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Observation (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

Convention (n° 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976 - Venezuela (République bolivarienne du) (Ratification: 1983)

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Suivi des recommandations de la commission d’enquête (plainte présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT)

La commission rappelle que, à sa 332e session (mars 2018), le Conseil d’administration a approuvé la création d’une commission d’enquête chargée d’examiner une plainte, présentée au titre de l’article 26 de la Constitution de l’OIT, alléguant le non-respect par le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela de la convention (no 26) sur les méthodes de fixation des salaires minima, 1928, la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 et la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976. La commission note que la commission d’enquête a achevé ses travaux en septembre 2019 et que son rapport a été soumis au Conseil d’administration, qui en a pris note à sa 337e session (octobre 2019).
La commission prend note du document soumis au Conseil d’administration (GB.340/INS/13), contenant la réponse du gouvernement au rapport de la commission d’enquête, ainsi que de la discussion du Conseil d’administration sur le sujet à sa 340e session en octobre 2020, qui se poursuivra à sa prochaine session en mars 2021. Dans cette réponse, ainsi que dans son rapport à la commission, le gouvernement indique qu’il n’accepte pas les recommandations de la commission d’enquête, considérant que leur mise en œuvre éventuelle entraînerait la violation de la Constitution de la République, et des principes de la séparation des pouvoirs, de la légalité, de l’indépendance, de la souveraineté et de l’autodétermination de la République bolivarienne du Venezuela. Néanmoins, la commission observe que le gouvernement n’a pas fait usage de la prérogative qui lui est accordée par la Constitution de l’OIT - dans un délai de trois mois à compter de la réception du rapport - de soumettre le différend à la Cour internationale de justice. En outre, la commission note que le gouvernement exprime sa volonté d’améliorer l’application des conventions ratifiées par le pays sur la base de suggestions constructives des organes de contrôle de l’OIT et de recevoir une assistance technique du Bureau.
La commission rappelle qu’en formulant des commentaires sur l’application de la convention par le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela, elle a soulevé un grand nombre des questions examinées par la commission d’enquête. La commission d’enquête susmentionnée a confirmé et examiné en détail un certain nombre de questions que la commission d’experts avait soulevées en ce qui concerne l’application de cette convention de gouvernance. À cet égard, la commission d’enquête a indiqué dans son rapport que, compte tenu de la gravité des questions soulevées, la situation et les progrès réalisés dans la mise en œuvre de ses recommandations devraient être suivis attentivement par les organes de contrôle de l’OIT concernés. Elle prévoit notamment que le gouvernement doit soumettre à cette commission les rapports sur l’application des conventions qui font l’objet de la plainte, pour examen lors de sa réunion de novembre-décembre 2020.
La commission note que, ayant établi que le gouvernement n’a pas démontré qu’il respectait les obligations de consultation prévues par la convention, la commission d’enquête a recommandé que les autorités concernées prennent sans plus tarder – ces obligations devant être mises en œuvre d’ici le 1er septembre 2020 – les mesures nécessaires pour assurer le respect conforme et effectif des obligations de consultation prévues par la convention, et pour que la Fédération des chambres et associations de commerce et de production du Venezuela (FEDECAMARAS) et des organisations syndicales non affiliées au gouvernement ne soient plus exclus du dialogue social ou des consultations. En particulier, la commission a recommandé, dans le cadre d’un dialogue tripartite avec les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs:
  • i) l’établissement de procédures de consultation tripartites efficaces. Compte tenu des faiblesses manifestes du dialogue social dans le pays, le gouvernement ayant lui-même reconnu la nécessité de mettre en place des mécanismes de dialogue social, la commission d’enquête a conseillé de créer dès que possible des organes ou d’autres formes institutionnalisées de dialogue social afin de faciliter la mise en œuvre des obligations énoncées dans la convention concernant les consultations destinées à promouvoir l’application des normes internationales du travail,
  • ii) l’institutionnalisation du dialogue et de la consultation de manière à couvrir les questions prévues dans toutes les conventions de l’OIT ratifiées ou liées à leur mise en œuvre.
Tout en notant que le gouvernement souligne dans son rapport son désaccord avec les conclusions et recommandations de la commission d’enquête, la commission rappelle qu’en de précédentes occasions, lors du suivi des recommandations d’une commission d’enquête, la commission a observé que la Constitution de l’OIT ne soumet pas les conclusions d’une commission d’enquête au consentement de l’État concerné. À cet égard, la commission a rappelé qu’en vertu de l’article 32 de la Constitution de l’OIT, la seule autorité compétente qui peut confirmer, modifier ou annuler les conclusions ou recommandations d’une commission d’enquête est la Cour internationale de justice. En conséquence, un gouvernement qui a choisi de ne pas se prévaloir de la possibilité de saisir la Cour doit tenir compte des conclusions et donner suite aux recommandations de la commission d’enquête à la lumière des dispositions de la Constitution de l’OIT.
La commission prend note des observations, relatives au suivi des recommandations de la commission d’enquête, et à l’application de la convention, formulées par les organisations suivantes: l’Alliance syndicale indépendante (ASI), reçue le 30 septembre 2020; la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), reçue le 30 septembre 2020; FEDECAMARAS, avec le soutien de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçue le 1er octobre 2020; et la Confédération des syndicats autonomes (CODESA), la Confédération générale du travail (CGT) et l’Union nationale des travailleurs du Venezuela (UNETE), reçue le 1er octobre 2020. Enfin, la commission prend note des observations de la Centrale bolivarienne socialiste des travailleurs et travailleuses de la ville, de la campagne et de la pêche du Venezuela (CBST CCP) reçues le 3 décembre 2020, selon lesquelles la CBST CCP a réussi, en coordination avec le gouvernement et malgré des conditions défavorables, à maintenir le respect de la convention dans le courant de l’année 2020. La commission prie le gouvernement de lui transmettre ses observations à ce sujet.
Articles 2, 5 et 6 de la convention. Consultations tripartites effectives. La commission note qu’une fois de plus, le gouvernement déclare qu’il a toujours respecté pleinement la convention et que les organes de contrôle de l’OIT, y compris la commission d’enquête, confondent la consultation tripartite prévue par la convention de l’OIT avec le dialogue social en général, que le gouvernement prétend également promouvoir. À cet égard, la commission note avec regret que, bien que les conclusions du rapport de la commission d’enquête aient rappelé au gouvernement l’étendue des obligations contenues dans la convention - conclusions auxquelles la commission se réfère – le gouvernement ne présente aucune preuve que des consultations tripartites aient eu lieu sur l’un des sujets prévus à l’article 5, paragraphe 1, de la convention, se contentant de faire valoir qu’il favorise le dialogue social en général. La commission note à cet égard que les exemples cités par le gouvernement dans son rapport pour revendiquer l’existence d’un tel dialogue social (le gouvernement indique qu’il a tenu des réunions au plus haut niveau avec des représentants des employeurs, notamment la FEDECAMARAS, le CONSECOMERCIO et la FEDEINDUSTRIA, et fait état de déclarations publiques de ces représentants, qui ont reconnu l’existence d’un dialogue social avec le gouvernement), ainsi que les mesures liées à la lutte contre la pandémie que le gouvernement énumère (prétendant les avoir adoptées en tenant compte des différentes suggestions et recommandations des différents secteurs productifs du pays), ne contiennent aucune indication ou preuve de respect des obligations concrètes de consultation établies dans la convention pour promouvoir l’application des normes internationales du travail.
Parallèlement, la commission note que les observations présentées par FEDECAMARAS, ASI, CTV, UNETE, CGT et CODESA affirment que le gouvernement ne respecte pas les obligations de consultation tripartite contenues dans la convention; elles soulignent que les exemples et les mesures mentionnés par le gouvernement ne s’apparentent pas non plus à un dialogue social efficace; elles regrettent l’absence de dialogue social et de consultation tripartite dans le pays; et elles déclarent que le gouvernement n’a aucune volonté d’installer un quelconque mécanisme tripartite. À cet égard, FEDECAMARAS indique que les déclarations publiques de ses représentants auxquelles le gouvernement fait référence ont été partiellement transcrites et ne témoignent aucunement d’une entente ou bien du respect de la convention; et qu’on ne peut pas affirmer que les quelques réunions tenues entre certains de ses représentants et le gouvernement pour résoudre des questions opérationnelles dans le cadre de la pandémie, ni l’indigence des réponses obtenues pour faire face à la crise, peuvent être considérés comme un dialogue social efficace.
En ce qui concerne la transmission par le gouvernement de ses rapports sur l’application des conventions ratifiées aux organisations d’employeurs et de travailleurs, la commission note que presque toutes les observations des partenaires sociaux font état de retards dans leur remise et d’absence de toute consultation ou discussion tripartite sur le sujet. Sur la base des informations fournies par le gouvernement, la commission peut seulement constater, s’agissant de la transmission des rapports, l’application de l’article 23, paragraphe 2, de la Constitution de l’OIT, transmission qui, selon plusieurs organisations, a été faite trop tard pour pouvoir remplir sa fonction (par exemple, selon la communication de transmission envoyée par l’UNETE, la CGT et le CODESA, les rapports ont été transmis 24 heures avant la date limite fixée par le Conseil d’administration de l’OIT pour leur envoi à la commission).
La commission note, tout comme la commission d’enquête, que bien que les informations des rapports du gouvernement auxquelles elle a eu accès se réfèrent à la convention, le gouvernement n’a présenté aucune preuve qu’elles impliquent ou s’accompagnent d’une quelconque tentative ou invitation à la consultation tripartite authentique. Pour les autres sujets de consultation énumérés à l’article 5, paragraphe 1, de la convention visant à promouvoir l’application des normes internationales du travail, le gouvernement ne mentionne ni ne fournit aucune preuve, et ne donne aucune information sur les procédures de consultation visant à mettre en œuvre la convention.
La commission ne peut donc que constater que le gouvernement, une nouvelle fois, ne présente aucun élément permettant de témoigner de son respect des obligations qui lui incombent en vertu de la convention, que ce soit en ce qui concerne la consultation effective sur les questions relatives à l’OIT visée à l’article 5, paragraphe 1, ou en ce qui concerne la nature et la forme des procédures de consultation visées à l’article 2, paragraphe 2.
Compte tenu de ce qui précède, la commission constate avec un profond regret qu’aucun progrès n’a été réalisé ni dans le respect de la convention, ni dans la mise en œuvre des recommandations formulées par la commission d’enquête à cet égard.
La commission est consciente de l’examen en cours par le Conseil d’administration du suivi du rapport de la commission d’enquête. Compte tenu des graves violations des droits du travail décrites ci-dessus, du non-respect systémique d’un certain nombre de conventions de l’OIT et du grave manque de coopération de la part des autorités vénézuéliennes en ce qui concerne ses obligations, la commission juge critique que, dans Normes de l’OIT, la situation dans le pays doit bénéficier de toute l’attention continue de l’OIT et du système de contrôle de l’OIT afin d’obtenir des mesures solides et efficaces susceptibles de garantir le respect, en droit et en pratique, des conventions concernées.
Dans le contexte de la pandémie COVID-19, la commission rappelle les nombreuses orientations fournies par les normes internationales du travail. La commission encourage le gouvernement à s’engager dans une consultation tripartite et un dialogue social aussi large que possible, afin de disposer d’une base solide pour l’élaboration et la mise en œuvre de réponses efficaces aux effets économiques et sociaux profonds de la pandémie. La commission prie le gouvernement d’envoyer, dans son prochain rapport, des informations actualisées sur les mesures prises à cet égard, conformément aux orientations fournies à l’article 4 de la convention ainsi qu’aux paragraphes 3 et 4 de la recommandation no 152, notamment en ce qui concerne les mesures visant à former les mandants tripartites et à renforcer les mécanismes et les procédures, ainsi que sur les défis et les bonnes pratiques identifiés.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2021.]
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