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Observation (CEACR) - adoptée 2005, publiée 95ème session CIT (2006)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - Egypte (Ratification: 1958)

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Article 1 a) de la convention. Mesures de coercition politique et répression de l’expression de certaines opinions politiques contraires à l’ordre établi. 1. Depuis un certain nombre d’années, la commission se réfère à certaines dispositions du Code pénal, de la loi de 1923 sur les réunions publiques, de la loi de 1914 sur les réunions et de la loi no 40 de 1977 sur les partis politiques qui prévoient des sanctions pénales comportant l’obligation de travailler dans des circonstances qui rentrent dans le champ de l’article 1 a) de la convention, lequel interdit le recours au travail forcé ou obligatoire en tant que mesure de coercition ou d’éducation politique ou en tant que sanction à l’égard de personnes qui ont ou expriment certaines opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi. La commission se réfère en particulier aux dispositions législatives suivantes qui prévoient des peines d’emprisonnement comportant l’obligation de travailler:

a)  l’article 98 a)bis et 98 d) du Code pénal, dans sa teneur modifiée par la loi no 34 du 24 mai 1970, qui interdit: l’apologie, par quelque moyen que ce soit, de l’opposition aux principes fondamentaux du régime socialiste de l’Etat; l’encouragement à l’aversion ou au mépris de ces principes; l’encouragement d’appels contre l’Union des forces ouvrières du peuple; la constitution d’une association ou d’un groupe poursuivant l’un des objectifs susmentionnés, la participation à une telle association ou à un tel groupe; le fait de recevoir une aide matérielle pour la poursuite de tels objectifs;

b)  les articles 98 b), 98 b)bis et 174 du Code pénal (relatifs à la propagation de certaines doctrines);

c)  la loi de 1923 sur les réunions publiques et la loi de 1914 sur les réunions, qui octroient des pouvoirs généraux d’interdiction ou de dissolution de réunions, même en des lieux privés;

d)  les articles 4 et 26 de la loi no 40 de 1977 concernant les partis politiques, qui interdisent la création de partis politiques dont les objectifs seraient en conflit avec la loi islamique ou les réalisations du socialisme, ou qui seraient l’émanation de partis étrangers.

2. La commission a rappelé, se référant aux explications données aux paragraphes 102 à 109 et 133-134 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, que les dispositions susvisées sont contraires à la convention dans la mesure où elles prévoient des peines comportant l’obligation de travailler en prison pour sanctionner l’expression de certaines opinions politiques ou la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique ou le fait de ne pas obtempérer à une décision discrétionnaire de l’administration ayant pour effet de priver des personnes du droit d’exprimer publiquement leur opinion ou de suspendre ou dissoudre certaines associations.

3. La commission prend note des indications données par le gouvernement dans son rapport, selon lesquelles les dispositions susvisées ont pour but d’assurer la protection de la sécurité et de la stabilité de l’Etat et constituent un rempart contre les groupes terroristes et les individus qui cherchent à imposer leurs vues par la force à la seule fin de s’emparer du pouvoir, au mépris de la démocratie et de la liberté du peuple de choisir son système de gouvernement et ses dirigeants.

4. Tout en prenant note de ces indications, la commission attire l’attention du gouvernement sur les explications contenues aux paragraphes 133 à 140 de l’étude d’ensemble susmentionnée, où elle a fait observer que la convention n’interdit pas la punition par des peines comportant du travail obligatoire des personnes qui recourent à la violence, incitent à la violence ou s’engagent dans des actes préparatoires à la violence. En revanche, les peines comportant du travail obligatoire relèvent de la convention lorsqu’elles sanctionnent l’interdiction d’exprimer des opinions ou de manifester une opposition au système politique, social ou économique établi, que cette interdiction soit imposée directement par la loi ou au moyen d’une décision discrétionnaire de l’administration. Considérant que des opinions opposées idéologiquement à l’ordre établi sont couramment exprimées dans le cadre de toutes sortes de réunions, dès lors que ces réunions sont soumises à une autorisation discrétionnaire des autorités et que les infractions contre une telle décision sont punies de sanctions comportant du travail obligatoire, les sanctions en question tombent sous le coup de la convention.

5. La commission observe que le champ d’application des dispositions susvisées ne se limite pas aux actes de violence ou à l’incitation au recours à la violence, à la résistance armée ou à l’émeute, mais apparaissent au contraire comme un instrument de coercition et de répression politiques de l’expression pacifique d’une idéologie non violente qui est critique à l’égard de la politique gouvernementale et de l’ordre politique établi, instrument qui s’appuie sur des peines comportant une obligation de travail. La commission exprime donc le ferme espoir que les mesures nécessaires seront finalement prises afin que ces dispositions soient rendues conformes à la convention et que le gouvernement fera rapport sur les mesures prises à cette fin. Dans l’attente de la modification de la législation, la commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations complètes sur l’application de ces dispositions dans la pratique, notamment en communiquant copie de toute décision judiciaire pertinente, avec indication des sanctions infligées.

6. La commission note également que la loi no 156 de 1960 relative à la réorganisation de la presse, dans sa teneur modifiée par la loi no 148 de 1980 sur l’autorité de la presse, à laquelle elle s’est référée dans ses précédents commentaires, a été abrogée par la loi no 96 de 1996 sur la réorganisation de la presse, en vertu de son article 81. La commission note également que la loi no 32 du 12 février 1964 concernant les associations et les fondations privées, à laquelle elle s’est référée dans ses précédents commentaires, a été abrogée par la loi no 84 de 2002 relative aux organisations non gouvernementales, en vertu de son article 7. La commission examine ces textes dans la demande directe qu’elle adresse au gouvernement.

Article 1 b). Utilisation de conscrits à des fins de développement économique. 7. La commission renvoie à ce propos à son observation adressée au gouvernement au titre de la convention no 29, également ratifiée par l’Egypte.

Article 1 d). Sanction de la participation à des grèves. 8. Dans ses précédents commentaires, la commission s’est référée aux articles 124, 124A, 124C et 374 du Code pénal, en vertu desquels la grève de tout agent public est passible d’une peine d’emprisonnement, qui peut comporter une obligation de travail. La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect de l’article 1 d) de la convention, lequel interdit le recours au travail obligatoire en tant que punition pour avoir participé à des grèves. Elle s’est référée à cet égard aux explications données au paragraphe 123 de son étude d’ensemble de 1979 sur l’abolition du travail forcé, où elle a fait valoir que ce n’est que lorsqu’elles visent la participation à des grèves dans des services essentiels au sens strict du terme que des sanctions comportant une obligation de travail sont compatibles avec la convention.

9. Le gouvernement indique dans son rapport que la durée de la peine d’emprisonnement prévue aux articles susvisés du Code pénal est comprise entre six mois et un an et que, par conséquent, il ne peut s’agir que d’un «emprisonnement simple», qui ne comporte aucune obligation d’accomplir un travail. Or la commission avait précédemment noté que l’article 124 prévoit une peine de prison allant jusqu’à un an, qui peut être doublée dans certains cas (par exemple, lorsque l’arrêt de travail a été de nature à causer des désordres dans la population ou à porter atteinte à l’intérêt public), comme cela ressort clairement du rapport du gouvernement de 1997; la peine maximale prévue à l’article 124A est de deux ans; les articles 124 et 124A s’appliquent conjointement avec les articles 124C et 374 du code. La commission avait également noté qu’en vertu des articles 19 et 20 du Code pénal l’emprisonnement avec obligation de travail est le régime applicable à toutes les personnes condamnées à l’emprisonnement pour une durée d’un an ou plus.

10. Par conséquent, la commission exprime à nouveau l’espoir que les mesures appropriées seront prises à cet égard pour assurer le respect de la convention (par exemple, en limitant la portée des dispositions susvisées aux personnes employées dans des services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire ceux dont l’interruption mettrait manifestement et de manière imminente en péril la vie, la sécurité des personnes ou la santé de l’ensemble de la population ou d’une partie de celle-ci). Notant également que le gouvernement indique dans son rapport que les instances judiciaires n’ont rendu aucune décision s’appuyant sur les articles susmentionnés du Code pénal, la commission veut croire que, dans l’attente de la modification de la législation, le gouvernement communiquera, le cas échéant, copie de toute sentence de cet ordre.

Article 1 c) et d). Sanctions comportant une obligation de travail applicables aux gens de mer. 11. Dans ses précédents commentaires, la commission s’est référée aux articles 13, 5), et 14 de la loi de 1960 sur le maintien de la sécurité, de l’ordre et de la discipline dans la marine marchande, articles qui prévoient des peines d’emprisonnement comportant une obligation de travail contre des marins qui commettraient de concert des actes d’insubordination répétés. A cet égard, la commission a rappelé que l’article 1 c) et d) de la convention interdit le recours au travail forcé ou obligatoire en tant que mesure de discipline du travail ou en tant que sanction pour participation à des grèves. Elle a fait observer que, pour ne pas tomber sous le coup de la convention, de telles sanctions doivent réprimer des actes mettant effectivement ou risquant de mettre en péril le navire ou la vie des personnes.

12. La commission note avec intérêt que le gouvernement indique dans son rapport que la loi susmentionnée est actuellement en cours de modification. Elle exprime donc l’espoir que, dans le cadre de cette révision, les dispositions susvisées de la loi de 1960 seront rendues conformes à la convention et que le gouvernement communiquera copie du texte modifié dès que celui-ci aura été adopté.

La commission adresse par ailleurs au gouvernement une demande directe sur certains autres points.

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