ailleurs, le gouvernement a demandé à l’Inspection des normes de l’agence pour l’emploi d’étudier les termes des contrats conclus avec les travailleurs intérimaires relevant de sa compétence, ce qu’elle a fait. Il a également demandé à l’administration fiscale et douanière d’axer ses ressources en matière d’application du salaire minimum sur le secteur maritime, afin de garantir que les entreprises de ce secteur respectent leurs obligations légales en termes de rémunération.
  6. 631. Le gouvernement ne pense pas qu’il convienne de renforcer les dispositions actuelles en matière de négociation collective au Royaume-Uni. Les travailleurs ont le droit d’adhérer à un syndicat et de s’organiser. Sur de nombreux lieux de travail, les employeurs choisissent de reconnaître de leur plein gré un syndicat à des fins de négociation collective et, lorsque ce n’est pas le cas, le syndicat peut obtenir une reconnaissance syndicale officielle à condition de prouver au comité central d’arbitrage l’existence d’un soutien majoritaire en faveur de la reconnaissance syndicale sur le lieu de travail. Rien n’indique que des dispositions différentes, notamment un cadre de négociation sectoriel, auraient influé sur les décisions prises par la compagnie en question.
  7. 632. De même, l’interdiction d’une action syndicale secondaire n’a aucune incidence sur les droits des travailleurs concernés par les actes de la compagnie. Les actions syndicales secondaires sont interdites, car elles se sont révélées très préjudiciables à l’économie britannique par le passé. Au Royaume-Uni, les travailleurs ont le droit de faire grève contre leur employeur direct en cas de conflit du travail lorsque certaines conditions sont remplies. Ce droit est inscrit dans la législation sur les syndicats. L’interdiction d’actions syndicales secondaires ne porte pas atteinte aux droits des travailleurs de la compagnie d’entreprendre des actions syndicales légales en prévision ou dans le cadre d’un conflit avec leur employeur pendant qu’ils sont en activité. Elle n’empêche pas non plus les travailleurs licenciés d’exercer leurs droits pour mener des campagnes pacifiques et des actions de protestation. Les travailleurs conservent la possibilité de demander réparation auprès d’un tribunal du travail, en cas de licenciement abusif par l’employeur, et de chercher un recours devant les tribunaux en cas d’infraction à une obligation contractuelle de leurs conditions d’emploi. C’est pourquoi le gouvernement ne légalisera pas les actions syndicales secondaires.
  8. 633. Rendre les conventions collectives juridiquement contraignantes irait à l’encontre de l’approche volontariste du Royaume-Uni en matière de négociation collective, de nombreux employeurs choisissant, dans la grande majorité des cas, de reconnaître de leur plein gré un syndicat. Selon un usage établi de longue date, la plupart des employeurs et des syndicats préfèrent ne pas rendre les conventions collectives juridiquement contraignantes, et le gouvernement ne voit pas pourquoi la législation en la matière devrait être modifiée pour tenter de régler ce cas exceptionnel.
  9. 634. En outre, il existe déjà des règles claires exigeant les entreprises de tenir des consultations en cas de licenciements massifs. À ce stade, le gouvernement ne considère pas que le problème réside dans les règles proprement dites, mais plutôt, comme l’a reconnu la compagnie, dans le fait qu’elle a décidé de les écarter.
  10. 635. Le gouvernement britannique a demandé au service de l’insolvabilité d’évaluer les actes de la compagnie. Le 1er avril 2022, le service de l’insolvabilité a écrit au secrétaire d’État aux Affaires, à l’Énergie et à la Stratégie industrielle pour lui confirmer qu’à l’issue de ses demandes, il avait lancé des enquêtes pénales et civiles officielles sur les circonstances des licenciements. L’enquête pénale portant sur les événements liés aux licenciements, le 17 mars 2022, de 786 gens de mer employés par la compagnie visait à déterminer s’il y avait eu un défaut de notification aux autorités compétentes des États du pavillon des navires, en violation de l’article 193A portant modification de l’article 193 de la TULRCA et, le cas échéant, s’il s’agissait d’une infraction pénale au sens de l’article 194, paragraphe 1, de la loi et si cette infraction relevait de la compétence des juridictions pénales d’Angleterre et du Pays de Galles. L’enquête visait également à déterminer s’il existait une responsabilité pénale secondaire de la part de certaines personnes. Le 19 août 2022, un procureur principal du service de l’insolvabilité a estimé qu’il y avait autant de chance de prouver que le cas des employés relevait de l’article 193 que l’inverse. De ce fait, il ne pouvait pas dire, eu égard à l’étape de la preuve dans le cadre du test complet du Code du procureur («Full Code Test of the Code for Crown Prosecutors»), par lequel il était lié, si le tribunal d’examen des faits était plus susceptible de prononcer une condamnation que de ne pas le faire. En conséquence, en application du code, il n’était pas possible d’engager de poursuites. L’enquête civile du service de l’insolvabilité concernant les circonstances des licenciements effectués par la compagnie est en cours. Dans ce cadre, il ne serait pas opportun que le gouvernement formule d’autres observations à ce stade.
  11. 636. En mai 2022, lors de la quatrième réunion de la Commission tripartite spéciale de la convention du travail maritime (MLC), organisée par l’OIT, le gouvernement britannique a soutenu activement des mesures visant à améliorer la qualité de vie des gens de mer. Le Royaume-Uni a voté en faveur des huit modifications de la MLC qui ont été proposées pour adoption par la commission, dont des mesures visant à améliorer les normes minimales en matière de recrutement, de placement et de conditions de travail. Les mesures de mise en œuvre de ces dispositions seront examinées par le groupe de travail tripartite de la Maritime and Coastguard Agency (MCA) sur la MLC, qui comprend des syndicats de gens de mer. La MCA serait heureuse de recevoir des propositions de modifications de la MLC afin de renforcer les normes de recrutement et de placement, en vue de les faire examiner par le groupe de travail conjointement avec le ministère des Affaires et du Commerce, qui est l’organe du gouvernement responsable de la réglementation des services de recrutement et de placement au Royaume-Uni.
  12. 637. Le gouvernement britannique prend des mesures pour lutter contre la pratique du licenciement et de la réembauche, ou «fire and rehire». Il a lancé une consultation de douze semaines sur un projet de code officiel de bonnes pratiques destiné à empêcher les employeurs de recourir à des tactiques controversées et de ne pas tenir de consultations en bonne et due forme avec les employés et leurs représentants. Le processus de consultation s’est achevé le 18 avril 2023. Alors que le gouvernement continue d’analyser les réponses et indique qu’il prendra en compte les points de vue exprimés avant de publier sa réponse et la version finale du code, il explique que le code définit les responsabilités des employeurs qui cherchent à modifier les conditions contractuelles d’emploi et vise à faire en sorte que le recours à la pratique du licenciement et du réengagement n’intervienne qu’en dernier recours. Une fois le code en vigueur, un tribunal du travail pourra, dans certaines circonstances, augmenter jusqu’à 25 pour cent les indemnités d’un employé si son employeur a enfreint le code de manière infondée. Le gouvernement considère inopportun d’imposer une interdiction totale, étant donné que les entreprises peuvent avoir besoin, dans certaines situations, de la souplesse qu’offre cette solution pour sauver autant d’emplois que possible. Le code officiel de bonnes pratiques apporte une réponse proportionnée, qui concilie protection des travailleurs et souplesse pour les entreprises.
  13. 638. Le gouvernement indique que la règlementation de 2011 relative à la loi de 2010 sur l’égalité concernant le travail sur les bateaux et les aéroglisseurs fournit un cadre législatif transversal destiné à: protéger les droits des individus et faire progresser l’égalité des chances pour tous; mettre à jour, simplifier et renforcer la législation précédente; et mettre en place une structure législative simple, moderne et accessible en matière de lutte contre la discrimination pour protéger les individus contre les traitements injustes et favoriser une société plus juste et plus égalitaire. Il a entamé ses travaux portant sur le deuxième examen de la règlementation de 2011 relative à la loi de 2010 sur l’égalité concernant le travail sur les bateaux et les aéroglisseurs, consécutivement à sa mise en œuvre. Il donne acte des objections formulées dans la plainte relative aux différences de rémunération fondées sur la nationalité et indique qu’il consultera les partenaires sociaux et d’autres parties intéressées à ce sujet dans le cadre de ce nouvel examen.
  14. 639. En ce qui concerne la demande des organisations plaignantes d’amender la CDDA pour faire du défaut de consultation collective un motif exprès de déchéance de la qualité d’administrateur de société, le gouvernement indique que, bien qu’il n’existe pas de liste exhaustive des comportements pouvant conduire à la déchéance, étant donné que les motifs de déchéance en vertu de la CDDA sont déjà très variés, il n’est pas approprié de procéder à un amendement pour inclure le «défaut de consultation collective» en tant que motif exprès de déchéance. Le gouvernement souligne que la section 12 C et l’annexe 1 du CDDA prévoient déjà que lorsque la Cour évalue si une personne doit être disqualifiée, ou lorsque le secrétaire d’État décide d’accepter ou non un engagement de disqualification, ce qui doit être pris en compte, entre autres, est la mesure dans laquelle la personne était responsable quant aux violations de la société aux obligations législatives applicables. La mesure dans laquelle la conduite d’un administrateur entraîne une déchéance dépendra de toutes les circonstances du cas particulier.
  15. 640. Le gouvernement s’engage à protéger les droits des travailleurs et fait savoir qu’il a déjà présenté plusieurs réformes destinées à renforcer les protections des gens de mer en matière d’emploi. Le salaire minimum national est le salaire minimum légal pour la quasi-totalité des travailleurs au Royaume-Uni. L’éligibilité des gens de mer à ce droit constitue une préoccupation majeure pour le gouvernement et les autres parties prenantes. En 2017, afin d’étudier la possibilité de faire bénéficier du salaire minimum national un plus grand nombre de gens de mer, le gouvernement et le secteur maritime ont formé un groupe de travail, constitué de représentants de ministères, de compagnies maritimes et de syndicats maritimes. En 2020, comme suite aux recommandations de ce groupe de travail, le gouvernement a présenté l’ordonnance portant modification de l’ordonnance relative au salaire minimum national dans les emplois à l’étranger, pour élargir le droit au salaire minimum national et apporter ainsi une meilleure protection aux gens de mer. Par conséquent, depuis le 1er octobre 2020, les gens de mer qui travaillent habituellement dans les eaux territoriales britanniques ou dans la partie britannique du plateau continental dans le cadre de voyages nationaux ont le droit de percevoir ce salaire minimum. Cette modification a permis de verser une rémunération équitable à plus de 10 000 travailleurs maritimes dans tout le pays. Le salaire minimum national s’applique également aux travailleurs intérimaires au Royaume-Uni, ce qui signifie que les gens de mer intérimaires ont droit au même salaire minimum que les travailleurs non intérimaires. En outre, il concerne également tous les gens de mer qui travaillent dans la zone économique exclusive du Royaume-Uni et dont les activités sont liées à l’exploitation et à l’exploration des fonds marins ou de leur sous-sol.
  16. 641. Le 30 mars 2022, le secrétaire d’État britannique aux Transports a annoncé un plan en neuf points pour la protection des marins, comportant un ensemble de mesures visant à faire en sorte que les actes de la compagnie ne se reproduisent pas. Ce plan renforce et restructure la protection des gens de mer en termes d’emploi et de qualité de vie, en veillant à ce qu’ils soient rémunérés et traités de la même manière quels que soient leur pavillon et leur nationalité, tout en écartant toute possibilité pour les employeurs de déroger à cette garantie.
  17. 642. Afin d’étendre le droit à la rémunération équitable à un plus grand nombre de gens de mer travaillant au Royaume-Uni, le gouvernement procède à des modifications de la législation, dans le cadre du projet de loi sur les salaires des gens de mer; l’objectif est de garantir que les gens de mer ayant des liens étroits avec le Royaume-Uni qui travaillent à bord de navires faisant régulièrement escale dans des ports britanniques (plus d’une fois toutes les 72 heures sur un an) et n’ont pas droit au salaire minimum national britannique puissent en percevoir l’équivalent. Selon le gouvernement, cette législation, actuellement à l’étape finale au Parlement, permettra d’atteindre cet objectif, en subordonnant l’accès des navires aux ports britanniques à la condition que leurs exploitants prouvent qu’ils versent aux gens de mer une rémunération au moins équivalente au salaire minimum national britannique lorsqu’ils se trouvent dans les eaux britanniques. Ce plan est au cœur de la réponse apportée par le gouvernement à la décision de la compagnie de licencier 786 gens de mer sans consultation ni préavis.
  18. 643. Le gouvernement indique que, depuis les licenciements, ses responsables collaborent de manière constructive et cohérente avec certaines des organisations plaignantes (la RMT et Nautilus), qu’il a clairement exprimé son intention de demander des comptes à la compagnie et que le plan en neuf points va exactement dans ce sens. Dans le cadre de l’objectif 8 du plan en neuf points, le gouvernement explore un certain nombre d’initiatives visant à améliorer et à protéger les conditions de travail à long terme des gens de mer. Par exemple, le ministère des Transports a entrepris, avec les syndicats, le secteur maritime et la Chambre britannique de la marine marchande, d’élaborer un cadre facultatif, la Charte des gens de mer, pour introduire un certain nombre de protections en termes d’emploi et de qualité de vie des gens de mer. Le gouvernement fournit des informations sur le lancement de la Charte des gens de mer à Paris, parallèlement à une initiative similaire du gouvernement français, et explique que la Charte vise à encourager les opérateurs de ferries à s’engager en faveur de bonnes conditions de travail pour les gens de mer et qu’elle s’appuie sur les dispositions de la CTM, notamment dans les domaines de la rémunération des heures supplémentaires et de la protection sociale, et qu’en reconnaissant les bonnes pratiques, elle les incite à agir. Par ailleurs, le gouvernement continue d’œuvrer, au niveau international, à encourager d’autres États à adopter des mesures analogues. En outre, il étudie des initiatives en matière de qualité de vie susceptibles d’améliorer la connectivité sociale des gens de mer et de mieux comprendre leur fatigue. Il considère que ces travaux l’aideront à prendre des mesures importantes pour protéger les gens de mer et veiller à ce que les actes de la compagnie ne se reproduisent pas. Il indique qu’il continue, à chaque fois qu’il en a l’occasion, de mettre en exergue son ambitieux plan en neuf points pour la protection des gens de mer et les objectifs plus larges de Maritime 2050 auprès de ses partenaires internationaux, tant au niveau bilatéral que multilatéral (y compris auprès de l’Organisation maritime internationale et de l’OIT), dans le cadre d’un effort visant à un changement radical en matière de protection et de qualité de vie des gens de mer à l’échelle mondiale.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 644. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent en l’espèce que 786 gens de mer ont été licenciés par une compagnie du secteur maritime sans préavis ni consultation syndicale, en violation des conventions collectives conclues avec deux syndicats et de la législation nationale, et qu’ils ont été réembauchés par la suite dans des conditions de travail moins favorables ou ont été remplacés par des travailleurs intérimaires non syndiqués. Les organisations plaignantes allèguent en outre que le fait que le gouvernement n’a pas appliqué la législation du travail appropriée ni infligé de sanctions dissuasives pour en garantir le respect revient à de graves violations de la liberté syndicale et de négociation collective. À cet égard, elles affirment que la législation en vigueur n’apporte pas une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale et la violation des droits de négociation collective. Si les organisations plaignantes évoquent également des questions de discrimination fondée sur la nationalité, les salaires, les heures de travail et les modifications apportées à la MLC pour renforcer les normes minimales en matière de recrutement, de placement et de conditions de travail, le comité rappelle que ces questions ne relèvent pas de sa compétence; il n’examinera donc que les allégations de violations de la liberté syndicale et des droits de négociation collective.
  2. 645. Le comité note que le gouvernement ne conteste pas les faits en l’espèce et condamne les actes de la compagnie qui ont donné lieu à cette plainte. Il note que le gouvernement a indiqué avoir apporté son soutien aux travailleurs concernés et adopté des mesures pour qu’ils soient orientés de manière à bénéficier d’une aide adéquate. Le gouvernement indique qu’il a pris des mesures énergiques pour faire respecter la règlementation existante et qu’il est déterminé à en prendre d’autres, le cas échéant, pour protéger les gens de mer. Si le gouvernement reconnaît que la législation a été violée, il ne partage pas l’avis des organisations plaignantes selon lequel la législation britannique doit être modifiée dans le sens qu’elles préconisent.
  3. 646. Le comité note que, selon les organisations plaignantes, les conventions collectives ne sont pas applicables dans le cadre de la législation britannique en vigueur. Il note également que le gouvernement ne pense pas qu’il convienne de renforcer les dispositions actuelles en matière de négociation collective au Royaume-Uni et que le fait de rendre les conventions collectives juridiquement contraignantes irait à l’encontre de l’approche volontariste du Royaume-Uni en matière de négociation collective. Le comité rappelle que les accords devraient être obligatoires pour les parties et que le respect mutuel des engagements pris dans les accords collectifs est un élément important du droit de négociation collective et qu’il doit être sauvegardé pour fonder les relations professionnelles sur des bases solides et stables. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1334 et 1336.] Il rappelle en outre que la non application d’une convention collective, ne serait-ce que temporairement, va à l’encontre du droit de négociation collective ainsi que du principe de la négociation de bonne foi. [Voir Compilation, paragr. 1340.] Rappelant que la négociation collective constructive est fondée sur le principe selon lequel toutes les parties représentées sont liées par les dispositions volontairement négociées, le comité a demandé instamment au gouvernement de veiller à ce que toutes les conventions collectives lient légalement ceux qui sont représentés par les parties contractantes. [Voir Compilation, paragr. 1335.] Le comité considère que la négociation collective implique un processus donnant-donnant et une attente raisonnable que les engagements négociés seront honorés. Le comité prie instamment le gouvernement, avec les partenaires sociaux, de garantir le respect mutuel des engagements faits dans les conventions collectives, ce qui constitue un élément important du droit de négociation collective qui doit être respecté afin d’établir des relations professionnelles sur des bases stables et solides.
  4. 647. Le comité note également que, selon les organisations plaignantes, la loi britannique en vigueur interdit aux syndicats d’enjoindre des travailleurs à entreprendre une action de solidarité en faveur de personnes licenciées. À cet égard, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle: 1) l’interdiction d’une action syndicale secondaire n’a aucune incidence sur les droits des travailleurs concernés par les actes de la compagnie; 2) au Royaume-Uni, les travailleurs ont le droit de faire grève contre leur employeur direct en cas de conflit du travail lorsque certaines conditions sont remplies; 3) les actions syndicales secondaires sont interdites, car elles se sont révélées très préjudiciables à l’économie britannique par le passé; et 4) le gouvernement ne les légalisera donc pas. Tout d’abord, le comité rappelle qu’une interdiction générale des grèves de solidarité pourrait donner lieu à des abus et que les travailleurs devraient pouvoir avoir recours à de tels mouvements, pour autant que la grève initiale qu’ils soutiennent soit elle-même légitime. [Voir Compilation, paragr. 770.] Le comité rappelle que, par le passé, il a demandé au gouvernement britannique de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les grèves de solidarité soient protégées dans le cadre de la loi. [Voir cas no 2473, rapport no 346, paragr. 1543, et rapport no 349, paragr. 277.] Le comité prie le gouvernement d’entreprendre avec les partenaires sociaux de surmonter les difficultés liées à l’interdiction législative des grèves de solidarité, conformément à la liberté syndicale.
  5. 648. S’agissant de ce cas particulier, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle l’interdiction des actions syndicales secondaires n’empêche pas les travailleurs licenciés d’exercer leurs droits pour mener des campagnes pacifiques et des actions de protestation, et que les travailleurs peuvent demander réparation auprès d’un tribunal du travail en cas de licenciement abusif par l’employeur, et chercher un recours devant les tribunaux en cas d’infraction à une obligation contractuelle de leurs conditions d’emploi. Le comité croit néanmoins comprendre que, pour être réembauchés (dans des conditions de travail cependant moins favorables, selon les organisations plaignantes), certains gens de mer (moins d’une centaine) ont signé un accord de règlement, les empêchant de porter plainte devant le tribunal du travail. Bien que les organisations plaignantes ne précisent pas si d’autres gens de mer ont saisi un tribunal du travail, le comité note leur indication selon laquelle il est possible de faire une demande d’indemnisation auprès d’un tribunal du travail en cas d’infractions à la législation britannique, ce genre d’indemnisation ne pouvant pas dépasser un plafond (très bas) fixé par la loi. De ce fait, la compagnie a été en mesure de calculer avec précision le coût des licenciements effectués en recourant à son stratagème et d’évaluer le temps nécessaire pour récupérer ce coût sur les futurs bénéfices découlant des salaires de misère et des conditions de travail dégradées des nouveaux équipages. Les organisations plaignantes affirment donc que le licenciement de 786 gens de mer en vue de les remplacer par des travailleurs intérimaires non syndiqués constitue un acte de discrimination antisyndicale. Elles tiennent en outre que la législation en vigueur ne permet pas d’empêcher la discrimination antisyndicale, car les employeurs peuvent en pratique, à condition de payer les indemnités prévues par la loi en cas de licenciement abusif, licencier n’importe quel travailleur parce qu’il est membre d’un syndicat et bénéficie de meilleures conditions de travail dans le cadre d’une convention collective. Le comité rappelle à cet égard qu’une protection contre des actes de discrimination antisyndicale ne paraîtrait pas suffisante si un employeur pouvait recourir à la sous-traitance comme moyen d’échapper, dans la pratique, aux droits à la liberté syndicale et de négociation collective. [Voir Compilation, paragr. 1082.] Le comité considère qu’il n’apparaît pas qu’une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale visés par la convention no 98 soit accordée par une législation permettant en pratique aux employeurs, à condition de verser l’indemnité prévue par la loi pour tous les cas de licenciement injustifié, de licencier un travailleur si le motif réel en est son affiliation ou son activité syndicale. [Voir Compilation, paragr. 1106.] Le comité rappelle que le gouvernement doit assurer un système de protection adéquat et efficace contre les actes de discrimination antisyndicale qui devrait inclure des sanctions suffisamment dissuasives et des moyens de réparation rapides, en insistant sur la réintégration au poste de travail comme mesure corrective efficace. [Voir Compilation, paragr. 1165.] En outre, les indemnités perçues devraient être appropriées compte tenu du préjudice subi et de la nécessité d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise à l’avenir. [Voir Compilation, paragr. 1173.] Le comité prie donc le gouvernement de garantir un système de protection adéquat et efficace contre les actes de discrimination antisyndicale, qui devrait inclure des sanctions suffisamment dissuasives et des moyens de recours rapides, en mettant l’accent sur la réintégration comme mesures de réparation effectives.
  6. 649. Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur tous les développements relatifs aux recommandations ci-dessus à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) à laquelle il renvoie les aspects législatifs de ce cas.
  7. 650. Le comité note les informations fournies par le gouvernement sur les mesures qu’il a prises pour répondre aux questions soulevées en l’espèce. Le comité note en particulier que le gouvernement a demandé au service de l’insolvabilité de se pencher sur les actes de la société, et qu’une enquête civile officielle est en cours. Le gouvernement a lancé et a conclu une consultation de douze semaines sur un projet de code officiel de bonnes pratiques destiné à empêcher les employeurs de recourir à des tactiques controversées, telles que la pratique du licenciement et de la réembauche, ou «fire and rehire», et de ne pas tenir de consultations en bonne et due forme avec les employés et leurs représentants. Ce code définit les responsabilités des employeurs qui cherchent à modifier les conditions contractuelles d’emploi et vise à faire en sorte que le recours à la pratique du licenciement et du réengagement n’intervienne qu’en dernier recours. Le gouvernement indique qu’une fois ce code en vigueur, un tribunal du travail pourra, dans certaines circonstances, augmenter jusqu’à 25 pour cent les indemnités d’un employé si son employeur a enfreint le code de manière infondée. Le comité prend également note de l’indication du gouvernement selon laquelle, dans le cadre de l’engagement du gouvernement à améliorer le bien-être et les conditions de travail des gens de mer, le ministère des Transports suivra de près la nécessité d’une nouvelle action législative et, dans ce cadre, examinera la TULRCA en vue de déterminer si ses dispositions relatives à la notification des licenciements collectifs sont suffisamment robustes. Le comité accueille favorablement l’indication du gouvernement selon laquelle, depuis les licenciements, ses responsables collaborent de manière constructive et cohérente avec certaines des organisations plaignantes (la RMT et Nautilus), qu’il a clairement exprimé son intention de demander des comptes à la compagnie et que le plan en neuf points va exactement dans ce sens. Observant que dans la demande directe de 2022 sur l’application de la convention no 98 formulée par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (publiée en 2023), les mêmes questions avaient été soulevées par le TUC, le comité s’attend à ce que le gouvernement fournisse à la CEACR des informations complètes et détaillées sur les mesures qu’il a prises pour répondre aux questions soulevées en l’espèce et sur les résultats obtenus.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 651. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) La négociation collective implique un processus donnant-donnant et une attente raisonnable que les engagements négociés seront honorés. Le comité prie instamment le gouvernement, avec les partenaires sociaux, de garantir le respect mutuel des engagements faits dans les conventions collectives, ce qui constitue un élément important du droit de négociation collective qui doit être respecté afin d’établir des relations professionnelles sur des bases stables et solides.
    • b) Le comité prie le gouvernement d’entreprendre avec les partenaires sociaux de surmonter les difficultés liées à l’interdiction législative des grèves de solidarité, conformément à la liberté syndicale.
    • c) Le comité prie le gouvernement de garantir un système de protection adéquat et efficace contre les actes de discrimination antisyndicale, qui devrait inclure des sanctions suffisamment dissuasives et des moyens de recours rapides, en mettant l’accent sur la réintégration comme mesures de réparation effectives.
    • d) Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur tous les développements relatifs aux recommandations ci-dessus à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) à laquelle il renvoie les aspects législatifs de ce cas. Le comité s’attend à ce que le gouvernement fournisse à la CEACR des informations complètes et détaillées sur les mesures qu’il a prises pour répondre aux questions soulevées en l’espèce et sur les résultats obtenus.
    • e) Le comité estime que le présent cas est clos et n’appelle pas un examen plus approfondi.
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