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Observation (CEACR) - adoptée 2003, publiée 92ème session CIT (2004)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Algérie (Ratification: 1962)

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La commission prend note du rapport du gouvernement.

La commission rappelle, en premier lieu, que son dernier commentaire portait sur les quatre questions suivantes:

n  l’article 8 de la loi no 90-14 du 2 juin 1990 concernant l’enregistrement des organisations syndicales et plus précisément son application pratique en général et son application dans le cas particulier de la Confédération algérienne des syndicats autonomes (CASA);

n  l’article 1, lu conjointement avec les articles 3, 4 et 5, du décret législatif no 92-03 du 30 septembre 1992, qualifiant d’actes subversifs un certain nombre d’activités, et ses répercussions possibles sur l’exercice du droit de grève;

n  les articles 43 et 48 de la loi no 90-02 du 6 février 1990 prévoyant, d’une part, l’interdiction de la grève au motif d’une crise économique grave et, d’autre part, l’arbitrage obligatoire pour mettre fin à un conflit collectif;

n  la réforme du statut de la fonction publique.

Articles 2 et 5 de la convention. Droit des travailleurs, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier et de constituer des fédérations et des confédérations. La commission note que le gouvernement limite ses commentaires à la teneur de la loi no 90-14 en indiquant qu’elle donne plein effet à la convention et que les lois régissant la liberté syndicale ne contiennent aucune disposition tendant à limiter, par quelque moyen que ce soit, l’exercice du droit syndical. Le gouvernement indique entre autres qu’aucune autorisation préalable n’est exigée en vertu de la loi no 90-14 pour la constitution d’une organisation syndicale et que cette loi s’applique d’une manière identique à tous les travailleurs salariés quel que soit le secteur où ils exercent. Le gouvernement rappelle aussi que la loi prévoit des sanctions relevant du droit pénal contre toute entrave au libre exercice du droit syndical. La commission rappelle néanmoins que, dans ses commentaires antérieurs, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) avait soutenu que, en pratique, les autorités empêchaient l’enregistrement de certains syndicats en refusant la délivrance d’un récépissé d’enregistrement; la CISL avait citéà cet égard le cas de la CASA. A l’époque, le gouvernement avait déjà fait valoir que la loi no 90-14 n’exigeait aucune autorisation pour la constitution d’une organisation syndicale et qu’en ce qui concernait le cas de la CASA les syndicats pouvaient exercer leurs activités dans le cadre de la confédération projetée sans attendre l’avis juridique du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. La commission avait noté cependant que la réponse du gouvernement dans le cas no 2153 examiné par le Comité de la liberté syndicale faisait référence à des réponses négatives qu’il avait données concernant la constitution de deux confédérations, y compris la CASA (voir 327e rapport, paragr. 140 à 161).

La commission rappelle donc que ce ne sont pas les dispositions de la loi no 90-14 qui, en elles-mêmes, soulèvent des questions mais l’application pratique qui en est faite. A cet égard, elle attire à nouveau l’attention du gouvernement sur le fait que les réglementations nationales concernant la constitution des organisations syndicales ne sont pas en elles-mêmes incompatibles avec les dispositions de la convention, à condition qu’elles ne mettent pas en cause les garanties prévues par celle-ci, et notamment qu’elles n’équivalent pas en pratique à un régime d’autorisation préalable pour la constitution des organisations syndicales et qui est interdit par l’article 2 (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 68 et 69). La commission note du reste que le gouvernement avait reconnu dans ce cas devant le Comité de la liberté syndicale que des difficultés d’interprétation des dispositions relatives au droit des partenaires sociaux de constituer des fédérations et confédérations pouvaient surgir. Dans ces conditions, la commission demande à nouveau au gouvernement de lui fournir des clarifications sur l’application en pratique de l’article 8 de la loi no 90-14 et tout particulièrement sur les aspects suivants: les motifs possibles d’un refus d’enregistrement, les dispositions y afférentes, ses conséquences pratiques sur l’existence et le fonctionnement d’une organisation syndicale et le droit de recours des organisations contre un refus d’enregistrement ou l’absence de récépissé d’enregistrement dans le délai imparti. Enfin, la commission prie le gouvernement de lui fournir des informations précises sur la manière dont la question de l’enregistrement de la CASA aura été finalement résolue.

Article 3. Droit pour les organisations d’organiser leurs activités et de formuler leurs programmes sans ingérence des autorités publiques. Notant avec regret que le gouvernement n’a fourni aucune information en ce qui concerne le décret législatif no 92-03 du 30 septembre 1992, la commission rappelle que l’article 1er, lu conjointement avec les articles 3, 4 et 5 de ce décret, qualifie d’actes subversifs les infractions visant notamment la stabilité et le fonctionnement normal des institutions par toute action ayant pour objet: 1) de faire obstacle au fonctionnement des établissements concourant au service public; ou 2) d’entraver la circulation ou la liberté sur les voies ou les places publiques, de tels actes étant passibles de lourdes sanctions pouvant aller jusqu’à vingt ans de prison. Par le passé, le gouvernement avait fait valoir que, ayant étéédicté dans des conditions particulières, ce décret ne visait pas le droit de grève ou la liberté syndicale et qu’il n’avait jamais été appliquéà des travailleurs ayant exercé pacifiquement leur droit de grève. La commission a reconnu à cet égard que la très grande majorité des dispositions du décret n’entrent pas dans le champ de protection prévue par la convention. Toutefois, la formulation très générale de certaines dispositions, et en particulier celle des dispositions susvisées, comporte un risque d’atteinte au droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leur programme d’action pour la défense des intérêts de leurs membres, notamment par le recours à la grève. La commission demande donc au gouvernement de circonscrire le champ d’application du décret législatif, en prenant des mesures par voie législative ou réglementaire qui auront pour effet de garantir que ce texte ne s’appliquera en aucun cas à l’encontre de travailleurs qui auront exercé pacifiquement leur droit de grève. La commission demande également au gouvernement de continuer à la tenir informée sur toute application éventuelle de ce décret dans le cadre d’une grève.

Notant également avec regret que le gouvernement n’a fourni aucune information sur le décret législatif no 90-02 du 6 février 1990, la commission rappelle que l’article 43 de ce décret prévoit que la grève est interdite, non seulement dans les services essentiels dont l’interruption peut mettre en danger la vie, la santé ou la sécurité de la population, ce que la commission a toujours considéré comme admissible, mais aussi lorsque la grève est susceptible d’entraîner par ses effets une crise économique grave, les différends collectifs étant dans de tels cas soumis aux procédures de conciliation et d’arbitrage prévues par la loi. De plus, l’article 48 confère au ministre ou à l’autorité compétente, en cas de persistance de la grève et après échec de la médiation, le pouvoir de déférer, après consultation de l’employeur et des représentants des travailleurs, un conflit à la commission d’arbitrage. Dans de précédents rapports, le gouvernement avait fait valoir que la saisine de la commission d’arbitrage ne s’effectue que lorsque d’impérieuses nécessités économiques et sociales l’exigent. La commission souhaite à nouveau souligner que le recours à l’arbitrage pour faire cesser un conflit collectif ne devrait pouvoir intervenir qu’à la demande des deux parties et/ou en cas de grève dans les services essentiels au sens strict du terme, ou en cas de grève dont l’étendue et la durée risquent de provoquer une crise nationale aiguë. Elle demande donc au gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour modifier sa législation dans le sens indiqué ci-dessus pour garantir pleinement le droit des organisations de travailleurs d’organiser leurs activités et de formuler leur programme sans ingérence des pouvoirs publics, en conformité avec l’article 3. La commission demande également au gouvernement de lui donner des précisions sur l’application qui aurait été faite en pratique des articles 43 et 48.

Enfin, la commission réitère sa demande au gouvernement relative à l’état d’avancement des travaux de la Commission nationale de réforme des structures de l’Etat et le prie de lui faire parvenir tout document à ce sujet, y compris tout projet de loi concernant le statut de la fonction publique.

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