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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2023, Publication : 111ème session CIT (2023)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Sint-Maarten

Autre commentaire sur C087

Cas individuel
  1. 2023
  2. 2022

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2023-SXM-087-Fr

Discussion par la commission

Président – Le troisième cas à l’ordre du jour de cette commission aujourd’hui est celui de l’application par les Pays-Bas, Sint-Maarten, de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. J’invite le représentant gouvernemental de Sint-Maarten à prendre la parole.

Représentant gouvernemental, ministre de la Santé publique, du développement social et du travail, Sint-Maarten – Sint-Maarten est un État constitutif du Royaume des Pays-Bas et, en tant que tel, est un Membre de l’OIT, via le Royaume des Pays-Bas.

Le gouvernement de Sint-Maarten a pris note des conclusions adoptées par l’OIT dans le rapport de la commission d’experts publié en février 2023, en particulier en ce qui concerne l’application de la convention par Sint-Maarten.

En ce qui concerne l’article 3 de la convention, le droit des organisations d’élire librement leurs représentants et le blocage concernant le Conseil socio-économique (SER), le Conseil des employeurs de Sint-Maarten (ECSM) et l’Association des employeurs de Soualiga (SEA), il est vrai que, comme indiqué par la commission, les représentants nommés au SER sont désignés parmi des organisations librement établies et choisies par les travailleurs et les employeurs. Nous sommes conscients de l’intérêt de la consultation des partenaires sociaux pour que soit garanti le caractère inclusif et équitable dans le processus de nomination.

Nous tenons à souligner que les allégations de l’ECSM, selon lesquelles le gouvernement de Sint-Maarten violerait les droits de liberté syndicale, ont été catégoriquement écartées non seulement par le gouvernement de Sint-Maarten, mais également par la Cour d’appel (Aruba, Curaçao, Sint-Maarten, Bonaire, Saint-Eustache et Saba) à l’occasion de plusieurs instances, notamment par la décision communiquée à la commission, comme indiqué dans notre lettre datée du 18 novembre 2022. La cour a rejeté l’affirmation de l’ECMS selon laquelle son droit à la liberté syndicale serait violé. La liberté syndicale a pour base juridique l’article 12 de la Constitution de Sint-Maarten. Chacune des deux organisations ECSM et SEA est reconnue distinctement en tant qu’organisation représentative d’employeurs, ce qui est conforme à l’article 3 de la législation régissant le SER, en vertu duquel plusieurs organisations d’employeurs peuvent coexister

La cour a également déclaré et reconnu que la plupart des organisations représentatives d’employeurs peuvent évoluer avec le temps, en fonction de facteurs tels que le nombre de membres actifs. En conséquence, la cour a dénié à l’ECSM le droit de se prévaloir des règles légales qui régissaient la désignation des représentants avant même son existence en 2018, et de se prétendre l’unique organisation patronale la plus représentative.

La cour a estimé que cette prétention n’est pas réaliste. Elle a en outre souligné le fait que la SEA représente environ 500 employeurs qui y ont adhéré de leur plein gré et ont demandé à être représentés au sein du SER ainsi qu’au sein de la commission tripartite. Pour rappel, l’ECSM et la SEA ont la possibilité de proposer des candidats pour la représentation au sein du SER, et ce sans aucune ingérence du gouvernement de Sint-Maarten, excepté pour ce qui est de l’agrément, régi par la loi.

À l’époque où la cour a rendu sa décision, la SEA représentait un plus grand nombre d’employeurs que l’ECSM. Les employeurs sont libres de s’affilier à l’une ou l’autre organisation. Le gouvernement de Sint-Maarten insiste sur le fait qu’il n’est intervenu en aucune façon dans le choix des employeurs concernant leur adhésion à une organisation, qu’il s’agisse de l’ECSM ou de la SEA.

En outre, selon l’avis sollicité du SER des Pays-Bas par le SER de Sint-Maarten en la matière, la manière dont les organisations d’employeurs sont désignées au sein de cette association n’enfreignait pas la législation du Royaume.

Le gouvernement de Sint-Maarten a, par ailleurs, rencontré le Directeur régional en juin 2022 et demandé l’assistance du BIT pour résoudre le problème posé par les organisations représentatives d’employeurs. Une lettre demandant l’assistance technique lui a également été adressée le 27 juin 2022. En dépit de l’accusé de réception de notre requête, aucune suite n’y a été donnée durant l’année écoulée. Nous avons cependant rencontré à nouveau le Directeur régional du BIT pour les Caraïbes, avant et pendant la réunion sous-régionale du BIT avec les ministres du Travail des Caraïbes à Georgetown, en Guyana, du 23 au 25 mai 2023. Le gouvernement de Sint-Maarten a renouvelé au BIT à cette occasion sa demande d’assistance, y compris par le biais d’un dialogue avec toutes les parties intéressées.

Il est ressorti de la réunion que le problème était de nature technique. En conséquence, le bureau régional de l’OIT a proposé de trouver une solution via des discussions avec les deux organisations (SCEM et SEA); L’objectif était d’identifier les goulets d’étranglement et de trouver des solutions à l’amiable dans les plus brefs délais. Le gouvernement de Sint-Maarten salue cette initiative de médiation du BIT pour sortir de l’impasse et veut espérer qu’elle aboutira à une solution. Il est important de savoir que le gouvernement de Sint-Maarten dépend beaucoup de l’implication de ces partenaires sociaux dans notre législation et dans toute évolution de notre système juridique. Ceci est très important, c’est pourquoi le SER constitue une composante essentielle de notre processus législatif.

Passons maintenant au droit des organisations de travailleurs d’organiser leur administration et leurs activités, au droit de grève (demande directe de 2017), ainsi qu’à la réponse aux observations de la Confédération internationale des syndicats (CSI). La CSI appelle le gouvernement de Sint-Maarten à garantir en droit et dans la pratique que les fonctionnaires sont en mesure d’exercer pleinement leur droit de faire grève et à abroger toutes les dispositions légales prévoyant des sanctions. Néanmoins, la cour peut interdire une grève qui menacerait le bien-être et la sécurité publics.

Quant aux préoccupations de la commission au sujet du droit de grève des fonctionnaires, en particulier des enseignants, le gouvernement de Sint-Maarten peut désormais, eu égard au nouveau Code pénal, compléter les informations fournies dans sa lettre du 18 novembre 2022.

Il s’y est référé aux articles 372, 373, 374bis, 374ter, 374quarter, 376, 387 et 391. Ces articles se rapportent aux conséquences des grèves concernant trois catégories de personnes, à savoir les ministres, les membres du parlement et les fonctionnaires. Les dispositions qui se rapportent directement aux fonctionnaires et aux conséquences de leur grève sont les articles 374a), 374ter et 374c).

Auparavant, ces dispositions créaient des barrières au droit de grève ou à certaines formes de grève pour les employés du secteur public. La grève observée par les fonctionnaires était sanctionnée par des amendes, et même des peines d’emprisonnement. Sint-Maarten étant devenu un pays autonome depuis le 10 octobre 2010, ces dispositions qui étaient transposées de celle des anciennes Antilles néerlandaises ont été abrogées en 2015 via la mise en œuvre de la modification du nouveau Code pénal. Il y a lieu de se référer en outre à cet égard aux articles 86 et 87 de l’Ordonnance nationale sur le droit positif de la fonction publique.

En ce qui concerne les actions disciplinaires, un fonctionnaire était passible, en vertu de l’article 86, de telles sanctions dans certains cas: par exemple, s’il ne remplissait pas les obligations professionnelles requises; s’il se rendait coupable de toute violation ou négligence de la réglementation, ou s’il faisait l’objet de poursuites pénales (article 87 (1)). Sachant que ces dispositions du Code pénal ont été abrogées, les fonctionnaires ne sont plus passibles de sanctions disciplinaires en relation avec le droit de grève. Afin que vous puissiez mieux comprendre l’esprit du nouveau Code pénal, nous avons le plaisir de vous en communiquer une copie.

Le gouvernement de Sint-Maarten peut conclure que notre législation nationale relative aux droits des travailleurs, y compris les travailleurs de la fonction publique, a été mise en conformité avec la convention. Elle ne requiert donc plus aucun amendement à cette fin.

En conclusion, en vertu du nouveau Code pénal, les fonctionnaires, y compris les enseignants, ne sont plus interdits de grève. Nous espérons donc avoir fourni suffisamment d’informations en réponse à la demande directe de 2017. Nous réaffirmons notre ferme engagement à promouvoir un environnement inclusif et équitable respectant les droits de travailleurs, promouvant un dialogue social constructif et un développement continu. Nous espérons poursuivre notre dialogue et notre coopération avec le BIT pour la réalisation de notre objectif commun.

Membres employeurs – Les membres employeurs remercient le représentant gouvernemental de Sint-Maarten pour les explications fournies concernant la situation nationale. Toutefois, permettez-moi de faire une petite remarque d’ordre technique. Le cas soumis à notre examen n’est pas le cas Pays-Bas/Sint-Maarten, mais plus exactement le cas Sint-Maarten. Sint-Maarten agit de manière indépendante dans les affaires qui nous concernent; il s’agit d’un État Membre autonome de l’OIT.

Pour commencer, nous déplorons la charge administrative considérable imposée par le gouvernement à la délégation des employeurs pour être autorisée à participer à la Conférence. Nous regrettons également l’absence d’informations écrites de la part du gouvernement.

Cette convention fait partie du corps des 10 conventions fondamentales de l’OIT, et à ce titre elle fait l’objet d’un suivi et d’un contrôle prioritaire. Notre commission examine pour la seconde fois ce cas qui a déjà donné lieu à trois observations de la commission d’experts, ce qui signifie qu’il figure à l’agenda de manière ininterrompue depuis 2020. Nous déplorons que les conclusions de la commission de l’année dernière n’aient pas été prises en considération par les autorités. Pour résumer, l’an dernier, la commission a demandé au gouvernement de s’abstenir de toute ingérence par les partenaires sociaux dans l’exercice de leur liberté syndicale en général, notamment par la promotion d’organisations qui n’ont pas été librement créées ou choisies par les travailleurs et les employeurs de Sint-Maarten.

La commission a également demandé au gouvernement de tenir des consultations avec les organisations de travailleurs et d’employeurs en vue de la désignation de leurs représentants respectifs au sein du SER et de fournir des informations sur l’aboutissement du recours relatif à la composition de ce conseil.

Le gouvernement ne semble pas avoir bien compris le concept de liberté syndicale inscrit à l’article 3 de la convention. Comme cela a été expliqué l’année dernière, Sint-Maarten a créé un SER par décret national après l’obtention en 2010 d’un statut de semi-autonomie vis-à-vis du Royaume des Pays-Bas. Le SER est un conseil économique et social tripartite dont le bureau exécutif est constitué de trois représentants de travailleurs et trois représentants d’employeurs désignés par leurs organisations respectives, ainsi que trois représentants indépendants, ces derniers étant les seuls désignés par le gouvernement.

En fait, le gouvernement a créé, via la Chambre du commerce et de l’industrie (CCI), la SEA, une prétendue organisation représentative d’employeurs. Le gouvernement indique que la SEA est une organisation d’employeurs faîtière chargée de la représentation des employeurs de manière équilibrée au sein du SER.

Le groupe des employeurs conteste cette situation, car ni la CCI ni la SEA ne reflètent une représentation librement choisie et organisée par les employeurs de Sint-Maarten. Selon l’Association de l’hôtellerie et du commerce de Sint-Maarten (SHTA), membre de l’organisation internationale des employeurs (OIE), cette opération politique constitue, en violation de l’article 3 de la convention, une tentative de marginalisation des groupes d’employeurs existants. La SHTA a constitué un groupement faîtier d’employeurs avec trois autres organisations représentatives. L’organisation d’employeurs faîtière ECSM a régulièrement attiré l’attention du Premier ministre sur cette situation, sans résultat.

Quels sont les développements au niveau national depuis 2022? La Cour d’appel a rendu le 29 juin un jugement déclarant que l’ECSM et la SEA ont été désignées de manière autonome en tant qu’organisations représentatives d’employeurs, et que la participation du ministre des Affaires générales et de la CCI dans la création de la SEA ne disqualifie pas cette organisation en tant qu’organisation représentative. De notre point de vue, cette décision n’est pas pertinente dans le cas présent puisqu’elle ne résout pas la question cruciale soulevée par les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs qui ne sont pas, par définition, comme l’exige la convention, autonomes et indépendantes. Même si la CCI et la SEA sont des organisations représentatives, la CCI, en tant qu’organisation à laquelle l’affiliation est obligatoire en vertu de la loi, est une entité établie par l’État. Les deux organisations ne sont donc pas indépendantes, et j’attire à nouveau l’attention de la commission sur le fait que ce point est d’une importance cruciale. Représentativité et indépendance sont deux concepts différents, l’indépendance étant le critère retenu par la convention.

Selon l’ECSM, la SEA dispose d’un siège, et même de deux sièges sur trois en 2023, mais le SER n’a toujours pas été convoqué depuis février 2022, et c’est pourquoi l’ECSM n’a pas été consulté sur les questions qui l’intéressent, en particulier la préparation du rapport du gouvernement au BIT. On se demande même si les récentes lois du travail sont légitimes, dans la mesure où le SER n’a pas été régulièrement associé pour discuter de ces questions.

Une nouvelle loi concernant la composition et le fonctionnement du SER a été adoptée par le Parlement en 2023. Elle introduit notamment une liste de critères juridiques à remplir par les membres, ainsi qu’une limitation de leur désignation à deux mandats successifs de trois ans. Nous estimons que ces limitations ne sont pas appropriées et constituent des atteintes supplémentaires à l’autonomie de l’organisation et de la représentation des partenaires sociaux. En outre, cette loi est contraire à l’article 79.2 de la Constitution de Sint-Maarten, car elle prévoit la délégation au pouvoir exécutif de certaines décisions relevant de l’organe législatif. Par conséquent, nous espérons que cette loi ne sera jamais publiée.

D’un point de vue juridique, suivant les articles 2 et 3 de la convention, les travailleurs et les employeurs ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier, ainsi que d’élire leurs représentants en pleine autonomie. Le gouvernement devrait, en toutes circonstances, s’abstenir de toute intervention en la matière. Je cite intégralement l’article 3 de la convention:

1. Les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action.

2. Les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal.

La liberté syndicale est un principe démocratique fondamental, qui s’applique en particulier aux organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs.

Ainsi que cela est expliqué dans l’Étude d’ensemble de 2012 intitulée Donner un visage humain à la mondialisation, il faut que les pouvoirs publics respectent pleinement la liberté syndicale. L’interdiction de toute ingérence publique implique notamment l’interdiction de créer, à la place des partenaires sociaux, une organisation à laquelle l’affiliation serait obligatoire ou une organisation bénéficiant d’un traitement préférentiel. J’avais déjà cité l’année dernière les paragraphes 95 et 108 de cette Étude d’ensemble, qui condamnent notamment tout favoritisme, tout traitement inéquitable entre les organisations et recommandent que le cadre juridique se limite à un cadre général qui laisse aux organisations une autonomie maximale dans leur fonctionnement et dans leur gestion. Les restrictions à ce principe devraient avoir pour seul but de sauvegarder les intérêts des membres et garantir le fonctionnement démocratique des organisations.

Une autre remarque de la commission d’experts de 2022 concerne la liberté syndicale des travailleurs: le recours généralisé aux contrats temporaires a pour effet de limiter le droit de s’organiser, puisque ces travailleurs contractuels ne sont pas autorisés à participer à des référendums ou à des élections pour former des syndicats. Les membres employeurs invitent le gouvernement à fournir des explications sur la manière dont il entend concilier cette législation restrictive avec la liberté des organisations des partenaires sociaux d’organiser librement leur fonctionnement et leurs activités, conformément à l’article 3 de la convention.

La commission interroge le gouvernement au sujet d’une possibilité de restreindre légalement le droit de grève pour certains fonctionnaires, notamment les enseignants. Les employeurs ont souligné à plusieurs reprises que le droit de grève ne fait pas partie du champ d’application de la convention. Ces observations et questions de la commission d’experts ne reposent donc sur aucun fondement dans le contexte de l’application et du contrôle de la convention. Ce point n’aurait donc jamais dû être mentionné dans les conclusions de la commission en ce qui concerne ce cas.

En conclusion, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, les membres employeurs regrettent que, depuis les conclusions émises par la commission en 2022, le dialogue entre le gouvernement et l’organisation autonome des employeurs n’ait pu aboutir à un résultat satisfaisant. Nous exhortons en conséquence le gouvernement à prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les partenaires sociaux, pour garantir que les représentants de travailleurs et d’employeurs au sein du SER ne seront désignés que par des organisations librement établies ou choisies par les travailleurs et les employeurs, ainsi qu’à engager un dialogue avec l’ECSM sur les questions relatives aux intérêts des entreprises du secteur privé.

Cela garantirait le plein respect des droits des employeurs et de leurs organisations de former et de s’affilier à des organisations de leur choix, d’élire leurs représentants en toute liberté, et d’éviter toute interférence des autorités publiques à cet égard.

Enfin, étant donné qu’il subsiste une confusion sur les concepts fondamentaux de la liberté syndicale, nous exhortons le gouvernement à demander au BIT l’assistance technique nécessaire à la mise en conformité de la situation nationale avec la convention.

Membres travailleurs – Nous discutons pour la deuxième année consécutive de l’application de la convention par le gouvernement de Sint-Maarten.

La liberté syndicale est un droit humain fondamental de portée universelle duquel découle la jouissance d’autres droits. Elle est indispensable pour l’instauration de la paix, de la justice sociale et l’amélioration des conditions de travail. Comme l’a déjà relevé la commission d’experts, les organisations de travailleurs et d’employeurs sont les composantes essentielles d’une bonne gouvernance du marché du travail et du développement de systèmes de relations professionnelles, vecteurs de stabilité, de progrès et de prospérité économique et sociale, permettant l’application effective de la législation du travail par la dénonciation des violations de la loi.

En ce qui concerne les observations de la commission d’experts sur l’application de la convention par le gouvernement de Sint-Maarten, nous constatons que la pratique des autorités de Sint-Maarten entrave le droit des organisations d’élire librement leurs représentants. Cela est incompatible avec les principes de la convention.

Nous notons également les préoccupations exprimées au sujet de la création par un organisme gouvernemental de Sint-Maarten d’une organisation faîtière, la SEA, pour représenter des employeurs, y compris au sein du SER tripartite. Selon l’association d’employeurs de Sint-Maarten, la SEA est une création gouvernementale d’organisation représentative d’employeurs qui ne représente pas véritablement les employeurs et dont l’objectif est la marginalisation des groupes d’employeurs représentatifs existants.

Depuis notre dernier examen du cas en 2022, la Cour d’appel de Sint-Maarten a rendu un jugement reconnaissant les deux organisations patronales comme représentatives et ne constatant aucune atteinte au droit à la liberté syndicale.

Nous rappelons l’importance qui devrait être attachée au droit des travailleurs et des employeurs de créer leurs propres organisations, d’élire leurs représentants en toute liberté et de créer des organisations de niveau supérieur sans ingérence indue des autorités.

Dans son dernier commentaire, la commission d’experts a noté avec regret l’intention du gouvernement de faire de la SEA une organisation faîtière d’employeurs. Elle a également noté, contrairement aux conclusions formulées l’année dernière par la commission, que le gouvernement a apparemment attribué un siège à la SEA au sein du SER, les deux autres sièges restant en suspens, et que le SER n’a vraisemblablement pas été convoqué depuis la commission de 2022.

Nous tenons à souligner qu’en vertu de l’article 3 de la convention, lu conjointement avec l’article 10, les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’organiser leur administration et leurs activités, de formuler leurs programmes, et ce en vue de promouvoir et défendre davantage les intérêts des travailleurs et des employeurs. Les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal.

L’objectif ici est clair: sans une représentation véritable et effective, basée sur l’autonomie et l’indépendance vis-à-vis du gouvernement, pour ce qui est de la formulation et la mise en œuvre de leurs propres activités, la liberté syndicale des travailleurs et des employeurs et de leurs organisations serait vide de sens et dérisoire au regard de l’objectif visé.

Un tel résultat serait contraire aux obligations incombant au gouvernement au titre de la convention. Le gouvernement de Sint-Maarten doit tenir compte des observations de la commission d’experts et donner plein effet à ses orientations afin de mieux appréhender l’étendue de ses obligations au titre de la convention et de s’y conformer pleinement.

Les membres travailleurs notent en outre qu’en 2017, ainsi qu’en 2023, la commission d’experts a soulevé de graves questions au sujet du droit de grève des fonctionnaires et que ces questions restent à ce jour sans réponse. La commission d’experts a noté que les alinéas 374a), b) et c) du Code pénal et l’article 82 de l’ordonnance no 159 de 1964, relatifs aux conditions de service des fonctionnaires, interdisent aux fonctionnaires, y compris aux enseignants, de faire grève, sous peine d’emprisonnement.

Nous notons néanmoins que le Code pénal a été révisé et qu’un nouveau Code pénal est entré en vigueur en 2015. Nous saluons ces informations complémentaires que le gouvernement vient de communiquer.

Nous exhortons le gouvernement à respecter avec rigueur les orientations de la commission d’experts en ce qui concerne les services essentiels et à préciser si, en vertu de la législation en vigueur, certaines catégories de fonctionnaires, tels que les enseignants, sont ou peuvent être interdits de grève.

Le gouvernement de Sint-Maarten doit promouvoir, respecter et remplir les obligations qui découlent de la convention, conformément aux orientations de la commission d’experts.

Membre employeur, Sint-Maarten – C’est avec plaisir que je m’adresse à vous au nom des quatre plus anciennes associations d’employeurs de la belle île de Sint-Maarten et de l’ECSM, qui représentent 40 pour cent de la main-d’œuvre du secteur privé et un poids socio-économique encore plus important.

Cela fait exactement soixante-quinze ans cette semaine que les droits fondamentaux suivants ont été adoptés: les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’établir leurs statuts et règlements et d’élire leurs représentants en toute liberté; l’autorité publique s’abstient de toute intervention de nature à restreindre ce droit ou d’en entraver l’exercice légitime. Pour Sint-Maarten, le SER est un organe tripartite clé. Son avis est légalement obligatoire pour toutes les politiques ayant des impacts socio-économiques. La loi reconnaît au SER un rôle important dans le processus d’élaboration des politiques gouvernementales. En outre, il peut émettre des avis de sa propre initiative. Enfin, il constitue une tribune pour les associations de travailleurs et d’employeurs. En tant qu’organe tripartite, il a le pouvoir d’attribuer des sièges de manière équilibrée à des représentants du gouvernement.

Dans le cas du SER de Sint-Maarten, cet équilibre fragile a malheureusement été perturbé ou troublé le 21 avril 2020, lorsque le gouvernement a pris la décision unilatérale de suspendre le SER. Le ministre des Affaires générales a déclaré à ce sujet, et je le cite: «Afin d’assurer une représentation équilibrée des organisations d’employeurs au sein du conseil d’administration du SER, il est conseillé de ne pas procéder à la nomination du conseil 2020-2023 tant que la structure n’aura pas été rectifiée.»

La CCI, qui tient le registre des entreprises, facilitera, lorsque des entreprises sont enregistrées, l’établissement d’une organisation d’employeurs faîtière au niveau local, à laquelle diverses organisations pourront s’affilier. Toutes les nominations au SER du cycle précédent ont expiré le 30 avril 2020 et un nouveau conseil ne pourra être constitué que dans dix mois. L’absence subséquente d’avis sollicités et non sollicités dans le cadre du processus d’élaboration des politiques gouvernementales a couvert une période de prise de décisions socio-économiques particulièrement importantes pendant la pandémie mondiale de COVID-19.

Il est clair que l’article 3 de la convention, qui stipule que «les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal», ne permet pas au gouvernement de suspendre unilatéralement un organe tripartite important. De plus, le gouvernement a mandaté la CCI, un organisme administratif régi par des lois, pour effectuer cette restructuration. Avec ce mandat contraire à nos lois et à la convention, la CCI a fondé la SEA, chargée d’un mandat gouvernemental et possédant à vie une adhésion à la CCI dans ses statuts.

La SEA se réunit dans les locaux de la CCI, utilise la main-d’œuvre da la CCI et, jusqu’à récemment, avait même l’adresse et le numéro de téléphone de cette structure gouvernementale sur ses documents. Pour susciter l’adhésion à la SEA, des courriels sont envoyés par la CCI aux entreprises, les invitant à s’y affilier, avec mention d’une attribution à la SEA par le gouvernement de la totalité des trois sièges de ce dernier au sein du SER.

D’autres interventions comme le fait de ne pas attribuer de sièges à des employeurs et de nommer des fonctionnaires rémunérés par le gouvernement à ces postes ont également eu lieu en 2021. Les deux employeurs de l’ECSM ont été suspendus au printemps 2020 en l’absence de tout motif.

Il est regrettable que cinq conseillers du BIT (NORMES), du SER et de la commission, ainsi que la discussion de ces droits fondamentaux dans le Comité tripartite de Sint-Maarten en vertu de la convention (nº 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, n’aient pas modifié plus tôt la direction suivie du gouvernement. Cela semble avoir accentué davantage l’égarement du gouvernement.

Sint-Maarten est certes un pays jeune, mais cela ne doit pas empêcher le gouvernement d’assumer son obligation d’engager le dialogue social et de respecter les droits fondamentaux des travailleurs et des employeurs. Ne tenant aucun compte de la recommandation de 2022 de la commission, le gouvernement n’a depuis fait aucune tentative pour provoquer une réunion à cette fin. De plus, il semble que le gouvernement n’ait pas compris la portée de la demande de la commission de s’abstenir de toute intervention et que la situation ait pris une direction opposée. Par exemple, une loi a été proposée pour étendre les instruments consultatifs du SER au Parlement de Sint-Maarten. On ne peut pas opposer grand-chose à cet organe législatif, mais cette loi a pour effet collatéral de limiter également le rôle des représentants des travailleurs et des employeurs au sein du SER. Qui plus est, la loi prévoit la désignation par le gouvernement de nouveaux candidats pour siéger au SER, sur la base, entre autres critères, de la maîtrise de l’anglais et du néerlandais, de la bonne connaissance de la société de Sint-Maarten, du respect de l’obligation de réserve et d’un esprit pacifique.

Selon l’ECSM, au caractère subjectif de ces critères restrictifs s’ajoute le fait encore plus critiquable qu’ils constituent un obstacle au droit des travailleurs et des employeurs d’élire en toute liberté, conformément à l’article 2 de la convention, leurs représentants.

Enfin, et surtout, au lieu d’un siège unique, deux sièges sont désormais attribués par le gouvernement à la SEA au sein du SER. La semaine dernière, l’ECSM a proposé à la SEA que soient dissoutes leurs deux fédérations, de se passer du soutien gouvernemental et de se réunir sous une nouvelle bannière représentant tous les employeurs de Sint-Maarten. En fin de compte, c’est la façon dont le gouvernement a utilisé et continue d’utiliser les ressources au profit de la SEA qui est contestée et non l’association, ses membres ou leurs besoins, qui sont souvent les mêmes que ceux de nos propres membres. Cette proposition a malheureusement été rejetée.

Le gouvernement se prévaut d’un raisonnement erroné selon lequel l’ECSM souhaiterait être l’unique organisation d’employeurs de Sint-Maarten – ce qui n’est pas le cas. Elle souhaite simplement une représentation des employeurs et, le cas échéant, des travailleurs, sans ingérence gouvernementale, alors que la tendance semble aller dans la direction opposée.

Quoi qu’il en soit, l’ECSM reste reconnaissant pour les recommandations objectives continues de l’OIT et de la commission en tant qu’elles offrent l’espoir qu’une situation tripartite meilleure se profile à l’horizon à Sint-Maarten, malgré la complexité croissante de la situation.

Membre travailleur, Sint-Maarten – En tant que représentant des travailleurs de Sint-Maarten, délégué par la Chambre des syndicats du travail des Îles du Vent (WICLU), je tiens à exprimer notre sincère gratitude pour l’opportunité qui m’est offerte de faire à la Conférence la déclaration suivante concernant les questions exposées aux pages 192 et 193 du rapport de la commission d’experts au sujet de l’application de la convention à Sint-Maarten.

Premièrement, les contrats temporaires limitent le droit de s’organiser. La commission d’experts a demandé au gouvernement de s’exprimer sur l’affirmation selon laquelle l’utilisation généralisée par les employeurs de contrats temporaires constitue une limitation importante du droit des travailleurs de s’organiser. En tant que représentant des travailleurs de Sint-Maarten, je peux dire, en me référant à l’expérience des syndicats de Sint-Maarten, que, théoriquement, tous les travailleurs d’une entreprise ont le droit de s’affilier librement au syndicat de leur choix. En réalité, lorsqu’un référendum est organisé dans une entreprise pour désigner le syndicat qui représente le plus grand nombre de travailleurs de l’entreprise, seuls les travailleurs directement recrutés par l’entreprise peuvent y participer. Les travailleurs temporaires employés via des agences de placement et occupant des emplois permanents dans l’entreprise cliente sont exclus du référendum, car ils ne sont pas considérés comme étant formellement employés de l’entreprise cliente, mais comme employés de l’agence de placement.

Nous constatons que les travailleurs recrutés via des agences de placement perdent leur emploi s’ils revendiquent de meilleures conditions de travail dans l’entreprise cliente et/ou s’ils se syndiquent ou s’associent avec des travailleurs directement engagés par l’entreprise cliente. Du jour au lendemain, si la direction de l’entreprise cliente le souhaite, les travailleurs placés peuvent être remplacés par d’autres travailleurs eux-mêmes engagés via une agence de placement. Sous couvert d’une prétendue «flexibilité» du marché du travail, les travailleurs contractuels ne sont pas rémunérés par l’agence de placement durant l’attente d’un nouveau placement. Les travailleurs contractuels craignent donc de se syndiquer ou de s’associer avec des travailleurs directement employés par les entreprises. La législation actuelle, qui permet le recours à des travailleurs contractuels, ne protège pas suffisamment les travailleurs embauchés à court terme directement par une entreprise ou embauchés par le biais d’agences de placement. Ceci est une illustration de la limitation du droit d’organisation des travailleurs dans la réalité de Sint Maarten.

S’agissant des enseignants de Sint-Maarten, particulièrement ceux qui exercent dans une école religieuse subventionnée par le gouvernement, le droit de s’organiser et d’adhérer à un syndicat est expressément exclu de leur contrat de travail. Il y est stipulé qu’ils ne peuvent pas adhérer à un syndicat lorsqu’ils travaillent dans ce cadre d’enseignement. Bien que cela ait été dénoncé comme une violation des droits des enseignants, aucune loi nationale n’a été modifiée pour restreindre la portée de cette violation. La plupart des autres enseignants sont dissuadés et craignent d’adhérer au syndicat et courir le risque de perdre leur emploi. La Recommandation de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) concernant la condition du personnel enseignant (1966) et sa Recommandation concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur (1997) peuvent servir à garantir que des conventions sont établies pour protéger les droits des enseignants de s’organiser, conformément à la convention.

Deuxièmement, le droit de grève des fonctionnaires. La commission d’experts a demandé au gouvernement de préciser si, aux termes du nouveau Code pénal, certains fonctionnaires, tels que les enseignants, sont interdits de grève et de fournir une copie du nouveau Code pénal. Le gouvernement a également été invité à fournir des informations détaillées sur les circonstances dans lesquelles les grèves peuvent être interdites en vertu de l’Ordonnance nationale sur le droit positif de la fonction publique.

En tant que représentants des travailleurs de Sint-Maarten, nous pouvons affirmer que, même si, en vertu de la convention, les organisations de travailleurs ont le droit d’organiser leur administration et leurs activités, le droit de grève des fonctionnaires et de leurs syndicats est toujours limité. Le droit des fonctionnaires est régi par la Constitution de Sint-Maarten, le Code civil, l’Ordonnance nationale sur les conventions collectives, l’Ordonnance nationale sur les conflits collectifs de travail et les décrets pertinents relatifs à la paix sociale, ainsi que par l’article 6.4 de la Charte sociale européenne tel que défini par la Cour suprême des Pays-Bas. L’ordonnance nationale modifiée sur le droit positif de la fonction publique permet aux tribunaux d’interdire les grèves qui menacent le bien-être ou la sécurité publics. La récente jurisprudence dans l’affaire concernant les policiers et le syndicat des policiers nationaux (NAPB) en grève publique contre leur traitement inégal subi depuis 2010, ainsi que l’affaire concernant les contrôleurs aériens ayant tenu une réunion avec le Syndicat des fonctionnaires des Îles du Vent (WICSU) pendant les heures de travail, montre que le tribunal ne dénie pas le droit de grève, mais ordonne aux travailleurs et à leurs syndicats de respecter des procédures pour laisser à l’employeur suffisamment de temps pour prendre des mesures responsables assurant la continuité des opérations. Une meilleure protection du droit de grève des fonctionnaires devrait être garantie par la législation. En ce qui concerne les enseignants, plutôt que de qualifier de grèves leurs actions, il serait plus juste de considérer celles-ci comme des «assemblées générales» pendant les heures de travail pour exposer les griefs des enseignants. Cela se produit principalement parce que certains enseignants des écoles publiques sont des fonctionnaires, tandis que d’autres travaillent dans des établissements scolaires subventionnés par le gouvernement et ne sont pas des fonctionnaires, tout en jouissant de la plupart des droits et avantages des enseignants exerçant dans les écoles publiques. L’Union des enseignants des Îles du Vent (WITU), en tant que syndicat d’enseignants, a dénoncé de nombreuses tentatives du gouvernement d’interdire aux enseignants de faire grève. Néanmoins, grâce à la fermeté de la WITU dans son combat continu pour résoudre les situations critiques auxquelles sont confrontés les enseignants, le gouvernement n’y est pas parvenu. Les lois nationales sur le droit de grève des enseignants ne sont pas claires: les avis juridiques sont contradictoires et divergents. Par conséquent, la Recommandation concernant la condition du personnel enseignant (1966) et la Recommandation concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur (1997) peuvent contribuer à rassurer sur le fait que les conventions protègent les droits des enseignants et garantissent leurs droits de grève.

Troisièmement, les mesures de lutte contre le COVID-19 ont violé la convention (nº 89) sur le travail de nuit (femmes) (révisée), 1948, et la convention (nº 100) sur l’égalité de rémunération, 1951. Permettez-moi d’illustrer l’ensemble de la situation, par l’exemple l’imposition des mesures contre le COVID-19 par le gouvernement du Royaume aux travailleurs de Sint-Maarten, en violation des conventions nos 87 et 89. Au moment même où les syndicats de KLM au Pays-Bas ont dénoncé la violation du droit à la négociation collective par le gouvernement néerlandais et la direction néerlandaise de KLM, la Chambre des syndicats de Sint-Maarten a protesté et manifesté contre l’imposition unilatérale par le gouvernement néerlandais, le gouvernement local et le Parlement de mesures touchant la rémunération des travailleurs.

Une des conditions exigées du gouvernement de Sint-Maarten pour obtenir le soutien financier du gouvernement du Royaume était que le gouvernement et le Parlement de Sint-Maarten adoptent une législation réduisant de 20 pour cent la rémunération des travailleurs du secteur privé et de 12,5 pour cent celle des travailleurs du secteur public. Il leur a été également demandé de fixer par la loi un plafond pour les revenus supérieurs, après avoir imposé une réduction de 25 pour cent de la rémunération des fonctionnaires élus et nommés de Sint-Maarten. Cette rémunération était déjà largement inférieure à celle des fonctionnaires des Pays-Bas avant la pandémie. Avec ces exigences unilatérales du gouvernement du Royaume des Pays-Bas, l’écart de rémunération au sein du Royaume n’a fait que s’approfondir.

Quatrièmement, l’inégalité du niveau de protection sociale viole la recommandation (nº 202) sur les socles de protection sociale, 2012. Alors que le coût de la vie à Sint-Maarten est beaucoup plus élevé qu’aux Pays-Bas, à ce jour, l’inégalité de rémunération des travailleurs et du niveau de protection sociale au sein du Royaume des Pays-Bas affecte les travailleurs, réduisant à la pauvreté plus de 75 pour cent des ménages de Sint-Maarten.

En conclusion, les organisations des salariés de Sint-Maarten demandent en conséquence qu’il soit mis fin de toute urgence à ces inégalités et aux violations des conventions et recommandations de l’OIT. Nous apprécions grandement la solidarité et le soutien de toutes les délégations à la Conférence. Nous avons hâte de discuter avec vous d’actions de solidarité susceptibles de faire avancer la cause des travailleurs et de leurs familles à Sint-Maarten.

Membre travailleuse, France – Entre autres clarifications, la commission d’experts a demandé au gouvernement de commenter la déclaration selon laquelle, je cite: «le recours généralisé aux contrats temporaires par les employeurs constitue une limitation importante du droit à l’organisation des travailleurs».

Sint-Maarten, partie néerlandaise d’une petite île des Antilles, résulte d’un héritage historique colonial, marquée par le cosmopolitisme et par le recours à une main-d’œuvre autrefois servile et aujourd’hui fortement précarisée. Le recours aux agences de placement pour servir les intérêts économiques liés aux activités touristiques, entre autres, est particulièrement important. La flexibilité prônée par le gouvernement, dans le but de favoriser les activités économiques, s’accompagne de mesures qui privent les travailleurs de sécurité de l’emploi et du libre exercice de l’activité syndicale en total irrespect des principes de la convention.

À titre d’exemple, s’agissant de la désignation par voie référendaire d’un syndicat représentatif, seuls les travailleurs directement employés par l’entreprise peuvent y participer. Les travailleurs contractuels des agences de placement, y compris ceux exerçant des emplois permanents de l’entreprise cliente, ne sont pas autorisés à participer au référendum parce qu’ils sont formellement considérés comme non employés par l’entreprise cliente où le travailleur est placé, mais employés par l’agence de placement.

Les revendications internes à l’entreprise des travailleurs placés par les agences sont interdites, et les travailleurs placés dans une entreprise cliente perdent leur emploi s’ils défendent de meilleures conditions de travail dans l’entreprise cliente, ou bien s’ils se syndiquent ou s’unissent avec les travailleurs directement employés par l’entreprise cliente. D’un jour à l’autre, si la direction de l’entreprise cliente le souhaite, les travailleurs des agences de placement peuvent être remplacés par d’autres travailleurs embauchés par ces mêmes agences. En conséquence de cette soi-disant «flexibilité» sur le marché du travail, les travailleurs contractuels ne sont pas payés par l’agence de placement si aucun autre emploi ne leur est proposé alors qu’ils ont été remplacés. Cette latitude laissée aux entreprises au motif qu’elles se servent d’intermédiaires est une violation avérée de la convention.

La conséquence qui en résulte est que les travailleurs contractuels ont peur de se syndiquer ou de s’unir aux travailleurs directement employés par les entreprises. Par ailleurs, la législation actuelle n’offre pas une protection suffisante aux travailleurs embauchés en contrat à durée déterminée directement par une entreprise, et le recours abusif à ce titre de contrat permet aussi aux entreprises de limiter l’accès à la représentation syndicale et à l’exercice du droit syndical.

Selon les dernières informations, des employeurs ou des directions d’entreprise, voire des ministères, adressent à ces travailleurs ainsi qu’à leurs syndicats des lettres d’avertissement. Ces travailleurs reçoivent même des convocations de la justice.

Il est donc clair qu’en dépit des allégations de bonne pratique apportées par le gouvernement, le droit explicite des travailleurs à la pratique de l’exercice syndical, quel que soit le contrat de travail auquel il est rattaché, est bafoué à Sint-Maarten.

Au-delà du droit fondamental qui leur est dénié, de telles pratiques privent les travailleurs d’un accès à une vie décente. Précarisés par des contrats non pérennes, ils ne peuvent faire face à certaines obligations administratives afin de bénéficier de conditions de vie dignes. Ceci est inacceptable pour la commission.

Représentant gouvernemental – Nous remercions les employeurs et l’association des employeurs. Il est important de se rendre compte que cette réunion ne doit pas être considérée comme une réunion conflictuelle, mais plutôt comme une réunion visant à nous améliorer nous-mêmes et améliorer notre pays.

Je voudrais réfuter quelques propos. Premièrement, en ce qui concerne le SER: les allégations selon lesquelles le SER ne se serait pas réuni depuis février 2022 sont absolument inexactes. En tant que ministre de la Santé publique, du Développement social et du Travail, j’ai reçu des avis du SER jusqu’en avril 2023.

Il est important de noter que l’ECSM – dont le SER n’a jamais limité la participation, m’a communiqué des courriels que je peux vous montrer, déclarant que, «si le gouvernement ne retire pas son mandat à l’ESA et ne nomme pas trois membres de l’ECSM à la commission de nomination, l’ECSM ne répondra pas à la convocation en vue des réunions». Il est également important de noter que l’organisation dont nous parlons actuellement, le SER, a été créée par le gouvernement. Nous œuvrons dans l’intérêt supérieur du pays. Il n’y a eu aucune implication du gouvernement dans la sélection des membres de la commission.

Le gouvernement a reçu de nombreuses plaintes de la part du secteur des entreprises, qui estimaient que seul un groupe spécifique, qu’il s’agisse du secteur du tourisme ou d’autres, était représenté et que les petites entreprises du pays ne l’étaient pas. Cela a été facilité et suggéré de cette manière. Il est important de noter que la CCI a toujours été représentée au sein du SER. Lorsque la facilitation ou la recommandation a été mise en place, il est également important de noter que la SHTA a été rétablie à peu près au moment de l’établissement de la SEA. Les employeurs et les employés ont tous deux préconisé lors de cette réunion que nous recevions une assistance technique du BIT, mais j’ai déjà indiqué que nous nous étions réunis en juin 2022, puis à l’occasion de la Conférence sous-régionale, au cours de laquelle il a été convenu que le BIT assure un rôle de médiateur dans ce processus. C’est exactement ce que nous faisons. Je constate en outre l’affirmation selon laquelle le gouvernement n’aurait pris aucune initiative en vue d’une rencontre ou d’un projet de rencontre. Je suis précisément en train d’indiquer à la commission que c’est le BIT qui nous a demandé en 2022 de lui permettre de considérer la possibilité d’une une solution amiable.

Il y a aussi eu des déclarations au sujet de la nouvelle loi adoptée par le Parlement, et j’aimerais également souligner que le Parlement est le corps législatif supérieur du pays. Il peut modifier, approuver ou désapprouver les articles ou les lois dont il est saisi. Ses membres sont les représentants du peuple de Sint-Maarten. Il est donc très important de noter que, lorsque le Parlement adopte une loi, cela dépasse la compétence des ministres.

En tant que nouveau pays au sein du Royaume, nous nous considérons comme une île de petite taille et donc une société civile fragile. Il est de notre devoir d’assurer l’inclusion et la participation de nos partenaires sociaux dans le développement de notre pays. Nous représentons l’ensemble de la population et non une partie. Nous entendons aussi les travailleurs parler de contrats à court terme, d’utilisation abusive de contrats temporaires. Il est important de noter que nous avons également tenu compte de ces plaintes et qu’un nouvel amendement de notre Code civil est actuellement soumis à l’examen du SER. Il s’agit donc bien d’un organe très important de notre système législatif.

Croyez-moi, personne ne serait plus rassuré que moi si nous pouvions aboutir à des solutions amiables, parce que le SER, étant en plein désarroi, bloque bon nombre de nos processus législatifs, notamment ceux visant à résoudre certains des problèmes soulevés par les employeurs et les travailleurs. Par conséquent, il est important que nous soyons prêts à nous asseoir et à régler la situation de manière pacifique, puisqu’une grande partie des revendications est actuellement soumise au SER en vue d’une modification de la législation.

Lorsque la SEA a été établie, il nous a été conseillé de ne pas intervenir. Voilà la majeure partie des mises au point que je souhaitais soumettre à la commission. J’ai simplement pensé qu’il était important de souligner certains aspects qui lui ont été exposés.

Membres travailleurs – Nous remercions le gouvernement de Sint-Maarten pour les informations fournies aujourd’hui. Nous remercions également les autres membres de la commission pour leurs contributions pertinentes. Nous prenons note de la déclaration du gouvernement concernant la situation du territoire d’Outre-mer de Sint-Maarten et nous tenons à souligner l’obligation qui incombe aux autorités de promouvoir et d’assurer pleinement et de manière effective l’application effective de la convention. Cela implique de reconnaître le droit des organisations d’élire leurs représentants en toute liberté, comme l’exigent les dispositions de la convention. D’autre part, le recours généralisé par les employeurs aux contrats temporaires restreint de manière importante le droit d’organisation, car les travailleurs contractuels ne sont pas autorisés à participer aux référendums visant à la formation de syndicats. Le gouvernement devrait veiller à ce que les travailleurs contractuels puissent jouir pleinement des droits garantis par la convention.

En ce qui concerne le droit de grève des fonctionnaires, en particulier des enseignants, nous appelons le gouvernement de Sint-Maarten à veiller à ce que, en droit et en pratique, les fonctionnaires puissent exercer pleinement leur droit de grève et à abroger toute disposition législative qui prévoit des sanctions en la matière. Les membres travailleurs demandent donc au gouvernement de prendre des mesures exhaustives visant à mettre en conformité toute législation et pratique avec la convention. Nous constatons également que la consultation des partenaires sociaux ne fait pas partie de la culture de Sint-Maarten. Soulignant l’importance du dialogue social pour l’élaboration et la mise en œuvre de lois et de pratiques conformes aux conventions de l’OIT, nous exhortons le gouvernement de Sint-Maarten à faire en sorte d’engager au plus vite le dialogue avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, afin d’instaurer des consultations formelles régulières sur les questions soulevées par la commission d’experts, ainsi que sur d’autres questions, concernant la compétence du BIT définies par la convention no 144. Enfin, nous invitons le gouvernement à continuer de se prévaloir de l’assistance technique du BIT.

Membres employeurs – Au nom des membres employeurs, nous remercions l’ensemble des orateurs et, en particulier, le gouvernement de Sint-Maarten. Nous insistons, quant au fond, sur le fait que la convention est une convention fondamentale et que, en tant que telle, elle nécessite une attention particulière de la part du BIT, des gouvernements et des partenaires sociaux. Notre position à l’égard de Sint-Maarten est toujours aussi nette: nous ne faisons pas de compromis avec la liberté syndicale des employeurs. Les membres employeurs demandent donc instamment au gouvernement de prendre des mesures immédiates et efficaces garantissant pleinement, tant en droit qu’en pratique, sur son territoire, la liberté syndicale des employeurs.

Nous demandons au gouvernement de prendre les mesures suivantes:

i) entamer un dialogue avec les organisations d’employeurs sur la création et le fonctionnement de l’association faîtière des employeurs SEA et sur leur participation au SER, en pleine conformité avec la convention;

ii) prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les partenaires sociaux, assurant que les représentants des travailleurs et des employeurs au sein du SER soient nommés par des organisations totalement autonomes et librement établies par les travailleurs et les employeurs, et engager le dialogue avec l’ECSM sur les questions qui touchent les intérêts des entreprises du secteur priv ;

iii) afin de donner suite de manière constructive aux conclusions de la commission, nous exhortons le gouvernement à demander l’assistance technique du BIT, en vue de mettre la situation nationale en conformité avec la convention;

iv) répondre de manière exhaustive aux commentaires de la commission d’experts restés en suspens depuis 2017. Nous insistons sur la qualité et la pertinence des réponses ainsi que des futurs rapports réguliers, afin de pouvoir évaluer les progrès réels en droit et en pratique dans l’application de la convention.

Nous sommes tous convaincus que l’apprentissage tout au long de la vie est un concept clé, mais dans le cas présent des leçons auraient déjà dû être tirées. Nous comptons vraiment sur le gouvernement pour qu’il adopte une attitude positive de manière à éviter que ce cas n’ait pas à être examiné une troisième fois par la commission.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations orales et écrites fournies par le gouvernement et de la discussion qui a suivi.

La commission a exprimé sa profonde préoccupation que le gouvernement n’ait pas mis en œuvre les précédentes recommandations de la commission.

Compte tenu de la discussion qui a eu lieu, la commission prie instamment le gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux, de:

- mettre pleinement en œuvre toutes les recommandations en suspens de la commission;

- s’abstenir de toute ingérence indue dans l’exercice de la liberté syndicale des organisations d’employeurs et de travailleurs, y compris de toute ingérence par la promotion d’organisations qui ne sont pas librement établies ou choisies par les travailleurs et les employeurs, et veiller à ce que ce droit soit pleinement garanti, tant en droit que dans la pratique;

- garantir en droit et dans la pratique la capacité des organisations de travailleurs et d’employeurs de créer des organisations de niveau supérieur en toute liberté, y compris aux fins de siéger au Conseil socio-économique (SER);

- veiller à ce que les représentants des travailleurs et des employeurs au SER ne soient désignés que par des organisations autonomes librement établies par les travailleurs et les employeurs et convoquer le SER sans délai;

- engager un dialogue avec les organisations autonomes librement constituées par les travailleurs et les employeurs sur toutes les questions touchant à leurs intérêts ou à ceux de leurs membres; et

- veiller à ce que les travailleurs du secteur public soient en mesure d’exercer pleinement les droits et garanties protégés par la convention, en droit et dans la pratique.

La commission encourage à nouveau le gouvernement à demander l’assistance technique du BIT en vue de rendre la législation et les pratiques nationales pleinement conformes à la convention.

La commission prie le gouvernement de fournir un rapport contenant des informations sur toutes les mesures prises et les progrès accomplis à la commission d’experts, d’ici le 1er septembre 2023.

Représentant gouvernemental – Le gouvernement salue les conclusions et les recommandations de la commission et s’engage à répondre positivement aux préoccupations soulevées. Le gouvernement souscrit pleinement au concept de dialogue social et à l’importance des consultations tripartites. En tant que petit État insulaire, nous sommes conscients du défi que constitue l’instauration d’une société civile forte et l’acquisition de l’expertise nécessaire à la réalisation des conditions exigées par les normes internationales. À ce titre, nous réitérons et saluons la pertinence de l’assistance technique du BIT sollicitée en 2022, et nous nous en félicitons. Nous nous réjouissons de la perspective de résoudre ensemble les problèmes conformément aux recommandations, et de parvenir à des solutions amiables convenant à toutes les parties concernées, assurant ainsi le respect de la convention no 87.

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