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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2024, Publication : 112ème session CIT (2024)

Discussion par la commission

Président – J’invite la représentante gouvernementale de la Türkiye, Conseillère auprès du ministre du Travail et de la Sécurité sociale, à prendre la parole.
Représentante gouvernementale – Je tiens tout d’abord à vous féliciter, vous et vos viceprésidents, pour votre élection au bureau de la commission. Je vous souhaite plein succès dans les efforts que vous déploierez pour rendre les travaux de la commission plus fructueux, plus objectifs et plus significatifs, dans un esprit de dialogue constructif.
Je tiens tout d’abord à appeler l’attention de la commission sur le fait que la Türkiye est le deuxième pays à avoir ratifié la convention no 98 après la Finlande, parmi les États Membres qui sont parties à l’ensemble des conventions fondamentales de l’OIT. Cela traduit bien l’engagement de la Türkiye en faveur des normes internationales du travail qu’elle intègre activement dans la législation tripartite par la voie du dialogue social, reflet de son attachement à la démocratie, à l’état de droit et aux normes juridiques universelles. En tant que membre fondatrice du Conseil de l’Europe, du G20 et de l’Organisation de coopération et de développement économiques et dix-neuvième économie du monde, la Türkiye est également un grand bailleur de fonds pour l’aide publique au développement.
Nous regrettons cette inscription sur la liste définitive des cas individuels, pour ce qui concerne la convention no 98 et avec une double note de bas de page, et rappelons notre partenariat de longue date avec l’OIT. Malgré les difficultés géopolitiques et les autres embûches rencontrées, dont une tentative de coup d’État, des tremblements de terre et la pandémie de COVID-19, la Türkiye prie instamment la commission de reconnaître les progrès considérables accomplis, en insistant sur l’importance de préserver la crédibilité du mécanisme de contrôle.
Depuis la dernière discussion, en 2013, des avancées significatives ont été réalisées dans la législation du travail, au sujet de l’essence même des articles révisés relatifs à la détermination de la branche d’activité; à la protection des délégués syndicaux; au champ d’application et au niveau des conventions collectives ainsi qu’aux bénéficiaires des conventions collectives; à la règlementation de la question de la compétence; au règlement des conflits collectifs du travail; à la règlementation relative à l’interdiction et au report des grèves et du lock-out; aux services d’affiliation électronique pour les syndicats dans quelques pays du monde; et à l’engagement des procédures de médiation, ce qui couvre les réglementations concernant la branche d’activité et l’étendue des conventions collectives. Dans le même temps, les prestations découlant de ces accords, les objections concernant la détermination de la question de la compétence, la compétence elle-même et les interdictions concernant les grèves et les lock-out sont couvertes.
Ces questions ont une importance indéniable dans le domaine du travail, aux niveaux national et international, et sont traitées de manière clairement favorable aux salariés. La législation nationale du travail place la protection des salariés au premier plan, compte tenu du fait qu’ils sont la partie la plus faible dans la relation de travail.
Je commencerais par aborder les préoccupations de la commission concernant le champ d’application personnel de la convention, en particulier s’agissant du personnel pénitentiaire. Les conventions collectives prévoient des prestations pour l’ensemble des fonctionnaires, y compris le personnel pénitentiaire, qui ne peut adhérer à un syndicat en vertu de l’article 15, et aux fonctionnaires à la retraite.
Un arrêt de 2023 de la Cour constitutionnelle autorise les chefs de département, les doyens de faculté ainsi que les directeurs d’institut et de lycée et leurs adjoints à constituer des syndicats et à s’y affilier, ce qui laisse penser que leur rôle au sein d’une autorité publique ne les empêche pas automatiquement de s’affilier à un syndicat. La justification de cette décision peut servir de jurisprudence édifiante face à la diminution du nombre de fonctionnaires ne pouvant pas se syndiquer.
En ce qui concerne les travailleurs suppléants et certains fonctionnaires travaillant sans contrat écrit, tels que les enseignants, le personnel infirmier et les sages-femmes, leur relation de travail est régie par les lois sur le statut d’emploi et non par un contrat. Leur exclusion des syndicats est donc conforme aux dispositions juridiques, comme indiqué dans la loi sur les fonctionnaires.
Aussi, le Conseil consultatif tripartite, présidé par le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, M. Vedat IŞIKHAN, s’est réuni le 20 octobre 2023, pour le «Dialogue social au siècle de la Türkiye». Des représentants du ministère, des institutions affiliées, des travailleurs et des confédérations d’employeurs ont participé à cette réunion consacrée aux difficultés que rencontre le pays sur ces points. Il a par la suite été décidé d’établir des sous-commissions de travail et de commencer immédiatement à collaborer avec les confédérations, les syndicats, des juristes, des professeurs d’université et les autorités publiques compétentes.
La sous-commission de travail a tenu sa première réunion le 23 mai 2024, consacrée aux difficultés intrinsèques à la loi sur les syndicats en vigueur, en particulier s’agissant de la détermination de l’autorisation ainsi que de la liberté syndicale. Il a commencé à examiner d’éventuelles modifications à y apporter à cet égard. Il a été convenu d’organiser une deuxième réunion le 26 juin 2024.
S’agissant des licenciements massifs allégués dans le secteur public, après la tentative de coup d’État de 2016, des fonctionnaires, y compris des représentants syndicaux, ont été démis de leurs fonctions au motif de leurs liens présumés avec des organisations terroristes. La commission d’enquête sur les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, opérationnelle entre 2017 et 2023, avait pour but d’analyser et de traiter ces licenciements.
Ces cinq dernières années, des efforts juridiques conséquents ont été déployés pour traiter des questions évoquées par la commission.
Ainsi, il est indispensable de noter que le Président de la République a lancé une stratégie de la réforme judiciaire, en mai 2019, dans le cadre de laquelle le huitième train de mesures judiciaires, publié en mars 2024, a élargi le mandat et l’autorité de la Commission d’indemnisation dans le domaine des droits de l’homme, établie en 2013, afin de raccourcir la procédure du contentieux.
La commission d’indemnisation a un mois pour examiner une demande liée aux retards de procédure à compter de la date de l’enquête, du procès ou de la décision définitive. Elle analyse également les requêtes individuelles à la Cour constitutionnelle dans les trois mois et les requêtes déposées auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans les trois mois qui suivent la décision de rejet de la Cour constitutionnelle ou, depuis le 10 octobre 2023, la notification de la décision d’irrecevabilité.
En ce qui concerne les allégations faisant état d’un manque de protection contre les licenciements et la discrimination antisyndicaux dans les secteurs privé et public, sur les près d’un million et demi de décisions du bureau du Procureur général, seules 791 étaient liées à une entrave aux droits syndicaux et il a été décidé de ne pas engager de poursuites dans 357 cas. Cela laisse penser que la procédure judiciaire est juste et équitable.
D’après les décisions des bureaux du Procureur général motivées par les lois spéciales, on constate que seuls 1 465 dossiers sur 433 000 relèvent de la loi sur les réunions et les manifestations et qu’il a été décidé de ne pas engager de poursuites dans 877 cas.
Les derniers ateliers de la stratégie nationale pour l’emploi, menés par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale en 2024, visent à prévenir la discrimination sur les lieux de travail et à promouvoir les libertés publiques par la collaboration avec les partenaires sociaux. Ces prochaines années, l’Institution des droits de l’homme et de l’égalité de Türkiye (TİHEK) mènera des réunions, des recherches, des ateliers et des programmes de formation en vue de renforcer ces objectifs.
Les primes à la négociation collective sont directement versées aux syndicalistes pour garantir l’unité, la simplicité et la commodité. Les cotisations syndicales sont déduites du salaire et versées sur le compte du syndicat.
S’agissant des observations du Syndicat des services de santé (SAHİM-SEN) sur les primes à la négociation collective, l’arrêt de 2024 de la Cour constitutionnelle a annulé le seuil de 2 pour cent. Depuis, l’ensemble des fonctionnaires syndiqués a commencé à recevoir une aide à la négociation collective. Je suis convaincue que toutes ces réalités statistiques et ces avancées juridiques reflètent une tendance positive sur la voie de l’amélioration et du développement des droits syndicaux en Türkiye.
Les conventions collectives peuvent être établies à différents niveaux, notamment le lieu de travail, l’entreprise ou un groupement d’employeurs, et par la voie d’accords-cadres. Ce système évolue au fil du temps dans le cadre solide des relations professionnelles de la Türkiye.
Afin de faire progresser le droit de négociation collective et les droits syndicaux dans notre pays, le Conseil consultatif tripartite se concentre sur les stratégies visant à améliorer l’organisation syndicale en Türkiye. Il a anticipé la modification des seuils de représentativité syndicale et les difficultés rencontrées au moment de définir les processus d’autorisation de la négociation collective. À la fin de la réunion, deux sous-commissions de travail, incluant les partenaires sociaux, ont été créées et chargées de réviser la loi sur le travail et la loi actuelle sur les syndicats. La sous-commission chargée de la loi sur le travail a tenu ses premières réunions en janvier 2024, puis en a tenu trois autres. En mai 2024, la sous-commission chargée de la loi sur les syndicats a tenu sa première réunion à laquelle ont participé les partenaires sociaux.
Par ailleurs, en ce qui concerne la portée des droits de négociation collective visés par la loi sur les fonctionnaires, le Conseil consultatif du personnel de la fonction publique s’est réuni en novembre 2023, sous la présidence du ministre, pour améliorer le dialogue social dans le secteur public et s’attaquer aux difficultés rencontrées par les fonctionnaires, ainsi que pour examiner la question de l’élargissement de la portée du dialogue et celle du mécanisme d’élection du président et des membres du Conseil d’arbitrage pour les fonctionnaires.
À l’issue de la réunion, il a été décidé d’établir des sous-commissions chargées d’examiner ces questions, et en particulier chargées de l’examen et la révision de la législation. Il leur incombait non seulement d’examiner la loi sur les fonctionnaires, mais aussi les questions du développement du cadre des droits financiers et sociaux tels que le remboursement et l’allocation pour repas des fonctionnaires en question.
Dernier point, mais non le moindre, la treizième assemblée du travail, qui n’avait pas pu se réunir après sa dernière réunion de 2019 du fait de la pandémie et des tremblements de terre dévastateurs, s’est retrouvée à Ankara, en avril 2024, en présence du ministre, M. Vedat Işıkhan, de la Sous-directrice générale et Directrice régionale du Bureau régional de l’OIT pour l’Europe et l’Asie centrale, Mme Beate Andrees, du chef de l’Unité du dialogue social au BIT, M. Youcef Ghellab, et de l’équipe du Bureau de pays de l’OIT pour la Türkiye. Le Directeur général du BIT, M. Gilbert Houngbo, s’est exprimé devant l’assemblée par message vidéo interposé; il a félicité toutes les parties pour leur attachement au dialogue social et leur contribution au travail décent et à la justice sociale.
L’assemblée, réunie sous le thème «La vie des travailleurs dans le siècle turc: l’avenir des travailleurs, la syndicalisation et l’emploi», a bénéficié de la participation active d’experts, d’universitaires, de représentants des autorités, d’organisations de travailleurs et d’employeurs, de syndicats de fonctionnaires et d’associations. Les discussions, auxquelles ont participé un millier de personnes, se sont concentrées sur la progression de la syndicalisation, les procédures de négociation collective, l’accélération des processus judiciaires relatifs aux droits au travail et la garantie de la poursuite effective du dialogue social.
Au cours de l’assemblée, pour ce qui concerne l’actuelle loi sur les syndicats, les représentants des partenaires sociaux ont notamment abordé les questions suivantes: seuils de représentativité des syndicats, processus de détermination de l’autorité de négociation collective, réintégration et procédures judiciaires en cas de refus de l’employeur, et décisions de report d’une grève. En ce qui concerne la loi sur les fonctionnaires, ils ont parlé de la couverture de l’article 15, qui dispose que les agents de la fonction publique ne peuvent pas devenir membres de syndicats, de la portée des conventions collectives dans le secteur public, des travailleurs suppléants et de la structure du Haut conseil d’arbitrage.
Après cette séance, une déclaration sera publiée, dès que le Conseil scientifique l’aura finalisée. Le Conseil scientifique dirige des travaux universitaires dans les domaines de la législation du travail et des relations professionnelles. Cette déclaration accélèrera les travaux des deux sous-commission grâce à la participation des partenaires sociaux concernés à l’examen et à la refonte de la législation sur les questions abordées lors de l’assemblée du travail, compte tenu des avis et des analyses de la commission d’experts.
Nous tenons à fournir régulièrement à votre commission des informations actualisées sur les faits nouveaux à ce sujet. Cela assurera la transparence et la justification des progrès accomplis sur la voie de l’amélioration des droits au travail et du dialogue social.
L’élan suscité par trois réunions plénières et sept réunions des sous-commissions au cours des sept derniers mois donnera lieu à des progrès significatifs, en particulier à des changements législatifs essentiellement, sur les questions soulevées par les partenaires sociaux concernant la loi sur le travail, l’article 15 de la loi sur les fonctionnaires et les articles 25, 34 et 41 de l’actuelle loi sur les syndicats.
Nous avons commencé à examiner et à réviser les questions susmentionnées selon le programme de travail des sous-commissions, en concertation avec nos partenaires sociaux. Nous sommes convaincus qu’ensemble, gouvernement et partenaires sociaux, nous y parviendrons.
Membres travailleurs – Notre commission examine l’application de la convention par le gouvernement de la Türkiye. Ce cas a déjà été soumis onze fois à notre commission et la commission d’experts l’a classé dans la catégorie des «cas faisant l’objet d’une double note de bas de page», soulignant la gravité des violations des droits syndicaux dans le pays.
Depuis 2016, le gouvernement poursuit sans relâche un programme antisyndical, usant de lois sur l’état d’urgence pour justifier le licenciement massif et la rétrogradation de milliers de fonctionnaires. Depuis lors, de nombreux syndicalistes ont cherché à obtenir réparation auprès d’une commission d’enquête sur les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, chargée d’examiner les recours.
La commission d’experts a constaté que la commission d’enquête examinait uniquement si un lien, même indirect, pouvait être établi entre les fonctionnaires licenciés et des groupes désignés comme terroristes par le Conseil de sécurité nationale. Les demandeurs ne pouvaient nullement prendre connaissance des informations les concernant et encore moins les contester. Comme l’a indiqué le gouvernement, ces licenciements avaient pour but de «mettre un terme à l’existence d’organisations terroristes et d’autres structures engagées dans des activités portant atteinte à la sécurité nationale au sein des institutions publiques» et la commission d’enquête s’est uniquement attachée à établir si les licenciements étaient justifiés à cet égard. La commission d’enquête a rendu plus de 127 000 décisions dont seulement 14 pour cent étaient des décisions d’acceptation.
Le gouvernement n’a transmis aucune information spécifique concernant les recours introduits par des syndicalistes et des responsables syndicaux. Nous notons avec une profonde préoccupation que quatre confédérations, 19 fédérations et 19 syndicats ont été dissous après que les tribunaux eurent conclu à leur affiliation avec une organisation terroriste. Nous notons également avec préoccupation que selon la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), 4  267 de ses membres issus de tous les secteurs publics ont fait l’objet d’un licenciement arbitraire en vertu des lois d’urgence.
Nous déplorons que le gouvernement n’ait pas mis en place une procédure indépendante, efficace et équitable d’examen des recours introduits par les fonctionnaires contre leur licenciement antisyndical. Nous notons que le mandat de cinq ans de la commission d’enquête est venu à échéance. Aujourd’hui, les travailleurs doivent passer par de longues procédures devant les tribunaux pour que leur cas soit examiné. Nous prions instamment le gouvernement de mettre en place des enquêtes et des voies de recours indépendantes, rapides et approfondies pour les cas de licenciements antisyndicaux dans le cadre de lois d’urgence.
En outre, nous notons avec préoccupation que bien que l’état d’urgence soit levé, les gouverneurs et les ministères continuent à utiliser des dispositions législatives exceptionnelles pour licencier des fonctionnaires.
Une deuxième question soulevée depuis longtemps est l’absence de protection des travailleurs contre la discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé. Comme l’a indiqué la commission d’experts, la loi no 6356 (loi sur les syndicats et les conventions collectives), qui réglemente expressément les licenciements antisyndicaux, dispose simplement qu’en cas de «rupture du contrat de travail au motif d’activités syndicales», une «indemnité syndicale» doit être ordonnée, tandis que l’employeur peut légalement refuser de verser des indemnités. Les licenciements antisyndicaux ne sont passibles d’aucune sanction pénale ou administrative. De même, dans le secteur public, aucune disposition légale ne prévoit de sanction à l’endroit des personnes responsables de discrimination antisyndicale ni d’indemnisation pour les victimes.
Cette absence de protection efficace et l’existence de sanctions dissuasives dans la législation ont créé un environnement qui permet que les employeurs se livrent à des pratiques antisyndicales. Au fil des ans, les syndicats du pays ont dénoncé d’innombrables exemples de licenciements ciblés de syndicalistes et de travailleurs qui tentaient de constituer des syndicats ou d’y adhérer.
Les organes de contrôle de l’OIT soulèvent ces questions depuis des années. Toutefois, jusqu’à présent, leurs recommandations sont restées sans écho. En 2013, la commission a prié le gouvernement de mettre en place un système de collecte des données sur la discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé. Onze ans plus tard, le gouvernement ne peut afficher aucun progrès à cet égard.
Ce climat général antisyndical associé à un cadre juridique restrictif a des conséquences néfastes sur la capacité des travailleurs à mener des négociations collectives. La commission d’experts a formulé de nombreux commentaires sur la nécessaire révision de la loi no 6356, qui impose des conditions strictes à la négociation collective dans le secteur privé.
En premier lieu, le seuil pour devenir agent de négociation collective au niveau de l’entreprise est particulièrement élevé: le syndicat doit représenter au moins 1 pour cent des travailleurs engagés dans la branche d’activité considérée et plus de 50 pour cent des travailleurs en poste sur le lieu de travail et 40 pour cent des travailleurs de l’entreprise pour participer à la négociation collective.
Ces conditions ont une incidence directe sur la capacité des syndicats à représenter et à défendre leurs membres dans le cadre d’une négociation collective. Selon les données de 2023 fournies par le gouvernement, près des trois quarts des syndicats du pays ne répondraient pas aux critères pour devenir agent de négociation en raison de l’application du seuil sectoriel de 1 pour cent. Ces règles engendrent des obstacles considérables à la négociation collective dans le pays, en particulier pour les syndicats minoritaires, puisqu’il n’existe pas de dispositions légales concernant leur droit de négociation collective. De ce fait, d’après les données d’ILOSTAT, seuls 7,4 pour cent des salariés de Türkiye étaient couverts par une convention collective en 2019.
En outre, les syndicats turcs qui tentent de contester la reconnaissance d’un syndicat en tant qu’agent de négociation exclusif se retrouvent engagés dans une longue procédure judiciaire pouvant prendre six à sept ans, au cours de laquelle le processus de négociation collective reste en suspens et les travailleurs sont privés de la couverture des conventions collectives.
En deuxième lieu, la loi no 6356 ne permet pas la négociation sectorielle régionale et syndicale, ce qui limite de manière injustifiée l’autonomie des partenaires sociaux s’agissant de la décision des niveaux de négociation collective.
Dans le secteur public, le champ d’application de la négociation collective est réduit aux «droits sociaux et financiers», excluant les autres aspects de la vie professionnelle de travailleurs publics. En outre, la représentation syndicale dans les processus de négociation collective du secteur public se limite à un rôle d’observation. Les syndicats majoritaires, bien qu’autorisés à participer à la Délégation des syndicats d’employés des services publics, ne sont pas habilités à faire des propositions pour les conventions collectives, notamment lorsque leurs revendications sont qualifiées de générales ou applicables à plus d’une branche.
En outre, le gouvernement ignore systématiquement l’appel de la commission d’experts à revoir la composition du Conseil d’arbitrage des salariés du secteur public. Actuellement, sept des onze membres de ce conseil sont désignés par le Président de la République, ce qui suscite des doutes quant à son indépendance et à son impartialité.
En dernier lieu, nous notons avec préoccupation que le gouvernement ne fait toujours rien pour permettre au personnel pénitentiaire, aux travailleurs suppléants et aux fonctionnaires sans contrat écrit d’exercer leurs droits d’organisation et de négociation collective.
Compte tenu de ce climat antisyndical persistant et des lourdes restrictions légales qui s’appliquent aux droits d’organisation et de négociation collective, les travailleurs et les syndicats de Türkiye ne peuvent pas véritablement défendre leurs droits et leurs intérêts. Nous appelons le gouvernement à prendre de toute urgence des mesures, en consultation avec les partenaires sociaux, pour lever les obstacles juridiques au plein exercice des droits garantis par la convention, et à prendre des mesures concrètes et efficaces pour lutter contre la discrimination antisyndicale tant dans le secteur public que privé.
Membres employeurs – La convention no 98 est l’une des 10 conventions fondamentales de l’OIT. La Türkiye a adhéré à l’OIT en 1932 et a ratifié au total 59 conventions, y compris les 10 conventions fondamentales. La Türkiye a ratifié la convention no 98 en 1952. Aujourd’hui, c’est la douzième fois que la commission examine l’application en droit et dans la pratique de cette convention par la Türkiye. Plus précisément, la commission d’experts a déjà formulé une trentaine d’observations depuis 1989 concernant la protection contre les actes de discrimination antisyndicale et la liberté de négociation collective.
Après la tentative de coup d’État le 15 juillet 2016, l’état d’urgence avait nécessité de prendre certaines mesures exceptionnelles afin de garantir la sécurité nationale. Cet état d’urgence a pris fin le 18 juillet 2018. Très récemment, avec le soutien de l’OIT, le dialogue social tripartite a été renforcé au sein de l’assemblée tripartite du travail qui s’est réunie en avril 2024. Une responsable de haut niveau du BIT y participait. En outre, un important projet de l’OIT financé par l’Union européenne a été lancé avec la participation des partenaires sociaux turcs, qui couvrira la liberté d’association et le droit à la négociation collective en tant que piliers de l’agenda des droits fondamentaux.
Dans ses dernières observations, la commission d’experts demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, sur la base des articles 1, 2, 3, 4 et 6 de la convention, pour que les actes de discrimination antisyndicale soient interdits et sanctionnés efficacement, qu’une procédure efficace et impartiale soit utilisée lorsque de tels actes se produisent, et enfin que la négociation collective soit davantage promue par les autorités.
Dans sa réponse à nos interventions de l’année dernière, le gouvernement a notamment précisé les éléments suivants:
  • les personnes occupées dans des organisations d’importance stratégique telles que le personnel pénitentiaire et celles qui impliquent des postes de pouvoir de police et de renseignement au nom de l’État ne peuvent pas s’affilier à un syndicat ni en former un. Ces limitations seraient principalement dues à l’importance d’assurer de manière impartiale la fourniture de services publics essentiels par ces fonctionnaires. Néanmoins, ces travailleurs étaient couverts par les conventions collectives conclues pour le secteur public. Le gouvernement confirme également que certains travailleurs suppléants ne sont pas non plus autorisés par la loi à s’affilier à un syndicat ou à en former un et qu’ils ne sont pas non plus couverts par des conventions collectives;
  • le gouvernement soutient que, entre le 22 décembre 2017 et le 22 janvier 2023, l’ensemble des plaintes contre les licenciements massifs dans le secteur public pour des raisons soidisant antisyndicales auraient fait l’objet d’une procédure impartiale devant la commission d’enquête. Celleci a rendu un total de 127 292 décisions (dont 17 960 décisions d’acceptation). Les personnes ont eu ensuite la possibilité d’intenter un recours judiciaire;
  • le gouvernement soutient que la législation nationale est conforme à la convention (no 158) sur le licenciement, 1982, de l’OIT que la Türkiye a ratifiée en 1994. Selon la loi turque, un travailleur licencié pour des raisons syndicales a le droit d’intenter une action en justice en vue de sa réintégration et, si le tribunal décide que le licenciement est dû à des raisons syndicales, ou antisyndicales, il fixe également le montant de l’indemnité à verser si le travailleur n’est pas réintégré. En revanche, empêcher l’exercice des droits syndicaux constitue un délit et entraîne des sanctions pénales. Par ailleurs, il reste très compliqué de développer une méthodologie sur la collecte des données concernant les licenciements antisyndicaux. Un rapport développé en 2018 avec le BIT et un atelier tripartite organisé à l’époque n’ont pas permis de développer une solution;
  • selon le gouvernement, le concept légal de convention collective de groupe permettrait déjà aux partenaires sociaux du secteur privé de conclure des conventions collectives au niveau de la branche. Cependant, le gouvernement n’apporte aucune clarification pour permettre de conclure des conventions collectives intersectorielles;
  • le double seuil pour être reconnu comme un syndicat représentatif dans le secteur privé a été validé par la Cour constitutionnelle. En outre, le taux de syndicalisation dans le secteur privé était de 10,6 pour cent dans les premières statistiques en janvier 2015 publiées après l’abaissement du seuil à 1 pour cent. Le taux de syndicalisation n’a cessé d’augmenter depuis lors: il atteint 74,5 pour cent dans le secteur public et 14,8 pour cent dans le secteur privé. Ces chiffres indiquent une évolution positive sur le terrain;
  • en ce qui concerne le Conseil d’arbitrage des fonctionnaires, le gouvernement précise que ces magistrats ne sont pas subordonnés au pouvoir exécutif et que l’indépendance du pouvoir judiciaire est garantie.
Les membres employeurs réaffirment l’importance capitale du respect de la convention no 98, par tous les pays Membres de l’OIT, en tant que convention fondamentale. Le droit d’organisation et de négociation collective, tant pour les employeurs que pour les travailleurs, est une condition essentielle pour garantir l’application de toutes les normes de l’OIT. Nous insistons pour que les législations et les pratiques nationales garantissent ce droit fondamental. Les actes antisyndicaux doivent donc être sanctionnés de manière juste et efficace. Les gouvernements doivent promouvoir activement la liberté de négociation collective par les partenaires sociaux.
Les membres employeurs souhaitent faire les remarques suivantes sur ce point: nous considérons que la législation actuelle, qui prévoit un seuil de représentativité de 1 pour cent des travailleurs du secteur pour la capacité des syndicats à négocier collectivement, est compatible avec l’article 4. Il s’agit de déterminer la meilleure façon d’atteindre l’objectif de promotion de la négociation collective. L’article 4 laisse une marge d’appréciation aux gouvernements pour régler cette question. Avec la loi no 6356, la réduction du seuil légal de 3 pour cent à 1 pour cent des travailleurs de la branche d’activité a eu un impact positif sur le mécanisme de négociation collective. Les partenaires sociaux étaient parvenus à un consensus préalable pour réduire ce seuil, car ils craignaient que sa suppression pure et simple n’entraîne des pratiques malveillantes et un retour à une organisation chaotique des relations industrielles. Vu qu’il existe 228 syndicats en Türkiye, le groupe des employeurs estime légitime de fixer des seuils objectifs audelà desquels un syndicat peut être autorisé à conclure des conventions collectives. Actuellement, 60 syndicats sur 228 répondraient à ces critères. Les membres employeurs précisent que, si une organisation d’employeurs ou un syndicat librement créé refuse de respecter les conditions de représentativité ou ne respecte pas les règles du dialogue social, alors il faudrait plutôt les considérer comme de simples groupes de pression. La qualification de partenaires sociaux implique une rigueur liée à la représentativité des membres, un fonctionnement démocratique et une prise de responsabilité pour négocier des accords sociaux équilibrés, contrairement à la qualification d’organisation non gouvernementale (ONG). Seuls les partenaires sociaux peuvent demander l’intervention de l’OIT lorsque leurs droits sont menacés ou violés.
Les membres employeurs soulignent l’importance des discussions nationales tripartites qui ont eu lieu en avril dernier au sein de l’assemblée du travail. Cette réunion donnera prochainement lieu à une déclaration commune qui contiendra des engagements de toutes les parties afin de renforcer la démocratie sociale. Conformément aux décisions de cette assemblée du travail, des souscommissions ont été créées pour examiner la législation sur les syndicats et la loi sur la négociation collective dans la fonction publique. Ces souscommissions ont déjà commencé leurs travaux.
Je termine mon intervention par deux points d’attention. D’une part, il est important que la législation sur la négociation collective dans le secteur public soit applicable à tous les travailleurs des services publics, conformément à la convention, même si certaines exceptions sont justifiables dans le secteur public. D’autre part, le niveau de négociation collective dans le secteur privé devrait être librement choisi et fixé par les partenaires sociaux euxmêmes plutôt que par la loi. Nous espérons que les partenaires sociaux discuteront notamment du niveau intersectoriel dans le prolongement de l’assemblée du travail initiée en avril.
Membre travailleur, Türkiye – Cela fait des années que nous examinons, au sein de cette commission, le cas de la Türkiye concernant la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention no 98. Nous sommes ravis de constater les progrès accomplis, comme l’introduction du système du portail électronique de l’État qui remplace l’ancien système d’enregistrement des syndicats et de démission.
Malgré ces efforts, les problèmes concernant la législation et sa mise en œuvre persistent. Les licenciements antisyndicaux demeurent un problème important. Le cadre juridique réglementant la protection de l’emploi n’est pas adéquat. La réintégration des travailleurs en cas d’injustice et de licenciement antisyndical est rare dans la pratique. Lorsqu’une décision de justice ordonne la réintégration, les employeurs préfèrent généralement payer les indemnités et la période de préavis plutôt que d’opter pour la réintégration. Lorsqu’il est mis fin unilatéralement au contrat de travail, l’employeur notifie aux autorités de ne pas verser d’indemnités. Si un travailleur affirme qu’il y a un licenciement abusif, il doit porter l’affaire en justice, ce qui représente une procédure longue et coûteuse pour le plaignant. En outre, si la moitié des travailleurs qui démissionnent en Türkiye semblent le faire de leur plein gré, ils sont en fait contraints de signer le document de démission au préalable. Il s’agit d’une stratégie de l’employeur lui permettant d’invoquer des motifs juridiques pour ne pas verser d’indemnités. En outre, les travailleurs ne peuvent pas prétendre à des prestations de chômage puisqu’ils ont démissionné soi-disant volontairement.
Les procédures judiciaires prolongées visant à déterminer la compétence en matière de conclusion de conventions collectives constituent un autre problème important, ainsi que l’une des principales causes de désyndicalisation. Un autre aspect de cette question est la contestation de la compétence, qui ouvre la voie à une procédure judiciaire peu claire, entraînant aussi des démissions du côté des syndicats. Au niveau de la branche, le seuil était de 10 pour cent par le passé. Il a été ramené à 1 pour cent en 2015, grâce au consensus auquel sont parvenus les partenaires sociaux. Une mission technique du BIT s’est également rendue en Türkiye et a participé au dialogue.
En vertu de l’article 41 (1) de la loi no 6356, le seuil au niveau de la branche joue un rôle de réglementation qui permet la participation des syndicats les plus représentatifs et les plus puissants.
Il convient d’affirmer clairement qu’une organisation syndicale au niveau du lieu de travail, là où les employeurs et les partis politiques peuvent intervenir, n’est pas un système qui serait dans l’intérêt collectif des travailleurs en Türkiye. L’absence de seuil au niveau de la branche peut entraîner la multiplication de la dispersion syndicale. Outre ce risque, les organisations au niveau microéconomique peuvent être influencées par les employeurs, en cherchant à affaiblir le mouvement syndical organisé. En outre, en vertu de la législation en vigueur, il ne peut y avoir qu’un seul syndicat autorisé à conclure la convention collective sur un même lieu de travail. Ces accords ont été conclus dans le cadre d’un dialogue avec les partenaires sociaux, en tenant compte d’expériences passées. D’une manière générale, le pouvoir législatif devrait interpréter plus largement le droit d’organisation, de manière à en garantir l’exercice à toutes les personnes présentes sur le marché du travail. Je ne veux pas empiéter sur le temps de mon collègue qui parlera du droit d’organisation et de négociation collective des fonctionnaires, auquel la commission d’experts se réfère largement dans son rapport.
Autre membre travailleur, Türkiye – Au nom de la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (Türkiye KAMU-SEN), l’une des confédérations représentatives des employés du secteur public en Türkiye, je souhaiterais ajouter quelques informations relatives aux problèmes des travailleurs du secteur public.
D’après le rapport de la commission d’experts, l’article 15 de la loi no 4688 sur les syndicats de fonctionnaires non seulement interdit au personnel pénitentiaire, aux travailleurs suppléants et aux fonctionnaires travaillant sans contrat de travail écrit de s’affilier à un syndicat, mais prévoit aussi une interdiction générale qui couvre environ 20 pour cent des agents de la fonction publique. Nombre de ces travailleurs, à l’exception des membres des forces armées, de la police et des fonctionnaires commis à l’administration de l’État, sont toujours privés de leurs droits d’organisation et de négociation collective en raison de l’interdiction actuelle prévue dans cet article.
Le rapport de la commission d’experts mentionne également la question des fonctionnaires licenciés dans le cadre de l’état d’urgence, instauré en raison de circonstances exceptionnelles liées à une tentative de coup d’État militaire en 2016, appuyée par l’organisation terroriste FETÖ. Toutes les forces judiciaires, les ONG et la quasi-totalité de notre population ont pris position contre la FETÖ, en fermant les routes et les espaces publics et en manifestant. Nous avons réussi à nous en débarrasser en six heures. Notre pays a perdu 252 personnes et les milliards de dollars perdus ont ruiné notre économie. Comme suite à cette tentative manquée, l’état d’urgence a été immédiatement décrété et les institutions et les organisations de l’État ont ouvert une vaste enquête pour repérer toutes les activités de la FETÖ et d’autres organisations terroristes, ainsi que pour établir leurs liens avec des agents de la fonction publique. Comme suite aux analyses menées, les agents pour lesquels il a été établi qu’ils avaient des liens avec la FETÖ et d’autres groupes terroristes, à des fins judiciaires, devaient être démis de leurs fonctions et bénéficier de la protection requise pendant les enquêtes judiciaires, comme le prévoient la loi sur les fonctionnaires et le Code pénal. Toutefois, compte tenu de certaines décisions judiciaires internes et externes et des décisions de la commission d’enquête mentionnées dans le rapport, il ne fait aucun doute que certains licenciements ont eu lieu sans passer par les procédures administratives, judiciaires et d’investigation régulières. Les autorités ont déclaré, à la fin de ce processus, que des remboursements et des indemnités pour les pertes économiques et morales avaient été pris en compte. Mais les procédures sont toujours en cours et le problème demeure. Il est important que le gouvernement établisse une nouvelle réglementation dès que possible pour préciser les étapes du processus concernant les fonctionnaires qui se trouvent dans cette situation. La discrimination antisyndicale dans ce secteur est une réalité depuis de nombreuses années, comme l’a dûment noté la commission d’experts. Malgré des centaines de plaintes déposées à leur encontre, aucun administrateur public concerné par la discrimination antisyndicale des fonctionnaires n’a été sanctionné.
D’autre part, la question du seuil de représentativité de 2 pour cent mentionnée dans le rapport de la commission d’experts, au profit du syndicalisme des agents de la fonction publique, vise à ouvrir la voie à un syndicalisme constructif. Des seuils similaires sont généralement établis dans le syndicalisme, de manière à encourager des syndicats représentatifs plus puissants, dans le contexte d’un syndicalisme constructif. Le seuil appliqué dans notre pays permet d’avoir des syndicats représentatifs puissants en raison du nombre de membres, au lieu de répartir le pouvoir entre de multiples petits syndicats marginaux qui manquent de poids. Nous soutenons donc l’application de ce seuil, de manière à mettre en place des syndicats autorisés plus puissants.
Compte tenu du processus de négociation collective, de sa durée, de sa portée, de l’autorisation accordée aux représentants, de la compétence en matière de signature, de l’inadéquation des réglementations des systèmes de négociation collective de branche et générale, le droit syndical des travailleurs du secteur public se heurte à de nombreux problèmes.
Par conséquent, je souhaiterais proposer au gouvernement et à tous nos syndicats de se réunir sous la direction du gouvernement, ainsi que de revoir et de mettre en œuvre la loi sur les syndicats de travailleurs du secteur public sur la base de la convention.
Membre employeur, Türkiye Les observations de la commission d’experts sur la Türkiye, concernant la mise en œuvre des articles 1, 2 et 3 de la convention, se fondent principalement sur des licenciements massifs dans le secteur public en application des décrets adoptés pendant l’état d’urgence.
Après la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016, une commission d’enquête a été créée suite aux demandes présentées contre des décisions ordonnant la dissolution de syndicats pendant l’état d’urgence, décisions qui peuvent faire l’objet d’un recours devant les tribunaux administratifs d’Ankara. Les motifs de dissolution des syndicats et de licenciement des syndicalistes peuvent être examinés par les tribunaux administratifs à la suite d’une demande, ce qui constitue un recours légal régulier et effectif.
La commission d’experts a également formulé des observations sur l’application de l’article 1 de la convention concernant la protection adéquate contre les licenciements antisyndicaux. Les dispositions de la loi no 4857 sur le travail concernant les licenciements injustifiés sont conçues dans le droit fil de la convention (no 158) sur le licenciement, 1982, qui n’impose pas non plus la réintégration.
Conformément à l’article 25 de la loi no 6356, un travailleur pour lequel il a été mis fin au contrat de travail pour raison syndicale a le droit d’engager une action en justice en vue de sa réintégration dans un poste de travail. Si, lors d’un procès visant à la réintégration, il est établi qu’il a été mis fin au contrat de travail pour raison syndicale, une indemnité syndicale doit être versée, dont le montant ne doit pas être inférieur à une année de salaire du travailleur. Ce montant fait office de mesure dissuasive destinée à la protection du travailleur contre les licenciements antisyndicaux.
Par ailleurs, l’article 118 du Code pénal prévoit la sanction pénale encourue pour licenciement antisyndical. Aux termes de cet article, le recours à la force pour empêcher l’exercice des droits syndicaux est une infraction, passible d’une peine de prison et quiconque emploie la force ou la menace à l’égard d’une personne afin de la contraindre à s’affilier ou non à un syndicat, à participer aux activités d’un syndicat ou à quitter son poste dans un syndicat ou à la direction d’un syndicat, encourt entre six mois et deux ans de prison. Contrairement à ce qu’indiquent les observations de la commission d’experts, cette disposition concerne bien les licenciements antisyndicaux.
En outre, en vertu de l’article 78 (1) de la loi no 6356, toute personne qui inscrit un membre à un syndicat par la force ou sous la pression, en violation de la liberté syndicale, ou qui oblige un travailleur à rester affilié ou à démissionner, est passible d’une amende administrative pour chaque cas.
Nous, employeurs turcs, considérons donc que toutes ces dispositions contiennent une protection juridique adéquate contre les licenciements antisyndicaux, tant dans le secteur privé que dans le secteur public.
L’article 15 de la loi sur les syndicats de fonctionnaires est un autre point concernant les observations de la commission d’experts au titre de l’application de l’article 2 de la convention qui prennent en compte les plaintes déposées par différentes organisations de travailleurs concernant le champ d’application de l’article 2 de la convention. En ce qui concerne les plaintes, les observations de la commission d’experts portent sur la mise en conformité de l’article 15 de la loi sur les syndicats de fonctionnaires avec la convention.
Aux termes de la phrase ajoutée au cinquième paragraphe de l’article 90 de la Constitution de la République, en 2004, «en cas de conflit entre les traités internationaux en matière de libertés et droits fondamentaux dûment mis en vigueur et les lois nationales, les dispositions des traités internationaux priment».
Dans ce contexte, la décision de la Cour constitutionnelle sur la question de savoir si les fonctionnaires travaillant à la direction des palais nationaux de la présidence peuvent être privés du droit de se syndiquer est en instance. En appel de la décision concernant ce point, la neuvième chambre civile de la Cour de cassation, ne tenant pas compte de l’interdiction prévue par la législation, a considéré les conventions de l’OIT au regard des termes de l’article 90, paragraphe 5, de la Constitution, et conclu que ces fonctionnaires avaient le droit de se syndiquer. Ainsi, en dépit de l’interdiction figurant à l’article 15 de la loi no 4688, les conventions de l’OIT auxquelles la Türkiye est partie ont fondé cette décision.
Ces décisions démontrent les progrès réalisés par les organes judiciaires sur la voie de la reconnaissance des droits syndicaux des fonctionnaires en Türkiye. Nous, employeurs turcs, pensons que tous les agents, à quelques exceptions près, travaillant dans le secteur public devraient jouir du droit de se syndiquer.
Une autre question concernant les observations de la commission d’experts sur l’application de l’article 4 de la convention concerne la promotion de la négociation collective en vue de modifier l’article 34 de la loi no 6356 (loi sur les syndicats et les conventions collectives de travail) afin de garantir que les parties du secteur privé qui le souhaitent peuvent, sans entrave, conclure des accords intersectoriels régionaux ou nationaux.
Une autre question concernant les observations de la commission d’experts sur l’application de l’article 4 de la convention concerne la détermination du syndicat le plus représentatif et les droits des syndicats minoritaires. Le système existant est le produit d’un système de relations professionnelles bien établi depuis longtemps en Türkiye. L’abaissement en 2015 de 3 à 1 pour cent des seuils de représentativité au niveau des branches pour devenir un agent de négociation sur le lieu de travail a eu un impact positif sur le taux de syndicalisation.
Toutefois, les employeurs turcs ne pensent pas que la suppression du seuil de représentativité au niveau de la branche aura un impact positif similaire sur le taux de syndicalisation ainsi que sur la capacité des syndicats, en particulier des syndicats indépendants non affiliés à de grandes confédérations, à utiliser les mécanismes de négociation collective.
Enfin, je tiens à souligner que les employeurs turcs accordent la plus haute priorité au système de contrôle de l’OIT. Nous estimons qu’il faut respecter la crédibilité et la transparence de la commission si l’on veut parvenir à un haut niveau de conformité avec les normes internationales du travail.
Membre gouvernementale, Belgique – J’ai l’honneur de m’exprimer au nom de l’Union européenne (UE) et de ses États membres. La Macédoine du Nord et le Monténégro, pays candidats, et l’Islande et la Norvège, pays de l’Association européenne de libre-échange et membres de l’Espace économique européen, souscrivent à cette déclaration.
L’UE et ses États membres sont attachés à la promotion, à la protection, au respect et à la réalisation des droits de l’homme, y compris les droits au travail.
Nous encourageons activement la ratification et la mise en œuvre universelles des normes internationales fondamentales du travail. Nous soutenons l’OIT dans son rôle indispensable d’élaboration, de promotion et de contrôle de l’application des normes internationales du travail ratifiées et des conventions fondamentales en particulier.
L’UE et ses États membres ont un intérêt stratégique en ce qui concerne le développement d’une relation de coopération mutuellement bénéfique avec la Türkiye, pays candidat et partenaire clé de l’UE. C’est une relation tissée de longue date, avec un accord d’association conclu en 1963 et une union douanière convenue en 1995.
Nous prenons note avec une profonde préoccupation des observations de la commission d’experts selon lesquelles, après les licenciements massifs ayant fait suite à la tentative de coup d’État de 2016, les fonctionnaires affirmant que leur licenciement en vertu de l’application des lois d’urgence était motivé par des raisons antisyndicales n’ont pas eu accès à une procédure efficace, rapide et équitable les protégeant contre le licenciement antisyndical. Compte tenu que le mandat de la commission d’enquête sur les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence est venu à échéance, nous invitons le gouvernement à prendre les mesures adéquates pour garantir la tenue d’enquêtes indépendantes, rapides et approfondies sur ces allégations, par voie de procédures efficaces et rapides, assorties des garanties nécessaires d’une procédure régulière, et de faire part des mesures prises. En l’absence de système de recours et de réparation efficace et rapide contre les licenciements prononcés pendant l’état d’urgence, nous nous faisons l’écho de la préoccupation exprimée par la commission d’experts quant au manque d’informations sur le fait que les pouvoirs d’exception continuent d’être exercés. Nous invitons le gouvernement à accéder à la demande de la commission d’experts et à communiquer ses observations au BIT sur cette question.
Les licenciements antisyndicaux demeurent une préoccupation s’agissant du secteur privé également. Nous prenons note de l’absence d’indemnité minimum et de sanction administrative ou pénale en cas de licenciement antisyndical et relevons que l’employeur qui choisit de verser une indemnité financière peut refuser d’exécuter une décision de réintégration rendue par la justice. Comme la commission d’experts, nous appelons le gouvernement à adopter des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives contre les licenciements antisyndicaux dans le secteur privé et à fournir des informations sur la pratique judiciaire au moment de déterminer le montant de l’indemnité accordée aux travailleurs licenciés pour des motifs antisyndicaux.
Comme la commission d’experts, nous demandons au gouvernement de garantir une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale dans le secteur public, de prendre des mesures pour que la législation garantisse l’indemnisation complète pour le préjudice subi, du point de vue tant professionnel que financier, et de prévoir des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives.
Les mesures prises par le gouvernement pour protéger l’ordre public ne devraient pas priver les organisations de travailleurs de leur droit d’organiser des manifestations pacifiques et des réunions publiques pour défendre leurs intérêts. À cet égard, nous rappelons l’appel lancé par la commission d’experts qui a demandé au gouvernement de s’abstenir d’arrêter, de placer en détention et de poursuivre des travailleurs et des syndicalistes pour avoir participé à des réunions publiques pacifiques.
Nous regrettons que le gouvernement dise que la collecte et l’enregistrement des données sur la discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé continuent de poser des difficultés conséquentes. Nous rappelons que la Commission de la Conférence a adressé cette demande au gouvernement en 2013 et nous invitons le gouvernement à améliorer les systèmes de collecte de données et les bases de données institutionnelles.
Nous invitons le gouvernement à répondre aux préoccupations de la commission d’experts afin de garantir que davantage d’organisations de travailleurs, y compris minoritaires, peuvent participer à la négociation collective, et à faire rapport au BIT sur cette question.
Nous nous faisons l’écho de l’appel lancé par la commission d’experts et nous invitons la Türkiye à mettre sa législation nationale en conformité avec les prescriptions de la convention fondamentale no 98 afin de garantir que les hauts fonctionnaires, les magistrats, le personnel pénitentiaire, les travailleurs suppléants, les fonctionnaires sans contrat écrit et les retraités peuvent jouir du droit de constituer des organisations et de s’y affilier, ainsi que l’exercer.
Nous regrettons de lire les informations fournies par la commission d’experts d’après lesquelles les dispositions juridiques actuelles empêchent la négociation de conventions collectives à tous les niveaux et nous invitons le gouvernement à donner suite aux recommandations de la commission afin de veiller à ce que les parties du secteur privé souhaitant conclure des accords intersectoriels régionaux ou nationaux puissent le faire.
Nous encourageons le gouvernement à garantir la pleine application de la convention en consultant pleinement les partenaires sociaux.
L’UE et ses États membres demeurent attachés à un dialogue constructif commun avec la Türkiye et saluent l’engagement récent du gouvernement auprès de l’OIT. Nous encourageons la poursuite des échanges entre le gouvernement et l’OIT dans le but de mettre en œuvre les recommandations de la commission d’experts.
Membre gouvernemental, Kazakhstan – Ma délégation remercie la représentante gouvernementale pour son intervention. Nous prenons note de la volonté du gouvernement d’observer les conventions de l’OIT et nous félicitons des progrès qu’il a accomplis afin de donner suite aux recommandations de la commission d’experts.
Ces dernières années, le gouvernement a fait preuve d’efforts dans le but de renforcer son cadre législatif et de l’adapter pour le mettre en conformité avec les normes de l’OIT, en particulier en modifiant les textes sur les syndicats et en améliorant les conditions de travail. Il faut tenir compte des changements apportés récemment au règlement des conflits collectifs du travail par l’organisation des procédures de médiation en la matière, l’élargissement des compétences de la Commission d’indemnisation des droits de l’homme et l’alignement des droits syndicaux sur les normes de l’OIT.
Nous nous félicitons de la bonne volonté du gouvernement qui souhaite entamer un débat ouvert sur ce qu’il y a lieu de faire pour améliorer davantage la situation des syndicats. Nous invitons le gouvernement à poursuivre ses efforts. Nous sommes persuadés que la Türkiye, qui remplit ses obligations en matière de rapports sur les conventions qu’elle a ratifiées, continuera à travailler étroitement avec l’OIT et les partenaires sociaux.
Membre travailleur, Pays-Bas – Je m’exprime également au nom des travailleurs coréens, nordiques et belges. La convention no 98 porte sur le droit d’organisation et de négociation collective dont l’article premier dit que «[l]es travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi».
Bien que la Constitution de la Türkiye et sa loi sur les syndicats disposent que chaque travailleuse et chaque travailleur a le droit de choisir son organisation syndicale, il n’en va pas de même dans la réalité. L’exercice de la liberté syndicale est conditionné par la conception qu’a le gouvernement de ce droit, ce qui se traduit, dans les faits, par de la discrimination antisyndicale.
Le gouvernement a des politiques et des pratiques, comme la loi antiterroriste et le Code pénal, qu’elle utilise pour museler les syndicats lorsque, par exemple, la KESK mène ses activités syndicales habituelles en distribuant du matériel syndical et en organisant des actions qui ne vont pas dans le sens des politiques du gouvernement.
La commission d’experts a pris note des observations de la KESK, d’après lesquelles, en tout, ce sont 4 267 de ses adhérents qui ont été licenciés, dans tous les secteurs publics, en application des décrets-lois de l’état d’urgence. Selon la KESK, ces licenciements furent arbitraires et opaques et ne permettaient aucune voie de recours. Des agents de la fonction publique n’ont pu avoir connaissance des accusations portées contre eux et n’ont pu se défendre. La KESK affirme que la commission d’enquête n’a apporté aucun recours efficace contre les licenciements antisyndicaux et qu’elle a plutôt servi à punir les syndicalistes par l’absence d’une procédure judicaire régulière et de décisions de justice raisonnables.
Comme la KESK en a témoigné devant la commission d’enquête, il n’existe pas de mécanisme transparent qui permettrait aux fonctionnaires de contester les moyens de preuve retenus contre eux. La KESK déclare enfin que, maintenant que la commission d’enquête a achevé ses travaux, ses membres et ses cadres licenciés doivent se tourner vers la justice administrative et entamer des procédures qui pourraient durer jusqu’à dix ans avant d’obtenir une décision définitive. Dans la pratique, l’article 1 de la convention est violé de multiples manières. Le gouvernement et les dirigeants d’institutions publiques privilégient certaines confédérations tandis qu’ils exercent des pressions accrues sur les membres et les dirigeants des syndicats indépendants et démocratiques. Ce qui explique qu’ils soient mutés de force. Les pouvoirs publics se comportent de manière très arbitraire et les syndicats indépendants sont en butte à la discrimination. Il n’existe aucune sanction dissuasive pour les responsables publics qui violent leurs droits.
Interprétation de l’arabe: Membre gouvernementale, Tunisie – Ma délégation souhaite la bienvenue à la délégation du gouvernement de la Türkiye et exprime ses remerciements pour les informations données sur les efforts déployés par le pays pour mettre en œuvre les dispositions de la convention.
Nous nous félicitons des procédures administratives prises par le gouvernement pour respecter les normes internationales en révisant son Code du travail ainsi que le droit syndical, pour assurer l’efficacité du dialogue social et des procédures de négociation collective. Ma délégation se félicite des efforts faits pour renforcer les mécanismes de consultation. Des décisions ont été adoptées pour améliorer les droits des travailleurs et des employeurs. Ces mesures montrent l’engagement du pays pour défendre les normes internationales. En raison des engagements pris, la délégation félicite le gouvernement des résultats obtenus et l’encourage à poursuivre ses efforts pour que sa législation soit alignée sur les normes internationales en tenant compte des remarques de la commission et de la commission d’experts.
Interprétation de l’allemand: Membre travailleuse, Allemagne – C’est avec une vive préoccupation que nous avons appris que beaucoup de collègues sont toujours détenus dans les prisons turques à la suite de leurs activités du 1er mai 2024 et nous prions instamment le gouvernement de les remettre en liberté et de libérer d’autres détenus.
Le rapport de la commission d’experts fait état d’un défaut de protection dans la législation. Si un employeur licencie un travailleur en raison de son activité syndicale, celui-ci peut se pourvoir devant les tribunaux, mais la procédure n’aboutira pas à une réintégration, seulement à une indemnisation. Le montant de cette indemnité n’est pas précisé dans la loi et, dans les faits, nous avons constaté que les sommes versées sont bien trop faibles pour avoir le moindre effet dissuasif. En outre, les procédures légales sont beaucoup trop longues pour les travailleurs concernés, jusqu’à quatre ans.
Le fait qu’en Türkiye les collègues ne soient pas suffisamment protégés contre le licenciement pour activités syndicales a déjà été corroboré par la CEDH en 2017, dans l’affaire Tek Gıda İş Sendikası, mais nous sommes toujours dans la même situation aujourd’hui. Le recours au licenciement pour empêcher la syndicalisation est la forme la plus répandue de pratique antisyndicale.
Une protection effective contre le licenciement est d’une importance capitale, en particulier au début de la syndicalisation du personnel d’une entreprise, sinon il est trop facile pour les employeurs de licencier des travailleurs syndiqués contre le paiement de sommes modiques.
C’est ce que démontre aussi de manière impressionnante une étude du Syndicat turc des ouvriers de la métallurgie: sur un an et demi, 875 de ses adhérents ont été licenciés au cours des premiers pas de l’organisation.
La protection contre le licenciement illicite d’un travailleur en raison de son affiliation syndicale qu’énonce l’article 1 de la convention constitue une base essentielle de l’exercice du droit d’organisation. Son absence rend impossible l’exercice du droit de négociation collective. Les employeurs peuvent alors faire ce que bon leur semble à moindre frais. L’exigence minimale de cette protection est le droit à la réintégration, comme énoncé dans le rapport de la commission d’experts et comme c’est de pratique courante en Allemagne.
Dans ces conditions, nous appelons le gouvernement à instituer un droit légal au maintien de l’emploi en cas de licenciement pour cause d’activité syndicale.
Membre gouvernemental, Pakistan – Nous reconnaissons et prenons note de l’engagement que manifeste la République de Türkiye envers le système de contrôle de l’OIT. Nous rappelons que le dialogue et l’engagement restent les meilleurs outils pour répondre à toutes les préoccupations et promouvoir les droits au travail et les normes du travail. Le Pakistan salue les mesures positives prises par la République de Türkiye en vue de l’application de la convention au sein du cadre tripartite de l’OIT. Nous nous félicitons des efforts que déploie la Türkiye en matière de législation du travail et de réforme judiciaire, de dialogue social et de coopération internationale. Ces initiatives témoignent d’une grande détermination à faire progresser les droits des travailleurs et à les aligner sur les normes de l’OIT. Le Pakistan salue les efforts de la Türkiye et prie instamment l’OIT de prendre en considération ses réalisations et les défis auxquels elle est confrontée.
Membre travailleur, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord – Je m’exprime au nom des travailleurs du Royaume-Uni et la Fédération américaine du travail et Congrès des organisations professionnelles (AFL-CIO) des États-Unis d’Amérique s’associe à ma déclaration.
De nombreux travailleurs de Türkiye, ayant subi un licenciement pendant l’état d’urgence, sont, bien des années plus tard, pris au piège d’une procédure judiciaire interminable et différée. Ces travailleurs, licenciés sans aucun procès, ne peuvent reprendre leur vie professionnelle sans une série d’interventions d’une justice lente et manquant de moyens.
Dans un cas, le gouvernement a fait ouvertement et arbitrairement preuve d’injustice en appliquant rétrospectivement les dispositions liées à l’état d’urgence en réaction à la publication d’une déclaration conjointe – qui relève de l’exercice pacifique de la liberté d’expression – avant la survenue de l’état d’urgence. Il a arrêté, visiblement de manière aléatoire, une partie des personnes à l’origine de la déclaration et a ensuite laissé le soin à un système judiciaire sous-financé d’anéantir lentement tout espoir de réintégration. Dixsept pour cent des personnes concernées ont finalement été innocentées, mais près de la moitié d’entre elles ont ensuite perdu un appel interjeté par le gouvernement et ont à nouveau perdu leur emploi. En fin de compte, à peine 10 pour cent des personnes qui avaient été injustement arrêtées et surtout placées sur liste noire ont récupéré un semblant de vie normale.
Les victimes de licenciements massifs doivent d’abord s’adresser aux tribunaux administratifs – nous signalons ici que 100 000 personnes dans ce cas attendent toujours que justice soit rendue. Or il n’y a pas plus de dix tribunaux administratifs. Les syndicats turcs ont estimé que, sans moyens supplémentaires, il faudra dix ans à ces tribunaux pour résorber l’arriéré; dix années pendant lesquelles ces travailleurs ne pourront pas exercer leurs compétences ni faire valoir leur expérience dans leur domaine, souvent contraints d’accepter des emplois mal rémunérés. Et, à la fin de cette longue attente, si le tribunal administratif leur donne raison, leur cas doit passer devant la juridiction supérieure et enfin devant la Cour constitutionnelle, ce qui prend encore plusieurs années. À cette étape, une victoire en justice peut leur permettre d’obtenir l’application de leur recours dans un délai de deux ans, ce qui n’arrive que très rarement avant cette échéance.
Un fonctionnaire au sommet de sa carrière au moment de son licenciement prendra sa retraite, probablement sans ressources, après avoir été empêché de donner la pleine mesure de ses capacités pendant la moitié de sa vie professionnelle.
Déjà en 2018, la commission d’experts faisait part de sa profonde préoccupation face à la situation telle qu’elle avait évolué, compte tenu du nombre élevé de suspensions et de licenciements que continuaient de subir des responsables et des membres syndicaux, et espérait que les tribunaux réintégreraient tous les syndicalistes licenciés pour des raisons antisyndicales ou relevant de l’ingérence.
Six ans plus tard, ces syndicalistes pris au piège de ce simulacre de justice évoluant à la vitesse d’un escargot attendent toujours réparation. L’inaction du gouvernement témoigne d’un mépris cruel pour leur vie et, pour dire les choses franchement, pour le système de contrôle de l’OIT.
L’attente a assez duré. Au moins 60 membres de syndicat se sont suicidés en attendant la fin de ce processus et, sombre rebondissement, nombre d’entre eux ont finalement été blanchis. Non seulement l’attitude mollassonne du gouvernement gâche des vies, mais elle en prend aussi.
Membre gouvernemental, Azerbaïdjan – Tout d’abord, nous voudrions souligner que la Türkiye entretient depuis longtemps des relations étroites avec l’OIT et qu’elle a été l’un des premiers pays à ratifier la convention.
Ces onze dernières années, la Türkiye a apporté d’importants changements à sa législation du travail et notamment aux lois sur les syndicats. Ces réformes ont grandement amélioré le dialogue social, les droits syndicaux et les procédures de négociation collective en les rendant plus accessibles et efficaces.
Nous estimons que l’extension du mandat et des pouvoirs de la Commission d’indemnisation dans le domaine des droits de l’homme, dont la mission est d’accélérer les procédures judiciaires dans le cadre des récentes réformes de la justice, est un progrès significatif pour la Türkiye. De ce fait, et grâce à des procès plus courts, les cas liés aux questions syndicales pourraient être réglés plus rapidement. La relance des mécanismes de consultation tripartite en Türkiye est également louable.
Les efforts constants de la Türkiye, tant en ce qui concerne les réformes de la législation du travail et du système judiciaire, que le dialogue social et la coopération internationale, témoignent de la volonté du pays d’améliorer les droits des travailleurs et de se conformer aux normes de l’OIT.
Membre travailleur, Sri Lanka – Avant toute chose, je souhaite faire remarquer que la Türkiye entretient depuis longtemps des relations étroites avec l’OIT et les organisations de travailleurs et d’employeurs concernées pour promouvoir les normes du travail et les droits des travailleurs, et qu’elle s’est engagée à consolider ces droits.
La Türkiye a procédé à des changements importants au cours des dix dernières années, notamment en ce qui concerne la détermination de la branche d’activité, la réglementation de la question de la compétence, la mise en place d’un service électronique d’affiliation syndicale et l’adoption de procédures de médiation dans le cadre de sa législation du travail, en consultation avec les partenaires sociaux.
La commission devrait tenir compte des efforts considérables et des progrès significatifs accomplis dans le monde du travail malgré les difficultés rencontrées dans le même temps. Je suis très fier de participer à la Conférence; le certificat «drapeau blanc», qui vise à encourager la syndicalisation et l’emploi enregistré, constitue une évolution très positive et importante que nous appuyons.
Nous félicitons le gouvernement pour sa participation au groupe de coordination de la Coalition mondiale pour la justice sociale. En tant que travailleurs, nous sommes heureux de participer à ce processus.
La Türkiye a relancé l’un des dispositifs les plus importants du dialogue social, le mécanisme de consultation tripartite. Nous sommes convaincus que les sous-commissions établies dans ce cadre aboutiront à des résultats tangibles en matière de vie professionnelle lors de la révision de la législation.
Nous sommes 25 pays, 33 confédérations et 30 millions de travailleurs à la Conférence. Je m’exprime donc à la Conférence au nom des travailleurs des plantations du Sri Lanka.
Interprétation de l’arabe: Membre gouvernemental, Soudan – Nous nous alignons sur les déclarations du gouvernement de la Türkiye. Nous appuyons les amendements et les réformes menés par la Türkiye pour mettre sa législation en conformité avec les normes internationales du travail et les conventions ratifiées, notamment ici la convention no 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective.
Le Soudan considère que le gouvernement a adopté des mesures fondamentales et des législations qui amélioreront les droits des travailleurs ainsi que d’autres mesures qui permettront aux travailleurs de jouir de leurs droits syndicaux, conformément aux articles de la Constitution et des normes internationales du travail, conformément à la justice sociale, au dialogue social et à la négociation collective.
Le Soudan croit à ce qu’a fait la Türkiye, c’est pourquoi il demande que l’on supprime le pays de la liste des cas individuels, en raison des efforts accomplis.
Membre gouvernemental, Algérie – La délégation algérienne a suivi avec beaucoup d’attention la déclaration faite par la représentante gouvernementale, qui témoigne de la volonté du gouvernement et de son engagement à continuer de collaborer avec l’OIT et à améliorer les normes du travail et les droits des travailleurs. Nous soulignons que la Türkiye a été l’un des premiers pays à signer la convention.
L’Algérie se félicite des mesures positives et essentielles prises par la Türkiye et de ses succès notables dans l’amélioration des conditions de travail, malgré les défis auxquels le gouvernement est confronté. À cet égard, la délégation algérienne a pris note des efforts déployés par le gouvernement pour modifier sa législation du travail, en particulier les textes sur les syndicats. Ces réformes ont grandement amélioré le dialogue social, les droits syndicaux et les procédures de négociation collective, les rendant plus accessibles et plus efficaces, en particulier pour les travailleurs.
En outre, nous notons que la Türkiye a démontré sa volonté d’aligner les droits syndicaux et les procédures de négociation collective sur les normes de l’OIT, en consultation avec les partenaires sociaux. Il s’agit notamment de dispositions et d’améliorations concernant: la détermination de la branche d’activité; la protection des délégués syndicaux; la réglementation de la question de la compétence; le règlement des conflits collectifs du travail; la réglementation de l’interdiction et du report des grèves et des lock-out; la mise en place d’un service électronique d’affiliation syndicale et la revitalisation des mécanismes de consultation tripartites.
La Stratégie nationale pour l’emploi 2024-2028 met l’accent sur l’établissement de partenariats avec les organisations sociales pour lutter contre la discrimination et améliorer les libertés publiques sur le lieu de travail.
Enfin, la délégation algérienne reste convaincue que cette collaboration mutuelle favorise la consolidation des bonnes pratiques en vigueur afin de renforcer les mesures déjà mises en œuvre par le gouvernement pour garantir le respect des normes internationales du travail.
Membre gouvernemental, Philippines – Notre délégation souhaiterait exprimer son soutien à la Türkiye pour sa collaboration continue avec l’OIT et son engagement en matière de normes du travail et de droits des travailleurs. Partenaire de longue date de l’OIT et comptant parmi les premiers signataires de la convention, le pays affirme son engagement envers ces principes fondamentaux.
Ses efforts déployés dans les réformes judiciaires et du droit du travail, dans le dialogue social et dans la coopération internationale témoignent de sa volonté de renforcer les droits des travailleurs et de se conformer aux normes de l’OIT; il en va de même de ses réformes déterminantes de la loi sur les syndicats. En tant que pays pionnier de l’Alliance 8.7, qui se consacre à l’élimination du travail des enfants, et membre actif de la Coalition mondiale pour la justice sociale, la Türkiye démontre qu’elle s’engage en faveur de la défense et de la promotion de la justice sociale, tant à l’échelle nationale qu’internationale.
Il conviendrait d’encourager et de soutenir ses efforts consentis pour se conformer aux normes de l’OIT et faire évoluer les droits des travailleurs en lui fournissant l’assistance technique continue du BIT et des États Membres de l’OIT.
Membre gouvernementale, Indonésie – L’Indonésie félicite la Türkiye pour sa relation solide et de longue date avec l’OIT et pour son engagement total à respecter la convention. La collaboration continue entre le pays et l’OIT souligne l’attachement de la Türkiye à renforcer les normes du travail et à protéger les droits des travailleurs. La commission d’experts devrait reconnaître à la fois les défis importants auxquels la Türkiye a fait face et les progrès remarquables qu’elle a accomplis dans l’amélioration des conditions de travail. Au cours des onze dernières années, elle a mené des réformes substantielles en matière de législation du travail, notamment de législation syndicale, ce qui a contribué à améliorer grandement le dialogue social, les droits syndicaux et les procédures de négociation collective. Cette réforme s’aligne sur les normes de l’OIT qui ont été élaborées en concertation avec les partenaires sociaux et qui améliorent la détermination des branches d’activité, protègent les délégués syndicaux et définissent le champ d’application et le niveau des conventions collectives du travail. Les efforts innovants de la Türkiye, comme la mise en place des services d’adhésion des syndicats et le certificat «drapeau blanc» remis aux entreprises qui respectent les normes de l’OIT, semblent être des approches efficaces pour promouvoir les droits des travailleurs. L’attachement de ce pays pionnier de l’Alliance 8.7 à l’élimination du travail des enfants et sa participation active à la Coalition mondiale pour la justice sociale reflètent son engagement en faveur de la justice sociale également à l’échelle mondiale. La récente réforme visant à renforcer le rôle et les pouvoirs de la Commission d’indemnisation dans le domaine des droits de l’homme mérite d’être soulignée, car elle garantit un règlement rapide des questions d’ordre syndical. En outre, l’approche de la Stratégie nationale pour l’emploi pour 20242028, qui met l’accent sur la lutte contre la discrimination au travail et l’amélioration des libertés publiques, est tournée vers l’avenir. La relance du mécanisme de consultation tripartite et les résultats fructueux des plus de dix réunions avec les partenaires sociaux mettent en évidence l’engagement de la Türkiye en faveur du dialogue social. La création de la sous-commission dans ce contexte permettra de réaliser les premiers examens législatifs professionnels. Au vu de ces actions globales et continues en matière de droit des travailleurs, de réforme législative, d’amélioration du système judiciaire et de coopération internationale, l’Indonésie soutient pleinement les efforts déployés par la Türkiye pour se conformer aux normes de l’OIT. Nous encourageons la commission d’experts à prendre en compte les excellents résultats et l’engagement soutenu du pays en faveur de l’amélioration des droits des travailleurs comme témoignage de son engagement envers la justice sociale et la promotion des droits des travailleurs.
Interprétation du russe: Membre gouvernemental, Fédération de Russie – Nous remercions le gouvernement d’avoir fourni des éclaircissements sur les mesures prises au niveau national en ce qui concerne le respect de la convention. Nous prenons note des progrès significatifs réalisés sur le plan social et du travail, grâce aux efforts du gouvernement, en particulier au cours des onze dernières années, à la suite d’une réforme complète du droit du travail dans le pays. Cela a contribué à renforcer le dialogue social, à améliorer les droits syndicaux et à consolider l’efficacité de la négociation collective. Nous souhaiterions notamment mettre en avant la réforme judiciaire qui a permis de renforcer l’efficacité de la Commission d’indemnisation dans le domaine des droits de l’homme, ainsi que la relance du mécanisme de consultation tripartite. Dans l’ensemble, les mesures prises par le gouvernement témoignent de ses efforts considérables et systématiques déployés pour renforcer les normes du travail, en vue d’améliorer les mécanismes de dialogue tripartite et de garantir les droits des travailleurs en particulier.
Dans ce contexte, nous ne voyons aucune raison d’inclure la Türkiye dans la liste des cas individuels examinés par la commission et encore moins de la classer comme cas «faisant l’objet d’une double note de bas de page». Nous espérons donc que la commission adoptera une approche constructive sur cette question.
Observateur, Confédération syndicale internationale (CSI) – Je m’exprime au nom de la CSI, mais j’appartiens aussi à un syndicat de métallurgistes de Türkiye. C’est pourquoi, avant de commencer mon intervention, je dois dire qu’à l’heure actuelle et depuis le 1er mai, environ 60 travailleurs sont en prison pour le simple fait d’avoir participé à la manifestation du 1er mai. Cet exemple donne une idée de la liberté syndicale en Türkiye à l’heure actuelle. Ainsi, comme beaucoup d’entre vous le savent déjà, la couverture de la négociation collective en Türkiye est assez faible et il ne s’agit pas d’une simple coïncidence, mais bien de problèmes structurels, qui sont très bien définis dans le rapport de la commission d’experts.
Premièrement, il existe un seuil sectoriel national. Selon les propres statistiques du ministère du Travail, plus de 120 000 membres de 171 syndicats différents ne peuvent exercer leur droit d’organisation et leur droit de négociation collective en raison de ce seuil sectoriel. Le gouvernement affirme, d’après le rapport de la commission, qu’il peut modifier ce seuil, mais que les partenaires sociaux ne sont pas d’accord sur ce point. C’est pourquoi ils ne le modifient pas. On ne peut pas supprimer les droits de 100 000 personnes simplement parce que d’autres personnes ne veulent pas qu’elles les exercent.
Supposons qu’un syndicat se situe au-dessus de ce seuil, il lui faut alors 50 pour cent de membres sur le lieu de travail concerné pour entamer des négociations collectives. C’est l’un des seuils les plus élevés au monde et il est pratiquement impossible pour de nombreux travailleurs de jouir de leur droit de négociation collective.
En outre, les membres d’un syndicat peuvent être licenciés pour le simple fait d’avoir adhéré à un syndicat, sans bénéficier de la moindre protection réelle. Les tribunaux ne peuvent même pas ordonner la réintégration des syndicalistes licenciés. Contrairement à ce que notre collègue des employeurs vient de dire au début de cette réunion, cette situation est également dénoncée par la CEDH, qui déclare dans sa décision qu’il n’existe pas de véritable protection contre les licenciements antisyndicaux en Türkiye.
Les licenciements ne sont pas l’apanage du secteur privé, comme le souligne le rapport de la commission d’experts, puisque plus de 100 000 employés du secteur public ont été licenciés en application des décrets-lois adoptés pendant l’état d’urgence. Ces membres sont privés de voies de recours efficaces.
Le rapport de la commission d’experts mentionne également les recours formés par les employeurs contre les certificats de syndicat. La réponse du gouvernement indique que ces procédures judiciaires sont réglées en trois mois, y compris l’appel. Cette affirmation est démentie par les faits. On ne connait aucun cas qui se soit réglé en trois mois. Je ne prétends pas que le gouvernement ait intentionnellement donné des informations erronées à la commission, mais il y a probablement eu un malentendu. Mon propre syndicat a l’expérience de procès qui ont duré sept ans, en moyenne, soit 1 100 jours dans notre cas.
C’est pourquoi nous pensons qu’il est de la plus haute importance d’organiser une mission de haut niveau de l’OIT pour traiter ces problèmes en suspens de manière constructive et productive.
Observateur, Internationale des services publics (ISP) – Je m’exprime également au nom de la KESK en Türkiye. Le rapport de la commission d’experts couvre les questions qui relèvent de la convention; ce n’est pas la première fois qu’elle aborde cette question. Dans mon intervention, je me concentrerai sur les licenciements dans le secteur public. Il ressort de cet examen qu’un nombre considérable de licenciements allaient à l’encontre du droit au travail, et qu’ils ont eu un impact négatif sur les droits syndicaux en Türkiye. Le motif de ces licenciements n’était ni objectif ni justifié mais, bien au contraire, subjectif et arbitraire. La justification générique de ces licenciements, vague, a été appliquée largement à 4 267 membres de la KESK qui critiquaient le gouvernement. Cette justification générique et vague répond aux politiques du gouvernement constitutives de discrimination syndicale. Si nous nous penchons sur la commission d’enquête sur les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, laquelle a achevé son mandat, nous constatons que la présomption d’innocence n’a pas été respectée. En effet, la commission d’enquête, comme l’indique le rapport de la commission d’experts, n’a pas assuré de recours efficaces contre les licenciements antisyndicaux, mais a servi à punir les syndicalistes. En réalité, c’est leur caractère «arbitraire» qui prédomine dans ces licenciements injustes. De fait, des membres de la KESK continuent de subir les conséquences de ces licenciements, alors que huit années se sont écoulées depuis 2016, c’est-à-dire depuis la tentative manquée de coup d’État. Et la procédure judiciaire que les membres de la KESK licenciés ont engagée prendra encore plusieurs années. Rien n’indique que le gouvernement envisage d’accélérer cette action en recours par la voie d’autres mécanismes. On peut donc en déduire qu’il n’y a pas de voies de recours effectif pour les fonctionnaires qui ont été licenciés, comme l’indique le rapport.
On notera aussi que les membres des syndicats œuvrent au quotidien pour sensibiliser à cette question, mais que la plupart de ces activités sont interdites par les autorités publiques ou entravées par les agents de sécurité. Les manifestations du 1er mai à Istanbul en sont un exemple récent. La semaine dernière, le dirigeant du syndicat de l’éducation a été arrêté pour le simple motif d’avoir organisé une action de solidarité avec d’autres syndicats. Toutes ces politiques et pratiques visent à créer et à entretenir un climat de peur. Par conséquent, il faut un contrôle plus actif de l’OIT et, à cet égard, une mission de haut niveau est nécessaire en Türkiye pour examiner toutes ces questions à partir de différentes perspectives dans le pays.
Observateur, IndustriALL Global Union (IndustriALL) – Mon organisation représente 20 syndicats sectoriels des principales industries d’exportation de la Türkiye. Comme mentionné dans le rapport de la commission d’experts, malheureusement, aucun progrès n’a été réalisé dans l’application des conventions nos 87 et 98. Bien que l’article 51 de la Constitution prévoie le droit de constituer librement des syndicats ainsi que de s’y affilier, dans la réalité, ce droit ne peut être exercé en raison de nombreux obstacles dans la pratique.
Je souhaiterais partager avec vous la réalité des secteurs de la fabrication, de l’énergie et de l’exploitation minière.
L’article 17 de la loi nº 6356 sur les syndicats et les conventions collectives prévoit que l’affiliation à un syndicat se fait via le système électronique de l’État. Néanmoins, les travailleurs sont contraints de communiquer leur mot de passe aux employeurs, afin qu’ils vérifient leur affiliation syndicale, ce qui est illégal. IndustriALL reçoit tous les jours des témoignages de travailleurs qui adhèrent à des syndicats, mais qui sont victimes de discrimination antisyndicale. Les syndicalistes subissent des sanctions et des représailles agressives, notamment des intimidations, des menaces ou sont licenciés pour avoir adhéré à nos syndicats affiliés.
Des milliers de travailleurs sont licenciés simplement parce qu’ils font usage de leur droit à la liberté syndicale, protégé et garanti par la Constitution et les conventions internationales.
Les travailleurs licenciés et leurs syndicats saisissent le système judiciaire, et une écrasante majorité des affaires se concluent en faveur des travailleurs avec des verdicts clairs selon lesquels ils ont été licenciés en raison de leur appartenance à un syndicat.
Cela montre clairement qu’il existe une discrimination antisyndicale systémique et généralisée à l’encontre des syndicalistes et que les garde-fous nécessaires pour garantir la liberté syndicale n’ont pas été mis en place.
En outre, je souhaiterais attirer votre attention sur les obstacles dressés par le gouvernement pour empêcher les syndicats d’obtenir une accréditation de négociation collective. Même si un syndicat turc réussit à recruter plus de 50 pour cent des travailleurs sur un lieu de travail ou 40 pour cent dans une entreprise disposant de plusieurs sites, ces deux seuils sont extrêmement élevés. En outre, le processus judiciaire est largement utilisé à mauvais escient pour bloquer l’accréditation des négociations collectives.
Dès lors que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale délivre un document officiel certifiant que le syndicat dispose d’une majorité suffisante de membres sur un lieu de travail pour pouvoir participer aux négociations collectives, l’employeur conteste le document de compétence du ministère en affirmant que le syndicat concerné ne dispose pas de la majorité requise. Cette contestation s’effectue par la voie d’une simple requête, sans qu’il soit nécessaire de fournir des preuves à l’appui.
En raison de ces manœuvres dilatoires de la part des employeurs et du manque d’application du droit des travailleurs, les affaires traînent pendant des années, en moyenne pendant trois ans. C’est inacceptable.
Les règles législatives ne peuvent pas protéger les comportements malveillants. Le principal objectif du droit du travail devrait être de protéger les travailleurs. Or, dans ce cas, ce sont les employeurs malveillants qui sont protégés et les travailleurs qui exercent leurs droits fondamentaux qui sont punis.
Puisque le gouvernement, malgré le soutien et l’assistance technique du BIT, n’a réalisé aucun progrès dans la protection des droits de travailleurs à la négociation collective, IndustriALL prie l’OIT de prendre des mesures supplémentaires, y compris de décider d’une mission de haut niveau, afin de remédier aux violations de la convention commises par la Türkiye.
Observateur, Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) – Des protections adéquates contre les licenciements antisyndicaux sont nécessaires pour protéger les droits des travailleurs et leurs moyens de subsistance, mais elles sont aussi essentielles pour garantir l’existence même des syndicats.
Hélas, l’ITF a dû se présenter devant cette commission à plusieurs reprises au cours de la dernière décennie pour dénoncer la discrimination antisyndicale, en particulier les licenciements et les atteintes contre le droit d’organisation dans plusieurs secteurs de l’économie de la Türkiye, plus particulièrement dans l’aviation civile, la logistique et le transport ferroviaire.
Aujourd’hui, nous souhaitons signaler un cas de discrimination antisyndicale dans un port de la province de Bursa, dans le nord-ouest de la Türkiye.
Le 2 mars 2024, il y a tout juste trois mois, le syndicat LIMAN-İŞ a commencé à se constituer dans ce port. Quatre-vingt-cinq pour cent des travailleurs d’une entreprise ont décidé de s’affilier au syndicat. Le 20 mars, six travailleurs ont été licenciés au seul motif de leur affiliation. Leurs collègues ont entamé un arrêt de travail de quatre jours pour protester contre ces licenciements. Alors que ces travailleurs étaient l’objet d’intimidations de la police, des députés du Parlement sont intervenus et ont joué un rôle de médiation dans le conflit, à la suite de quoi les travailleurs ont été réintégrés. L’entreprise s’est alors engagée à ne plus entraver la constitution du syndicat.
Mais la situation s’est détériorée. Presque immédiatement, l’employeur a commencé à menacer les travailleurs et a exigé qu’ils renoncent à leur affiliation syndicale.
À partir du 13 mai, 37 travailleurs ont été mis en congé, d’abord sans solde. Puis, le 21 mai, ils ont été licenciés – ils en ont été informés par un SMS – simplement parce qu’ils refusaient de renoncer à leur affiliation syndicale. Ces 37 travailleurs étaient des organisateurs ou des interlocuteurs syndicaux. Deux semaines après ces faits, la situation persiste et l’ITF a coordonné une action de solidarité mondiale pour soutenir ces travailleurs licenciés.
Notre discussion ici à Genève porte sur des situations concrètes. Ces 37 travailleurs et leurs familles ne représentent qu’une fraction des personnes affectées par le fait que, depuis longtemps, la Türkiye ne protège pas les travailleurs contre les licenciements antisyndicaux dans le secteur privé. Cela ne peut tout simplement pas durer.
Même si la Constitution et le droit national protègent le droit à la liberté syndicale, la Türkiye a manqué à plusieurs reprises à ses obligations juridiques nationales et internationales, notamment à celles qui découlent de la convention no 98.
La Türkiye doit prendre, de toute urgence, des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives contre les licenciements antisyndicaux et veiller à ce que les travailleurs qui ont subi ce préjudice, en particulier ces 37 travailleurs, aient le droit d’être réintégrés dans leur emploi et d’obtenir une pleine indemnisation financière. En prenant ces mesures, la Türkiye respecterait mieux la convention.
En dernier lieu, je voudrais ajouter que, si ces garanties contre les licenciements antisyndicaux ne sont pas établies, cela conduira à la disparition des syndicats au niveau de l’entreprise. La commission ne peut pas laisser cette situation perdurer.
Président – Je ne vois plus de demande de parole. J’invite donc la représentante gouvernementale à prendre la parole pour ses remarques finales.
Représentante gouvernementale Nous avons écouté avec attention les remarques des représentants des travailleurs et des employeurs ainsi que des représentants des États Membres. Les réalités de la situation en Türkiye sont très éloignées de ce qui s’est dit pendant la discussion ici. La Türkiye est l’un des pays ayant figuré à l’ordre du jour de la commission à plusieurs reprises, depuis de nombreuses années. Une démarche qui se concentre uniquement sur les manquements, et ne voit pas les évolutions positives, ne devrait pas être la bonne pour encourager à se conformer aux normes internationales. Je voudrais porter à l’attention de la commission les événements et progrès les plus significatifs survenus dans le domaine du travail depuis 2013, en particulier en ce qui touche la convention no 98 et les demandes de l’OIT concernant notre actuelle loi sur les syndicats. De grandes avancées ont été réalisées dans la législation grâce à une décision de la Cour constitutionnelle. Des arrêts de 2013 et 2014 ont supprimé les barrières qui empêchaient les fonctionnaires du ministère de la Défense nationale, des forces armées turques et de la Direction générale de la sécurité de se syndiquer. Ces arrêts rétrécissaient le champ d’application de l’article 15 de la loi sur les fonctionnaires. La création de services d’affiliation électronique pour les syndicats et la suppression, en novembre 2013, de l’obligation de passer devant un notaire ont simplifié la procédure et réduit la charge financière à la fois pour les travailleurs et leurs organisations. Une modification de l’article 50 de l’actuelle loi sur les syndicats a institué une procédure de médiation qui permet aux parties à une négociation de régler pacifiquement leurs différends avant de recourir à la grève, en sélectionnant un médiateur dans une liste officielle. En 2014, la Cour constitutionnelle a aboli la distinction entre lieux de travail sur la base du nombre de salariés. L’article provisoire 6 de la loi sur les syndicats en vigueur a été modifié pour y inclure le droit de négocier collectivement même si le seuil de la branche d’activité n’est pas atteint. En 2019, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt disant que les services bancaires et les transports publics ne sont pas considérés comme des services essentiels au sens donné par l’OIT, ce qui a eu pour effet d’encore réduire le champ de l’interdiction de la grève. L’application de l’actuelle loi sur les syndicats et des modifications importantes à la loi sur les fonctionnaires ont abouti à une hausse soutenue des effectifs syndicaux. Depuis janvier 2013, le taux de syndicalisation a progressivement augmenté, passant de 9,2 à 15,2 pour cent, en janvier 2024. Cette tendance se constate aussi chez les agents du secteur public, avec des taux de syndicalisation qui ont progressé de 47,9 pour cent en 2002 à 74,5 pour cent en janvier 2024. Ces chiffres témoignent des progrès accomplis par la Türkiye au fil des ans alors que les taux de syndicalisation sont en recul partout dans le monde. En outre, le certificat «drapeau blanc» a été créé afin de promouvoir l’enregistrement, l’emploi et l’affiliation syndicale en Türkiye. Il consiste à décerner une distinction sous forme de drapeau blanc avec le slogan «Travail décent, lieu de travail syndiqué» aux entreprises qui appliquent des conditions de travail réglementées, des normes de santé et de sécurité conformes aux principes directeurs de l’OIT. Je tiens à répéter que, parallèlement à ce changement positif, l’impulsion qu’a donnée l’an dernier la participation des partenaires sociaux à un mécanisme de consultation tripartite amènera de nouvelles réglementations et de nouveaux amendements.
Au cours de ce processus, la Türkiye a délaissé les réformes pour s’efforcer de relever les défis intérieurs et extérieurs, notamment la tentative de coup d’État du 15 juillet, tout en maintenant son attachement à la démocratie et à l’état de droit. Hélas, force est de souligner que le rapport de la commission d’experts ne prend pas convenablement en compte les efforts déployés par le gouvernement pour rétablir la démocratie, défendre l’état de droit, associer les partenaires sociaux, préserver la république et les libertés individuelles dans un contexte de graves menaces terroristes. En cinq ans, la commission d’enquête sur les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence a traité quelque 130 000 dossiers et rendu près de 127 000 décisions, dont des licenciements dans la fonction publique et d’autres mesures basées sur des critères de liens avec des organisations terroristes et de financement. Les plaignants, dont des détenus et des condamnés, ont pu introduire leurs recours par voie électronique depuis les institutions pénitentiaires, les décisions étant supervisées par le Système national d’information judiciaire UYAP et sujettes à appel devant neuf cours administratives spécialisées à Ankara. Je tiens à souligner sans ambages que, à titre de voie de recours légal contre les licenciements dans le service public, après que la commission d’enquête eut achevé ses travaux, des unités compétentes ont été constituées dans les ministères concernés pour assurer un suivi efficace et finaliser les procédures administratives, conformément à l’article provisoire 5 de la loi no 7075. Par ailleurs, comme nous l’avons répété à plusieurs reprises, il serait mal avisé de traiter les questions sécuritaires comme si elles étaient inhérentes au monde du travail. Qui plus est, nous pensons aussi que l’OIT devrait aborder ces questions d’une manière non déformée. En outre, aucun syndicaliste ne peut prétendre à l’immunité et échapper à des poursuites pour des actes illicites, quelles que soient ses affiliations ou son implication dans le terrorisme. À la suite de la pandémie de COVID–19, la Türkiye a subi, en février 2023, deux grands tremblements de terre qui ont frappé 11 provinces du sud-est du pays et 14 millions d’habitants, soit 16 pour cent de la population et 9 pour cent de l’économie. Nous exprimons ici nos chaleureux remerciements aux organisations internationales et aux États Membres, et en particulier à l’OIT, pour leur soutien en ces temps difficiles. Au cours des sept années écoulées, la Türkiye a participé activement aux initiatives de l’OIT, elle a collaboré, avec le ministère du Travail et de la Protection sociale et d’autres parties prenantes, à des manifestations et des programmes tels que la 10e réunion régionale européenne, et à la lutte contre le travail des enfants. Reconnue comme un exemple en la matière, la Türkiye a obtenu le statut de pays pionnier de l’Alliance 8.7 et fait office de pays coordinateur pour la Coalition mondiale pour la justice sociale de l’OIT, aux côtés de la Belgique et de la Suisse dans la région.
Face à l’importance et à la confiance que nous témoigne l’OIT et devant notre longue histoire de dialogue avec les partenaires sociaux, le gouvernement est disposé à négocier, dans le cadre de la loi sur les syndicats et la loi sur les fonctionnaires en vigueur, si les parties concernées le souhaitent, en particulier le niveau de la négociation collective, les seuils syndicaux et le processus d’autorisation des conventions collectives.
Je tiens à faire remarquer que le gouvernement est prêt à envisager les changements à l’actuel système de négociation collective qui sont proposés, en particulier pour ce qui est des articles 34 et 41 (1) de l’actuelle loi sur les syndicats. Ces modifications seront examinées si elles sont proposées conjointement par les partenaires sociaux et si un consensus se dégage.
Le gouvernement est disposé à étudier les modifications proposées conjointement par les partenaires sociaux à propos de divers paragraphes des articles 46, 47, 49, 51, 60 et 63 de la loi sur les syndicats en vigueur. Quoi qu’il en soit, il est intéressant de noter que la mise en application de ces articles est assurée, sur un mode collaboratif, par les organisations d’employeurs et de travailleurs. Le processus de négociation collective régi par ces articles fonctionne bien et sans hésitation.
La Türkiye a récemment manifesté sa volonté d’apporter des changements et de réglementer ces matières en coopération avec les partenaires sociaux en convoquant l’assemblée du travail, le Conseil consultatif tripartite, le Conseil consultatif du personnel du secteur public, avec leurs sous-commissions de travail.
S’agissant des allégations d’entrave à la liberté de se réunir pacifiquement et aux manifestations du 1er mai, en Türkiye, tous les rassemblements et toutes les manifestations pacifiques, quelle que soit leur forme, se déroulent dans la sécurité et sans restriction. Le principe de la primauté du droit prévaut et les seules limites imposées sont celles inscrites dans la législation. De plus, 227 actions ou manifestations ont été organisées et ont rassemblé près de 245 000 personnes dans 78 provinces, partout en Türkiye, en 2024, à l’occasion du 1er mai (Journée du travail et de la solidarité), et des procédures judiciaires ont été ouvertes contre 269 personnes pour des actions illégales commises à ces dates.
À Istanbul, une manifestation organisée par la DISK et la KESK s’est tenue au parc Saraçhane, l’un des plus grands espaces de rencontre et de manifestation de la ville, en présence de 10 000 participants. Cette manifestation s’est déroulée pacifiquement sans nécessiter aucune intervention.
En revanche, la place Taksim ne figure pas au nombre des lieux où peuvent être organisées des réunions et des manifestations en raison de la forte densité de véhicules et de piétons, de la difficulté d’appliquer des mesures de sécurité et de protéger les droits et libertés des personnes, mais surtout parce que la nécessité d’assurer la sécurité des biens et des personnes du public aurait des conséquences irréparables. Je tiens à souligner que la place Taksim n’est soumise à aucune interdiction, sauf pour le 1er mai. C’est pourquoi l’allégation disant que le gouvernement a interdit les manifestations du 1er mai n’est pas le reflet de la réalité.
En outre, je voudrais attirer votre attention sur le fait que, dans la même démarche que celle que nous avons adoptée s’agissant de la convention no 98, nous avons entamé la procédure d’adoption du protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930. En outre, la procédure de ratification de la convention du travail maritime, 2006, telle qu’amendée (MLC, 2006), doit aboutir bientôt.
Enfin, nous nous attendons à ce que les conclusions de votre commission tiennent dûment compte des explications que je viens de donner. Comme l’a demandé la commission d’experts, nous soumettrons notre rapport en 2024, avec des informations détaillées sur les derniers développements en date et accompagné de copies des documents demandés en vue d’un complément d’examen par la commission.
Membres employeurs – Les membres employeurs ont bien pris note des informations fournies, mais certaines informations données ce soir concernant la CEDH ne semblent pas correctes.
L’une des principales missions de l’OIT est de promouvoir la négociation collective dans le monde entier. Cette mission lui a été fixée en 1944 dans la Déclaration de Philadelphie qui fait partie de la Constitution de l’OIT. La négociation collective contribue à ce que soient établies des conditions de travail équilibrées et équitables, et contribuer, par-là, à la paix sociale.
Comme indiqué dans l’Étude d’ensemble de 2012, paragraphe 198: «[a]ux termes de la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, 1998, la négociation collective constitue un droit fondamental accepté par les États Membres du seul fait de leur appartenance à l’OIT, qu’ils ont l’obligation de respecter, promouvoir et réaliser de bonne foi.»
Autre citation, paragraphe 168: «[l]e champ d’application de la convention [...] couvre l’ensemble des travailleurs et des employeurs, ainsi que leurs organisations respectives, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, qu’il s’agisse ou non de services essentiels. Les seules exceptions autorisées concernent les forces armées et la police ainsi que les fonctionnaires publics commis à l’administration de l’État.»
Les catégories exclues doivent donc être interprétées de manière restrictive. Nous estimons que le personnel pénitentiaire ne devrait pas en être exclu, mais que des modalités particulières de négociation collective pourraient être fixées pour cette catégorie, comme mentionné au paragraphe 213.
Dernière citation, paragraphe 200: «[e]n vertu de l’article 4 de la convention [no 98], la négociation collective doit être libre et volontaire et doit respecter le principe de l’autonomie des parties. En revanche, les pouvoirs publics sont tenus d’en assurer la promotion.»
Nous estimons que les partenaires sociaux eux-mêmes plutôt que la loi sont les mieux placés pour décider à quel niveau ils souhaitent négocier de manière collective et conclure des conventions collectives. Ils doivent ainsi pouvoir conclure des conventions collectives aux niveaux intersectoriel, sectoriel, régional ou au niveau de l’entreprise.
Nous constatons que des évolutions encourageantes sont intervenues pour l’avenir en Türkiye. Toutes les confédérations syndicales et les organisations d’employeurs se sont réunies depuis avril dernier pour lancer un nouvel agenda social afin de répondre aux défis quotidiens des relations industrielles. En outre, un projet important a été lancé par le Bureau de pays de l’OIT pour la Türkiye avec la participation des partenaires sociaux, qui couvrira la liberté d’association et le droit de négociation collective en tant que piliers de l’agenda des droits fondamentaux. Ce projet renforcera la compréhension et la mise en œuvre des normes internationales du travail en Türkiye.
Les membres employeurs encouragent les autorités gouvernementales à intensifier ces consultations avec les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs, pour promouvoir les négociations collectives à tous les niveaux. La promotion des négociations collectives concerne tant le secteur privé que le secteur public, même si certaines exceptions sont justifiables dans le secteur public en raison de son rôle spécifique pour garantir la sécurité nationale.
Les membres employeurs invitent également le gouvernement à fournir au BIT toutes les informations demandées par la commission d’experts. Je terminerai en précisant qu’il faut surtout renforcer les incitants pour que les partenaires sociaux s’organisent librement et négocient de manière libre et autonome.
Membres travailleurs – Nous remercions le gouvernement pour ses remarques. Nous remercions également tous les intervenants qui ont pris la parole et toutes les personnes encore présentes dans la salle.
Malgré les informations supplémentaires fournies par le gouvernement, nous restons préoccupés par les nombreuses violations des droits d’organisation et de négociation collective dans le pays.
La discrimination et les pratiques antisyndicales sont omniprésentes tant dans le secteur public que privé. Le cadre juridique national régissant l’exercice des droits syndicaux est très restrictif. Les seuils de représentativité excessifs pèsent lourdement sur le syndicalisme. De plus, nous sommes en désaccord avec la qualification utilisée par les membres employeurs, décrivant les syndicats minoritaires comme de «simples groupes de pression» qui ne bénéficient d’aucun droit ni d’aucune protection en vertu de la convention. Nous rappelons fermement qu’en vertu de la convention no 98, l’octroi de droits exclusifs à l’organisation la plus représentative ne doit pas signifier que l’existence d’autres syndicats auxquels certains travailleurs concernés pourraient souhaiter adhérer est interdite. Les organisations minoritaires devraient avoir le droit de mener leurs activités et, au moins, de s’exprimer au nom de leurs membres et de les représenter.
Nous sommes profondément préoccupés par la position hostile adoptée par le gouvernement à l’égard des syndicats et de leurs membres depuis 2016, comme en témoignent les actes de violence policière qui se produisent presque chaque année le 1er mai. Cette année, par exemple, les membres et les dirigeants de la KESK se sont vu interdire l’accès à la place Taksim. Les forces de police ont violemment dispersé la manifestation, utilisant des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc contre les travailleurs; 215 travailleurs ont été arrêtés ce jour-là.
Nous prions instamment le gouvernement de cesser de s’ingérer dans les activités syndicales légitimes et de s’abstenir de recourir à la violence contre les membres syndicaux et les travailleurs. Nous demandons au gouvernement de prendre d’urgence des mesures pour lever tous les obstacles juridiques au plein exercice des droits garantis par la convention, notamment en révisant, en concertation avec les partenaires sociaux, les dispositions législatives concernant: les seuils pour devenir agent de négociation collective; le droit de négociation collective des syndicats minoritaires; les restrictions à la négociation collective à tous les niveaux dans le secteur privé; et les restrictions s’appliquant au personnel pénitentiaire, aux travailleurs suppléants et aux fonctionnaires sans contrat de travail écrit.
En outre, nous prions instamment le gouvernement de prendre des mesures significatives et efficaces pour lutter contre la discrimination antisyndicale dans les secteurs privé et public, notamment en établissant un processus indépendant, rapide et approfondi d’enquête et de recours pour les cas de licenciements antisyndicaux dans le secteur public, dans le cadre des lois d’urgence; mais aussi en abrogeant toutes les dispositions qui permettent aux autorités d’exercer les pouvoirs de l’état d’urgence et de licencier sommairement les syndicalistes; en adoptant, en concertation avec les partenaires sociaux, des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives contre les licenciements antisyndicaux, ainsi que des mécanismes efficaces et rapides permettant aux travailleurs de demander réparation; et enfin en élaborant et en mettant en œuvre, avec les partenaires sociaux et l’assistance technique du BIT, des campagnes et des programmes de sensibilisation pour assurer la formation des forces de police et de sécurité, du système judiciaire et de l’administration en matière de droits syndicaux.
Nous demandons également au gouvernement de mener un examen plus complet, en consultation avec les partenaires sociaux et avec l’assistance technique du BIT, des mécanismes judiciaires et non judiciaires afin que les cas de discrimination antisyndicale fassent sans tarder l’objet d’enquêtes et de réparations efficaces.
Compte tenu de la gravité et de la persistance des violations dans le pays, nous demandons au gouvernement d’accepter une mission de haut niveau.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations orales fournies par le gouvernement et de la discussion qui a suivi.
La commission a pris note avec préoccupation du nombre élevé de cas de discrimination antisyndicale dans le pays et de l’absence de sanctions suffisamment dissuasives pour combattre ce phénomène, en droit et dans la pratique. La commission a pris note avec préoccupation des lacunes importantes, en droit et dans la pratique, concernant la portée de la négociation collective.
Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission a appelé le gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux, à prendre des mesures adéquates et efficaces pour:
  • garantir la tenue d’enquêtes indépendantes, rapides et approfondies sur les licenciements antisyndicaux présumés, pratiqués en application des décrets adoptés pendant l’état d’urgence, dans le cadre de procédures offrant toutes les garanties d’une procédure régulière;
  • adopter des sanctions efficaces et dissuasives contre la discrimination antisyndicale, y compris les licenciements antisyndicaux, dans les secteurs public et privé, et garantir que les travailleurs ayant subi de tels préjudices ont droit à des voies de recours et de réparation adéquates (y compris la réintégration, l’indemnisation financière, etc.);
  • mener un examen complet des mécanismes judiciaires et non judiciaires afin que les cas de discrimination antisyndicale fassent sans délai l’objet d’enquêtes et de réparations efficaces;
  • établir un système solide de collecte de données relatives à la discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé;
  • prévenir l’ingérence dans les activités syndicales légitimes ainsi que le recours de la violence à l’égard des syndicalistes et des travailleurs;
  • modifier l’article 34 de la loi no 6356 en vue de permettre aux parties du secteur privé souhaitant conclure des accords régionaux ou sectoriaux intersectoriels de le faire;
  • veiller à ce que les syndicats minoritaires soient en mesure d’exercer leurs droits protégés par la convention;
  • garantir que les procédures judiciaires concernant la valeur juridique des certificats de majorité syndicale sont conclues dans des délais raisonnables;
  • modifier l’article 28 de la loi no 4688 afin de lever les restrictions sur la portée matérielle de la négociation dans le secteur public et de faire en sorte que les parties concernées puissent décider, en toute autonomie, des sujets de la négociation;
  • modifier la législation en vigueur afin de garantir que le personnel pénitentiaire, les travailleurs suppléants et les fonctionnaires dépourvus de contrat écrit puissent effectivement exercer leur droit d’organisation et de négociation collective garanti par la convention;
  • fournir des voies de recours efficaces et rapides en cas de licenciement de syndicaliste fondé sur les pouvoirs d’exception;
  • revoir la méthode de nomination des membres du conseil d’arbitrage de salariés du secteur public afin d’en garantir l’indépendance et l’impartialité;
  • élaborer et mettre en œuvre des campagnes et des programmes de sensibilisation afin de faire connaître les droits syndicaux aux forces de sécurité, au pouvoir judiciaire et à l’administration; et
  • communiquer toute information manquante demandée par la commission d’experts avant sa prochaine session, ainsi que des informations détaillées sur les mesures prises pour mettre en œuvre ces recommandations et sur les résultats obtenus.
La commission a invité le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du BIT afin de mettre efficacement en œuvre l’ensemble des recommandations de la commission.
Représentant gouvernemental – Tout d’abord, je voudrais dire que cette décision de la commission est regrettable. Elle va à l’encontre de l’engagement de notre gouvernement qui vous a été présenté et dans le cadre duquel des résultats concrets sont attendus dans un future proche, grâce aux efforts des partenaires sociaux. En tout état de cause, il aurait été opportun que la commission nous accorde un délai raisonnable pour que le gouvernement, en collaboration avec les partenaires sociaux, mette en œuvre les arrangements nécessaires. Nous espérons que ce processus aura un résultat positif pour les relations entre l’OIT et notre pays et ses partenaires sociaux.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2013, Publication : 102ème session CIT (2013)

2013-Turkey-C98-Fr

Un représentant gouvernemental a exprimé son profond regret de voir que son pays est sur la liste finale des cas individuels à propos de la convention no 98. Cette décision nuit à la crédibilité du mécanisme de contrôle, dans la mesure où des considérations politiques l’emportent sur les questions de fond et les aspects techniques. La décision de la Commission de la Conférence est en contradiction avec le fait que des progrès et des réformes majeurs ont été réalisés dans le domaine de la législation du travail, pour lesquels la commission d’experts a exprimé sa satisfaction concernant l’application de la convention. Ces réformes législatives montrent l’engagement pris par le gouvernement d’appliquer la convention. Le représentant gouvernemental a indiqué que les progrès réalisés consistent notamment en des amendements apportés en 2010 à la Constitution du pays, qui a ouvert la voie à des réformes de la législation du travail, dont: l’adoption de la loi no 6356 sur les syndicats et les conventions collectives, de même que les amendements à la loi no 4688 sur les syndicats de fonctionnaires, l’ensemble de ces textes ayant été transmis à l’OIT. Les amendements à la loi no 4688 ont permis aux représentants des fonctionnaires publics de négocier et de signer des conventions collectives. En outre, l’étendue de la syndicalisation dans la fonction publique a été élargie grâce à la réduction des exceptions prévues par la loi, et suite à une décision récente de la Cour constitutionnelle, l’interdiction de se syndicaliser frappant les fonctionnaires civils travaillant dans des institutions militaires a été levée. Selon le représentant gouvernemental, les changements les plus importants qui ont été apportés consistent en l’adoption de la loi no 6356, qui a non seulement remplacé la législation en matière de syndicats imposée par le régime militaire, mais a aussi créé les conditions de relations professionnelles à la fois plus démocratiques et plus libres. Les éléments nouveaux inscrits dans la loi sont notamment: i) l’extension du champ d’application du droit syndical aux travailleurs indépendants; ii) l’abrogation des restrictions concernant la création, la composition et les prescriptions requises pour être membre fondateur d’un syndicat; iii) la simplification de la procédure de création des syndicats; iv) la réorganisation ou la réduction de 28 à 20 du nombre de branches d’activité; v) l’abrogation de l’exigence de fourniture d’une attestation notariale d’appartenance à un syndicat ou de retrait de ce syndicat; vi) l’autorisation d’appartenir à plusieurs syndicats accordée aux travailleurs employés dans différents établissements dans la même branche d’activité; vii) la fixation par les statuts du syndicat du montant maximal des cotisations syndicales; viii) l’autorisation de continuer à être membre d’un syndicat en cas de chômage temporaire; ix) l’extension des activités internationales auxquelles les syndicats sont autorisés à participer; x) la distinction entre l’engagement de responsabilités individuelles et la personnalité juridique du syndicat; xi) le contrôle des comptes par des experts-comptables indépendants; xii) le renforcement de la liberté d’association; et xiii) la libre détermination par les syndicats de leur affiliation à une branche d’activité. En outre, la loi a aussi apporté des améliorations majeures en matière de conventions collectives, en réponse aux commentaires que la commission d’experts a formulés dans son rapport. Il s’agit notamment des avancées suivantes: i) possibilité de prévoir des conventions collectives à plusieurs niveaux par le biais de conventions-cadres; ii) la mise en place d’un cadre juridique réglementant les conventions collectives de groupes; iii) la garantie du maintien de conventions collectives du travail après un changement total ou partiel de la propriété de l’entreprise; iv) la réduction de la portée des interdictions de grève; v) la levée des restrictions sur différentes formes de grèves, d’actions revendicatives et de piquets de grève; vi) le dégagement de la responsabilité des syndicats pour tous dégâts sur le lieu de travail pendant des grèves; vii) l’autorisation accordée à toutes les confédérations d’être représentées au Conseil d’arbitrage; viii) le remplacement de peines d’emprisonnement par des amendes administratives pour certaines infractions qui figuraient dans la loi précédente. Pour ce qui est des critiques que la commission d’experts a faites au sujet des seuils minima et des conditions requises pour la signature de conventions collectives, le représentant gouvernemental a indiqué que, dans la nouvelle loi, les seuils minima par branche d’activité sont passés de 10 à 3 pour cent. Cependant, pour laisser aux syndicats le temps de s’adapter aux nouvelles conditions, le seuil a été fixé à 1 pour cent jusqu’à juillet 2016. Par ailleurs, les seuils fixés pour la conclusion de conventions collectives d’entreprises ont été réduits de 50 à 40 pour cent du nombre de travailleurs.

En ce qui concerne la protection des membres de syndicats, l’orateur a indiqué que la loi régit la protection des dirigeants syndicaux, des délégués syndicaux et de la liberté individuelle d’association, conformément aux conventions de l’OIT. En outre, un droit absolu à la réintégration est accordé aux dirigeants et aux délégués syndicaux. Les délégués syndicaux ne peuvent être licenciés sans motif valable, qui doit être clairement et précisément indiqué par écrit, ce qui est pleinement conforme à la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971. La liberté individuelle d’association est garantie dans la procédure de recrutement, en cours d’emploi et lors du licenciement. Dans toute action en justice intentée pour interruption d’un contrat de travail au motif de l’appartenance à un syndicat, la preuve que le licenciement n’était pas dû à l’appartenance à un syndicat doit être fournie par l’employeur. Il a été fréquemment affirmé, concernant l’article 25, paragraphe 5, de la loi susmentionnée, que l’indemnisation spéciale pour violation des droits syndicaux avait été abrogée pour les salariés d’établissements employant moins de 30 travailleurs. Cette affirmation est infondée car elle ne prend pas en compte la dernière phrase du paragraphe 5 qui garantit pour l’ensemble des travailleurs une indemnisation spéciale en cas de licenciement antisyndical, qui ne peut être inférieure à un an de salaire. Même dans le cas où un travailleur ne saisirait pas la justice pour une infraction aux dispositions sur la protection contre le licenciement, il peut demander une indemnisation syndicale qui ne peut pas être inférieure à son salaire annuel. Par ailleurs, l’article susmentionné a fait l’objet d’une action devant la Cour constitutionnelle et une décision devrait être bientôt rendue. Le représentant gouvernemental conclut qu’en tout état de cause la Commission de la Conférence aurait dû attendre de pouvoir constater l’application pratique de cette nouvelle législation avant d’inscrire son pays dans la liste des cas individuels.

Les membres travailleurs ont indiqué suivre avec une profonde inquiétude les évènements se déroulant ces jours-ci dans les principales villes turques. Ils condamnent les brutalités policières disproportionnées et apportent leur soutien à ceux qui luttent pour l’application des droits démocratiques, sociaux et syndicaux. Ils soulignent que plusieurs organisations syndicales en Turquie, appuyées par la Confédération syndicale internationale (CSI), ont dénoncé le caractère particulièrement fréquent des actes de discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé. Il serait utile que le gouvernement indique la procédure applicable pour l’examen des plaintes de discrimination antisyndicale dans le secteur public et qu’il communique des statistiques concernant l’examen des cas de discrimination antisyndicale et d’ingérence dans les secteurs public et privé. Le gouvernement turc dit ne disposer que de statistiques pour le secteur public. Sans des statistiques précises sur les plaintes déposées et leur traitement, la commission ne peut effectuer l’évaluation qui lui incombe. Concernant le secteur public, les membres travailleurs rappellent que, si l’article 8 de la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, offre une certaine latitude dans le choix des procédures de règlement des différends, il convient toutefois que celles-ci soient rapides, impartiales et considérées comme telles par les parties intéressées. Dans le cas de la Turquie, la procédure applicable au secteur public consiste dans la présentation de plaintes écrites ou verbales présentées aux supérieurs, des recours administratifs pouvant être engagés dans un deuxième temps. Ils considèrent que cette procédure, en particulier dans sa première étape, ne présente pas de garanties d’impartialité. Les membres travailleurs soulignent les problèmes posés par l’adoption, le 18 octobre 2012, de la nouvelle loi sur les relations collectives de travail, applicable au secteur privé. Le projet de loi qui a ensuite été adopté avait été plusieurs fois rejeté par les organisations syndicales. Selon les informations disponibles, la loi contiendrait des dispositions régressives par rapport aux textes antérieurement en vigueur. En matière de seuils pour la création de syndicats d’entreprises, la réforme législative pose de nouveaux obstacles et empêche indirectement la création de nouvelles organisations dans les entreprises où un syndicat existe déjà. Il est regrettable que la nouvelle loi n’ait pas pu faire l’objet d’une analyse approfondie par la commission d’experts.

A propos de la négociation collective dans le secteur public, les membres travailleurs constatent des évolutions importantes. La réforme constitutionnelle de 2010 a introduit le droit des fonctionnaires et autres employés du secteur public de conclure des conventions collectives. Plusieurs modifications législatives, dont l’adoption de la loi no 6289 sur les syndicats de fonctionnaires, ont ensuite eu lieu en 2012 pour donner suite à l’amendement constitutionnel. La loi en question contient des éléments positifs, par exemple concernant la durée de la négociation mais il convient toutefois de clarifier les effets de ces changements dans la pratique. La commission d’experts a cependant souligné que certains de ses commentaires n’ont pas été pris en compte, particulièrement vis-à-vis de la participation directe de l’employeur aux négociations aux côtés des autorités financières et du rôle significatif que jouent les négociations entre les parties. Concernant ces deux points, l’utilité de l’étude d’ensemble sur la négociation collective dans le secteur public a été relevée. Les membres travailleurs considèrent qu’il convient de veiller à ce que les nouvelles lois adoptées par la Turquie ne mettent pas en péril les principes de la convention. Une analyse approfondie de la nouvelle loi sur les relations collectives de travail et une vérification de la conformité de la loi no 6289 et de sa mise en œuvre au regard de la convention no 98, de la convention no 151 et de la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981, s’avèrent à cet égard nécessaires.

Les membres employeurs ont rappelé que la Turquie est membre de l’OIT depuis 1932 et que, vis-à-vis de la présente convention, elle a été appelée pour la dernière fois devant cette commission en 2000. Ils ont fait état des informations demandées au gouvernement par la commission d’experts à propos des points suivants: la procédure applicable pour examiner les plaintes relatives à la discrimination antisyndicale dans le secteur public; les données statistiques démontrant les progrès réalisés dans le traitement efficace des allégations d’actes de discrimination antisyndicale; la copie de la loi sur les relations collectives de travail, afin de prendre connaissance de son contenu et de sa portée. Ils ont souligné la satisfaction exprimée par la commission d’experts à propos des réformes législatives qui renforcent les droits des fonctionnaires et autres employés publics en matière de négociation collective. En revanche, comme l’a mentionné la commission d’experts, certaines questions restent encore à traiter, comme la nécessité de prévoir dans la législation la participation directe à la négociation collective de l’employeur aux côtés des autorités économiques.
Les membres employeurs ont félicité le gouvernement de la Turquie pour les informations concernant la loi no 6356, fruit du dialogue social, remplaçant deux normes qui réglementaient la négociation collective. Des changements importants se sont produits en Turquie grâce au dialogue social et au respect du tripartisme, comme le montre la déclaration commune des partenaires sociaux du 10 avril 2013. Grâce à la loi no 6289 et à d’autres changements importants, le pays progresse vers la mise en œuvre pleine et entière de la convention. Dans la mesure où ces réformes établissent un niveau de protection plus approprié pour les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives, il convient que la commission fasse une nouvelle lecture de l’application de la convention en Turquie. Grâce à la mise en place d’activités de coopération technique, le gouvernement devrait rapidement être en mesure d’appliquer de manière pleine et entière la convention.

Un membre travailleur de la Turquie a indiqué que son organisation a participé activement à la préparation de la loi no 6356 mais que le texte final a été amendé de diverses façons sans qu’un plein consensus n’ait été atteint. La commission d’experts avait formulé l’espoir que cette réforme permettrait d’apporter les amendements nécessaires à la législation. Toutefois, des amendements importants sont toujours en attente. La nouvelle loi a supprimé l’«indemnisation syndicale» pour violation des droits syndicaux lorsqu’un travailleur ou une travailleuse est licencié(e) pour ses activités syndicales dans des établissements employant au maximum 30 personnes, ce qui est source de difficultés pour l’activité syndicale de 6,5 millions de travailleurs. Pour ce qui est des critères de représentativité requis pour la négociation collective, il a considéré que le seuil devrait être maintenu à un niveau garantissant l’existence de syndicats indépendants et forts et ne devrait pas avoir d’effets négatifs sur le droit d’organisation. Au niveau de la branche, la nouvelle loi a abaissé le seuil de 10 pour cent à 3 pour cent. Toutefois, la principale difficulté concerne le seuil de «50 pour cent plus un» au niveau de l’établissement et de celui de 40 pour cent au niveau de l’entreprise, qui ont été maintenus dans la nouvelle loi. En outre, alors que le certificat de compétence qui ouvre le droit à négociation est émis par le ministère du Travail et de la Sécurité Sociale, des recours contre cette décision peuvent être introduits par l’employeur ou par une autre organisation syndicale. Des aménagements doivent être pris en concertation avec les parties concernées pour surmonter ce problème. S’agissant des manquements dans la mise en œuvre d’autres conventions fondamentales, en particulier de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, il faut noter que la pratique consistant à chercher des failles dans la législation pour tenir le syndicat à l’écart du lieu de travail reste de mise et elle constitue le principal obstacle à une mise en œuvre effective de la législation nationale, de la convention no 87 et d’autres conventions. Dans ce contexte, l’orateur évoque les difficultés rencontrées par le Syndicat des travailleurs de l’alimentation et du tabac pour arriver à un consensus avec l’employeur public, notamment par le biais d’une grève de 10 000 travailleurs, et par le Syndicat des travailleurs de l’aviation pour obtenir un accord sur la réintégration de 305 de ses 350 adhérents qui avaient été licenciés pour leurs activités syndicales.

Un autre membre travailleur de la Turquie a noté les modifications législatives et indiqué que, malgré les améliorations, comme souligné dans le rapport de la commission d’experts, les agents de l’Etat connaissent encore de grands problèmes, voire même des régressions en ce qui concerne l’application de la convention, malgré la visite de missions de haut niveau dans le pays en 2008 et 2010. L’orateur a par la suite fait observer plusieurs difficultés, notamment: même si la loi étend la période de négociation collective à trente jours, en pratique, les négociations sont seulement effectivement possibles pendant quinze jours, ce qui est insuffisant; seuls les chefs des délégations des parties concernées peuvent recourir au conseil d’arbitrage en cas de désaccord; les membres employeurs jouissent d’une position dominante au sein du conseil d’arbitrage public; on ne peut faire appel d’une décision du conseil d’arbitrage; en vertu de la loi no 4688 modifiée, les fonctionnaires des institutions militaires et les gardes de sécurité ne jouissent toujours pas du droit d’organisation; à cet égard, le membre travailleur a mentionné le licenciement de membres du syndicat de police Emniyet-Sen; la loi no 4688 modifiée n’inclut aucune réglementation empêchant l’inégalité de traitement entre les syndicats; et les actions collectives de tout type, telle la grève, ne sont pas reconnues pour les fonctionnaires. Enfin, les événements actuels en Turquie sont la conséquence de l’absence de dialogue social entre le gouvernement et les partenaires sociaux.

Le membre employeur de la Turquie a indiqué que le pays vient d’achever un processus de réformes radicales s’agissant de la législation relative aux relations collectives de travail. La loi récemment adoptée sur les syndicats et les conventions collectives inclut d’importantes modifications sur des thèmes comme l’affiliation syndicale et la désaffiliation; le nombre de branches d’activité: l’interdiction des grèves et des lock-out; et la capacité de négocier collectivement. Au titre des résultats obtenus sur des questions qui ont fait l’objet de débats et de critiques de la part de l’OIT pendant environ deux décennies, il est possible de citer: la possibilité de conclure des accords-cadres; la suppression de l’exigence d’être citoyen turc pour fonder un syndicat, la suppression de l’exigence d’une attestation notariée pour devenir membre d’un syndicat; annuler son adhésion ou radier un membre; le fait que le fonctionnement d’un syndicat relève de ses statuts et que des règlements ont été établis qui permettent aux syndicats de mener librement leurs activités; l’élimination des limites imposées aux cotisations syndicales; la réduction des seuils de représentativité concernant les branches d’activité; la réduction du seuil pour accéder à la négociation collective au niveau de l’entreprise; la réduction de la portée de l’interdiction des grèves et la suppression des peines d’emprisonnement pour certaines infractions. La nouvelle loi a été élaborée en recourant au maximum au dialogue social, et près de 95 pour cent de ces dispositions expriment un large consensus entre les partenaires sociaux turcs. Est aussi mentionnée la signature cette année par le ministère turc du Travail et un grand nombre de partenaires sociaux d’une déclaration commune, dans laquelle est exprimé, compte tenu des réformes juridiques importantes qui ont été adoptées dans le pays, le soutien à l’ouverture du chapitre social et de l’emploi dans le cadre des négociations pour l’adhésion à l’Union européenne. Il a finalement estimé que l’étendue des réformes juridiques et la participation des partenaires sociaux en Turquie justifient que le pays soit retiré de la liste des cas individuels.

Une observatrice représentant la Confédération syndicale internationale (CSI), faisant également référence à la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) et à la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK), a déclaré que les violations des droits de l’homme et des droits syndicaux commises actuellement en Turquie restreignent à tous égards la liberté syndicale et la liberté de réunion. Il n’est pas possible de discuter du processus de négociation collective en Turquie sans tenir compte du climat de répression qui règne dans le pays, et en particulier de la répression dirigée contre les membres de la KESK. Il convient de noter à cet égard l’interdiction de voyager qui frappe le président de cette confédération qui n’a dès lors pas pu assister à la Conférence, l’emprisonnement de 89 syndicalistes et les procédures judiciaires intentées contre pratiquement toutes les activités organisées par la KESK. Cinq cent mille fonctionnaires sont privés du droit de créer des syndicats ou d’y adhérer. Il est important que la négociation collective aborde la question des droits syndicaux et des droits politiques et de leurs liens avec d’autres droits, tels que le droit des fonctionnaires d’adhérer à des partis politiques, la sécurité de l’emploi pour tous les travailleurs du secteur public ou encore le droit à la garde d’enfants. Alors que le droit de grève devrait être garanti dans le cadre de la négociation collective, ce droit est inexistant dans le secteur public. S’agissant des critères de représentation pour la négociation collective, l’oratrice fait état des difficultés rencontrées, sous forme de répression notamment, pour représenter les fonctionnaires, ce qui a eu pour conséquence que d’autres syndicats, plus proches du gouvernement, ont été favorisés lors du processus de négociation collective. En outre, la désignation par le gouvernement des membres des conseils d’arbitrage implique elle aussi une violation du droit de négociation collective du fait que le gouvernement peut peser directement sur les négociations. La nouvelle loi n’a pas supprimé les seuils imposés pour la négociation collective, et le seuil des «50 pour cent plus un» est maintenu au niveau des entreprises. A cause du seuil de 3 pour cent au niveau de la branche, 28 syndicats sur 51 risquent de perdre leur homologation. Cela veut dire que 5,1 millions de travailleurs représentant 6 pour cent de la population active ne seront pas en mesure de trouver un syndicat habilité à conclure une convention collective.

Le membre gouvernemental du Pakistan a indiqué que la Turquie a ratifié toutes les conventions fondamentales et que la commission d’experts a pris note avec satisfaction de l’application de la convention no 98. Il est donc décevant de voir ce cas figurer dans la liste des cas individuels. La Turquie a fait beaucoup pour mettre sa législation en conformité avec la convention no 87, ainsi qu’avec la convention no 98. Les nouvelles lois ont été adoptées après un dialogue intense avec les partenaires sociaux, ce qui est un signe que le tripartisme fonctionne bien dans le pays.

La membre travailleuse de la France, faisant également référence à l’Internationale de l’éducation, a souligné l’importance d’un dialogue social tripartite et effectif pour la justice sociale, la lutte contre les inégalités et le respect des principes et droits fondamentaux au travail, lesquels, tels que reconnus par la Commission sur la discussion récurrente de la Conférence internationale du Travail de 2012, constituent des droits humains. Le respect de la liberté d’expression dans un cadre démocratique est fondamental pour le développement du dialogue social, ce qui est loin d’être une réalité en Turquie. Elle a ensuite relevé que le Comité de la liberté syndicale, dans ses conclusions de mars 2012 relatives à une plainte présentée en 2010 pour violation de la convention no 98, a rappelé que «nul ne devrait faire l’objet de sanctions pour avoir mené ou tenté de mener des activités syndicales légitimes». Pourtant, de nombreux syndicalistes sont actuellement emprisonnés en Turquie ou sont sous le coup d’interdiction de voyager pour cause de procédures en cours. Ces procédures sont démesurément longues comme le démontre le cas des 72 membres et dirigeants de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) arrêtés par la police et soumis à procès depuis 2012. Vingt-deux des syndicalistes détenus ont passé 289 jours en prison avant l’ouverture du procès. S’ils ont obtenu une liberté sous caution, le procès à leur encontre poursuit son cours. Quant au président de la KESK, il est frappé d’interdiction de sortie du territoire pour procès en cours et ne peut pour cette raison assister à la Conférence. Les retards de procédure relèvent du harcèlement et de l’intimidation contre les syndicalistes. Quant aux longues périodes de détention provisoire, la membre travailleuse a souligné qu’elles constituent une violation de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a considéré que, dans ces conditions, la négociation collective est clairement devenue impossible.

Un observateur représentant IndustriALL Global Union, a souligné que la Turquie avait connu une année très difficile en matière de droits de négociation collective en 2012. D’après la législation nationale, le processus de négociation collective ne peut être lancé qu’après délivrance d’un certificat de compétence par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Jusqu’à l’adoption d’une nouvelle loi sur la négociation collective, en novembre 2012, le ministère n’a délivré aucun certificat de compétence pour aucun syndicat. Du fait de cette décision administrative arbitraire et illégale, le droit de négociation collective a été suspendu de fait, ce qui contrevient aux dispositions de la convention et à la Constitution de la Turquie. IndustriALL Global Union a porté plainte devant l’OIT au sujet de cette situation. D’après la législation nationale, les syndicats qui ne peuvent obtenir de certificat de compétence ne peuvent recueillir de cotisations ni nommer de représentants syndicaux, ce qui met en péril la viabilité des syndicats et empêche les travailleurs de jouir de leurs droits fondamentaux. En particulier, les travailleurs se sont massivement abstenus de s’affilier à des syndicats car ceux-ci n’auraient pas été en mesure de protéger leurs membres de quelque manière que ce soit. Les difficultés n’ont pas cessé avec l’adoption de la nouvelle loi. Cette dernière maintient les seuils de reconnaissance des syndicats aux fins de la négociation collective, ce qui constitue un obstacle à l’exercice de la liberté syndicale et de la négociation collective car de nombreux syndicats risquent de ne plus être reconnus à ces fins du fait de la création de secteurs plus larges. La Turquie est le seul pays où un seuil sectoriel s’applique pour la négociation collective au niveau de l’établissement, et un tiers des membres des syndicats n’ont pas accès aux droits de négociation collective. En attendant, les seuils au niveau de l’établissement sont encore trop élevés, ce qui plonge les syndicats dans de profondes difficultés. En outre, la nouvelle législation ne prévoit aucune solution pour les très longues procédures judiciaires liées à la pratique courante des employeurs visant à contester la délivrance du certificat de compétence par le ministère du Travail. Pendant ces procédures judiciaires, les membres des syndicats sont souvent licenciés, comme le montrent de nombreux cas concrets concernant des grandes marques des secteurs textile, chimique et métallurgique.

Le membre gouvernemental de l’Egypte a déclaré que le gouvernement avait pris des mesures importantes en vue de modifier la législation nationale pour assurer sa conformité avec les conventions internationales. Ces changements ont été apportés dans le cadre d’un dialogue social constructif et avec l’engagement de l’ensemble des partenaires sociaux. Ainsi, il convient de noter l’adoption, en avril 2012, de la nouvelle loi relative à la négociation collective des fonctionnaires, qui respecte les principes prévus dans les conventions nos 87 et 98, ainsi que l’abrogation de certaines dispositions de la Constitution qui restreignaient les droits de négociation collective. L’orateur a par conséquent demandé que ce cas ne soit plus examiné par cette commission.

Le membre travailleur de l’Allemagne a déclaré que les actes de discrimination dont sont victimes les syndicalistes dans le secteur privé et le secteur public sont préoccupants et que la discrimination contre les personnes qui veulent se syndiquer constitue une violation patente de la convention. Cette situation affecte non seulement les sociétés nationales, mais également les entreprises internationales présentes en Turquie. L’orateur s’est référé à plusieurs cas d’employés qui ont été victimes de manœuvres d’intimidation car ils voulaient adhérer à un syndicat. Par exemple, le 20 novembre 2007, 17 employés syndiqués ont été arrêtés à Ankara pour avoir soi-disant créé une organisation terroriste ce qui, d’après le syndicat, est dénué de tout fondement. Ces employés ont été relâchés après 200 jours d’emprisonnement, et le gouvernement n’a fourni aucune information à cet égard. En décembre 2012, 11 employés ont été condamnés par le tribunal pénal d’Ankara à des peines de prison allant de un à six ans. Ces cas montrent l’ampleur de la discrimination antisyndicale et suscitent de vives préoccupations. Il faut continuer à suivre cette situation de près.

Une observatrice représentant l’Internationale des services publics (ISP) a rappelé que, l’an dernier, les droits des syndicats en Turquie ont fait l’objet d’attaques sans précédent, avec notamment l’arrestation en février 2013 de 151 représentants syndicaux, pour la plupart membres de la KESK, et la détention en février 2012 de 15 femmes syndicalistes et de 67 autres syndicalistes en juin 2012. Depuis, certaines des personnes arrêtées ont été libérées, mais d’autres sont toujours emprisonnées sans que des charges n’aient été officiellement retenues contre elles. Des descentes de police armée dans des locaux des syndicats ont été signalées ces derniers mois, avec recours à une violence excessive et, il y a quelques jours, des travailleurs municipaux d’Ankara ont été menacés d’être licenciés s’ils prenaient part à des actions de protestation. Par ailleurs, le nouveau projet de réforme de la législation du travail a pour unique objectif de rendre de plus en plus difficile l’enregistrement des syndicats et le recours à la négociation collective. Il s’agit là en substance d’un autre élément de la stratégie antisyndicale du gouvernement. L’oratrice a demandé au gouvernement de mettre fin à ces actes d’intimidation et de harcèlement à l’encontre des membres et des dirigeants des syndicats, à libérer dans les plus brefs délais les personnes détenues et à entreprendre la révision de la réforme de la législation du travail.

La membre travailleuse des Pays-Bas a centré ses commentaires sur trois questions. Premièrement, s’agissant de la célébration du 1er mai, l’oratrice a regretté l’usage excessif de la violence par la police lors des réunions qui ont eu lieu cette année sur la place Taksim. Ces événements ont jeté une ombre sur l’initiative du gouvernement de déclarer le 1er mai comme jour férié – initiative qui avait été généralement considérée comme un progrès. Deuxièmement, en ce qui concerne la protection contre la discrimination fondée sur l’affiliation à un syndicat et la participation à des activités syndicales, il convient de souligner que la négociation collective est l’un des principaux instruments de redistribution des revenus et, dans la mesure où la négociation collective fait l’objet de restrictions excessives en droit et en pratique, la Turquie a été identifiée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) comme figurant parmi les trois pays où l’inégalité des revenus est la plus importante. Il est donc de la plus haute importance que la nouvelle loi sur les syndicats et les conventions collectives élimine effectivement les obstacles juridiques à la négociation collective. Ce n’est que de cette façon que le gouvernement pourra mettre en conformité la législation avec la convention. Par ailleurs, il est regrettable que la commission d’experts n’ait pas été en mesure d’examiner la nouvelle loi, ce qui aurait permis une discussion au sein de cette commission. Troisièmement, en ce qui concerne le «double seuil», qui a imposé aux syndicats une exigence de représentation plus élevé pour pouvoir participer à la négociation collective, il ressort des informations disponibles et de la déclaration du représentant gouvernemental que ce double seuil s’applique toujours. Il a pourtant fait l’objet de critiques de la part de la commission d’experts et de cette commission à plusieurs reprises. Le pourcentage de représentation exigé serait augmenté – il est de 1 pour cent actuellement. La commission avait demandé au gouvernement de mettre sa législation en conformité avec la convention. Pour ce faire, il n’aurait pas dû augmenter le seuil de représentation du secteur au-dessus de 1 pour cent. Les travailleurs dans les entreprises de moins de 30 salariés jouissent d’une protection moindre contre la discrimination antisyndicale. Toutefois, l’article 25.5 de la nouvelle loi est ambigu et pourrait laisser entendre que les travailleurs des petites entreprises de moins de 30 salariés ne peuvent plus recourir à la justice pour obtenir une indemnisation en cas de licenciement abusif fondé sur la participation à des activités syndicales. Le gouvernement devrait être prié de supprimer dès que possible cette forme flagrante de discrimination antisyndicale. La croissance économique doit se baser sur un socle de normes fondamentales du travail, auquel appartient la convention no 98, qui s’applique à tous les travailleurs.

Le représentant gouvernemental a fourni des explications supplémentaires en réponse aux différents points soulevés pendant la discussion. S’agissant du licenciement de travailleurs qui aurait été prononcé au motif de leur affiliation à un syndicat, il a attiré l’attention sur le Code pénal et sur la législation relative aux syndicats qui prévoient de lourdes sanctions en cas de discrimination antisyndicale. Les personnes qui ont des raisons de penser qu’elles sont victimes de discrimination basée sur leurs activités syndicales peuvent porter plainte à tout moment. S’agissant des plaintes relatives à la discrimination antisyndicale dans le secteur public, des mesures sont prévues dans la loi no 4688 et dans les circulaires pertinentes visant à protéger le droit d’organisation, à éviter toute restriction à la liberté syndicale et à garantir une protection suffisante contre tout type de discrimination. L’article 18(2) de la loi dispose qu’aucune institution ne peut transférer un dirigeant syndical, un représentant syndical de la province ou du district et un administrateur de secteur à un autre poste sans en donner les raisons spécifiques. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles les syndicalistes sont poursuivis en justice pour terrorisme dans le but de stigmatiser et de délégitimer systématiquement les activités syndicales, il y a lieu de rejeter ces accusations qui sont totalement infondées. La Turquie est un pays démocratique, un Etat de droit, doté d’un pouvoir judiciaire indépendant. Si des membres de syndicat ont été arrêtés ou jugés, ces arrestations ne sont pas liées à leurs activités syndicales mais plutôt à leur participation à des activités terroristes violentes ou à la constitution d’organisations terroristes. Les informations envoyées par le ministère de la Justice et de l’Intérieur montrent que des syndicalistes ont été arrêtés pour infraction à la loi no 5237 relative au Code pénal, à la loi no 3713 sur la lutte contre le terrorisme et à la loi no 2911 sur les manifestations et les marches. S’agissant du système de double seuil qui constituerait un obstacle à la négociation collective, l’orateur a expliqué que le seuil sectoriel devrait être ramené à 3 pour cent à partir de juillet 2018 mais le gouvernement est prêt à envisager la requête des membres travailleurs de ne pas fixer ce seuil au-dessus de 1 pour cent. S’agissant de la diminution du nombre de syndicats autorisés à signer des conventions collectives du travail, il convient de noter que le certificat de compétence octroyé à un syndicat pour qu’il puisse conclure une convention collective était auparavant déterminé par rapport à des statistiques inexactes et gonflées fournies par les syndicats. Le gouvernement a introduit un nouveau système fondé sur le recoupement des chiffres de l’Institut de sécurité sociale depuis 2009, ce qui a permis d’obtenir des chiffres plus précis concernant le nombre d’affiliés et le taux de syndicalisation. D’après de récentes statistiques, en 2013, le taux de syndicalisation en Turquie est de 9,21 pour cent, ce qui est bien entendu inférieur aux chiffres précédemment établis. Les syndicats devraient par conséquent redoubler d’efforts pour augmenter le nombre de leurs affiliés.

Se référant aux incidents ayant entouré les célébrations du 1er mai sur la place Taksim, son gouvernement ne pouvait accepter aucune accusation, et il a indiqué que le gouvernement avait rendu possibles les célébrations du 1er mai sur la place Taksim après une longue période d’interdiction. A une exception près, le 1er mai a été fêté de manière pacifique dans tout le pays: 136 événements se sont déroulés dans 76 provinces et ont enregistré la participation de 250 000 personnes. Cette année, la place Taksim a été fermée aux rassemblements de masse pour des raisons de sécurité du fait de travaux de construction en cours. Certains groupes marginaux ont provoqué des incidents violents ayant endommagé des biens publics et privés mais les actions policières n’ont à aucun moment été dirigées contre des locaux de syndicats ou contre tout groupe exerçant son droit à la liberté syndicale ou à la liberté d’expression.

Les membres travailleurs ont souligné que le gouvernement devait être prié de transmettre les données statistiques demandées par la commission d’experts afin que cette dernière puisse s’assurer que la procédure applicable aux plaintes pour discrimination antisyndicale dans le secteur public est suffisamment protectrice. S’agissant du secteur privé, le gouvernement ayant indiqué qu’il ne disposait pas de statistiques sur les cas de discrimination antisyndicale, il devrait être prié de mettre en place un système fiable permettant de répertorier ces cas. Par ailleurs, le gouvernement devra également fournir des informations détaillées sur la manière dont la nouvelle loi sur les relations collectives de travail a tenu compte des commentaires formulés depuis de nombreuses années par la commission d’experts dans la mesure où certaines exigences contenues dans cette loi semblent contraires aux dispositions de la convention. Les membres travailleurs ont conclu en soulignant que le processus de collaboration entre le Bureau et le gouvernement n’ayant pas encore produit les résultats escomptés, la coopération technique devrait être intensifiée pour résoudre des questions urgentes: retirer de la loi sur les relations collectives du travail les dispositions qui pourraient aboutir à une discrimination entre les travailleurs des petites et des grandes entreprises; ne pas augmenter le seuil établi pour la création des syndicats – le gouvernement ayant manifesté sa bonne volonté à cet égard –; et lever les obstacles à la liberté d’expression et à l’action collective des syndicats.

Les membres employeurs ont salué les progrès réalisés dans le domaine de la législation du travail et ont souligné que ceux-ci sont le fruit du dialogue social tripartite. Néanmoins, le gouvernement doit fournir des informations plus complètes qui incluent des données statistiques spécifiques afin qu’il soit possible d’évaluer l’ampleur du problème dans le secteur public. Par ailleurs, la législation doit être modifiée, en consultation avec les partenaires sociaux, afin d’assurer sa pleine conformité avec la convention. A cette fin, le gouvernement devrait accepter l’assistance technique du Bureau et s’engager à collecter les informations demandées ainsi qu’à envoyer un rapport détaillé pour la prochaine session de la commission d’experts.

Conclusions

La commission a pris note des informations orales fournies par le gouvernement et du débat qui a suivi.

La commission a noté que les problèmes qui demeurent concernent de nombreuses allégations d’actes de discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé, les mécanismes nationaux de plainte contre ces actes et la nécessité de se doter d’un cadre législatif pour une négociation collective libre et volontaire.

La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement au sujet de l’adoption de la loi no 6356 sur les syndicats et les conventions collectives du travail et de la loi no 6289 sur la négociation collective dans le service public, adoptées dans un esprit de tripartisme et de dialogue social soutenu dans lequel les normes de l’OIT constituent le principal point de référence. La commission a observé que le gouvernement avait énuméré plusieurs dispositions qui étaient davantage conformes à la convention. Le gouvernement a également affirmé qu’il serait aussi tenu compte des commentaires des représentants des travailleurs sur le système de double seuil.

La commission s’est félicitée des progrès accomplis qui ont été observés dans ce cas grâce à l’adoption de la loi sur la négociation collective dans le service public. Elle a toutefois noté qu’il fallait redoubler d’efforts en ce qui concerne certaines catégories de travailleurs du service public qui ne sont pas couverts par cette loi et d’autres restrictions à la négociation collective dans le secteur public. La commission a exprimé le ferme espoir que la législation, ainsi que son application dans la pratique, serait pleinement conforme à la convention et a invité le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du BIT à cet égard. Plus particulièrement, la commission a prié le gouvernement d’établir un système de recueil des données sur la discrimination antisyndicale dans le secteur privé et de veiller à ce que toute ambiguïté dans la nouvelle législation soit levée à la lumière de l’évaluation faite par la commission d’experts. La commission a prié le gouvernement de fournir toutes les informations pertinentes, notamment en ce qui concerne le fonctionnement des mécanismes nationaux de plainte et toutes les données statistiques relatives à la discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé. Enfin, la commission a prié le gouvernement de fournir un rapport détaillé à la commission d’experts pour examen à sa prochaine session.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2000, Publication : 88ème session CIT (2000)

Un représentant gouvernemental a pris note des observations de la commission d'experts concernant le respect de la protection contre la discrimination antisyndicale, les restrictions à la négociation collective, le droit pour les fonctionnaires de se syndiquer, et le droit pour les travailleurs des zones franches d'exportation (ZFE) de négocier collectivement.

Abordant la question de la discrimination antisyndicale, l'orateur a rappelé que son gouvernement a communiqué copie, dans son dernier rapport, de plusieurs décisions de justice qui, selon les termes mêmes de la commission d'experts, montrent que, dans diverses affaires portant sur la discrimination antisyndicale, des compensations ont été accordées assez fréquemment. Dans de telles circonstances, l'article 31 de la loi sur les syndicats prévoit une compensation non inférieure au montant total du salaire annuel du travailleur concerné. Ce montant peut en outre être majoré par effet d'une convention collective ou par décision d'un tribunal. Le montant de cette compensation n'est pas fixe et son principe n'altère pas les droits prévus par la législation du travail ou toute autre loi en faveur du travailleur.

En réponse aux propos selon lesquels la négociation collective ferait l'objet de restrictions, l'orateur a rappelé que la commission d'experts a constaté que les limitations que la législation pose à la négociation collective ne semblent pas être observées par les organisations syndicales, lesquelles, dans la pratique, sont libres de recourir à ce moyen. Il a informé la commission du fait que deux projets de loi tendant à modifier plusieurs textes, dont la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur la négociation collective, la grève et le lock-out, sont actuellement à l'étude et que ces derniers tiennent compte des commentaires formulés par la commission d'experts en vue de promouvoir la liberté syndicale et la négociation collective en Turquie. Ces deux textes ont été communiqués aux partenaires sociaux pour avis et une réunion a eu lieu à ce sujet le 30 mai. Des consultations avec les partenaires sociaux se poursuivront dans les semaines à venir. Les textes en question tendent à améliorer les droits relatifs à la négociation collective de même que la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale. C'est ainsi que, par exemple, pour conférer un statut légal à l'implication active, qui existe d'ores et déjà, des confédérations dans la coordination des activités de négociation de leurs affiliés, l'amendement proposé autoriserait ces confédérations à conclure des conventions de base au niveau national en vue de fixer des normes générales devant servir de références à leurs affiliés dans le cadre des négociations. Ces projets de textes modificateurs introduisent également des définitions et des clarifications juridiques sur la notion de "conventions collectives de groupe (multi-employeurs)", formule qui, dans la pratique, tient lieu de conventions de branche.

Pour ce qui est du double critère servant à déterminer le statut représentatif d'un syndicat aux fins de la négociation collective, l'orateur a fait valoir que le gouvernement a proposé aux partenaires sociaux, avec le projet de texte susmentionné, l'abrogation de la règle imposant à un syndicat de représenter au moins 10 pour cent des effectifs de la branche d'activité considérée pour que cette qualité lui soit reconnue. Si cette clause est acceptée par les partenaires sociaux, un syndicat représentant la majorité des travailleurs sur le lieu de travail sera réputé représentatif aux fins de la négociation. La forme finale du texte législatif qui sera proposé dépendra de la réponse des partenaires sociaux et du processus parlementaire.

En ce qui concerne le droit, pour les fonctionnaires, de se syndiquer, l'orateur indique que le projet de loi sur les syndicats n'a pas été adopté parce que les partis de l'opposition ont demandé sa révision de même que la tenue d'élections générales dans le pays. Un nouveau projet de loi est désormais inscrit à l'ordre du jour du parlement et est actuellement débattu par la Commission parlementaire de planification et du budget. L'orateur signale à l'attention de la présente commission que le projet de loi soumis par le gouvernement a d'ores et déjà été amendé par la Commission parlementaire pour la santé et les affaires sociales et pourrait encore faire l'objet d'autres modifications avant son adoption.

S'agissant des ZFE, l'orateur a informé la commission d'un amendement tendant à abroger l'article provisoire premier de la loi no 3218 de 1985 sur les zones franches d'exportation. Avec l'abrogation de l'arbitrage obligatoire, qui n'a été imposé que pour une période de dix ans, il ne subsistera pas de restrictions aux droits des travailleurs des zones franches d'exportation de négocier collectivement.

L'orateur a souligné que la Turquie reste attachée à la participation des organisations d'employeurs et de travailleurs à la formulation et à la mise en oeuvre des mesures envisagées par la convention no 144. En fait, un projet de loi sur la création, le fonctionnement et les principes d'un conseil économique et social a été élaboré dans le cadre de consultations avec les partenaires sociaux et se trouve aujourd'hui inscrit à l'ordre du jour du Conseil des ministres. Lorsqu'il aura été adopté, ce texte conférera au système de dialogue social un statut légal et l'institutionnalisera au plus haut niveau, pratique qui a déjà cours depuis 1995 en application de diverses circulaires gouvernementales. Pour conclure, l'orateur a signalé à la commission qu'un accord de coopération entre l'OIT et la Turquie serait signé prochainement et que cet accord prévoit la poursuite d'une coopération satisfaisante entre l'OIT et les mandants turcs pour ce qui est de la promotion des quatre objectifs stratégiques de l'Organisation.

Les membres employeurs ont fait observer que c'est la dix-huitième fois en 20 ans que la commission est saisie du cas de la Turquie, ce qui en fait le cas le plus souvent discuté par cette instance, aspect qui, cependant, ne préjuge en rien de sa gravité par rapport à d'autres. Ils ont tenu à faire valoir que, à propos de ce cas, les représentants gouvernementaux se sont toujours présentés devant la commission et que celle-ci a toujours constaté des progrès sur les points soulevés par la commission d'experts dans ses commentaires.

Les membres employeurs ont pris note du nombre de décisions judiciaires en rapport avec les articles 1 et 3 de la convention, qui fait apparaître que, dans diverses affaires de discrimination syndicale, des compensations ont été accordées assez fréquemment. En l'occurrence, des compensations accordées n'étaient pas inférieures au montant total du salaire annuel du travailleur, ce que les membres employeurs considèrent comme plutôt élevé. A cet égard, il serait opportun que les conclusions de la présente commission fassent ressortir que la commission d'experts n'a pas émis de critiques sur ce point, mais qu'elle a seulement demandé au gouvernement de continuer à fournir des informations à ce sujet.

Pour ce qui est de l'interdiction faite aux confédérations de négocier collectivement, le gouvernement explique dans son rapport que le caractère hétérogène de ces confédérations permettrait difficilement de conclure des conventions obéissant à un ordre hiérarchique, mais qu'en revanche leur implication active dans le processus de négociation est une pratique largement acceptée. Sur ce point, les membres employeurs sont d'avis qu'il est plus important de constater qu'une telle négociation collective a effectivement cours plutôt que d'avoir à se pencher sur l'existence de dispositions légales qui ne seraient pas appliquées. Pour ce qui est de la disposition constitutionnelle selon laquelle il ne peut être conclu plus d'une convention collective par établissement ou entreprise dans un délai déterminé, ils ont relevé que la négociation collective à l'échelle de la branche existe dans la pratique et que les conventions collectives touchent tous les secteurs d'activité.

S'agissant du plafonnement imposé aux indemnités par la loi mais pouvant être majoré par voie de négociation, les membres employeurs ont déclaré que cela constitue, de leur point de vue, une approche normale. Le montant de ces indemnités correspond à un mois de salaire par année d'ancienneté, ce qui est plus élevé, dans certains cas, que ce qui se pratique dans des pays plus développés. Ils pensent que les commentaires de la commission d'experts à cet égard portent davantage sur des aspects généraux de l'article 4 qui concerne la promotion de la négociation collective. Ils ont tenu à rappeler l'importance du fonctionnement de la négociation collective dans la pratique.

S'agissant du droit pour les fonctionnaires de se syndiquer, les membres employeurs ont relevé que le projet de loi concernant les syndicats de fonctionnaires avait été rejeté et qu'un nouveau projet avait été soumis au parlement.

En ce qui concerne les critères fixés par la législation pour déterminer le statut représentatif des syndicats aux fins de la négociation collective, les membres employeurs ont rappelé qu'il s'agit là d'une question bien connue de la présente commission. Le gouvernement serait favorable à une modification des dispositions pertinentes, mais ce sont les partenaires sociaux qui n'en veulent pas. En tout état de cause, une législation qui stipule les critères de détermination du statut de représentativité des syndicats aux fins de la négociation collective est contraire à la convention et le gouvernement doit faire en sorte que cette législation soit rendue conforme aux prescriptions de la convention. Les membres employeurs jugent critiquable que, tandis que les partenaires sociaux bloquent toute tentative de modification de la législation en cause, les représentants des travailleurs turcs continuent de soulever cette question devant la commission.

S'agissant du caractère obligatoire de l'arbitrage pour le règlement des conflits collectifs du travail dans les zones franches d'exportation, les membres employeurs ont relevé que ces dispositions doivent venir à expiration prochainement.

Enfin, les membres employeurs se félicitent de la mise en place d'une commission tripartite ayant pour mandat d'examiner la législation du travail et de proposer des amendements en tant que de besoin. Pour conclure, les membres employeurs ont déclaré qu'il devrait être demandé au gouvernement de continuer à fournir des informations, en particulier sur les mesures prises pour faire disparaître toute divergence qui pourrait subsister entre la législation en vigueur et les prescriptions de la convention.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental des informations qu'il a fournies et de sa volonté de discuter le cas de manière franche et ouverte. Ils ont exprimé l'espoir que cette attitude positive se traduira par un réel progrès au courant de l'année prochaine. Ce cas, discuté à de nombreuses reprises dans le passé, présente à la fois des aspects réjouissants et d'autres frustrants. Il est réjouissant de savoir que des progrès ont été accomplis, comme la ratification de la convention no 87 en 1993. Par contre, il est frustrant de constater que les progrès annoncés ne se sont pas matérialisés. Cette tension s'est clairement manifestée dans l'observation de la commission d'experts. Concernant l'application des articles 1 et 3 de la convention traitant de la discrimination antisyndicale, la commission d'experts a semblé indiquer que certains progrès avaient été enregistrés, mais a prié le gouvernement de lui faire rapport sur l'adoption de la nouvelle législation, annoncée dans son rapport précédent. Malheureusement, le représentant gouvernemental a indiqué que cette nouvelle législation est toujours en discussion au parlement. Les membres travailleurs ont noté que, d'après la commission d'experts, un certain nombre de restrictions légales à la négociation collective subsistent depuis de nombreuses années et sont contraires à l'article 4 de la convention, ce, malgré l'indication du gouvernement que celles-ci seraient levées. Ces restrictions comprennent notamment l'interdiction de la négociation collective pour les confédérations, la restriction constitutionnelle de la convention collective unique par entreprise et le double critère pour la détermination du statut représentatif des syndicats. La législation actuelle donne pouvoir au ministre du Travail d'approuver la compétence des syndicats avant même le début des négociations. Ces pouvoirs, souvent utilisés de manière arbitraire, engendrent des retards importuns dans le processus de négociation. Les membres travailleurs ont rappelé au gouvernement que ce sont les parties elles-mêmes qui devraient déterminer le niveau de négociation et que la loi doit promouvoir la négociation plutôt que d'en prévoir simplement la possibilité. Ils ont ajouté que le double critère pour la détermination du statut représentatif des syndicats aux fins d'une négociation collective a pour résultat, en pratique, que les travailleurs dans de nombreux secteurs ne sont pas couverts par des conventions collectives en raison de conflits portant sur la représentativité de leurs syndicats. Cependant, malgré l'existence de restrictions légales substantielles à la négociation collective, la commission d'experts a noté que certaines d'entre elles semblent être ignorées en pratique, permettant aux organisations de travailleurs de poursuivre la négociation collective assez librement. Bien que les membres travailleurs n'adhèrent pas complètement à cette vision des choses, ils observent que, si c'était effectivement le cas, il est difficile de comprendre pourquoi le gouvernement refuse de changer les lois en fonction de la pratique. Bien que comprenant que le processus parlementaire est bien souvent lent, ils ont rappelé que celui-ci traîne depuis de longues années et que la crédibilité du gouvernement commence à être mise en question.

Les membres travailleurs ont également exprimé leur frustration quant à l'absence de progrès dans l'adoption du projet de loi sur les syndicats de la fonction publique, qui est également en chantier depuis de nombreuses années. Ils ont exprimé l'espoir que ce projet soit en conformité complète avec la convention et qu'il assure aux fonctionnaires des droits à la négociation collective complets, avec la seule exception éventuelle des personnes travaillant pour l'administration de l'Etat. La référence faite par la commission d'experts aux recommandations du Comité de la liberté syndicale portant sur un cas de restrictions imposées au droit de négociation collective des fonctionnaires et de l'intervention du gouvernement dans le processus de négociation collective suggère que certaines inquiétudes subsistent à propos de ce projet de loi. Les membres travailleurs ont donc rappelé au gouvernement, une nouvelle fois, que la convention requiert que la négociation collective soit promue et non simplement prévue ou tolérée. En rapport aux zones franches d'exportation (ZFE), la commission d'experts avait prié le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la nature volontaire de la négociation collective dans toutes les ZFE, dont le nombre augmente en Turquie comme dans beaucoup d'autres pays. Il y a actuellement 17 ZFE dans le pays, employant 15.000 travailleurs et il est prévu d'en créer huit autres dans un futur proche. Il est particulièrement dérangeant que pas un seul travailleur dans ces zones n'appartienne à un syndicat. Sans accès syndical aux ZFE, les travailleurs ne peuvent jouir d'aucun droit de négociation collective, alors que la période de dix ans durant laquelle l'arbitrage obligatoire était imposé a pris fin dans un certain nombre de ZFE. Les membres travailleurs ont prié le représentant gouvernemental de s'exprimer sur ce problème. Les membres travailleurs se sont réjouis du progrès accompli en Turquie depuis le début des années quatre-vingt en matière de droits fondamentaux des travailleurs. Il semble toutefois que le gouvernement ait décidé de faire une pause. Ils l'ont donc exhorté à finaliser le processus de mise en conformité de sa législation avec la pratique dans le cas des restrictions légales à la négociation collective et avec la convention en général. Bien que se réjouissant de l'esprit de dialogue dont a fait preuve le représentant gouvernemental, ils ont souligné qu'il était nécessaire que les changements promis soient finalement reflétés dans la pratique. Ils ont également prié instamment le gouvernement de considérer sérieusement l'offre d'assistance technique du BIT afin de faciliter l'élimination des obstacles subsistants à l'application de la convention.

Le membre travailleur de la Turquie a remercié à son tour le représentant gouvernemental pour les informations fournies, tout en rappelant que l'application de la convention par la Turquie avait fait l'objet d'un examen par la commission à 14 reprises depuis 1983. Bien que le pouvoir des travailleurs dans son pays soit très efficace dans les manifestations de masse, les marches, les rassemblements et les actions revendicatives, les problèmes relatifs à la législation persistent car ce pouvoir n'est pas directement reflété sur la scène politique. Il a souligné que la loi sur les syndicats ne prévoit pas de protection efficace contre la discrimination antisyndicale, puisque la charge de la preuve revient à la victime. En outre, le nombre de travailleurs clandestins en Turquie est estimé à plus de 4,5 millions, en plus des 750.000 travailleurs étrangers employés illégalement, qui ne disposent d'aucun recours contre leurs employeurs lorsqu'ils sont licenciés en raison d'activités syndicales. Il a ajouté que, la Turquie n'ayant pas mis sa législation en conformité avec la convention (no 158) sur le licenciement, 1982, toute tentative d'exercer son droit d'organisation se heurte à la discrimination antisyndicale dans sa forme la plus sévère. L'intervenant s'est réjoui du fait que le gouvernement ait reconnu la contradiction entre la législation nationale et la convention, concernant l'interdiction de la négociation collective des confédérations. L'étape suivante sera d'éliminer cette divergence. Le gouvernement a également admis que l'exigence d'une convention collective unique par établissement ou entreprise est une violation de la convention. Une autre disposition contraire à la convention est l'article 3 de la loi no 2821, qui contient l'obligation de négocier au nom de tous les établissements d'une entreprise. Cela signifie qu'il n'est pas possible que les travailleurs d'un seul des multiples établissements d'une entreprise s'organisent et négocient en leur nom. Contrairement aux affirmations du gouvernement, il n'est légalement pas possible de conclure des conventions collectives au niveau d'un secteur. L'intervenant a ajouté que la négociation au niveau du secteur et la négociation par branche sont des pratiques différentes qui ne coïncident que très rarement. Dans son pays, l'absence d'une négociation par secteur laisse des milliers de travailleurs hors du champ d'application des conventions collectives dans les secteurs de la banque et des transports maritimes. En outre, la restriction portée au droit de négociation collective ne se limite pas au plafonnement des indemnités. L'article 5 de la loi no 2821 stipule que les clauses contraires aux dispositions légales ou réglementaires ne peuvent être incluses dans des conventions collectives. En vertu de ces dispositions, toute tentative de prévoir une sécurité de l'emploi par négociation collective, conformément à la convention no 158, est considérée comme nulle et invalide. Les parties à un tel accord risquent l'emprisonnement. L'intervenant a également indiqué que le délai de soixante jours imparti pour la conduite des négociations viole la convention no 98 et devrait être abrogé. En dépit de l'affirmation du gouvernement qu'une action de grève ne souffre aucune limite de temps, il a déclaré qu'il existe un délai supplémentaire de soixante jours pour l'exercice du droit de grève après que la décision de l'appel à la grève ne sera prise, sous peine de perdre ce droit.

L'intervenant a répété que l'ensemble de la législation du travail en Turquie devait être mise en harmonie avec les conventions ratifiées. Alors que le ministre du Travail conserve son pouvoir d'émettre des certificats d'approbation à la négociation collective, alors que l'affiliation à un syndicat nécessite l'approbation d'un officier public et alors que chaque établissement ne peut être couvert que par une seule convention collective, l'annulation du seuil de 10 pour cent ne ferait qu'aggraver les problèmes. Concernant le droit d'organisation des fonctionnaires, l'intervenant a souligné l'obligation de promouvoir, en vertu de la convention no 98, les négociations collectives pour tous les fonctionnaires qui ne sont pas employés dans l'administration de l'Etat. Il est nécessaire de tenir compte du fait que le terme "fonctionnaires" dans son pays couvre des catégories de travailleurs telles que les infirmières, les enseignants, les jardiniers, les employés de bureau et les conducteurs de train, qui sont privés de nombre de droits et libertés fondamentaux. Dans le cas no 1989, le Comité de la liberté syndicale a invité le gouvernement à éviter d'avoir recours à l'intervention dans le processus de négociation des fonctionnaires. Cependant, plus d'un an après que ces recommandations ont été émises, elles n'ont toujours pas été honorées.

Abordant le problème de l'arbitrage obligatoire, avec une attention particulière portée aux ZFE, l'intervenant a fait observer que les organes de contrôle de l'OIT ont limité l'interdiction éventuelle du droit de grève aux services essentiels au sens strict. A cet égard, il a souligné que les secteurs pétrolier, banquier, minier, des transports, de la production et de la distribution alimentaires, et de l'éducation ne sont pas essentiels au sens strict et que certains d'entre eux font pourtant l'objet de l'interdiction du droit de grève, et que les conflits survenant dans ces secteurs sont soumis à l'arbitrage obligatoire. Depuis de nombreuses années, le gouvernement turc a soutenu que les restrictions au droit de grève étaient en conformité avec la jurisprudence de l'OIT concernant les services essentiels. Or l'interprétation excessivement large de ce critère par le gouvernement s'illustre bien par les récentes suspensions de grèves dans des usines de pneus sur base de ce qu'elles portent préjudice à la défense nationale. De plus, l'arbitrage obligatoire ne se limite pas à des cas de suspension de grèves. Le large éventail de restrictions portées au droit de grève dans son pays a conduit à des cas d'arbitrage obligatoire pour des affaires de conflits d'intérêts, comme cela a été rappelé par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1810. En vue d'attirer des entreprises étrangères, les grèves et les lock-out n'ont pas été permis durant les dix ans suivant la création des ZFE. Tout conflit survenant dans le cadre de la négociation collective pendant cette période a dû être résolu par le Conseil suprême d'arbitrage. Ces pratiques sont contraires à la Déclaration tripartite des principes concernant les entreprises multinationales et la politique sociale de l'OIT. En conclusion, l'intervenant a déclaré que des structures tripartites assez efficaces existent en Turquie et que le gouvernement a promis au cours des négociations de résoudre ces problèmes. Il est à espérer que ces promesses seront honorées dans un futur proche, que les changements nécessaires seront apportés tant dans la loi que dans la pratique et que le cas de la Turquie n'aura plus à être examiné par la commission dans les années à venir. Il a dès lors prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d'éliminer les divergences entre la loi et la pratique nationales et la convention.

Le membre travailleur de la Suède, parlant au nom des pays nordiques membres de la commission, s'est référé tout d'abord à l'interdiction de négocier collectivement imposée aux confédérations syndicales en Turquie. Le gouvernement a expliqué que les structures complexes des confédérations turques rendent difficile la conclusion d'accords avec ces dernières. Toutefois, l'oratrice insiste sur le fait que la question principale n'est pas liée à la structure des confédérations ou de savoir s'il est approprié pour ces dernières de conclure des conventions collectives, mais plutôt au fait qu'elles ont été privées de leur droit de négocier collectivement en violation de la convention. Le droit de décider si, comment, où et à quel moment la négociation collective doit être effectuée par les confédérations est un droit qui appartient uniquement aux confédérations elles-mêmes et à leurs affiliées. Ces confédérations sont tout à fait capables de déterminer le partage des responsabilités en ce qui concerne la négociation collective, comme cela est le cas dans plusieurs autres pays. L'oratrice s'est donc réjouie de la déclaration du gouvernement selon laquelle la législation sera modifiée sur cette question. Elle a également soulevé la question du droit d'organisation des fonctionnaires et a insisté sur le fait que le droit d'organisation et de négociation collective sont des droits fondamentaux qui ne doivent faire l'objet d'aucune exception. Elle suppose que le gouvernement craint que la reconnaissance de ces droits pourrait amener de nombreux conflits dans le secteur public. Elle souligne qu'il existe différentes façons de garantir le droit de négociation collective et le droit de grève, tout en évitant des conséquences néfastes dans les secteurs considérés par le BIT comme des services essentiels. Par exemple, dans son pays, un organe indépendant, composé des parties concernées, a été mis sur pied. Cet organe doit décider si une grève peut mettre en danger la vie et la santé de la population. Comme les syndicats ont toujours garanti que les grèves ne causeraient aucun dommage, cet organe n'a jamais eu à se prononcer sur cette question. L'oratrice a souligné que, en conséquence, la reconnaissance du droit de négocier collectivement ne met pas automatiquement en danger la société. Elle estime ainsi qu'il ne devrait y avoir aucune limitation au droit de négociation collective, y compris pour les fonctionnaires, peu importe si ces derniers travaillent au niveau local, régional ou national. Si l'on fait confiance aux partenaires sociaux en leur accordant tous leurs droits, ces derniers assumeront leurs responsabilités et organiseront leurs activités de façon sérieuse. Elle a donc demandé au gouvernement d'octroyer aux organisations de fonctionnaires, sans aucune exception, les pleins droits de négocier collectivement.

Le représentant gouvernemental a rappelé que, contrairement à ce qui se passe dans certains autres pays, le système syndical en Turquie est fondé sur l'enregistrement des membres des syndicats. Cette tradition remonte à fort longtemps et a été introduite afin de remédier au problème des chiffres gonflés donnés par certains syndicats. L'orateur a également rappelé la déclaration du membre travailleur de la Turquie, selon qui l'abrogation du seuil de 10 pour cent pourrait causer des tensions, et a souligné que, même si son gouvernement est disposé à abroger cette disposition, il faut d'abord obtenir un consensus des partenaires sociaux. Il a ajouté que, même si la négociation collective se déroule librement en Turquie, le processus est souvent assez lent. C'est pour cette raison que la limite de soixante jours a été introduite; toutefois, cela ne signifie pas que la négociation ne peut pas se poursuivre par la suite. Il a également réaffirmé que les syndicats ont un libre accès aux ZFE, y compris le droit d'association et de négociation collective. Toutefois, s'il survient des différends durant les négociations, l'arbitrage est imposé afin de prévenir les grèves. Là encore, les dispositions relatives à l'arbitrage obligatoire dans les ZFE sont censées être abrogées.

S'agissant de la déclaration du membre travailleur de la Turquie concernant la sécurité d'emploi, l'orateur a expliqué que les cas de licenciement en pratique étaient soumis assez fréquemment aux tribunaux et donnaient lieu à des indemnisations. Il a ajouté que la Constitution dispose qu'une seule convention peut être conclue pour un établissement ou une entreprise, pour toute période donnée. Il a expliqué que le système mixte de négociation collective de branche et d'établissement, qui existait avant 1983, avait soulevé plusieurs difficultés et donné lieu à des pratiques abusives, notamment la signature de conventions locales successives sous couvert d'autorisation au niveau de la branche. Il a déclaré, comme l'a rappelé la commission d'experts, que la négociation de branche existe effectivement en pratique et que des conventions collectives couvrant l'ensemble d'un secteur d'activités avaient été conclues dans plusieurs industries. Il a cité à cet égard des données démontrant que plusieurs industries étaient en fait couvertes par des conventions visant plusieurs employeurs.

S'agissant de la question du plafonnement des indemnités, il a fait remarquer que les primes de licenciement constituent la seule indemnité assujettie à un plafond. La législation du travail dispose que la prime de licenciement équivaut à trente jours de salaire pour chaque année de service. Toutefois, ces indemnités peuvent être majorées par convention collective et, en pratique, de nombreuses conventions prévoyaient quarante-cinq ou soixante jours de salaire pour chaque année de service; pour éviter les excès, il s'est avéré nécessaire d'imposer un plafond. Une situation semblable s'est produite en ce qui concerne les bonus, qui peuvent représenter un mois de salaire; ce nombre avait cependant été majoré par négociation collective pour atteindre de 4 à 12 bonus par an, ce qui pouvait représenter un doublement de la rémunération: il est donc devenu nécessaire d'imposer une limite légale de 4 bonus par an.

Quant au droit de syndicalisation des fonctionnaires, l'orateur a mentionné qu'un projet de loi sur les syndicats de fonctionnaires était à l'étude, et a souligné que de nombreux syndicats de fonctionnaires sont actifs et mènent des négociations collectives dans les municipalités. Toutefois, des problèmes se sont posés dans le cadre des accords sur l'équilibre social en raison de leurs conséquences sur le budget de l'Etat. Des conventions seront conclues avec les fonctionnaires, mais il reste à résoudre certaines questions concernant leurs aspects financiers. En ce qui concerne la suspension de la grève par les travailleurs du secteur du caoutchouc, l'orateur a fait observer que la grève peut être différée pendant soixante jours. Le différend peut être soumis à l'arbitrage mais les travailleurs concernés doivent en appeler à un tribunal d'instance supérieure. L'orateur s'est dit heureux d'informer la commission que les parties à ce différend ont maintenant conclu une entente. D'une façon générale, bien que la reconnaissance du droit de syndicalisation des fonctionnaires fasse partie des projets de son gouvernement, il y a eu certains retards en raison des lenteurs du processus législatif, notamment dans les cas où il existe des conflits d'intérêts. Le processus a été retardé par les élections législatives et l'élection présidentielle, et également en raison du fait que le gouvernement a entrepris plusieurs réformes majeures, y compris une refonte du système de sécurité sociale et la mise en place d'un système d'assurance chômage, réformes attendues de longue date. L'orateur a noté à cet égard que de nombreux amendements ont été apportés à la législation du travail depuis 1986, résultant tous des observations et critiques formulées par le BIT. Il a exprimé sa gratitude pour la contribution importante du BIT au développement du système et de la législation sociale dans son pays, et s'est dit confiant dans la poursuite de cette tendance. Il a mentionné à cet égard deux projets de lois qui seraient communiqués au BIT afin d'améliorer les textes, une fois l'avis des partenaires sociaux obtenu en vue de leur amélioration, et une fois ces textes traduits. Il a ajouté qu'un projet d'accord de coopération a été conclu entre le BIT et son pays, couvrant quatre domaines stratégiques.

Il a rappelé que son pays possède un système de relations professionnelles assez élaboré et a dit espérer qu'en améliorant la législation concernant les droits syndicaux et la négociation collective il sera possible à son gouvernement d'éviter de comparaître à nouveau devant la Commission de la Conférence. Il a finalement informé la commission que son pays a récemment ratifié la convention (no 159) sur la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées, 1983, et que l'instrument de ratification de la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, a été soumis au parlement pour ratification. Suite à un accord avec les partenaires sociaux, le gouvernement envisage de ratifier 15 autres conventions, dont la plupart traitent de questions maritimes.

Les membres employeurs ont fait observer que, si certaines restrictions légales continuent d'exister, contrairement à la convention, la plupart d'entre elles ne sont pas mises en oeuvre en pratique et, que de façon générale, les travailleurs disposent d'une très grande liberté dans plusieurs domaines, tels que la négociation collective. Selon les membres employeurs, cette situation pragmatique est préférable aux cas où la législation est parfaitement conforme à la convention, mais fait l'objet de nombreuses violations. Ils ont fait remarquer que plusieurs mesures ont été adoptées au cours des années afin d'améliorer la situation, en vue d'une meilleure conformité avec la convention, et ils se sont dits convaincus que le gouvernement poursuivra dans cette voie. Ils ont également déclaré que les méthodes utilisées par la commission pour traiter ce cas, qu'elle a examiné à 18 reprises durant les vingt dernières années, ont contribué aux progrès accomplis. S'agissant des services essentiels, ils ont rappelé que cette question n'est pas couverte par la convention no 98, même si la commission d'experts a élaboré une interprétation à cet égard dans le cadre de la convention no 87, concernant des restrictions possibles au droit de grève. Ils ont reconnu en conclusion les progrès accomplis et ont dit espérer pouvoir constater à l'avenir d'autres mesures positives.

Les membres travailleurs ont pris note de la déclaration du représentant du gouvernement, selon qui les syndicats ont libre accès en pratique aux ZFE en Turquie. Ils ont cependant souligné que pas un seul travailleur d'une ZFE n'est membre d'un syndicat ou n'a le droit de négociation collective, situation qui contrevient aux dispositions de la convention. Ils ont dit espérer que le nouveau projet de loi reconnaîtra intégralement le droit de négociation collective de tous les travailleurs, y compris les fonctionnaires, sous la seule réserve possible des fonctionnaires publics commis à l'administration de l'Etat. Tout en reconnaissant que des progrès ont été réalisés dans l'application de la convention depuis que la commission a examiné ce cas pour la première fois au début des années quatre-vingt, ils ont dit regretter que très peu de progrès aient été accomplis durant ces dernières années pour mettre la législation et la pratique nationales en conformité avec la convention. Ils ont ajouté que cela ne devrait pas être reproché aux partenaires sociaux et ont souligné qu'il appartient au gouvernement d'adopter des mesures positives avec l'aide technique du BIT, pour réaliser des avancées concrètes.

La commission a pris note de la déclaration faite par le représentant du gouvernement et de la discussion qui a suivi. Elle a rappelé que ce cas a été discuté à plusieurs reprises et a souligné à nouveau que la commission d'experts insiste depuis plusieurs années maintenant sur la nécessité d'éliminer les restrictions à la négociation collective découlant du double critère de représentativité imposé aux syndicats en vue de la négociation collective; l'importance d'octroyer aux travailleurs du secteur public le droit de négocier collectivement et la nécessité d'abroger l'arbitrage obligatoire pour le règlement des différends collectifs dans toutes les zones franches d'exportation. Rappelant l'indication déjà donnée par le gouvernement selon laquelle un projet de législation est en voie de rédaction afin de promouvoir la libre négociation collective entre les associations de fonctionnaires et les employeurs d'Etat, la commission a exprimé le ferme espoir que cette loi sera rapidement adoptée afin de s'assurer que cette catégorie de travailleurs bénéficie également de la protection de l'article 4 de la convention, à la seule exception possible des fonctionnaires publics commis à l'administration de l'Etat. La commission a exhorté le gouvernement à adopter les mesures nécessaires pour éliminer les contradictions de la législation, afin de parvenir à une pleine conformité avec la convention, et a demandé au gouvernement de fournir un rapport détaillé à la commission d'experts sur les mesures concrètes prises à cet égard. La commission a noté que des projets de lois amendant la législation en vigueur sont actuellement en discussion avec les organisations d'employeurs et de travailleurs ou ont été soumis au parlement. La commission a également pris note du projet d'accord de coopération entre la Turquie et le BIT.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1998, Publication : 86ème session CIT (1998)

Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

Le gouvernement souhaite informer la commission qu'un projet de loi modifiant la loi no 1657 sur les fonctionnaires a été voté par le parlement le 12 juin 1997 (loi no 4275) et est entré vigueur le 17 juin 1997. Cette loi introduit un nouvel article 22 dans la loi no 657, comme suit: "les fonctionnaires peuvent constituer et s'affilier à des syndicats et à des organisations d'un niveau plus élevé, conformément aux dispositions de la Constitution et ses lois spécifiques".

L'adoption de la loi no 4275 doit être interprétée comme un facteur décisif visant à mettre la législation nationale en harmonie avec la Constitution turque, telle qu'amendée par la loi no 4121 du 23 juillet 1995. La législation spécifique concernant les syndicats de fonctionnaires auxquels fait référence le nouvel article 22 de la loi no 657 figure depuis quelque temps dans les projets en chantier. Pour des impératifs de procédure, après la formation d'un nouveau gouvernement au début du mois de juillet 1997, un projet de loi concernant les syndicats de fonctionnaires a été élaboré par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale et communiqué aussi bien aux ministères qu'aux partenaires sociaux et autres parties concernées pour commentaires et avis, avant d'être à nouveau soumis au parlement. Le projet de loi pourrait, le cas échéant, faire l'objet de discussions supplémentaires au sein du gouvernement et entre le gouvernement, les partenaires sociaux et autres parties intéressées, avant la soumission du projet de loi au parlement.

Une autre mesure prise en la matière a été la publication, par le Bureau du Premier ministre, d'une circulaire, en date du 20 novembre 1997, à l'intention de toutes les organisations et agences gouvernementales, laquelle se réfère aux obligations contractuelles de la Turquie en vertu des conventions nos 87, 98 et 151 de l'OIT, ainsi qu'à la législation en cours d'élaboration, en même temps qu'elle prescrit:

-- d'opérer les retenues nécessaires sur les salaires pour les cotisations syndicales;

-- d'éviter de faire obstacle à la constitution de nouvelles organisations et à leurs activités;

-- d'éviter d'interdire les réunions de leurs congrès généraux, la diffusion de documents d'information sur leurs organisations et leurs activités ou l'organisation d'activités sociales, culturelles et artistiques de leurs membres;

-- de cesser d'engager des poursuites disciplinaires à l'égard des dirigeants syndicaux, fondées sur leurs activités syndicales;

-- de cesser toute ingérence de la loi dans les activités syndicales légitimes;

-- d'établir le dialogue et la coopération avec les syndicats afin de recueillir leurs avis et propositions;

-- de prendre à tous les niveaux les mesures nécessaires pour faciliter le bon déroulement des activités syndicales des fonctionnaires employés dans les agences gouvernementales et autres institutions publiques.

Comme indication de sa détermination à améliorer la législation concernant les relations professionnelles, le gouvernement souhaite informer la commission que la loi no 4277 en date du 26 juin 1997: i) a levé l'interdiction d'activités politiques des syndicats et de leurs confédérations (art. 37 de la loi no 2821); ii) a abrogé le premier paragraphe de l'article 39 de la loi no 2821 qui interdisait la désignation de candidats par les syndicats et les confédérations aux organes d'organisations publiques professionnelles ou à leurs organes supérieurs, ainsi que toute activité ou propagande en faveur ou contre un des candidats; et iii) a aboli l'audit des syndicats et des confédérations par le gouvernement (art. 47), de même qu'elle a abrogé l'obligation de déposer les revenus, dans un délai de trente jours à compter de leur réception, auprès d'une banque où l'Etat détient plus de la moitié du capital, conformément à l'article 43.

S'agissant de la protection contre les actes de discrimination antisyndicale, le gouvernement renvoie la commission aux articles 29, 30 et 31 de la loi no 2821 et aux sanctions prévues dans ces dispositions.

(Les textes de la loi no 4277 de 1997 et de la circulaire du 20 novembre 1997 ont été communiqués au BIT.)

En outre, un représentant gouvernemental a rappelé que le rapport de la commission d'experts sur l'application de la convention par son pays concernait quatre points: la prétendue insuffisance de protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale, l'existence de restrictions à la négociation collective, le prétendu déni du droit des fonctionnaires à la négociation collective, et le droit à la négociation collective dans les zones franches d'exportation.

S'agissant des allégations selon lesquelles la protection contre les actes de discrimination antisyndicale au moment de l'embauche est insuffisante et la charge de la preuve incombe au travailleur, il convient de préciser que le montant de l'amende prévue dans de tels cas n'est pas inférieur à la moitié du salaire minimum mensuel actuellement en vigueur. Bien que la charge de la preuve repose sur le plaignant, en vertu des principes généraux du droit, un amendement à la loi no 2822, adoptée en 1998, prévoit que le syndicat ne peut informer l'employeur de l'acquisition par un travailleur de la qualité de membre que lorsque cette information ne peut plus porter aucun préjudice au droit d'organisation et à la négociation collective. En cas de licenciement d'un travailleur en raison de ses activités syndicales, l'employeur est tenu de lui verser une indemnité, dont le montant ne peut être inférieur au salaire annuel du travailleur concerné, et qui s'ajoute à l'indemnité de licenciement et à l'indemnité tenant lieu de préavis. Cette indemnité est versée non seulement si le travailleur est licencié mais aussi lorsqu'il est victime d'autres actes de discrimination antisyndicale, par exemple dans la répartition du travail ou en matière de promotion. Plusieurs jugements rendus par les tribunaux montrent que ce type d'indemnité est octroyée plus fréquemment que le rapport de la commission d'experts ne le mentionne. Des copies de ces jugements seront transmises au Bureau. La protection particulière dont bénéficient les responsables syndicaux comprend leur réintégration à leur poste ou dans un emploi similaire dans le mois qui suit leur demande de réintégration, à la condition qu'ils aient introduit un recours auprès de leur précédent employeur dans les trois mois suivant la perte de leur poste au sein du syndicat. Les dispositions légales pertinentes et les nombreux jugements rendus par les tribunaux turcs du travail confirment l'existence en droit de cette protection. Néanmoins, jusqu'à l'adoption d'une législation conforme à la convention no 158, seuls les délégués syndicaux bénéficiaient d'une complète sécurité de l'emploi, y compris du droit d'être réintégrés. Le processus d'élaboration de la législation qui prévoit de placer la charge de la preuve sur l'employeur est actuellement en cours.

En ce qui concerne les allégations relatives aux restrictions à la négociation collective dans le pays, et en particulier l'affirmation selon laquelle il est fait obstacle à la négociation collective des confédérations, il faut dire que, comme les centrales syndicales nationales de nombreux autres pays, les confédérations sont des structures horizontales dont l'objectif principal est de représenter les mouvements syndicaux aux niveaux national et international. Leur structure hétérogène ne se prête pas à la négociation collective dans les professions ou les industries. Elles peuvent, cependant, coordonner les activités de négociation des organisations qui leur sont affiliées ou même jouer un véritable rôle dans la conclusion des conventions collectives. En réponse à l'affirmation selon laquelle les négociations à tous les niveaux de l'industrie sont interdites, il convient de souligner que, bien qu'ils ne soient pas mentionnés dans la législation comme étant un niveau distinct de négociation, les accords concernant plusieurs employeurs couvrent souvent de larges segments de la même industrie et assurent ainsi la même fonction qu'une négociation à tous les niveaux de l'industrie. D'autre part, les accords d'entreprises, en particulier dans le secteur public, peuvent couvrir toute une industrie, comme par exemple les chemins de fer. Il est toutefois vrai que seule une convention collective par niveau est permise. Le double système de négociation au niveau de l'industrie et de l'entreprise qui existait avant 1983 a créé diverses difficultés et a entraîné des pratiques abusives conduisant à la conclusion d'accords locaux successifs. Par ailleurs, la loi no 2822 permet au gouvernement d'étendre les conventions collectives à d'autres lieux de travail situés dans une même industrie, moyennant le respect de certaines conditions.

En ce qui concerne le prétendu plafonnement des indemnités, seules les indemnités de licenciement sont plafonnées. En raison de l'absence de protection contre le licenciement par le passé, l'octroi aux travailleurs d'une sécurité de revenus a conduit à des montants d'indemnité de licenciement sans précédent dans les conventions collectives. Par conséquent, un plafonnement a été établi par la loi. Ce plafond est relevé tous les six mois selon des modalités spécifiques. Les droits dont jouissent les travailleurs en la matière sont plus étendus que dans de nombreux autres pays. En outre, aucun plafond n'est applicable à l'indemnité tenant lieu de préavis, et cette indemnité atteint des niveaux très élevés dans certaines des plus importantes conventions collectives.

S'agissant du délai dans lequel la négociation collective doit avoir lieu, c'est-à-dire soixante jours, il faut savoir que, passé ce délai, les parties sont libres de continuer les négociations pendant le processus de médiation, ainsi que pendant le déroulement d'une grève, sans limitation dans le temps.

Concernant la question de la suppression du double critère requis pour obtenir l'autorisation de négocier collectivement, le gouvernement continue à s'en occuper mais il doit rechercher le consentement des partenaires sociaux pour procéder à cette abrogation. Les membres employeurs se sont déclarés en faveur de cette mesure, mais les confédérations de travailleurs ne sont pas encore parvenues à un accord sur le sujet.

S'agissant du droit d'organisation et de négociation collective des fonctionnaires, le projet de loi élaboré conformément à la convention no 151 et à la Constitution turque, telle que modifiée en 1995, a été soumis à l'Assemblée nationale. En plus de garantir la liberté syndicale des fonctionnaires, le projet de loi prévoit des procédures d'appel judiciaire et la mise en place d'une commission de conciliation impartiale. Les dispositions de ce projet ont fait l'objet de longs débats au parlement et presque la moitié d'entre elles ont été approuvées. Il est prévu de débattre et d'adopter les dispositions restantes. Entre-temps, un amendement à la loi no 657 sur les fonctionnaires a levé l'interdiction qui pesait sur eux de constituer des syndicats et de s'y affilier. A cet égard, il convient de relever que les employés contractuels du secteur public jouissent des mêmes droits que les travailleurs du secteur privé depuis la mise en place du système de libre négociation collective. Le personnel contractuel des entreprises publiques à caractère commercial sera couvert par la future législation sur les syndicats de fonctionnaires, dans la mesure où ils sont assimilés à des fonctionnaires employés dans des services essentiels et continus de l'Etat. Il convient également de rappeler que leur nombre est en baisse, en raison du dynamisme du processus de privatisation. Dans le même temps, de nombreux fonctionnaires ont déjà constitué leurs propres syndicats. A l'heure actuelle, trois confédérations de fonctionnaires ainsi que nombreux syndicats et syndicats de branche fonctionnent. Par ailleurs, d'autres progrès ont été accomplis. En effet, une circulaire se référant aux obligations souscrites par la Turquie au titre des conventions nos 87, 98 et 151 et ordonnant aux autorités administratives de procéder aux déductions des cotisations syndicales a été publiée par le cabinet du Premier ministre en novembre 1997 en vue d'éviter les obstacles à la constitution de nouveaux syndicats de fonctionnaires et les entraves à leurs activités, et de faciliter le dialogue et la coopération avec ces syndicats.

En ce qui concerne le problème des zones franches d'exportation, le droit d'organisation et de négociation collective est garanti par la loi no 3218 de 1985 qui autorise la création de ces zones de libre-échange. Toutefois, les négociations collectives doivent se dérouler dans les dix ans suivant la création de la zone franche et tout blocage doit être soumis à l'arbitrage obligatoire. Dans la zone franche égéenne, où travaillent la grande majorité des travailleurs concernés, ce délai expire en l'an 2000.

En conclusion, ainsi que l'orateur l'avait annoncé au sein de la présente commission l'année passée, la loi no 4277 de 1997 a supprimé l'interdiction pour les syndicats et leurs dirigeants d'exercer des activités politiques. Elle a également abrogé les dispositions relatives aux contrôles financiers exercés sur les syndicats et les confédérations, conformément aux dispositions de la convention. De plus, le parlement a approuvé la ratification des conventions nos 29 et 138 et examine actuellement la ratification de la convention no 159. Par conséquent, la Turquie aura bientôt ratifié les sept conventions fondamentales. Pour bien montrer qu'il est déterminé à améliorer la législation du travail, le gouvernement a constitué, en mai dernier, un comité tripartite, qui vient s'ajouter au Conseil économique et social, pour encourager le dialogue entre les partenaires sociaux, conformément à la convention no 144 que la Turquie a déjà ratifiée. Malgré les difficultés auxquelles la minorité gouvernementale de coalition est confrontée, la Turquie a toujours apporté la preuve de sa détermination à mettre le système des relations professionnelles en conformité avec les normes de l'OIT. En cette année qui marque le soixante-quinzième anniversaire de la création de la République laïque de Turquie, l'orateur tient à réaffirmer l'engagement du gouvernement envers le progrès social.

Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour les informations écrites et orales. La commission discute de l'application de la convention dans ce pays pour la sixième fois depuis 1991; elle a discuté de l'application de la convention no 87 en 1997. Le gouvernement fait preuve depuis quelques années d'une attitude plus constructive à l'égard des normes et du système de contrôle, comme en témoigne la ratification de la convention no 87 en 1993. Mais la ratification en tant que telle ne suffit pas. D'importantes divergences de la législation et de la pratique par rapport à la convention ont été identifiées de longue date par la commission d'experts. Certaines des dispositions législatives en cause ont été modifiées, mais différentes lois règlent encore de manière détaillée l'exercice des droits syndicaux. Elles tendent à contrôler la négociation collective plutôt qu'à la promouvoir. Le projet de loi sur les syndicats de fonctionnaires destiné à couvrir l'ensemble des travailleurs publics, y compris ceux qui ne sont pas commis à l'administration de l'Etat, semble procéder de la même approche, comme la Confédération européenne des syndicats l'a constaté lors d'une mission en février 1998. Le gouvernement indique cependant que ce projet pourrait faire l'objet de nouvelles discussions avec les organisations syndicales. Il faut insister auprès du gouvernement pour qu'il amende ce projet et témoigne ainsi concrètement de son attitude plus positive à l'égard des normes, et qu'il communique au BIT les avis recueillis au cours des consultations avec les organisations de travailleurs. Une simple circulaire telle que celle du 20 novembre 1997 ne peut suffire à assurer la protection requise par la convention. La commission d'experts soulève d'autres points importants alors que le gouvernement n'a pas envoyé de rapport. Elle souligne l'insuffisance de la protection contre la discrimination antisyndicale en termes de procédures, de charge de la preuve, d'absence d'obligation de réintégration ou de niveau des indemnités. Par ailleurs, la loi prévoit de nombreuses restrictions à la négociation collective par l'instauration de plafonds ou l'exclusion de certains thèmes. Les procédures sont très strictes, avec le recours à l'arbitrage obligatoire après soixante jours. La double exigence numérique, de 10 pour cent au niveau de la branche et de 50 pour cent au niveau de l'entreprise, est un frein considérable à la négociation collective. En outre, la négociation est limitée au niveau de l'entreprise, ce qui exclut beaucoup de travailleurs des PME de la protection des conventions collectives. Enfin, se pose le problème des zones franches d'exportation établies entre 1987 et 1995 et dans lesquelles l'arbitrage obligatoire est imposé pendant dix ans. Le gouvernement a donc encore beaucoup à faire pour mettre la législation et la pratique en conformité avec la convention. Il faut insister pour qu'il modifie la législation sans retard, en consultation avec les organisations de travailleurs et d'employeurs. Il devrait faire appel à l'assistance technique du BIT à cette fin, comme l'ont suggéré la commission d'experts et la présente commission dans ses conclusions précédentes. Un rapport détaillé doit être fourni pour que les organes de contrôle soient à même de suivre de près l'évolution de la situation.

Les membres employeurs ont noté que le rapport de la commission d'experts concerne quatre points essentiels. Le premier a trait à la protection contre les actes de discrimination antisyndicale. La commission d'experts a noté qu'une organisation de travailleurs alléguait que, en cas de discrimination au moment de l'embauche, l'amende imposée était trop faible et la charge de la preuve incombait au travailleur. Or, selon les principes du droit civil et dans une société démocratique fondée sur ces principes, le fardeau de la preuve ne peut être renversé car il repose toujours sur le plaignant. En ce qui concerne les restrictions à la libre négociation collective, les restrictions imposées aux confédérations constituent un point mineur car elles n'existent pas en pratique. S'agissant de l'existence d'un double critère de représentativité, le gouvernement a indiqué qu'il était prêt à modifier cette exigence mais qu'il n'existait aucun consensus sur ce point entre les partenaires sociaux. Par ailleurs, en ce qui a trait au déni du droit des fonctionnaires à la négociation collective, il convient de souligner qu'il s'agit simplement d'une question de modification de la législation puisque ce droit est déjà inscrit dans la Constitution. Le gouvernement a montré sa volonté d'adopter des dispositions légales supplémentaires qui permettraient aux fonctionnaires de négocier collectivement. Par conséquent, la présente commission devrait attendre les commentaires de la commission d'experts sur les informations qui lui seront fournies par le gouvernement. Enfin, s'agissant de l'arbitrage obligatoire, il apparaît que cette question ne pourra faire l'objet d'un examen que lorsque la commission d'experts aura obtenu des informations sur le nombre des zones franches, leur taille, etc. Par conséquent, il conviendrait de prier le gouvernement de fournir les informations pertinentes en la matière.

Le membre employeur de la Turquie a fait des observations qui complètent l'intervention des membres employeurs. Il a pris bonne note des observations de la commission d'experts ainsi que des déclarations du représentant gouvernemental. D'autres faits importants ont eu lieu en Turquie. La Confédération des employeurs turcs (TISK) a souligné dans des déclarations précédentes que les dispositions de la convention no 98 sont appliquées dans les faits. Si l'on compare la législation nationale du travail aux dispositions de la convention, il apparaît que le droit d'organisation est suffisamment garanti. Toutefois, certains problèmes subsistent en ce qui concerne l'application dans les faits de la législation. A ce sujet, l'orateur souligne trois points: à propos des allégations de discrimination antisyndicale, il dit que l'article 10 de la Constitution consacre l'égalité entre toutes les personnes, quelles que soient leur race, leur langue ou leur religion, et que l'article 51 de la Constitution protège les personnes qui se verraient refuser un emploi au motif de leur appartenance à un syndicat; de plus, l'article 31 de la loi sur la négociation collective garantit le même degré de protection que la Constitution. Les travailleurs ne devraient donc pas être licenciés ou faire l'objet de discriminations en raison de leur appartenance à un syndicat. A propos des cas de licenciement au motif de l'appartenance à un syndicat, l'alinéa 6 de l'article 31 de la loi susmentionnée indique que l'employeur est passible dans ce cas d'une amende équivalant à au moins une année de salaire du travailleur licencié. En conclusion, il estime que la législation turque est plutôt ample sur ce point. Toutefois, dans la pratique, ces dispositions ne sont pas efficaces car la législation relative à la protection contre les licenciements (injustifiés) présente quelques lacunes. Revenant sur la question des restrictions à la négociation collective, il indique que la proportion de travailleurs syndiqués s'est accrue considérablement et est passée de 53 pour cent à 63 pour cent, et que le nombre de syndicats est tombé de 750 à 75 en raison du double critère de représentativité qui est prévu par la loi. La Confédération des employeurs turcs est donc favorable à ces critères. A propos des droits des fonctionnaires publics en matière de négociation collective, il y a eu une évolution dans ce domaine. Le parlement turc a récemment annulé l'interdiction qui empêchait les fonctionnaires publics de jouir du droit d'organisation. Conformément à l'article 22 de la loi sur les fonctionnaires publics, telle qu'elle a été amendée, les fonctionnaires ont le droit de créer des syndicats et d'y adhérer. De plus, le parlement a récemment adopté 25 des dispositions d'un projet de loi qui vise à garantir le droit d'organisation des fonctionnaires publics. On devrait inciter le gouvernement à adopter également la deuxième partie du projet de loi en question.

Le membre travailleur de la Turquie a remercié le Département des normes, la commission d'experts et les membres travailleurs pour le soutien qu'ils ont apporté à la lutte pour la démocratie en Turquie, qui est parvenue à son point culminant l'année dernière avec les changements et les progrès de la législation sur un certain nombre des points qui avaient fait l'objet de critiques de la part de la Commission de la Conférence. La modification de loi sur les syndicats a permis la réalisation de progrès considérables et a mis la législation en conformité avec les dispositions de la convention no 87 concernant, entre autres, l'exercice d'activités politiques. Le rapport du Comité de la liberté syndicale sur le cas no 1810, sur une réclamation présentée par l'organisation de l'orateur, ainsi que les délibérations de la Commission de la Conférence en juin 1997 ont énormément contribué à ce résultat. Il subsiste toutefois de nombreux domaines dans lesquels la législation en vigueur ne respecte pas la convention no 87, en particulier en ce qui concerne le droit de grève. Bien que les critiques portées par l'organisation de l'orateur sur l'inexécution de la convention no 87 soient graves, il convient de souligner que la Turquie est le pays le plus démocratique et le seul pays laïc de la région et qu'elle est dotée de moyens démocratiques de revendication pour parvenir à mettre la législation nationale en conformité avec la convention.

S'agissant de la première question soulevée par la commission d'experts, les problèmes persistent. La protection contre les actes de discrimination antisyndicale accordée par la législation est loin d'être suffisante. En cas de discrimination au moment de l'embauche, l'amende imposée ne doit pas être inférieure à 70 dollars et la charge de la preuve incombe à la victime. Bien que la convention no 158 ait été ratifiée le 4 janvier 1995, il n'existe aucune protection contre les licenciements. Le Comité de la liberté syndicale, dans son rapport de 1996 sur la réclamation présentée par l'organisation de l'orateur, a prié instamment "le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir aux travailleurs une protection effective contre les actes de discrimination antisyndicale, conformément aux engagements internationaux souscrits en ratifiant la convention no 98" et a noté "avec intérêt que, d'après le gouvernement, la loi du travail sera amendée pour permettre la réintégration des travailleurs dans leur emploi et assurer la protection des travailleurs contre tout acte de discrimination antisyndicale (y compris le licenciement), conformément aux exigences de la convention no 98".

Bien que les commentaires du gouvernement mentionnés dans le rapport datent du 15 septembre 1995, au jour d'aujourd'hui, soit près de trois ans plus tard, cette législation n'a toujours pas été adoptée. En ce qui concerne l'interdiction de licenciement pour des raisons liées à l'exercice d'activités syndicales prévue par la loi sur les syndicats, il convient de demander au représentant gouvernemental de fournir des informations sur le nombre de poursuites judiciaires engagées. Selon l'orateur, l'expérience de tous les jours montre que les dispositions de cette loi sont complètement impuissantes à prévenir les actes de discrimination antisyndicale. Il n'existe aucun projet de loi en attente au parlement pour assurer une protection contre le licenciement aux dirigeants syndicaux autres que les délégués syndicaux sur les lieux de travail. Quant au second point, aucun progrès n'a été accompli ni envisagé, ni discuté, même au parlement, sur les restrictions à la libre négociation collective. Il convient de rappeler l'existence de plafonds imposés par la loi dans les conventions collectives relatives aux primes. Le gouvernement n'a pas rempli ses obligations et n'a pas tenu ses promesses d'encourager et de promouvoir la libre négociation. S'agissant du troisième point, il est regrettable qu'une seule amélioration ait été apportée à la loi sur les fonctionnaires en 1997, à savoir les amendements prévoyant que les fonctionnaires peuvent constituer des syndicats et des organisations de niveau supérieur et s'y affilier. Par ailleurs, le projet de loi actuellement en discussion au parlement restreint le droit de négociation collective du personnel civil des forces armées et de l'administration pénitentiaire, en leur interdisant de constituer des syndicats et de s'y affilier. Ce projet prévoit seulement la négociation collective sans effet contraignant. Ainsi que le représentant gouvernemental l'a reconnu, c'est la convention no 151 et non la convention no 98 qui a été utilisée comme référence pour élaborer le projet. Il faut rappeler au gouvernement l'article 1 de la convention no 151 et l'obligation qui lui incombe d'élaborer le projet de loi conformément aux dispositions de la présente convention.

Les fonctionnaires ne disposent pas du droit de négociation collective car tout accord entre les parties doit être présenté devant le Conseil des ministres pour être approuvé. Quant au quatrième point, il est encore une fois regrettable de constater qu'il n'y a eu aucun progrès. Compte tenu de l'étendue des restrictions au droit de grève dans les domaines qui ne sont pas des services essentiels, tels qu'ils sont définis par l'OIT, l'arbitrage obligatoire a toujours cours et entrave sévèrement le droit à la négociation collective.

Ce manquement concerne aussi les zones franches, dont le nombre est en augmentation. Des neuf zones franches existant actuellement, sept sont soumises à l'arbitrage obligatoire dans les conflits d'intérêts au cours des négociations collectives. Ce n'est donc pas seulement le cas dans la zone franche égéenne, comme l'a déclaré le représentant gouvernemental. En 1998, il y a 1.685 entreprises implantées dans les zones franches. Regrettant que le gouvernement n'ait pas pris les mesures nécessaires pour mettre la législation en conformité avec la convention, l'orateur le prie instamment de le faire afin de mettre fin aux divergences entre les dispositions de la convention et celles de la législation.

Le membre travailleur de la Norvège, s'adressant également au nom du groupe des travailleurs nordiques (Danemark, Norvège, Finlande, Suède et Islande) a rappelé que ces gouvernements avaient été très actifs depuis plusieurs années dans leur soutien pour une législation du travail démocratique en Turquie, à travers l'OIT et à travers la coopération de ces pays avec le mouvement syndical turc. Elle note avec grand intérêt les points soulevés par la commission d'experts, particulièrement la demande pour plus d'informations sur les mesures prises afin de promouvoir la négociation collective en accord avec l'article 4 de la convention no 98. Elle exprime sa préoccupation concernant les violations graves de la convention no 98 dans les nombreuses zones libres où le gouvernement a accepté l'arbitrage obligatoire dans les cas de conflits durant la négociation collective pour une période de dix ans suivant l'établissement d'une zone libre. Elle insiste sur le fait que les restrictions imposées à de telles négociations sont totalement incompatibles avec la convention no 98. Le gouvernement a déclaré durant cette réunion que ces restrictions prendraient fin en l'an 2000. Elle se demande alors: est-ce que ceci s'appliquera à toutes les zones de libre-échange établies récemment? Elle demande aux gouvernements de fournir des informations détaillées à cet égard.

Le membre travailleur de l'Allemagne s'est référé au droit des fonctionnaires de s'organiser. Il fait mention d'une réunion publique initiée par quatre syndicats majeurs de Turquie en collaboration avec l'Union des syndicats européens. A cette occasion, des limitations injustifiées à la négociation collective ont été dénoncées. De plus, le gouvernement a été prié instamment de revoir sa législation dans ce domaine. Les consultations qui ont eu lieu à cet effet ont mené à des résultats positifs. Toutefois, le problème demeure le même quant à sa substance. Le projet de loi élaboré prévoit toujours des limitations à la négociation collective puisque seuls les salaires peuvent faire l'objet de négociations collectives, et que les articles 30 et 31 stipulent que seules les organisations d'employeurs et de travailleurs du plus haut niveau peuvent se prévaloir de ce droit. Lorsqu'un accord est conclu, il doit être soumis au Conseil des ministres pour approbation. En conclusion, il estime que ces exemples démontrent que le gouvernement doit prendre davantage de mesures afin de respecter pleinement les dispositions de la convention no 98.

Le membre travailleur de la France a estimé que les choses progressaient trop lentement en Turquie au niveau du droit à la négociation collective et que la protection contre la discrimination antisyndicale demeurait insuffisante. Il a estimé que le droit du travail devait être un droit protecteur pour les travailleurs et qu'à cet égard le renversement de la preuve dans les cas de discrimination antisyndicale n'était qu'un principe de justice équitable. De même, le droit à la liberté syndicale et la négociation collective des fonctionnaires devrait être reconnu. Il a considéré également que les Confédérations devraient avoir droit de négocier collectivement sur les questions d'intérêt commun pour tous les travailleurs. Enfin, il a appuyé les conclusions de son porte-parole et salué la promesse du gouvernement de ratifier toutes les conventions fondamentales tout en soulignant que la ratification devait être accompagnée d'une volonté de mise en oeuvre.

Le membre travailleur des Pays-Bas, se référant au double critère numérique actuellement exigé par la législation nationale, a indiqué que le gouvernement n'avait pas précisé la vraie raison qui se cache derrière ce double critère. Le gouvernement a développé une étrange argumentation selon laquelle il ne pouvait le supprimer en raison de l'opposition des syndicats et des organisations d'employeurs. Il faut souligner que le vrai problème est que ce double critère constitue une violation de la convention no 98 et que, par conséquent, le gouvernement devrait prendre des mesures pour y mettre fin. Dans la mesure où le gouvernement a déclaré qu'il hésitait à le faire à cause de l'opposition des partenaires sociaux, il convient de se demander si la politique généralement menée par le gouvernement consiste à rechercher le consentement des partenaires sociaux avant de modifier sa législation. Si tel n'est pas le cas, alors on ne voit pas pourquoi le gouvernement considère l'opposition des partenaires comme étant un obstacle dans ce domaine.

Le membre travailleur de l'Italie a souligné les progrès accomplis en Turquie concernant le droit à la négociation collective et a indiqué que l'Organisation des syndicats européens avait également noté certains pas en avant dans ce domaine. Il mentionne toutefois le problème des zones franches et rappelle qu'il existe 10 de ces zones en Turquie, couvrant un grand territoire, et il se demande combien de travailleurs sont touchés par ce problème. Il a espéré que l'OIT pourra se pencher sur cette question. Concernant le droit de grève, il estime qu'il y a encore trop de restrictions sur les modalités d'exercice de ce droit dans les secteurs où un tel droit existe et les secteurs où l'on doit faire recours à l'arbitrage obligatoire. Enfin, il encourage le gouvernement à appliquer la pratique de la concertation en matière de relations professionnelles, surtout que la Turquie a ratifié la convention no 144.

Le représentant gouvernemental de la Turquie a nié, comme cela a été affirmé, qu'il y a des disparités entre la législation nationale et la pratique. La législation existante est appliquée dans son ensemble. Bien sûr, des divergences mineures existent entre la législation nationale et les conventions nos 87 et 98. Toutefois, son gouvernement s'efforce de les éliminer et la situation s'améliore d'année en année. Quant aux observations selon lesquelles la législation est détaillée à l'excès, il indique que cela tient à la procédure législative en Turquie et au fait que le syndicalisme y est relativement récent. Enfin, la législation remonte à soixante-dix ans et se fonde sur des modèles étrangers. Les allégations selon lesquelles la protection contre les actes de discrimination antisyndicale serait insuffisante sont infondées. Outre les dispositions prévues par la loi, un nombre significatif de décisions judiciaires ont été prises pour indemniser les travailleurs licenciés en raison de leurs activités syndicales. A propos des plafonds imposés pour certaines indemnisations, le représentant gouvernemental précise que les primes ne sont pas considérées comme des indemnisations. L'octroi de prestations accessoires compense en partie ces plafonds. S'agissant de la critique selon laquelle les travailleurs des petites et moyennes entreprises seraient exclus de la négociation collective, il a indiqué qu'il n'y avait pas d'exigence numérique à cet égard en droit turc, que les "accords d'entreprises" étaient en fait l'exception et que la règle en Turquie était de négocier au niveau de l'établissement. Il a également indiqué que l'allégation selon laquelle après 60 jours de négociation il était fait recours à l'arbitrage obligatoire n'était pas exacte; au contraire, le droit de grève est la règle après cette période, et l'arbitrage obligatoire est l'exception dans les services essentiels uniquement, où les grèves peuvent être interdites. A propos des zones franches d'exportation, notamment la zone franche d'exportation de la mer Egée, qui occupe la plupart des travailleurs, elles cesseront d'exister en tant que telles en 2000. Les autres zones franches d'exportation n'occupent qu'une minorité de ces travailleurs. Le gouvernement turc communiquera dans un rapport à l'OIT le nombre actuel de travailleurs dans ces zones. L'orateur a affirmé que l'on avait recours à la négociation collective mais que, en cas d'impasse, un arbitrage obligatoire était imposé à seulement un cinquième de l'ensemble des travailleurs syndiqués. Les autres travailleurs jouissent du droit de grève. A propos des fonctionnaires publics, il est important de faire une distinction entre, d'une part, le million de travailleurs du secteur public qui sont visés par la même législation que les travailleurs du secteur privé et, d'autre part, les fonctionnaires publics qui ne jouissent pas des mêmes droits, conformément à l'article 6 de la convention no 98. Toutefois, son gouvernement s'efforce d'instaurer une loi sur la réforme du personnel afin de clarifier leur statut. En réponse au membre travailleur des Pays-Bas, il indique que le gouvernement n'est pas tenu d'obtenir l'accord des partenaires sociaux pour modifier la législation. Néanmoins, son gouvernement a consulté à ce sujet les partenaires sociaux, étant donné que la condition acquise d'une représentativité de 10 pour cent vise à garantir la paix dans les relations de travail en Turquie. Cette question, qui a de nombreuses incidences politiques, doit être traitée avec prudence, sans quoi, les tensions sociales s'accroissent.

La commission a pris note des informations écrites fournies par le gouvernement, de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. Elle a rappelé avec préoccupation que la Commission de la Conférence a examiné ce cas à plusieurs reprises et elle a signalé de nouveau que, depuis de nombreuses années, la commission d'experts insiste sur la nécessité de renforcer la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale, et d'éliminer les restrictions à la négociation collective entre les syndicats et les employeurs qui découlent du double critère de représentativité imposée aux syndicats. La commission a aussi souligné la nécessité d'accorder aux fonctionnaires publics le droit de négocier collectivement et de supprimer l'imposition de l'arbitrage obligatoire pour le règlement des différends collectifs du travail dans les zones franches d'exportation. La commission s'est félicitée de l'adoption de la loi no 4275 de juin 1997 qui consacre le droit des fonctionnaires publics de jouir de la liberté syndicale. La commission a exprimé le ferme espoir que le projet de législation qui est en préparation visera à promouvoir et à encourager la liberté de négociation collective entre les organisations de fonctionnaires publics et l'Etat en tant qu'employeur en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi de cette catégorie de travailleurs, à la seule exception éventuelle des fonctionnaires publics commis à l'administration de l'Etat. En outre, la commission a insisté sur l'importance que revêt la pleine application de tous les articles de cette convention fondamentale et elle a prié instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer les disparités qui subsistent dans la législation et dans la pratique, de façon à satisfaire pleinement aux exigences de la convention. La commission a insisté pour que le gouvernement présente un rapport détaillé sur les mesures concrètes qui sont actuellement prises pour aligner pleinement la législation et la pratique sur les dispositions de la convention relatives à toutes les questions soulevées par la commission d'experts. Elle a rappelé au gouvernement, comme l'année passée, que l'assistance technique du Bureau était à sa disposition.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1996, Publication : 83ème session CIT (1996)

Un représentant gouvernemental de la Turquie a noté que le rapport de la commission d'experts traite de trois questions: le critère numérique concernant la détermination de l'éligibilité syndicale pour la négociation collective; les droits syndicaux des fonctionnaires; les conditions concernant l'exercice du droit de grève indiqué à l'article 33 de la loi no 2822 des conventions collectives du travail, des grèves et des "lock-out".

Au sujet du critère numérique, l'orateur rappelle que, dans son intervention devant la commission l'an dernier, la proposition de supprimer la demande concernant la représentation de 10 pour cent a été rejetée parce que des objections ont été présentées par la Confédération des syndicats de Turquie (TURK-IS) et par la Confédération des employeurs turcs (TISK). Néanmoins, le gouvernement continue à déployer des efforts dans cette direction. L'orateur fournit des informations sur les progrès qui ont été accomplis pendant la parution du dernier rapport. La composition du Conseil économique et social tripartite a été modifiée par un décret émis par le Premier ministre en mai 1996 pour inclure des représentants non seulement des confédérations de travailleurs et d'employeurs les plus importantes, mais également des représentants d'organisations de travailleurs et d'employeurs ayant moins de membres. La Confédération progressiste des syndicats de Turquie (DISK), qui a critiqué l'exigence des 10 pour cent au cours des dernières années, de même que HAK-IS et les fonctionnaires sont à présent représentés au Conseil économique et social. En conséquence, au sein de la structure du Conseil économique et social qui se réunit trimestriellement, la question du critère de représentativité va être largement débattue en vue d'aboutir à une conclusion satisfaisante.

En ce qui concerne les droits syndicaux des fonctionnaires, l'orateur rappelle la teneur de sa déclaration de l'an dernier indiquant qu'un projet de loi destiné à réglementer cette question fut rejeté au fait qu'il était incompatible avec les dispositions de la Constitution de la Turquie, mais que cet obstacle a été surmonté depuis la parution du dernier rapport par l'adoption d'amendements introduits dans la Constitution le 23 juillet 1995. Des efforts connexes ont été déployés pour préparer une législation destinée à réglementer les droits syndicaux des fonctionnaires en accord avec les nouveaux amendements de la Constitution et des principes correspondants, figurant dans la convention no 151.

S'agissant de la suspension du droit de grève, l'orateur croit que les mesures prises pour limiter la portée de l'article 33 de la loi no 2822 sont en conformité avec la convention et ne sont pas différentes de la formulation suggérée par les experts. Selon l'article 33: "Tout appel à une grève légale ou à un lock-out, qui a été déclaré ou a commencé, peut être suspendu par un décret du Conseil des ministres pour une période de 60 jours s'il porte préjudice à la santé publique ou à la sécurité nationale." L'orateur pense que les experts ont demandé que le texte soit amendé comme suit: "Toute grève ou lock-out peut être suspendu s'il met en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population." L'orateur croit qu'il n'y a pas de différence substantielle entre ces deux libellés. De plus, il est possible d'interjeter appel auprès de la Haute Cour administrative pour annuler la décision du Conseil des ministres et pour suspendre les procédures. Les parties intéressées peuvent également avoir recours à l'arbitrage volontaire à tout moment. Il ajoute qu'une large majorité des conflits entrant dans le cadre de l'article 33 ont été réglés soit par un accord entre les parties ou en soumettant le conflit à l'arbitrage volontaire au cours de la période d'interdiction. Parmi les 21 grèves reportées par le gouvernement au cours des 13 dernières années, seules deux ont été traitées en ayant recours à l'arbitrage obligatoire. En outre, il a été souligné, l'an dernier, que le gouvernement peut revenir sur sa décision de suspension de la grève si les circonstances le permettent. Le gouvernement est de fait revenu sur sa décision de suspension dans plusieurs cas lorsque les conditions nécessitant à l'origine cette action n'existaient plus.

L'orateur a conclu en déclarant que la réponse aux commentaires faits par TURK-IS et DISK sur l'application de la convention a été envoyée au Bureau en novembre 1995, mais n'a pas encore été examinée par la commission d'experts.

Les membres travailleurs ont regretté qu'en raison du manque de temps la commission n'ait pas été à même de discuter la convention no 87, étant donné qu'à la fois le gouvernement et les employeurs ont pensé que certaines difficultés liées à l'application de la convention no 98 auraient pu être surmontées après ratification de la convention no 87. Les membres travailleurs ont attendu plusieurs années cette ratification et espèrent donc que l'application de la convention no 87 sera discutée l'année prochaine. Ce cas a fait l'objet d'observations par la commission d'experts depuis 15 ans et les mêmes questions ont été soulevées dans différentes plaintes soumises au Comité de la liberté syndicale. Les positions du gouvernement, des employeurs et des travailleurs sont bien connues, mais les problèmes suscités par ces discussions n'ont pas été résolus, sauf quelques exceptions mineures. Il n'est pas satisfaisant pour les travailleurs de Turquie que la commission ou le système de contrôle dans son ensemble soit saisi de la situation depuis aussi longtemps sans que la commission ne se prononce clairement. La commission a été très patiente avec le gouvernement. Bien qu'il existe de sérieux écarts entre la convention et la législation et la pratique nationales, la commission a exprimé régulièrement son ferme espoir que le gouvernement tiendra ses promesses et donnera entière satisfaction aux commentaires de la commission d'experts. L'optimisme des employeurs sur la volonté politique et le potentiel à résoudre les problèmes des gouvernements turcs successifs constitue un élément positif, mais les faits relatifs à ce cas ne fournissent pas une base crédible pour un tel optimisme après autant d'années. Le fossé sans cesse croissant entre les positions claires de la commission d'experts et du Comité de la liberté syndicale, d'une part, et de cette commission, d'autre part, n'est pas un signe favorable pour le système de contrôle. Les responsabilités et la nature des procédures de la commission diffèrent de celles du Comité de la liberté syndicale, mais il y a toujours eu une influence réciproque entre la procédure régulière de supervision et les procédures spéciales de soumission des plaintes, ce qui doit être maintenu dans ce cas.

Les membres travailleurs approuvent les commentaires de la commission d'experts concernant le critère numérique pour l'adhésion à un syndicat ou pour une négociation collective, le critère de 10 pour cent au niveau de la branche d'industrie et de plus de 50 pour cent au niveau de l'entreprise, pour que les syndicats puissent négocier collectivement. Les membres travailleurs n'acceptent pas l'argument du gouvernement selon lequel on ne peut changer la législation parce que la principale confédération syndicale et l'organisation d'employeurs souhaitent maintenir ce critère numérique. Les experts ont déclaré que ces exigences ne sont pas en conformité avec la convention et fondent leurs appréciations sur les cas de jurisprudence établis au cours des années par les experts eux-mêmes et dans les décisions unanimes du Comité de la liberté syndicale composé par les gouvernements, les travailleurs et les employeurs. Ce principe aurait dû orienter le gouvernement plutôt que l'opinion d'importantes organisations d'employeurs.

A propos du déni du droit de négociation collective des fonctionnaires non engagés dans l'administration publique, les membres travailleurs appuient entièrement les commentaires de la commission d'experts fondés sur la "quasi-jurisprudence" et indiquant que l'actuelle législation définit encore trop largement les services essentiels. Ici encore, ils rappellent aux employeurs qu'ils participent aux interprétations unanimes des conventions par le Comité de la liberté syndicale. Si les gouvernements sont en désaccord avec les décisions des organes de contrôle de l'OIT, ils peuvent solliciter une révision auprès de la Cour internationale de justice. La seule raison pour laquelle cela arrive difficilement est que les gouvernements savent très bien que ces jugements sont d'une haute qualité.

Enfin, à propos de l'arbitrage obligatoire, ils sont également d'accord avec les commentaires de la commission d'experts et n'acceptent pas l'argument selon lequel la disposition légale ne s'applique pas dans la pratique et conduit uniquement à une suspension temporaire de la grève. Il est fondamental qu'une loi soit en conformité avec la convention, qu'elle soit ou non appliquée.

Les membres employeurs ont relevé que ce cas concerne trois points spécifiques soulevés par la commission d'experts, et que la situation n'est pas tragique. Tout d'abord, à propos du critère numérique portant sur le nombre de membres d'un syndicat autorisés à négocier collectivement, ils notent que, depuis des années, le gouvernement a indiqué sa disponibilité pour apporter des changements, mais que les deux confédérations de travailleurs et d'employeurs les plus importantes s'y sont opposées. Néanmoins, étant donné que les négociations tripartites semblent suivre leur cours et inclure les syndicats minoritaires, le résultat sera peut-être quelque peu différent lorsque les négociations seront terminées. Ils rappellent que l'article 4 de la convention no 98 requiert des négociations collectives libres et volontaires, mais n'indique rien à propos de l'acceptabilité du critère numérique. Les organes de contrôle ont signalé qu'il a été admis et reconnu que le droit à la négociation collective peut être restreint aux organisations les plus représentatives. Il est possible d'avoir un syndicat avec un nombre d'adhérents de 51 pour cent, d'un côté, et un autre syndicat disposant de 49 pour cent des membres. En l'occurrence celui comptant 51 pour cent des membres sera le plus représentatif, et cela sera dans la ligne des opinions émises par la commission d'experts et par le Comité de la liberté syndicale.

Le Comité de la liberté syndicale a aussi déclaré que, dans des cas similaires, il est admissible d'introduire une limitation de l'habilité à négocier collectivement quand le critère est objectif et qu'il a été déterminé auparavant, ce qui semble être ici le cas. Les points de vue diffèrent en ce qui concerne le chiffre le plus approprié dans un cas particulier. Ils font remarquer que la commission d'experts a été persévérante dans ses indications mais que, parfois, de nouveaux cas nécessitent une autre approche. En outre, ils soulignent que cette commission ne partage pas toujours les observations faites par la commission d'experts.

Les partenaires sociaux et non le gouvernement devraient être appelés à fixer les restrictions numériques étant donné qu'ils paraissent s'opposer à tout changement. L'optimisme est justifié par l'établissement d'un nouveau Conseil économique et social tripartite qui traitera de cette question et où les syndicats minoritaires sont également représentés. En outre, en référence au deuxième point signalé par la commission d'experts, le gouvernement a pris une mesure inhabituelle en amendant la Constitution afin de permettre aux fonctionnaires d'engager une négociation collective. En conséquence, les membres employeurs sont optimistes du fait qu'une plus grande majorité est requise pour l'adoption d'un amendement constitutionnel que pour l'adoption d'une loi organique.

A propos du troisième point traitant de l'arbitrage obligatoire, la notion de préjudice à la santé publique ou à la sécurité nationale est plus proche de celle des services essentiels de la commission d'experts au sens strict du terme, considérés comme ceux mettant en danger la vie, la sécurité ou la santé de l'ensemble ou d'une partie de la population. Dans ce cas, les restrictions du droit de grève restent exceptionnelles, l'approbation de la cour étant requise, et il est possible de soumettre également la question à l'arbitrage volontaire. En conséquence, cela n'est pas un cas alarmant de restriction puisque des changements substantiels sont intervenus et que le gouvernement est sur le point d'en adopter d'autres par des négociations tripartites.

Le membre travailleur de la Turquie informe la commission que les modifications récentes de la Constitution n'ont pas levé l'interdiction sur les activités politiques des syndicats. Les interdictions actuelles figurant dans la loi syndicale et la loi sur les associations ont été utilisées contre le comité exécutif de TURK-IS et les présidents de toutes les organisations affiliées en alléguant leur soutien à certains partis politiques aux élections générales de décembre dernier.

A propos du premier point signalé par la commission d'experts, l'orateur propose qu'une révision tripartite totale de la législation du travail en Turquie soit effectuée pour la rendre conforme avec les conventions ratifiées nos 26, 87, 94, 98, 105, 111, 122, 151 et 158, et ce avec l'assistance technique du BIT. En se référant à d'autres violations de la convention no 98, la commission d'experts a indiqué que les certificats de compétence pour les négociations collectives devraient être accordés par une instance indépendante. Cependant, en Turquie, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale est chargé de cette tâche et utilise occasionnellement son pouvoir comme moyen d'interférer dans les affaires syndicales. En cas de discrimination antisyndicale au moment du recrutement, la loi syndicale révisée stipule l'obligation d'une amende de seulement 55 dollars des Etats-Unis et place la charge de la preuve sur la victime. Le syndicat doit informer d'abord le ministère du Travail et de la Sécurité sociale et ensuite l'employeur concerné au sujet de l'adhésion de nouveaux membres. Aucune protection n'existe en ce qui concerne les démissions et les transferts des dirigeants syndicaux travaillant sur leur lieu de travail et des membres des comités syndicaux de direction pour la période suivant l'expiration de leur mandat. Les confédérations ne peuvent pas avoir de négociations collectives, le niveau de négociation est spécifié par la loi et la négociation collective dans le secteur de l'industrie est interdite. La loi s'impose pour les questions négociées collectivement et interdit toute référence ou convention collective pour le paiement des salaires pendant une période de grève. Enfin, les négociations collectives sont limitées à 60 jours avant qu'une médiation ne devienne obligatoire. L'orateur note que le gouvernement n'a pas fourni d'information concernant les commentaires des travailleurs.

Concernant les travailleurs du secteur public, l'orateur regrette que la situation se soit détériorée depuis l'an dernier. Actuellement, des milliers de dactylographes, de chauffeurs, de mécaniciens, d'employés de bureau, de tailleurs, d'électriciens, de menuisiers, de soudeurs, de plombiers, d'infirmières, de plongeurs, de cuisiniers, de coiffeurs, d'enseignants, de jardiniers, etc. sont employés dans le secteur public dans son pays comme "fonctionnaires" et cette liste n'est pas limitative. Il rappelle que la convention no 98 prévoit dans son champ d'application tous les employés, à l'exception des "fonctionnaires engagés dans l'administration de l'Etat". Il rappelle également que, déjà en 1957, le représentant gouvernemental avait déclaré qu' "une ordonnance est à présent à l'étude qui traite des conditions d'emploi des travailleurs intellectuels", et "il est espéré que cette ordonnance donnera toutes les garanties nécessaires à cette catégorie de travailleurs". Il regrette que ces promesses n'aient pas été tenues.

L'orateur conteste la déclaration du gouvernement indiquant que l'amendement de l'article 53 de la Constitution garantit aux fonctionnaires le droit d'adhérer à un syndicat et de négocier collectivement. Dans l'amendement, il n'y a pas de reconnaissance explicite du droit de constituer librement un syndicat de fonctionnaires. La seule référence se lit comme suit: "les fonctionnaires peuvent constituer des syndicats et des organisations de niveau supérieur autorisés par la loi ...". Etant donné qu'aucune autorisation n'est accordée par quelque législation que ce soit, l'amendement n'a pas amélioré la situation mais, au contraire, l'a détériorée. En l'absence de toute disposition constitutionnelle réglementant le droit d'association, il est légalement possible d'exercer ce droit alors que cet amendement requiert l'octroi d'une autorisation par la promulgation d'une loi qui n'a pas encore été faite. En conséquence, le Syndicat des employés des PTT (TUM HABER-SEN) a été dissous en décembre 1995. Cet amendement dénie aux fonctionnaires le droit de négociation collective bien qu'il reconnaisse aux syndicats le droit de négocier au nom de ses membres. Si un accord avait été conclu par ces négociations collectives, il n'aurait en aucune manière lié les parties car il aurait dû être soumis "à la discrétion du Conseil des ministres". Ce processus de négociation ne peut être considéré comme une négociation collective telle que prévue par la convention no 98. En outre, le décret no 399 ayant force de loi interdit explicitement la négociation collective pour les contrats d'emploi dans le secteur public. L'orateur recommande instamment au gouvernement de reconnaître le droit de négociation collective dans le secteur public en application de la convention no 98 et d'éradiquer toute action administrative ou interprétation de la législation nationale qui créerait des obstacles pour l'exercice de ce droit fondamental.

S'agissant de l'arbitrage obligatoire, l'orateur indique que l'article 33 de la loi no 2822 stipule que les grèves ne peuvent être suspendues par le Conseil des ministres si elles ne sont pas considérées comme préjudiciables à la santé publique ou à la sécurité nationale. Ce critère n'est pas le même que le concept de "services essentiels" défini par les mécanismes de supervision de l'OIT. Les services essentiels sont seulement ceux dont l'interruption mettrait en danger la vie, la sécurité personnelle ou la santé de tout ou partie de la population.

L'orateur explique que le problème de l'arbitrage obligatoire ne doit pas se limiter aux cas mentionnés dans l'article 33. Il existe une interdiction totale du droit de grève, et par conséquent l'arbitrage obligatoire dans l'exploration, le forage, la production, le raffinage, la purification et la distribution d'eau, d'électricité, de gaz, de charbon, de gaz naturel et de pétrole; les travaux de pétrochimie, les banques, notaires, pompiers, services fonciers publics et urbains, la marine marchande, les chemins de fer et autres transports; la santé et les institutions d'éducation et de défense nationale. Cependant, une petite proportion de travailleurs interdits de droit de grève peut se considérer comme accomplissant des services essentiels. En outre, en relation avec la loi sur les zones franches d'exportation, l'arbitrage obligatoire existe pendant une période de dix ans postérieurement à la création de la zone en question. L'orateur mentionne également que l'arbitrage existe quand un tribunal du travail suspend une grève au fait de l'article 47 de la loi parce qu'il allègue un dommage pour la société et pour la santé nationale. L'arbitrage obligatoire existe également en cas de guerre ou d'état d'urgence sous la loi martiale. L'orateur conclut en indiquant que les interventions de la commission et sa détermination dans ce débat devraient contribuer à amener la législation du travail de Turquie dans la ligne des principes et des normes de l'OIT.

Le membre travailleur de l'Allemagne s'est référé au point 2 du rapport d'experts qui signale comme fait positif l'amendement de la Constitution. Selon cet amendement, les fonctionnaires bénéficient de la possibilité de se syndiquer et de mener des négociations, une loi spécifique étant toutefois nécessaire pour que cette possibilité se traduise dans les faits. Cet état de fait a amené les autorités judiciaires à dissoudre un syndicat de fonctionnaires du secteur des postes et télécommunications. L'orateur a indiqué que les fonctionnaires non commis à l'administration de l'Etat se voient dénier le droit fondamental de la liberté d'organisation et d'accès aux négociations collectives. Enfin, il a déclaré qu'il est inacceptable que des syndicats de fonctionnaires ne puissent pas travailler sans entraves et qu'ils ne jouissent pas pleinement de leur droit à la négociation collective, cela d'autant plus qu'il y a beaucoup de personnel sous contrat nécessitant la protection spécifique de la convention no 98.

Le membre travailleur de la Grèce a signalé qu'il ne peut accepter la déclaration du représentant gouvernemental indiquant que la situation est difficile et qu'en conséquence le gouvernement n'arrive pas à garantir le droit de négociation collective; il ne peut croire que, à cause d'une situation économique difficile, l'on doive restreindre le droit de négociation collective. L'orateur est d'accord pour reconnaître le critère de représentativité exigé des syndicats pour négocier, mais il n'est pas d'accord avec le critère quantitatif. En outre, il a indiqué que, s'agissant de l'arbitrage obligatoire, il est la règle et non l'exception. Il a ajouté que l'arbitrage obligatoire a été aboli dans la plupart des pays qui veulent respecter les dialogues sociaux et les négociations collectives et que les procédures de conciliation sociale et d'arbitrage ne sont efficaces que dans les pays où ce recours est le résultat d'une volonté d'une partie ou d'une autre des travailleurs ou des employeurs. En outre, il faut que les conciliateurs ou les arbitres soient désignés d'un commun accord par les parties intéressées et non par un pouvoir tiers.

Le membre travailleur des Etats-Unis a attiré à nouveau l'attention sur la question de la négociation collective dans le secteur public et sur l'imposition d'un arbitrage obligatoire dans les zones franches de commerce. Tout accord collectif conclu entre les syndicats de fonctionnaires et un employeur doit être approuvé par le Conseil des ministres. Cela empêche le syndicat de négocier directement avec ceux au gouvernement qui possèdent le pouvoir final de décision. En conséquence, cela décourage la négociation de bonne foi avec les syndicats et les engagements pris à la table de négociation et encourage les arrêts de travail comme unique moyen d'amener à la table de négociation ceux qui peuvent conclure un accord non susceptible d'annulation. En outre, la définition légale du fonctionnaire est beaucoup trop large et est en violation de la convention no 98. En ce qui concerne l'implication de l'arbitrage collectif et l'arbitrage obligatoire dans les zones franches de commerce pour une période de dix ans suivant la création de la zone, l'orateur se réfère aux conclusions formulées par le Comité de la liberté syndicale dans son 303e rapport, paragraphe 63, où le gouvernement est prié de lever à brève échéance les restrictions incompatibles avec l'application de la convention. Il déclare que la pression moins forte sur les normes du travail et les droits des travailleurs doit être combattue en insistant pour que les conventions de l'OIT soient strictement et uniformément respectées sans exception. L'orateur conclut en appuyant la suggestion de la commission d'experts de procurer une assistance technique.

En réponse, le représentant gouvernemental indique que la critique relative à l'interdiction de la négociation collective dans les zones franches de commerce n'est pas correcte. Aux termes de la loi no 3218 du 15 juin 1985, il est prévu que pendant les dix premières années de la création de la zone franche de commerce des négociations collectives peuvent avoir lieu entre les parties mais que tout blocage doit être soumis à l'arbitrage obligatoire afin d'encourager le libre-échange sans limitation. Les zones franches de commerce sont traitées séparément et soumises aux règles régissant le commerce international en Turquie. Néanmoins, en référence à la loi no 3218 de 1985, il n'existe plus en Turquie de zones franches de commerce soumises à cette restriction.

L'orateur déclare qu'il a pris note des autres questions soulevées par les autres intervenants et qu'il les prendra en considération.

Les membres travailleurs croient fermement, en ce qui concerne la restriction numérique, que la commission d'experts ne conteste pas le critère de 50 pour cent mais la combinaison des 50 pour cent avec les 10 pour cent au niveau sectoriel car il n'y a pas de négociations collectives à ce niveau. Il est totalement non fondé que les parties principales concernées pensent qu'elles peuvent vivre avec ces restrictions numériques car cela a été vrai par le passé au sujet de cas concernant les syndicats des pays d'Europe de l'Est relatifs aux travaux forcés. A propos des changements constitutionnels ayant trait au droit des fonctionnaires, ils ne considèrent pas que la législation turque promeut actuellement la négociation collective. Au contraire, l'arbitrage concerne uniquement la négociation collective et donc, si le gouvernement ne l'utilise pas souvent, la loi peut être changée. Ils terminent en réitérant la grave préoccupation des membres travailleurs et ils suggèrent le recours à l'assistance technique du BIT.

Les membres employeurs ont à nouveau souligné la validité de l'amendement constitutionnel en Turquie qui reconnaît aux fonctionnaires le droit d'organisation et, d'une certaine façon, le droit de négociation collective. Ils sont optimistes à propos de l'application de la législation lorsqu'elle entrera en vigueur.

La commission a pris note de la déclaration du président gouvernemental et de la discussion qui a suivi. La commission a regretté que la commission d'experts ait reçu trop tardivement le rapport du gouvernement sur l'application de la convention et qu'il n'ait pas répondu à temps aux commentaires formulés par les organisations syndicales TURK-IS et DISK. La commission se félicite des progrès constatés depuis lors par le Comité de la liberté syndicale, en particulier l'amendement constitutionnel qui reconnaît aux fonctionnaires le droit syndical et le droit de négociation collective, mais elle note que ce comité relève avec préoccupation que de nombreuses divergences subsistent tant en droit qu'en pratique avec les exigences de la convention. Elle note également qu'une commission tripartite examinera les points soulevés par la commission d'experts. Elle demande à nouveau instamment au gouvernement d'adopter des mesures pour lever les restrictions à la négociation collective résultant du double critère de la représentativité exigée des syndicats. Elle exprime également le ferme espoir que seront adoptées, outre les dispositions constitutionnelles, des dispositions législatives spécifiques en vue d'accorder sans ambiguïté aux travailleurs du secteur public couverts par la convention le droit de constituer des syndicats afin de pouvoir négocier collectivement leurs conditions d'emploi. La commission insiste auprès du gouvernement pour que son prochain rapport détaillé sur l'application de la convention fasse état de mesures concrètes qui auront été effectivement prises, si nécessaire avec l'assistance du BIT, pour donner suite aux commentaires de la commission d'experts, et notamment pour promouvoir la libre négociation collective comme moyen de fixer des conditions d'emploi. La commission exprime le ferme espoir d'être à même de constater des progrès décisifs en droit et en pratique sur ces questions à très brève échéance.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1995, Publication : 82ème session CIT (1995)

Un représentant gouvernemental, abordant le premier point soulevé par la commission d'experts, a répété que le gouvernement continuait de s'employer à supprimer cette exigence de 10 pour cent de travailleurs pour qu'un syndicat accède à la négociation collective, malgré les objections des organisations d'employeurs et de travailleurs.

S'agissant des droits syndicaux des fonctionnaires, la commission parlementaire chargée d'examiner le projet de loi réglementant la question a conclu que ce projet n'était pas conforme à la Constitution dans sa teneur actuelle. Un projet de modification de la Constitution a donc dû être préparé; bénéficiant du consensus de l'ensemble des partis politiques, il a été soumis au Parlement et examiné par les commissions compétentes la semaine dernière. L'une des modifications proposées vise à garantir les droits syndicaux des fonctionnaires. Le projet de loi devrait être prochainement examiné.

Quant au troisième point de l'observation, qui porte sur l'article 33 de la loi no 2822, il doit être souligné que son libellé visant les cas où la santé publique ou la sécurité nationale serait en péril est pleinement conforme à l'interprétation de la commission d'experts. En outre, toute décision du gouvernement à cet égard est soumise au contrôle de l'autorité judiciaire indépendante. Les parties intéressées ont par ailleurs la faculté de recourir à l'arbitrage volontaire à tout moment. Enfin, le gouvernement peut revenir sur sa décision lorsque les circonstances qui l'ont justifié ont cessé d'exister.

Les membres employeurs ont rappelé que la présente commission avait déjà traité maintes fois de ce cas dans le passé. Les faits sont donc désormais bien connus. Le premier point porte sur l'effectif requis d'un syndicat pour qu'il accède à la négociation collective. Le gouvernement a indiqué qu'il était prêt à le modifier, mais ce sont les partenaires sociaux qui ont expressément indiqué l'année dernière qu'ils souhaitaient laisser les choses en l'état. Par ailleurs, la commission d'experts n'indique pas à partir de quel effectif l'exigence serait abusive et la convention ne permet pas de le déterminer. Il serait utile que le gouvernement fournisse dans son prochain rapport des informations sur les domaines dans lesquels il existe des conventions collectives et leur nombre. Si l'on devait en déduire qu'il est possible de conclure des conventions collectives partout, ce premier point perdrait de son importance.

Le deuxième problème, celui du droit de négociation collective des fonctionnaires, n'est pas nouveau non plus. Un projet de loi avait été déposé et il reviendrait maintenant au Parlement de l'adopter. Le prochain rapport du gouvernement devrait indiquer les nouvelles mesures qui auront été adoptées.

La troisième question a trait au recours à l'arbitrage obligatoire dans certaines circonstances. La commission d'experts réitère son interprétation selon laquelle l'arbitrage obligatoire ne doit s'appliquer qu'aux services essentiels au sens strict, c'est-à-dire à ceux dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. On connaît les réserves des membres employeurs à l'égard de cette interprétation. En tout état de cause, les garanties de procédure, les possibilités de recours et l'implication des partenaires sociaux permettent de penser que le problème est en voie d'être résolu, du moins au regard des dispositions de la convention no 98. La récente ratification de la convention no 87 par la Turquie devrait également permettre de nouvelles améliorations. Il devrait être demandé au gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur toute nouvelle évolution.

Les membres travailleurs ont souligné que ce cas avait déjà été discuté en 1988, 1989, 1991, 1993 et 1994, raison pour laquelle ils ne pouvaient faire preuve de la même patience que les membres employeurs. Le gouvernement s'était référé l'année dernière au projet de loi en discussion. Pourtant, la commission d'experts n'a pu cette année que répéter son observation sur chacun des trois points en cause. Elle a en outre constaté que le gouvernement n'avait pas répondu aux commentaires formulés par la Confédération des syndicats ouvriers de Turquie (TURK-IS).

En ce qui concerne le projet de loi, la présente commission avait demandé au gouvernement de prendre des mesures pour "adopter les dispositions législatives spécifiques en vue d'accorder aux travailleurs du secteur public couverts par la convention le droit de constituer des syndicats afin de pouvoir négocier collectivement leurs conditions d'emploi". Or ce projet de loi n'a pas abouti et il semble que le gouvernement soit en train de préparer un nouveau projet qui ne couvrirait plus le droit de négociation collective. Il semble que la position du gouvernement ait évolué et il devrait s'en expliquer.

Le projet de loi sur le double critère de reconnaissance des syndicats aux fins de la négociation collective est toujours à l'étude. Comme ils ont déjà eu plusieurs fois l'occasion de le rappeler, les membres travailleurs estiment qu'un équilibre entre les exigences du pluralisme et de l'efficacité doit être recherché. Le double seuil de 10 pour cent de la branche et de 50 pour cent de l'entreprise risque d'exclure de nombreux travailleurs de la négociation collective.

L'obligation de promouvoir la négociation collective est également violée en droit et en pratique par les procédures d'arbitrage obligatoire. Les membres travailleurs souscrivent pleinement à l'observation de la commission d'experts selon laquelle le recours à l'arbitrage obligatoire devrait être strictement limité aux services essentiels. Il serait indispensable que des informations complètes soient à nouveau examinées par la commission d'experts.

Des informations précises devraient être fournies par le gouvernement sur chacun des points soulevés par la commission d'experts et aussi en réponse aux commentaires de la TURK-IS. En ratifiant récemment plusieurs conventions fondamentales, la Turquie a témoigné de son intérêt pour les principes qu'elles consacrent. Il revient au gouvernement de démontrer qu'il entend respecter dans la pratique ses engagements internationaux en procédant aux adaptations nécessaires.

Le membre travailleur de la Turquie a rappelé que ce cas a été débattu presque chaque année depuis 1983, année où il avait fait l'objet d'un paragraphe spécial. La question de l'effectif requis pour négocier collectivement appelle une révision complète de la législation sur la base de consultations tripartites et avec la coopération technique du BIT. En ce qui concerne le déni du droit de négociation collective des fonctionnaires, les perspectives se sont assombries depuis l'année dernière. Alors que le gouvernement avait promis de reconnaître ce droit, son attitude a radicalement changé. Aux termes de l'amendement constitutionnel en cours de discussion au Parlement, les négociations seraient autorisées mais les accords conclus n'auraient aucune force obligatoire. En outre, l'arrêt du 25 mai dernier de la Cour d'appel menace l'existence même des syndicats de fonctionnaires. Quant à l'arbitrage obligatoire, il est imposé dans un très vaste ensemble d'activités dont la plupart ne correspondent pas à des services essentiels. Sur tous ces aspects, non seulement la situation ne s'est pas améliorée, mais elle menace de se dégrader encore.

La commission a pris note des déclarations du représentant gouvernemental relatives aux points soulevés par la commission d'experts en ce qui concerne l'effectif requis d'un syndicat pour négocier collectivement, le déni du droit de négociation collective des fonctionnaires et le recours à l'arbitrage obligatoire dans certains cas. La commission a demandé au gouvernement, après avoir examiné les données de cette déclaration, de fournir des informations complètes sur de nouvelles évolutions tendant à lever les restrictions à la négociation collective et a exprimé l'espoir que la loi proposée pour étendre le droit de négociation collective aux fonctionnaires tiendrait pleinement compte des suggestions antérieures de la commission d'experts. La commission a en outre invité instamment le gouvernement à restreindre encore, comme l'a recommandé la commission d'experts, le champ d'application de l'arbitrage obligatoire afin de respecter pleinement la convention no 98 et de fournir également des informations sur cet aspect dans son rapport.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1994, Publication : 81ème session CIT (1994)

Un représentant gouvernemental a déclaré qu'il donnerait des informations sur les trois points concernant l'application de la convention no 98 soulevés dans le rapport de la commission d'experts: 1) les exigences numériques concernant la détermination de la représentativité d'un syndicat à la négociation collective; 2) les droits syndicaux des fonctionnaires publics et 3) l'arbitrage obligatoire en relation avec l'ajournement d'une grève. S'agissant du premier point, l'orateur a rappelé avoir indiqué l'année précédente que l'article 12 de la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et le lock-out n'avait pas pu être modifié parce que les partenaires sociaux les plus représentatifs voulaient maintenir le système en vigueur et que le gouvernement s'efforçait néanmoins d'apporter les modifications législatives souhaitées par la commission d'experts. Il a ajouté qu'à ce jour un avant-projet du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, prévoyant notamment la suppression de l'une des exigences faites à un syndicat pour pouvoir participer à la négociation collective dans une branche donnée, à savoir de représenter 10 pour cent au moins des effectifs, a été communiqué pour avis aux partenaires sociaux; la Confédération des travailleurs TURK-IS s'est opposée à cette proposition par lettre du 5 avril 1994; la Confédération des employeurs TISK s'est également déclarée contre cette proposition par lettre du 19 avril 1994. Néanmoins, le ministère poursuit ses travaux et ses démarches pour modifier cette loi ainsi que la loi sur les syndicats. En ce qui concerne le deuxième point (droits syndicaux des fonctionnaires publics), l'orateur a rappelé avoir indiqué l'année précédente qu'une nouvelle législation devait être élaborée en conformité avec les conventions nos 87 et 151 récemment ratifiées par la Turquie, et il a annoncé qu'à ce jour un projet de loi sur les droits syndicaux des fonctionnaires ainsi que leur participation, par l'intermédiaire de leurs représentants, à la détermination de leurs conditions d'emploi a été approuvé par le Conseil des ministres, soumis à l'Assemblée nationale et transmis pour étude à une commission du parlement. Il a ajouté que, dans la pratique, les fonctionnaires ont déjà constitué des syndicats et que, en vertu de la circulaire du premier ministre no 1993/15 du 15 juin 1993, les hésitations de certaines autorités administratives ont été levées et les fonctionnaires peuvent constituer librement des syndicats. En ce qui concerne le troisième point (arbitrage obligatoire en relation avec l'ajournement d'une grève), l'orateur a indiqué que, si la commission d'experts demande la modification de l'article 33 de la loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et le lock-out, elle admet néanmoins que cette procédure peut être appliquée dans les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé. L'orateur a ajouté que le contenu de l'article en cause n'est pas en contradiction avec les principes soutenus par la commission puisqu'il ne permet au gouvernement d'imposer l'arbitrage obligatoire que si la grève est de nature à porter atteinte à la santé publique ou à la sécurité nationale. Il a souligné en outre que toute décision du gouvernement en la matière peut à tout moment être portée par les parties concernées devant des instances judiciaires indépendantes ou bien soumise à l'arbitrage privé. Il a précisé enfin que le gouvernement peut toujours revoir ou annuler sa décision si les circonstances justifiant la suspension ont cessé, les parties intéressées ayant encore la possibilité de parvenir à un accord à ce stade, le conflit n'étant soumis à l'arbitrage obligatoire de la Commission suprême d'arbitrage que s'il ne s'est pas dégagé de solution. En tout état de cause, le gouvernement ne prononce la suspension d'une grève que dans des situations exceptionnelles; il n'a d'ailleurs pas recouru à cette procédure depuis la dernière réunion de la Conférence internationale du Travail. Pour conclure, l'orateur a annoncé l'adoption, par la grande Assemblée nationale, d'une loi autorisant le gouvernement à ratifier la convention no 158 sur le licenciement, 1982, qui a une incidence particulière sur le droit d'organisation et l'activité syndicale.

Les membres travailleurs ont signalé que ce cas a été discuté à plusieurs reprises et que la commission d'experts avait formulé des observations sur l'application de cette convention, ces observations ayant été réitérées dans son dernier rapport, sous les trois points développés ci-après et sur lesquels le représentant gouvernemental s'est exprimé dans son intervention: les exigences numériques en matière de négociation, qui font obligation à un syndicat, pour pouvoir négocier collectivement, de représenter au moins 10 pour cent des effectifs de la branche concernée et plus de la moitié des salariés de l'établissement concerné; le déni, aux fonctionnaires, du droit de négocier collectivement; et l'arbitrage obligatoire dans les conflits du travail qui ne touchent pas les services essentiels.

Ils se sont félicités de la ratification des conventions nos 87, 135 et 151 et de l'annonce de la ratification de la convention no 158. Ils ont toutefois l'impression qu'en dépit des diverses mesures annoncées par le membre gouvernemental l'attitude ambiguë de son gouvernement donne à croire que celui-ci s'efforce à tout prix de continuer de contrôler le mouvement syndical et le développement de la négociation collective. Revenant à la question des exigences numériques, ils s'appuient sur les indications contenues dans l'étude d'ensemble (paragr. 97 et suivants, et paragr. 238 et suivants) concernant l'importance de l'équilibre entre le pluralisme syndical et les impératifs d'efficacité dans le domaine de la négociation collective. Ils souscrivent également aux considérations développées au paragraphe 241 de cette même étude, dans lequel la commission d'experts traite de la reconnaissance des syndicats aux fins de la négociation collective et estime que de tels systèmes risquent de déboucher sur l'exclusion de la négociation d'un syndicat majoritaire qui ne réunit pas une majorité de 50 pour cent des membres d'une unité de négociation. Considérant qu'un système national doit promouvoir efficacement la négociation collective et stimuler la qualité du dialogue social, ils estiment que le système prévu par la législation turque ne répond pas à cet impératif du fait de l'exigence du double critère concernant les effectifs de travailleurs représentés, ce double critère permettant d'exclure de nombreux travailleurs de toute négociation collective. En ce qui concerne le droit de négociation des salariés des services publics, les membres travailleurs se rallient à l'opinion exprimée par la commission d'experts au paragraphe 105 de son étude d'ensemble et considèrent que le droit d'association ne peut être dénié aux fonctionnaires ou aux employés publics. Une place significative devrait être laissée dans ce secteur à la négociation collective (paragr. 265). Ils estiment en outre que le concept de fonctionnaire doit être entendu dans un sens strict. En ce qui concerne l'arbitrage obligatoire, ils ont rappelé que la commission d'experts n'admet le recours à cette procédure que dans le cas des services essentiels et ils ont demandé au représentant gouvernemental des explications quant au système d'arbitrage obligatoire prescrit dans les zones franches d'exportation. Pour conclure, les membres travailleurs ont demandé si le gouvernement entend faire droit aux observations de la commission d'experts en abrogeant la double exigence numérique de même que l'arbitrage obligatoire et en adoptant le projet de loi sur les droits syndicaux des fonctionnaires. Ils ont exprimé l'espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour stimuler la libre négociation collective à tous les niveaux et dans tous les établissements.

Les membres employeurs ont évoqué en premier lieu la question des exigences numériques déterminant la représentativité d'une organisation dans le cadre de la négociation collective. Le caractère trop élevé du double critère de 10 et de 50 pour cent qui est critiqué par la commission d'experts est également critiqué par les membres employeurs et par le gouvernement, lequel n'a pas exprimé d'opinion divergente à cet égard. Les membres employeurs comprennent cependant les difficultés qu'éprouve le gouvernement pour modifier les dispositions en la matière du fait que les partenaires sociaux semblent souhaiter le maintien du système en vigueur et que les uns comme les autres ont rejeté son projet de loi. Ils appellent néanmoins le gouvernement à faire tout son possible pour soumettre ce projet de loi au parlement étant donné que cette question ne saurait être résolue que par la modification des dispositions pertinentes. En deuxième lieu, les membres employeurs ont déclaré ne pouvoir se prononcer quant à la situation concernant le droit de négociation des fonctionnaires étant donné que, d'après les informations communiquées par le gouvernement, le parlement est actuellement saisi d'un projet de loi tendant à abolir, ou du moins à limiter, les restrictions imposées aux fonctionnaires. La nouvelle loi leur permettra de négocier collectivement. Toutefois, ils relèvent dans l'observation de la commission d'experts que la TURK-IS n'est pas satisfaite et que les restrictions persistent. La commission d'experts a exprimé l'espoir que le projet de loi garantira aux fonctionnaires publics le droit de négocier collectivement et que le gouvernement fournira des informations sur les changements intervenus. De leur côté, les membres employeurs espèrent que ces changements ont été entamés et se poursuivent, et ils souhaitent être tenus informés des progrès réalisés. En troisième lieu, les membres employeurs ont évoqué la question de l'arbitrage obligatoire, se référant à la formule utilisée par la commission d'experts, selon laquelle il ne doit être recouru à cette pratique qu'en ce qui concerne les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire ceux dont l'interruption peut porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité des personnes dans tout ou partie de la population. Les membres employeurs considèrent, comme ils l'ont dit à plusieurs reprises, que cette formule va trop loin et que l'Etat doit avoir la possibilité d'intervenir avant qu'une situation aussi grave se produise. Le gouvernement déclare qu'il ne recourt à l'arbitrage que lorsque la santé publique, la sécurité ou la vie sont en péril. En outre, le gouvernement déclare qu'un recours peut être introduit devant les tribunaux contre la décision de suspendre la grève pendant 60 jours, et toutes les parties participent à l'arbitrage. Il n'y a d'autre part pas d'indications selon lesquelles il serait souvent fait recours à cette sorte d'arbitrage ou qu'il serait utilisé de manière abusive. Ils considèrent qu'une procédure n'a de signification que lorsque l'on peut en apprécier l'usage dans la pratique. Dans le cas d'espèce, ils rappellent que la procédure d'arbitrage ménage un délai de 60 jours avant l'arbitrage ainsi que la possibilité de faire recours devant les instances judiciaires et de constituer un tribunal d'arbitrage tripartite. La commission d'experts n'a pas signalé d'abus dans le recours à cette procédure et, dans ces circonstances, les membres employeurs estiment qu'ils doivent inviter le gouvernement à poursuivre les mesures qu'il a engagées en vue de modifier les dispositions concernant les exigences numériques et de faciliter la participation des fonctionnaires à la négociation collective. Pour conclure, ils se sont déclarés rassurés du fait que le gouvernement a ratifié la convention no 87 en 1993.

Le membre travailleur de la Norvège a déclaré, au nom des membres travailleurs du Danemark, de la Finlande, de l'Islande, de la Suède et des Pays-Bas, qu'il déplorait que le gouvernement turc continue de s'opposer au pluralisme dans les structures de l'activité syndicale. L'examen des conséquences qu'entraînent les exigences numériques prescrites pour admettre la représentativité d'une organisation dans la négociation collective conduit à conclure que le gouvernement souhaite écraser les syndicats de gauche, en particulier la DISK, syndicat dont le gouvernement devrait être fier puisqu'il a apporté une contribution notoire au processus politique ayant abouti à la démocratie. C'est à tort que le gouvernement invoque le fait qu'une confédération syndicale turque n'accepte pas l'interprétation de la commission d'experts en l'espèce. Il a souligné que le droit des fonctionnaires publics à la négociation collective n'a toujours pas été reconnu, en dépit du fait que le gouvernement a assuré à plusieurs reprises que les lois contraires aux droits fondamentaux de l'homme seraient abrogées sans retard après l'adoption de la Constitution de 1980 et en dépit de la tenue d'une conférence, en mars 1994 à Istanbul, avec la participation de l'Union européenne, du Conseil de l'Europe, des dirigeants syndicaux de la TURK-IS, de la HAK-IS, de la DISK et des centrales internationales CISL et CES, au cours de laquelle le gouvernement a affirmé que les mesures nécessaires pour mettre la législation en conformité avec les conventions de l'OIT, et notamment la convention no 98, seraient prises. Le gouvernement a également évoqué sa demande d'adhésion à l'Union européenne, laquelle garantirait la consécration des droits fondamentaux dans la législation nationale. L'orateur estime que le projet de loi qui a été présenté envisage les organisations de fonctionnaires publics comme des associations et non comme des syndicats, ce qui implique que le contrôle de l'Etat, selon le droit civil, peut s'exercer sur ces organisations.

Le membre travailleur de la Turquie a regretté que le gouvernement bafoue continuellement les dispositions de la convention no 98. La législation en vigueur fixe les amendes contre les actes de discrimination antisyndicale à un niveau dérisoire de 30 à 130 cents des Etats-Unis. La législation impose également aux syndicats d'informer le gouvernement de leurs nouveaux adhérents dans les quinze jours et le ministère du Travail use de son autorité lors de la procédure d'agrément pour s'ingérer dans les syndicats. Les travailleurs et dirigeants syndicaux peuvent être licenciés sans juste motif et l'employeur peut s'opposer à leur réintégration dans leur emploi. L'orateur a souligné la nécessité d'une refonte totale de la législation du travail turque afin de la rendre conforme aux exigences des conventions nos 87, 98 et 151. A cette fin, il conviendrait de demander l'assistance technique du BIT. L'orateur a cité plusieurs exemples illustrant l'impossibilité, pour les fonctionnaires, de s'organiser. Le projet de législation présenté par le gouvernement comme un progrès décisif à cet égard ne résoudra pas les problèmes et risque même de les aggraver dans certains cas. Un syndicat d'employés civils des établissements militaires, qui s'était constitué en conformité de la législation en vigueur, devra être supprimé avec le projet de loi. La législation laisse peu de place à la négociation collective. En cas de conflit collectif, la législation proposée institue une commission de conciliation, formée de deux fonctionnaires de l'Etat et d'un expert, qui proposera une solution. Le Conseil des ministres décidera d'accorder ou non le droit de faire grève ainsi que les modalités d'exercice de ce droit. L'arbitrage obligatoire est souvent imposé en Turquie. Les grèves sont interdites dans un grand nombre de secteurs non essentiels. Même lorsque la négociation collective est autorisée, elle doit aboutir dans les soixante jours, sinon, au terme de ce délai, la médiation intervient obligatoirement. En vertu de la loi sur les zones franches d'exportation, l'arbitrage obligatoire est imposé durant les dix années consécutives à la création de cette zone. Il s'agit de violations manifestes de la convention no 98. Les amendements proposés à la loi sur les conventions collectives, la grève et le lock-out ne rendront pas la législation conforme à la convention. Le plan gouvernemental de démocratisation n'en fera pas davantage. Pour conclure, l'orateur a réitéré que l'ensemble de la législation du travail turque nécessite une harmonisation avec les conventions nos 87, 98 et 151 et avec les recommandations et propositions de la commission d'experts, du Comité de la liberté syndicale et de cette Commission de la Conférence. Cette démarche nécessitera l'assistance technique du BIT et la participation des partenaires sociaux.

Le membre employeur de la Roumanie a déclaré qu'au lieu de critiquer le gouvernement de la Turquie la Commission de la Conférence devrait le féliciter de ses efforts tendant à l'application de la convention. En ce qui concerne les exigences numériques en matière de représentativité pour négocier collectivement, l'orateur souhaiterait savoir s'il existe des normes internationalement reconnues à cet égard et si la commission d'experts est en mesure de suggérer des conditions numériques optimales. L'orateur a déclaré que les négociations deviendraient plus difficiles avec un plus grand nombre de partenaires et que plus le critère numérique est bas plus le nombre de partenaires est élevé.

Le membre travailleur de la Grèce a déploré que les membres employeurs se déclarent rassurés par le seul fait que la Turquie ait ratifié la convention no 87, si l'on veut bien considérer que, dans de nombreux pays - dont notamment la Grèce -, des conventions ratifiées depuis longtemps restent sans effet, comme l'attestent les débats de la commission, force est effectivement de constater qu'il ne suffit pas qu'une convention ait été ratifiée et qu'il faut que la législation nationale soit rendue conforme à cette convention et qu'elle soit respectée. Enfin, il s'est demandé pourquoi l'organisation syndicale DISK, membre de la Confédération européenne des syndicats et de son bureau exécutif, ne participe pas à la Conférence.

Le représentant gouvernemental, après avoir assuré la Commission de la Conférence de ce que ses observations et suggestions seraient étudiées par les autorités compétentes de son pays, a rappelé, en réponse aux questions posées, qu'en ce qui concerne la suppression de l'exigence numérique il existe un projet de loi, actuellement en discussion, qui prévoit notamment la suppression de l'exigence de 10 pour cent. Abordant la question des droits syndicaux des fonctionnaires, il a rappelé qu'un projet de loi préparé à la lumière des conventions nos 87 sur la liberté syndicale et 151 sur les procédures de détermination des conditions d'emploi dans la fonction publique est à l'étude par le parlement. En ce qui concerne la liberté de négociation entre les partenaires sociaux, l'orateur a déclaré que son gouvernement entend intervenir le moins possible et il a écarté l'idée qu'il n'y aurait pas de liberté de négociation en Turquie, évoquant à cet égard les quelque 1 783 conventions collectives conclues à la suite de libres négociations collectives en 1992, couvrant 1 090 000 salariés, et les quelque 1 153 578 heures de travail perdues en grèves. Pour conclure, l'orateur a précisé que les projets de réforme envisagés par son gouvernement ont été communiqués à toutes les parties concernées, y compris la DISK, la HAK-IS, la TURK-IS et la TISK.

Les membres travailleurs, se référant à l'intervention des membres employeurs, ont déclaré que les problèmes qui subsistent ne sont pas des problèmes sans importance et qu'il est nécessaire de continuer d'insister auprès du gouvernement pour que celui-ci procède à la modification demandée de la législation. Ils considèrent que le problème des exigences numériques ne réside pas tant dans la définition de critères pour définir les organisations les plus représentatives que dans le fait que la législation actuelle comporte une double exigence, laquelle aboutit à exclure une partie importante des travailleurs. En ce qui concerne l'arbitrage obligatoire, ils jugent indispensable de se référer à l'esprit de la convention et à l'opinion de la commission d'experts.

Les membres employeurs sont convenus avec les membres travailleurs qu'il convient de modifier les dispositions concernant les exigences numériques, même si un syndicat important souhaite le maintien de la situation en vigueur. En ce qui concerne les déclarations du représentant gouvernemental, ils ne considèrent pas que le fait qu'un grand nombre de grèves soient intervenues signifie qu'un progrès social important ait été accompli. En ce qui concerne l'arbitrage obligatoire, ils estiment que cette procédure est valable dans la mesure oì des critères non ambigus sont établis et oì la participation des deux parties est garantie. S'agissant de la formule utilisée par la commission d'experts, ils préfèrent s'en tenir à la lettre de la convention plutôt qu'à son esprit, qu'ils jugent parfois confus.

La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental, des développements intervenus et de la discussion qui a eu lieu. La commission s'est félicitée de la récente ratification par la Turquie des conventions nos 87, 135 et 151, dont elle veut augurer qu'elle conduira à une meilleure application de la présente convention. La commission a rappelé néanmoins que, depuis de très nombreuses années, la commission d'experts relève des divergences importantes entre la législation et la convention. Elle a demandé au gouvernement d'adopter des mesures pour lever les restrictions à la négociation collective résultant du double critère de la représentativité exigé des syndicats, afin qu'ils puissent négocier collectivement avec les employeurs, pour privilégier la négociation collective comme moyen de fixer les conditions d'emploi et pour adopter les dispositions législatives spécifiques en vue d'accorder aux travailleurs du secteur public couverts par la convention le droit de constituer des syndicats afin de pouvoir négocier collectivement leurs conditions d'emploi. La commission a insisté auprès du gouvernement pour que son prochain rapport détaillé sur l'application de la convention fasse état des mesures concrètes qui auront été effectivement prises pour stimuler et promouvoir prioritairement la libre négociation collective. Elle a demandé au gouvernement de communiquer les projets de loi élaborés dans ce domaine. Elle a exprimé l'espoir d'être à même de constater des progrès décisifs sur ces questions à brève échéance.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1993, Publication : 80ème session CIT (1993)

Le représentant gouvernemental, se référant à l'arbitrage obligatoire en cas de conflits collectifs ne mettant pas en cause les services essentiels, a déclaré que le problème ne se pose que dans le cadre des reports de grève. Cette procédure d'arbitrage obligatoire ne s'applique que dans les cas où l'arrêt de travail en raison d'une grève mettrait en danger la sécurité publique ou la santé de l'ensemble ou d'une partie de la population, conformément aux dispositions de l'article 33 de la loi no 2822. Comme la commission le sait fort bien, il a été conclu dans le paragraphe 214 de l'étude d'ensemble de la commission d'experts de 1983 que "si le droit de grève fait l'objet de restrictions ou d'interdiction dans la fonction publique ou les services essentiels, des garanties appropriées doivent être accordées pour protéger les travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels. Les restrictions devraient être compensées par des procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et rapides, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer, et les décisions arbitrales devraient dans tous les cas être obligatoires pour les deux parties." En exerçant leur pouvoir d'arbitrage obligatoire, le gouvernement et l'autorité judiciaire ont été extrêmement attentifs à ne pas dépasser les limites fixées par le législateur. Il doit être souligné que cette procédure est régie par des règles constitutionnelles qui limitent strictement son application à des situations exceptionnelles. En outre, la médiation du ministre du Travail reste possible pendant la période de report, et les parties peuvent également recourir à l'arbitrage volontaire à tout moment. De surcroît, le gouvernement peut rapporter sa décision dès lors que les circonstances nécessitant le report ont cessé. Les parties peuvent aussi parvenir à un accord au cours de cette période. Ce n'est qu'au cas où le conflit ne pourrait trouver de solution qu'il serait alors soumis à l'arbitrage obligatoire de la Commission suprême d'arbitrage. Le recours à l'arbitrage obligatoire en cas de report de grève ne constitue donc pas une ingérence dans la procédure de négociation collective. Cette procédure est au contraire appliquée afin de trouver une solution aux conflits dans lesquels la procédure de négociation collective est mise en échec. Il s'agit d'un mécanisme auquel il n'est recouru qu'exceptionnellement, ce qu'atteste le fait que depuis janvier 1991 l'arbitrage obligatoire n'a été utilisé qu'à quatre reprises en Turquie. Cela n'est en aucun cas une procédure automatique mais un mécanisme auquel on recourt exceptionnellement avec le seul objectif d'assurer que les travailleurs ne soient pas dépourvus de leur droit de négociation collective en certaines circonstances. Le deuxième problème est celui des exigences numériques posées par l'article 12 de la loi no 2822. Le gouvernement a évidemment cherché à "prendre des mesures appropriées aux conditions nationales pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives". Si les dispositions pertinentes de la loi ont été conservées, c'est simplement en raison de l'accord général des partenaires sociaux les plus représentatifs pour préserver le système existant. Pour cette raison, la préparation en 1991 d'un projet de loi n'a pas pu être poursuivie par le gouvernement. Celui-ci ne manquera toutefois pas de continuer à prendre en considération les observations de la commission d'experts. En ce qui concerne le droit de négociation collective des fonctionnaires, cela ne semble pas être une question relevant directement de la convention mais, comme le gouvernement a ratifié la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical à la fin de 1992, de nouvelles mesures législatives devraient être prises en conséquence à l'égard des fonctionnaires. Plus généralement, il est révélateur que, outre la convention no 87, le gouvernement ait ratifié cinq autres conventions en 1992: la convention (no 59) (révisée) de l'âge minimum (industrie), 1937; la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971; la convention (no 142) sur la mise en valeur des ressources humaines, 1975; la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976; et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, ce qui témoigne de l'attitude constructive du gouvernement. La convention (no 158) sur le licenciement, 1982, a été également soumise au parlement. En outre, le gouvernement a entrepris de réviser l'ensemble de la législation du travail en vigueur, et notamment la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur les conventions collectives de travail, les grèves et les lock-out. A cet effet, les partenaires sociaux ont été à deux reprises, au cours des dix derniers mois, invités à faire connaître leur opinion et à proposer des modifications au gouvernement. Des réponses viennent d'être reçues et ont été mises à l'étude par le gouvernerment qui est déterminé à poursuivre le dialogue avec les partenaires sociaux. Cependant, certains partenaires sociaux n'ont pas donné de réponse.

Les membres travailleurs, tout en se réjouissant de la ratification par la Turquie de plusieurs conventions importantes, qui témoigne de la bonne volonté du gouvernement, ont exprimé leur inquiétude face aux violations persistantes de la convention. Le cas n'est pas nouveau: il a fait l'objet d'observations de la commission d'experts depuis plusieurs années, ainsi que de discussions au sein de la Commission de la Conférence. Les promesses formelles faites par le gouvernement tant à la Commission de la Conférence en 1991 qu'au Comité de la liberté syndicale en 1992 de prendre les mesures nécessaires pour se conformer aux obligations de la convention ne semblent pas avoir été suivies d'effet. Ces mesures devaient porter sur l'abrogation de la règle n'autorisant les syndicats à négocier collectivement que s'ils représentent un minimum de 10 pour cent de l'effectif d'une branche et sur la garantie des droits syndicaux des salariés du secteur public. On est en droit d'attendre que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour donner pleinement effet à la convention, et fournisse toutes les informations utiles à cet égard dans un rapport.

Les membres employeurs ont relevé que, selon le représentant gouvernemental, l'arbitrage obligatoire n'avait quasiment pas de portée dans la pratique. Lorsqu'il a été appliqué, il n'a conduit qu'à une suspension temporaire des grèves. En ce qui concerne les conditions numériques d'accès à la négociation collective, les deux partenaires sociaux sont opposés à toute modification de la législation pertinente. En outre, de telles limitations qualitatives ou quantitatives existent dans la plupart des pays. Bien que ces exigences numériques ne soient pas souhaitables, elles ont l'avantage sur d'autres restrictions mises dans la pratique à la négociation collective d'être plus claires et précises. La commission d'experts elle-même a accepté que des conditions de représentativité soient mises à la négociation collective. S'agissant du droit de négociation collective des fonctionnaires, le représentant gouvernemental a indiqué que la convention no 87 figurait parmi les conventions ratifiées par son pays ces dernières années: le problème devrait donc être examiné ultérieurement au regard de cette convention. En tout état de cause, le gouvernement doit continuer à fournir des informations.

Le membre travailleur de la Norvège a déploré que la Turquie continue d'appliquer une législation sur l'arbitrage obligatoire et l'interdiction du droit de négociation collective des fonctionnaires. Il est également préoccupant que la Turquie continue d'exiger que les salariés représentent un minimum de 10 pour cent de l'effectif d'une branche et de 50 pour cent de celui de l'entreprise aux fins de la convention collective. Dans la pratique, cette législation contraire à la convention empêche de nombreux syndicats nationaux de conclure des conventions collectives dans un grand nombre d'entreprises du pays. C'est le cas, par exemple, pour le syndicat DISK. Le gouvernement devrait être exhorté à modifier cette législation le plus rapidement possible.

Le membre travailleur de la Turquie a regretté que le gouvernement et les employeurs de son pays continuent à violer la convention. Bien que le droit du travail en vigueur comporte des dispositions pour la protection des travailleurs contre la discrimination antisyndicale, des dizaines de milliers de travailleurs affiliés à des syndicats sont licenciés sans raison valable. Les droits et les libertés des syndicats sont violés par la Constitution de 1982, la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur les conventions collectives de travail, les grèves et les lock-out, tous textes qui ont été promulgués à la suite du coup d'Etat militaire du 12 septembre 1980. Bien que l'article 6 de la convention n'exclue que les fonctionnaires publics de l'administration de l'Etat, le gouvernement a également exclu par des mesures administratives d'autres fonctionnaires publics qui ne sont pas couverts par cette définition, y compris des commis et des concierges. Les salariés employés sous contrat dans les entreprises du secteur public se voient également interdire de constituer des syndicats de leur propre choix et de s'y affilier. En outre, la grève est strictement interdite à ces catégories de travailleurs. En réalité, d'une manière générale, l'interdiction de la grève s'applique à la majorité des travailleurs sous contrat, par exemple à ceux des secteurs de la banque, de l'énergie, des charbonnages, de l'ensemble des transports urbains, des pétroles et de la pétrochimie, de la santé et de l'éducation. De nombreux travailleurs et responsables syndicaux ont été condamnés pour avoir enfreint cette interdiction. Le gouvernement a le pouvoir de suspendre les grèves et de soumettre les différends à l'arbitrage obligatoire. Des avant-projets de loi pour la démocratisation de la vie sociale et politique et de la législation du travail ont été soumis par la Confédération des syndicats turcs au ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Aucune activité tripartite n'a cependant été entreprise sur la question. Bien que cela pose un problème, ce serait une erreur d'accorder la priorité à l'abrogation des conditions numériques mises à l'accès à la négociation collective, car le principal problème est celui de la démocratisation de l'ensemble du monde du travail et des structures politiques et sociales. Le droit du travail existant, hérité du pouvoir militaire, doit être modifié en vue d'assurer l'application de la convention. En outre, le gouvernement devrait tenir compte des recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale dans ses rapports soumis au Conseil d'administration sur les cas nos 1521, 1577, 1582 et 1583.

Le membre travailleur des Pays-Bas a souligné que la commission d'experts indiquait que la législation turque était contraire à la convention sur les trois points mentionnés dans leur observation. L'encouragement et la promotion du développement de la négociation collective consacrés par l'article 4 de la convention sont également totalement absents de la législation en vigueur. En outre, la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur la négociation collective sont contraires à la convention. Ces lois se fondent sur la Constitution dont certains articles portent de manière assez détaillée sur les syndicats. Par exemple, l'article 51, paragraphe 7, exige qu'une personne ait dix ans d'ancienneté pour créer un syndicat. Ce ne sont donc pas seulement les lois nos 2821 et 2822 qu'il faut modifier, mais la Constitution elle-même dans ses dispositions portant directement sur les syndicats. Par ailleurs, la déclaration du représentant gouvernemental en ce qui concerne les trois points relevés par la commission d'experts n'est pas satisfaisante. En particulier, l'argument selon lequel le gouvernement ne pourrait pas modifier la loi sur la négociation collective en raison de l'opposition des partenaires sociaux n'est pas acceptable. Lorsqu'une législation est contraire à la convention, le gouvernement doit la modifier même contre l'avis des partenaires sociaux.

Le membre travailleur de l'Italie a indiqué que les obstacles à la libre négociation relevés par la commission d'experts étaient d'autant plus grands que l'Etat jouait un rôle important dans l'économie. Quant à la désignation des syndicats considérés comme les plus représentatifs, elle devrait d'abord appartenir aux travailleurs, même si, comme c'est le cas en Italie, une loi peut venir entériner leur choix.

Le membre travailleur de la Grèce a souhaité poser au représentant gouvernemental trois questions concernant la convention. En ce qui concerne la question de la représentativité, que pense-t-il de l'hypothèse où un syndicat représenterait plus de 50 pour cent des salariés d'une entreprise, mais moins de 10 pour cent des effectifs de la branche? Est-il par ailleurs exact que le travailleur qui change de secteur et veut changer de syndicat ne peut le faire que moyennant un acte notarié coûteux? En ce qui concerne l'arbitrage, quelles sont les conditions de désignation par les parties des membres de l'organe arbitral? Une autre question a plutôt trait à la convention no 87 récemment ratifiée. Il serait utile que la commission soit informée des raisons pour lesquelles l'autre confédération syndicale turque membre de la Confédération européenne des syndicats, la DISK, ne fait pas partie de la délégation des travailleurs.

Le membre travailleur de l'Allemagne s'est associé aux déclarations des autres membres travailleurs, et notamment aux propos du représentant de la Confédération des syndicats turcs. Il est regrettable que, s'agissant de la définition des fonctionnaires publics visés à l'article 6 de la convention, le gouvernement s'en tienne à sa position ancienne. En citant l'étude d'ensemble de 1983, le représentant gouvernemental aurait dû préciser que cette étude donnait une définition très étroite de la notion de fonctionnaire public. Les conclusions adoptées par la présente commission en 1991 demandaient que le gouvernement change aussi d'attitude sur ce point, et l'on devrait également déplorer l'absence de progrès à cet égard.

Le membre gouvernemental de l'Allemagne, se félicitant de la présence du président de la plus importante confédération syndicale turque, a déclaré qu'il aurait été utile que celui-ci indique si les propos du représentant gouvernemental relatifs à l'opposition des partenaires sociaux à une modification des conditions de représentativité aux fins de la négociation collective étaient exacts, et dans ce cas, la raison de cette opposition.

Le membre travailleur de l'Espagne a rappelé que la liberté syndicale reposait sur le droit de négociation collective et le droit de grève. Même dans l'éventualité où les syndicats de Turquie admettraient des restrictions au droit de négociation collective, les organes de contrôle de l'OIT devraient considérer la situation contraire à une application correcte de la convention.

Le membre gouvernemental des Pays-Bas s'est réjoui d'apprendre que la Turquie avait ratifié plusieurs conventions portant sur les droits fondamentaux de l'homme, parmi lesquelles les conventions nos 87 et 151. La ratification ne doit toutefois pas se résumer à une simple profession de foi: les dispositions de la convention ratifiée doivent aussi être introduites dans le droit national pour produire leurs effets.

Le représentant gouvernemental a indiqué que, s'agissant des conditions numériques, il n'avait fait que constater quelle était la position des deux partenaires sociaux les plus représentatifs: il existe un accord très clair entre eux pour conserver la législation existante. Il n'est pas en mesure d'engager son gouvernement quant aux actions qui peuvent être menées à l'avenir, mais il pense que la position des partenaires sociaux doit être considérée comme indicative de l'attitude future du gouvernement. Le gouvernement prendra cependant les observations de la commission d'experts en compte lors des dialogues continus avec les partenaires sociaux. Les problèmes de l'arbitrage obligatoire des fonctionnaires sont importants, mais le gouvernement a récemment ratifié les conventions internationales directement pertinentes et s'efforce de ne pas aller au-delà des limites fixées par le droit national et international, comme en témoigne éloquemment son recours très modéré à l'arbitrage obligatoire. Le dialogue sincère avec les partenaires sociaux sera poursuivi et le BIT sera tenu informé de toute nouvelle évolution.

La commission a pris note des commentaires de la commission d'experts et des déclarations du représentant gouvernemental de la Turquie. La commission a examiné les trois problèmes relatifs à la convention. Elle a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle il n'est recouru à l'arbitrage obligatoire que dans des conditions très strictes, seulement dans le cadre de procédures associant les deux partenaires sociaux et uniquement à l'occasion de circonstances exceptionnelles. La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle les restrictions numériques relevées par la commission d'experts faisaient l'objet d'un accord général des principaux partenaires sociaux, mais que le gouvernement s'efforcerait d'y apporter les modifications souhaitées par la commission d'experts. En ce qui concerne la question de la négociation collective des salariés des services publics, le représentant gouvernemental s'est référé aux conventions récemment ratifiées par la Turquie, et notamment à la convention no 87, au regard de laquelle la question sera examinée ultérieurement. Après une discussion portant sur ces trois problèmes, la commission a rappelé qu'elle avait déjà traité de ces mêmes questions par le passé et a réitéré ses voeux et ses demandes antérieurs que soient modifiés les aspects pertinents de la législation et de la pratique turques. En conséquence, la commission a demandé au gouvernement de la Turquie d'assurer que soient éliminées toutes les divergences qui subsistent entre la législation et la pratique en Turquie et les exigences de la convention, et de continuer de tenir informés de manière détaillée le Bureau international du Travail et la commission d'experts de toute nouvelle évolution.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1991, Publication : 78ème session CIT (1991)

Un représentant gouvernemental s'est référé aux différents points soulevés par la commission d'experts concernant l'application de la convention. En ce qui concerne les exigences relatives aux effectifs des syndicats imposées par l'article 12 de la loi no 2822 pour pouvoir négocier une convention collective (10 pour cent des travailleurs d'une branche et plus de la moitié des salariés d'un établissement), il a déclaré que ces restrictions sont le reflet d'un consensus national et que les critères sont fixés d'avance, éliminant ainsi tout élément d'ambiguïté; l'usage de ces critères renforce les droits de négociation collective des travailleurs étant donné qu'ils permettent la constitution de syndicats plus puissants. D'autres travailleurs bénéficient par l'extension des conventions collectives des avantages et conditions négociés dans le cadre d'une convention collective d'une même branche d'activité. Toutefois, le gouvernement a soumis le 1er juin 1991 un projet de loi au Parlement visant à l'abrogation de l'exigence de l'effectif de 10 pour cent des travailleurs d'une branche. Des informations au sujet de ce projet seront communiquées au BIT par la suite.

En ce qui concerne les dispositions prévoyant l'arbitrage obligatoire dans certaines situations, l'orateur a indiqué que le recours à l'arbitrage obligatoire dans des cas où la grève est ajournée constitue une procédure appliquée exceptionnellement pour trouver une solution, mais ne fait pas partie du processus de négociation collective. Il a indiqué que durant 1990, il y a eu un recours large et effectif à la négociation collective et il a fourni des informations statistiques à cet égard.

En ce qui concerne la situation des fonctionnaires publics, le représentant gouvernemental a déclaré que la législation nationale classe les fonctionnaires en trois catégories: les fonctionnaires publics, les agents sous contrat et les travailleurs manuels. La grande majorité des personnes employées dans les entreprises publiques sont des travailleurs et ont droit de constituer librement des syndicats et de négocier librement. Les agents sous contrat dans les entreprises économiques d'Etat ont le droit d'adhérer à un syndicat et de négocier collectivement. La Cour constitutionnelle va se prononcer bientôt sur la détermination du statut de ces agents. Les fonctionnaires publics ont toujours été employés en vertu du statut du personnel de l'Etat, leurs conditions d'emploi étant déterminées par la loi et non pas par contrat. Parmi ces agents, on ne distingue pas selon qu'ils sont ou non, commis à l'administration de l'Etat.

Le représentant gouvernemental a indiqué qu'en mai 1991 une nouvelle réunion tripartite de haut niveau s'est tenue suite aux deux réunions mentionnées dans l'observation de la commission d'experts. Il a été décidé notamment d'instituer une commission pour finaliser différents projets de loi en matière de travail, d'organiser périodiquement des réunions tripartites et un mécanisme visant au développement du dialogue social et à la recherche de solutions pacifiques aux problèmes existants. La convention no 144 sur les consultations tripartites a été soumise au Parlement en vue de sa ratification.

Les membres travailleurs, se référant à la situation des fonctionnaires publics, ont regretté que les travailleurs du service public tel que les médecins, les infirmières, les enseignants, les employés du gouvernement et des municipalités, se voient dénié le droit d'organisation et de négociation collective; ces fonctionnaires se sont efforcés au cours des dernières années de constituer des syndicats indépendants, mais ces syndicats n'ont pas d'existence légale dans le cadre juridique existant. Dans le secteur bancaire public, les employés se sont vus déniés le droit de constituer des syndicats, alors qu'ils constituent plus de la moitié du secteur bancaire turc; quant aux travailleurs du secteur bancaire privé, ils ont le droit de s'organiser en syndicat, mais ils se voient explicitement dénié le droit de grève, en vertu de la loi no 2822, alors que les banques ne sont pas un service essentiel. Se référant à l'arbitrage obligatoire qui a été imposé dans les industries du papier, des textiles, de la porcelaine, du travail des métaux, les membres travailleurs considèrent que l'intervention et l'ingérence du gouvernement ne permet pas aux syndicats de négocier librement comme l'exige la convention. Tout en notant qu'un projet de loi visant à abroger les exigences relatives à l'effectif des syndicats avait été introduit au Parlement de même que le gouvernement a indiqué qu'une commission a été instituée et que des réunions tripartites ont eu lieu, ils ont regretté qu'il n'y ait aucun changement en ce qui concerne les fonctionnaires. Ils ont demandé au gouvernement d'indiquer si les développements auxquels il s'est référé peuvent offrir quelque espoir que le droit d'organisation et de négociation collective seront accordés aux fonctionnaires publics.

Le membre travailleur des Etats-Unis soulignant que les peuples ne peuvent supporter longtemps la répression politique liés à l'hypocrisie politique, a rappelé les graves violations des droits de l'homme notamment de la liberté syndicale et de la négociation collective notées depuis dix ans par la commission. Se référant à la loi "Wagner" de 1935 adoptée aux Etat-Unis, il a souligné que la convention no 98 vise la promotion de la négociation collective dans le but de sauvegarder la paix du travail. Les mesures adoptées par le gouvernement turc vont à l'encontre de la résolution pacifique des conflits du travail. La possibilité d'imposer un délai de 60 jours avant le déclenchement d'une grève, pour motif de "sécurité nationale" même dans des industries telles que la fabrication de porcelaine, les textiles, le papier; l'interdiction du droit de grève dans des secteurs d'activité tels que les banques, les industries pétrolières; l'arbitrage obligatoire en lieu et place de la négociation collective par un conseil d'arbitrage dont la composition est déséquilibrée: toutes ces restrictions au droit de grève sont des restrictions à la négociation collective, car c'est seulement au travers d'un véritable accord et non par l'imposition d'un règlement que des conventions collectives peuvent être conclues. Etant donné la gravité, la durée des violations et le défaut du gouvernement de mesurer l'urgence de la situation, l'orateur a proposé de mentionner ce cas dans un paragraphe spécial du rapport de la présente commission.

Le membre travailleur de l'Allemagne a déclaré que la seule information nouvelle reçue aujourd'hui était que des discussions tripartites s'étaient tenues en mai 1991. La commission d'experts a demandé au gouvernement d'apporter des éclaircissements sur la situation des fonctionnaires, mais le représentant gouvernemental a répété des arguments déjà entendus et que le Comité de la liberté syndicale a rejetés dans le cas no 1521. L'exclusion de la négociation collective des fonctionnaires non commis à l'administration de l'Etat n'est pas compatible avec les exigences de l'ar ticle 6 de la convention ni avec la législation turque. En fait, la Constitution de la Turquie montre une ouverture surprenante au droit international. Toutefois, une circulaire du ministère des Affaires intérieures dispose que le gouvernement ne reconnaît aux enseignants et aux infirmières qui sont des fonctionnaires ni les droits syndicaux, ni le droit de négocier collectivement. La circulaire décrit la législation nationale et indique en outre que les conventions internationales, ratifiées par la Turquie, ne contiennent aucune disposition au terme de laquelle les fonctionnaires auraient le droit de négocier collectivement. Une telle interprétation de la législation nationale et du droit international est inacceptable et contraire à la convention. En outre, l'arbitrage obligatoire dans certains cas n'est pas seulement contraire à la convention no 98, il viole également la convention no 87 que la Turquie n'a pas ratifiée. La législation relative aux circonstances extraordinaires donne au gouverneur régional le droit d'arrêter toute activité syndicale, telle que la grève, et de demander aux autorités publiques de transférer des fonctionnaires dont l'emploi mettrait en danger l'ordre public et la sécurité, une telle demande devant être exécutée immédiatement. Plus de dix provinces dans l'est et le sud-est de la Turquie sont placées sous le régime de l'état d'urgence qui est devenu le régime ordinaire dans ces provinces.

Le membre travailleur de la Finlande s'exprimant également au nom du membre travailleur de la Norvège a déclaré qu'il ressortait du rapport de la commission d'experts que la législation turque classait les fonctionnaires publics en trois catégories: les fonctionnaires publics, les agents sous contrat et les travailleurs manuels. Seuls les derniers ont le droit d'organisation et de négociation collective. Le gouvernement turc a ratifié la convention no98 ainsi que la convention européenne sur les droits fondamentaux de l'homme qui traite de la liberté syndicale. Aux termes de la Constitution turque, les traités ratifiés par la Turquie peuvent être appliqués d'office et font partie intégrante de la législation du pays. Aucune loi en Turquie ne dispose spécifiquement que les fonctionnaires, non commis à l'administration de l'Etat, n'ont pas le droit d'organisation. La Confédération des syndicats turcs (TURK-IS) est donc fondée juridiquement à déposer plainte contre le gouvernement de la Turquie auprès de la Commission européenne des droits de l'homme. La DISK, pour sa part, a préparé une plainte contre le gouvernement de la Turquie en ce qui concerne sa reconnaissance légale et la confiscation par l'Etat de ses biens qui s'élèvent à 500 millions de dollars.

Le membre travailleur des Pays-Bas a déclaré que le rapport de la commission d'experts montrait clairement que plusieurs dispositions de la législation turque devaient être modifiées. Lors d'une réunion précédente de la Commission de la Conférence, le représentant gouvernemental avait fait une remarque impliquant que la Constitution turque pourrait être contraire à la convention. La Constitution n'a certainement pas été amendée et le représentant gouvernemental pourrait peut-être indiquer si après avoir réexaminé certaines questions, la Constitution turque a été considérée conforme à la convention. Se référant à l'opinion de la Confédération turque des associations d'employeurs (TISK) selon laquelle aucune modification législative n'était nécessaire, les membres travailleurs ont indiqué à nouveau que les changements étaient nécessaires, et la commission d'experts et le Conseil d'administration partage ce point de vue. Il serait intéressant de connaître l'opinion des membres employeurs sur la position de la TISK. Les membres travailleurs ont réclamé à nouveau un paragraphe spécial. Les années précédentes, cette requête avait été rejetée par les membres employeurs pour diverses raisons. Compte tenu du fait que le rapport de la commission d'experts montre clairement l'absence de tout changement, on se demande sur quelles bases les membres employeurs pourraient maintenant rejeter une telle demande.

Les membres employeurs se sont déclarés étonnés des remarques faites par le membre travailleur des Pays-Bas, étant donné que jusqu'à présent personne n'a encore proposé de paragraphe spécial et que les membres employeurs n'ont pas encore fait de déclarations à propos de ce cas. Ils ont déclaré que leurs commentaires se fondent uniquement sur le rapport de la commission d'experts qui ne vise que l'application de l'article 4 de la convention. Le premier point soulevé dans ce rapport est celui du critère numérique imposé aux syndicats pour qu'ils soient autorisés à négocier une convention collective, à savoir qu'un syndicat doit représenter dix pour cent au moins des travailleurs de la branche et plus de la moitié des travailleurs d'un établissement. Or, selon la commission d'experts, l'on peut admettre que les syndicats les plus représentatifs aient des droits de négociation préférentiels ou exclusifs. En d'autres termes, les syndicats moins importants sont exclus et on aboutit au même résultat qu'en fixant un pourcentage précis. Les deux conceptions peuvent se justifier mais il n'y a aucune raison pour que l'une ou l'autre soit considérée comme contraignante en vertu de la convention no 98. En tout état de cause, le représentant gouvernemental a déclaré qu'un projet de loi visait à supprimer ce critère numérique, ce qui est une bonne chose. Le deuxième point a trait à l'arbitrage obligatoire dans certaines circonstances. Selon le représentant gouvernemental ce mécanisme ne s'applique que dans des situations extrêmes et n'a jamais été utilisé en pratique; si telle est la réalité cela prouve que le gouvernement n'y recourt pas systématiquement pour s'ingérer dans les négociations collectives. Le nombre impressionnant de grèves tendrait par ailleurs à conforter cette thèse. S'agissant du troisième point, relatif au classement des fonctionnaires en trois catégories dont une seule, à savoir celle des travailleurs manuels, a le droit d'organisation et de négociation collective, il semblerait que la situation puisse être améliorée. C'est peut-être un thème pour les discussions tripartites qui ont été entamées dans le pays. C'est en tout cas la bonne façon de préparer la voie aux modifications législatives nécessaires. Quoi qu'il en soit, par rapport à la situation antérieure, des progrès substantiels ont été réalisés en ce qui concerne l'application de la convention.

Le membre travailleur de la Grèce a déclaré que si l'on pouvait constater certains progrès par rapport à la situation antérieure, beaucoup restait à faire pour qu'une vraie liberté syndicale soit instaurée en Turquie. Ainsi, s'il faut se féliciter que le gouvernement ait abrogé la loi interdisant l'organisation syndicale DISK, encore faudrait-il qu'il lui restitue ses biens.

Le membre travailleur de la Turquie a déclaré que la convention no 98 faisait l'objet de violations graves et répétées dans son pays. La grève est catégoriquement interdite dans certaines branches. Dans ces mêmes branches, le système d'arbitrage obligatoire empêche toute négociation collective libre. Dans les secteurs où la grève est théoriquement impossible, le gouvernement peut la faire différer pendant soixante jours, ce qui équivaut en fait à décourager d'éventuels grévistes pour des raisons sociopsychologiques évidentes. Lorsqu'une grève est effectivement déclenchée, les forces de l'ordre interviennent même quand elle se déroule de manière pacifique. Par ailleurs, la composition du Conseil suprême d'arbitrage est très déséquilibrée, sur huit membres il n'y a que deux représentants des travailleurs. Enfin, le classement de fonctionnaires en trois catégories distinctes est incompréhensible et arbitraire. Le fait de priver sans justification réelle certains travailleurs de leur droit d'organisation est une discrimination flagrante et une pratique inéquitable en violation totale de l'article 6 de la convention. La commission d'experts doit être félicitée pour avoir, par son observation, donné à des millions de fonctionnaires en Turquie l'espoir d'exercer leur droit d'organisation et de négociation collective. Les grèves, dont a fait état le représentant gouvernemental, ne prouvent pas l'existence d'un clinat libéral en Turquie mais reflètent plutôt une détérioration de la situation en raison d'une législation répressive en matière de négociation collective. Cette législation répressive, qui entrave la liberté syndicale et viole les conventions de l'OIT, doit être abrogée. Les atermoiements du gouvernement ont assez duré et il est temps que la présente commission lui enjoigne fermement de respecter ses obligations internationales afin que la Turquie devienne une nation libre et démocratique.

Le représentant gouvernemental a déclaré que sa réponse se limiterait aux questions qui avaient un lien direct avec les points soulevés par la commission d'experts au sujet de la convention no98. S'agissant de la question du critère numérique relatif à la représentativité des syndicats, le gouvernement a, le 1er juin 1991, déposé un projet de loi devant le Parlement en vue de supprimer l'exigence pour un syndicat de représenter dix pour cent des travailleurs d'une branche afin de pouvoir négocier une convention collective. En ce qui concerne l'arbitrage obligatoire, ce mécanisme n'est appliqué que dans des situations exceptionnelles, c'est-à-dire lorsqu'une grève mettrait en danger la santé de la population ou la sécurité nationale. L'ajournement de la grève dans de telles circonstances peut faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat. A tout moment, les parties peuvent recourir à l'arbitrage volontaire. Le mécanisme de l'arbitrage obligatoire ne vise donc pas à s'ingérer dans le processus de négociation collective mais à apporter une solution à un conflit. Jusqu'en août 1990, l'arbitrage obligatoire n'a été appliqué qu'une seule fois et depuis cette date il a été utilisé huit fois. La raison de cette soudaine augmentation du recours à l'arbitrage est imputable à la guerre du Golfe car, dans de telles circonstances et compte tenu de la situation géographique de la Turquie, certaines grèves auraient pu mettre en péril la sécurité nationale. Pour ce qui est de la composition du Conseil suprême d'arbitrage, les travailleurs et les employeurs y sont représentés sur un pied d'égalité. Cet organisme tripartite, présidé par le premier juge de la Cour suprême, comprend deux représentants des travailleurs, deux représentants des employeurs, un professeur nommé par le Conseil supérieur de l'éducation, un représentant du gouvernement et un expert en droit du travail. En ce qui concerne les grèves, dont il faut déplorer le nombre excessif, elles prouvent néanmoins que la négociation collective existe car elles font partie inhérente de ce processus. Quant à la question de la négociation collective dans la fonction publique, la législation turque reprend textuellement les termes de la convention no 98 de sa version française.

Les membres travailleurs se sont félicités de l'annonce d'un projet de loi qui a été déposé afin de supprimer l'exigence relative à l'effectif des syndicats. Cela étant, deux points importants continuent de susciter une inquiétude particulière: l'arbitrage obligatoire et le droit d'organisation et de négociation collective dans la fonction publique. Le représentant gouvernemental a évoqué des négociations tripartites mais il n'a pas donné de réponse claire aux observations de la commission d'experts sur ces points. Les problèmes relevés par la commission d'experts ne datent pas d'aujourd'hui, ils ont fait l'objet de discussions approfondies à la présente commission en 1988 et 1989. Aucun progrès n'ayant pu être constaté concernant les deux points susmentionnés, les conclusions de la commission devraient faire l'objet d'un paragraphe spécial afin d'inciter le gouvernement à prendre les mesures requises.

Les membres employeurs ont indiqué qu'ils n'étaient pas en mesure de donner leur appui à la demande d'un paragraphe spécial.

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de celles communiquées par le gouvernement à la commission d'experts. Elle a noté en particulier que trois réunions tripartites avaient été tenues en mars et juillet 1990 ainsi qu'en mai 1991 afin d'examiner les modifications à apporter éventuellement à la législation pour la mettre en conformité avec la convention et que deux commissions avaient été créées à cet effet. Elle a également noté qu'un projet de loi avait été déposé récemment devant le Parlement en ce qui concerne le critère numérique imposé aux syndicats pour pouvoir négocier collectivement. La commission a rappelé avec préoccupation que les problèmes soulevés quant à l'application de cette convention l'ont été depuis bientôt dix ans et elle a à nouveau exprimé le très ferme espoir que les consultations tripartites se poursuivraient et que les progrès attendus depuis si longtemps pouraient être notés dans un très proche avenir. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations aussi précises que possible sur les mesures prises pour lever les entraves à la négociation volontaire des conventions collectives et reconnaître aux fonctionnaires non commis à l'administration de l'Etat le droit de négocier collectivement leurs conditions d'emploi.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1989, Publication : 76ème session CIT (1989)

Un représentant du gouvernement a déclaré que la Turquie venait de traverser une période de profonde mutation politique, sociale et économique. Les progrès réalisés dans le domaine des relations professionnelles entrent pour une bonne part dans cette mutation. En juin 1986, puis en 1988, des améliorations notables ont été apportées à la législation du travail. Pendant les années 1988-89, le gouvernement a également poursuivi ses efforts dans la même direction en ce qui concerne la législation nationale et les accords internationaux, comme en témoigne la récente soumission au parlement des amendements apportés à la Constitution de l'OIT en 1986. L-orateur s'est félicité que la commission d'experts ait relevé avec intérêt, à la page 317 de son rapport, les améliorations introduites par les lois nos 3449 et 3451 de juin 1988. Il faut persévérer dans cette voie par le dialogue et le consensus tripartite.

A propos de la convention no 98, la commission a évoqué. dans sa recommandation, trois points que soulève la loi no 2822 de 1983 sur la négociation collective, la grève et le lock-out. Le premier point a trait à la condition que doivent satisfaire les syndicats pour être admis à négocier une convention collective, à savoir que 10 pour cent au moins de leurs membres soient occupés dans la branche d'activité et plus de 50 pour cent dans l'entreprise ou l'établissement. Cette exigence a été dûment étudiée par le gouvernement qui a entamé des consultations avec les organisations syndicales et patronales. L'orateur a rappelé que les positions des employeurs et des travailleurs sur cette question demeuraient inchangées. En l'absence d'une demande formelle présentée par les partenaires sociaux de modifier ce critère numérique. le gouvernement ne se trouve pas en mesure d'entamer aucune procédure législative à l'heure actuelle. Il poursuivra néanmoins l'examen de cette question en respectant les principes du tripartisme. L'orateur a ajouté qu'en vertu de la présente législation les syndicats minoritaires ont toute latitude d'agir librement et jouissent de certains droits comme celui de faire des représentations au nom de leurs membres et de les représenter dans les litiges individuels. En outre, pendant la seule année 1988, 2 454 conventions collectives ont été conclues, couvrant 629 000 travailleurs, soit environ un tiers des salariés syndiqués.

Concernant le second point évoqué par la commission d'experts, à savoir l'intervention de la Cour suprême d'arbitrage dans le règlement de certains conflits, le représentant gouvernemental a déclaré que le gouvernement, ainsi que l'avait demandé la commission dans son rapport, avait veillé à ce que cette procédure ne soit appliquée en fait que dans les cas où l'arrêt du travail causé par une grève risquait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de l'ensemble ou d'une partie de la population. Le gouvernement et le pouvoir judiciaire ont été extrêmement soucieux de n'y avoir recours que dans les limites prévues par le législateur.

En effet, depuis l'entrée en vigueur de la loi en 1983, le gouvernement ne s'en est prévalu qu'une fois, le 22 mars 1989, lorsqu'il a décidé de suspendre la décision de grève des travailleurs de l'industrie du fer et de l'acier. La décision du gouvernement a été ensuite portée par le syndicat devant la cour d'appel administrative et, avant que le tribunal ait pu se prononcer sur ce cas, le gouvernement avait décidé de lever son interdiction. La grève a en effet duré encore quarante-cinq jours et mobilisé 23000 travailleurs. Cette procédure est régie par une réglementation constitutionnelle qui en limite l'application à des situations tout à fait exceptionnelles. En outre, la loi garantit une procédure d'abrogation pour toute décision similaire du gouvernement qui exclut toute possibilité d'action arbitraire. Par ailleurs, la loi no 3451 de juin 1988 a apporté des améliorations à la composition de la Cour suprême d'arbitrage de manière à assurer une répartition tripartite mieux équilibrée. L'orateur a ensuite fait observer que le nombre élevé de grèves (156 en 1988) et de grévistes (30000 en 1988) montrait qu'en Turquie l'exercice du droit de grève était bien une réalité; le nombre des journées de travail perdues par fait de grève a battu tous les records, en 1987 et 1988, avec environ 1900 000 journées perdues par année.

Le troisième point concerne les agents de la fonction publique et leurs droits de négocier collectivement. L'orateur a rappelé à la commission que le gouvernement turc n'avait pas encore ratifié la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978. De plus, l'article 6 de la convention no 98 dispose que "la présente convention ne traite pas de la situation des fonctionnaires publics et ne pourra, en aucune manière, être interprétée comme portant préjudice à leurs droits ou à leur statut". Les fonctionnaires qui, aux termes de l'article 6, n'entrent pas dans le champ d'application de la convention no 98 sont définis par la loi no 657 sur le statut du personnel de la fonction publique. Ainsi donc, la commission d'experts, dans son rapport, fait manifestement allusion à une autre catégorie d'agents du service public dont les conditions d'emploi sont régies en fait par le décret no 233. Un changement s'est produit récemment dans ce domaine: l'article 3 et d'autres dispositions du décret no 308 du 18 janvier 1988, qui interdisait au personnel employé par des entreprises du service public de conclure des conventions collectives et d'en bénéficier, ont été déclarés "contraires à la Constitution" par le Tribunal constitutionnel. Ces salariés devraient donc très bientôt jouir de nouveau du droit de négocier collectivement.

En conclusion, l'orateur a déclaré que son gouvernement avait pris acte des observations de la commission d'experts et qu'il ne manquerait pas de soumettre à la commission des informations plus détaillées à une date ultérieure.

Le membre travailleur de la Turquie a déclaré qu'une fois de plus la commission n'était pas en mesure de prendre acte d'un quelconque progrès dans l'évolution de ce cas. Le gouvernement s'est borné à répéter les arguments que la commission a systématiquement rejetés tout comme la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale. On ne saurait mettre cette situation au compte de l'absence de dialogue puisque, depuis plusieurs années, ou plus précisément depuis 1983, les employeurs et les travailleurs poursuivent un dialogue constructif. On ne peut pas non plus invoquer le défaut d'assistance de la part de l'OIT puisque celle-ci a été fournie sous la forme de trois missions de contacts directs, deux missions d'assistance technique, dix-huit rapports du Comité de la liberté syndicale, des heures de discussion, des pages de commentaires, pour ne pas citer les conclusions de la commission auxquelles le gouvernement a, semble-t-il, toujours souscrit. Comment expliquer alors que la commission ne puisse observer de progrès?

Pour répondre à cette question, il faut examiner la situation dans une perspective plus large, en tenant compte du principal argument du gouvernement, à savoir que "la Turquie est entrée dans une phase de mutation rapide qui se répercute dans tous les secteurs de la vie et dans toutes les couches de la société... améliorer la législation du travail a toujours été un objectif prioritaire et, à ce stade du processus, un des principaux éléments dynamiques de la vie du travail en Turquie". L'orateur constate que la législation du travail dont il est fait mention n'a jamais participé à ce processus évolutif du monde du travail et n'y participera jamais. Elle fait partie d'un système imposé aux travailleurs turcs et aux habitants du pays dans une période hors du commun, alors que la Turquie était sous le coup de la loi martiale et que pour ainsi dire toute activité syndicale était proscrite. Ce système avait pour objectif de juguler les droits et les libertés des syndicats et comme l'indique le représentant du Directeur général dans le rapport qu'il a présenté à la suite de sa cinquième et dernière mission en Turquie:"... Les lois nos 2821 et 2822 (relatives aux syndicats, aux négociations collectives, aux grèves et aux lock-out) forment un corset étroit de dispositions législatives qui soumettent les syndicats au contrôle des pouvoirs publics, lesquels s'immiscent dans toutes les activités que les syndicats devraient pouvoir conduire librement, sans ingérence aucune de la part de l'Etat..."

Lorsque le représentant gouvernemental fait valoir que des modifications ont été apportées à la législation du travail, encore faut-il indiquer que ces modifications ne visent pas à remédier aux lacunes observées dans l'application des principes de l'OIT, à savoir le refus du droit d'association aux agents de la fonction publique, l'ingérence de l'Etat dans la gestion et les activités des syndicats, la limitation excessive du droit de grève et autres problèmes liés à la négociation collective. On constate qu'à ce jour les enseignants occupés dans des établissements privés et publics, à l'instar de quelque 2 millions d'agents du service public, sont toujours privés du droit d'association.

En résumé, un an de plus a passé et rien n'a changé: le gouvernement a fait des promesses qu'il n'a pas tenues. Il n'y a pas eu de consultations, sous quelque forme que ce soit, et les violations continuent. Il est peut-être temps que la commission constate, qu'une telle attitude n'est plus acceptable.

Le membre travailleur de la République fédérale d'Allemagne a déclaré que la commission d'experts, dans son rapport, établissait clairement que la négociation collective soulevait encore de sérieuses difficultés en Turquie. Les travailleurs n'ont toujours pas le droit de négocier leurs conditions de travail. Le droit de grève est soumis à de nombreuses limitations qui s'étendent bien au-delà des services publics essentiels. Dans nombre de secteurs, les travailleurs se heurtent à de très grandes difficultés et son soumis, en cas de conflit, à une procédure d'arbitrage qui n'est pas appropriée puisqu'ils peuvent constamment être mis en minorité en raison de la composition de la Cour suprême d'arbitrage. De manière générale, la libre négociation collective est proscrite en Turquie, les grèves peuvent être suspendues et les travailleurs se voient contraints de renoncer à leur droit de grève sous la menace d'être soumis à de lourdes peines et d'être emprisonnés pour une durée qui peut aller jusqu'à huit mois dans certains cas. C'est là une situation grave qu'il faut étudier et à laquelle il faut mettre un terme.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré qu'il aurait presque pu reprendre mot pour mot sa déclaration de l'année dernière car la situation n'a pour ainsi dire pas changé. Il a rappelé avec insistance que le droit de grève était considéré comme un droit fondamental par le mouvement ouvrier, puisque c'est la seule ressource qui reste aux travailleurs lorsque, dans un conflit, toutes les autres possibilités de se faire entendre sont épuisées. Nul n'oserait prétendre que le droit de grève existe réellement dans la Turquie d'aujourd'hui; en outre, nombreux sont les travailleurs qui sont quasiment privés de ce droit ou, lorsqu'il leur est reconnu, toute une série de lois leur interdisent des actions considérées comme parfaitement légitimes dans d'autres pays et en d'autres circonstances, comme le droit de collecter des fonds pour aider les grévistes et celui d'établir des piquets autour d'une entreprise en grève.

Concernant le droit d'affiliation des agents de la fonction publique, le gouvernement a fait valoir qu'il n'avait aucune obligation vis-à-vis des fonctionnaires puisqu'il n'avait pas ratifié la convention no 151; à ce propos, l'orateur tient à rappeler que la convention no 151 n'a pas préséance sur les conventions nos 87 et 98 pour les pays qui l'ont signée et, dans le cas d'un pays qui n'est pas partie à la convention no 151, cela n'affecte en rien l'obligation de reconnaître aux agents du service public le droit de s'organiser. Un pays qui refuse ce droit à ses fonctionnaires ne peut prétendre respecter ses obligations aux termes des conventions. Les membres travailleurs espéraient que le gouvernement serait en mesure . de faire état de changements significatifs dans la situation, mais ils doivent malheureusement constater qu'elle n'a pas progressé d'un pouce.

Le membre travailleur des Pays-Bas a déclaré qu'il s'agissait d'un cas très grave qui avait fait l'objet d'examens répétés au cours desquels le gouvernement avait fait de nombreuses promesses auxquelles il n'a jamais donné suite de manière satisfaisante. La commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale ont eu tous deux l'occasion de se prononcer sur ce cas, et les commentaires du comité étaient aussi sévères que le jugement de la commission. Etant donné que les employeurs prennent part à toutes les activités de contrôle du Comité de la liberté syndicale, ils devraient adhérer pleinement à ses observations. C'est un cas qui a de multiples prolongations et qui soulève le problème des violations des droits syndicaux, mais aussi des droits de l'homme: deux syndicats ont été dissous et leurs dirigeants emprisonnés avec, pour la plupart, de très lourdes peines. Il est donc difficile d'imaginer que les employeurs n'acceptent pas de réserver à la Turquie un paragraphe spécial du rapport de la commission afin d'appeler l'attention sur la gravité de ce cas, qui a été discuté année après année sans résultat significatif.

Les membres travailleurs, après avoir exprimé leur plein soutien aux précédents orateurs travailleurs, ont souligné certains points qui, de leur avis, montrent la gravité de la situation... 1) l'engagement pris en 1986 par le gouvernement de restaurer la liberté syndicale et la négociation collective n'a pas été suivi d'effet et les problèmes fondamentaux subsistent, les améliorations n'ayant porté que sur des questions mineures; c'est la conclusion à laquelle ont abouti la commission d'experts et le Comité de la liberté syndicale: la législation et la pratique sont donc inacceptables et doivent être modifiées; 2) l'ingérence dans les affaires syndicales, et notamment dans la négociation collective, ne peut être tolérée: en dépit des injonctions répétées des membres travailleurs, le gouvernement n'a pas ratifié la convention no 87, ce qui est regrettable étant donné que le droit de négociation collective est fonction du droit d'association; 3) malgré l'assistance technique dont a bénéficié ce pays et les missions qui y ont été organisées, les trois problèmes signalés par la commission d'experts n'ont toujours pas été résolus: concernant les conditions numériques ouvrant droit à la négociation, le gouvernement s'obstine à déclarer qu'il n'entreprendra rien tant que les partenaires sociaux ne seront tombés d'accord, ce qui n'a pas de sens; pour ce qui est de la procédure du règlement des conflits, quelques progrès ont été réalisés mais elle continue à être soumise à des restrictions importantes; quant aux fonctionnaires enfin, ils ne peuvent ni s'organiser ni négocier bien qu'ils soient extrêmement nombreux. Tout cela montre qu'il n'y a pas eu de progrès satisfaisant.

Le membre travailleur des Etats-Unis a insisté sur l'extrême gravité de ce cas, un cas si préoccupant que la commission d'experts l'a porté à l'attention de la commission en se référant à certaines conclusions du Comité de la liberté syndicale, au paragraphe 25 du rapport général. En outre, les travailleurs de la délégation tripartite des Etats-Unis ont, lors d'une séance préparatoire de la Conférence, exprimé leur préoccupation sur ce cas à la lumière des observations de la commission d'experts. L'orateur tient aussi à souligner qu'il s'associe tout particulièrement aux déclarations des membres travailleurs qui l'ont précédé.

Les membres employeurs ont signalé qu'au cours de la présente discussion des faits nouveaux ont été portés au jour qui n'avaient pas été mentionnés par la commission d'experts, et c'est pourquoi ils ne souhaitaient pas s'y arrêter. Lors de ces deux dernières années, la commission a signalé deux points: premièrement, la Turquie a ratifié la convention no 98 sans être partie à la convention no 87; ainsi donc, lorsque la commission d'experts évoque les conclusions du Comité de la liberté syndicale, elle ne se réfère qu'à celles qui concernent la convention no 98. Bien que des liens unissent ces deux conventions, on ne devrait pas discuter au sein de la présente commission de problèmes qui relèvent exclusivement de la convention no 87. Deuxièmement, la discussion de cette année comme celle de l'année dernière a laissé apparaître que certains nouveaux textes législatifs contribuaient, de l'avis de certains orateurs, à aggraver la situation. A cet égard, ils ont indiqué que la commission d'experts s'était penchée cette année avec intérêt sur certains instruments légaux qui montrent une certaine amélioration.

La commission d'experts critique, d'une part, les conditions numériques imposées aux organisations syndicales pour être autorisées à négocier et, d'autre part, l'obligation faite dans certains cas de se soumettre à l'arbitrage. Le gouvernement a expliqué à la commission d'experts les raisons pour lesquelles il ne lui semblait pas indiqué de modifier la législation mais la commission d'experts, sourde à ses arguments, lui indique directement dans ses observations la voie qu'il devrait suivre. Ils ont attiré l'attention sur cette façon de faire de la commission d'experts à laquelle il leur semble impossible de s'habituer. Ils ont souligné que, à leur avis, la législation nationale devrait prévoir une réduction des critères numériques, tels qu'ils sont prescrits actuellement. La commission d'experts aurait pu répondre aux arguments du gouvernement et lui fournir des explications complémentaires afin de lui montrer, par exemple, que les conditions prévues sont excessives, qu'elles risquent d'empêcher la création de nouveaux syndicats ou d'être utilisées par les syndicats puissants non seulement pour concurrencer les syndicats plus faibles, mais pour les éliminer. Concernant l'arbitrage obligatoire, la commission d'experts estime qu'il n'est justifié que lorsqu'il permet de prévenir des grèves qui mettraient en danger la vie, la sécurité ou la santé de la population. La commission d'experts n'a pas rappelé dans le présent cas le principe qu'elle avait souligné dans le cas des Pays-Bas selon lequel des limitations peuvent être imposées à la négociation collective pour des raisons impérieuses d'intérêt économique national. Le gouvernement dit que l'arbitrage obligatoire ne s'applique qu'à des circonstances exceptionnelles (santé publique ou sécurité de la population). On observe donc une certaine convergence de vues entre le gouvernement et la commission d'experts. Les membres employeurs contestent la formule régulièrement utilisée par la commission d'experts pour définir les cas dans lesquels il est justifié de limiter le droit de grève au regard de la convention no 87. La commission d'experts recourt elle aussi à la même formule, dans ses observations sur l'état d'application de la convention no 98 en Turquie, en ce qui concerne l'arbitrage obligatoire. Les membres employeurs ne sont pas d'accord avec les critères invoqués par la commission d'experts, car ils estiment qu'il n'est ni réaliste ni acceptable de s'en tenir aux limites imposées par le danger de porter atteinte à la vie de la population, l'Etat devant être en mesure d'intervenir avant que l'on arrive à une telle situation. Quoi qu'il en soit, ils ont ajouté que, par le dialogue, on pouvait arriver à prévenir une ingérence excessive de la part de l'Etat dans la libre négociation, sans pour autant la limiter uniquement aux situations où il y a menace pour la population. Le nombre gigantesque de journées perdues en raison de grève invoqué par le représentant gouvernemental montre que les grèves existent et que l'arbitrage obligatoire a été moins utilisé que le laissent entendre certains orateurs.

Pour ce qui est du droit d'association et de négociation collective des fonctionnaires, la commission d'experts a demandé au gouvernement de lui soumettre pour examen les instruments et les informations pertinents.

Ils constatent, en conclusion, que les problèmes que soulève l'application de la convention no 98 n'ont pas encore trouvé de solution. Il faut que la situation continue à évoluer au regard des problèmes mentionnés par la commission d'experts et cette nécessité doit se refléter dans les conclusions de la présente commission, laquelle devra poursuivre la discussion de ce cas

Au sujet des propos tenus par les membres employeurs sur le cas des Pays-Bas, les membres travailleurs ont souligné que la commission d'experts et que la mission de contacts directs avaient abordé ce cas au regard de la convention no 87, ratifiée par les Pays-Bas, alors que ce cas aurait dû normalement être traité par référence à la convention no 87. On se trouve ici devant la situation inverse; ce cas relève de la convention no 98 et ne peut néanmoins être totalement dissocié de la convention no 87. Dans la pratique, les activités syndicales sont l'objet de discriminations; des fonctionnaires ont été punis, des syndicats dissous, et certains dirigeants syndicaux se sont vu retirer la possibilité d'assumer leurs devoirs syndicaux. Dans la situation politique actuelle, on aurait pu s'attendre à des changements et des améliorations spectaculaires mais, malheureusement, aucun progrès n'a pu encore être observé. La commission devrait insister auprès du gouvernement pour qu'il adopte des mesures permettant d'améliorer la situation de manière à mettre la pratique en harmonie avec les diverses conventions qu'il a ratifiées et même avec celles qu'il n'a pas ratifiées.

Le membre travailleur des Pays-Bas a ajouté que le problème soulevé par le cas néerlandais était, en résumé, celui de l'ingérence dans la négociation collective. Les travailleurs auraient souhaité invoquer la convention no 98 mais cela n'a pas été possible puisque les Pays-Bas ne l'ont pas ratifiée. C'est la raison pour laquelle la convention no 87 a été citée. Se référant aux déclarations des employeurs sur l'ingérence de l'Etat dans la négociation collective en ce qui concerne le cas des Pays-Bas, il a souligné que la commission d'experts avait défini les critères à respecter pour permettre ce que la commission d'experts avait désigné sous l'expression d'"ingérence légitime". Comme l'ont montré très clairement les observations de la commission et le rapport no 265 du Comité de la liberté syndicale, lorsqu'on respecte ces critères il n'y a pas d'ingérence illégitime dans la négociation collective. Cependant, la mesure dans laquelle ces critères sont respectés doit être dûment évaluée.

Le membre travailleur de la Grèce s'est déclaré en complet désaccord avec l'argument invoqué par les employeurs selon lequel les syndicats puissants nuisent aux plus faibles d'où ils infèrent que l'on pourrait interdire les "petits syndicats". La concurrence entre syndicats n'est certainement pas incompatible avec un système pluraliste, c'est le principe même de la démocratie, mais cette concurrence devrait s'exercer par le dialogue et l'action de soutien aux travailleurs, ce qui ne justifie en aucune manière une ingérence de la part des pouvoirs publics ou des employeurs. L'orateur a demandé en particulier au représentant gouvernemental d expliquer pourquoi la DISK, importante centrale syndicale turque, était toujours interdite et pourquoi ses représentants n'assistaient pas à la Conférence.

Le représentant gouvernemental a déclaré qu'il ne fallait pas discuter de ces cas dans l'abstrait. Cela dit, et concernant la question du critère numérique, il observe que les organisations de travailleurs et d'employeurs les plus représentatives n'ont introduit aucune demande de révision de la situation légale actuelle; ce ne sont là que les faits.

Quant à la deuxième question, le gouvernement n'a nullement abusé du recours à la Cour suprême d'arbitrage - de fait il n'y a recouru qu'une seule fois dans le passé récent et a renoncé à poursuivre l'affaire peu après. En outre, il existe des sauvegardes judiciaires tout à fait réelles, qui garantissent la légalité du recours à ce mécanisme par le gouvernement. Qui plus est, les critères invoqués par la commission d'experts sur ce point se fondent sur la convention no 87, qui ne saurait lier le gouvernement puisqu'il ne l'a pas ratifiée. Au sujet de la troisième question, le gouvernement se fera un devoir de compiler toutes les informations dont il dispose et de les transmettre aux organes de contrôle de l'OIT en temps utile.

Le représentant gouvernemental a rappelé ses observations préliminaires sur la convention no 151 qui traite tout spécialement de la fonction publique et ne lie pas le gouvernement turc puisqu'il ne l'a pas ratifiée. Quant à la convention no 98, elle ne s'applique pas aux fonctionnaires; l'orateur a réitéré ses commentaires antérieurs sur les droits syndicaux des fonctionnaires.

Concernant les autres observations selon lesquelles aucune mesure n'aurait été prise en Turquie pour mettre la politique en harmonie avec les principes de l'OIT, l'orateur a informé la commission que son gouvernement venait de saisir le parlement en vue de ratifier quatre nouvelles conventions (nos 59, 123, 142 et 144) et qu'il a signé la Charte sociale européenne. Les amendements à la Constitution de l'OIT ont également été soumis au parlement qui devrait les ratifier sous peu. En ce qui concerne la situation du DISK, des jugements rendus par les tribunaux sont actuellement en appel, ce qui prend du temps, comme dans tous les pays. En l'absence de jugement définitif sur ces questions, le gouvernement ne peut prendre aucune mesure pour des raisons évidentes.

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental, ainsi que des discussions détaillées qui se sont déroulées en son sein. La commission a noté avec préoccupation les conclusions de la commission d'experts selon lesquelles. même si la législation syndicale a été améliorée à certains égards, les amendements à cette législation n'ont entraîné aucun changement au regard des points soulevés par la commission d'experts. La commission a tenu à rappeler à cet égard les conclusions du Comité de la liberté syndicale. La commission a noté avec regret la position adoptée par le gouvernement et elle a exprimé le ferme espoir, que égard aux graves divergences qui subsistent depuis des années, le gouvernement prendra dans un très proche avenir toutes les mesures nécessaires, suite à de véritables consultations tripartites, pour donner pleine satisfaction aux observations de la commission d'experts et contribuer à une nette amélioration en ce qui concerne le plein respect de la convention dans la loi et dans la pratique. La commission a espéré que les progrès attendus depuis si longtemps pourront être notés dès le prochain rapport du gouvernement pour permettre la poursuite de la discussion au sein des organes de contrôle.

Les membres travailleurs ont déclaré qu'ils souscrivaient entièrement à ces conclusions et proposé qu'elles fassent l'objet d'un paragraphe spécial dans le rapport de la commission, eu égard à leur extrême importance. Les membres employeurs ont rejeté cette proposition.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1988, Publication : 75ème session CIT (1988)

Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

Le gouvernement souhaite indiquer que le parlement a approuvé, en date des 25 et 27 mai 1988, les lois nos 3449 et 3451 - contenant les amendements proposés par le gouvernement et par le législateur aux lois nos 2821 et 2822.

Le gouvernement précise que les travaux concernant ces amendements, élaborés sur une base tripartite, ont commencé immédiatement après que le gouvernement eut pris ses fonctions à la fin de l'année passée. L'objectif suivi a été d'adapter la législation existante sur les relations professionnelles aux engagements internationaux de la Turquie, sans préjudice de la nécessité de disposer d'une paix sociale saine. De grands efforts ont été déployés pour incorporer dans les amendements les opinions de toutes les parties et les suggestions formulées par la mission du BIT, dans la mesure du possible et dans les limites permises par la Constitution.

Le gouvernement précise qu'ont été pris en considération les failles observées pendant les quelque cinq années de mise en oeuvre des deux lois, les propositions d'amendements présentées par les employeurs et les travailleurs, la conformité avec les principes contenus dans les conventions de l'OIT ratifiées par la Turquie, ainsi que les décisions pertinentes des tribunaux et les avis des universitaires. En vue de protéger la paix sociale, une attention particulière a été portée à la préservation du rôle de contrepoids de l'Etat dans les relations entre travailleurs et employeurs ainsi qu'aux exigences de codification.

Compte tenu de cette approche, les modifications suivantes seront apportées à la loi no 2821 sur les syndicats:

- les conditions requises pour les membres fondateurs seront simplifiées;

- les dirigeants syndicaux pourront assumer des fonctions dans la direction ou les organes de contrôle des entreprises et établissement publics;

- les conditions requises pour être élu dans les organes de direction syndicale ont encore été simplifiées;

- les fonctions des délégués syndicaux sont continues;

- la possibilité d'être réélu aux organes directeurs d'un syndicat a été étendue de 4 à 8 mandats;

- le mandat relatif à la vérification des comptes des syndicats a été limité et clairement défini;

- les conditions requises pour ouvrir de nouvelles sections syndicales seront facilitées;

- les personnes assumant des fonctions religieuses et les étudiants pourront s'affilier aux syndicats;

- en cas de cessation du contrat de travail pour des raisons d'affiliation syndicale, l'employeur devra verser des indemnités au minimum égales à une année de salaire;

- la définition des activités politiques des syndicats sera clarifiée;

- les syndicats seront autorisés à dépenser une partie de leurs ressources à des fins sociales;

- la disposition selon laquelle les avoirs des organisations dissoutes sont transférés au trésor public sera abrogée. Le sort de ces avoirs sera maintenant déterminé par les organisations elles-mêmes. Si cela ne peut être mis en pratique ou si l'organisation est dissoute par décision judiciaire, les avoirs seront transférés à un fonds géré sur une base tripartite, et les fonds seront utilisés pour l'orientation et la formation professionnelles ainsi que pour la réadaptation des travailleurs;

- les comptes des syndicats ne seront contrôlés qu'une fois par période électorale et non chaque année;

- les cotisations des membres seront aussi versées aux syndicats qui ont obtenu le "certificat de compétence";

- les défauts observés et les abus commis dans la détermination des syndicats agréés seront éliminés par l'amendement, en faveur des syndicats, de certains articles;

- les controverses liées à l'acquisition de la qualité de membre seront éliminées en assurant le droit à l'affiliation. En outre, les inconvénients rencontrés par les syndicats dans leur organisation sur les lieux de travail seront complètement éliminés par l'abrogation et l'obligation de remettre une copie des formulaires d'adhésion des travailleurs à l'employeur.

Pour ce qui est de la loi no 2822 concernant la négociation collective, la grève et le lock-out:

- l'accord collectif de travail ne sera pas étendu lorsqu'un syndicat agréé existe, et la mise en oeuvre se conformera au système des accords collectifs de travail;

- le champ des interdictions relatives aux grèves et aux lock-out, dans certaines activités et certains services, a été de nouveau restreint;

- les règles que les employeurs doivent observer en cas de grèves légales ont été clairement définies;

- le nombre de piquets de grève autorisés a été doublé;

- les dispositions sur l'interdiction temporaire des grèves quand l'état d'urgence ou la loi martiale étaient proclamés ont été abrogées;

- l'interdiction de former des groupes autour d'un établissement pendant une grève ou un lock-out légal sera abrogée;

- la possibilité d'avoir accès à un abri pour les piquets de grève sera accordée;

- le montant des amendes dont sont passibles les employeurs qui recrutent des travailleurs pendant une grève légale sera augmenté;

- le parlement a également abrogé les dispositions accordant à la Cour supérieure d'arbitrage le pouvoir de reconduire toute convention collective de travail qui avait expiré avec les modifications qu'elle jugeait nécessaires, dans les cas où le déclenchement d'une grève ou d'un lock-out n'était pas autorisé ou lorsque les règles administratives d'urgence étaient applicables; par exemple, en cas de guerre ou de mobilisation générale ou partielle;

- la composition de la Cour supérieure d'arbitrage sera modifiée pour permettre la présence d'un nombre égal de représentants des travailleurs, des employeurs et du gouvernement, sous la présidence du juge titulaire de la Chambre sociale de la Cour d'appel.

En outre un représentant gouvernemental a indiqué que son gouvernement croyait fermement dans un dialogue constructif avec l'Organisation internationale du Travail, et il a rappelé que la commission d'experts se réfère dans son rapport à l'article 12 de la loi no 2822 sur la négociation collective, les grèves et les lock-out (relatif aux critères numériques exigés des syndicats pour obtenir un certificat de négociation collective), et à l'article 33 de la même loi concernant la possibilité d'imposer l'arbitrage obligatoire sous réserve de certaines conditions. Ces questions sont examinées par la présente commission depuis 1984. Le gouvernement a fourni des informations détaillées à chaque occasion sur l'évolution actuellement en cours en Turquie. Dans le cadre du processus dynamique visant à introduire des changements politiques, économiques et sociaux, introduit au cours des dernières années en Turquie, l'objectif prioritaire a été de porter une attention particulière aux libertés. Bien évidemment, au cours de ce processus, une attention particulière a été portée aux améliorations nécessaires de la législation du travail. Dans ce contexte, des amendements à la législation du travail ont été introduits en juin 1986 et en juin 1988 en tenant compte des opinions des organisations de travailleurs et d'employeurs. Depuis la Conférence internationale du Travail de 1987 le calendrier politique de la Turquie a été très chargé. Un important référendum national a eu lieu en septembre 1987 dont le résultat fut la levée de toutes les restrictions relatives à la participation de certains dirigeants politiques aux élections. Ces élections ont eu lieu immédiatement après le référendum. Les lois nos 3449 et 3455, adoptées respectivement le 25 et le 27 mai 1988, contiennent des amendements à la loi no 2821 sur les syndicats et à la loi no 2822 sur la négociation collective, les grèves et les lock-out. Le représentant gouvernemental a déclaré qu'il revient à la commission d'experts d'étudier attentivement ces amendements et il s'est référé particulièrement à certaines améliorations qu'elles apportent, mentionnées dans sa communication écrite. Le gouvernement estime que les récents amendements et les améliorations consécutives de 1986 correspondent à maints égards à ce qu'avait précédemment demandé la présente commission au sujet de la législation du travail turque. Ces nouveaux amendements apportent également des améliorations qui n'ont pas été demandées par la présente commission. Le gouvernement n'a donc pas ménagé ses efforts pour mettre en oeuvre ses promesses de révision et d'amélioration de la législation du travail. Le gouvernement s'est efforcé en premier lieu d'adapter la législation aux changements nécessaires et à la nouvelle évolution dans son pays. Le point de vue du BIT a été attentivement pris en considération. Se référant aux critères numériques exigés des organisations syndicales pour pouvoir négocier des conventions collectives (l'article 12 de la loi no 2822 mentionné par la commission d'experts), le représentant gouvernemental a déclaré que cette question a été envisagée sérieusement par le gouvernement et qu'il a entrepris des consultations très larges auprès des organisations d'employeurs et de travailleurs à cet égard. La position du gouvernement est à l'effet que toute initiative législative nécessite, comme prérequis, l'obtention d'un consensus social sur ce thème. En l'absence de toute demande écrite de la part des organisations de travailleurs et d'employeurs visant à amender les dispositions relatives aux critères numériques et compte tenu des déclarations orales insistantes de ces mêmes organisations pour le maintien de ces dispositions, le gouvernement n'a aucune raison à l'heure actuelle d'envisager une réforme législative dans ce domaine. Ce qui est important est que le processus de négociation collective se développe actuellement, dans le pays, avec une efficacité sans précédent. Actuellement, depuis l'adoption de la loi en 1983, dans chaque branche d'activité il existe un certain nombre d'organisations de travailleurs qui satisfont à l'exigence légale des 10 pour cent de travailleurs occupés dans la branche et qui peuvent négocier un nombre croissant de conventions collectives. Le nombre de conventions collectives au terme de l'ancienne législation pour la période 1964-1979 est de 1751 par an, alors que la moyenne annuelle pour la période 1984- 1987 est de 2577 conventions collectives par an. Ces chiffres témoignent d'un recours plus fréquent aux mécanismes volontaires de négociation collective conformément à la présente législation. En ce qui concerne les commentaires de la commission-d'experts relatifs à l'intervention de la haute commission d'arbitrage, lors d'un conflit (article 33 de la loi no 2822), le représentant gouvernemental déclare que le champ d'application de cet article est très limité pour les raisons suivantes: il ne s'applique que dans des cas exceptionnels où la santé publique et la sécurité nationale sont en cause; il ne peut être appliqué que si la situation persiste; la haute commission d'arbitrage est composée de représentants du gouvernement et des organisations d'employeurs et de travailleurs en nombres égaux, ce qui garantit ainsi des décisions équilibrées; il s'applique non seulement en cas de grève, mais également de lock-out; aux termes de la loi, il peut être fait appel des décrets du Conseil des ministres devant la Cour administrative d'appel afin de demander la suspension immédiate des procédures. Il faut signaler que cette disposition est également inscrite dans la Constitution. L'article 33 n'a été utilisé par le gouvernement qu'une seule fois; en outre, avant l'intervention de la haute commission d'arbitrage, les parties peuvent conclure un accord. Le représentant gouvernemental signale également que le droit à la grève est actuellement beaucoup plus exercé, ce qui indique qu'il n'existe pas de restrictions graves à cet égard en Turquie. Le représentant gouvernemental a fourni certains chiffres qui montrent que, depuis 1979, le nombre des grèves a eu tendance à s'accroître. En outre, suite aux récent amendements à la loi no 2822, 165000 travailleurs ont obtenu le droit de grève après la levée de l'interdiction visant certaines activités. Enfin, il a souligné que la liberté syndicale, la négociation collective et les grèves sont une réalité en Turquie à un niveau beaucoup plus important qu'auparavant et se comparent à la situation existant dans les Etats Membres de l'OIT. Il a réitéré l'intention et la détermination de son gouvernement de poursuivre ses efforts dans la réalisation de plus grands progrès. Il a signalé que son gouvernement a l'intention de maintenir une coopération fructueuse avec l'OIT afin de réaliser ses objectifs et a espéré profiter des critiques constructives de l'OIT ainsi que de ses encouragements.

Les membres travailleurs ont rappelé que la question de la liberté syndicale et de la liberté de négociation collective en Turquie se pose depuis un bon nombre d'années. La Turquie a souffert de la loi martiale et de nombreux dirigeants syndicaux ont été poursuivis en justice et ont subi des persécutions. Ils ont espéré que la Turquie ratifiera dans un proche avenir la convention no 87, car cette convention est étroitement liée à la convention no 98 dont l'application est actuellement discutée. Ils ont rappelé qu'en 1986 le cas n'a pas été discuté compte tenu des promesses faites par le gouvernement et qu'en 1987 il y a eu une longue discussion très difficile. Il avait alors été conclu que de sérieuses divergences existaient entre la législation et la pratique, d'une part, et la convention, d'autre part, malgré les promesses précédentes du gouvernement faites à plusieurs reprises. Il avait alors été indiqué que si ces promesses n'étaient pas réalisées dans un proche avenir, la commission de la Conférence se verrait obligée de recourir à d'autres mesures. A cet égard, ils ont souligné qu'il existe toujours des plaintes contre le gouvernement de la Turquie déposées devant la Comité de la liberté syndicale et que les nouvelles lois mentionnées dans la communication écrite du gouvernement, bien que paraissant apporter des améliorations, maintiennent en réalité une situation extrêmement lamentable. Avant de poursuivre leur intervention, ils ont invité le membre travailleur de la Turquie à prendre la parole afin de s'exprimer sur cette question.

Le membre travailleur de la Turquie a indiqué que la déclaration du représentant gouvernemental ne reflète absolument pas la situation réelle en Turquie. Aucun des amendements apportés ne répond aux commentaires des organes de contrôle qui se réfèrent à des points fondamentaux de la législation non conformes aux principes de l'OIT. Une fois encore, le gouvernement n'a pas tenu ses promesses de 1986 et de 1987 lorsqu'il s'engageait à prendre les mesures nécessaires pour appliquer la convention et les principes de la liberté syndicale. On a dit que les observations des organisations représentatives des travailleurs et des employeurs avaient été considérées en vue de l'adoption de ces amendements mais ces observations ont, d'une manière générale, été ignorées; quant à celles de la Confédération des syndicats turcs, elles ont été complètement ignorées. Ces amendements n'ont pas apporté de solutions aux principaux problèmes concernant: l'interdiction du droit de s'associer à des catégories importantes de travailleurs (fonctionnaires publics, enseignants, etc); l'ingérence de l'administration dans les activités des syndicats; le droit d'élire librement les représentants; les restrictions excessives au droit de grève et les problèmes relatifs à la négociation collective. La situation, par exemple, concernant les activités politiques des syndicats ou la prétendue élimination de la disposition qui permet de suspendre la grève durant l'état d'urgence décrété en vertu de la loi martiale - que le gouvernement considère comme des améliorations - n'est en aucun cas différente de la situation qui prévalait au cours de la période du gouvernement militaire. En outre, une série de lois et de décrets ont été pris qui aggravent la situation. Par exemple le décret no 308 concernant les entreprises d'Etat qui interdit aux travailleurs de ces entreprises toute négociation collective. De la même manière, un décret gouvernemental prévoit la constitution de trois organisations d'employeurs pour le secteur public (institution publique, entreprises de l'Etat, etc.) et l'affiliation forcée à ces organisations, qui dépendent d'un ministère de l'Etat et qui sont dirigées par un haut fonctionnaire. L'objectif de ces trois organisations ainsi qu'il ressort du programme du gouvernement pour 1988 est d'exercer les fonctions assignées antérieurement au Comité gouvernemental de coordination des conventions collectives dans le secteur public et d'imposer la politique salariale du gouvernement. De même, il existe de sérieuses restrictions au droit de grève. Le représentant gouvernemental a indiqué que la possibilité de différer une grève n'a été utilisée qu'une seule fois. Ceci est uniquement la preuve qu'aucune des grèves qui ont eu lieu mettait en danger la sécurité nationale ou la santé publique. En outre, tout est pratiquement considéré comme un service essentiel, ce qui a pour effet d'interdire le droit de grève à plus de 500000 travailleurs. Les grèves de solidarité sont également interdites comme les grèves du zèle, les grèves générales, et toute infraction fait l'objet de sanctions pénales. Ces restrictions n'existaient pas avant 1980. Enfin, l'orateur a rappelé qu'aucun amélioration n'a été apportée, que seulement des promesses on tété faites et il a demandé au représentant gouvernemental si le gouvernement se considère tenu par les principes de la liberté syndicale inscrits dans la Constitution de l'OIT.

Les membres travailleurs ont considéré donc, d'après les informations fournies par le membre travailleur de la Turquie, qu'il aurait mieux valu que les nouvelles lois n'aient pas été adoptées. La question est maintenant de savoir si l'on a l'intention d'apporter des modifications en profondeur à la législation. Les membres travailleurs se sont référés à une série d'informations récentes de sources syndicales indiquant que les nouvelles lois restreignent gravement la négociation collective et l'action syndicale. Il y a peu de temps, la Confédération européenne des syndicats a adopté une déclaration au même effet. soulignant qu'en Turquie les syndicats ne peuvent librement élaborer leurs statuts ou règlements, ni élire librement leurs représentants, ni appliquer librement leurs programmes et qu'ils peuvent être sujets à dissolution ou suspension par voie administrative. Les activités de la DISK sont en fait interdites et les dirigeants de cette organisation, contre qui des procès sont en cours ou qui ont été condamnés en raison de leurs activités syndicales, ne peuvent reprendre leurs activités syndicales. Dans ces conditions, il faut souligner que les prétendues améliorations touchent en fait un très petit pourcentage des recommandations signalées au cours de l'assistance technique du BIT; que les nouvelles lois compliquent considérablement la situation sur d'autres points; qu'il n'y a pas eu non plus une véritable consultation tripartite, bien que cela ait fait l'objet d'une promesse concrète du gouvernement; que la négociation collective et l'activité syndicale sont freinées par l'ingérence des autorités; et que les organisations de travailleurs se trouvent dans l'impossibilité de se structurer. En conséquence, comme les nouvelles lois n'ont pas rempli les promesses du gouvernement, cela implique que la commission de la Conférence doit recommencer à zéro.

Les membres employeurs ont résumé les questions soulevées dans l'observation de la commission d'experts sur l'application de la convention. La commission d'experts n'a pu encore examiner les nouvelles lois adoptées cette année après qu'aient eu lieu des consultations tripartites. L'année dernière, la commission d'experts a considéré qu'il y avait eu certaines améliorations dans la législation mais qu'il persistait des restrictions à la liberté de négociation collective. Si l'on envisage la situation depuis son début, il faut conclure que certains progrès ont eu lieu. La libre négociation collective ne peut être réalisée que progressivement, surtout dans un pays qui sort d'une longue période d'état d'urgence, et où la situation en matière de libertés syndicales était radicalement différente de celle d'aujourd'hui. Le représentant gouvernemental a fourni des chiffres récents qui montrent certains résultats dans le sens d'un accroissement des conventions collectives. Le représentant gouvernemental a également souligné que la procédure d'arbitrage obligatoire n'a été appliquée qu'une seule fois. Dans ce contexte, il faut se demander si l'arbitrage obligatoire ne devrait pas être aboli, ce que demande la commission d'experts. En ce qui concerne l'accroissement du nombre des grèves, il ne s'agit pas pour les employeurs d'un signe de progrès. Le représentant gouvernemental et le membre travailleur de la Turquie ont fait des déclarations totalement différentes concernant la mise en oeuvre des promesses du gouvernement, relatives à l'application de la convention, et il n'appartient pas aux membres employeurs de décider qui a raison. A cet égard, il est clair que l'examen des amendements apportés par les deux nouvelles lois incombe à la commission d'experts et non à la présente commission. D'autre part, il faut considérer comme une évolution positive la levée totale de l'état de siège et l'organisation d'élections, points auxquels s'est référée la commission d'experts, et qui vont dans le sens de la démocratie. Enfin, ils ont souligné que les restrictions qui existent encore concernant l'application de la convention no 98 doivent être éliminées et que ces mesures devront être prises sur une base tripartite.

Le membre travailleur de la Finlande, parlant également au nom des membres travailleurs du Danemark, de la Norvège et de la Suède, a rappelé que les conclusions de la commission d'experts faisaient état de sérieuses contradictions entre la législation et la convention no 98, et que la commission de la Conférence avait indiqué la possibilité de recourir éventuellement à d'autres mesures si elle constatait une absence de progrès. La réponse du gouvernement de la Turquie contient des points mineurs d'amélioration reflétés dans les amendements à la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur la négociation collective, les grèves et les lock-out. Ces amendements ont été introduits par les lois nos 3449 et 3451 adoptées respectivement les 25 et 27 mai 1988, Les membres travailleurs susmentionnés ont comparé ces amendements avec les principes de la convention no 98 et concluent qu'ils constituent certains progrès mais en aucun cas ils ne satisfont aux principes stipulés dans la convention no 98 et la Constitution de l'OIT relatifs à la liberté syndicale et aux droits syndicaux. Le membre travailleur de la Turquie a souligné ce fait et les membres travailleurs susmentionnés s'associent pleinement à ses commentaires. Ils ont rappelé à la commission de la Conférence que la Constitution turque de 1982 contient également plusieurs dispositions contraires à la convention no 98 et aux principes de la liberté syndicale consacrés dans la Constitution de l'OIT. L'orateur a cité à titre d'exemple l'article 51 prévoyant que seuls les employés ayant dix années de service peuvent être élus comme responsables syndicaux, l'article 22 interdisant aux syndicats de participer à toutes activités politiques, l'article 53 prévoyant un seul accord collectif par entreprise et l'article 54 interdisant toute grève de solidarité, ainsi que plusieurs autres dispositions de la Constitution. Plusieurs dispositions de la loi no 2821 sur les syndicats soumettaient les syndicats au contrôle des gouvernements, permettaient à la police d'effectuer des enquêtes dans les locaux des syndicats et prévoyaient que les dirigeants syndicaux doivent obtenir l'autorisation du ministère de l'Intérieur avant de quitter la Turquie pour une conférence syndicale, que tous les communiqués de presse devaient être adressés au Procureur général vingt-quatre heures avant leur parution et que toute activité politique était interdite pour les syndicats. En conclusion, l'orateur a rappelé à la présente commission que le représentant gouvernemental n'a pas indiqué si son gouvernement avait l'intention d'abroger ces dispositions; toutefois, les membres travailleurs susmentionnés sont fermement d'avis que cela devrait être fait dès que possible.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a déclaré que, lorsqu'il avait vu pour la première fois la liste des amendements apportés par le gouvernement de la Turquie mentionnés dans la communication écrite du gouvernement, il avait espéré que la question était finalement réglée et que la Turquie pouvait être considérée comme faisant partie du monde libre en tant qu'Etat garantissant les libertés syndicales. La commission d'experts doit, bien sûr, examiner toutes les nouvelles lois adoptées, mais cela n'empêche pas la commission de la Conférence d'exprimer son point de vue également. Ce que fait apparaître la communication écrite du gouvernement est intéressant mais ce qu'il cache est vital. Il aimerait poser un certain nombre de questions à cet égard. Premièrement, la Turquie reconnaît-elle le droit aux fonctionnaires de s'associer librement? La réponse est négative puisque le membre travailleur de la Turquie a informé la commission que ce n'était pas possible. Les restrictions légales qu'il a décrites touchent environ 1,8 million de travailleurs turcs. Dans quelle mesure les grèves sont-elles affectées par ces restrictions? Le représentant gouvernemental a indiqué à la commission de la Conférence que le droit de grève était interdit seulement dans les services essentiels. Cependant, un examen attentif de la liste des services essentiels révéle qu'ils comprennent les secteurs de l'eau, de l'électricité, du gaz, les mines de charbon, la propriété foncière, les transports par mer et par air, les services de santé, les pharmacies, les institutions d'enseignement, les garderies, les maisons de retraite, etc. En fait, les grèves sont soit interdites, soit sérieusement limitées dans tous les services publics. Deuxièmement, la Turquie reconnaît-elle aux travailleurs le droit de choisir leurs propres dirigeants syndicaux? C'est peut-être le cas, mais il note un point fondamental. La loi prévoit qu'un syndicaliste ayant passé plus de six mois en prison pour une infraction aux termes de cette loi ne peut pas être élu dirigeant syndical, ni fonder un syndicat. Cependant, certains des dirigeants syndicaux les plus courageux, les plus héroïques et les plus dévoués qu'il a pu connaître ont passé plus de six mois en prison pour s'être battus pour leurs convictions. Troisièmement, la Turquie reconnaît-elle aux syndicats le droit d'élaborer leur propre constitution, lois et règlements? La réponse, là encore, est négative. La loi sur les syndicats en Turquie prévoit des modèles détaillés de lois et de règlements à l'intention des syndicats. Selon lui, il s'agit d'une contradiction aux principes de la liberté syndicale. La commission d'experts peut sans doute examiner ces nouvelles lois et faire part de son opinion, mais la présente commission peut déjà déclarer qu'elles ne satisfont pas pleinement aux demandes de la commission d'experts. On avait beaucoup espéré après la période de dictature, qu'une des premières choses que ferait la Turquie en tant que pays libre serait de rétablir les droits syndicaux qui sont le signe évident d'une véritable démocratie. Toutefois, il doit faire part de sa profonde préoccupation car les perspectives ne sont pas très bonnes pour les syndicats en Turquie. Le gouvernement de la Turquie montre la nouvelle législation comme un père fier mais, selon lui, elle n'a pas encore fait preuve de sa légitimité. Le gouvernement a encore un long chemin avant de parvenir à des progrès réels, et une tentative timide dans cette direction n'est pas suffisante.

Le membre travailleur de la Grèce a rappelé que, depuis hier, le Premier ministre de la Turquie effectuait une visite officielle à Athènes et que chacun pouvait imaginer l'importance de cet évènement dans les relations entre la Grèce et la Turquie. Les travailleurs grecs appuient toutes améliorations dans ces relations. Cet état d'esprit ne doit pas empêcher l'orateur de soutenir le membre travailleur de la Turquie dans ses commentaires concernant les restrictions légales et les interdictions relatives aux activités syndicales en Turquie. A cet égard, il a noté qu'une déclaration conjointe a été adoptée le 10 juin 1988 par laquelle les deux principales organisations syndicales de Turquie, la TURK-IS et la DISK, déclaraient que les organisations syndicales en Turquie étaient empêchées de fonctionner normalement et appelaient à une reprise de toutes les activités de la DISK. Le représentant gouvernemental a déclaré à la commission que le droit de grève existait, que des progrès avaient été réalisés et que les libertés syndicales existaient en Turquie. L'orateur s'est demandé si le gouvernement peut indiquer à quel moment la DISK serait en mesure de fonctionner à nouveau et quand ses biens, qui ont été confisqués à l'époque de la dictature, lui seraient restitués.

Le membre travailleur des Etats-Unis s'est senti obligé de faire plusieurs commentaires après les déclarations du vice-président des membres travailleurs et du membre travailleur de la Turquie. Les membres travailleurs se félicitent toujours des mesures visant à rectifier les atteintes persistantes aux conventions internationales du travail; aussi se félicitent-ils des mesures prises par le gouvernement de la Turquie. Toutefois, ces mesures contiennent souvent des dangers cachés. Il s'agit souvent de corrections superficielles et non de fond. Dans ce contexte, un exemple est la disposition qui permet au gouvernement de la Turquie d'interdire ou d'ajourner une grève lorsqu'elle peut mettre en danger la santé publique et la sécurité nationale. Le représentant gouvernemental a déclaré que cette disposition n'a jamais été appliquée et ne devrait pas faire l'objet de préoccupations. L'orateur s'est senti toutefois mal à l'aise devant cette disposition. Se référant à la Haute commission d'arbitrage et à ses pouvoirs aux termes de l'article 54 de la Constitution turque, il a déclaré que cette disposition a un effet paralysant et constitue un frein pour toute grève. Pour cette raison, de telles dispositions devraient être abrogées.

Le membre travailleur de l'Autriche a rappelé qu'à peu près au même moment où le Parlement turc adoptait ces deux lois en mai 1988, le rapport du Comité de la liberté syndicale était adopté par le Conseil d'administration de l'OIT. Ce rapport fait mention de la loi no 2821 parmi les lois dont la révision est nécessaire pour être conforme à la convention no 98. Le Comité de la liberté syndicale formule donc les même préoccupations que la Commission de la Conférence. En conséquence, lorsque la commission d'experts analysera ces lois, il semble évident qu'en conclusion elle indiquera que ces lois ne rencontrent qu'en partie les recommandations du Comité de la liberté syndicale et que le gouvernement n'a qu'en partie satisfait à ces recommandations. En conclusion, il a rappelé que plusieurs syndicalistes des services publics ont été condamnés aux termes de cette loi sans que les motifs de cette condamnation ne soient rendus publics, ce qui les empêche de se défendre. Il a demandé au représentant gouvernemental à quelle date ces motifs seront rendus publics.

Le membre employeur de la Turquie a estimé que les critiques qui ont été faites ne sont pas justifiées en ce qui concerne le sujet en discussion. A cet égard, il a cité deux observations formulées par la commission d'experts dans son rapport, à savoir, premièrement, que la commission veut croire que les amendements législatifs nécessaires à la promotion de la négociation collective seront adoptés et, deuxièment, que celle-ci prie le gouvernement de la tenir informée de l'évolution de la situation dans ce sens. L'orateur a déclaré que, d'une part, une nouvelle loi modifiant plusieurs articles de la loi sur les conventions collectives vient d'entrer en vigueur en Turquie et que la première demande formulée par la commission d'experts et rappelée ci-dessus est déjà réalisée. D'autre part, il convient d'attendre l'avis que fera connaître la commission d'experts sur cette nouvelle loi avant d'adopter des conclusions sur celle-ci. Il a donc estimé qu'il est préférable d'attendre l'appréciation qui sera fournie par la commission d'experts l'année prochaine sur la légitimité des lois en question.

Le membre travailleur des Pays-Bas a pris note des informations présentées par le gouvernement dans sa communication écrite qui portent sur les nombreuses modifications faites à la loi no 2821 sur les syndicats. Il a noté que cette liste ne représente pas la suppression des limitations à la liberté syndicale mais simplement une réduction des obstacles qui entravent la pleine jouissance de cette liberté. A cet égard, il a fait référence à certaines expressions telles que "les conditions requises seront simplifiées" ou encore "seront facilitées". Cette réduction des restrictions est estimée insuffisante lorsqu'on la compare aux dispositions de la convention no 98. Il a noté par ailleurs qu'au vu de l'expérience de cette commission au cours des dernières années, certains gouvernements ont fait l'objet d'un paragraphe spécial tandis que d'autres dont le comportement n'est pas meilleur ont réussi à éviter le paragraphe spécial en fournissant de longues réponses, en participants au dialogue d'une voix douce et agréable et en faisant des petites promesses ou en exprimant de vagues espoirs. Il a souligné que le comportement des gouvernements doit être apprécié sur la base des faits et non sur la base de leur présentation.

Le représentant gouvernemental de la Turquie a noté que, en ce qui concerne les observations formulées par la commission d'experts, des consultations tripartites se sont déroulées qui portaient sur les points soulevés dans le rapport. Le ministre du Travail ainsi que le Premier ministre ont eu des discussions au sujet de ces problèmes avec les représentants d'organisations de travailleurs et d'employeurs. Ces consultations n'ont eu aucune incidence sur les deux points mentionnés dans le rapport de la commission d'experts car, d'une part, aussi bien les organisations de travailleurs que les organisations d'employeurs ont insisté pour que le gouvernement maintienne les critères exigés pour accorder à ces organisations la compétence de négocier collectivement et, d'autre part, en ce qui concerne l'intervention de la Haute commission d'arbitrage, elle est prévue par une disposition constitutionnelle, qui ne peut être amendée, avant que tout un processus ne soit terminé. En ce qui concerne les observations formulées en dehors du cas de la convention no 98, une image faussée a été présentée à cette commission. Il a fait état des importants progrès réalisés en ce qui concerne la législation et il a estimé qu'il serait prématuré pour cette commission de porter un jugement sur les mérites des nouveaux amendements avant que la commission d'experts n'ait effectivement examiné leur teneur objective et impartiale. En conclusion, l'orateur a cité des chiffres qui montrent la mesure dans laquelle les amendements reflètent réellement les avis formulés par les travailleurs turcs lors des consultations tripartites. Pour la loi no 2821, sur un total de 18 recommandations faites par les associations de travailleurs turcs, 11 ont été incorporées en totalité ou en partie dans les nouveaux amendements. Le gouvernement a en outre ajouté quatre amendements qui n'avaient pas été proposés par les associations de travailleurs. En ce qui concerne la loi no 2822, sept recommandations sur les 17 qui ont été présentées par les associations de travailleurs ont été incorporées. Ici également, le gouvernement a apporté quatre améliorations qui n'avaient pas été proposées par les associations de travailleurs. L'on voit donc que les nouveaux amendements comportent 52 pour cent des recommandations des travailleurs.

Les membres travailleurs se sont félicités du dialogue franc et ouvert qui s'est déroulé au sein de la présente commission. Ils ont donc proposé à la lumière des interventions des membres employeurs et du membre employeur de la Turquie, une conclusion formulée comme suit:

"Les membres de la commission ont pu avoir un dialogue sur deux lois promulguées en mai dernier et qui devraient apporter une solution à la plupart des préoccupations qui sont exprimées depuis plusieurs années. La discussion qui s'est déroulée en commission montre qu'il existe des éléments positifs mais également un nombre important de points qui n'ont pas reçu de réponse satisfaisante. Etant donné le fait que ces lois n'ont été que récemment mises en vigueur, la commission d'experts est priée de les examiner avec attention, particulièrement au vu des promesses faites antérieurement et des recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale ainsi que par le BIT qui a fourni une assistance dans ce domaine. Il est demandé qu'une véritable consultation tripartite soit reprise et que le gouvernement soit disposé à amender les lois actuelles pour les mettre pleinement en conformité avec la convention no 98 et avec le principe de la liberté syndicale."

Les membres travailleurs proposent formellement que ces conclusions soient contenues dans un paragraphe spécial, une demande justifiée par l'importance du cas qui fait l'objet de discussions depuis de nombreuses années et par le fait qu'un paragraphe ne contient ni jugement ni condamnation, et est appelé à refléter les aspects positifs aussi bien que négatifs. L'objectif de ces conclusions et de leur inclusion dans un paragraphe spécial est de donner une mission à la commission d'experts et d'indiquer clairement au gouvernement le sens d'un nouveau dialogue tripartite.

Les membres employeurs ont noté qu'un certain nombre de questions ont été soulevées à propos de ce cas, qui n'ont pas reçu de réponses définitives. Toutefois, le point principal en discussion est la nouvelle législation qui a été adoptée et qui devra faire l'objet d'un examen par la commission d'experts. Les membres employeurs sont convaincus qu'au moment d'examiner ce cas à leur prochaine réunion, la commission d'experts n'analysera pas simplement les lois mais gardera également à l'esprit ce qui ne figure pas au rapport ainsi que les avis exprimés au cours de la discussion et les informations fournies. En ce qui concerne les conclusions proposées par les membres travailleurs, les membres employeurs ont estimé qu'ils ne pouvaient souscrire à cette proposition dans sa forme actuelle surtout si elle devait être incluse dans un paragraphe spécial, car elle portait une appréciation sur une nouvelle loi que les experts n'avaient pas encore pu examiner.

Les membres travailleurs ont regretté vivement le rejet par les employeurs de leur proposition de conclusion et de son inclusion dans un paragraphe spécial. Toutefois, ils n'ont pas demandé de vote, mais ils ont indiqué clairement qu'ils mèneront une campagne d'information, dans leur pays et au niveau des organisations syndicales, régionales et internationales, sur leur position vis-à-vis de la situation et de son examen à la commission.

Le représentant gouvernemental ne peut s'associer pleinement aux interventions précédentes portant sur les mérites de la proposition. D'une part, cette commission n'est parvenue à aucune conclusion sur les problèmes soulevés dans cette proposition et, d'autre part, celle-ci n'apporterait aucune contribution à l'effort de consultations tripartites qui seront poursuivies de toute manière.

Le membre travailleur de l'Autriche a rappelé au représentant gouvernemental de la Turquie la question qu'il lui a adressée concernant la date de publication des informations sur les motivations du jugement portant sur la dissolution de la DISK.

Le représentant gouvernemental a répondu que les autorités compétentes l'ont avisé que le texte de ces décisions, ainsi que leurs motifs, sera publié à la fin de l'été de 1988.

La commission prend acte des renseignements présentés par écrit et oralement par le gouvernement ainsi que des discussions détaillées qui se sont déroulées au sein de la commission. Elle prend note en particulier du fait que le Parlement a adopté récemment des amendements à la législation syndicale qui fera l'objet d'un examen par la commission d'experts sur la base des discussions antérieures au sein de la commission, des recommandations de missions du BIT, de promesses faites par le gouvernement et des conclusions du Comité de la liberté syndicale. Elle espère que ces amendements apaiseront les préoccupations exprimées l'année précédente par la Commission de la Conférence. Elle formule en outre l'espoir fervent qu'étant donné que des divergences graves subsistent depuis bien des années, le gouvernement prendra, dans un avenir proche, toutes les mesures nécessaires à la suite de consultations tripartites véritables pour donner pleine satisfaction aux observations de la commission d'experts et contribuer à une amélioration en ce qui concerne le plein respect de la convention, dans la loi et dans la pratique.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 1987, Publication : 73ème session CIT (1987)

Le gouvernement a fourni les informations suivantes:

Le gouvernement, conformément aux objectifs mentionnés dans la lettre adressée au Directeur général le 30 avril 1986 par le précédent ministre du Travail et de la Sécurité sociale, a examiné à fond les questions relatives aux relations professionnelles en Turquie.

A cet égard, à la suite des consultations qui ont eu lieu entre le gouvernement et tout d'abord les partenaires sociaux puis, ultérieurement, un représentant du Bureau, au cours d'une récente mission consultative technique et à la lumière des souhaits exprimés tant par les travailleurs et les employeurs que par l'OIT, et en tenant compte à la fois de ces souhaits et d'autres facteurs, le gouvernement a estimé nécessaire de revoir de nouveau d'une manière plus complète la question afin d'amender la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur la négociation collective, les grèves et les lock-out, conformément aux changements intervenus dans les conditions nationales. A cet effet, il sera naturellement nécessaire de tenir compte de certaines dispositions de la Constitution.

Le gouvernement est d'avis que toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour élaborer une législation du travail qui soit pleinement conforme aux principes et aux normes de l'OIT. A cette fin, le gouvernement va de nouveau engager de véritables consultations tripartites en Turquie. Le gouvernement espère également pouvoir bénéficier des avis techniques que pourra lui fournir le Bureau à cet égard.

Le gouvernement a l'intention de faire débuter immédiatement cet exercice et il espère qu'il sera achevé le plus rapidement possible à la condition que toutes les parties y participent pleinement et de manière constructive et que le processus législatif lui en offre les possibilités appropriées.

Un représentant gouvernemental, se référant aux informations écrites communiquées par le gouvernement, a déclaré que les observations formulées par la commission d'experts en ce qui concerne la convention no 98 avaient fait l'objet d'un examen approfondi sur une base tripartite et qu'un effort réel avait été entrepris avec les organisations d'employeurs et de travailleurs pour mettre la législation en meilleure conformité avec les normes de l'OIT en la matière. La loi no 3299 du 3 juin 1986 contient un certain nombre d'amendements à la loi no 2822 de 1983 sur la négociation collective, les grèves et les lock-out. Des missions consultatives techniques se sont rendues en Turquie sur l'invitation du gouvernement en avril 1986 ainsi qu'en 1987 pour discuter des amendements législatifs en considération. Le gouvernement en a conclu qu'un certain nombre de problèmes législatifs existent encore, qui sont dus au fait que la loi de 1983 avait été adoptée sous l'empire de la loi martiale dans les années quatre-vingt, période justifiant des mesures spéciales. La situation politique et sociale s'étant considérablement améliorée depuis lors tant sur le plan national qu'international, le gouvernement estime que toutes les mesures législatives nécessaires peuvent et doivent être prises pour mettre les dispositions de la législation du travail en conformité avec les principes et les normes de l'OIT et éliminer ainsi tout élément incompatible avec ceux-ci. Le gouvernement a l'intention d'entreprendre immédiatement un réexamen plus complet de la question qu'il espère pouvoir achever le plus rapidement possible à condition que toutes les parties intéressées participent pleinement et de manière constructive à ce processus. Il est également déterminé à maintenir sa coopération très fructueuse avec l'OIT afin de réaliser ces objectifs.

En ce qui concerne la convention no 111, le représentant gouvernemental a indiqué que l'état de siège en vigueur en vertu de la loi no 1402 sera levé à partir du 19 juillet 1987 dans les cinq provinces dans lesquelles il demeure encore appliqué. Indépendamment de l'existence de la loi martiale, un certain nombre de garanties existent dans la législation nationale contre le risque de discrimination fondée sur l'opinion politique. L'article 10 de la constitution prévoit que toute personne est égale devant la loi quelle que soit, notamment, son opinion politique et que les organes de l'Etat et les autorités administratives doivent agir en conformité avec ce principe d'égalité. En outre, en vertu de l'article 125 de la Constitution, tous actes de l'administration sont susceptibles de recours. En application de ces dispositions, sur un total de 4 530 fonctionnaires ayant fait l'objet d'un licenciement, 3 999 cas ont été ainsi réexaminés à ce jour. Dans les cinq provinces dans lesquelles la loi martiale demeurait en application, seuls cinq fonctionnaires ont été licenciés au cours des trois dernières années, le dernier licenciement datant de février 1986. L'application de la loi martiale no 1402 est donc assortie des procédures juridiques nécessaires empêchant que son application ne puisse conduire à des discriminations d'ordre politique ou autre. En outre, cette loi n'a pas été appliquée depuis février 1986 et cessera d'être en vigueur dès la levée totale de l'état de siège du 19 juillet 1987.

Le membre travailleur de la Suède a rappelé que le cas de la Turquie faisait l'objet d'une discussion de la commission depuis plusieurs années. A chaque fois le gouvernement s'engageait à prendre des mesures pour améliorer la situation mais, dans la réalité, très peu a été fait. L'exercice du droit de négociation collective est rendu pratiquement impossible en raison d'exigences exagérées de la législation quant à la représentabilité des syndicats et le droit de grève est limité par une procédure qui permet de l'ajourner pendant une durée de 60 jours, de sorte que son exercice en est rendu extrêmement difficile. Le droit de négociation collective n'est qu'une extension du droit syndical le plus fondamental: la liberté syndicale. Le droit de négociation collective ne peut être pleinement utilisé que si les organisations de travailleurs et d'employeurs jouissent du droit suprême d'organiser leurs activités et de formuler leurs programmes d'action sans ingérence des autorités publiques. Or, dans ce domaine, beaucoup reste également à faire. Les syndicats suédois sont profondément préoccupés par la situation syndicale en Turquie et ils expriment l'espoir que les modifications législatives nécessaires seront adoptées le plus rapidement possible, de manière à assurer la pleine application des conventions des normes de l'OIT concernant la liberté syndicale, la négociation collective ainsi que l'exercice du droit de grève et de lock-out.

Le membre travailleur de la Grèce a déclaré s'associer à la déclaration du membre travailleur de la Suède. Il a rappelé qu'une des organisations syndicales turques avait été interdite. Dans ces conditions, on ne saurait considérer que le droit de négociation collective existe librement en Turquie. Le représentant gouvernemental devrait être prié de fournir des informations sur les procès faits aux syndicalistes turcs ainsi que sur l'état de la liberté syndicale dans le pays.

Le membre travailleur de la Turquie a insisté sur le fait que le gouvernement n'avait pas tenu sa promesse faite en 1986. Il est regrettable qu'aucun progrès n'ait été réalisé cette année. La mission d'évaluation technique du BIT d'avril 1987 décrit la situation syndicale générale de manière parfaitement claire. Les lois nos 2821 et 2822 sur les syndicats, la négociation collective et les grèves violent les droits fondamentaux reconnus dans la convention no 98 et ne sont pas en conformité avec le principe selon lequel les organisations ont le droit d'organiser leur administration et leurs activités et de formuler leurs programmes d'action en toute liberté. Ainsi, il est interdit aux fonctionnaires, aux enseignants des écoles privées, aux travailleurs des institutions religieuses et aux étudiants qui travaillent d'établir des syndicats et de s'y affilier. Les candidats aux postes de dirigeants syndicaux ne doivent pas avoir été condamnés pour violation des dispositions concernant la négociation collective et les grèves, et il faut avoir travaillé au moins 10 ans avant d'être éligible aux fonctions de dirigeant syndical. Toute activité politique est interdite aux syndicats. Il est mis fin automatiquement aux fonctions des dirigeants syndicaux et des confédérations lorsqu'ils acceptent une fonction dans un organe gouvernemental ou un parti politique. Les autorités disposent du pouvoir discrétionnaire de faire des enquêtes périodiques sur les affaires internes des syndicats et des confédérations. Les syndicats doivent regrouper 10 pour cent des travailleurs occupés dans une branche d'activité déterminée ainsi que plus de 50 pour cent des travailleurs employés dans l'établissement ou l'entreprise pour avoir le droit de négocier collectivement. Des restrictions sévères sont apportées au droit de grève dans plusieurs secteurs qui ne peuvent pas être considérés comme des services essentiels. Le gouvernement est en droit de différer l'application d'une décision de grève et de soumettre le conflit à l'arbitrage obligatoire d'un organe contrôlé par lui. Le gouvernement n'a non seulement pris aucune mesure pour donner suite aux assurances qu'il avait données en 1986, mais il a encore aggravé la situation en étendant l'application du décret no 2333 concernant les contrats privés d'emploi aux entreprises publiques. Les travailleurs soumis à ce décret ne peuvent pas s'affilier à un syndicat ni bénéficier des conventions collectives. En outre, il a été créé en 1986 trois soi-disant organisations d'employeurs publics qui représentent les entreprises d'Etat et les institutions publiques dans les négociations. Par l'intermédiaire de ces organisations qui sont dirigées par des fonctionnaires, le gouvernement réglemente tout ce qui ferait normalement l'objet de la négociation collective.

Le membre travailleur de la France s'est référé à certains faits montrant dans la pratique des restrictions très importantes à la liberté syndicale, à la liberté d'expression et au droit de négociation collective. Ainsi le siège de l'organisation syndicale TURK-IS a été encerclé par la police alors que 700 militants syndicaux y étaient rassemblés dans le but d'aller remettre une pétition au parlement sur des problèmes politiques et sociaux. D'autre part, le président de la DISK, organisation syndicale déclarée illégale, a reçu son visa avec retard pour se rendre à la Conférence internationale du Travail. Il s'agit d'atteintes au pluralisme et à la liberté syndicale qui sont inacceptables. Le gouvernement a demandé son adhésion à la Communauté économique européenne. Celle-ci n'est pas simplement une structure économique, c'est aussi une entité de caractère politique qui exige que les éléments de démocratie traditionnels soient appliqués dans ses Etats membres. C'est pourquoi, si le gouvernement veut avoir le soutien du mouvement syndical européen dans sa demande d'adhésion à la CEE, il est nécessaire qu'il applique correctement les engagements internationaux qu'il a pris, et notamment qu'il respecte les conventions fondamentales de l'OIT.

Le membre travailleur des Etats-Unis a déclaré que les informations fournies par le membre travailleur de la Turquie illustraient la gravité des agissements du gouvernement. L'article 37 de la loi no 2821 interdit toute activité politique des syndicats et de leurs confédérations, ce qui est en contradiction directe avec l'article 1 de la convention no 111.

Le membre travailleur de la Norvège a rappelé que la Fédération des syndicats norvégiens avait présenté en 1982 une réclamation contre la Turquie concernant la violation des conventions nos 111 et 98 par ce pays. Cinq ans plus tard, la législation turque contrevient toujours et de manière grave à ces deux conventions fondamentales. Malgré ses promesses, le gouvernement turc n'a toujours pas pris de mesures pour modifier l'article 12 de la loi no 2822 qui subordonne le droit de la négociation collective des syndicats à des conditions de représentativité exagérées. En ce qui concerne la convention no 111, il convient de rappeler que, selon les normes internationales concernant les droits de l'homme, l'établissement ou le maintien de la loi martiale ne se justifient que dans des situations d'urgence exceptionnelles affectant la vie de la nation. Dans ces conditions, le maintien de la loi martiale en Turquie constitue une sérieuse violation des droits fondamentaux de l'homme tels qu'ils sont reconnus dans l'article 15 de la convention européenne des droits de l'homme ainsi que par la Constitution et les conventions de l'OIT, et notamment la convention no 111. Le maintien de la loi martiale ne saurait être une justification pour le gouvernement de ne pas s'acquitter de ses obligations découlant de la ratification de la convention no 111. Depuis plusieurs années, cette législation a conduit à de sérieuses et nombreuses discriminations de fonctionnaires ou de candidats à la fonction publique. Les employés concernés ont été licenciés, transférés ou envoyés dans d'autres régions sur la base de critères ne donnant aucune garantie certaine contre les discriminations fondées exclusivement sur des motifs politiques. En conséquence, la commission devrait exprimer sa profonde préoccupation devant le maintien dans cinq provinces de la loi martiale dont les dispositions impliquent de sérieuses violations de ladite convention à l'égard des fonctionnaires. La commission devrait également constater avec regret la lenteur avec laquelle des efforts ont été entrepris pour assurer la mise en oeuvre de la convention no 98 sur le plan législatif.

Les membres travailleurs ont rappelé que le droit de négociation collective est intimement lié à la liberté syndicale qui est un principe fondamental de la Constitution de l'OIT. Les interventions précédentes ont montré que dans ce domaine des violations flagrantes étaient constatées. Une organisation a été dissoute, des dirigeants syndicaux ont été condamnés de sorte que tant le droit de négociation que la liberté d'association sont bafoués. Les conditions exigées des syndicats pour qu'ils puissent bénéficier du droit de négociation collective montrent que l'on veut arriver à une sorte d'unicité syndicale. Or, il n'appartient pas au gouvernement d'imposer de telles mesures, mais la décision doit en être laissée aux responsables syndicaux. En 1986, la commission, par manque de temps, avait renoncé à discuter du cas de la Turquie compte tenu des informations écrites fournies par le gouvernement et des assurances données par celui-ci. Elle avait toutefois insisté sur le fait qu'elle s'attendait à ce que les promesses formulées par le gouvernement soient réalisées dans les meilleurs délais de manière à pouvoir constater des progrès lors de sa prochaine session. Or, force est de constater que ces promesses n'ont pas été tenues. Fait plus grave encore, le gouvernement, immédiatement après la discussion de 1986, a tenu une conférence de presse pour faire valoir que la situation syndicale en Turquie ne faisait pas l'objet de critiques au niveau international et que les problèmes en suspens seraient réglés sans intervention extérieure. De tels procédés ne favorisent pas le dialogue et ne permettent pas de réaliser des progrès. Aujourd'hui, le représentant gouvernemental indique que la loi martiale sera levée prochainement dans un certain nombre de provinces. En fait, le gouvernement paraît toujours vouloir se réserver la possibilité d'intervenir arbitrairement en se prévalant de soi-disant dangers pour la sécurité de l'Etat. Par ailleurs, dans les informations écrites communiquées à propos de la convention no 98, le gouvernement indique avoir l'intention de revoir la question de la manière la plus appropriée mais qu'il sera naturellement nécessaire de tenir compte de certaines dispositions de la Constitution. L'ambiguïtè de cette déclaration est embarrassante. Cela signifie-t-il que la Constitution turque contient des dispositions contraires à la convention ou que la convention ne peut pas être appliquée intégralement? Les informations fournies dans le cadre de la convention no 111 manquent également de clarté, aucune réponse valable n'ayant été fournie aux observations de la commission d'experts. Il n'a été fait état d'aucun progrès concret; seules des promesses et des déclarations ont été faites. Dans ces conditions, il importe que le gouvernement prenne au sérieux la préoccupation manifestée par les membres travailleurs.

Les membres employeurs ont rappelé, en ce qui concerne la convention no 98, que des rapports détaillés avaient été communiqués par le gouvernement. Si la commission d'experts a pu noter avec intérêt l'évolution qui a lieu en Turquie, des restrictions considérables limitent toujours le droit de négociation collective. Avec l'assistance du BIT, ces problèmes ont pu être discutés avec le gouvernement. Celui-ci indique maintenant que de nouvelles propositions sont en voie d'élaboration pour modifier la législation. A cet effet, le gouvernement espère pouvoir en discuter les détails avec une nouvelle mission du BIT. Il semble que le gouvernement s'engage sur la bonne voie mais il serait souhaitable que le représentant gouvernemental précise si c'est bien l'intention de son gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre tous les points soulevés par la commission d'experts en conformité avec la convention. Il convient également de souligner que, comme l'ont relevé les membres travailleurs dans leurs nombreuses interventions, la situation n'est pour l'instant toujours pas conforme à la convention no 98. En ce qui concerne la convention no 111, il serait souhaitable que le représentant gouvernemental indique si la décision de lever la loi martiale a été prise officiellement et si elle sera publiée dans le Journal officiel. Peu d'informations ont été fournies sur les mesures prises, notamment en ce qui concerne les licenciements et les condamnations à des peines de prison. Des informations complémentaires sont nécessaires car pour l'instant la situation n'est pas en conformité avec la convention.

Le représentant gouvernemental a rappelé qu'en 1986 un certain nombre d'amendements à la loi no 2822 de 1983 avaient été adoptés en vue d'assurer une meilleure application de la convention no 98. Etant donné que certains points demeurent en suspens, le gouvernement a décidé de réexaminer la question d'une manière approfondie mais cela prendra un certain temps car, dans un système parlementaire, la modification de la législation ne dépend pas seulement du gouvernement. Il est nécessaire d'obtenir l'accord des partenaires sociaux et de susciter une certaine prise de conscience du parlement et de l'opinion publique. En outre, il est nécessaire de développer un dialogue constructif avec l'OIT. La vie politique, économique et sociale a évolué de manière positive ces dernières années, ce qui ne manquera pas d'avoir un effet favorable sur les relations professionnelles. Le gouvernement est prêt à s'acquitter de ses obligations internationales et à prendre les mesures nécessaires pour modifier la législation sociale de manière à supprimer tout élément incompatible avec les normes internationales du travail. Cela sera accompli dans un délai compatible avec l'évolution politique, économique et sociale. C'est le parlement qui a pris la décision de lever la loi martiale dans les provinces où elle est encore en application avec effet au 19 juillet 1987. Il n'y aura donc plus aucune question en suspens en ce qui concerne la convention no 111. Quant à la manifestation organisée par la Confédération des syndicats turcs, celle-ci aurait dû en demander l'autorisation préalable, ce qu'elle n'a jamais fait. Il était donc normal que des complications s'ensuivent. Son gouvernement est conscient du fait que pour pouvoir adhérer à la CEE, il devra se conformer aux normes prévalant dans cette organisation. Enfin, la loi d'amnistie générale a été soumise au parlement. Celui-ci a adopté une loi qui prévoit une certaine réduction des peines de prison.

La commission a noté les informations communiquées par le gouvernement et son représentant. Elle a exprimé sa préoccupation au sujet des sérieuses divergences qui existent toujours entre la législation et la pratique nationales et les conventions nos 98 et 111, et cela malgré les promesses faites à plusieurs reprises par le gouvernement. Elle a exprimé l'espoir que ces promesses seront pleinement réalisées dans un avenir très proche et qu'elle pourra enregistrer des progrès lors de sa prochaine session. Si tel ne devait pas être le cas, la commission se verra obligée de recourir à d'autres moyens en vue d'assurer la conformité avec les conventions.

Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

La commission prend note des observations de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-İŞ), de la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (KAMU-SEN) et de la Confédération turque des associations d’employeurs (TISK), jointes au rapport du gouvernement. La commission prend également note des observations du Syndicat des services de santé (SAHİM-SEN), reçues le 4 février 2023, et de la réponse du gouvernement, ainsi que des observations de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK), de la Confédération syndicale internationale (CSI) et de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), reçues le 30 août et le 1er septembre 2023, qui concernent des questions examinées dans le présent commentaire.
Articles 1 à 6 de la convention. Champ d’application personnel de la convention. Personnel pénitentiaire. Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié à plusieurs reprises le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que le personnel pénitentiaire peut effectivement être représenté par les organisations de son choix dans les négociations collectives. La commission note que le gouvernement dit de nouveau, à cet égard, que le personnel pénitentiaire est couvert par les conventions collectives conclues dans la fonction publique, mais qu’il n’a pas le droit de constituer des syndicats ou de s’y affilier, car il est primordial qu’il assure des services publics impartiaux et objectifs. Prenant note des indications du gouvernement, la commission regrette l’absence de progrès à ce sujet et rappelle qu’aux termes de la présente convention, le personnel pénitentiaire dispose du droit de négociation collective, ce qui inclut le droit d’être représenté dans les négociations par l’organisation de son choix. La commission prie donc de nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, notamment en révisant l’article 15 de la loi no 4688, pour garantir que le personnel pénitentiaire peut être effectivement représenté par les organisations de son choix dans les négociations collectives.
Travailleurs suppléants et fonctionnaires dépourvus de contrat de travail écrit. Dans son commentaire précédent, la commission avait prié le gouvernement de garantir que les travailleurs suppléants, dont les enseignants, le personnel infirmier et les sage-femmes, ainsi que les fonctionnaires dépourvus de contrat de travail écrit, peuvent exercer leurs droits consacrés par la convention. La commission note que le gouvernement dit de nouveau que ces travailleurs ne peuvent être membres des syndicats établis en application de la loi no 4688, car ils ne sont pas employés dans un cadre ou un poste visé à l’article 3 de la loi. La commission regrette l’absence de progrès à ce sujet et rappelle que tous les travailleurs du secteur public, à l’exception des membres des forces armées et de la police et des fonctionnaires commis à l’administration de l’État, ont le droit de jouir des droits consacrés par la convention, y compris du droit de négociation collective, indépendamment de leur statut contractuel. Pour exercer ce droit, ils doivent pouvoir s’affilier à des organisations ayant le droit de négocier avec l’employeur public en vue de réglementer les conditions d’emploi par voie de convention collective, ou d’en constituer. La commission note que, d’après le gouvernement, la loi no 4688 ne prévoit pas cette possibilité; de ce fait, ces travailleurs sont privés de leurs droits au titre de la convention. La commission prie donc de nouveau le gouvernement de prendre des mesures appropriées pour garantir que ces catégories de travailleurs peuvent exercer leur droit d’organisation et de négociation collective, soit en modifiant la loi afin de leur permettre de s’affilier à des organisations constituées en vertu de la loi no 4688, soit en leur offrant un cadre dans lequel ils peuvent créer leurs propres organisations.
Articles 1, 2 et 3. Licenciements de masse dans le secteur public en application des décrets adoptés pendant l’état d’urgence. Dans son commentaire précédent, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur la manière dont les preuves sont examinées et la charge de la preuve appliquée dans les affaires concernant des syndicalistes devant la commission d’enquête sur les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence créée pour examiner les demandes concernant le licenciement des fonctionnaires, l’annulation du grade du personnel à la retraite et la fermeture d’institutions et d’organisations en application des décrets-lois d’urgence adoptés à la suite de la tentative de coup d’État de 2016. Elle avait également prié le gouvernement de fournir des informations détaillées et précises sur le nombre et l’issue des demandes concernant des syndicalistes et des responsables syndicaux en cours d’examen par la commission d’enquête et sur le nombre et l’issue des recours formés contre les décisions rejetant ces demandes. La commission note que, d’après le gouvernement, le mandat de la commission d’enquête est venu à échéance le 22 janvier 2023. Le gouvernement indique que la commission d’enquête a rendu 127 292 décisions (17 960 décisions d’acceptation et 109 332 décisions de rejet) concernant toutes les demandes déposées pendant les cinq années de son mandat. À chaque fois, la commission d’enquête a cherché à établir si les individus avaient agi sur ordre et instruction de l’organisation terroriste FETÖ. Les motifs de licenciement et les données recueillies ont été appréciés avec la diligence voulue, compte tenu des éléments du dossier de la demande. Les informations et les documents utilisés à cette fin provenaient de la base de données principale et, après analyse, les résultats étaient reflétés dans les décisions de la commission d’enquête. Les données examinées avant de statuer sur les demandes avaient trait aux éléments suivants: l’usage d’un logiciel de communication interne utilisé par l’organisation terroriste; les activités bancaires de soutien chez Bank Asya, sur instruction du dirigeant de l’organisation; l’affiliation à un syndicat associé à l’organisation terroriste, ou la direction d’un tel syndicat, sur instruction de l’organisation; le lien avec les associations, les fondations et les organes de presse fermés en raison de leur association et de leur connexion avec l’organisation terroriste; et le soutien financier accordé à ces institutions. Des informations concernant les enquêtes et les poursuites administratives et judiciaires étaient également prises en compte. Le gouvernement indique que le licenciement de fonctionnaires dans le cadre des infractions à l’état d’urgence vise à mettre un terme à l’existence d’organisations terroristes et d’autres structures engagées dans des activités portant atteinte à la sécurité nationale au sein des institutions publiques. Ainsi, il suffit d’établir un lien entre les personnes concernées et les organisations, les structures/entités ou les groupes terroristes dont le Conseil de sécurité nationale a déterminé qu’ils se livraient à des activités attentatoires à la sécurité nationale de l’État. Le gouvernement indique que les décisions individuelles et motivées de la commission d’enquête étaient communiquées aux institutions où ces personnes avaient occupé leur dernier emploi, à charge pour elles de notifier l’intéressé. Lorsque la demande était acceptée, l’institution ou le Conseil de l’enseignement supérieur réintégrait le demandeur. Toute personne déboutée pouvait présenter une demande d’annulation visant l’institution ou l’organisation de son dernier emploi dans les 60 jours suivant la notification de la décision. Le Conseil des juges et des procureurs a mandaté neuf chambres administratives d’Ankara pour traiter de ces recours. En ce qui concerne le nombre et l’issue des demandes concernant des syndicalistes et des responsables syndicaux devant la commission d’enquête, ainsi que le nombre et l’issue des recours formés, la commission note que, d’après le gouvernement, il n’existe pas d’informations statistiques sur ce point, mais que 4 confédérations, 19 fédérations et 19 syndicats ont été dissous après que les tribunaux eurent conclu à leur affiliation avec une organisation terroriste. La commission prend également note des observations de la KESK d’après lesquelles, au total, 4 267 membres de la KESK ont été licenciés de tous les secteurs publics en vertu des décrets-lois d’urgence. D’après la KESK, ces licenciements étaient arbitraires et opaques et aucune voie de recours n’était prévue. Les fonctionnaires ne pouvaient pas avoir connaissance des chefs d’accusation ni se défendre. La KESK allègue que la commission d’enquête n’a pas servi de moyen de recours efficace contre la discrimination antisyndicale et qu’elle a plutôt servi à punir les syndicalistes, sans qu’ils puissent se défendre et sans qu’une véritable décision de justice soit rendue. Selon la KESK, devant la commission d’enquête, aucun dispositif transparent ne permettait aux fonctionnaires de contester les éléments de preuve à charge. En dernier lieu, la KESK affirme que, maintenant que la commission d’enquête a fini ses travaux, les membres et les dirigeants de la KESK licenciés doivent se tourner vers les tribunaux administratifs et que ce processus peut durer dix ans. La commission note que, d’après les informations soumises par le gouvernement, la commission d’enquête a accepté 14 pour cent des demandes soumises pour licenciement en masse de fonctionnaires dans le cadre de l’application des décrets-lois d’urgence. La commission note que la commission d’enquête est partie du présupposé qu’il suffisait d’établir un lien entre l’individu et les organisations, les structures/entités ou les groupes désignés par le Conseil de sécurité nationale pour entériner son licenciement et de vérifier, dans chaque cas, l’existence d’un tel lien à partir des informations figurant dans une «base de données principale» concernant les communications, les connections et les interactions avec des entités financières et sociales données. La commission note que, même si le gouvernement indique que les éléments des dossiers de demande ont été pris en compte, il ressort du rapport du gouvernement que, lors de l’examen par la commission d’enquête, les demandeurs ne pouvaient nullement prendre connaissance, et encore moins contester, les informations les concernant qui figuraient dans la «base de données principale» utilisée pour fonder les décisions de la commission d’enquête. La commission note également que, comme l’indique le gouvernement, ces licenciements avaient pour but de «mettre un terme à l’existence d’organisations terroristes et d’autres structures engagées dans des activités portant atteinte à la sécurité nationale au sein des institutions publiques» et la commission d’enquête s’est attachée à établir si les licenciements étaient justifiés à cette fin. La commission note qu’il ne peut être déduit des informations fournies par le gouvernement que dans le cadre des travaux de la commission d’enquête une attention particulière a été accordée et des garanties ont été mises en place pour examiner de manière adéquate les allégations de discrimination antisyndicale. À cet égard, il ressort des informations reçues que les fonctionnaires licenciés ne pouvaient à aucun moment étayer leur grief, à savoir le fait que leur licenciement était en réalité motivé par des raisons antisyndicales, sous couvert de raisons de sécurité nationale. La commission rappelle que, dans ses observations de 2022, la KESK avait affirmé que les demandes de certains de ses membres licenciés étaient encore examinées par la commission d’enquête, ce qui signifiait qu’ils avaient attendu cinq ans qu’elle rende sa décision, sans pouvoir saisir les tribunaux administratifs dans l’intervalle. La commission prend également note de l’observation de la KESK selon laquelle la procédure devant les tribunaux peut durer encore plusieurs années. La commission rappelle que l’existence de dispositions législatives interdisant les actes de discrimination antisyndicale est insuffisante en l’absence de procédures rapides et efficaces qui en assurent l’application pratique. Ce principe général, que la commission n’a de cesse de souligner, se fonde sur l’article 3 de la convention qui dispose que «des organismes appropriés aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être institués pour assurer le respect du droit d’organisation défini par les [articles 1 et 2]» (voir Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 190). Même lorsque la loi peut prévoir des voies de recours adéquates contre les licenciements antisyndicaux, la lenteur des procédures réduit drastiquement l’efficacité de la protection contre la discrimination antisyndicale, car, au fil du temps, les circonstances changent et les recours disponibles peuvent perdre en pertinence. Compte tenu de ce qui précède, la commission note avec une profonde préoccupation que les fonctionnaires qui affirment que leur licenciement prononcé en application des décrets-lois d’urgence était motivé par des raisons antisyndicales n’ont pu avoir accès à une procédure efficace, rapide et équitable les protégeant d’un licenciement antisyndical. La commission prie donc instamment le gouvernement de prendre sans délai supplémentaire des mesures adéquates pour garantir la tenue d’enquêtes indépendantes, rapides et approfondies sur ces allégations, dans le cadre de procédures efficaces et rapides présentant toutes les garanties d’une procédure régulière. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes mesures prises à ce sujet.
Pouvoirs d’exception continuant d’être utilisés pour licencier des syndicalistes. Dans son commentaire précédent, la commission avait prié le gouvernement de faire part de ses commentaires concernant l’observation de la KESK d’après laquelle, bien que l’état d’urgence soit levé, les gouverneurs et les ministères ont continué à utiliser l’article provisoire 35 du décret-loi d’urgence no 375, licenciant, le 29 novembre 2021, 21 enseignants membres de l’EĞİTİM SEN de Diyarbakir. La commission note que le gouvernement n’a fourni aucun commentaire à ce sujet. Elle note que, dans ses observations de 2023, la KESK affirme de nouveau que le gouvernement a adopté la loi no 7145 portant modification de lois et de décrets d’urgence qui permet aux gouverneurs d’exercer des pouvoirs d’exception, y compris de procéder à des licenciements. Compte tenu de l’absence de voies de recours efficaces et rapides contre les licenciements prononcés pendant l’état d’urgence dont il a été pris note, la commission prend note avec préoccupation des informations d’après lesquelles les pouvoirs d’exception continuent d’être exercés et prie de nouveau le gouvernement de faire part de ses commentaires à ce sujet.
Article 1. Protection adéquate contre les licenciements antisyndicaux. Secteur privé. Dans son commentaire précédent, la commission avait noté qu’en vertu de la législation en vigueur: i) les autorités judiciaires ne pouvaient en aucun cas ordonner à un employeur du secteur privé qu’il réintègre un salarié; ii) l’article 25(4) de la loi no 6356 (loi sur les syndicats et les conventions collectives) fixait un montant minimum pour «l’indemnité syndicale» en cas d’acte de discrimination antisyndicale autre que le licenciement, qui correspond au salaire annuel du travailleur, mais, en cas de licenciement antisyndical, la loi ne fixait ni montant minimum ni plafond; la question semblant être laissée à la discrétion de l’autorité judiciaire; et iii) le gouvernement n’a fait référence à aucune autre pénalité ou sanction existante pour les licenciements antisyndicaux, et l’article 78 de la loi no 6356 concernant le volet pénal était muet sur la discrimination antisyndicale. La commission note que, d’après le gouvernement, les dispositions de la loi sur le travail no 4857 concernant les licenciements injustifiés sont conçues dans le droit fil de la convention (no 158) sur le licenciement, 1982, qui n’impose pas non plus la réintégration. Le gouvernement ajoute que, quand il déclare la nullité d’un licenciement, le tribunal doit également indiquer le montant de l’indemnité à verser si le travailleur n’est pas réintégré, en tenant compte de son parcours professionnel, de son ancienneté et de la nature du motif de licenciement allégué. En ce qui concerne les sanctions applicables à la discrimination antisyndicale, le gouvernement déclare que la violation des articles 17, 19 et 25 de la loi no 6356 est passible de dommages et intérêts et d’amende administrative et que l’article 25 de ladite loi règlemente la réintégration et les actions en dommages et intérêts intentées contre l’employeur en cas de discrimination antisyndicale concernant l’emploi, les conditions de travail et la cessation de la relation d’emploi. En outre, l’article 118 du Code pénal (no 5237) dispose que quiconque emploie la force ou la menace à l’égard d’une personne afin de la contraindre à s’affilier ou non à un syndicat, à participer aux activités d’un syndicat ou à quitter son poste dans un syndicat ou à la direction d’un syndicat, encourt entre six mois et deux ans de prison. Le gouvernement conclut que la législation prévoit suffisamment de protection contre les actes discriminatoires et de sanctions dissuasives en la matière, et qu’il est conseillé aux syndicalistes de se prévaloir des voies de recours administratives et judiciaires disponibles. La commission rappelle que son commentaire ne concernait pas l’ensemble des actes discriminatoires mais expressément les licenciements antisyndicaux. Elle note que l’amende administrative prévue à l’article 78(1)(c) de la loi no 6356 punit l’affiliation de force dans un syndicat, en violation de l’article 17, et le fait de contraindre une personne à rester membre ou à démissionner d’un syndicat, en violation de l’article 19. Par conséquent, cette sanction ne concerne pas les licenciements antisyndicaux. Il en va de même pour l’article 118 du Code pénal. S’agissant du montant de l’indemnité versée au travailleur licencié pour des motifs antisyndicaux, la commission note que, si la règle générale sur les licenciements injustifiés (article 21 de la loi sur le travail) dispose que, s’il refuse de réintégrer le travailleur licencié, l’employeur doit lui verser une indemnité équivalente à quatre à huit mois de salaire, l’article 25(5) de la loi no 6356 qui règlemente expressément les licenciements antisyndicaux dispose simplement qu’en cas de «rupture du contrat de travail au motif d’activités syndicales», une «indemnité syndicale», qui ne peut être cumulée avec l’indemnité prévue à l’article 21 de la loi sur le travail, doit être ordonnée. Compte tenu de ce qui précède, la commission note que la loi ne contient aucun élément sur le montant de l’«indemnité syndicale». Ainsi, la commission note que: i) la législation ne contient aucune sanction administrative ou pénale applicable en cas de licenciement antisyndical; ii) l’employeur peut légalement refuser d’appliquer une ordonnance judiciaire de réintégration et choisir de verser l’indemnité correspondant à quatre à huit mois de salaire ou l’«indemnité syndicale»; et iii) la détermination du montant de l’«indemnité syndicale» est laissée à la discrétion du juge. La commission rappelle de nouveau à cet égard qu’elle a toujours considéré que la réintégration devrait au moins faire partie de l’éventail des mesures pouvant être ordonnées par les autorités judiciaires en cas de discrimination antisyndicale; que l’efficacité des dispositions légales interdisant les actes de discrimination antisyndicale dépend également des sanctions prévues, qui doivent être efficaces et suffisamment dissuasives; et que l’indemnité doit avoir pour objet de compenser pleinement, tant sur le plan financier que professionnel, le préjudice subi. La commission rappelle par ailleurs les recommandations formulées à cet égard par le Comité de la liberté syndicale dans le cadre du cas no 3410. La commission prie donc instamment le gouvernement, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, de prendre des mesures appropriées pour adopter des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives contre les licenciements antisyndicaux dans le secteur privé. La commission prie également le gouvernement de collecter et de fournir des informations concernant la pratique judiciaire au moment de déterminer le montant de l’indemnité accordée aux travailleurs licenciés pour des motifs antisyndicaux. En dernier lieu, la commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires sur l’observation de la CSI alléguant le licenciement sommaire de 180 travailleurs, tous membres du Syndicat turc des travailleurs de l’industrie du bois et du papier (AGAC-IS), après qu’un tribunal eut ordonné à l’entreprise d’engager des négociations avec le syndicat, en juin 2022.
Discrimination antisyndicale dans le secteur public. Dans son commentaire précédent, la commission avait prié le gouvernement d’indiquer si la loi permet de sanctionner les personnes responsables de discrimination antisyndicale dans le secteur public et si une indemnité peut être accordée aux victimes. La commission note que, d’après le gouvernement, l’article 18 de la loi no 4688 interdit la discrimination antisyndicale, notamment les mutations et les licenciements, et que l’article 38/b de cette même loi dispose que la violation des articles 8, 14, 16 et 17 de la loi est passible d’une amende. Le gouvernement mentionne de nouveau l’article 118 du Code pénal et dit qu’il s’applique également aux syndicats du secteur public. Rappelant que l’article 1 de la convention impose une protection adéquate contre tous actes de discrimination antisyndicale «en matière d’emploi», la commission note que l’amende prévue à l’article 38/b de la loi no 4688 ne semble pas être applicable aux actes de discrimination antisyndicale en matière d’emploi dans la mesure où cet article ne couvre pas les violations visées à l’article 18 de la loi qui interdit de tels actes. En outre, comme noté précédemment, il en va de même pour l’article 118 du Code pénal. La commission note également que le gouvernement ne mentionne pas d’autre disposition légale qui permettrait d’accorder une indemnité aux travailleurs du secteur public étant l’objet de discrimination antisyndicale. La commission ne peut donc que noter que la législation ne prévoit pas d’indemnisation pour les victimes de discrimination antisyndicale (y compris, le licenciement), ni toute sanction à l’endroit des personnes responsables de discrimination antisyndicale. Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, de prendre des mesures appropriées pour faire en sorte que la loi soit modifiée en vue d’assurer une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale dans le secteur public, en accordant une compensation complète pour le préjudice subi, du point de vue tant professionnel que financier, et en prévoyant des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes mesures prises à ce sujet et de faire part de ses commentaires au sujet des observations de la KESK alléguant la mutation antisyndicale de dix membres de ses affiliés.
Collecte de données sur la discrimination antisyndicale dans les secteurs privé et public. La commission rappelle que, dans le cadre du suivi des recommandations de juin 2013 de la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail, dans lesquelles la Commission de la Conférence avait prié le gouvernement de mettre en place un système de compilation des données sur les actes de discrimination antisyndicale dans les secteurs privé et public, elle avait prié le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cette fin. La commission note que, d’après le gouvernement, compte tenu des procédures judiciaires et de la durée des cas, les difficultés liées au suivi et à l’enregistrement des informations nécessaires sont considérables. Pour obtenir des données précises et fiables sur la discrimination antisyndicale, les institutions concernées devraient apporter des changements importants à ce sujet dans leurs registres et leurs bases de données, notamment en règlementant, en améliorant et en développant l’infrastructure et les systèmes d’enregistrement des bases de données institutionnelles. Il est de ce fait actuellement impossible d’obtenir des données fiables sur la discrimination antisyndicale. Notant avec regret que le gouvernement ne fait pas part de progrès sur cette question, la commission insiste de nouveau sur la nécessité de prendre des mesures concrètes en vue d’établir un système de collecte de données sur la discrimination antisyndicale et attend du gouvernement qu’il fournisse, dans son prochain rapport, des informations sur les faits nouveaux et les progrès à ce sujet.
Article 2. Protection adéquate contre tous actes d’ingérence. Prime à la convention collective. La commission prend note des observations du SAHİM-SEN et de la réponse du gouvernement concernant la pratique de la «prime à la convention collective». La commission note que le SAHİM-SEN a été créé en 2016 et qu’il compte 990 membres. Le syndicat affirme qu’en vertu de l’article 4 supplémentaire du décret-loi no 375, tel que modifié par l’article 11 de la loi no 7429 portant modification de la loi sur le marché de l’électricité (publication: décembre 2022), la prime à la convention collective n’est versée qu’aux membres de syndicats de fonctionnaires qui comptent pour au moins 2 pour cent du nombre total de fonctionnaires pouvant s’affilier à un syndicat dans un secteur donné. Le syndicat allègue qu’il perd ses membres, car ils ne perçoivent pas ces primes en étant membres d’un petit syndicat. La commission note que le gouvernement déclare que les membres de syndicats dont le nombre d’affiliés atteint le seuil des 2 pour cent et dont les cotisations sont prélevées sur leur salaire ou leur traitement, reçoivent la prime à la convention collective, tandis que les membres des autres syndicats touchent une «aide à la convention collective», moins élevée. Le gouvernement ajoute que cette modification visait à œuvrer au renforcement du syndicalisme des fonctionnaires afin de garantir la liberté syndicale et les conventions collectives et que cela a un effet positif sur le taux de syndicalisation, qui est passé, après adoption de cette modification, de 72,63 pour cent à 74,54 pour cent. La commission prend note des informations fournies. Tout en notant que, dans certains pays, les syndicats peuvent recevoir, en vertu de la législation applicable, un financement public proportionnel à leur degré de représentativité, la commission prie le gouvernement de préciser le motif pour lequel ces sommes sont versées directement aux membres des syndicats.
Article 4. Promotion de la négociation collective. Négociation intersectorielle. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que si la négociation intersectorielle débouchant sur des «protocoles d’accord-cadre de conventions collectives du secteur public» était possible dans le secteur public, ce n’était pas le cas dans le secteur privé. La commission avait prié le gouvernement d’engager un nouveau processus de consultation avec les partenaires sociaux, en vue de modifier l’article 34 de la loi no 6356, afin de garantir que les parties du secteur privé qui le souhaitent puissent conclure des accords intersectoriels régionaux ou nationaux sans entrave. La commission note que le gouvernement dit de nouveau que le système actuel est le produit d’un système de relations professionnelles ancien et bien établi en Türkiye et qu’il n’empêche pas les parties qui le souhaitent de conclure un accord sectoriel aux niveaux régional et national. Les articles 2, 33 et 34 de la loi no 6356 instituent les conventions collectives au niveau du lieu de travail, les conventions collectives au niveau de l’entreprise (la compagnie), les conventions collectives au niveau d’un groupe (plusieurs employeurs) et les accords-cadres, et les partenaires sociaux étaient parvenus à un consensus sur la protection de ce système au moment de l’élaboration de la loi. La commission rappelle que sa demande concernant la modification de la loi se fonde sur le principe selon lequel la négociation collective devrait être possible à tous les niveaux et une législation qui imposerait unilatéralement un niveau de négociation ou fixerait impérativement celui-ci à un niveau déterminé poserait des problèmes de compatibilité avec la convention. Dans la pratique, cette question relève essentiellement de la volonté des parties qui sont les mieux placées pour décider du niveau de négociation le plus approprié, y compris, si elles le souhaitent, en adoptant un système mixte d’accords-cadres complétés par des conventions locales ou des accords d’entreprise (voir l’Étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 222).La loi ne devrait donc pas restreindre la possibilité de négocier à tous niveaux et laisser aux parties la possibilité de décider, en toute autonomie, si elles le souhaitent. Par conséquent, la commission prie de nouveau le gouvernement d’envisager d’engager un nouveau processus de consultation avec les partenaires sociaux, en vue de modifier l’article 34 de la loi no 6356, afin de garantir que les parties du secteur privé qui le souhaitent puissent conclure des accords intersectoriels régionaux ou nationaux sans entrave. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tous faits nouveaux à ce sujet.
Conditions requises pour devenir un agent de négociation. Secteur privé. Détermination du syndicat le plus représentatif et droits des syndicats minoritaires. La commission rappelle que l’article 41(1) de la loi no 6356 énonce la condition suivante pour devenir un agent de négociation collective au niveau de l’entreprise: le syndicat doit représenter au moins 1 pour cent des travailleurs engagés dans la branche d’activité considérée, et plus de 50 pour cent des travailleurs en poste sur le lieu de travail et 40 pour cent des travailleurs de l’entreprise pour participer à la négociation collective. Dans son commentaire précédent, la commission avait noté que l’abaissement en 2015, de 3 à 1 pour cent, du seuil de représentativité au niveau de la branche pour devenir un agent de négociation collective au niveau de l’entreprise avait un impact positif sur le taux de syndicalisation et avait estimé que la suppression du seuil de représentativité au niveau de la branche aurait un impact positif similaire sur le taux de syndicalisation ainsi que sur la capacité des syndicats, en particulier des syndicats indépendants qui ne sont pas affiliés à de grandes confédérations, à utiliser les mécanismes de négociation collective. La commission avait donc prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour engager le processus de consultation avec les partenaires sociaux en vue de supprimer le seuil au niveau de la branche. La commission note que, d’après le gouvernement, les libertés syndicales ne se limitent pas au droit de négociation collective. Il existe d’autres outils permettant aux syndicats d’atteindre l’objectif de protection et de développement des droits économiques et sociaux, ainsi que des intérêts des salariés. Le gouvernement renvoie à un arrêt de 2015 de la Cour constitutionnelle d’après lequel le seuil à 1 pour cent évite une concurrence destructrice entre les syndicats et permet à des syndicats puissants de devenir parties aux conventions collectives, et ce taux n’impose pas de fardeau excessif et extraordinaire aux salariés, car compter sur des syndicats indépendants et puissants en tant que partie à des conventions collectives permettra aux salariés de jouir plus efficacement des droits syndicaux. Le gouvernement ajoute que, d’après le communiqué du ministère du Travail et de la Sécurité sociale sur les statistiques, en date du 31 juillet 2023, la Türkiye compte 228 syndicats, dont 106 sont affiliés à sept confédérations syndicales et 122 sont indépendants. Soixante syndicats franchissent le seuil de 1 pour cent fixé pour la négociation collective, dont 54 sont affiliés aux trois grandes confédérations que sont la TÜRK-İŞ, la Confédération des syndicats turcs authentiques (HAK-İŞ) et la DİSK. Le gouvernement dit de nouveau qu’il est prêt à examiner des propositions visant à modifier les articles 34 et 41/1 de la loi no 6356 si les partenaires sociaux parviennent à un consensus à ce sujet. La commission prend également note des observations de la DİSK selon lesquelles: i) le seuil de 1 pour cent de représentation du secteur n’est pas nécessaire et les seuils fixés à 40 et à 50 pour cent au niveau du lieu de travail sont trop élevés, en particulier compte tenu du niveau de syndicalisation dans le pays; ii) le seuil sectoriel de 1 pour cent dans le pays devrait être supprimé et les seuils de 40 et 50 pour cent au niveau de l’entreprise réduits; iii) lorsqu’aucun syndicat n’atteint ce seuil, les droits de négociation collective devraient être accordés à tous les syndicats, au moins au nom de leurs membres, comme recommandé par la commission; et iv) lorsque les droits de négociation collective seront exclusivement accordés à un syndicat, le syndicat majoritaire devrait être désigné par un vote à bulletin secret. La commission note que, d’après les informations soumises par le gouvernement, en 2023, 26,3 pour cent de tous les syndicats turcs ont franchi le seuil de 1 pour cent, le taux s’élevant à 50,94 pour cent chez les affiliés des grandes confédérations, mais seulement à 4,09 pour cent chez les syndicats indépendants. Par conséquent, la commission observe que près des trois quarts des syndicats du pays ne rempliraient pas les conditions nécessaires pour devenir agent de négociation collective en raison de l’application du seuil sectoriel de 1 pour cent. Compte tenu du fait que la loi ne prévoit pas de solutions pour la négociation collective lorsqu’aucun syndicat ne remplit les conditions fixées en droit pour devenir un agent de négociation collective, la commission constate que ces trois quarts ne peuvent pas participer à la négociation collective, même dans les lieux de travail où aucun syndicat ne remplit ces conditions. La commission note donc que les différentes règles régissant la reconnaissance d’organisations aux fins de négociation collective ne sont pas propices au développement de la négociation collective dans le pays. À ce sujet, la commission note que, d’après ILOSTAT, en 2019, 7,4 pour cent des salariés de Türkiye étaient couverts par une convention collective. Compte tenu de ce qui précède, la commission prie de nouveau instamment le gouvernement, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, de prendre les mesures appropriées pour: i) modifier l’article 41(1) de la loi no 6356 de manière à ce qu’un plus grand nombre d’organisations de travailleurs puisse s’engager dans la négociation collective avec les employeurs; et ii) modifier la législation pour faire en sorte que, lorsqu’un syndicat ne remplit pas les conditions nécessaires pour devenir un agent de négociation exclusif, les syndicats minoritaires soient au moins en mesure de conclure une convention collective ou un accord direct au nom de leurs membres. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur toutes mesures prises à ce sujet. La commission prie aussi le gouvernement de continuer à fournir des informations sur le nombre de syndicats dans le pays, en indiquant lesquels franchissent le seuil sectoriel de 1 pour cent, ainsi que sur le nombre de conventions collectives conclues et en vigueur.
Contestations judiciaires de l’accréditation d’un agent de négociation collective. Dans son commentaire précédent, la commission avait prié le gouvernement de faire part de ses commentaires sur les questions soulevées par la DİSK au sujet de la procédure judiciaire engagée lorsqu’un employeur conteste le certificat de syndicat majoritaire, procédure qui peut prendre six à sept ans, au cours de laquelle le processus de négociation collective reste en suspens et à l’issue de laquelle le syndicat peut avoir perdu sa majorité. La commission prend note des indications du gouvernement qui détaillent les différentes étapes de la contestation et disent que les délais de procédure sont très courts: 15 jours pour contester, 15 jours pour que le tribunal local statue, un mois pour l’examen en appel et un mois pour l’examen en cassation. Le législateur a fixé à trois mois la période totale de la procédure de contestation, car l’exercice d’un droit constitutionnel ne devrait être ni empêché ni retardé. Le gouvernement ajoute néanmoins que, même si le ministère, dans la lettre d’habilitation, indique l’adresse du lieu de travail ou de la direction régionale auquel l’entreprise est affiliée et le tribunal compétent, les parties saisissent un tribunal du travail qui n’a pas compétence en l’espèce, ce qui rallonge la période de contestation judiciaire. En dernier lieu, le gouvernement indique que la Cour de cassation a instauré l’imposition d’amendes administratives afin de prévenir cela. Prenant bonne note des informations fournies par le gouvernement et insistant sur les éventuels effets négatifs que de longues procédures peuvent avoir sur le développement de la négociation collective, la commission prie le gouvernement de suivre de près les procédures de contestation, en vue de prévenir et de punir les abus.
Articles 4 et 6. Droits de négociation collective des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État. Portée matérielle de la négociation collective. La commission avait noté dans ses précédents commentaires que l’article 28 de la loi no 4688, telle que modifiée en 2012, limitait le champ d’application des conventions collectives aux seuls «droits sociaux et financiers», excluant de ce fait les questions telles que la durée de travail, la promotion, le développement des carrières et les mesures disciplinaires, et avait prié le gouvernement de supprimer ces restrictions à la portée matérielle de la négociation collective dans le secteur public. La commission note que la modification apportée en 2012 a largement élargi la portée matérielle de la négociation collective dans le secteur public et permis aux syndicats et aux confédérations de fonctionnaires de participer et d’intervenir dans les décisions et l’élaboration des décisions, auparavant unilatéralement endossées par les autorités publiques. Nombre d’améliorations concernant les droits financiers et sociaux des fonctionnaires ont été apportées grâce à ce processus. Par ailleurs, des progrès ont également été accomplis sur d’autres points, notamment les droits en matière de congé, l’instauration d’une amnistie disciplinaire, l’abolition de la pratique consistant à rompre la relation d’emploi avec une personne ayant reçu un blâme pendant la période d’essai, la présence des représentants syndicaux aux comités disciplinaires et les modalités importantes concernant les fonctionnaires en situation de handicap. La commission prend également note des observations de la KESK et de la KAMU-SEN à ce sujet, d’après lesquelles le cadre de négociation collective pour les fonctionnaires limite les négociations aux droits économiques et ne permet pas d’examiner d’autres aspects de la vie professionnelle. La commission note que la KESK affirme que, par exemple, aucune séance n’est consacrée à l’examen des besoins et des demandes des fonctionnaires publiques dans la vie professionnelle et sur les lieux de travail. La commission prend bonne note des informations fournies et prie le gouvernement d’indiquer le champ matériel exact de la négociation collective concernant les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État et les dispositions juridiques correspondantes.
Négociation collective dans le secteur public. Participation des syndicats de branche les plus représentatifs. La commission rappelle qu’en vertu de l’article 29 de la loi no 4688, la Délégation des employeurs publics (PED) et la Délégation des syndicats d’employés des services publics (PSUD) sont parties aux conventions collectives conclues dans le service public. Même si les syndicats les plus représentatifs de la branche sont représentés au sein de la PSUD et prennent part aux négociations au sein des comités techniques de branche, leur rôle au sein de la PSUD est restreint dans la mesure où ils ne sont pas habilités à faire des propositions pour les conventions collectives, notamment lorsque leurs revendications sont qualifiées de générales ou applicables à plus d’une branche. Dans son commentaire précédent, la commission avait prié le gouvernement de veiller à ce que la loi no 4688 et son application dans la pratique permettent aux syndicats les plus représentatifs de chaque branche de faire des propositions pour les conventions collectives, y compris sur des questions qui peuvent intéresser plus d’une branche, pour les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État. La commission note que le gouvernement répète les indications qu’il avait fournies au sujet du rôle que jouent les syndicats de branche représentatifs au sein du comité technique créé pour chaque branche. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le rôle que jouent les syndicats de branche les plus représentatifs au sein de la Délégation des syndicats d’employés des services publics en ce qui concerne la conclusion de conventions collectives applicables à plusieurs branches d’activité.
Conseil d’arbitrage des salariés du secteur public. Dans son commentaire précédent, la commission avait prié le gouvernement d’envisager de revoir, en consultation avec les partenaires sociaux, le mode de désignation des membres du Conseil afin de démontrer plus clairement son indépendance et son impartialité et de gagner la confiance des parties. La commission note que le gouvernement se contente de répéter, à ce sujet, que le président du Conseil d’arbitrage est désigné parmi les présidents, les vice-présidents ou les chefs de service de la Cour de cassation, du Conseil d’État (Cour suprême pour les juridictions administratives) et de la Cour suprême en matière de comptes publics. Ces hautes juridictions et leurs magistrats ne sont pas liés hiérarchiquement au pouvoir exécutif et jouissent de l’indépendance judiciaire nécessaire. En outre, les autres membres du Conseil ne représentent pas la confédération concernée ou l’employeur public mais décident au nom de l’ensemble du pays. La commission prend également note de l’observation de la KESK d’après laquelle le septième cycle de négociation collective, qui s’est déroulé en août 2023, s’est terminé sur un renvoi au Conseil d’arbitrage, où il a été décidé que l’offre du gouvernement était juste et aucun changement n’a été apporté en faveur des salariés du secteur public. En dernier lieu, la commission prend note des observations de la KAMU-SEN d’après lesquelles, à ce jour, le Conseil d’arbitrage n’a validé que les propositions de la partie employeur public ce qui, d’après le syndicat, confirme les préoccupations entourant l’impartialité du président du Conseil d’arbitrage. Rappelant que le Président de la République nomme non seulement le président mais aussi sept des 11 membres du Conseil d’arbitrage des salariés du secteur public et que le gouvernement est aussi l’employeur dans le secteur public, et qu’il est donc partie aux négociations sur lesquelles le Conseil d’arbitrage doit se prononcer, la commission note avec regret le manque de progrès sur ce point et prie de nouveau instamment le gouvernement d’envisager de revoir, en consultation avec les partenaires sociaux, le mode de désignation des membres du Conseil d’arbitrage et de fournir des informations sur les mesures prises à ce sujet.
La commission note avec une profonde préoccupation l’absence d’action de la part du gouvernement pour donner suite à ses différentes observations en matière de protection contre la discrimination antisyndicale. La commission regrette en particulier de noter que: i) sept ans après la tentative de coup d’État, les fonctionnaires qui affirment que leur licenciement, prononcé en application des décrets-lois d’urgence, était motivé par des raisons antisyndicales, n’ont toujours pu avoir accès à une procédure efficace, rapide et équitable en mesure de les protéger de manière adéquate contre un licenciement antisyndical; ii) le gouvernement n’a toujours pas pris les mesures demandées pour adopter des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives contre les licenciements antisyndicaux tant dans le secteur privé que le secteur public; iii) elle continue de recevoir de fréquentes allégations de discrimination antisyndicale. La commission souligne qu’il est de la plus haute importance d’adopter, en consultation avec les partenaires sociaux, des mesures immédiates pour donner pleine application à l’article 1 de la convention. À la lumière de ce qui précède, la commission estime que ce cas répond aux critères énoncés au paragraphe 109 de son rapport général pour être invité à se présenter devant la Conférence.
[ Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 112 e   session et de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2024 .]

Observation (CEACR) - adoptée 2022, publiée 111ème session CIT (2023)

La commission prend note des observations de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), reçues le 31 août 2022; ainsi que de celles de la Confédération syndicale internationale (CSI), et de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DİSK), reçues le 1er septembre 2022, qui concernent les questions examinées dans le présent commentaire, et de la réponse du gouvernement à ces observations. La commission prend également note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TISK), communiquées avec le rapport du gouvernement.
La commission note en outre que le Comité de la liberté syndicale a attiré son attention sur les aspects législatifs du cas 3410 (Rapport no 399, juin 2022, paragr. 352). Ces questions sont examinées ci-après.
Articles 1 à 6 de la convention. Champ d’application de la convention. Personnel pénitentiaire. La commission avait noté dans ses précédents commentaires que le personnel pénitentiaire ne jouissait pas du droit d’organisation, même s’il était couvert par les conventions collectives conclues dans la fonction publique comme tous les autres fonctionnaires. Le gouvernement indique à cet égard que: i) les dispositions pertinentes des conventions ratifiées sur la liberté syndicale et la négociation collective ont été prises en compte lors de l’élaboration de la loi no 4688; ii) l’article 15 exclut du droit de constituer des syndicats et de s’y affilier les personnes travaillant dans des organisations d’importance stratégique et occupant des postes qui recourent aux pouvoirs de la police et aux services de renseignement de l’État, y compris le personnel pénitentiaire; et iii) cette disposition a été rédigée en tenant compte du fait que l’interruption de certains services publics ne peut être compensée, comme la sécurité, la justice et la haute fonction publique. La commission note avec préoccupation qu’en dépit des observations qu’elle formule depuis longtemps au titre des conventions nos 87 et 98, le gouvernement ne fait état d’aucun progrès concernant la reconnaissance du droit syndical du personnel pénitentiaire. Elle rappelle à cet égard qu’aux termes de la convention no 98, le personnel pénitentiaire a le droit de négociation collective, ce qui inclut le droit d’être représenté dans les négociations par l’organisation de son choix. Notant l’indication du gouvernement concernant une éventuelle «perturbation» des services assurés par les catégories de travailleurs exclus au titre de l’article 15, la commission rappelle que le droit de constituer des organisations et de s’y affilier, ainsi que de négocier collectivement par l’intermédiaire de l’organisation de son choix, doit être distingué du droit de grève. La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, notamment la révision de l’article 15 de la loi no 4688, en vue de garantir que le personnel pénitentiaire peut effectivement être représenté par les organisations de son choix dans les négociations collectives. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur tous les progrès réalisés à cet égard.
Travailleurs suppléants et fonctionnaires dépourvus de contrat de travail écrit. Dans son précédent commentaire, la commission avait noté que ces catégories de travailleurs sont exclues du champ d’application de la loi no 4688 et avait prié le gouvernement de fournir des informations détaillées sur leur liberté syndicale et leur droit de négociation collective. Le gouvernement indique que l’article 51 de la Constitution reconnaît le droit de se syndiquer comme un droit constitutionnel aux travailleurs, aux employeurs et aux fonctionnaires. Les fonctionnaires sont définis à l’article 3(a) de la loi no 4688 et les personnes travaillant à titre de remplaçants dans les institutions publiques (travailleurs suppléants) ne peuvent être employées dans aucun cadre ou poste visé à l’article 3(a), et ne peuvent donc pas être membres des syndicats établis en application de la loi no 4688. Prenant note des indications du gouvernement et considérant que les dispositifs relatifs au travail de suppléance concernent notamment les travailleurs des secteurs publics de l’éducation et de la santé, tels que les enseignants, les sage-femmes et les infirmières, la commission rappelle qu’en vertu des articles 5, paragraphe 1, et article 6 de la convention, seuls les «membres des forces armées et de la police» et les «fonctionnaires commis à l’administration de l’État» peuvent être exemptés des garanties consacrées par la convention et que le statut contractuel des employés du secteur public, ou l’absence de statut contractuel, ne devrait pas affecter la jouissance de leurs droits au titre de la convention. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, notamment législatives, pour que ces catégories de travailleurs puissent exercer leur droit d’organisation et de négociation collective, soit en leur permettant de s’affilier à des organisations constituées en vertu de la loi no 4688, soit en leur offrant un cadre dans lequel ils peuvent constituer leurs propres organisations. Elle prie en outre le gouvernement de fournir des informations sur toute mesure prise à cet égard.
Articles 1, 2 et 3 de la convention. Licenciements en masse dans le secteur public en application des décrets adoptés pendant l’état d’urgence. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté qu’à la suite de la tentative de coup d’État de 2016, un nombre élevé de syndicalistes et de responsables syndicaux avaient fait l’objet de suspensions et de licenciements dans le cadre de l’état d’urgence et qu’une commission d’enquête avait été créée pour examiner les plaintes déposées contre les mesures prises dans ce contexte, dont les décisions pouvaient faire l’objet d’un recours devant les tribunaux administratifs. La commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de demandes reçues de la part de syndicalistes et sur le nombre et l’issue des recours en cas de décision négative de la commission d’enquête les concernant, et de répondre aux allégations concernant les cas de licenciement de membres du Syndicat des travailleurs de l’éducation et de la science de Turquie (EĞİTİM SEN). Le gouvernement indique à cet égard que: i) le licenciement de fonctionnaires, qui peut inclure certains représentants syndicaux en vertu des décrets sur l’état d’urgence, est fondé sur leur appartenance, leur affiliation ou leur lien avec des organisations terroristes; ii) les décisions de la commission d’enquête peuvent faire l’objet d’un recours devant neuf chambres du tribunal administratif d’Ankara qui sont spécifiquement mandatées par le Conseil des juges et des procureurs; iii) au 27 mai 2022, la commission avait reçu 127 130 demandes et rendu des décisions concernant 124 235 cas, le nombre de demandes dont l’examen est toujours en cours s’élevant donc à 2 985. Dans les 33 mois qui ont suivi le début de l’activité de la commission, 87 pour cent des demandes ont été examinées; iv) 106 970 demandes ont été rejetées et 17 265 ont été jugées recevables. Sur ce dernier nombre, 61 demandes concernent l’ouverture d’organisations qui ont été fermées, y compris des associations; v) il n’y a pas de données statistiques sur le nombre de représentants syndicaux concernés par les décrets d’état d’urgence ou ceux qui ont saisi la justice. Cependant, deux confédérations et dix syndicats dissous en raison de leur lien avec l’organisation terroriste FETO ont saisi la commission d’enquête et leurs cas sont toujours en instance; vi) selon les chiffres figurant dans l’observation de l’Internationale de l’éducation, le taux des membres de l’EĞİTİM SEN ayant été réintégrés est beaucoup plus élevé que le taux moyen (38,5 pour cent et 11,5 pour cent respectivement), ce qui montre qu’il n’y a pas de discrimination à l’égard des membres de l’EĞİTİM SEN. La commission prend également note des observations de la KESK à cet égard, signalant que: i) au total, 4 267 membres de la KESK issus de tous les secteurs publics ont été licenciés en application des décrets émis pendant l’état d’urgence; ii) plus de cinq ans après les licenciements, plusieurs demandes de syndicalistes et dirigeants syndicaux licenciés de la KESK sont toujours en instance devant la commission d’enquête. L’organisation allègue que le retard dans l’examen de leurs demandes est délibéré et précise que la procédure complète, y compris l’appel, peut prendre jusqu’à dix ans; iii) les membres de la KESK qui avaient signé la pétition appelant à la fin des combats en Anatolie de l’Est et du Sud-Est six mois avant la tentative de coup d’État, et qui ont ensuite été licenciés en application des décrets adoptés pendant l’état d’urgence, ont eu gain de cause devant la Cour constitutionnelle le 26 juillet 2019. La Cour a souligné qu’aucune sanction ne peut être imposée à ces universitaires pour avoir signé la pétition; toutefois, la commission d’enquête n’a pas pris ce jugement en considération; iv) il n’existe aucune base légale pour accuser les membres de la KESK de lien avec des organisations terroristes ou toute autre organisation menant des activités contre la sécurité nationale. Les licenciements ont eu lieu de manière arbitraire et les employés n’ont pas été informés des accusations à leur encontre et n’ont pas pu se défendre. Ils ne peuvent toujours pas bénéficier d’un quelconque mécanisme transparent pour contester les prétendues preuves présentées contre eux; et v) bien que l’état d’urgence soit levé, les gouverneurs et les ministères ont continué à utiliser l’article provisoire 35 du décret-loi d’urgence no 375, licenciant, le 29 novembre 2021, 21 enseignants membres de l’EĞİTİM SEN de Diyarbakir. La commission note avec un profond regret, qu’une fois de plus, malgré les demandes répétées de la commission, le gouvernement ne fournit pas d’informations sur le nombre de cas concernant des syndicalistes dont sont saisis la commission d’enquête et les tribunaux administratifs, ni sur l’issue de ces affaires. Dans ce contexte, la commission prend note avec préoccupation des observations de la KESK concernant le retard pris par la commission d’enquête dans l’examen des demandes de syndicalistes, et les problèmes signalés concernant les droits de la défense, l’examen des preuves et la charge de la preuve. La commission rappelle à cet égard qu’une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale exige des procédures efficaces et rapides, garantissant sans délai des enquêtes indépendantes, rapides et approfondies sur les allégations. Étant donné que le gouvernement continue à déclarer que les licenciements et les suspensions sont fondés sur des liens présumés avec des organisations terroristes, et compte tenu de l’allégation de la KESK selon laquelle il n’existe pas de mécanisme transparent permettant aux agents publics de contester les preuves retenues contre eux, la commission rappelle fermement que dans les procédures concernant des allégations de discrimination antisyndicale, faire peser sur les travailleurs la charge de prouver que l’acte en question a eu lieu à la suite d’une discrimination antisyndicale peut constituer un obstacle insurmontable pour établir la responsabilité et garantir un recours efficace. Compte tenu de ce qui précède, la commission exprime le ferme espoir que la commission d’enquête et les tribunaux administratifs qui examinent ses décisions statueront avec soin et diligence sur les motifs de licenciement des syndicalistes et des dirigeants syndicaux du secteur public et ordonneront la réintégration des syndicalistes licenciés pour des motifs antisyndicaux. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur la manière dont les preuves sont examinées et la charge de la preuve appliquée dans les affaires concernant des syndicalistes devant la commission d’enquête et les tribunaux administratifs. Elle prie aussi à nouveau instamment le gouvernement de fournir des informations détaillées et précises sur le nombre et l’issue des demandes concernant des syndicalistes et des responsables syndicaux en cours devant la commission d’enquête, ainsi que sur le nombre et l’issue des recours contre les décisions rejetant ces demandes. Enfin, la commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires concernant l’allégation selon laquelle les pouvoirs d’exception continuent à être utilisés pour licencier des syndicalistes.
Article 1. Protection inadéquate contre les licenciements antisyndicaux. Secteur privé. La commission note que le cas no 3410 soumis au Comité de la liberté syndicale concerne en partie la question de l’insuffisance des recours juridiques offerts aux victimes de licenciements antisyndicaux dans le secteur privé. Elle note que les dispositions légales en question sont l’article 21(1) de la loi sur le travail (loi no 4857) et l’article 25(5) de la loi sur les syndicats et les conventions collectives de travail (loi no 6356). La commission note que l’article 21(1) de la loi no 4857 dispose ce qui suit:
Si le juge ou l’arbitre conclut que le licenciement est injustifié [...], l’employeur doit réengager le salarié dans un délai d’un mois. Si l’employeur ne réintègre pas le salarié à son poste alors que ce dernier en fait la demande, l’employeur devra lui verser une indemnité qui ne peut être inférieure à quatre mois de salaire ni supérieure à huit mois de salaire.
L’article 25 (5) de la loi no 6356 dispose ce qui suit:
Lorsqu’il a été établi que le contrat de travail a été résilié en raison d’activités syndicales, une indemnité syndicale est ordonnée indépendamment de toute demande de réintégration du salarié et de la décision de l’employeur de l’autoriser à réintégrer son poste ou de s’y opposer, conformément à l’article 21 de la loi no 4857. Toutefois, au cas où le travailleur n’est pas autorisé à reprendre le travail, l’indemnité prévue au premier paragraphe de l’article 21 de la présente loi no 4857 ne s’applique pas. Le fait de ne pas saisir la justice comme le prévoient les dispositions susmentionnées de la loi no 4857 ne constitue pas un obstacle pour le travailleur à réclamer séparément une indemnité syndicale.
La commission note également que le gouvernement, dans sa réponse aux allégations de l’organisation plaignante devant le Comité de la liberté syndicale, réitère que la législation nationale ne contient aucune disposition prévoyant la réintégration inconditionnelle au travail, et prévoit plutôt le droit de l’employeur de choisir d’engager à nouveau le salarié ou de lui verser une indemnité supplémentaire; en outre, selon le gouvernement, en vertu du droit civil, aucun employeur ne doit être contraint d’engager un travailleur. La commission prend également note des observations de la DİSK à ce sujet, indiquant que l’incapacité des tribunaux à ordonner à l’employeur de réintégrer les travailleurs licenciés permet à certains employeurs de se débarrasser plus facilement du syndicat sur le lieu de travail en licenciant simplement tous les membres actifs du syndicat. La DİSK se réfère également à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Tek Gıda İş Sendikası v. Türkiye, dans lequel la Cour a déduit du refus de l’employeur de réintégrer les salariés licenciés et de l’octroi d’indemnités insuffisantes pour dissuader l’employeur de procéder à des licenciements abusifs, que la loi nationale, tel qu’appliquée par les juridictions, n’imposait pas de sanctions suffisamment dissuasives pour l’employeur qui, selon la Cour, en procédant à des licenciements massifs abusifs, a réduit à néant les droits du syndicat requérant. La commission prend également note des allégations de la CSI, indiquant que les syndicalistes en Turquie vivent sous la menace constante de représailles, toute tentative de former des syndicats étant dissuadée par le licenciement des organisateurs syndicaux. La CSI et la DİSK font tous deux réfèrent, dans leurs observations, à de nombreux cas de licenciements antisyndicaux dans différents secteurs. La commission rappelle que, dans ses observations précédentes, elle avait également noté de nombreuses allégations de discrimination antisyndicale, notamment des licenciements, dans la pratique. Compte tenu des indications récurrentes dénonçant la fréquence des licenciements antisyndicaux, la commission ne peut que constater que les voies de recours et sanctions juridiques disponibles contre les licenciements antisyndicaux ne semblent pas avoir un réel effet dissuasif. La commission note à cet égard qu’en vertu de la loi actuelle: i) les autorités judiciaires ne peuvent en aucun cas ordonner à un employeur du secteur privé qu’il réintègre un salarié; ii) l’article 25(4) de la loi no 6356 fixe un montant minimum pour «l’indemnité syndicale» en cas d’actes de discrimination antisyndicale autres que le licenciement, qui est le salaire annuel du travailleur, mais en cas de licenciement antisyndical, la loi ne fixe ni montant minimum ni plafond. La question semble être laissée à la discrétion de l’autorité judiciaire; et iii) le gouvernement ne fait référence à aucune autre pénalité ou sanction existante pour les licenciements antisyndicaux, et l’article 78 de la loi no 6356 concernant le volet pénal est muet sur la discrimination antisyndicale. La commission rappelle à cet égard qu’elle a toujours considéré que la réintégration devrait au moins faire partie de l’éventail des mesures pouvant être ordonnées par les autorités judiciaires en cas de discrimination antisyndicale; que l’efficacité des dispositions légales interdisant les actes de discrimination antisyndicale dépend également des sanctions prévues, qui doivent être efficaces et suffisamment dissuasives; et que l’indemnité doit avoir pour objet de compenser pleinement, tant sur le plan financier que professionnel, le préjudice subi. Compte tenu de ce qui précède, la commission prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour réviser la législation, en vue d’assurer une protection adéquate contre les licenciements antisyndicaux dans le secteur privé. Dans l’attente de la réforme législative, la commission exprime le ferme espoir que les autorités judiciaires tiendront compte des principes susmentionnés lorsqu’elles exerceront leur pouvoir discrétionnaire pour déterminer le montant de l’«indemnité syndicale». La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tout fait nouveau à cet égard.
Discrimination antisyndicale dans le secteur public. La commission prend note des observations de la KESK, qui dénonce une fois de plus de nombreux cas de discrimination antisyndicale à l’encontre de syndicalistes et de dirigeants syndicaux, dont 35 mutations, 6 suspensions et 7 cas de mesures disciplinaires administratives comprenant des obstacles à la promotion et une réprimande. Selon les observations, les travailleurs ont fait appel de plusieurs de ces mesures, les procédures étant toujours en cours. La commission prend également note des commentaires du gouvernement sur ces allégations, indiquant que i) les fonctionnaires ont le droit de déposer des plaintes ou d’engager des procédures contre les actes de leurs supérieurs ou des organisations publiques; ii) la KESK ne fournit aucun motif plausible pouvant établir l’existence d’une discrimination antisyndicale et; iii) toutes les institutions publiques citées dans les observations de la KESK 2021 ont informé le ministère du Travail et de la Sécurité sociale (MOL&SS) que les mutations de personnel étaient rendues nécessaires par les exigences du service. Le gouvernement donne les indications suivantes concernant la protection contre la discrimination antisyndicale dans le secteur public: i) l’article 18 de la loi sur les syndicats de fonctionnaires et les conventions collectives (loi no 4688) interdit la discrimination antisyndicale à l’encontre des fonctionnaires, y compris les licenciements et les mutations; ii) les circulaires du Premier ministre introduisent des mesures pour lutter contre le mobbing sur les lieux de travail publics et privés et établissent une ligne d’assistance téléphonique; iii) le bureau de l’ombudsman est habilité à enquêter sur la discrimination antisyndicale dans le secteur public, à effectuer des inspections et à rédiger des rapports annuels qu’il peut publier et présenter au parlement, mais n’a pas le pouvoir d’imposer des amendes administratives. La commission rappelle qu’elle a toujours insisté sur la nécessité d’adopter des dispositions formelles reconnaissant clairement la protection de tous les fonctionnaires et employés du secteur public qui ne sont pas commis à l’administration de l’État (y compris ceux qui ne sont pas des responsables syndicaux) contre les actes de discrimination antisyndicale, et de prévoir des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives contre les responsables de tels actes. La commission note qu’à part une référence à l’article 118 du Code pénal, visant le délit de contrainte en matière d’affiliation et d’activités syndicales, le gouvernement ne mentionne aucune sanction susceptible être imposée aux auteurs de discrimination antisyndicale dans le secteur public, ni d’indemnité pouvant être accordée aux victimes. Par conséquent, la commission prie le gouvernement d’indiquer si la loi permet de sanctionner les personnes responsables de discrimination antisyndicale dans le secteur public et si une indemnité peut être accordée aux victimes. Si la loi ne contient pas de telles dispositions, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, pour faire en sorte que la loi soit modifiée en vue d’assurer une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale dans le secteur public. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur tout progrès réalisé à cet égard.
Collecte de données sur la discrimination antisyndicale dans les secteurs privé et public. La commission rappelle que, suite aux recommandations formulées en juin 2013 par la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail, qui priait le gouvernement de mettre en place un système de compilation de données sur les actes de discrimination antisyndicale dans les secteurs privé et public, elle avait prié le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cette fin. La commission note avecregret que le gouvernement ne fait état d’aucun progrès à cet égard. La commission souligne à nouveau la nécessité de prendre des mesures concrètes pour mettre en place le système de collecte de ces informations et attend du gouvernement qu’il fournisse dans son prochain rapport des informations sur toutes les mesures prises et tout progrès réalisés à cet égard.
Article 4. Promotion de la négociation collective. Négociation intersectorielle. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que si la négociation intersectorielle débouchant sur des «protocoles d’accord-cadre de conventions collectives du secteur public» était possible dans le secteur public, ce n’était pas le cas dans le secteur privé. La commission avait prié le gouvernement de considérer, en consultation avec les partenaires sociaux, la possibilité de modifier l’article 34 de la loi no 6356, de manière à ce qu’il ne restreigne pas la possibilité pour les parties dans le secteur privé de conclure des accords intersectoriels au niveau régional ou national, si elles le souhaitent. La commission note que le gouvernement réaffirme que le système existant est le produit d’un système de relations professionnelles bien établi depuis longtemps en Turquie et qu’il n’empêche pas les parties qui le souhaitent de conclure des accords au niveau régional et national, et ajoute que le MOL&SS est prêt à prendre en considération les propositions d’amendement qui devront être soumises conjointement par les partenaires sociaux concernant l’article 34, si les partenaires sociaux parviennent à un consensus à ce sujet. La commission note en outre l’observation de la TISK à cet égard, indiquant que l’article 34 est appliqué tel quel depuis longtemps et que, dans leurs discussions précédant l’adoption de la loi no 6356, les partenaires sociaux sont parvenus à un consensus sur le maintien du système existant. La commission prie le gouvernement d’envisager de prendre les mesures nécessaires pour engager un nouveau processus de consultation avec les partenaires sociaux, en vue de modifier l’article 34 de la loi no 6356, afin de garantir que les parties du secteur privé qui souhaitent conclure des accords intersectoriels régionaux ou nationaux puissent le faire sans entrave. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard.
Conditions requises pour devenir un agent de négociation. Secteur privé. Triple seuil requis. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que l’article 41(1) de la loi no 6356 énonçait la condition suivante pour devenir un agent de négociation collective: le syndicat doit représenter au moins 1 pour cent des travailleurs engagés dans la branche d’activité considérée, et plus de 50 pour cent des travailleurs en poste sur le lieu de travail et 40 pour cent des travailleurs de l’entreprise qui devrait être couvert par la convention collective. La commission rappelle que cette question a également été soulevée dans le cadre du cas no 3021 examiné par le Comité de la liberté syndicale. La commission avait prié le gouvernement de continuer à surveiller l’impact du maintien du seuil de 1 pour cent au niveau des branches sur le mouvement syndical et le mécanisme national de négociation collective dans son ensemble, et de fournir des informations à cet égard. Le gouvernement indique à cet égard qu’en juillet 2022, on comptait 218 syndicats en Turquie, dont 60, y compris cinq syndicats indépendants, dépassaient le seuil de 1 pour cent requis pour la négociation collective. Il y avait sept confédérations avec 105 syndicats affiliés, dont 55 syndicats qui dépassent le seuil de 1 pour cent. Le taux de syndicalisation dans le secteur privé est passé de 10,56 pour cent en janvier 2015, lorsque le seuil sectoriel a été ramené à 1 pour cent, à 14,32 pour cent en janvier 2022. Le gouvernement ajoute que le MOL&SS est prêt à prendre en considération les propositions d’amendement qui seront faites conjointement par les partenaires sociaux concernant l’article 41(1) si les partenaires sociaux parviennent à un consensus sur ces changements. La commission note également que la TISK considère que l’octroi du droit de négociation collective aux syndicats non habilités en vertu de la législation actuelle perturbera la paix industrielle existante, car la rivalité syndicale empêche souvent les syndicats d’agir ensemble, ce qui peut compromettre la conclusion de conventions collectives. La commission note également que la DISK indique à cet égard que les syndicats minoritaires devraient avoir le droit de représenter au moins leurs membres. La commission note que, selon les informations soumises par le gouvernement, seuls 27,5 pour cent de tous les syndicats turcs franchissent le seuil de 1 pour cent, le taux étant de 52,4 pour cent parmi les affiliés des grandes confédérations, mais seulement de 4,4 pour cent parmi les syndicats indépendants. Elle note en outre que l’abaissement du seuil au niveau de la branche en 2015 a eu un impact positif sur le taux de syndicalisation. La commission veut croire que la suppression du seuil de représentativité au niveau de la branche aura un impact positif similaire sur le taux de syndicalisation ainsi que sur la capacité des syndicats, en particulier des syndicats indépendants, à utiliser les mécanismes de négociation collective. La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour engager le processus de consultation avec les partenaires sociaux, en vue de modifier l’article 41(1) de la loi no 6356 de manière à ce qu’un plus grand nombre d’organisations de travailleurs puissent s’engager dans la négociation collective avec les employeurs. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard.
Détermination du syndicat le plus représentatif et droits des syndicats minoritaires. En ce qui concerne les seuils de représentativité sur le lieu de travail et dans l’entreprise, la commission avait noté dans ses précédents commentaires l’article 42(3) de la loi no 6356, qui prévoit que lorsque aucun syndicat ne satisfait aux conditions d’habilitation à la négociation collective, toute partie ayant sollicité l’attribution de cette compétence doit en être avisée. Elle avait également noté que l’article 45(1) dispose qu’une convention conclue sans le certificat d’habilitation est nulle et non avenue. Tout en notant le principe d’«une seule convention pour un lieu de travail ou une entreprise» adopté par la législation turque, la commission avait rappelé qu’en vertu d’un système de désignation d’un agent négociateur exclusif, si aucun syndicat n’atteint le pourcentage requis de travailleurs pour être déclaré agent négociateur exclusif, tous les syndicats de l’unité considérée, conjointement ou séparément, doivent pouvoir participer à la négociation collective, tout au moins au nom de leurs propres membres. La commission avait souligné qu’en autorisant la négociation conjointe des syndicats minoritaires, la loi pouvait adopter une approche plus favorable au développement de la négociation collective sans compromettre le principe d’«une seule convention pour un lieu de travail ou une entreprise». La commission note avec regret que le gouvernement ne fournit pas d’informations sur un quelconque progrès à cet égard. La commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la législation, en consultation avec les partenaires sociaux, afin de garantir que, si aucun syndicat n’atteint le pourcentage requis de travailleurs pour être déclaré agent de négociation exclusif, tous les syndicats de l’unité considérée, conjointement ou séparément, doivent pouvoir participer à la négociation collective, tout au moins au nom de leurs propres membres. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes les mesures prises ou envisagées à cet égard.
Contestations judiciaires de l’accréditation d’un agent de négociation collective. La commission prend note des observations de la DİSK indiquant que les employeurs ont le droit de contester le certificat de syndicat majoritaire délivré par le ministère du Travail et que, dans l’attente de l’issue de la procédure judiciaire, qui peut prendre 6 à 7 ans, le processus de négociation collective reste en suspens. La DİSK fait référence au cas de l’un de ses affiliés, Birleşik Metal-İş Union, qui a été impliqué dans 98 affaires judiciaires de ce type entre 2012 et 2020. Selon la DİSK, à l’issue de ces procédures, très souvent, le syndicat a déjà perdu sa majorité sur le lieu de travail. La commission note en outre que, selon les observations de la DİSK, les litiges relatifs à la détermination de la branche d’activité dont relève le lieu de travail peuvent également donner lieu à de longues procédures judiciaires qui entravent la négociation collective. Notant les éventuels effets négatifs que la multiplication de longues procédures judiciaires peut avoir sur le développement de la négociation collective, la commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires sur les questions soulevées par la DİSK.
Articles 4 et 6. Droits de négociation collective des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État. Portée matérielle de la négociation collective. La commission avait noté dans ses précédents commentaires que l’article 28 de la loi no 4688, telle que modifiée en 2012, limitait le champ d’application des conventions collectives aux seuls «droits sociaux et financiers», excluant de ce fait les questions telles que la durée de travail, la promotion, le développement des carrières et les mesures disciplinaires, et avait prié le gouvernement de supprimer ces restrictions à la portée matérielle de la négociation collective dans le secteur public. La commission note avec regret que le gouvernement ne fait état d’aucun progrès à cet égard. Elle se voit donc obligée de rappeler une fois de plus que, si la convention est compatible avec des systèmes exigeant l’approbation par les autorités compétentes de certaines clauses de conventions collectives qui ont trait aux conditions de travail ou aux conditions financières dans le secteur public, les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État doivent bénéficier des garanties prévues par la convention et donc pouvoir négocier collectivement leurs conditions d’emploi, et que des mesures prises unilatéralement par les autorités pour restreindre le champ des questions négociables sont souvent incompatibles avec la convention. Compte tenu de la compatibilité avec la convention des modalités spéciales de négociation dans le secteur public mentionnées ci-dessus, la commission prie de nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soient abrogées les restrictions concernant les questions soumises à la négociation collective, de sorte que le champ concret des droits de négociation collective des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État soit pleinement conforme à la convention.
Négociation collective dans le secteur public. Participation des syndicats de branche les plus représentatifs. La commission rappelle que dans son commentaire précédent, elle avait noté que, en vertu de l’article 29 de la loi no 4688, la Délégation des employeurs publics (PED) et la Délégation des syndicats d’employés des services publics (PSUD) sont parties aux conventions collectives conclues dans le service public. Même si les syndicats les plus représentatifs de la branche sont représentés au sein de la PSUD et prennent part aux négociations au sein des comités techniques de branche, leur rôle au sein de la PSUD est restreint dans la mesure où ils ne sont pas habilités à faire des propositions de conventions collectives, notamment lorsque leurs revendications sont qualifiées de générales ou applicables à plus d’une branche. Le gouvernement indique à cet égard que les propositions de conventions collectives pour chaque branche de service sont déterminées séparément par les syndicats compétents dans chaque branche et que ces propositions sont ensuite discutées au sein des comités techniques créés séparément pour chaque branche. Ces comités travaillent de façon indépendante les uns des autres et la conclusion d’une convention dans une branche ne signifie pas nécessairement que les autres branches sont dans l’obligation d’en conclure une également. La commission note que les indications du gouvernement ne font pas état de nouveaux développements concernant le rôle des syndicats de branche représentatifs au sein de la PSUD. Elle se voit donc dans l’obligation de prier à nouveau le gouvernement de veiller à ce que la loi no 4688 et son application dans la pratique permettent aux syndicats les plus représentatifs de chaque branche de faire des propositions pour les conventions collectives, y compris sur des questions qui peuvent intéresser plus d’une branche, pour les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État. La commission prie le gouvernement d’indiquer toute évolution à cet égard.
Conseil d’arbitrage des salariés du secteur public. Dans son précédent commentaire, la commission avait noté qu’en cas d’échec des négociations dans le secteur public, le président de la PED (le ministre du Travail), au nom de l’administration publique, et le président de la PSUD, agissant au nom des salariés du secteur public, peuvent saisir le Conseil d’arbitrage des salariés du secteur public. Les décisions de ce conseil sont définitives et ont le même effet et la même force que la convention collective. La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour restructurer la composition du Conseil d’arbitrage des salariés du secteur public ou le mode de désignation de ses membres de façon à démontrer plus clairement son indépendance et son impartialité et gagner la confiance des parties. Le gouvernement indique à cet égard que le président du conseil est désigné par le président parmi les présidents, vice-présidents ou chefs de service de la Cour de cassation, du Conseil d’État (Cour suprême pour les juridictions administratives) et de la Cour suprême en matière de comptes publics. Selon le gouvernement, ces hautes juridictions et leurs magistrats ne sont pas liés hiérarchiquement au pouvoir exécutif et jouissent de l’indépendance judiciaire nécessaire. En outre, les autres membres du Conseil ne représentent pas la confédération concernée ou l’employeur public mais décident au nom de l’ensemble du pays. La commission note toutefois que le Président de la République désigne non seulement le président, mais aussi sept des onze membres du Conseil. Elle prend également note de l’observation de la KESK, qui indique que cela signifie que la plupart des membres du conseil sont désignés par le gouvernement. La commission note à cet égard que le gouvernement étant également l’employeur dans le secteur public, il est donc partie aux négociations sur lesquelles le conseil doit se prononcer. La commission prie donc une nouvelle fois le gouvernement d’envisager de revoir, en consultation avec les partenaires sociaux, le mode de désignation des membres du Conseil afin de démontrer plus clairement son indépendance et son impartialité et de gagner la confiance des parties.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2023.]

Observation (CEACR) - adoptée 2021, publiée 110ème session CIT (2022)

La commission prend note des observations de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), reçues le 1er septembre 2021, et de la réponse du gouvernement à ce sujet. La commission prend note également des observations de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-IS), communiquées avec le rapport du gouvernement. La commission prend enfin note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK), reçues le 7 septembre 2021, qui se réfèrent aux questions soulevées par la commission ci-dessous.
Champ d’application de la convention. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que si le personnel pénitentiaire, comme tous les autres fonctionnaires, était couvert par les conventions collectives conclues dans la fonction publique, cette catégorie de travailleurs ne jouissait pas du droit d’organisation (article 15 de la loi sur les syndicats de fonctionnaires et les conventions collectives (loi no 4688)). Rappelant que tous les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État ou qui ne sont pas membres des forces armées ou de la police, définies de manière restrictive, doivent jouir des droits conférés par la convention, la commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris en révisant l’article 15 de la loi no 4688, en vue de garantir que le personnel pénitentiaire peut effectivement être représenté par les organisations de son choix dans les négociations qui le concernent. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle l’article 15 de la loi a été rédigé en tenant compte des dispositions de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978. Tout en rappelant ses commentaires au titre de la convention no 87 concernant le droit du personnel pénitentiaire de se syndiquer, la commission rappelle une fois encore qu’aux termes de la convention no 98, le droit de négociation collective ne peut être refusé qu’aux membres des forces armées, de la police et aux fonctionnaires directement commis à l’administration de l’État; le simple fait d’être employé par le gouvernement n’exclut pas automatiquement ces travailleurs des droits consacrés par la convention. La commission prie donc à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris la révision législative de l’article 15 de la loi no 4688, en vue de garantir que le personnel pénitentiaire peut effectivement être représenté par les organisations de son choix dans les négociations qui touchent à ses droits et intérêts. La commission prie le gouvernement d’indiquer tous les progrès réalisés à cet égard.
La commission avait prié le gouvernement de communiquer ses commentaires concernant l’observation formulée par la Confédération des syndicats de la fonction publique (MEMUR-SEN) sur la nécessité de garantir la liberté syndicale et le droit de négociation collective aux travailleurs suppléants (enseignants, infirmières, sages-femmes, etc.) ainsi qu’aux employés publics dépourvus de contrat de travail écrit. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle la loi no 4688 s’applique aux fonctionnaires, alors que les travailleurs suppléants n’entrent pas dans le champ d’application de cette loi puisqu’ils ne sont pas considérés comme des fonctionnaires. Rappelant que les travailleurs suppléants, ainsi que les personnes occupées dans la fonction publique sans contrat de travail écrit, doivent bénéficier des droits consacrés par la convention, la commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur la liberté syndicale et les droits de négociation collective accordés à ces catégories de travailleurs.
Articles 1, 2 et 3 de la convention. Licenciements en masse dans le secteur public en application des décrets adoptés pendant l’état d’urgence. La commission rappelle que, dans ses commentaires précédents, elle avait pris note des informations relatives au nombre important de suspensions et de licenciements de syndicalistes et de responsables syndicaux dans le cadre de l’état d’urgence et avait réitéré son ferme espoir que la commission d’enquête et les tribunaux administratifs qui révisent ses décisions examinent attentivement les motifs de licenciement des syndicalistes et des responsables syndicaux dans le secteur public et ordonnent la réintégration des syndicalistes licenciés pour des motifs antisyndicaux. La commission avait prié le gouvernement de fournir des informations spécifiques sur le nombre de demandes reçues de la part de syndicalistes et de responsables syndicaux, sur le résultat de leur examen par la commission d’enquête et sur le nombre et l’issue des recours en cas de décision négative de la commission concernant des syndicalistes et des responsables syndicaux. La commission note que, selon les informations fournies par le gouvernement, au 28 mai 2021, 126 674 demandes ont été soumises à la commission d’enquête. Depuis le 22 décembre 2017, la commission a rendu ses décisions concernant 115 130 demandes, parmi lesquelles 14 072 ont été acceptées pour réintégration et 101 058 ont été rejetées, tandis que 11 544 demandes sont toujours en instance. Tout en prenant note des statistiques générales fournies par le gouvernement, la commission regrette une fois de plus l’absence d’informations spécifiques sur le nombre de syndicalistes et de responsables syndicaux concernés. La commission note avec préoccupation le nombre élevé de cas de rejet (actuellement près de 88 pour cent) et regrette en outre l’absence d’informations concernant le nombre et l’issue des recours contre les décisions négatives de la commission d’enquête concernant des syndicalistes et des responsables syndicaux. Réaffirmant que, conformément à l’article 1 de la convention, la commission d’enquête et les tribunaux administratifs qui révisent ses décisions doivent examiner avec soin les motifs pour lesquels les syndicalistes et responsables syndicaux du secteur public ont été licenciés et ordonner la réintégration des syndicalistes licenciés pour discrimination antisyndicale, la commission prie à nouveau instamment le gouvernement de fournir des informations détaillées et spécifiques concernant le nombre et l’issue des recours contre les décisions négatives de la commission d’enquête concernant les syndicalistes et les responsables syndicaux. Toujours à cet égard, la commission rappelle qu’elle avait exprimé sa préoccupation devant l’allégation de l’Internationale de l’éducation (IE) selon laquelle près de 75 pour cent des membres du Syndicat des travailleurs de l’enseignement et de la science de Turquie (EĞİTİM SEN) licenciés de la fonction publique étaient toujours sans emploi. La commission regrette qu’aucune information n’ait été fournie par le gouvernement sur cette grave allégation et le prie à nouveau de communiquer ses commentaires à ce sujet.
Article 1. Discrimination antisyndicale dans la pratique. La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait noté de nombreuses allégations de discrimination antisyndicale dans la pratique, malgré l’existence d’un cadre législatif visant à protéger contre la discrimination antisyndicale. La commission avait prié le gouvernement de continuer à dialoguer avec les partenaires sociaux au sujet des plaintes de discrimination antisyndicale dans les secteurs privé et public. La commission regrette qu’aucune nouvelle information n’ait été fournie par le gouvernement à cet égard et que, au contraire, le gouvernement se réfère une fois de plus au cadre législatif existant qui, selon lui, protège de manière adéquate contre la discrimination antisyndicale. La commission note que, dans ses observations, la KESK allègue de nouveaux cas de mutations et de changements de lieu d’affectation de ses membres. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle toutes les mutations mentionnées par la KESK ont été rendues nécessaires par les exigences du service et que toute discrimination antisyndicale serait contraire à la législation nationale. Le gouvernement souligne que des recours judiciaires sont disponibles pour toutes les personnes concernées. Soulignant que les garanties énoncées dans la convention resteront lettre morte si la législation nationale n’est pas respectée dans la pratique, la commission réitère donc sa demande précédente et demande au gouvernement de fournir des informations sur les mesures concrètes prises pour engager un dialogue avec les partenaires sociaux sur la question de la discrimination antisyndicale dans la pratique.
En outre, la commission rappelle que, suite aux recommandations formulées en juin 2013 par la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail, qui priait le gouvernement de mettre en place un système de compilation de données sur les actes de discrimination antisyndicale signalés dans les secteurs public et privé, elle avait prié le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cette fin. La commission note que le gouvernement réaffirme qu’il n’est actuellement pas possible d’obtenir des données fiables sur les cas de discrimination antisyndicale, et signale les difficultés que pose la collecte de données, notamment la longueur des procédures judiciaires et la nécessité d’apporter des changements considérables aux registres et bases de données de diverses institutions. Tout en étant pleinement consciente des difficultés mentionnées ci-dessus, la commission souligne une fois de plus l’importance des informations statistiques pour que le gouvernement s’acquitte de son obligation de prévenir, surveiller et sanctionner les actes de discrimination antisyndicale. La commission insiste sur la nécessité de prendre des mesures concrètes pour mettre en place le système de collecte de ces informations et attend du gouvernement qu’il fournisse dans son prochain rapport des informations sur toutes les mesures prises à cette fin.
Article 4. Promotion de la négociation collective. Négociation intersectorielle. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que si la négociation intersectorielle débouchant sur des «protocoles d’accord-cadre de conventions collectives du secteur public» était possible dans le secteur public, ce n’était pas le cas dans le secteur privé. Elle avait noté à cet égard que, en vertu de l’article 34 de la loi no 6356, une convention collective de travail peut couvrir un ou plusieurs lieux de travail dans une même branche d’activité, ce qui rend impossible la négociation intersectorielle dans le secteur privé. La commission avait prié le gouvernement de considérer, en consultation avec les partenaires sociaux, la possibilité de modifier l’article 34 de la loi no 6356, de manière à ce qu’il ne restreigne pas la possibilité pour les parties de conclure des accords intersectoriels au niveau régional ou national dans le secteur privé, si elles le souhaitent. La commission note que le gouvernement réaffirme que la loi no 6356 a été élaborée en tenant compte des points de vue des partenaires sociaux et qu’elle ne limite pas la négociation collective au niveau du lieu de travail ou d’un seul employeur. Le gouvernement indique à cet égard que toute modification des dispositions actuelles ne peut résulter que de la volonté conjointe et des demandes des partenaires sociaux. La commission prend note de l’indication de la TİSK selon laquelle les conventions collectives peuvent couvrir un grand nombre de lieux de travail aux niveaux local, régional et national, dans les mêmes branches et que, selon la TİSK, la réglementation actuelle est appropriée et renforce la paix sociale.
Tout en prenant note de ces explications, la commission rappelle une fois de plus que, conformément à l’article 4 de la convention, la négociation collective doit rester possible à tous les niveaux et que la législation ne doit pas imposer de restrictions à cet égard. La commission reconnaît que, si la recherche d’un consensus en matière de négociation collective est importante, elle ne peut constituer un obstacle à l’obligation du gouvernement de mettre la loi et la pratique en conformité avec la convention. La commission prie donc à nouveau le gouvernement d’envisager, en consultation avec les partenaires sociaux, de modifier l’article 34 de la loi no 6356 afin que les parties du secteur privé qui souhaitent conclure des accords régionaux ou nationaux intersectoriels puissent le faire sans entrave. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard.
Conditions requises pour devenir un agent de négociation. La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait noté que l’article 41(1) de la loi no 6356 énonce la condition suivante pour devenir un agent de négociation collective: le syndicat doit représenter au moins 1 pour cent des travailleurs engagés dans la branche d’activité considérée, et plus de 50 pour cent des travailleurs en poste sur le lieu de travail et 40 pour cent des travailleurs de l’entreprise doivent être couverts par la convention collective. En outre, la commission rappelle que des dérogations aux dispositions légales quant au seuil de représentativité au niveau de la branche ont été accordées jusqu’au 12 juin 2020 aux syndicats préalablement habilités, afin d’éviter la perte de leur habilitation aux fins de la négociation collective. Notant que la dérogation provisoire a expiré le 12 juin 2020, la commission avait prié le gouvernement d’indiquer si une nouvelle prorogation avait été décidée et, dans le cas contraire, de fournir des informations sur l’impact de la non-prorogation sur la capacité des organisations précédemment habilitées à négocier collectivement et d’indiquer le statut des conventions collectives conclues par celles-ci. Elle priait également le gouvernement de continuer à observer l’impact du maintien du seuil de 1 pour cent au niveau des branches sur le mouvement syndical et le mécanisme national de négociation collective dans son ensemble, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, et de fournir des informations à cet égard.
La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle, parmi les syndicats bénéficiant de la dérogation jusqu’à la mi-2020, un seul syndicat a dépassé le seuil. Le gouvernement souligne toutefois que les travailleurs n’ont pas été laissés sans syndicat lorsque la dérogation n’a pas été prorogée, car il existe plus d’un syndicat dans chaque branche d’activité dont les effectifs dépassent les seuils et qu’il est possible pour les travailleurs de s’affilier à ces syndicats dans la branche où ils travaillent. La commission prend note des informations statistiques sur le nombre de conventions collectives auxquelles sont parties les syndicats ayant bénéficié de la dérogation. La commission note que la TİSK considère que l’octroi aux syndicats non habilités du droit de négociation collective portera atteinte au système turc de relations industrielles et perturbera la compétitivité et la paix industrielle existante. Rappelant les préoccupations exprimées par plusieurs organisations de travailleurs au sujet du maintien du double seuil, la commission prie le gouvernement de continuer à surveiller l’impact de l’exigence du seuil de branche de 1 pour cent sur le mouvement syndical et le mécanisme national de négociation collective dans son ensemble, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, et de fournir des informations à cet égard.
En ce qui concerne les seuils de représentativité sur le lieu de travail et de l’entreprise, la commission avait pris note de l’article 42 (3) de la loi no 6356, qui prévoit que lorsque aucun syndicat ne satisfait aux conditions d’habilitation à la négociation collective, toute partie ayant sollicité l’attribution de cette compétence doit en être avisée. Elle avait également noté l’article 45(1), qui dispose qu’une convention conclue sans le certificat d’habilitation est nulle et non avenue. Tout en notant le principe d’«une seule convention pour un lieu de travail ou une entreprise» adopté par la législation turque, la commission avait rappelé qu’en vertu d’un système de désignation d’un agent négociateur exclusif, si aucun syndicat n’atteint le pourcentage requis de travailleurs pour être déclaré agent négociateur exclusif, tous les syndicats de l’unité considérée, conjointement ou séparément, doivent pouvoir participer à la négociation collective, tout au moins au nom de leurs propres membres. La commission avait souligné qu’en autorisant la négociation conjointe des syndicats minoritaires, la loi pouvait adopter une approche plus favorable au développement de la négociation collective sans compromettre le principe d’«une seule convention pour un lieu de travail ou une entreprise». La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la législation, en consultation avec les partenaires sociaux, afin de garantir que, si aucun syndicat n’atteint le pourcentage requis de travailleurs pour être déclaré agent négociateur exclusif, tous les syndicats de l’unité considérée, conjointement ou séparément, doivent pouvoir participer à la négociation collective, tout au moins au nom de leurs propres membres. Le gouvernement réitère qu’il examinera la proposition de modification de la législation si elle est présentée par les partenaires sociaux et si cette proposition fait l’objet d’un consensus. Rappelant une fois de plus que si la recherche d’un consensus en matière de négociation collective est importante, elle ne saurait constituer un obstacle à l’obligation du gouvernement de mettre la loi et la pratique en conformité avec la convention, la commission prie à nouveau le gouvernement de modifier la législation et de fournir des informations sur toutes les mesures prises ou envisagées à cet égard.
Articles 4 et 6. Droits de négociation collective des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État. Portée matérielle de la négociation collective. La commission avait précédemment noté que l’article 28 de la loi no 4688, telle que modifiée en 2012, limitait le champ d’application des conventions collectives aux seuls «droits sociaux et financiers», excluant de ce fait les questions telles que la durée de travail, l’avancement, le développement des carrières et les mesures disciplinaires. La commission note que le gouvernement indique que les questions qui concernent les fonctionnaires en général, mais qui ne sont pas couvertes par les conventions collectives, sont inscrites à l’ordre du jour du Conseil consultatif du personnel de la fonction publique. La commission se voit donc obligée de rappeler une fois de plus que, si la convention est compatible avec des systèmes exigeant l’approbation par les autorités compétentes de certaines clauses de conventions collectives qui ont trait aux conditions de travail ou aux conditions financières dans le secteur public, les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État doivent bénéficier des garanties prévues par la convention et donc pouvoir négocier collectivement leurs conditions d’emploi, et que des mesures prises unilatéralement par les autorités pour restreindre le champ des questions négociables sont souvent incompatibles avec la convention. Compte tenu de la compatibilité avec la convention des modalités spéciales de négociation dans le secteur public mentionnées ci-dessus, la commission prie de nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soient abrogées les restrictions concernant les questions soumises à la négociation collective afin que le champ concret des droits de négociation collective des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État soit pleinement conforme à la convention.
Négociation collective dans le secteur public. Participation des syndicats de branche les plus représentatifs. Dans son précédent commentaire, la commission avait noté que, en vertu de l’article 29 de la loi no 4688, la Délégation des employeurs du secteur public (PED) et la Délégation des syndicats d’employés des services publics (PSUD) sont parties aux conventions collectives conclues dans le service public. À cet égard, les propositions relatives à la partie générale de la convention collective étaient établies par les membres de la confédération de la PSUD et les propositions afférentes aux conventions collectives pour chaque branche de service étaient élaborées par les membres représentatifs des syndicats de branche de la PSUD. La commission avait également pris note des observations de la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (Türkiye KAMU-SEN) indiquant que de nombreuses propositions émanant de syndicats habilités de la branche étaient acceptées en tant que propositions afférentes à la partie générale de la convention collective, ce qui signifiait qu’elles devaient être présentées par une confédération conformément aux dispositions de l’article 29, et que ce procédé privait les syndicats de branche de la faculté d’exercer directement leur droit de faire des propositions. Constatant que si les syndicats les plus représentatifs de la branche étaient représentés au sein de la PSUD et prenaient part aux négociations au sein des comités techniques de branche, leur rôle au sein de la PSUD était restreint dans la mesure où ils n’étaient pas habilités à faire des propositions de conventions collectives, en particulier lorsque leurs revendications étaient qualifiées de générales ou applicables à plus d’une branche, la commission avait prié le gouvernement de faire en sorte que ces syndicats puissent formuler des propositions générales. Tout en prenant note de l’explication détaillée du gouvernement concernant la composition de la PSUD, la commission prie à nouveau le gouvernement de veiller à ce que la loi no 4688 et son application dans la pratique permettent aux syndicats les plus représentatifs de chaque branche de faire des propositions pour les conventions collectives, y compris sur des questions qui peuvent intéresser plus d’une branche, pour les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État. La commission prie le gouvernement d’indiquer toute évolution à cet égard.
Conseil d’arbitrage des salariés du secteur public. Dans son précédent commentaire, la commission avait noté que, conformément aux articles 29, 33 et 34 de la loi no 4688, en cas d’échec des négociations dans le secteur public, le président de la PED (le ministre du Travail), au nom de l’administration publique, et le président de la PSUD, agissant au nom des salariés du secteur public, peuvent saisir le Conseil d’arbitrage des salariés du secteur public. Les décisions de ce conseil sont définitives et ont le même effet et la même force qu’une convention collective. La commission avait noté que sept des onze membres du Conseil d’arbitrage, y compris le président, étaient désignés par le Président de la République et avait estimé qu’une telle procédure de sélection pouvait susciter des doutes quant à l’indépendance et à l’impartialité du Conseil. La commission avait donc prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour restructurer la composition du Conseil d’arbitrage des salariés du secteur public ou le mode de désignation de ses membres de façon à démontrer plus clairement son indépendance et son impartialité et gagner la confiance des parties. La commission note que le gouvernement se contente de faire référence à l’article 34 de la loi no 4688, qui détermine la composition et les procédures de travail du Conseil. La commission prie donc à nouveau le gouvernement d’envisager de revoir, en consultation avec les partenaires sociaux, le mode de nomination des membres du Conseil afin de démontrer plus clairement son indépendance et son impartialité et de gagner la confiance des parties.
La commission rappelle que le gouvernement peut se prévaloir de l’assistance technique du BIT en ce qui concerne les questions soulevées ci-dessus.

Observation (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission prend note des observations de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), reçues le 31 août 2020, de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 16 septembre 2020, de l’Internationale de l’éducation (IE), reçues le 1er octobre 2020, et des réponses détaillées du gouvernement à celles-ci. Elle prend note, en outre, des observations de la Confédération des syndicats de la fonction publique (MEMUR-SEN) et de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK İŞ), jointes au rapport du gouvernement. La commission prend note de la réponse du gouvernement aux observations communiquées par la TÜRK İŞ. La commission prend enfin note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK), reçues le 29 septembre 2020.
Champ d’application de la convention. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que si le personnel pénitentiaire, à l’instar d’autres fonctionnaires, était couvert par les conventions collectives conclues dans la fonction publique, cette catégorie de travailleurs ne bénéficiait pas du droit d’organisation (art. 15 de la loi (no 4688) sur les syndicats de fonctionnaires et les conventions collectives). La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris par la révision de textes de loi, en vue de garantir que le personnel pénitentiaire peut effectivement être représenté par les organisations de son choix dans les négociations qui le concernent. La commission note que le gouvernement réitère qu’il est interdit à cette catégorie de créer des syndicats et d’y adhérer en raison de la nature de leur travail et pour des considérations tenant à l’ordre public et à la sécurité, à la discipline et à la hiérarchie, qui sont des principes supérieurs de l’administration publique. Rappelant à nouveau que tous les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État ou qui ne sont pas membres des forces armées ou de la police, définies de manière restrictive, doivent jouir des droits prévus par la convention, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris la révision de l’article 15 de la loi no 4688, en vue de garantir que le personnel pénitentiaire peut effectivement être représenté par les organisations de son choix dans les négociations qui le concernent. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes les mesures prises à ce sujet.
Notant en outre que le MEMUR-SEN souligne la nécessité de garantir la liberté d’organisation et les droits de négociation collective aux travailleurs suppléants (enseignants, infirmières, sages-femmes, etc.) ainsi qu’aux employés publics dépourvus de contrat écrit de travail, la commission prie le gouvernement de communiquer ses commentaires à ce sujet.
Articles 1 et 3 de la convention. Protection adéquate contre la discrimination antisyndicale. Suite aux recommandations formulées en juin 2013 par la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail (ci-après, la Commission de la Conférence), la commission avait prié le gouvernement de mettre en place un système de compilation de données sur les actes de discrimination antisyndicale signalés dans les secteurs public et privé. La commission note que le gouvernement indique qu’il n’est pas possible actuellement d’obtenir des données fiables sur les cas de discrimination antisyndicale. À ce propos, le gouvernement souligne les difficultés liées à la collecte des données, telles que la longueur des procédures judiciaires et la nécessité d’apporter des changements considérables aux registres et bases de données de nombreuses institutions. Le gouvernement souligne la nécessité de travailler avec toutes les institutions et organisations concernées sur la question de la discrimination et que ces institutions doivent développer leurs propres infrastructures de bases de données et systèmes d’enregistrement afin de détecter les cas de discrimination antisyndicale. La commission note ces indications et souligne l’importance de telles données pour le gouvernement pour s’acquitter de son obligation de prévenir, suivre et sanctionner les actes de discrimination antisyndicales. La commission renouvelle la demande formulée par la Commission de la Conférence en juin 2013 et s’attend à ce que des mesures nécessaires soient prises à cette fin au sein de chaque institution. Elle prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises à cet égard. La commission note à cet égard que le TISK indique que les partenaires sociaux ont la volonté d’agir ensemble en la matière. La commission rappelle au gouvernement la possibilité de se prévaloir à nouveau de l’assistance technique du BIT à cet égard.
Articles 1, 2 et 3. Licenciements en masse dans le secteur public en application des décrets adoptés pendant l’état d’urgence. Dans ses commentaires précédents, la commission avait pris note des informations sur le nombre important de suspensions et de licenciements de syndicalistes et de responsables syndicaux dans le contexte de l’état d’urgence. Elle avait pris note, à cet égard, de l’allégation selon laquelle l’état d’urgence avait été utilisé par le pouvoir politique pour cibler et punir certains syndicats et pour exercer des pressions sur les syndicats de l’opposition en licenciant leurs membres. Espérant vivement que la commission d’enquête (créée pour réexaminer ces licenciements) puisse disposer des moyens nécessaires pour examiner les faits pertinents, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur le fonctionnement de cette commission et d’indiquer le nombre de demandes de réexamen déposées par des membres et responsables syndicaux, et l’issue de ces demandes. La commission avait également prié le gouvernement de fournir des informations sur le nombre et l’issue des recours déposés en cas de décision négative de la commission d’enquête concernant des membres et des responsables syndicaux. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, le 2 octobre 2020, 126 300 demandes avaient été soumises à la commission d’enquête. Depuis le 22 décembre 2017, celle-ci s’est prononcé sur 110.250 demandes, dont 12.680 ont été acceptées (pour une réintégration) et 97.570 rejetées; 16.050 demandes sont toujours en instance. Le gouvernement explique que les décisions de la commission d’enquête sont communiquées aux institutions où les personnes étaient en poste au moment de leur renvoi ou suspension celles-ci procédant ensuite, le cas échéant, aux affectations de concert avec le Conseil de l’enseignement supérieur. Le gouvernement indique en outre qu’une action en annulation contre la décision de la commission d’enquête et de l’institution ou organisation dans laquelle la personne concernée était affectée peut être introduite devant l’un ou l’autre des six tribunaux administratifs d’Ankara dans les six jours de la date de la signification de la décision. Le gouvernement souligne qu’il n’existe pas de statistiques sur le nombre d’adhérents et de responsables syndicaux qui se seraient adressés à la commission d’enquête ou aux tribunaux administratifs d’Ankara.
La commission rappelle qu’elle avait noté précédemment que, suivant les observations de la CSI en 2019, plus de 11.000 membres et représentants de la KESK avaient été suspendus de leurs fonctions ou licenciés en raison de leurs activités syndicales et qu’elle avait prié le gouvernement de faire part de ses commentaires à ce sujet. La commission note que, dans ses dernières observations en date, la KESK souligne que près de 89 pour cent des demandes sont rejetées par la commission d’enquête et allègue que l’examen des cas impliquant ses membres est ajourné. La commission note que le gouvernement répète que, compte tenu d’un taux de décisions positives plus élevé que la moyenne pour ses membres (une sur trois, ce qui est supérieur au taux moyen), les allégations de la KESK sont sans fondement. En outre, le gouvernement conteste que les mesures imposées aux membres de la KESK soient d’inspiration antisyndicale et renvoie aux dispositions légales énonçant la protection contre les actes de discrimination antisyndicale.
À cet égard toujours, la commission prend note des allégations de l’IE suivant lesquelles: pendant l’état d’urgence, 1.628 membres du Syndicat des travailleurs de l’enseignement et de la science de Turquie (EGİTİM SEN) ont été radiés de la fonction publique en vertu de décrets ayant force de loi; seuls 12,7 pour cent des dossiers de ces adhérents ont été examinés, sur lesquels 126 recours ont été rejetés et seulement 79 acceptés; et, au mois de mai 2020, 1.178 membres de l’EGİTİM SEN étaient toujours sans emploi. Tout en prenant note de la réponse du gouvernement selon lequel le taux d’acceptation des réintégrations de membres de l’EGİTİM SEN (38,5 pour cent) est nettement supérieur à la moyenne (11,5 pour cent), la commission exprime sa préoccupation devant l’allégation suivant laquelle près de 75 pour cent des membres de l’EGİTİM SEN sont toujours sans emploi depuis leur licenciement. La commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires à ce sujet.
Tout en prenant note des informations détaillées fournies par le gouvernement dans lesquelles il rappelle les motifs de l’état d’urgence et des statistiques générales fournies par le gouvernement, la commission regrette à nouveau l’absence d’informations spécifiques sur le nombre de membres et de responsables syndicaux concernés. La commission prend note avec préoccupation du nombre élevé de rejets de recours (88,5 pour cent actuellement) et regrette en outre l’absence d’informations concernant le nombre de recours et leur issue par rapport aux décisions négatives de la commission d’enquête concernant les membres et les responsables syndicaux. La commission exprime à nouveau le ferme espoir que la commission d’enquête et les tribunaux administratifs qui révisent ses décisions examinent avec soin les motifs pour lesquels les membres et responsables syndicaux du secteur public ont été licenciés et ordonneront la réintégration des syndicalistes licenciés pour discrimination antisyndicale. La commission prie de nouveau le gouvernement de fournir des informations spécifiques sur le nombre de demandes reçues émanant de membres et de responsables syndicaux, l’issue de l’examen de leurs cas par la commission d’enquête, et sur le nombre et l’issue des recours intentés contre les décisions négatives de la commission d’enquête en ce qui concerne les membres et responsables syndicaux.
Article 1. Discrimination antisyndicale dans le cadre de l’emploi. La commission rappelle les observations de la KESK de l’EGİTİM SEN, qui allèguent que des centaines de leurs membres, appartenant principalement au secteur de l’éducation, ont été mutés contre leur volonté en 2016 (au moins 122 mutations, consécutives principalement à une participation à des activités syndicales et des manifestations) et en 2017 (1 267 mutations, dont 1 190 dans le secteur de l’éducation). La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour prévenir toute mesure de mutation ou de rétrogradation de caractère discriminatoire et à motivation antisyndicale et de faire en sorte que, si des mesures de cette nature sont encore en vigueur à ce jour, elles soient annulées immédiatement. La commission prend note des dernières allégations en date de la KESK concernant des changements de lieu d’affectation de ses membres, des résiliations de contrats et des suspensions pour avoir exercé leurs droits syndicaux, ainsi que des enquêtes administratives diligentées par des employeurs. Elle prend également note des allégations de la CSI faisant état de menées antisyndicales dans diverses entreprises, et de la réponse détaillée du gouvernement à celles-ci. La commission note que le gouvernement conteste toute discrimination contre des activités syndicales légitimes de l’une ou l’autre organisation syndicale et souligne que, conformément à la législation nationale, aucun licenciement et aucune suspension ne peut avoir lieu en raison d’une activité syndicale légitime ou d’une affiliation syndicale. Le gouvernement souligne que la protection qu’offre la législation contre la discrimination antisyndicale, dans le secteur public comme dans le privé, est encore renforcée et confirmée par le biais du système judiciaire, notamment par un recours individuel devant la Cour constitutionnelle et la Cour européenne des droits de l’homme pour violation des libertés et droits fondamentaux par des autorités publiques. Se référant à l’allégation de changement de lieu d’affectation portée par la KESK, le gouvernement mentionne la législation applicable au service public qui autorise ce changement en fonction des besoins du service. La commission prend note des observations des organisations des travailleurs et l’information détaillée fournie par le gouvernement. La commission prie le gouvernement de continuer à dialoguer avec les partenaires sociaux au sujet des plaintes de discrimination antisyndicale dans les secteurs privé et public.
Article 4. Promotion de la négociation collective. Négociations intersectorielles. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que si la négociation collective intersectorielle se concrétise par des «protocoles d’accord-cadre de conventions collectives du secteur public», ce n’est pas le cas dans le secteur privé. Elle avait noté à cet égard que, en vertu de l’article 34 de la loi no 6356, la convention collective peut couvrir un ou plusieurs lieux de travail dans une même branche d’activité, ce qui rend impossible la négociation intersectorielle dans le secteur privé. La commission avait prié le gouvernement de considérer, en consultation avec les partenaires sociaux, la possibilité de modifier l’article 34 de la loi no 6356, de manière à ce qu’il ne restreigne pas la possibilité pour les parties de conclure des accords intersectoriels de niveau régional ou national dans le secteur privé si elles le souhaitent. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle l’article 34 de la loi a été rédigé en tenant compte des vues des partenaires sociaux. Le gouvernement indique que cette disposition régit le champ et le niveau de la négociation collective afin de protéger et de renforcer la paix sociale et pour faire que la législation en question ne limite pas la négociation collective à l’échelon du lieu de travail, mais permette aussi une négociation au niveau de l’entreprise et du groupe ainsi que des accords-cadres. La commission note que le TISK indique qu’en raison des caractéristiques sectorielles et des difficultés à les compiler toutes dans un seul accord, les conventions intersectorielles ou nationales n’ont pas la faveur des partenaires sociaux. Tout en prenant note de ces explications, la commission rappelle que, conformément à l’article 4 de la convention, la négociation collective devrait rester possible à tous les niveaux et que la législation ne devrait pas imposer de restrictions à cet égard. En conséquence, la commission demande à nouveau au gouvernement d’envisager, en consultation avec les partenaires sociaux, de modifier l’article 34 de la loi no 6356 afin que les parties du secteur privé qui souhaitent conclure des accords régionaux ou nationaux intersectoriels puissent le faire sans obstacle. Elle le prie en outre de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard.
Conditions requises pour devenir agent de négociation. La commission rappelle avoir observé dans ses précédents commentaires que l’article 41(1) de la loi no 6356 impose à un syndicat de satisfaire initialement aux conditions suivantes pour pouvoir devenir agent de négociation collective: le syndicat doit représenter au moins 1 pour cent (puis, progressivement, 3 pour cent) des travailleurs occupés dans la branche d’activité considérée, ainsi que plus de 50 pour cent des travailleurs en poste sur le lieu de travail et 40 pour cent des travailleurs employés dans l’entreprise devront être couverts par la convention collective. La commission rappelle en outre que ce seuil de 3 pour cent a été abaissé à 1 pour cent par la loi no 6552 du 10 septembre 2014. De plus, l’article 1 de la loi no 6356, qui prévoit que ce seuil de 1 pour cent devait être porté à 3 pour cent à l’égard des syndicats non affiliés à des confédérations siégeant au Conseil économique et social, a été abrogé sur décision de la Cour constitutionnelle. De ce fait, ce seuil de 3 pour cent a été rabaissé à 1 pour cent à l’égard de tous les syndicats. La commission rappelle en outre que, jusqu’au 6 septembre 2018, des dérogations aux dispositions légales quant au seuil de représentativité au niveau de la branche ont été accordées à trois catégories de syndicats, qui étaient préalablement habilités, afin qu’ils ne perdent pas leur habilitation aux fins de la négociation collective. Rappelant les préoccupations exprimées par plusieurs organisations de travailleurs à propos de la persistance d’une dualité dans les seuils d’admissibilité et notant que la dérogation accordée aux syndicats habilités antérieurement n’était que provisoire, la commission avait prié le gouvernement d’indiquer si cette dérogation a été prorogée au-delà du 6 septembre 2018 et quelle a été l’incidence de la décision prise à cet égard quant à la capacité des syndicats habilités antérieurement à participer à la négociation collective. Elle avait en outre prié le gouvernement de continuer d’observer, en concertation avec les partenaires sociaux, l’incidence de la persistance de cette dualité de seuils sur le mouvement syndical et sur le mécanisme de négociation collective dans son ensemble et, dans le cas où il serait avéré que ce seuil de 1 pour cent a un impact négatif sur l’extension du mécanisme national de négociation collective, de réviser la loi en vue de la suppression de ce seuil.
La commission rappelle que le gouvernement avait précédemment souligné que la loi no 6356 a été élaborée en consultation avec les partenaires sociaux et en tenant compte des principes universels relatifs aux libertés et aux droits syndicaux. Après l’entrée en vigueur des dispositions de la loi, le gouvernement a entrepris de recueillir les avis et les évaluations des partenaires sociaux. Certains partenaires sociaux ont demandé le maintien du seuil au niveau de la branche, d’autres ont estimé qu’il devait être réduit ou supprimé. À l’époque, il n’y avait pas d’accord sur cette question. Le gouvernement avait indiqué toutefois qu’en cas de consensus sur cette question, des mesures seraient prises pour faire le nécessaire.
La commission prend note de l’indication du gouvernement suivant laquelle la dérogation provisoire à l’exigence d’un seuil de représentativité par secteur d’activité avait été prolongée jusqu’au 12 juin 2020 par la loi n° 30799 promulguée le 12 juin 2019. Le gouvernement indique que, à la suite de cette promulgation, les organisations syndicales bénéficiaires de cette dérogation ont conclu des conventions collectives. La commission note que le TISK indique que les syndicats ayant bénéficié de la dérogation ont eu largement la possibilité d’accroître leurs effectifs. Pourtant, après trois prolongations successives, la plupart des syndicats en question n’ont pas atteint le seuil de la branche d’activité. Le TISK indique qu’il y a chez les partenaires sociaux un consensus en faveur de l’abandon de cette dérogation. Notant que la dérogation provisoire a expiré à la date du 12 juin 2020, la commission prie le gouvernement d’indiquer si une nouvelle prolongation a été décidée et, dans la négative, de fournir des informations sur l’impact de la non-prolongation de la capacité des organisations précédemment habilitées à participer à la négociation collective et d’indiquer quel est le statut des conventions collectives conclues par ces dernières. Elle le prie également de continuer de contrôler l’incidence de la persistance de la prescription relative au seuil de branche sur le mouvement syndical et le mécanisme national de négociation collective dans son ensemble, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, et de fournir des informations à cet égard.
En ce qui concerne les seuils de représentativité du lieu de travail et de l’entreprise, dans ses commentaires précédents, la commission avait pris note de l’article 42(3) de la loi no 6356, qui dispose que lorsque aucun syndicat ne satisfait aux conditions d’habilitation à la négociation collective, toute partie ayant sollicité l’attribution de cette compétence doit en être avisée. Elle avait en outre pris note du paragraphe 45(1), qui prévoit qu’une convention conclue sans le certificat d’habilitation est nulle et non avenue. Tout en notant le principe d’«une seule convention pour un lieu de travail ou une entreprise» adopté par la législation turque, la commission avait rappelé qu’en vertu d’un système de désignation d’un agent négociateur exclusif, si aucun syndicat n’atteint le pourcentage requis de travailleurs pour être déclaré agent négociateur exclusif, tous les syndicats de l’unité, conjointement ou séparément, devraient pouvoir prétendre au droit de négocier collectivement, au moins au nom de leurs propres membres. La commission avait souligné qu’en autorisant la négociation conjointe des syndicats minoritaires, la loi pouvait adopter une approche plus favorable au développement de la négociation collective sans porter atteinte au principe d’«une seule convention pour un lieu de travail ou une entreprise». Elle avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les partenaires sociaux, pour que la législation soit modifiée, et de donner des informations à ce sujet. La commission note que le gouvernement se réfère à ses déclarations antérieures, suivant lesquelles: (1) la question de la modification du système de négociation collective a été examinée avec les partenaires sociaux mais qu’il a été impossible de trouver un accord sur un modèle; (2) il examinera la proposition de modification de la législation si elle est présentée par les partenaires sociaux et si une telle proposition fait l’objet d’un consensus. La commission reconnaît que si la recherche d'un consensus en matière de négociation collective est importante, elle ne peut constituer un obstacle à l'obligation du gouvernement de mettre le droit et la pratique en conformité avec la convention. La commission prie donc de nouveau le gouvernement de modifier la législation de façon à ce que si aucun syndicat n’atteint le pourcentage de travailleurs requis pour être déclaré agent de négociation exclusif, tous les syndicats de l’unité considérée puissent participer à la négociation collective, conjointement ou séparément, tout au moins au nom de leurs propres membres. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes mesures prises ou envisagées à cet égard.
Articles 4 et 6. Droits de négociation collective des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État. Portée matérielle de la négociation collective. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que l’article 28 de la loi no 4688, dans sa teneur modifiée en 2012, restreint le champ d’application des conventions collectives aux seuls «droits sociaux et financiers», excluant de ce fait les questions telles que la durée du travail, l’avancement, le développement des carrières et les mesures disciplinaires. Elle note que le gouvernement réitère ce qu’il a indiqué précédemment, à savoir que les revendications des syndicats et confédérations syndicales qui ne portent pas sur les droits sociaux et financiers sont accueillies et étudiées dans d’autres instances, plus appropriées, en dehors de la négociation collective. La commission se voit donc obligée de rappeler une fois de plus que les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État devraient jouir des garanties prévues par la convention et devraient en conséquence pouvoir négocier collectivement sur leurs conditions d’emploi, et que des mesures prises unilatéralement par les autorités afin de restreindre le champ des questions négociables sont le plus souvent incompatibles avec la convention. Elle souhaite néanmoins rappeler que la convention est compatible avec des systèmes soumettant à l’approbation autorités compétentes certaines clauses de conventions collectives qui ont trait aux conditions de travail ou aux conditions financières dans le secteur public, dès lors que les autorités respectent les accords ainsi conclus. Tout en soulignant que la convention est compatible avec des modalités de négociation particulières dans le secteur public telles que mentionnées ci-dessus, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soient abrogées les restrictions concernant les questions sur lesquelles la négociation collective peut porter, afin que le champ concret des droits de négociation collective des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’État soit pleinement conforme à la convention.
Négociation collective dans le secteur public. Participation des syndicats de branche les plus représentatifs. Dans son précédent commentaire, la commission avait noté que, en vertu de l’article 29 de la loi no 4688, la Délégation des employeurs du secteur public (PED) et la Délégation des syndicats d’employés des services publics (PSUD) sont parties aux conventions collectives conclues dans le secteur public. À cet égard, les propositions afférentes à la partie générale de la convention collective sont établies par les membres de la confédération de la PSUD et les propositions afférentes aux conventions collectives pour chaque branche sont élaborées par les membres représentatifs des syndicats de branche de la PSUD. La commission avait également pris note des observations de la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (Türkiye KAMU-SEN) à cet égard, selon lesquelles de nombreuses propositions émanant de syndicats habilités de la branche étaient acceptées en tant que propositions afférentes à la partie générale de la convention collective alors que, conformément aux dispositions de l’article 29, elles devraient être présentées par une confédération, et que ce procédé prive les syndicats de branche de la faculté d’exercer directement leur droit de faire des propositions. Notant que, bien que les syndicats les plus représentatifs de la branche soient représentés dans la PSUD et qu’ils prennent part à la négociation spécifique à une branche, leur rôle au sein de la PSUD se trouve restreint en ce qu’ils ne sont pas habilités à faire des propositions pour les conventions collectives, en particulier lorsque leurs revendications sont qualifiées de générales ou applicables à plus d’une branche, la commission avait prié le gouvernement de faire en sorte que ces syndicats puissent formuler des propositions générales. La commission note que le gouvernement se réfère à son indication précédente, selon laquelle les négociations collectives ont lieu tous les deux ans afin de débattre des questions qui concernent les branches de service et les questions générales. À cette occasion, les offres de négociation collective pour toutes les branches de service sont déterminées séparément par les syndicats habilités qui comptent le plus grand nombre de membres dans cette branche de service. Naturellement, les propositions des syndicats sont déterminées exclusivement pour les branches de service en raison des différences entre les branches de service et les fonctionnaires dans le cadre de ces branches et examinées dans les comités spéciaux établis séparément pour les branches de service par les chefs de la PED et de la PSUD. Considérant que, lorsque les instances paritaires au sein desquelles les conventions collectives doivent être conclues et les conditions imposées par la loi pour la participation de ces instances sont telles qu’elles empêchent un syndicat qui serait le plus représentatif de la branche d’activité considérée d’être associé aux travaux desdites instances, il est porté atteinte aux principes établis par la convention, la commission prie à nouveau le gouvernement de faire en sorte que la loi no 4688 et son application permettent que les syndicats les plus représentatifs de toute branche fassent des propositions pour les conventions collectives, y compris sur les questions qui peuvent intéresser plus d’une branche, pour les salariés du secteur public qui ne sont pas commis à l’administration de l’État.
Négociation collective dans le secteur public. Conseil d’arbitrage de salariés du secteur public. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que, en vertu des articles 29, 33 et 34 de la loi no 4688, en cas d’échec de négociations dans le secteur public, le président de la PED (le ministre du Travail), au nom de l’administration publique, et le président de la PSUD, agissant au nom des salariés du secteur public, peuvent solliciter le Conseil d’arbitrage des salariés du secteur public. Les décisions de ce conseil sont finales et revêtent alors les mêmes effets et la même force qu’une convention collective. La commission avait noté que sept des onze membres du Conseil d’arbitrage, y compris le président, sont désignés par le Président de la République, et elle a estimé qu’une telle procédure de sélection peut susciter des doutes quant à l’indépendance et l’impartialité de cette institution. Elle avait donc prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour réaménager la composition du Conseil d’arbitrage ou le mode de désignation de ses membres pour mieux révéler son indépendance et son impartialité et emporter la confiance des parties. La commission note que le gouvernement se réfère à son rapport de 2019 dans lequel il confirmait qu’outre le chef du Conseil, ses cinq autres membres ayant des connaissances en matière d’administration publique, de finances publiques et de régime du personnel public, ainsi qu’un membre parmi les universitaires proposés par les confédérations compétentes, sont nommés par le Président. La commission prie le gouvernement d’envisager de revoir, en consultation avec les partenaires sociaux, le mode de nomination des membres du Conseil, afin de démontrer plus clairement son indépendance et son impartialité et de gagner la confiance des parties.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2021.]

Observation (CEACR) - adoptée 2019, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission prend note des observations de la Confédération des syndicats de fonctionnaires publics (KESK) et de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) jointes au rapport du gouvernement. La commission examinera leur contenu une fois que la traduction de ces observations sera disponible.
Observations antérieures des partenaires sociaux. La commission avait antérieurement prié le gouvernement de faire part de ses commentaires sur les observations de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-İŞ) alléguant des pratiques partiales de la part du Conseil suprême d’arbitrage (ci-après, le Conseil) et une protection inadéquate des syndicalistes contre la discrimination antisyndicale lorsqu’une organisation attend son habilitation en qualité d’agent à la négociation collective. La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement en ce qui concerne la composition du Conseil, ainsi que de ses informations selon lesquelles TÜRK-İŞ, l’organisation qui représente la majorité des travailleurs couverts par la loi (no 6356) sur les syndicats et les conventions collectives, est représentée par deux membres. Le gouvernement fait savoir que, lors de sa prise de décision, le Conseil tient compte de la situation économique du pays, des indicateurs du niveau de subsistance, des salaires réels, des salaires versés dans des lieux de travail comparables, d’autres conditions de travail et des composantes du revenu conformément aux dispositions de l’article 54 de la Constitution, des dispositions pertinentes de la loi no 6356 et de la réglementation y relative. Le gouvernement indique également que le Conseil établit des conventions collectives équilibrées qui tiennent compte de la situation des travailleurs et des employeurs, ainsi que de sa propre jurisprudence. Quant à l’affirmation selon laquelle les membres syndicaux ne sont pas dûment protégés contre la discrimination antisyndicale, le gouvernement renvoie à la législation en vigueur, et en particulier aux articles 23 à 25 de la loi no 6356, qui établissent cette protection, et aux articles 118 et 135 du Code pénal, qui prévoient des sanctions en cas d’obstruction à l’exercice des activités syndicales au moyen de la force, de menaces ou d’autres actes illégaux, ainsi que pour enregistrement illégal de données personnelles, y compris les informations sur l’affiliation syndicale. La commission prend note des informations sur la protection législative contre les actes antisyndicaux et renvoie à ses commentaires ci-après concernant l'efficacité de cette protection dans la pratique.
Champ d’application de la convention. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que si le personnel pénitentiaire, à l’instar d’autres fonctionnaires, était couvert par les conventions collectives conclues dans la fonction publique, cette catégorie de travailleurs ne bénéficiait pas du droit d’organisation (art. 15 de la loi (no 4688) sur les syndicats de fonctionnaires et les conventions collectives). La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris par la révision de textes de loi, en vue de garantir que le personnel pénitentiaire peut effectivement être représenté par les organisations de son choix dans les négociations qui le concernent. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, lors de l’adoption de la loi no 4688, le Parlement n’a pas jugé utile d’octroyer le droit de constituer des syndicats aux personnes travaillant dans les établissements pénitenciers, de façon à ce que, dans l’exercice de leurs fonctions, ces travailleurs restent impartiaux et n’exercent pas de discrimination fondée sur leurs croyances philosophiques, la religion, la langue, la race, ni leur affiliation à un groupe, un parti ou à un syndicat. Le gouvernement répète que le fait qu’un fonctionnaire n’ait pas le droit de constituer un syndicat ne signifie pas qu’il ou elle ne peut pas bénéficier d’une convention collective, et que tous les fonctionnaires publics de Turquie sont couverts par les dispositions des conventions collectives qui les concernent indépendamment du fait ou non qu’ils soient syndicalistes. Rappelant que tous les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat doivent jouir des droits prévus par la convention, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris la révision de l’article 15 de la loi no 4688, en vue de garantir que le personnel pénitentiaire peut effectivement être représenté par les organisations de son choix dans les négociations qui le concernent.
Articles 1 et 3 de la convention. Protection adéquate contre la discrimination antisyndicale. Suite aux recommandations formulées en juin 2013 par la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail (ci-après, la Commission de la Conférence), la commission avait prié le gouvernement de mettre en place un système de compilation de données sur les actes de discrimination antisyndicale signalés dans les secteurs public et privé. Ayant pris note de l’indication du gouvernement selon laquelle les préparatifs de la mise en place d’un système de compilation de données sont en cours dans le cadre d’un projet intitulé «Amélioration du dialogue social dans le monde du travail», la commission avait prié le gouvernement de communiquer des informations sur les progrès accomplis dans la mise en place de ce système. La commission note avec regret que le gouvernement indique que, en dépit du fait qu’un rapport intitulé «Méthodes de création d’un système de collecte de données sur la discrimination antisyndicale dans les secteurs privé et public et proposition type pour la Turquie» ait été élaboré et qu’un atelier ait été organisé le 3 octobre 2018 au Bureau de l’OIT à Ankara, avec la participation des partenaires sociaux et des représentants des institutions intéressées à contribuer à ces travaux, aucun modèle concret de collecte de données sur la discrimination antisyndicale n’a été établi. La commission se voit donc contrainte de renouveler la demande formulée par la Commission de la Conférence en juin 2013 et espère que le gouvernement fournira dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard.
Articles 1, 2 et 3. Licenciements en masse dans le secteur public en application des décrets adoptés pendant l’état d’urgence. Dans son commentaire précédent, la commission avait pris note des informations sur le nombre important de suspensions et de licenciements de syndicalistes et de responsables syndicaux dans le contexte de l’état d’urgence. Elle avait pris note, à cet égard, de l’allégation selon laquelle l’état d’urgence avait été utilisé par le pouvoir politique pour cibler et punir certains syndicats et pour exercer des pressions sur les syndicats de l’opposition en licenciant leurs membres. Espérant vivement que la commission d’enquête (créée pour réexaminer ces licenciements) a les moyens nécessaires pour examiner les faits pertinents, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur le fonctionnement de cette commission et d’indiquer le nombre de demandes de réexamen déposées par des membres et responsables syndicaux, et l’issue de ces demandes. La commission avait également prié le gouvernement de fournir des informations sur le nombre et l’issue des recours déposés en cas de décision négative de la commission d’enquête concernant des membres et des responsables syndicaux. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, le 29 août 2019, 126 200 demandes avaient été soumises à la commission d’enquête. Depuis le 22 décembre 2017, celle-ci s’est prononcée sur 84 300 demandes, dont 6 700 ont été acceptées et 77 600 rejetées; 41 900 demandes sont toujours en instance. Le gouvernement indique que la commission d’enquête rend des décisions individualisées et motivées à la suite d’un examen approfondi et rapide. Il indique en outre que, bien que la KESK ait affirmé avoir été ciblée et avoir fait l’objet de discriminations, sur les 125 678 licenciements, la KESK est elle-même concernée par 4 000 licenciements, et sur 588 décisions de la commission d’enquête à ce sujet, 199 demandes de réintégration ont été acceptées. Le gouvernement fait observer que le taux de décisions positives s’agissant des membres de la KESK est d’un pour trois, ce qui est supérieur au taux moyen. En ce qui concerne son observation sur l’application de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la commission note que selon la Confédération syndicale internationale (CSI), plus de 11 000 représentants et membres de la KESK ont été suspendus de leurs fonctions ou licenciés en raison de leurs activités syndicales. La commission prie le gouvernement de faire part de ses commentaires à ce sujet.
Tout en prenant note des statistiques générales fournies par le gouvernement, la commission regrette l’absence d’informations spécifiques, à l’exception de celles concernant les membres de la KESK, sur le nombre de membres et de responsables syndicaux concernés. En ce qui concerne la KESK, la commission exprime sa préoccupation eu égard au fait que, selon le gouvernement, seuls 15 pour cent des cas concernant ses membres ont été examinés et elle observe qu’un tiers seulement ont fait l’objet d’une réintégration. Elle rappelle, d’après l’examen précédent, qu’en cas de décision négative les demandeurs peuvent faire recours auprès des tribunaux administratifs compétents à Ankara. La commission regrette l’absence d’informations concernant le nombre de recours et leur issue par rapport aux décisions négatives de la commission d’enquête concernant les membres et les responsables syndicaux. La commission exprime à nouveau le ferme espoir que la commission d’enquête et les tribunaux administratifs qui révisent ses décisions examineront avec soin les motifs pour lesquels les membres et responsables syndicaux du secteur public ont été licenciés et ordonneront la réintégration des syndicalistes licenciés pour discrimination antisyndicale. La commission prie de nouveau le gouvernement de fournir des informations spécifiques sur le nombre de demandes reçues émanant de membres et de responsables syndicaux, l’issue de l’examen de leurs cas par la commission d’enquête, et sur le nombre et l’issue des recours intentés contre les décisions négatives de la commission d’enquête en ce qui concerne les membres et responsables syndicaux.
Article 1. Discrimination antisyndicale dans le cadre de l’emploi. La commission rappelle les observations de la KESK et du Syndicat des travailleurs de l’enseignement et de la science de Turquie (EGİTİM SEN), qui allèguent que des centaines de leurs membres et affiliés, appartenant principalement au secteur de l’éducation, ont été mutés contre leur volonté en 2016 (au moins 122 mutations, consécutives principalement à une participation à des activités syndicales et des manifestations) et en 2017 (1 267 mutations, dont 1 190 dans le secteur de l’éducation). Elle rappelle en outre les observations de la KESK selon lesquelles les accords dits «d’indemnisation aux fins de l’équilibre social» conclus en application de l’article 32 de la loi no 4688 comportent des dispositions discriminatoires à l’égard des membres de syndicats minoritaires, qui doivent acquitter des droits plus élevés et qui n’accèdent aux prestations prévues que sous réserve de la production d’un dossier exempt de toute sanction disciplinaire. La KESK évoque à ce sujet des accords conclus à Gaziantep et à Kocaeli, lieux dans lesquels Bem Bir Sen, organisation affiliée à la Confédération MEMUR SEN présentée comme progouvernementale, est majoritaire, et où TÜM BEL SEN, organisation affiliée à la KESK, est minoritaire. La KESK déclare en outre qu’un certain nombre de salariés lésés ont saisi la justice d’une action contre lesdites dispositions discriminatoires. La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour prévenir toute mesure de mutation ou de rétrogradation de caractère discriminatoire et à motivation antisyndicale et de faire en sorte que, si des mesures de cette nature sont encore en vigueur à ce jour, elles soient annulées immédiatement. Elle l’avait également prié de communiquer sa réponse aux allégations de la KESK selon lesquelles certains accords dits «d’indemnisation aux fins de l’équilibre social» comporteraient des dispositions discriminatoires. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, à la suite de décisions judiciaires sur la question, les cotisations au titre de l’équilibre social sont désormais perçues de la même manière auprès de tous les salariés, indépendamment du fait qu’ils soient syndiqués ou non, et les prestations au titre de l’équilibre social sont versées de la même manière. De plus, les salariés ayant un dossier disciplinaire dans les municipalités susmentionnées bénéficient également des prestations au titre de l’équilibre social. En ce qui concerne la discrimination antisyndicale alléguée, le gouvernement souligne que l’article 18 de la loi no 4688 prévoit une protection et des garanties suffisantes pour les fonctionnaires qui sont membres ou cadres syndicaux. En vertu de cet article, les employeurs publics ne peuvent pas prendre de mesures discriminatoires à l’égard des fonctionnaires membres ou responsables syndicaux. Les fonctionnaires ne peuvent pas être licenciés ou traités différemment en raison de leur participation aux activités légitimes des syndicats ou des confédérations. En outre, les employeurs publics ne peuvent pas changer le lieu de travail des responsables syndicaux (c’est-à-dire les délégués syndicaux, les représentants syndicaux sur le lieu de travail, les représentants aux niveaux des provinces et des districts, les dirigeants des syndicats et de leurs branches) sans en donner des raisons claires et précises. Tout en prenant note des informations fournies sur la protection législative contre les actes antisyndicaux, la commission prie de nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour prévenir, dans la pratique, toute mesure de mutation ou de rétrogradation de caractère discriminatoire et à motivation antisyndicale et de faire en sorte que, si des mesures de cette nature sont encore en vigueur à ce jour, elles soient annulées immédiatement.
Article 4. Promotion de la négociation collective. Négociations intersectorielles. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que si la négociation collective intersectorielle se concrétise par des «protocoles d’accord-cadre de conventions collectives du secteur public», ce n’est pas le cas dans le secteur privé. Elle avait noté à cet égard que, en vertu de l’article 34 de la loi no 6356, la convention collective peut couvrir un ou plusieurs lieux de travail dans une même branche d’activité, ce qui rend impossible la négociation intersectorielle dans le secteur privé. La commission avait prié le gouvernement de considérer, en consultation avec les partenaires sociaux, la possibilité de modifier l’article 34 de la loi no 6356, de manière à ce qu’il ne restreigne pas la possibilité pour les parties de conclure des accords intersectoriels de niveau régional ou national dans le secteur privé si elles le souhaitent. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la loi no 6356 est entrée en vigueur en 2012 à l’issue de négociations avec les partenaires sociaux; l’article 34 de la loi a été rédigé en tenant compte de leurs vues; aucun problème n’a été relevé en ce qui concerne son application et les partenaires sociaux n’ont soumis aucune demande de modification. Rappelant que, conformément à l’article 4 de la convention, la négociation collective doit être encouragée à tous les niveaux, la commission demande à nouveau au gouvernement d’envisager, en consultation avec les partenaires sociaux, de modifier l’article 34 de la loi no 6356 afin que les parties du secteur privé qui souhaitent conclure des accords régionaux ou nationaux intersectoriels puissent le faire sans obstacle. Elle le prie en outre de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard.
Conditions requises pour devenir agent de négociation. La commission rappelle avoir observé dans ses précédents commentaires que l’article 41(1) de la loi no 6356 impose à un syndicat de satisfaire initialement aux conditions suivantes pour pouvoir devenir agent de négociation collective: le syndicat doit représenter au moins 1 pour cent (puis, progressivement, 3 pour cent) des travailleurs occupés dans la branche d’activité considérée, ainsi que plus de 50 pour cent des travailleurs en poste sur le lieu de travail et 40 pour cent des travailleurs employés dans l’entreprise devront être couverts par la convention collective. La commission rappelle en outre que ce seuil de 3 pour cent a été abaissé à 1 pour cent par la loi no 6552 du 10 septembre 2014. De plus, l’article 1 de la loi no 6356, qui prévoit que ce seuil de 1 pour cent devait être porté à 3 pour cent à l’égard des syndicats non affiliés à des confédérations siégeant au Conseil économique et social, a été abrogé sur décision de la Cour constitutionnelle. De ce fait, ce seuil de 3 pour cent a été rabaissé à 1 pour cent à l’égard de tous les syndicats. La commission rappelle en outre que, jusqu’au 6 septembre 2018, des dérogations aux dispositions légales quant au seuil de représentativité au niveau de la branche ont été accordées à trois catégories de syndicats, qui étaient préalablement habilités, afin qu’ils ne perdent pas leur habilitation aux fins de la négociation collective. Rappelant les préoccupations exprimées par plusieurs organisations de travailleurs à propos de la persistance d’une dualité dans les seuils d’admissibilité et notant que la dérogation accordée aux syndicats habilités antérieurement n’était que provisoire, la commission avait prié le gouvernement d’indiquer si cette dérogation a été prorogée au-delà du 6 septembre 2018 et quelle a été l’incidence de la décision prise à cet égard quant à la capacité des syndicats habilités antérieurement à participer à la négociation collective. Elle avait en outre prié le gouvernement de continuer d’observer, en concertation avec les partenaires sociaux, l’incidence de la persistance de cette dualité de seuils sur le mouvement syndical et sur le mécanisme de négociation collective dans son ensemble et, dans le cas où il serait avéré que ce seuil de 1 pour cent a un impact négatif sur l’extension du mécanisme national de négociation collective, de réviser la loi en vue de la suppression de ce seuil.
La commission rappelle enfin qu’elle a été saisie par le Comité de la liberté syndicale des aspects juridiques soulevés dans le cas no 3021 (voir 391e rapport, octobre-novembre 2019, paragr. 70) à propos des effets de l’application de la loi no 6356 sur le mouvement syndical et le mécanisme de négociation collective national dans son ensemble. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la dérogation accordée aux syndicats en vertu du deuxième paragraphe de l’article 6 provisoire de la loi no 6356 a pris fin le 6 septembre 2018. Conformément aux dispositions de la loi no 6356, les syndicats dont la dérogation a pris fin recevront un certificat d’habilitation à mener des négociations si le nombre des membres qu’ils représentent dépasse 1 pour cent du nombre total de travailleurs employés dans la branche d’activité à laquelle appartient le lieu de travail ou l’entreprise et représente plus de 50 pour cent des salariés sur le lieu de travail ou plus de 40 pour cent des salariés de l’entreprise. Le gouvernement souligne que la loi no 6356 a été élaborée en consultation avec les partenaires sociaux et en tenant compte des principes universels relatifs aux libertés et aux droits syndicaux. Après l’entrée en vigueur des dispositions de la loi, le gouvernement a entrepris de recueillir les avis et les évaluations des partenaires sociaux. Certains partenaires sociaux ont demandé le maintien du seuil au niveau de la branche, d’autres ont estimé qu’il devait être réduit ou supprimé. Actuellement, il n’y a pas d’accord sur cette question. Le gouvernement indique toutefois qu’en cas de consensus sur cette question, des mesures seront prises pour faire le nécessaire. Notant que la dérogation provisoire n’a pas été prolongée au delà de septembre 2018, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’impact de la non-prolongation de la capacité des organisations précédemment habilitées à participer à la négociation collective et d’indiquer quel est le statut des conventions collectives conclues par ces dernières. Elle le prie également de continuer de contrôler l’incidence de la persistance de la prescription relative au seuil de branche sur le mouvement syndical et le mécanisme national de négociation collective dans son ensemble, en pleine consultation avec les partenaires sociaux, et de fournir des informations à cet égard.
En ce qui concerne les seuils de représentativité du lieu de travail et de l’entreprise, dans ses commentaires précédents, la commission avait pris note de l’article 42(3) de la loi no 6356, qui dispose que lorsque aucun syndicat ne satisfait aux conditions d’habilitation à la négociation collective, toute partie ayant sollicité l’attribution de cette compétence doit en être avisée. Elle avait en outre pris note du paragraphe 45(1), qui prévoit qu’une convention conclue sans le certificat d’habilitation est nulle et non avenue. Tout en notant le principe d’«une seule convention pour un lieu de travail ou une entreprise» adopté par la législation turque, la commission avait rappelé qu’en vertu d’un système de désignation d’un agent négociateur exclusif, si aucun syndicat n’atteint le pourcentage requis de travailleurs pour être déclaré agent négociateur exclusif, tous les syndicats de l’unité, conjointement ou séparément, devraient pouvoir prétendre au droit de négocier collectivement, au moins au nom de leurs propres membres. La commission avait souligné qu’en autorisant la négociation conjointe des syndicats minoritaires, la loi pouvait adopter une approche plus favorable au développement de la négociation collective sans porter atteinte au principe d’«une seule convention pour un lieu de travail ou une entreprise». Elle avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les partenaires sociaux, pour que la législation soit modifiée, et de donner des informations à ce sujet. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la question de la modification du système de négociation collective a été examinée avec les partenaires sociaux dans le cadre du projet «Amélioration du dialogue social dans le monde du travail» mais il a été impossible de trouver un accord sur un modèle. Le gouvernement se déclare prêt à examiner la proposition de modification de la législation si elle est présentée par les partenaires sociaux et si une telle proposition fait l’objet d’un consensus. Rappelant qu’il appartient au gouvernement de faire appliquer la convention qu’il a ratifiée, la commission prie de nouveau le gouvernement de modifier la législation de façon à ce que si aucun syndicat n’atteint le pourcentage de travailleurs requis pour être déclaré agent de négociation exclusif, tous les syndicats de l’unité considérée puissent participer à la négociation collective, conjointement ou séparément, tout au moins au nom de leurs propres membres. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur toutes mesures prises ou envisagées à cet égard.
Dans son commentaire précédent, la commission avait également prié le gouvernement de donner des informations sur toute application qui serait faite des articles 46(2), 47(2), 49(1), 51(1), 60(1) et (4), 61(3) et 63(3) de la loi no 6356 pour des raisons multiples, qui prévoient toute une série de situations dans lesquelles le certificat d’habilitation à négocier peut être retiré par les autorités (le fait de ne pas appeler l’autre partie à engager les négociations dans les quinze jours qui suivent l’attribution de l’habilitation; l’absence à la première séance de négociation collective ou encore le défaut d’ouverture de la négociation dans les trente jours qui suivent la date de la convocation; la non-déclaration d’un conflit à l’autorité compétente dans un délai de six jours ouvrables; l’omission de la saisine du Haut Conseil d’arbitrage; l’omission de statuer sur une proposition de grève ou d’engager une action de grève conformément aux prescriptions légales; l’impossibilité de parvenir à un accord avant la fin du délai de report du déclenchement d’une grève) et de continuer d’examiner l’application de ces articles, en concertation avec les partenaires sociaux concernés, en vue d’une éventuelle modification visant à favoriser la négociation collective, si les parties le souhaitent. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, bien qu’aucune question n’ait été soulevée concernant la mise en œuvre pratique des dispositions susmentionnées, il envisagerait de les modifier si une telle proposition était soumise par les partenaires sociaux.
Articles 4 et 6. Droits de négociation collective des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat. Portée matérielle de la négociation collective. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que l’article 28 de la loi no 4688, dans sa teneur modifiée en 2012, restreint le champ d’application des conventions collectives aux seuls «droits sociaux et financiers», excluant de ce fait les questions telles que la durée du travail, l’avancement, le développement des carrières et les mesures disciplinaires. Elle note que le gouvernement répète ce qu’il a dit précédemment, à savoir que les revendications des syndicats et confédérations syndicales qui ne portent pas sur les droits sociaux et financiers sont accueillies et étudiées dans d’autres instances, plus appropriées, en dehors de la négociation collective. La commission est donc tenue de rappeler une fois de plus que les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat devraient jouir des garanties prévues par la convention et devraient en conséquence pouvoir négocier collectivement sur leurs conditions d’emploi, et que des mesures prises unilatéralement par les autorités afin de restreindre le champ des questions négociables sont le plus souvent incompatibles avec la convention. Elle souhaite néanmoins rappeler que la convention est compatible avec des systèmes soumettant à l’approbation autorités compétentes certaines clauses de conventions collectives qui ont trait aux conditions de travail ou aux conditions financières dans le secteur public, dès lors que les autorités respectent les accords ainsi conclus. Tout en soulignant que la convention est compatible avec des modalités de négociation particulières dans le secteur public telles que mentionnées ci-dessus, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soient abrogées les restrictions concernant les questions sur lesquelles la négociation collective peut porter, afin que le champ concret des droits de négociation collective des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat soit pleinement conforme à la convention.
Négociation collective dans le secteur public. Participation des syndicats de branche les plus représentatifs. Dans son précédent commentaire, la commission avait noté que, en vertu de l’article 29 de la loi no 4688, la Délégation des employeurs du secteur public (PED) et la Délégation des syndicats d’employés des services publics (PSUD) sont parties aux conventions collectives conclues dans ce secteur. A cet égard, les propositions afférentes à la partie générale de la convention collective sont établies par les membres de la confédération de la PSUD et les propositions afférentes aux conventions collectives pour chaque branche sont élaborées par les membres représentatifs des syndicats de branche de la PSUD. La commission avait également pris note des observations de la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (Türkiye KAMU-SEN) à cet égard, selon lesquelles de nombreuses propositions émanant de syndicats habilités de la branche étaient acceptées en tant que propositions afférentes à la partie générale de la convention collective alors que, conformément aux dispositions de l’article 29, elles devraient être présentées par une confédération, et que ce procédé prive les syndicats de branche de la faculté d’exercer directement leur droit de faire des propositions. Notant que, bien que les syndicats les plus représentatifs de la branche soient représentés dans la PSUD et qu’ils prennent part à la négociation spécifique à une branche, leur rôle au sein de la PSUD se trouve restreint en ce qu’ils ne sont pas habilités à faire des propositions pour les conventions collectives, en particulier lorsque leurs revendications sont qualifiées de générales ou applicables à plus d’une branche, la commission avait prié le gouvernement de faire en sorte que ces syndicats puissent formuler des propositions générales. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle les négociations collectives ont lieu tous les deux ans afin de débattre des questions qui concernent les branches de service et les questions générales. A cette occasion, les offres de négociation collective pour toutes les branches de service sont déterminées séparément par les syndicats habilités qui comptent le plus grand nombre de membres dans cette branche de service. Naturellement, les propositions des syndicats sont déterminées exclusivement pour les branches de service en raison des différences entre les branches de service et les fonctionnaires dans le cadre de ces branches et examinées dans les comités spéciaux établis séparément pour les branches de service par les chefs de la PED et de la PSUD. Considérant que, lorsque les instances paritaires au sein desquelles les conventions collectives doivent être conclues et les conditions imposées par la loi pour la participation de ces instances sont telles qu’elles empêchent un syndicat qui serait le plus représentatif de la branche d’activité considérée d’être associé aux travaux desdites instances, il est porté atteinte aux principes établis par la convention, la commission prie à nouveau le gouvernement de faire en sorte que la loi no 4688 et son application permettent que les syndicats les plus représentatifs de toute branche fassent des propositions pour les conventions collectives, y compris sur les questions qui peuvent intéresser plus d’une branche, pour les salariés du secteur public qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat.
Négociation collective dans le secteur public. Conseil d’arbitrage de salariés du secteur public. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que, en vertu des articles 29, 33 et 34 de la loi no 4688, en cas d’échec de négociations dans le secteur public, le président de la PED (le ministre du Travail), au nom de l’administration publique, et le président de la PSUD, agissant au nom des salariés du secteur public, peuvent solliciter le Conseil d’arbitrage des salariés du secteur public. Les décisions de ce conseil sont finales et revêtent alors les mêmes effets et la même force qu’une convention collective. La commission avait noté que sept des onze membres du Conseil d’arbitrage, y compris le président, sont désignés par le Président de la République, et elle a estimé qu’une telle procédure de sélection peut susciter des doutes quant à l’indépendance et l’impartialité de cette institution. Elle avait donc prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour réaménager la composition du Conseil d’arbitrage ou le mode de désignation de ses membres pour mieux révéler son indépendance et son impartialité et emporter la confiance des parties. La commission note que le gouvernement confirme qu’outre le chef du Conseil, ses cinq autres membres ayant des connaissances en matière d’administration publique, de finances publiques et de régime du personnel public, ainsi qu’un membre parmi les universitaires proposés par les confédérations compétentes, sont nommés par le Président. La commission prie le gouvernement d’envisager de revoir, en consultation avec les partenaires sociaux, le mode de nomination des membres du Conseil, afin de démontrer plus clairement son indépendance et son impartialité et de gagner la confiance des parties.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2020.]

Observation (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) et de celles de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DİSK) et de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), jointes aux premières, reçues le 1er septembre 2018, et de la réponse du gouvernement. Elle prend également note des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK), transmises par l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et reçues le 1er septembre 2018, ainsi que des observations de l’Internationale de l’éducation (IE) et du Syndicat des travailleurs de l’enseignement et de la science de Turquie (EĞİTİM SEN), reçues le 1er octobre 2018, et de la réponse du gouvernement. Enfin, elle prend note des observations de la TİSK, se référant aux questions examinées par la commission, et de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-İŞ), communiquées avec le rapport du gouvernement. La TÜRK-İŞ allègue une partialité dans la pratique du Conseil suprême d’arbitrage et une protection inadéquate des syndicalistes contre la discrimination antisyndicale lorsqu’une organisation attend son habilitation en qualité d’agent à la négociation collective. La commission prie le gouvernement de communiquer ses commentaires à ce sujet.
Champ d’application de la convention. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que le personnel pénitentiaire, comme tous les autres fonctionnaires, est couvert par les conventions collectives conclues dans le service public, même si, en vertu de l’article 15 de la loi (no 4688) sur les syndicats de fonctionnaires et les conventions collectives, ce personnel n’a pas le droit de se syndiquer. La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris de révision législative, en vue de garantir que le personnel pénitentiaire puisse effectivement être représenté par des organisations de son choix dans les négociations qui le concernent. Notant avec regret que le gouvernement indique qu’aucun fait nouveau n’est à signaler à cet égard, la commission réitère sa précédente demande. Rappelant que tous les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat doivent jouir des droits prévus par la convention, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris par la révision de l’article 15 de la loi no 4688, en vue de garantir que le personnel pénitentiaire puisse effectivement être représenté par les organisations de son choix dans les négociations qui le concernent.
Articles 1 et 3 de la convention. Protection adéquate contre la discrimination antisyndicale. Suite aux recommandations formulées en juin 2013 par la Commission de l’application des normes de la Conférence, la commission avait prié le gouvernement de mettre en place un système de compilation de données sur les actes de discrimination antisyndicale signalés dans les secteurs public et privé. La commission note que le gouvernement indique que les préparatifs de la mise en place d’un système de compilation de telles données sont en cours dans le cadre d’un projet intitulé «Amélioration du dialogue social dans le monde du travail», actuellement déployé avec l’appui technique du Bureau. La commission prend note des textes de l’arrêt du Conseil d’Etat et de la réglementation concernant la nomination des administrateurs des institutions éducatives communiqués par le gouvernement à sa demande. La commission prie le gouvernement de continuer de communiquer des informations sur les progrès accomplis dans la mise en place du système de compilation de données sur les actes de discrimination antisyndicale signalés dans les secteurs public et privé.
Articles 1, 2 et 3. Licenciements en masse dans le secteur public en application des décrets instaurant l’état d’urgence. Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié instamment que le gouvernement fasse en sorte que la Commission spéciale constituée pour réexaminer les licenciements opérés dans le secteur public avec l’instauration de l’état d’urgence (désignée ci après «Commission d’enquête») soit accessible à tous les membres d’un syndicat qui souhaitent un réexamen de leur cas, et que cette commission soit dotée des capacités et des ressources et dispose des délais adéquats pour mener sa mission de révision promptement, de manière impartiale et dans les meilleurs délais. La commission avait en outre prié le gouvernement de veiller à ce que la charge de prouver que les licenciements n’étaient pas de nature antisyndicale ne pèse pas uniquement sur les syndicalistes licenciés, en imposant aux employeurs ou aux autorités compétentes de prouver que la décision de licenciement était fondée sur d’autres motifs. La commission avait exprimé le ferme espoir que, dans le cas où il serait avéré que leur licenciement était fondé sur des motifs antisyndicaux, les syndicalistes concernés seraient réintégrés dans leur poste avec paiement des salaires dus et préservation de leurs droits acquis. La commission note que le gouvernement déclare que tous les fonctionnaires qui ont été licenciés, à l’exception de ceux qui relevaient de l’ordre judiciaire, qui doivent à ce titre suivre une filière différente, ont le droit de saisir la Commission d’enquête pour la révision de leur cas. S’agissant de la capacité et des ressources de la Commission d’enquête, la commission note que le gouvernement indique que la durée de son mandat peut être prolongée jusqu’à l’achèvement de l’examen de toutes les demandes. Le gouvernement précise que, outre ses sept membres, la Commission d’enquête emploie au total 250 personnes, dont 80 sont des juges, des experts et des inspecteurs faisant fonction de rapporteurs. Quant à la procédure de présentation des plaintes et d’examen, le gouvernement indique qu’une infrastructure de présentation des plaintes a été mise en place et qu’elle enregistre toutes les informations des demandeurs – personnes naturelles et personnes morales – et est accessible 24 heures sur 24. Un site Web a également été créé pour que les demandeurs puissent suivre le cours de leur demande. Lorsque la demande est accueillie favorablement, la décision est notifiée à l’établissement public où le demandeur était employé au moment de son licenciement, en vue de sa réintégration. Les droits économiques et sociaux du demandeur doivent être honorés pour la période de son licenciement jusqu’à la date de sa réintégration. Lorsque sa demande est rejetée, le demandeur peut introduire une action auprès des instances administratives compétentes d’Ankara. S’agissant de la charge de la preuve, le gouvernement précise que la Commission d’enquête exige des institutions publiques concernées la production de documents et informations relatifs à l’appartenance, l’affiliation ou la relation de l’intéressé avec une organisation terroriste. Si l’établissement public concerné ne produit pas de tels documents ou informations et qu’aucune enquête ou poursuite n’est en cours au sujet du demandeur, la Commission d’enquête fait droit à la demande de réintégration. La commission prend également note des données statistiques suivantes communiquées par le gouvernement: au 9 novembre 2018, la Commission d’enquête avait été saisie de 125 000 demandes. Elle a commencé à les instruire le 22 décembre 2017 et, au 9 novembre 2018, elle avait rendu 42 000 décisions, dont 3 000 d’acceptation et 39 000 de rejet. Le gouvernement indique enfin que la Commission d’enquête rend des décisions individualisées et motivées sur environ 1 200 demandes par semaine grâce à un système d’examen qui est à la fois rapide et approfondi. La commission observe que, d’après les statistiques communiquées par le gouvernement, 7 pour cent seulement des demandes de réintégration déposées sont acceptées. Cependant, la commission ne dispose pas d’éléments d’information sur le taux d’acceptation et le taux de rejet des demandes déposées par des syndicalistes ou des responsables syndicaux licenciés. A cet égard, elle observe que l’EĞİTİM SEN allègue que 1 628 de ses membres ont été licenciés par suite des décrets-lois instaurant l’état d’urgence (Kanun Hükmünde Kararname, ci-après «KHK») et que, à la fin de septembre 2018, seulement 12 demandes de réintégration déposées par ses membres ont été accueillies favorablement.
Dans ses précédents commentaires, la commission avait également prié le gouvernement de faire en sorte que, dans le cadre de la prolongation de l’état d’urgence, aucun travailleur ne soit licencié en raison de son appartenance syndicale ou de sa participation à des activités syndicales. La commission note à cet égard que le gouvernement indique que l’état d’urgence a pris fin le 18 juillet 2018, soit deux ans après la tentative de coup d’Etat. La commission prend également note des observations suivantes communiquées par la CSI et par la DİSK, la KESK et l’EĞİTİM SEN mettant à jour et complétant les allégations précédentes de licenciement et de suspension antisyndicale sous l’état d’urgence: i) en mai 2018, 4 312 membres de la KESK au total avaient été démis de leurs fonctions, dont 138 l’avaient été sur les fondements du KHK no 695 du 24 décembre 2017, 4 sur les fondements du KHK no 697 du 12 janvier 2018, et 102 en application de la décision du Haut Conseil de discipline (le nombre des membres réintégrés de la KESK est de 94); ii) un groupe de 18 membres du comité exécutif de la KESK et au moins 330 représentants de cette organisation agissant dans ses branches locales, ses conseils disciplinaires et ses instances de vérification des comptes étaient au nombre des personnes licenciées; iii) des mesures de suspension généralisées dans certaines villes ont eu pour effet que 11 329 membres de la KESK ont été démis de leurs fonctions à partir du 20 juillet 2016 et que, à la fin de 2017, 240 membres de la KESK étaient encore dans cette situation; iv) près de 400 «universitaires pour la paix», dont une majorité de membres de l’EĞİTİM SEN et de SES (syndicats affiliés l’un et l’autre à la KESK), qui avaient signé une déclaration appelant à l’arrêt des combats dans l’est et le sud-est de l’Anatolie ont été exclus de l’université en application de l’état d’urgence; v) seulement 50 parmi les 1 959 membres de la DİSK Genel-İş licenciés en vertu des KHK ont retrouvé leur emploi et 28 autres membres font toujours l’objet d’une suspension. S’agissant des motifs des licenciements, la commission note que le gouvernement souligne que ceux-ci ont été décidés sur la base de l’appartenance, de l’affiliation ou de la relation avec des organisations terroristes et que ces décisions n’avaient aucun lien et n’étaient pas fondées non plus sur l’appartenance à un syndicat légitime, à la situation ou à l’activité de la personne concernée. La commission note cependant que, dans leurs observations, la KESK et l’EĞİTİM SEN allèguent que le gouvernement emploie les termes «activité terroriste» ou «propagande terroriste» à propos de tous les groupes d’opposition politique et leurs activités. La commission note en outre que la KESK allègue que les critères appliqués, en raison de leur caractère particulièrement vague et étendu, permettent de licencier des fonctionnaires qui sont «considérés» comme ayant des liens avec des entités et autres groupes illégaux, si bien qu’en mai 2018 non moins de 4 218 membres de la KESK ayant fait l’objet de menaces et de pressions de la part du Mouvement Gülen ont été démis de leurs fonctions. La commission note que le gouvernement indique à cet égard que nul n’est a priori exempt de poursuites en cas d’activités illégales et que tous les syndicats ainsi que tous leurs membres sont tenus de respecter la loi.
La commission prend note, en outre, des observations de la KESK et de l’EĞİTİM SEN alléguant que le pouvoir politique s’est servi de l’état d’urgence pour cibler et diriger son action de répression contre certains syndicats et que cette situation se poursuit, même si l’état d’urgence a pris fin, étant donné que l’administration soutient les syndicats progouvernementaux et, simultanément, exerce des pressions sur les syndicats d’opposition. La commission rappelle à cet égard avoir pris note dans ses précédents commentaires d’allégations selon lesquelles des membres de l’EĞİTİM SEN et de la DİSK étaient frappés par des mesures de suspension ou de licenciement en raison de leur appartenance à des syndicats affiliés à leur confédération (KESK et DİSK), ainsi que d’allégations de l’EĞİTİM SEN selon lesquelles certains responsables de nombreux établissements publics avaient porté des accusations mensongères contre ses adhérents et ses dirigeants pour parvenir à leur licenciement ou leur suspension, et ainsi affaiblir ce syndicat au profit des autres, dits «partisans». A ce sujet, la commission avait prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour prévenir tout usage abusif de l’état d’urgence à des fins d’ingérence dans les activités syndicales et dans le fonctionnement de ces organisations, de remédier à de tels abus lorsqu’ils sont avérés et de donner des informations sur les mesures prises dans ce sens. La commission note avec regret que le gouvernement n’a pas répondu à sa demande, ni aux observations des syndicats à ce sujet.
La commission observe que, si le gouvernement déclare que les licenciements étaient fondés sur une activité illégale des intéressés, les organisations de travailleurs arguent que l’accusation de «liens avec des organisations terroristes» a été utilisée et appliquée d’une manière excessivement large pour cibler des membres de syndicats ayant des affinités politiques avec l’opposition et, ainsi, renforcer la position des syndicats progouvernementaux dans le secteur public. La commission, si elle n’est pas en mesure de vérifier le bien-fondé de ces allégations, considère que la protection des travailleurs contre la discrimination antisyndicale au sens de la convention reste valable en toutes circonstances, quelle que soit la situation politique. Les membres de syndicats doivent être protégés contre les licenciements se fondant sur les affinités politiques des organisations auxquelles ils adhèrent, en particulier en cas d’état d’urgence, tant que leur conduite n’enfreint aucune loi. Elle considère en outre que, dans le secteur public, des licenciements qui visent à affaiblir des syndicats proches de l’opposition politique au profit de syndicats progouvernementaux s’assimileraient à des actes d’ingérence visant à placer des organisations de travailleurs dominées par l’employeur et constitueraient à ce titre une violation des articles 1 et 2 de la convention. Elle exprime le ferme espoir que la Commission d’enquête, qui dispose des moyens nécessaires pour examiner les éléments de fait pertinents, et que les instances administratives d’Ankara, qui sont compétentes pour examiner les appels formés contre les décisions de la Commission d’enquête, ne manqueront pas de prendre cet aspect en considération. Tout en prenant dûment note des informations dont elle a été saisie en ce qui concerne les licenciements de membres et de dirigeants de syndicats décidés dans le cadre de l’état d’urgence et le fonctionnement de la Commission d’enquête. La commission se déclare profondément préoccupée par la situation telle qu’elle a évolué, considérant le nombre élevé de mesures de suspension et de licenciement qui affectent encore des dirigeants et membres d’organisations syndicales. La commission exprime le ferme espoir que cette Commission d’enquête et les instances administratives d’Ankara qui examinent en appel ces décisions de licenciement examineront soigneusement les motifs des mesures de licenciement frappant des membres et des dirigeants de syndicats dans le secteur public, et que ces instances ordonneront la réintégration de tous les demandeurs dont le licenciement se révélera motivé par des considérations antisyndicales ou relevant de l’ingérence. Elle le prie de continuer de donner des informations sur le fonctionnement de la Commission d’enquête et, en particulier, de communiquer le nombre des demandes de réintégration déposées par des membres et des dirigeants de syndicats et sur la décision prise sur leur demande par la Commission d’enquête. Elle le prie en outre de donner des informations sur le nombre et l’issue des appels formés contre la décision négative de la Commission d’enquête par des membres et des dirigeants de syndicats.
Article 1. Discrimination antisyndicale dans le cadre de l’emploi. La commission prend note des observations de la KESK et de l’EGİTİM SEN alléguant que des centaines de leurs membres et affiliés, appartenant principalement au secteur de l’éducation, ont été mutés contre leur volonté en 2016 (au moins 122 mutations, consécutives principalement à une participation à des activités syndicales et des manifestations) et en 2017 (1 267 mutations, dont 1 190 dans le secteur de l’éducation). Dans leurs observations, ces organisations syndicales exposent en détail 116 cas dans lesquels des membres et des dirigeants de syndicats ont fait l’objet d’enquêtes disciplinaires et de mutations obligatoires, s’accompagnant parfois d’une rétrogradation, suite à leur participation à des activités syndicales diverses, dont des conférences de presse, des manifestations de protestation ou des grèves organisées suite à l’attentat à la bombe commis à Ankara le 10 octobre 2015, ou en raison de commentaires diffusés sur les réseaux sociaux. La commission note que la KESK indique que, suite à certaines initiatives prises par des syndicats et à un dialogue avec les autorités, un certain nombre de membres de syndicats qui avaient été mutés ont été réaffectés à des lieux de travail proches de leur lieu de travail d’origine et que quelques-uns d’entre eux, ayant à charge des membres de leur famille nécessitant des soins spéciaux, ont retrouvé leur lieu de travail d’origine. La KESK signale cependant que, dans le cas de 14 fonctionnaires frappés d’une mesure de mutation, alors qu’ils ont des personnes à charge qui nécessitent des soins spéciaux, la décision de licenciement n’a pas été annulée. La KESK allègue en outre que les accords dits «de compensation aux fins de l’équilibre social» conclus en application de l’article 32 de la loi no 4688 comportent des dispositions discriminatoires à l’égard des membres de syndicats minoritaires, qui doivent acquitter des droits plus élevés et qui n’accèdent aux prestations prévues que sous réserve de la production d’un dossier exempt de toute sanction disciplinaire. La KESK évoque à ce sujet des accords conclus à Gaziantep et à Kocaeli, lieux dans lesquels Bem Bir Sen, organisation affiliée à la Confédération MEMUR SEN présentée comme progouvernementale, est majoritaire, et où TÜM BEL SEN, organisation affiliée à la KESK, est minoritaire. La KESK déclare en outre qu’un certain nombre de salariés lésés ont saisi la justice d’une action contre lesdites dispositions discriminatoires et que la procédure est en cours. La commission prend note de la réponse de caractère général faite par le gouvernement quant à cette oppression alléguée de certains syndicats et de leurs membres, le gouvernement déclarant que les exemples cités se rapportent principalement à: des situations dans lesquelles les règles de l’état d’urgence ont été ignorées ou enfreintes de manière réitérée; des situations d’appel à une grève illégale ou d’organisation d’activités sur l’espace public en violation de la loi no 2911; des procédures disciplinaires à l’égard de fonctionnaires s’étant livrés à des activités politiques en violation de leur statut. Le gouvernement déclare enfin que le droit interne ménage des voies légales de réparation devant les juridictions administratives ou judiciaires contre tous les actes de l’administration. La commission, tout en notant que certains syndicats mentionnent dans leurs observations être parvenus à un certain degré de satisfaction dans leur recours auprès des autorités pour résoudre certaines situations, est néanmoins conduite à rappeler que, en vertu de l’article 1, paragraphe 2 b), de la convention, les travailleurs doivent être protégés, dans le cadre de leur emploi, contre des mesures telles que des mutations ou des rétrogradations qui portent atteinte à leurs intérêts, en raison de leur affiliation syndicale ou de leur participation à des activités syndicales, notamment de leur participation à des actions de protestation et à des grèves ou des conférences de presse, qui constituent autant d’activités syndicales légitimes. En conséquence, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour prévenir toute mesure de mutation ou de rétrogradation de caractère discriminatoire et à motivation antisyndicale et de faire en sorte que, si des mesures de cette nature sont encore en vigueur à ce jour, elles soient annulées immédiatement. Elle le prie également de communiquer sa réponse aux allégations de la KESK selon lesquelles certains accords dits de «compensation aux fins de l’équilibre social» comporteraient des clauses discriminatoires.
Article 4. Promotion de la négociation collective. Négociations intersectorielles. Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement de réexaminer l’impact de l’article 34 de la loi (no 6356) sur les syndicats et les conventions collectives, en vertu duquel une convention collective peut s’appliquer à un ou plusieurs lieux de travail de la même branche d’activité, et d’envisager la modification de cet article de manière à garantir qu’il ne restreigne pas la possibilité pour les parties de conclure des accords intersectoriels régionaux ou nationaux. La commission note que, selon les indications du gouvernement et de la TİSK, le système de négociation collective à plusieurs niveaux, qui permet de conclure des conventions collectives aux niveaux d’un lieu de travail, d’une entreprise ou d’un groupe et aussi des accords-cadres au niveau de la branche, est le produit d’un système de relations sociales ancien et bien établi en Turquie et que les partenaires sociaux ne manifestent aucun souhait de changement à cet égard. La commission note en outre que, dans la pratique, la négociation collective dans les entreprises publiques s’effectue à un niveau intersectoriel et qu’elle se concrétise par des «protocoles d’accord-cadre de conventions collectives du secteur public». La commission note cependant que, en vertu de l’article 34 de la loi no 6356, la négociation intersectorielle n’a pas cours et ne semble pas être possible dans le secteur privé. Prenant dûment note des informations communiquées par le gouvernement et par la TİSK, vu le principe qu’il doit appartenir aux parties de déterminer entre elles le niveau de la négociation, la commission prie le gouvernement de considérer, en consultation avec les partenaires sociaux, la possibilité de modifier l’article 34 de la loi no 6356, de manière que cet article ne restreigne pas la possibilité pour les parties de conclure des accords intersectoriels de niveau régional ou national dans le secteur privé si elles le souhaitent. Elle le prie également de donner des informations sur les mesures prises à cet égard.
Conditions requises pour devenir agent de négociation. La commission rappelle avoir observé dans ses précédents commentaires que l’article 41(1) de la loi no 6356 impose à un syndicat de satisfaire initialement aux conditions suivantes pour pouvoir devenir agent de négociation collective: le syndicat devant représenter au moins 1 pour cent (puis, progressivement, 3 pour cent) des travailleurs engagés dans la branche d’activité considérée, ainsi que plus de 50 pour cent des travailleurs employés sur le lieu de travail et 40 pour cent des travailleurs employés dans l’entreprise devant être couverts par la future convention collective. La commission rappelle en outre que ce seuil de 3 pour cent a été abaissé à 1 pour cent par la loi no 6552 du 10 septembre 2014. De plus, l’article 1 de la loi no 6356 prévoyait que ce seuil de 1 pour cent devait être porté à 3 pour cent à l’égard des syndicats n’étant pas membres de confédérations siégeant au Conseil économique et social, mais il a été abrogé sur décision de la Cour constitutionnelle. De ce fait, ce seuil de 3 pour cent a été rabaissé à 1 pour cent à l’égard de tous les syndicats. La commission rappelle en outre que, jusqu’au 6 septembre 2018, des dérogations aux dispositions légales quant au seuil de représentativité au niveau de la branche ont été accordées à trois catégories de syndicats, qui étaient qualifiées précédemment, afin d’empêcher la perte de cette qualité de partenaire aux fins de la négociation collective. La commission rappelle enfin qu’elle a été saisie par le Comité de la liberté syndicale des aspects juridiques soulevés dans le cas no 3021 (voir 382e rapport, juin 2017, paragr. 144) à propos des effets de l’application de la loi no 6356 sur le mouvement syndical et le mécanisme de négociation collective national dans son ensemble. La commission rappelle que le Comité de la liberté syndicale a estimé que le seuil imposé au niveau de la branche d’activité en vertu de la loi no 6356, en sus du seuil imposé au niveau du lieu de travail et à celui de l’entreprise, pour pouvoir conclure une convention collective de travail, n’est pas propice à des relations sociales harmonieuses et n’encourage pas la négociation collective au sens qu’entend l’article 4 de la convention, puisque l’exigence posée par ce seuil peut se traduire au final par une diminution du nombre des travailleurs couverts par des conventions collectives dans le pays (voir 373e rapport, octobre 2014, paragr. 529). La commission note que le gouvernement n’indique pas si la dérogation accordée aux syndicats précédemment habilités a été prorogée au-delà du 6 septembre 2018. Le gouvernement indique cependant que, si un consensus se dégage entre les partenaires sociaux quant au seuil à imposer au niveau de la branche, le ministère de la Famille, du Travail et des Services sociaux en tiendra dûment compte dans ses travaux. D’après les statistiques communiquées dans le rapport du gouvernement, le taux de syndicalisation dans le secteur privé était de 12,38 pour cent en janvier 2018, et 14,4 pour cent des travailleurs étaient couverts par des conventions collectives en 2017. Rappelant les préoccupations exprimées par plusieurs organisations de travailleurs à propos de la persistance d’une dualité dans les seuils d’admissibilité et notant que la dérogation accordée aux syndicats habilités antérieurement n’était que provisoire, la commission prie le gouvernement d’indiquer si cette dérogation a été prorogée au-delà du 6 septembre 2018 et quel a été l’impact de la décision prise à cet égard quant à la capacité des syndicats habilités antérieurement à participer à la négociation collective. Elle prie le gouvernement de continuer d’observer, en concertation avec les partenaires sociaux, l’impact de la persistance de cette dualité de seuils pour le mouvement syndical et l’impact du mécanisme de négociation collective dans son ensemble et, dans le cas où il serait avéré que ce seuil de 1 pour cent a un impact négatif sur l’extension du mécanisme national de négociation collective, de réviser la loi en vue de la suppression de ce seuil.
S’agissant des seuils de représentativité au niveau du lieu de travail et au niveau de l’entreprise, la commission avait noté précédemment que l’article 42(3) de la loi no 6356 prévoit que, lorsque aucun syndicat ne satisfait aux conditions d’habilitation à la négociation collective, toute partie ayant sollicité l’attribution de cette compétence doit en être avisée, et que l’article 45(1) prévoit qu’une convention collective conclue sans que le document d’habilitation ait été produit est nulle et non avenue. Elle avait rappelé à cet égard que, lorsque aucun syndicat n’atteint le seuil fixé, tous les syndicats devraient pouvoir prétendre au droit de négocier collectivement, du moins au nom de leurs propres membres. Elle avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la législation soit modifiée dans un sens conforme à ce principe. A cet égard, la commission note que la TİSK souligne dans son observation que le système de négociation collective turc repose sur le principe d’une convention collective unique pour un seul et même lieu de travail ou une seule et même entreprise, et pour une période donnée, et que ce principe a été retenu en raison des conflits et heurts regrettables ayant affecté la paix du travail par le passé. La TİSK exprime en outre son net désaccord avec l’idée d’habiliter plus d’un syndicat à négocier collectivement pour la même période. Prenant dûment note de cette observation, la commission rappelle également que la TÜRK-İŞ a fait observer précédemment que le seuil de 50 pour cent des travailleurs d’un lieu de travail considéré est difficile à atteindre à une époque où les systèmes de relations socioprofessionnelles flexibles prolifèrent et sont favorisés par la législation. Quant au seuil requis au niveau de l’entreprise, la commission rappelle que la TÜRK-İŞ a indiqué que, lorsque aucun syndicat dans une même entreprise ne parvient à représenter 40 pour cent des travailleurs, ou dans le cas exceptionnel où deux syndicats atteignent le même seuil, aucun des deux n’est considéré comme qualifié en tant que partenaire à la négociation collective. Tout en prenant note des préoccupations exprimées par la TİSK à propos de la paix sociale, la commission observe que, d’après les observations antérieures de la TÜRK-İŞ, les seuils actuels de représentativité en vue de la négociation collective fixés au niveau du lieu de travail et au niveau de l’entreprise ne sont pas favorables à l’essor de celle-ci en Turquie, puisqu’ils empêchent les syndicats ne parvenant pas à la majorité absolue sur le lieu de travail considéré ou à une majorité de 40 pour cent au niveau de l’entreprise de participer à la négociation collective, ce qui prive leurs membres du droit de déterminer leurs conditions d’emploi par ce moyen. La commission rappelle une fois de plus qu’avec un système de désignation d’un partenaire exclusif à la négociation, si aucun des syndicats ne parvient au pourcentage de représentativité requis à cette fin, tous les syndicats de l’unité considérée devraient pouvoir participer à la négociation collective, conjointement ou séparément, tout au moins au nom de leurs propres membres. La commission souligne que, en permettant à des syndicats minoritaires de participer conjointement à la négociation, la loi pourrait suivre une démarche plus favorable à l’extension de la négociation collective sans porter atteinte pour autant au principe d’«un seul accord pour un seul et même lieu de travail ou une seule et même entreprise» instauré par la législation turque. De même, la commission considère que, lorsque deux ou plusieurs syndicats parviennent au seuil de représentativité au niveau de l’entreprise, ils devraient être habilités à participer conjointement à la négociation, du moins au nom de leurs propres membres. A la lumière de ce qui précède, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les partenaires sociaux, pour que la législation soit modifiée, et de donner des informations à ce sujet.
Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement de donner des informations sur toute application qui serait faite des articles 46(2), 47(2), 49(1), 51(1), 60(1) et (4), 61(3) et 63(3) pour des raisons multiples, qui prévoient toute une série de situations dans lesquelles le certificat d’habilitation à négocier peut être retiré par les autorités (le fait de ne pas appeler l’autre partie à engager les négociations dans les quinze jours qui suivent l’attribution de l’habilitation; l’absence à la première séance de négociation collective ou encore le défaut d’ouverture de la négociation dans les trente jours qui suivent la date de la convocation; la non déclaration d’un conflit à l’autorité compétente dans un délai de six jours ouvrables; l’omission de la saisine du Haut Conseil d’arbitrage; l’omission de statuer sur une proposition de grève ou d’engager une action de grève conformément aux prescriptions légales; l’impossibilité de parvenir à un accord avant la fin du délai de report du déclenchement d’une grève). Elle avait prié le gouvernement de continuer d’examiner l’application de ces articles, en concertation avec les partenaires sociaux concernés, en vue de les modifier dans un sens propre à favoriser la négociation collective lorsque les parties le souhaitent. La commission avait également noté que la TİSK déclarait dans son observation que ces dispositions n’avaient pas d’incidence négative sur la négociation collective dans la pratique, parce que les syndicats se montrent très attentifs aux règles de procédure. Elle avait également noté que, selon le gouvernement, ces dispositions ont vocation à garantir le processus de négociation, accélérer son fonctionnement et en raccourcir les délais. La commission note avec regret que le gouvernement n’a fourni aucune information à cet égard. La commission prie à nouveau le gouvernement de réexaminer l’application de ces dispositions, en concertation avec les partenaires sociaux concernés, et de donner des informations sur les circonstances dans lesquelles il en est fait application.
Articles 4 et 6. Droits de négociation collective des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat. Portée matérielle de la négociation collective. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que l’article 28 de la loi no 4688, dans sa teneur modifiée en 2012, restreint le champ d’application des conventions collectives aux seuls «droits sociaux et financiers», excluant de ce fait les questions telles que la durée du travail, l’avancement, le développement des carrières et les mesures disciplinaires. Elle avait également noté que le gouvernement indiquait à cet égard que les modifications apportées en 2012 à l’article 28 visaient à conférer à la négociation un rôle nettement plus étendu dans la détermination des droits économiques et sociaux des fonctionnaires, le gouvernement ajoutant cependant que, lorsque les parties à la négociation conviennent de la nécessité d’une modification de la législation, la convention collective préconise de procéder à cette modification, parce que le statut des fonctionnaires est régi par la loi. La commission note que, dans son plus récent rapport, le gouvernement déclare que les revendications des syndicats et confédérations syndicales qui ne portent pas sur les droits sociaux et financiers sont accueillies et étudiées dans d’autres instances, plus appropriées, en dehors de la négociation collective. Tout en notant les indications du gouvernement, la commission rappelle une fois de plus à ce propos que les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat devraient jouir des garanties prévues par la convention et devraient en conséquence pouvoir négocier collectivement sur leurs conditions d’emploi, et que des mesures prises unilatéralement par les autorités afin de restreindre le champ des questions négociables sont le plus souvent incompatibles avec la convention. Elle souhaite néanmoins rappeler que la convention est compatible avec des systèmes soumettant à l’approbation du Parlement certaines clauses de conventions collectives qui ont trait aux conditions de travail ou aux conditions financières dans le secteur public, dès lors que les autorités respectent les accords ainsi conclus. Gardant à l’esprit que la convention est compatible avec des modalités de négociation particulières dans le secteur public telles que mentionnées ci-dessus, la commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soient abrogées les restrictions concernant les questions sur lesquelles la négociation collective est admise, afin que le champ possible des droits de négociation collective des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat soit pleinement conforme à la convention.
Négociation collective dans le secteur public. Conseil d’arbitrage de salariés du secteur public. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que, en vertu des articles 29, 33 et 34 de la loi no 4688, la Délégation des employeurs du secteur public (PED) et la Délégation des syndicats d’employés des services publics (PSUD) sont parties aux conventions collectives conclues dans ce secteur. Les propositions afférentes à la partie générale de la convention collective sont établies par les membres de la confédération de la PSUD et les propositions afférentes aux conventions collectives pour chaque branche sont élaborées par les membres représentatifs des syndicats de branche de la PSUD. La commission avait également pris note des observations de la Türkiye KAMU-SEN à cet égard, selon lesquelles de nombreuses propositions émanant de syndicats habilités de la branche sont acceptées en tant que propositions afférentes à la partie générale de la convention collective alors que, conformément aux dispositions de l’article 29, elles devraient être présentées par une confédération, et que ce procédé prive les syndicats de branche de la faculté d’exercer directement leur droit de faire des propositions. Notant que, bien que les syndicats les plus représentatifs de la branche soient représentés dans la PSUD et qu’ils prennent part à la négociation spécifique à une branche, leur rôle au sein de la PSUD se trouve restreint en ce qu’ils ne sont pas habilités à faire des propositions pour les conventions collectives, en particulier lorsque leurs revendications sont qualifiées de générales ou applicables à plus d’une branche, la commission avait prié le gouvernement de faire en sorte que ces syndicats puissent formuler des propositions générales. La commission note que le gouvernement indique à cet égard qu’il n’est rien d’autre que naturel que les propositions concernant tous les salariés du secteur public soient avancées par des membres qui représentent les confédérations à la PSUD, lesquelles sont des organisations de plus haut niveau que les syndicats et que, au cours des quatre cycles de négociation qui ont eu lieu depuis l’entrée en vigueur du système en 2012, les syndicats de salariés du secteur public ont participé aux négociations en tant que membres de la PSUD et ont pu influer par ce moyen sur les propositions générales. La commission note que les indications données par le gouvernement semblent confirmer qu’au sein de la PSUD seules les confédérations peuvent formuler les propositions portant sur des questions intéressant plus d’une branche. Considérant que, lorsque les instances paritaires au sein desquelles les conventions collectives doivent être conclues et les conditions imposées par la loi pour la participation de ces instances sont telles qu’elles empêchent un syndicat qui serait le plus représentatif de la branche d’activité considérée d’être associé aux travaux desdites instances, il est porté atteinte aux principes établis par la convention, la commission prie à nouveau le gouvernement de faire en sorte que la loi no 4688 et son application permettent que les syndicats les plus représentatifs de toute branche fassent des propositions pour les conventions collectives, y compris sur les questions qui peuvent intéresser plus d’une branche, pour les salariés du secteur public qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat.
Négociation collective dans le secteur public. Participation des syndicats de branche les plus représentatifs. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que, en vertu de l’article 29 de la loi no 4688, en cas d’échec de négociations dans le secteur public, le président du PED (le ministre du Travail), au nom de l’administration publique, et le président de la PSUD (actuellement le dirigeant de la Confédération MEMUR SEN), agissant au nom des salariés du secteur public, peuvent solliciter le Conseil d’arbitrage des salariés du secteur public. Les décisions de ce conseil sont finales et revêtent alors les mêmes effets et la même force qu’une convention collective. La commission avait prié le gouvernement de communiquer sa réponse aux observations de la KESK selon lesquelles la majorité des membres du Conseil d’arbitrage des salariés du secteur public sont désignés par les employeurs et le rôle du Conseil des ministres dans ce processus suscite des doutes quant à l’indépendance de cet organe. La commission note que le gouvernement déclare à ce sujet que, en vertu du KHK no 703 du 2 juillet 2018, le Président de la République a le pouvoir de nommer un juge principal à la présidence du conseil d’arbitrage ainsi que quatre membres, désignés parmi les ministères et les institutions publiques, et un membre désigné parmi les milieux universitaires actifs dans le domaine considéré, mais qu’en revanche quatre membres du conseil sont désignés directement par les trois confédérations de syndicats de fonctionnaires les plus représentatives et un membre est nommé par le Président de la République parmi les milieux universitaires, sur proposition desdites confédérations. Le gouvernement conclut que, puisque les 11 membres du conseil d’arbitrage sont présidés par un juge qui est indépendant en sa qualité et ne peut pas recevoir d’instruction du pouvoir exécutif et que, sur les 10 membres, cinq sont désignés par des organisations syndicales de fonctionnaires, il s’agit là d’une institution équilibrée. Compte tenu des informations ainsi communiquées par le gouvernement, la commission note que, en vertu du KHK no 703 d’adoption récente, sept des 11 membres du conseil d’arbitrage, y compris le président, sont désignés par le Président de la République. Elle estime qu’une telle procédure de sélection peut susciter des doutes quant à l’indépendance et l’impartialité de cette institution. En conséquence, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour réaménager la composition du Conseil d’arbitrage ou le mode de désignation de ses membres pour mieux révéler son indépendance et son impartialité et emporter la confiance des parties.
Négociation collective dans le secteur public. Accords «de compensation aux fins de l’équilibre social». Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que, dans la branche des administrations locales, des négociations entre l’employeur direct (l’administration locale) et les syndicats représentant les fonctionnaires territoriaux avaient eu lieu longtemps avant que n’entrent en vigueur les amendements de 2012, et que ces négociations avaient abouti à la conclusion de nombreuses conventions collectives, au bénéfice de dizaines de milliers de travailleurs, alors qu’avec l’entrée en vigueur de l’article 32 de la loi no 4688 les conventions dites «de compensation aux fins de l’équilibre social» ne sont plus considérées comme des conventions collectives. De ce fait, la commission avait prié le gouvernement d’indiquer si toutes les questions ayant antérieurement fait l’objet d’une négociation entre l’administration locale et les organisations représentatives des salariés peuvent encore être réglées par le système de négociation centralisé instauré par la législation modifiée, et d’indiquer si, et, dans l’affirmative, comment, les organisations représentant les salariés des administrations locales peuvent prendre part aux négociations dans le cadre du nouveau système. La commission note que le gouvernement réaffirme à cet égard que la procédure de négociation d’une convention collective dans l’administration publique locale est la même que dans les autres branches et qu’une convention collective dans cette branche doit être conclue entre le PED et le syndicat majoritaire de ladite branche. Le gouvernement indique en outre que les accords de compensation aux fins de l’équilibre social ne sont pas des conventions collectives au regard de la loi no 4688, si bien qu’une procédure différente a été rendue possible pour les administrations locales qui souhaitent conclure des accords autres que ceux prévus à l’article 32 de la loi et qui en ont les moyens financiers. En vertu de cette disposition, les administrations communales et provinciales spéciales peuvent conclure des accords de compensation aux fins de l’équilibre social directement avec le syndicat de fonctionnaires le plus représentatif dans la municipalité ou l’administration provinciale considérée. La commission note également que la KESK mentionne dans ses observations des accords conclus au niveau des municipalités à Gaziantep et Kocaeli en application de l’article 32 de la loi no 4688. Elle note par conséquent que la pratique de la négociation et conclusion directe d’accords de compensation aux fins de l’équilibre social au niveau des administrations locales se poursuit dans le cadre défini par l’article 32 de cette loi.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2019.]

Observation (CEACR) - adoptée 2017, publiée 107ème session CIT (2018)

La commission prend note des observations de l’Internationale de l’éducation (IE) et du Syndicat des travailleurs de l’enseignement et de la science de Turquie (EĞİTİM SEN), et de la réponse du gouvernement à cet égard, ainsi que des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) et du rapport de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DİSK) qui leur est joint, reçus le 1er septembre 2017, concernant les questions examinées par la commission dans sa présente observation et la réponse du gouvernement en ce qui concerne ces questions. La commission prend note également des observations de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) transmises par l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 31 août 2017, de la réponse du gouvernement à ces observations, ainsi que des observations de la TİSK, de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-İŞ) et de la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (Türkiye Kamu-Sen) communiquées avec le rapport du gouvernement, et de la réponse du gouvernement auxdites observations. Elle prend note enfin de la réponse détaillée du gouvernement aux observations de 2015 de la CSI alléguant des violations de la convention dans la pratique.
Champ d’application de la convention. Dans ses précédentes observations, la commission avait prié le gouvernement d’indiquer la manière dont les organisations de travailleurs représentant le personnel pénitentiaire pouvaient participer à la négociation de conventions collectives couvrant leurs membres. La commission prend note de l’indication du gouvernement, selon laquelle les membres du personnel pénitentiaire, comme tous les autres fonctionnaires, sont couverts par les conventions collectives conclues dans la fonction publique, même si, en vertu de l’article 15 de la loi sur les syndicats de fonctionnaires et les conventions collectives (loi no 46 88), ils ne jouissent pas du droit d’association. Rappelant que tous les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat doivent jouir des droits reconnus par la convention, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris la révision législative de l’article 15 de la loi no 46 88, pour garantir que les membres du personnel pénitentiaire peuvent être effectivement représentés par les organisations de leur choix dans les négociations qui les concernent.
Articles 1 et 3 de la convention. Protection adéquate contre la discrimination antisyndicale. Dans le prolongement des recommandations de juin 2013 de la Commission de la Conférence sur l’application des normes, la commission avait prié le gouvernement d’établir un système permettant de collecter des données sur la discrimination antisyndicale, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. La commission note avec intérêt l’indication du gouvernement, selon laquelle, dans le cadre du projet «Amélioration du dialogue social dans la vie professionnelle», en cours de mise en œuvre avec l’appui technique du Bureau, il est prévu de mettre en place un tel système de données et de fournir un accès à l’information en vue d’assurer une protection contre la discrimination antisyndicale. La commission accueille favorablement également la réponse du gouvernement aux allégations de discrimination antisyndicale formulées par la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK), dans la nomination des directeurs d’établissement d’enseignement, selon lesquelles, après que le Conseil d’Etat a décidé de surseoir à l’exécution de certaines dispositions du règlement applicable, de nouveaux règlements ont été adoptés pour régir ces nominations. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les progrès accomplis dans la mise en place du système de collecte de données sur la discrimination antisyndicale dans les secteurs privé et public, et de communiquer le texte de la décision du Conseil d’Etat, ainsi que le dernier règlement relatif à l’affectation des administrateurs des établissements d’enseignement.
Articles 1, 2 et 3. Licenciements massifs dans le secteur public en vertu des décrets sur l’état d’urgence. La commission prend note des déclarations de l’EĞİTİM SEN et de la DİSK alléguant des licenciements antisyndicaux d’un grand nombre de leurs membres et permanents syndicaux en vertu des décrets d’urgence adoptés suite à la tentative de coup d’Etat de juillet 2016, respectivement dans le secteur de l’éducation et dans les municipalités. La commission note en outre que les deux organisations susmentionnées considèrent que leurs membres ont été visés par les mesures de suspension et de licenciement en raison de leur appartenance à des syndicats affiliés à leurs confédérations (KESK et DİSK), et que l’EĞİTİM SEN allègue que les administrateurs de nombreux établissements publics ont porté de fausses accusations à l’encontre de leurs membres et permanents syndicaux ayant entraîné leur licenciement et leur suspension, dans le but d’affaiblir leur syndicat au profit de syndicats dits «partisans». Ainsi, 1 959 membres de la DİSK Genel-İş auraient été démis de leurs fonctions dans les municipalités par décret ou par décision des administrateurs nommés en remplacement des maires déchus, et 1 564 membres de l’EĞİTİM SEN, dont 3 membres de son conseil d’administration et 169 membres de conseils d’administration locaux, auraient été démis de leurs fonctions depuis la proclamation de l’état d’urgence. Ces deux organisations font observer que les personnes concernées n’ont eu droit à aucune possibilité de recours contre ces décisions. La commission note également que la DİSK indique que les tribunaux administratifs et le tribunal constitutionnel se sont déclarés incompétents pour examiner les cas de licenciement décidés sur la base des décrets d’urgence, et que, bien qu’une «Commission d’examen des pratiques de l’état d’urgence» ait été établie, le groupe spécial de travail qu’elle a constitué pour connaître de ces cas, compte tenu de leur grand nombre, manque de ressources suffisantes. La commission prend note des réponses du gouvernement aux observations de la DİSK et de l’EĞİTİM SEN indiquant que, à la suite de la tentative de coup d’Etat de juillet 2016, l’état d’urgence a été déclaré, conformément à la Constitution, afin d’éliminer la menace contre l’ordre démocratique, et des décrets sur l’état d’urgence ont été pris pour démettre de leurs fonctions dans les institutions d’Etat les membres des organisations liées ou affiliées à l’Organisation terroriste Fethullahiste/Structure d’Etat parallèle (FETO/PSS). Le gouvernement renvoie en particulier à l’article 4 du décret-loi no 667, qui dispose que tous les fonctionnaires considérés comme ayant une affiliation, une appartenance ou un lien avec des organisations et des groupes terroristes désignés par le Conseil national de sécurité comme participant à des activités contre la sécurité nationale doivent être démis de leurs fonctions publiques au titre de sanctions judiciaires ou disciplinaires, cette mesure de nature extraordinaire revêtant un caractère définitif visant à mettre fin à l’existence d’organisations terroristes et autres structures considérées comme agissant contre la sécurité nationale. Le gouvernement indique cependant qu’une commission chargée d’examiner les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence a été créée pour étudier et évaluer, entre autres, les réclamations des personnes licenciées ou démises de leurs fonctions ainsi que des syndicats, fédérations et confédérations dissous directement en application des décrets sur l’état d’urgence. Le mandat de la commission est de deux ans, et il peut être prolongé d’un an. La commission se compose de sept membres et est habilitée à obtenir tous les documents et informations nécessaires auprès des institutions concernées, sous réserve du respect du secret de l’enquête et des secrets d’Etat. Elle prend ses décisions à la majorité des voix. Les réclamations doivent lui être adressées dans un délai de soixante jours à partir d’une date fixée par le gouvernement en ce qui concerne les licenciements ordonnés en vertu des décrets antérieurs, et dans un délai de soixante jours à partir de la date d’entrée en vigueur des décrets de renvois adoptés ultérieurement. Des recours en annulation contre ses décisions peuvent être introduits auprès des tribunaux administratifs d’Ankara, et les décisions à leur sujet seront prises par le Conseil supérieur de la magistrature du Parquet. Le gouvernement indique en outre que les membres de l’appareil judiciaire démis de leurs fonctions par décision des hautes juridictions ont le droit de saisir le Conseil d’Etat.
La commission souhaite souligner que la protection contre la discrimination antisyndicale telle que conférée par la convention ainsi que par d’autres conventions fondamentales, ainsi que les instruments relatifs aux droits de l’homme, demeure acquise aux travailleurs en toutes circonstances politiques. Toutefois, dans des situations d’une gravité extrême, certaines garanties peuvent être temporairement suspendues à condition que toute mesure affectant l’application de la convention soit limitée dans son champ et sa durée à ce qui est strictement nécessaire pour faire face à la situation en question. A cet égard, la commission note avec une profonde préoccupation que les licenciements effectués en vertu des décrets d’urgence se sont produits sans que soit garanti aux travailleurs concernés le droit de se défendre et qu’ils équivalent de surcroît à une déchéance du droit d’accès à la fonction publique pour les syndicalistes et les dirigeants syndicaux qui en sont affectés. Tout en prenant dûment note de la gravité du contexte consécutif à la tentative de coup d’Etat, la commission considère qu’en raison de l’absence de toute garantie d’audition et de défense des personnes sanctionnées et de la déchéance du droit d’accès dans la fonction publique, les décrets susvisés ne permettent manifestement pas d’assurer que les licenciements des membres et permanents des syndicats concernés n’ont pas été décidés en raison de leur appartenance syndicale et qu’ils ne constituent pas des actes de discrimination antisyndicale au sens de la convention. La commission note que le gouvernement a créé une commission spéciale compétente pour examiner les licenciements directement fondés sur les décrets d’urgence qui devra traiter tous les cas en deux voire trois années, période pendant laquelle les syndicalistes renvoyés demeureront privés de leur emploi et du droit d’accès à la fonction publique. La commission note avec préoccupation cette situation, ainsi que les allégations selon lesquelles, profitant de l’absence de moyens procéduraux pour contester les licenciements en vertu des décrets d’urgence, certains administrateurs auraient porté de fausses accusations contre les syndicalistes afin de provoquer leur licenciement et de favoriser d’autres syndicats. La commission tient à souligner que de telles pratiques, si elles sont prouvées, constitueraient des actes d’ingérence en violation de l’article 2 de la convention et ne sauraient être justifiées par l’invocation de l’état d’urgence. Tout en prenant dûment note du fait que la Turquie se trouvait dans une situation de crise nationale grave à la suite de la tentative de coup d’Etat, la commission, compte tenu de ce qui précède, prie instamment le gouvernement de veiller à ce que la commission spéciale créée pour examiner les licenciements soit accessible à tous les syndicalistes licenciés qui demandent cet examen, et qu’elle soit dotée des capacités, des ressources et du temps nécessaires pour mener à bien le processus de réexamen dans les meilleurs délais, de manière impartiale et rapide. La commission prie en outre le gouvernement de veiller à ce que les syndicalistes licenciés ne supportent pas seuls la charge de prouver que leur licenciement était de nature antisyndicale, en exigeant des employeurs ou des autorités compétentes qu’ils prouvent que la décision de les licencier était fondée sur d’autres motifs graves. S’il est établi que le licenciement de syndicalistes a été fondé sur des motifs antisyndicaux, la commission s’attend fermement à ce que ces syndicalistes soient réintégrés à leur poste avec le paiement des salaires échus, avec maintien des droits acquis. Compte tenu du renouvellement de l’état d’urgence pour la cinquième fois le 16 octobre 2017, la commission prie également le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que, dans ce contexte, aucun travailleur ne sera licencié en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales. Elle le prie également instamment de prendre les mesures nécessaires pour prévenir et remédier à tout abus éventuel de l’état d’urgence à des fins d’ingérence dans les activités et le fonctionnement des syndicats, et de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard. La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur ce sujet.
Article 4. Promotion de la négociation collective. Négociation intersectorielle. Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement d’examiner l’impact de l’article 34 de la loi sur les syndicats et les conventions collectives (no 6356) qui dispose qu’une convention collective peut s’appliquer à un ou plusieurs lieux de travail de la même branche d’activité, et de considérer la modification de cet article de manière à garantir qu’il ne restreint pas la possibilité des parties de conclure des accords intersectoriels régionaux ou nationaux. La commission prend note de l’indication du gouvernement, selon laquelle le système actuel de négociation collective à plusieurs niveaux qui permet la conclusion de conventions collectives aux niveaux du lieu de travail, de l’entreprise et du groupe, ainsi que d’accords cadres au niveau de la branche, est l’aboutissement d’un système de relations du travail édifié de longue date en Turquie, et il ne semble pas que les partenaires sociaux éprouvent le besoin de le modifier. La commission prend note également des observations de la TİSK à cet égard, indiquant que, au cours des phases d’élaboration et d’adoption de la loi no 6356, les partenaires sociaux sont parvenus à un consensus sur le maintien du système en place depuis près de trente ans, et que la légalité des accords intersectoriels n’est pas limitée dans la législation turque, comme le montre le fait que les principales dispositions des conventions collectives concernant les entreprises publiques ont été fixées pendant des années par un protocole cadre conclu au niveau intersectoriel. Prenant dûment note des informations fournies par le gouvernement et la TİSK, la commission prie le gouvernement d’indiquer si des négociations intersectorielles au moyen d’accords régionaux et nationaux sont possibles dans le secteur privé en vertu du cadre juridique actuel.
Conditions à remplir pour devenir agent négociateur. La commission note que l’article 41(1) de la loi no 6356 prescrit dans un premier temps la condition suivante pour devenir agent de négociation collective: le syndicat doit représenter au moins 1 pour cent des travailleurs engagés dans une branche d’activité donnée, plus de 50 pour cent des travailleurs employés sur le lieu de travail et 40 pour cent des travailleurs de l’entreprise couverts par la convention collective. La commission note que le Comité de la liberté syndicale lui a renvoyé les aspects législatifs du cas no 3021 (voir 382e rapport, juin 2017, paragr. 140 à 145) concernant l’impact de l’application de la loi no 6356 sur le mouvement syndical et sur l’ensemble du mécanisme national de négociation collective. La commission note que le gouvernement rappelle que le seuil de 3 pour cent a été abaissé à 1 pour cent par la loi no 6552 du 10 septembre 2014 et que l’article additionnel 1 à la loi no 6356, qui disposait que le seuil de 1 pour cent de membres devait être porté à 3 pour cent pour les syndicats qui n’appartiennent pas à des confédérations membres du Conseil économique et social, a été abrogé par le Tribunal constitutionnel. Par conséquent, le seuil de 1 pour cent est applicable à l’ensemble des syndicats. En outre, la commission accueille favorablement l’indication du gouvernement selon laquelle la loi no 6745 a reconduit les dérogations prévues par la loi no 6645 pour trois catégories de syndicats préalablement autorisés, portant dispense du seuil de la branche et que dix syndicats bénéficient de ces changements jusqu’au 6 septembre 2018. D’après les statistiques fournies dans le rapport du gouvernement, le taux de syndicalisation dans le secteur privé était de 11,96 pour cent en janvier 2016, 11,50 pour cent en juillet 2016, 12,18 pour cent en janvier 2017 et 11,95 pour cent en juillet 2017. La couverture des conventions collectives est passée de 10,81 pour cent en 2014 à 9,21 pour cent en 2015. Rappelant les préoccupations exprimées par plusieurs organisations de travailleurs au sujet du maintien du double seuil et notant que l’exemption accordée aux syndicats préalablement autorisés est provisoire, la commission prie le gouvernement de continuer à examiner l’impact du maintien du seuil de branche sur le mouvement syndical et l’ensemble du dispositif national de négociation collective, en pleine concertation avec les partenaires sociaux, et, au cas où il serait confirmé que le maintien du seuil de 1 pour cent a un impact négatif sur la couverture du dispositif national de négociation collective, de prendre les mesures nécessaires pour réviser la législation de manière à supprimer ce seuil.
Dans ses commentaires de 2013, la commission avait pris note de l’article 42(3) de la loi no 6356 qui dispose que, lorsqu’il s’avère qu’aucun syndicat ne répond aux conditions d’habilitation à la négociation collective, ce fait est notifié à toute partie ayant fait une demande d’attribution de telles compétences; et de l’article 45(1), qui dispose qu’une convention collective conclue sans un document d’autorisation est nulle et non avenue. La commission avait rappelé à cet égard que, lorsque aucun syndicat ne satisfait au seuil fixé, le droit de négocier collectivement devrait être reconnu à tous les syndicats, du moins au nom de leurs propres membres. La commission prend note de l’observation de la TÜRK-İŞ selon laquelle le seuil de représentativité de 50 pour cent est difficile à atteindre sur les lieux de travail alors que les systèmes de flexibilité au travail sont de plus en plus répandus, et que la législation les soutient. Elle prend également note de l’observation de la TÜRK-İŞ selon laquelle, dans les cas où aucun des syndicats organisant les travailleurs dans la même entreprise ne représente 40 pour cent de ceux-ci, ou bien encore dans les cas exceptionnels où deux syndicats atteignent le même seuil, aucun syndicat ne sera considéré comme compétent en qualité d’agent de négociation collective. La commission rappelle encore une fois que, en vertu d’un système de désignation d’un agent négociateur exclusif, si aucun syndicat ne représente le pourcentage requis de travailleurs pour être déclaré agent négociateur exclusif, tous les syndicats de l’unité, conjointement ou séparément, devraient pouvoir participer à la négociation collective, de moins au nom de leurs propres membres. De même, la commission considère que, lorsque plus d’un syndicat atteint le seuil de l’entreprise, ces syndicats devraient pouvoir participer à une négociation collective volontaire, du moins au nom de leurs propres membres. Compte tenu de ce qui précède, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la législation, en consultation avec les partenaires sociaux, et de fournir des informations à cet égard.
Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur l’utilisation des articles 46(2), 47(2), 49(1), 51(1), 60(1) et (4), 61(3) et 63(3), qui prévoient diverses situations dans lesquelles le certificat de compétence pour négocier peut être retiré par les autorités et de continuer à réexaminer leur application avec les partenaires sociaux concernés en vue de leur éventuelle modification, en favorisant la négociation collective là où les parties le souhaitent. La commission prend note des observations de la TİSK selon lesquelles, dans la pratique, ces dispositions n’ont pas d’effet négatif sur la procédure de négociation collective car les syndicats sont très prudents en ce qui concerne les règles de procédure. La commission note en outre que le gouvernement réitère dans son rapport que ces dispositions visent à garantir, accélérer et raccourcir la procédure de négociation. Prenant dûment note des informations fournies, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur le dialogue relatif à l’application de ces dispositions avec les partenaires sociaux concernés et sur leur utilisation éventuelle.
Règlement des conflits du travail. En ce qui concerne la médiation, la commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le pouvoir de l’autorité compétente de nommer un médiateur au cas où les parties ne parviendraient pas à s’entendre sur cette nomination vise à empêcher les parties d’interrompre la procédure de négociation collective en faisant obstruction à la nomination d’un médiateur, et qu’il n’y a aucune demande de la part des partenaires sociaux de modifier ou d’abroger le système de médiation. La commission prend dûment note de cette information.
Articles 4 et 6. Négociation collective dans le secteur public. Portée matérielle de la négociation collective. La commission prend note des observations de la Türkiye Kamu-Sen sur la négociation collective dans la fonction publique en vertu de la loi no 4688, telle que modifiée en 2012, de la réponse du gouvernement à ces observations ainsi que des observations de 2015 de la KESK relatives au même sujet. La commission note que la Türkiye Kamu-Sen et la KESK soulignent que l’article 28 de la loi no 4688 restreint le champ d’application des conventions collectives aux seuls «droits sociaux et financiers», excluant ainsi des questions telles que le temps de travail, les promotions et les carrières ainsi que les sanctions disciplinaires. La commission note que le gouvernement indique à cet égard que les modifications de 2012 apportées à l’article 28 l’ont été pour donner à la négociation collective un rôle nettement plus large dans la détermination des droits économiques et sociaux des fonctionnaires. Le gouvernement ajoute cependant que, lorsque les parties à la négociation conviennent de la nécessité d’un changement législatif, il est nécessaire qu’il soit opéré ainsi, car le statut des fonctionnaires est réglementé par la loi. La commission rappelle que les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat devraient jouir des garanties de la convention et, par conséquent, être en mesure de négocier collectivement leurs conditions d’emploi, et que les mesures prises unilatéralement par les autorités pour restreindre le champ des questions négociables sont souvent incompatibles avec la convention. La commission souhaite en outre rappeler, toutefois, que la convention est compatible avec les systèmes qui exigent l’approbation parlementaire de certaines conditions de travail ou clauses financières des conventions collectives concernant le secteur public, tant que les autorités respectent l’accord conclu. Gardant à l’esprit la compatibilité avec la convention des modalités de négociation particulières dans le secteur public, telles que mentionnées ci-dessus, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour lever les restrictions concernant les questions soumises à négociation collective, de manière à ce que les questions incluses dans les conditions d’emploi ne soient pas exclues du champ de la négociation collective dans la fonction publique.
S’agissant du cadre juridique défini par la loi no 4688, telle que modifiée en 2012, et de son application, la commission prend note des observations de la KESK et de la Türkiye Kamu-Sen dans lesquelles est décrit un système de négociation collective complètement centralisé. Elle note que, en application de l’article 29 de la loi no 4688, la Délégation des employeurs publics (PED) et la Délégation des syndicats de fonctionnaires (PSUD) sont les parties aux conventions collectives conclues dans la fonction publique. Les propositions pour la partie générale de la convention collective sont préparées par les membres de la Confédération de la PSUD, et les propositions pour les conventions collectives dans chaque branche de service sont faites par le représentant syndical de la branche concernée membre de la PSUD. La commission prend note de l’observation de la Türkiye Kamu-Sen à cet égard, indiquant que bon nombre des propositions des syndicats agréés de la branche sont acceptées en tant que propositions relatives à la partie générale de la convention, ce qui signifie qu’elles devraient être présentées par une confédération conformément aux dispositions de l’article 29. Selon la Türkiye Kamu-Sen, ce dispositif prive les syndicats de branche de la capacité d’exercer directement leur droit de faire des propositions.
La commission note en outre que les négociations sur les questions générales et spécifiques aux branches ont lieu simultanément et en un seul processus pendant un mois. A cet égard, elle prend note de l’observation de la Türkiye Kamu-Sen selon laquelle le fait que les questions spécifiques aux branches sont évaluées dans le cadre du même processus que les questions concernant tous les fonctionnaires, et ce durant une très courte période, met la négociation collective sous pression. Elle prend note également de l’observation de la KESK selon laquelle les conventions générales et les conventions spécifiques aux branches devraient être conclues séparément. La commission prend note de la réponse du gouvernement à l’observation de la Türkiye Kamu-Sen, selon laquelle les propositions de négociation pour les différentes branches sont discutées au sein de comités techniques créés séparément pour chaque branche, ces comités travaillant de façon indépendante les uns des autres, et la conclusion d’une convention dans une branche ne signifie pas que les autres branches soient dans l’obligation de conclure également une convention. La commission note en outre que, en vertu de l’article 29, à la fin du processus de négociation, une seule et unique convention collective comprenant une partie générale et des sections spécifiques aux branches est signée par le président de la PED (le ministre du Travail) au nom de l’administration publique. Le président de la PSUD (représentant la confédération qui compte la majorité des membres de la fonction publique, actuellement la MEMUR-SEN) signe au nom des fonctionnaires la partie générale, et les représentants syndicaux concernés signent les parties propres aux branches. En cas d’échec des négociations, les autorités qui peuvent saisir le Conseil d’arbitrage des fonctionnaires sont les mêmes que celles qui ont le droit de signer la convention collective. Les décisions du Conseil d’arbitrage sont définitives et ont le même effet et la même force obligatoire que la convention collective. La commission note que la Türkiye Kamu-Sen et la KESK s’opposent toutes deux au fait que, bien que les trois confédérations comptant le plus de membres participent à la négociation collective, seul le représentant de la confédération majoritaire a le droit de signer cette convention et de saisir le Conseil d’arbitrage. La commission note en outre l’observation de la KESK selon laquelle la majorité des membres du Conseil d’arbitrage des fonctionnaires est désignée par les employeurs et par le Conseil des ministres, ce qui suscite des doutes quant à l’indépendance de cet organe.
La commission considère que, lorsque les organes paritaires au sein desquels des conventions collectives doivent être conclues sont institués et que les conditions imposées par la loi pour la participation à ces organes sont de nature à empêcher un syndicat qui serait le plus représentatif de sa branche d’activité d’être associé aux travaux desdits organes, les principes de la convention sont compromis. A cet égard, la commission note que, même si les syndicats les plus représentatifs dans la branche sont représentés à la PSUD et prennent part à la négociation au sein de comités techniques propres à chaque branche, leur rôle dans la PSUD est restreint en ce sens qu’ils n’ont pas le droit de faire des propositions de convention collective, en particulier lorsque leurs revendications sont qualifiées de générales ou se rapportent à plus d’une branche de service. La commission prie le gouvernement de veiller à ce que la loi no 4688 et sa mise en œuvre permettent aux syndicats les plus représentatifs de chaque branche de faire des propositions de convention collective, y compris sur les questions susceptibles de concerner plus d’une branche, en ce qui concerne les fonctionnaires non commis à l’administration de l’Etat.
La commission prend note en outre de l’observation de la KESK selon laquelle, dans le secteur des services de l’administration locale, des négociations entre l’employeur direct (l’administration locale) et les syndicats représentant les fonctionnaires étaient tenues longtemps avant les modifications de 2012, et ces négociations avaient abouti à la conclusion de nombreuses conventions collectives dont bénéficiaient des dizaines de milliers de travailleurs, alors que, du fait de l’application de l’article 32 de la loi no 4688, les conventions dites «de compensation aux fins de l’équilibre social» ne sont plus considérées comme des conventions collectives. La commission prend note de l’indication du gouvernement à cet égard, selon laquelle, en vertu de la loi no 4688, la procédure de conclusion d’une convention collective pour une branche de service de l’administration locale est la même pour les autres branches, et une convention collective pour cette branche devrait être conclue entre la PED et le syndicat majoritaire dans la branche. La commission prend note en particulier de l’observation du gouvernement selon laquelle, si les accords de compensation aux fins de l’équilibre social sont considérés comme des «conventions collectives», cela signifierait que deux conventions collectives seraient conclues pour les mêmes fonctionnaires et pour la même période, ce qui est impossible. La commission note que si, dans la pratique, une négociation directe entre l’employeur et les syndicats de travailleurs existait auparavant dans la branche de l’administration locale, le gouvernement considère que la loi modifiée no 4688 exclut la poursuite de cette pratique. Rappelant que, depuis plusieurs années, elle a prié le gouvernement de veiller à ce que l’employeur direct participe à de véritables négociations avec les syndicats représentant les fonctionnaires non commis à l’administration de l’Etat, la commission prie le gouvernement d’indiquer si toutes les questions ayant déjà fait l’objet d’une négociation entre l’administration locale et les organisations représentant les travailleurs peuvent encore être réglées au moyen du système de négociation centralisée instauré par la législation modifiée, et d’indiquer si et comment les organisations représentant les employés des administrations locales sont en mesure de prendre part aux négociations dans le cadre du nouveau système.
La commission prie en outre le gouvernement de répondre aux observations de la KESK concernant l’indépendance du Conseil d’arbitrage des fonctionnaires, compte tenu du fait que la majorité de ses membres sont désignés par les employeurs et le Conseil des ministres.
La commission prie enfin le gouvernement de fournir d’urgence les informations demandées en relation aux licenciements massifs dans le secteur public examinés ci-dessus.

Observation (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

La commission prend note des observations formulées par la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK) et l’Organisation internationale des employeurs (OIE) reçues le 1er septembre 2014 et le 28 août 2015. La commission prend note également des observations formulées par l’Union des syndicats des employés des municipalités et des entités de droit privé de l’Etat (BEM-BIR-SEN), reçues le 30 avril 2014, et de la réponse du gouvernement à cet égard; des observations du Syndicat général des travailleurs municipaux (TUM YEREL SEN) reçues le 30 octobre 2014 et de la réponse du gouvernement; des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçues le 1er septembre 2014 et de la réponse du gouvernement à cet égard; et des observations de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) reçues le 1er septembre 2014 et de la réponse du gouvernement à cet égard. La commission prend note également de la réponse détaillée du gouvernement aux observations de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DİSK), reçue le 8 avril 2013. Elle prend note également des observations de la CSI reçues le 1er septembre 2015. Enfin, la commission prend note des observations formulées par la TİSK, la Confédération des syndicats turcs (TÜRK İŞ), la Confédération des syndicats turcs authentiques (HAK-İŞ), la DİSK, la Confédération des syndicats de la fonction publique (MEMUR-SEN), la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (Turkiye Kamu Sen) et la KESK, que le gouvernement a jointes à son rapport et que la commission examinera dès qu’elle en aura reçu la traduction.
La commission prend dûment note de la réponse détaillée du gouvernement aux allégations de violations des droits à la négociation collective et d’actes de licenciement antisyndicaux présentées par la CSI en 2014, et prie le gouvernement de répondre aux dernières observations de la CSI de 2015, alléguant d’autres infractions à la convention dans la pratique.
Champ d’application de la convention. La commission avait précédemment demandé au gouvernement de préciser si les travailleurs domestiques sont couverts par la nouvelle législation. La commission note l’information communiquée par le gouvernement, ainsi que par la TİSK et l’OIE à cet égard, et note en particulier avec intérêt l’indication du gouvernement selon laquelle les travailleurs domestiques jouissent des droits prévus par la loi no 6356 du 7 novembre 2012 sur les syndicats et les conventions collectives, et qu’un syndicat de travailleurs domestiques a été enregistré le 13 février 2014 dans le secteur des travaux généraux.
La commission avait également demandé au gouvernement de préciser si le personnel pénitentiaire peut jouir des droits prévus par la convention. La commission prend dûment note de l’indication du gouvernement selon laquelle les récents arrêts de la Cour constitutionnelle, étendant au personnel civil de la police le droit de s’organiser, ne couvrent pas le personnel pénitentiaire. Toutefois, le gouvernement indique aussi que le personnel pénitentiaire est couvert par les conventions collectives signées dans le service public. La commission rappelle à cet égard son étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragraphe 168, dans laquelle elle a indiqué que le droit d’organisation et de négociation collective s’applique également au personnel pénitentiaire. La commission prie le gouvernement d’indiquer la manière dont les organisations de travailleurs représentant le personnel pénitentiaire peuvent participer à la négociation de conventions collectives couvrant leurs membres.
Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que la loi no 6356 introduit une règle imposant la publication des formulaires de demande ou d’annulation de l’affiliation syndicale sur le portail électronique de l’Etat, et avait demandé au gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises ou envisagées pour assurer que cet usage du portail électronique de l’Etat ne constitue pas un obstacle à l’exercice des droits garantis par la convention. La commission prend dûment note des commentaires du gouvernement et des observations de la TİSK et de l’OIE, selon lesquelles le système du portail électronique de l’Etat est plus simple et plus facile à utiliser que l’ancien système d’enregistrement, et qu’il n’est pas un obstacle pour les travailleurs ou leurs organisations puisqu’il est gratuit et protège les données personnelles. La commission prend note également de l’information du gouvernement, confirmant que les informations disponibles sur le portail électronique de l’Etat ne sont pas rendues publiques et, par conséquent, ne risquent pas d’être exploitées. Le Code pénal criminalise l’enregistrement de données personnelles relatives à l’affiliation syndicale, ainsi que l’obtention et la diffusion illégale de ces données.
Articles 1 et 3 de la convention. Protection contre les actes de discrimination antisyndicale. La commission rappelle une fois encore que, en juin 2013, la Commission de la Conférence sur l’application des normes a demandé au gouvernement d’établir un système de recueil des données sur la discrimination antisyndicale dans le secteur privé et de fournir toutes les informations pertinentes concernant le fonctionnement des mécanismes nationaux de plainte et toutes les données statistiques relatives à la discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé. La commission note, d’après l’indication du gouvernement, qu’il n’existe pas de système permettant de collecter ces données. La commission prend cependant note des graves allégations de harcèlement antisyndical mentionnées par la KESK, indiquant que le gouvernement recourt à la loi sur l’éducation nationale de base et le règlement portant nomination des directeurs des instituts éducatifs pour exercer une discrimination à l’égard de ses membres. La commission prie le gouvernement de répondre précisément aux dernières observations de la KESK à cet égard. Etant donné la persistance des préoccupations exprimées, la commission prie de nouveau le gouvernement d’établir un système permettant de collecter des données sur la discrimination antisyndicale (dans les secteurs privé et public) et de fournir des informations sur les mesures concrètes prises à cet égard. La commission rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau à cet égard.
La commission note avec intérêt les précisions apportées par la Cour constitutionnelle dans un arrêt rendu le 22 octobre 2014, établissant une amende payable en cas de licenciement injustifié et reconnaissant le droit des travailleurs à entamer des actions judiciaires pour obtenir leur réintégration s’ils considèrent avoir été licenciés pour des motifs antisyndicaux.
Article 4. Négociation collective. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que l’article 34 de la loi no 6356 dispose qu’une convention collective peut s’appliquer à un ou plusieurs lieux de travail de la même branche d’activité, ce qui revient à limiter le droit des organisations de travailleurs et d’employeurs de déterminer librement comment et à quel niveau mener la négociation collective. La commission note, d’après l’indication du gouvernement, que la loi a également introduit la possibilité de conclure un «accord-cadre» au niveau de la branche d’activité parallèlement aux accords collectifs conclus au niveau de l’entreprise. Le gouvernement indique aussi que c’est l’usage de ces nouvelles modalités de négociation et l’expérience acquise en la matière qui orienteront la direction que pourrait prendre le système de négociation collective turc à l’avenir. En conséquence, la commission prie le gouvernement d’examiner l’impact de l’article 34 de la loi et d’envisager, en consultation avec les partenaires sociaux, de le modifier d’une manière permettant de garantir qu’il ne restreint pas la possibilité des parties de conclure des accords intersectoriels régionaux ou nationaux. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises à cet égard.
La commission rappelle ses précédents commentaires concernant l’article 35(2) de la loi no 6356 qui dispose que les parties ne pourront pas étendre ou réduire la durée de validité de la convention collective une fois celle-ci signée. La commission prend dûment note à cet égard de l’indication du gouvernement selon laquelle cette disposition ne restreint pas le droit des parties de s’accorder sur la modification des dispositions d’une convention collective, mais restreint seulement la possibilité de modifier la durée de la convention, en vue de reconnaître le droit de syndicats concurrents à la négociation collective, moyennant l’imposition d’une durée de validité limitée à cette convention.
La commission rappelle que l’article 41(1) de la loi no 6356 énonce la règle suivante pour pouvoir être agent de la négociation collective: le syndicat doit représenter au moins 1 pour cent (puis progressivement 3 pour cent) des travailleurs occupés dans la branche d’activité considérée et plus de 50 pour cent des travailleurs employés sur le lieu de travail, et 40 pour cent des travailleurs de l’entreprise couverts par la convention collective. Réitérant sa remarque déjà ancienne selon laquelle une double condition de représentativité au niveau de la branche, d’une part, et de représentation majoritaire au niveau du lieu du travail, d’autre part, peut susciter des obstacles à la négociation collective au niveau de l’entreprise, la commission avait exprimé le ferme espoir que les seuils prévus seraient révisés et abaissés, en consultation avec les partenaires sociaux. La commission note avec intérêt l’indication du gouvernement, selon laquelle la loi no 6356 a été modifiée par la loi no 6645 du 4 avril 2015 qui prévoit le droit de négociation collective sans imposer le seuil relatif à la branche d’activité susmentionnée pour les catégories de syndicats suivantes: i) les syndicats ne pouvant achever la période de transition; ii) les syndicats qui atteignent le seuil de 10 pour cent selon les données statistiques publiées en juillet 2009; et iii) les catégories de syndicats susmentionnées qui établissent des conventions collectives dans d’autres lieux de travail de la même branche où elles ont obtenu la majorité au cours de l’année suivant l’entrée en vigueur de la présente disposition. Selon les informations publiées par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, le taux de syndicalisation dans le secteur privé est passé de 9,21 pour cent en janvier 2013 à 10,65 pour cent en janvier 2015 et à 11,21 pour cent en juillet 2015. Selon le gouvernement, cela témoigne des effets positifs du portail électronique de l’Etat.
Rappelant les préoccupations exprimées par plusieurs organisations de travailleurs concernant le maintien d’un double seuil et les nouvelles modalités de collecte de données sur la représentativité, la commission veut croire que le gouvernement continuera d’examiner cette question avec les partenaires sociaux intéressés, y compris en ce qui concerne l’impact des seuils sur la couverture de la négociation collective. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises à cet égard et des statistiques liées à la couverture de la négociation collective dans le pays.
Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que les articles 46(2), 47(2), 49(1), 51(1), 60(1) et (4), 61(3) et 63(3) prévoient les cas dans lesquels le certificat de compétence pour négocier peut être retiré par les autorités (l’autre partie n’a pas été invitée à engager des négociations dans un délai de quinze jours à compter de la réception du certificat de compétence; non-participation à la première réunion de négociation collective ou absence d’ouverture de négociation collective dans les trente jours qui suivent la date d’appel à la négociation; défaut de notification d’un conflit à l’autorité compétente dans un délai de six jours ouvrables; absence de saisine du Haut Conseil d’arbitrage; défaut de respect des prescriptions légales dans les décisions relatives à la grève ou dans le déclenchement de celle-ci; absence d’accord à l’échéance du report de la grève). La commission avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier ces dispositions de manière à ne pas entraver le processus de négociation. La commission note, selon l’indication du gouvernement, que ces mesures sont destinées à garantir l’achèvement du processus de négociation dans les cent vingt jours et qu’il n’y a pas de restriction à la poursuite des négociations entre les parties pendant une grève. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur tout recours à ces articles et de continuer à examiner leur application avec les partenaires sociaux concernés, en vue de leur modification possible, de manière à privilégier la négociation collective lorsque les parties le souhaitent.
En ce qui concerne la médiation, la commission note, selon l’indication du gouvernement, que les parties s’accordent généralement sur un médiateur à partir d’une liste officielle, et qu’elles n’ont aucune obligation d’accepter les propositions de ce médiateur. La commission prie le gouvernement d’indiquer si l’article 50(1) a déjà été appliqué pour permettre de choisir unilatéralement le médiateur, lorsque les parties ne sont pas parvenues à un accord.
Négociation collective dans le secteur public. La commission rappelle que, en ce qui concerne la loi no 4688 telle que modifiée, elle avait demandé au gouvernement de veiller à ce que: i) l’employeur direct participe, aux côtés des autorités financières, à des négociations authentiques avec les syndicats représentant ceux des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat; ii) la négociation collective entre les parties ait un rôle significatif. Elle avait également rappelé qu’une autre difficulté à surmonter afin qu’une négociation collective libre et volontaire puisse avoir cours dans le secteur public était la reconnaissance du droit de se syndiquer à un large éventail de catégories de salariés du secteur public qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat. Observant que le gouvernement ne communique pas d’information à cet égard, la commission le prie de nouveau de communiquer des informations sur les mesures prises ou envisagées pour garantir aux fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat un rôle significatif dans la négociation collective.
[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2017.]

Observation (CEACR) - adoptée 2013, publiée 103ème session CIT (2014)

Suivi donné aux conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 102e session, juin 2013)

La commission prend note des discussions ayant eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes, en juin 2013, concernant l’application de la convention.
Elle prend note, en outre, des commentaires adressés par le Syndicat des employés des municipalités et administrations privées (BEM BIR-SEN) des salariés des communes, du privé et de l’Etat (communication datée du 23 novembre 2012), la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK), la Confédération des syndicats (HAK-IS) et la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) (communications datées respectivement des 10 décembre 2012 et 29 mars et 3 avril 2013), de la réponse du gouvernement à ces commentaires et, enfin, des commentaires adressés par l’Organisation internationale des employeurs (OIE), conjointement à la TİSK, dans une communication en date du 30 août 2013, et par la Confédération syndicale internationale (CSI), dans une communication en date du 30 août 2013.
La commission rappelle qu’elle avait demandé au gouvernement de faire part de ses observations sur les allégations faites par la CSI, dans une communication datée du 31 juillet 2012, à propos de violations des droits relatifs à la négociation collective et de nombreux cas de licenciements antisyndicaux. La commission note que la communication plus récente de la CSI contient des allégations similaires. Aucune réponse à ce sujet n’étant parvenue du gouvernement, la commission prie celui-ci de fournir ses observations sur les commentaires de la CSI restés sans réponse.
La commission prend note de l’adoption, le 11 juillet 2012, de la loi sur les syndicats et les conventions collectives (loi no 6356), qui abroge la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out.
Champ d’application de la convention. La commission note que, selon la définition du syndicat qui est donnée aux articles 2(1)(ğ) et 3 de la loi no 6356), il semble que tous les syndicats doivent être des organisations de secteur. La loi prévoit ainsi 20 secteurs. La commission prie le gouvernement d’indiquer si les travailleurs domestiques, qui semblent ne rentrer dans aucun des secteurs ainsi prévus, sont couverts par la nouvelle législation.
La commission note que les articles 17(5) et 19 de la loi no 6356 relative à l’appartenance syndicale introduisent une règle imposant la publication des formulaires de demande ou d’annulation de l’affiliation syndicale sur le portail électronique de l’Etat, ce qui semblerait avoir une incidence sur le droit des travailleurs de se syndiquer dans le cas où ce moyen ne leur est pas accessible, et susciter des difficultés aux travailleurs de l’économie informelle. La commission prie le gouvernement de donner des informations sur les mesures prises ou envisagées pour assurer que cet usage du portail électronique de l’Etat ne constitue pas un obstacle à l’exercice des droits garantis par la convention.
S’agissant du personnel civil des institutions militaires et des gardiens de prison, qui n’avaient pas le droit jusque-là de se syndiquer ni, par conséquent, celui d’être représentés dans les négociations, la commission note avec intérêt que le gouvernement indique que, par décision de la Cour constitutionnelle no 28705, les obstacles qui empêchaient jusque-là des fonctionnaires travaillant au ministère de la Défense et dans les forces armées turques d’être membres d’un syndicat ont été levés. La commission prie le gouvernement d’indiquer si les droits prévus par la convention sont reconnus aux gardiens de prison par effet de cette décision.
Articles 1 et 3 de la convention. Protection contre les actes de discrimination antisyndicale. La commission note qu'en juin 2013 la Commission de la Conférence avait demandé que le gouvernement mette en place un système de collecte d’informations sur les actes de discrimination antisyndicale dans le secteur privé et fournisse des informations sur les mécanismes de plainte prévus au niveau national ainsi que toutes statistiques sur la discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé. La commission note que le gouvernement se réfère à des opérations programmées ou non programmées de l’inspection du travail (déclenchées sur plainte d’un travailleur, d’un syndicat, etc.). Si le nombre total de ces opérations d’inspection est établi, le gouvernement indique cependant que l’on ne dispose pas de statistiques détaillées sur l’objet des différentes plaintes. Compte tenu des allégations de la CSI mentionnées précédemment, la commission demande, comme l’a fait la Commission de la Conférence, que le gouvernement mette en place un système de collecte de données sur les actes de discrimination antisyndicale (dans les secteurs privé et public) et donne des informations sur les mesures concrètes prises à cet effet. Elle rappelle au gouvernement qu’il peut recourir à cette fin à l’assistance technique du Bureau.
S’agissant des procédures de plainte, le gouvernement se réfère à l’article 25 de la loi no 6356, qui décrit la protection assurée aux travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale. Elle prend note des préoccupations exprimées à propos de l’article 25(5) de la loi no 6356, par référence aux procédures prévues par la loi sur le travail no 4857, en ce que cette seconde loi, sous son article 18, semble ne protéger contre les licenciements antisyndicaux que les travailleurs employés par contrats à durée indéterminée par un établissement employant 30 travailleurs ou plus et, au surplus, seulement si les intéressés ont au moins six mois d’ancienneté. Le gouvernement indique dans son rapport que la nouvelle législation ne subordonne pas la réparation des actes de discrimination antisyndicale au nombre de travailleurs employés par l’entreprise. Il indique également que cette question est actuellement devant la Cour constitutionnelle, dont la décision aura un caractère contraignant. Voulant croire que tous les travailleurs seront effectivement couverts par cette nouvelle disposition, la commission prie le gouvernement de donner des informations sur cette décision lorsqu’elle aura été rendue.
S’agissant du portail électronique de l’Etat, la commission considère que des informations sur l’affiliation syndicale qui seraient accessibles à tous, y compris aux employeurs, pourraient poser un risque grave d’exposition à des représailles ou à une discrimination antisyndicale pour les membres du syndicat ou pour les travailleurs demandant leur adhésion, ce qui serait contraire à la convention. La commission prie le gouvernement d’étudier la possibilité de laisser la question de la publication de formulaires à la libre décision des travailleurs syndiqués concernés ou de prendre des mesures propres à garantir que les informations de cet ordre accessibles par le portail électronique de l’Etat ne soient pas publiques. Elle prie le gouvernement de faire rapport de manière détaillée sur la manière dont le système fonctionne et d’assurer que les noms des travailleurs syndiqués ne soient pas publiquement accessibles.
Article 4. Négociation collective. La commission note que l’article 34 de la loi no 6356 dispose qu’une convention collective peut s’appliquer à un ou plusieurs lieux de travail de la même branche d’activité, ce qui s’avère limiter le droit des organisations de travailleurs et d’employeurs de déterminer librement comment et à quel niveau mener la négociation collective. La commission rappelle à cet égard qu’en vertu du principe de négociation collective libre et volontaire établi à l’article 4 de la convention la détermination du niveau de négociation est par essence une question qui doit être laissée à la discrétion des parties et, par voie de conséquence, le niveau de négociation ne saurait être imposé par la loi. De fait, des circonstances peuvent se présenter dans lesquelles les parties souhaitent négocier pour une multiplicité de secteurs par des accords régionaux ou nationaux. La commission prie en conséquence le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la portée de cette disposition soit réexaminée et d’étudier, en concertation avec les partenaires sociaux, la possibilité de modifier l’article 34 de la loi de telle sorte que cet article cesse de restreindre les choix s’offrant aux parties. Elle prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard.
La commission note que l’article 35(2) de la loi dispose que la durée d’effet de la convention collective ne peut être ni prolongée ni raccourcie par les parties une fois que celles-ci l’ont conclue et qu’elles ne peuvent pas non plus y mettre fin avant cette échéance. La commission souligne que si les conventions collectives ne doivent pas être sujettes à une rupture ou, inversement, à une prolongation unilatérale les parties doivent cependant être libres de décider, d’un commun accord, d’en prolonger la durée d’effet ou, inversement, d’y mettre fin et d’en négocier une nouvelle. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que cette disposition soit révisée en consultation avec les partenaires sociaux et de fournir des informations à cet égard.
La commission note que l’article 41(1) impose à un syndicat la règle suivante pour pouvoir être partenaire à la négociation collective: ce syndicat doit représenter au moins 1 pour cent (puis progressivement 3 pour cent) des travailleurs occupés dans la branche d’activité considérée et plus de 50 pour cent des travailleurs employés sur le lieu de travail, et 40 pour cent des travailleurs de l’entreprise devant être couverts par la convention collective. La commission réitère sa remarque déjà ancienne selon laquelle une telle double condition peut susciter des obstacles à la négociation collective au niveau de l’entreprise, où un syndicat représentatif devrait pouvoir négocier une convention collective sans considération de sa représentativité au niveau sectoriel d’une manière générale. De plus, d’après les statistiques du taux de syndicalisation dans le pays (8,8 pour cent) communiquées par le gouvernement, la commission croit comprendre que le seuil ainsi fixé par la législation ne favorise pas la négociation collective, mais risque plutôt d’entraîner à la baisse le nombre des travailleurs couverts par des conventions collectives dans le pays. Elle note à ce propos les préoccupations exprimées par les syndicats dans leurs communications susmentionnées, qui déclarent que l’imposition stricte de seuils au niveau sectoriel aura pour effet d’écarter des processus de négociation collective un certain nombre de syndicats qui, jusque-là, pouvaient y participer au nom de leurs membres. La commission note que le gouvernement déclare que les seuils fixés résultent de négociations avec les partenaires sociaux, mais signale toutefois qu’il serait possible d’abaisser ces seuils en réévaluant les mécanismes de dialogue social si les partenaires sociaux en exprimaient la demande. La commission exprime le ferme espoir que les seuils prévus à l’article 41(1) de la loi seront révisés et abaissés, en consultation avec les partenaires sociaux. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées à cet égard.
Par ailleurs, la commission note qu’en vertu de l’article 42(3) lorsqu’il s’avère qu’aucun syndicat de travailleurs ne répond aux conditions d’habilitation à la négociation collective, ce fait est notifié à toute partie ayant fait une demande d’attribution de telles compétences. On ne peut ainsi déterminer clairement quel syndicat, s’il en est, serait habilité à négocier collectivement si les conditions d’attribution de compétences n’étaient pas satisfaites, considérant que l’article 45(1) dispose qu’une convention collective conclue sans un document d’autorisation est nulle et non avenue. La commission rappelle à cet égard que, lorsqu'aucun syndicat ne satisfait aux seuils fixés, le droit de négocier collectivement, du moins au nom de leurs propres membres, devrait être reconnu à tous les syndicats. A la lumière de ce qui précède, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que ces articles soient modifiés, en consultation avec les partenaires sociaux, et de fournir des informations à cet égard.
La commission note que les articles 46(2), 47(2), 49(1), 51(1), 60(1) et (4), 61(3) et 63(3) disposent comme précisé ci-après pour les cas dans lesquels le certificat de compétences pour négocier peut être retiré par les autorités: l’autre partie n’a pas été invitée à engager les négociations dans un délai de quinze jours à compter de la réception du certificat de compétences; non-participation à la première réunion de négociation collective ou absence d’ouverture de négociation collective dans les trente jours qui suivent la date de l’appel à la négociation; défaut de notification d’un conflit à l’autorité compétente dans un délai de six jours ouvrables; absence de saisine du haut conseil d’arbitrage; omission de toute décision relative à la grève et/ou de déclenchement de la grève conformément aux prescriptions légales; inexistence d’un accord à l’échéance du report de la grève. En outre, conformément à l’article 60, une décision relative à la grève peut être prise dans les soixante jours qui suivent la date de la notification du différent et peut être mise en œuvre dans ce délai. Si aucune décision n’a été prise quant à la grève, le certificat de compétences devient nul. A propos de ces articles, d’une manière générale, la commission considère qu’une telle intervention (le retrait de l’habilitation à négocier) des autorités est de nature à entraver plutôt que promouvoir la négociation collective et est ainsi contraire à la convention. Elle considère en outre que, plutôt que de décider de faire grève ou non, les parties devraient être à même de poursuivre les négociations après la notification du différent. La commission prie le gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux, les mesures nécessaires pour que ces dispositions soient modifiées afin d’être conformes à la convention et de fournir des informations à cet égard.
La commission note que, conformément à l’article 50(1) de la loi, un médiateur est choisi sur une liste officielle, avec la participation d’au moins une des parties, ou par l’autorité compétente. La commission rappelle que, pour donner pleinement effet au principe d’une négociation libre et volontaire, il faut que les instances désignées par les parties pour le règlement du différent soient indépendantes et jouissent de la confiance de toutes les parties concernées. La commission prie en conséquence le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que cette disposition soit modifiée, en consultation avec les partenaires sociaux, de manière à assurer le respect de ce principe. Elle prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard.
Négociation collective dans la fonction publique. La commission rappelle que, à propos de la loi no 4688 dans sa teneur modifiée, elle a demandé au gouvernement de veiller à ce que: i) l’employeur direct participe, aux côtés des autorités financières, à des négociations authentiques avec les syndicats représentant ceux des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat; ii) la négociation collective entre les parties ait un rôle significatif. Elle avait en outre rappelé qu’une autre difficulté à surmonter afin qu’une négociation collective libre et volontaire puisse avoir cours dans le secteur public était la reconnaissance du droit de se syndiquer à un large éventail de catégories de salariés du secteur public qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées à cette fin.
La commission prie une fois de plus le gouvernement de communiquer copie de la loi de février 2011 prévoyant une prime de convention collective pour les membres des syndicats de fonctionnaires ainsi que le texte ayant abrogé une disposition critiquée concernant le personnel contractuel dans le secteur public.

Observation (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

La commission prend note des observations communiquées par le gouvernement sur les commentaires formulés en 2011 par la Fédération internationale des travailleurs de la métallurgie (IMF) et la Confédération syndicale internationale (CSI). La commission prend également note des commentaires formulés par la CSI dans une communication du 31 juillet 2012, alléguant des violations des droits de négociation collective et de nombreux cas de licenciements antisyndicaux. La commission prie le gouvernement de communiquer ses observations à ce sujet dans son prochain rapport. La commission examine les observations du gouvernement sur les points soulevés par l’Internationale de l’éducation (IE) en 2011, ainsi que les commentaires présentés par l’Internationale de l’éducation le 31 août 2012, dans le cadre de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
Articles 1 et 3 de la convention. Protection contre les actes de discrimination antisyndicale. La commission rappelle que, dans son observation précédente, elle avait observé que la CSI dénonçait le caractère particulièrement fréquent des actes de discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé, et avait noté que des allégations similaires avaient été soumises par la Confédération des syndicats des salariés du public (KESK). La commission avait prié le gouvernement d’indiquer la procédure qui s’applique pour l’examen des plaintes pour discrimination antisyndicale dans le secteur public et de communiquer des statistiques faisant apparaître les progrès réalisés quant à l’examen effectif des allégations d’actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence dans les secteurs public et privé (nombre de cas dont les organes compétents ont été saisis, durée moyenne des procédures et réparations ordonnées). La commission avait pris note des observations transmises par le gouvernement au sujet des commentaires de la CSI et de la KESK. Le gouvernement indiquait en particulier que, en plus des dispositions législatives susmentionnées qui, à son avis, fournissent une protection suffisante contre tous les types de discrimination, les avertissements nécessaires ont été adressés par le gouvernement et quatre circulaires ont été publiées par le Bureau du Premier ministre concernant le caractère inacceptable de l’ingérence dans les activités syndicales des fonctionnaires. La commission avait noté par ailleurs que le gouvernement indiquait que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale ne disposait d’aucune donnée statistique sur les plaintes en matière de discrimination antisyndicale. Le gouvernement expliquait aussi que, en ce qui concerne le secteur public, les fonctionnaires ont le droit de présenter à leurs supérieurs des plaintes écrites ou verbales demandant que des enquêtes soient organisées sur les cas de discrimination antisyndicale. Si cette procédure ne permet pas de résoudre les cas de discrimination présumés, des procédures administratives peuvent être engagées. Le gouvernement avait indiqué que l’administration du personnel de l’Etat dispose d’informations statistiques et de documents qui lui sont soumis par les institutions pertinentes au sujet de réclamations relatives aux cas de discrimination antisyndicale dans le secteur public. La commission prie à nouveau le gouvernement de communiquer ces données statistiques. La commission note une fois encore que, dans sa dernière communication, la CSI se réfère à des cas de réintégration ordonnés par la justice, mais allègue que l’administration de la justice est trop lente par rapport au nombre de cas à traiter. Notant cependant à nouveau qu’aucune information n’a été fournie par le gouvernement au sujet du secteur public et du secteur privé, la commission réitère sa demande antérieure d’informations et exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les dispositions de la convention soient effectivement appliquées.
La commission rappelle que, dans son observation précédente, elle avait pris note du projet portant modification de la loi no 2821 sur les syndicats et de la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out. La commission note que le projet de loi, désormais nommé «loi sur les relations collectives du travail», a été présenté au Premier ministre en octobre 2011 et a été à nouveau examiné par une commission spéciale. La commission croit comprendre, d’après la CSI, que ce deuxième projet a été rejeté par plusieurs organisations syndicales parce qu’il contient des dispositions rétrogrades par rapport à la loi en vigueur et au premier projet de loi examiné par les partenaires sociaux au début de l’année 2011. La commission note que la loi sur les relations collectives du travail a été adoptée par le Parlement le 18 octobre 2012. La commission demande au gouvernement d’envoyer copie de la loi sur les relations collectives du travail, portant modification des lois nos 2821 et 2822. Elle exprime le ferme espoir que les modifications nécessaires ont été apportées à la législation, en tenant compte des commentaires de la commission relatifs à la réparation et l’indemnisation ainsi que la négociation collective libre et volontaire.
Négociation collective dans le service public. La commission rappelle qu’elle avait précédemment noté que la loi no 5982 de 2010 abroge plusieurs dispositions de la Constitution qui restreignaient les droits de négociation collective et prévoyait dans son article 53 le droit des fonctionnaires et autres employés du secteur public de conclure des conventions collectives, et que ces amendements constitutionnels devraient être suivis par des modifications législatives pertinentes. La commission note que la loi no 6289 et des amendements importants à la loi no 4688 ont été adoptés le 4 avril 2012. Elle note avec satisfaction que la nouvelle loi porte sur plusieurs questions soulevées précédemment par la commission, notamment sur le champ de la négociation collective qui ne se limite plus aux questions financières, mais comprend aussi les «droits sociaux» (art. 28 de la loi no 6289), la nécessité de rendre les parties à même de mener des négociations pleines et significatives sur une période de temps plus longue que celle qui est fixée actuellement (passant de quinze jours à un mois en vertu de l’article 31 de la loi no 6289), la suppression de la possibilité qu’ont les autorités de modifier les conventions collectives signées par les parties et la modification de la portée de la législation, passant de «pourparlers» collectifs à «conventions» collectives. La commission note néanmoins que ses observations n’ont pas été pleinement prises en compte, notamment en ce qui concerne la nécessité de veiller à ce que: i) la législation prévoit que l’employeur direct participe aux côtés des autorités financières à de véritables négociations avec les syndicats représentant les fonctionnaires non commis à l’administration de l’Etat; ainsi que ii) la négociation collective entre les parties a un rôle significatif. La commission rappelle à nouveau que, en vue de permettre des négociations collectives libres et volontaires dans le secteur public, il est nécessaire de reconnaître le droit d’organisation à un grand nombre de catégories de fonctionnaires non commis à l’administration de l’Etat, comme le personnel civil dans les institutions militaires et les gardiens de prisons, qui sont exclus de ce droit, et donc du droit d’être représentés aux négociations.
Enfin, la commission avait noté que, dans sa déclaration devant la Commission de la Conférence en 2011, le gouvernement s’était référé à l’adoption en février 2011 d’une loi prévoyant une prime de convention collective pour les membres des syndicats de fonctionnaires, et à l’abrogation d’une disposition critiquée concernant le personnel contractuel dans le secteur public. La commission prie une nouvelle fois le gouvernement de transmettre copie des dispositions susmentionnées.

Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

La commission prend note des commentaires formulés par le Syndicat turc des travailleurs de l’enseignement, de la formation professionnelle et de la science (EGITIM SEN) dans une communication datée du 17 décembre 2010 et par la Confédération syndicale internationale (CSI) dans une communication datée du 4 août 2011, portant sur des allégations de violations des droits de négociation collective et sur de nombreux cas de licenciements antisyndicaux. La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport ses observations à ce propos. La commission prend également note des commentaires fournis par la Fédération internationale des travailleurs de la métallurgie (IMF) dans sa communication en date du 31 août 2011, qui allèguent des licenciements antisyndicaux dans deux entreprises, ainsi que de la réponse du gouvernement à cet égard. La commission examine par ailleurs les commentaires transmis par l’Internationale de l’éducation (IE) dans le cadre de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
La commission rappelle que, dans son observation antérieure, elle avait pris note du projet de loi sur les syndicats visant à modifier les lois nos 2821 (loi sur les syndicats) et 2822 (loi sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out). La commission prend note à ce propos de la discussion qui s’est tenue en juin 2011 dans le cadre de la Commission de l’application des normes de la Conférence au sujet de l’application de la convention no 87 en Turquie et, en particulier, de la déclaration du gouvernement selon laquelle la révision de la législation relative au système des relations du travail exige davantage de temps et que le processus d’harmonisation de la législation n’a pas encore été pleinement achevé. La commission exprime le ferme espoir que les mesures nécessaires visant à assurer une adoption rapide des modifications nécessaires aux lois nos 2821, 2822 et 4688 (loi sur les syndicats de fonctionnaires) seront prises sans plus tarder et que tout nouveau texte législatif tiendra compte des points suivants soulevés par les deux commissions.
Articles 1 et 3 de la convention. Protection contre les actes de discrimination antisyndicale. La commission rappelle que, dans son observation précédente, tout en prenant dûment note des dispositions législatives instaurant des sanctions dissuasives contre les actes de discrimination antisyndicale (art. 118 et 135 de la loi no 5237 portant Code pénal et art. 18(2) de la loi no 4688), elle avait observé que la CSI dénonçait le caractère particulièrement fréquent des actes de discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé, avec notamment des mutations de fonctionnaires syndiqués ou exerçant des responsabilités syndicales, des ingérences de l’Etat en tant qu’employeur dans les activités des syndicats du secteur public, des listes noires et des pressions visant à ce qu’un travailleur renonce à son affiliation syndicale dans le secteur privé. La commission avait noté que des allégations similaires avaient été soumises par la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK). La commission avait prié le gouvernement d’indiquer la procédure qui s’applique pour l’examen des plaintes pour discrimination antisyndicale dans le secteur public et de communiquer des statistiques faisant apparaître les progrès réalisés quant à l’examen effectif des allégations d’actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence dans les secteurs public et privé (nombre de cas dont les organes compétents ont été saisis, durée moyenne des procédures et réparations ordonnées). La commission prend note des observations transmises par le gouvernement au sujet des commentaires de la CSI et de la KESK. Le gouvernement indique en particulier que, en plus des dispositions législatives susmentionnées qui, à son avis, fournissent une protection suffisante contre tous les types de discrimination, les avertissements nécessaires ont été adressés par le gouvernement et quatre circulaires ont été publiées par le bureau du Premier ministre concernant le caractère inacceptable de l’ingérence dans les activités syndicales des fonctionnaires. La commission note par ailleurs que, dans son rapport, le gouvernement indique que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale ne dispose d’aucune donnée statistique sur les plaintes en matière de discrimination antisyndicale. Le gouvernement explique aussi que, en ce qui concerne le secteur public, les fonctionnaires ont le droit de présenter à leurs supérieurs des plaintes écrites ou verbales demandant que des enquêtes soient organisées sur les cas de discrimination antisyndicale. Si cette procédure ne permet pas de résoudre les cas de discrimination présumés, des procédures administratives peuvent être engagées. Le gouvernement informe que l’administration du personnel de l’Etat dispose d’informations statistiques et de documents qui lui sont soumis par les institutions pertinentes au sujet de réclamations relatives aux cas de discrimination antisyndicale dans le secteur public. La commission prie le gouvernement de communiquer ces données statistiques. La commission note que, dans sa dernière communication, la CSI se réfère à des cas de réintégration ordonnée par la justice. Tout en notant cependant qu’aucune information n’a été fournie par le gouvernement au sujet du secteur privé, et notant que plusieurs des allégations de la CSI portent sur le secteur privé, la commission réitère sa demande antérieure d’informations et exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les dispositions de la convention soient effectivement appliquées.
Voies de recours et réparation. La commission avait précédemment prié le gouvernement de revoir les sanctions prévues aux articles 59(2) (non-réintégration des dirigeants syndicaux) et 59(3) (discrimination antisyndicale au moment du recrutement) de la loi no 2821 et de veiller à ce que la réparation accordée à un dirigeant syndical désireux de reprendre son poste et qui n’est pas réintégré pour des raisons antisyndicales ait un effet dissuasif. La commission note à ce propos que l’article 24 du projet de loi sur les syndicats semble traiter la question précédemment soulevée par la commission au sujet de la réparation adéquate pour actes de discrimination antisyndicale puisqu’il propose de prévoir, outre la réparation déjà prévue par la loi sur le travail (no 4857), une réparation non inférieure au salaire annuel du travailleur. En ce qui concerne la non-réintégration d’un dirigeant syndical désireux de reprendre son poste, l’article 22 du projet de loi se contente d’indiquer que, dans le calcul des réparations, la période d’emploi dans l’établissement considéré sera prise en compte, de même que le salaire et les autres droits dont le travailleur bénéficiait avant son licenciement. La commission estime qu’une réparation déterminée uniquement sur la base de ce critère ne constituerait pas une sanction suffisamment dissuasive à l’égard de l’employeur. La commission prie donc à nouveau le gouvernement d’amender le projet de loi sur les syndicats de manière à procéder à une nouvelle modification des articles pertinents de la loi no 2821.
Article 4. Négociation collective libre et volontaire. La commission rappelle qu’elle avait précédemment exprimé l’espoir que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour que l’article 12 de la loi no 2822 soit modifié de telle sorte que, si aucun syndicat ne représente plus de 50 pour cent des travailleurs, les syndicats établis dans l’établissement ou l’entreprise considéré aient le droit, sans considération de leur affiliation à une confédération, de négocier collectivement au moins au nom de leurs propres membres. La commission note que, bien que l’article 39 du nouveau projet de loi sur les syndicats visant à modifier l’article 12 de la loi no 2822 vise à supprimer l’obligation faite à un syndicat, pour pouvoir négocier collectivement au niveau de l’entreprise, d’être affilié à une grande confédération, il maintient l’exigence faite aux syndicats de représenter la majorité des travailleurs (50 pour cent plus un) de l’établissement considéré pour pouvoir participer aux négociations avec l’employeur en vue de la conclusion d’une convention collective. La commission rappelle à nouveau que, dans de tels systèmes, lorsque aucun syndicat ne représente plus de 50 pour cent des travailleurs, les syndicats existants dans l’établissement doivent avoir le droit de négocier collectivement au moins au nom de leurs propres membres. La commission prie donc à nouveau le gouvernement d’amender le projet de loi sur les syndicats de manière à procéder à une nouvelle modification de l’article 12 de la loi no 2822.
Négociation collective dans le service public. La commission rappelle qu’elle avait précédemment noté que la loi no 5982 de 2010 abroge plusieurs dispositions de la Constitution qui restreignaient les droits de négociation collective et prévoit dans son article 53 le droit des fonctionnaires et autres employés du secteur public de conclure des conventions collectives. La commission avait également pris note de l’indication du gouvernement selon laquelle l’amendement constitutionnel devait être suivi par des modifications législatives pertinentes, et avait espéré que la loi no 4688 serait bientôt modifiée de manière à ce que les fonctionnaires bénéficient pleinement des droits de négociation collective, et non simplement du droit de «mener des consultations collectives» comme prévu actuellement. La commission veut donc à nouveau croire que la loi no 4688 sera bientôt modifiée de manière à la mettre en conformité avec la Constitution nouvellement amendée et avec la convention, en traitant les points suivants précédemment soulevés: i) la nécessité de veiller à ce que, lorsque la législation prévoit que l’employeur direct participe à de véritables négociations avec les syndicats représentant les fonctionnaires non commis à l’administration de l’Etat, la négociation collective entre les parties ait un rôle significatif; ii) la nécessité de garantir clairement dans la législation que les négociations ne doivent pas porter uniquement sur les questions d’ordre financier, mais qu’elles peuvent aussi porter sur les conditions d’emploi; iii) la nécessité de garantir clairement que la législation ne confère pas aux autorités, notamment au Conseil des ministres, le pouvoir de modifier ou rejeter des conventions collectives dans le secteur public; et iv) la nécessité de rendre les parties à même de mener des négociations pleines et significatives sur une période de temps plus longue que celle qui est fixée actuellement (quinze jours selon l’article 34).
La commission note que, dans sa déclaration devant la Commission de la Conférence, le gouvernement s’était référé à l’adoption en février 2011 d’une loi prévoyant une prime de convention collective pour les membres des syndicats de fonctionnaires et à l’abrogation d’une disposition critiquée concernant le personnel contractuel dans le secteur public. La commission prie le gouvernement de transmettre copie des dispositions susmentionnées.
La commission rappelle à nouveau que, en vue de permettre des négociations collectives libres et volontaires dans le secteur public, il est nécessaire de reconnaître le droit d’organisation à un grand nombre de catégories de fonctionnaires non commis à l’administration de l’Etat qui sont exclues de ce droit, et donc du droit d’être représentées aux négociations (comme indiqué dans les commentaires sur l’application de la convention no 87).
La commission prie instamment le gouvernement de faire appel de manière continue à l’assistance du BIT afin d’assurer l’adoption rapide des modifications nécessaires aux lois nos 2821, 2822 et 4688, et exprime le ferme espoir que les textes définitifs prendront pleinement en compte les commentaires susmentionnés de la commission. Elle prie le gouvernement de transmettre avec son prochain rapport les textes législatifs ou les projets de textes pertinents.

Observation (CEACR) - adoptée 2010, publiée 100ème session CIT (2011)

La commission prend note des commentaires formulés par la Confédération syndicale internationale (CSI) dans une communication datée du 24 août 2010, la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) dans des communications datées des 20 août 2009 et 28 août 2010 et la Confédération des agents publics de Turquie (TÜRKIYE KAMU-SEN) dans une communication datée du 15 septembre 2009. La commission prie le gouvernement de communiquer ses observations à ce sujet dans son prochain rapport.

Tout en prenant note des observations formulées par le gouvernement sur les commentaires de la CSI dans une communication datée du 29 août 2008, la commission regrette qu’il n’ait communiqué aucune observation sur les commentaires formulés antérieurement par la KESK dans une communication datée du 1er septembre 2008 et par la DISK dans une communication datée du 2 septembre 2008. La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir ses observations à ce sujet.

La commission note que le rapport du gouvernement sur l’application de la présente convention n’a pas été reçu.

La commission note qu’une mission bipartite de haut niveau de l’OIT s’est rendue dans le pays en mars 2010 suite à la demande faite en ce sens par la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2009. Elle prend note du projet de loi sur les syndicats visant à modifier les lois nos 2821 et 2822, élaboré par un «comité scientifique» nommé par le ministère en 2009.

Articles 1 et 3 de la convention. Protection contre les actes de discrimination antisyndicale. La commission rappelle que, dans son observation précédente, tout en prenant dûment note des dispositions législatives instaurant des sanctions dissuasives contre les actes de discrimination antisyndicale (art. 118 et 135 de la loi no 5237 portant Code pénal et art. 18(2) de la loi no 4688), elle a observé que la CSI dénonçait le caractère particulièrement fréquent des actes de discrimination antisyndicale dans les secteurs public et privé, avec notamment des mutations de salariés syndiqués ou exerçant des responsabilités syndicales, des ingérences de l’Etat en tant qu’employeur dans les activités des syndicats du secteur public, des listes noires et des pressions antisyndicales dans le secteur privé. La commission note avec préoccupation que des allégations similaires ont été soumises par la KESK dans ses communications. Le gouvernement n’ayant pas répondu ni donné d’autres informations à ce sujet, la commission prie à nouveau le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport quelle est la procédure qui s’applique pour l’examen des plaintes pour discrimination antisyndicale dans le secteur public, et de communiquer des statistiques faisant apparaître les progrès réalisés quant à l’examen effectif des allégations d’actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence dans les secteurs public et privé (nombre de cas dont les organes compétents ont été saisis, durée moyenne des procédures et réparations ordonnées). La commission veut croire que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour assurer que, en la matière, les dispositions de la convention sont appliquées en droit et dans la pratique.

La commission avait demandé précédemment que le gouvernement revoie les sanctions prévues aux articles 59(2) (non-réintégration d’un dirigeant syndical) et 59(3) (discrimination antisyndicale à l’embauche) de la loi no 2821 et assure que les réparations dues à un dirigeant syndical qui ne serait pas réintégré dans son poste pour des raisons antisyndicales ont un caractère dissuasif. La commission note à cet égard que l’article 24 du projet de loi sur les syndicats répondrait à la question soulevée précédemment par la commission quant aux réparations adéquates des actes de discrimination antisyndicale puisque cet article envisage, outre les réparations déjà prévues par la loi sur le travail (no 4857), une réparation non inférieure au salaire annuel du travailleur. S’agissant de la non-réintégration d’un délégué syndical désireux de reprendre son poste, l’article 22 du projet de loi prévoit que, dans le calcul des réparations, la période d’emploi dans l’établissement considéré sera prise en considération, de même que le salaire et les autres droits dont le travailleur bénéficiait auparavant. La commission considère qu’une réparation déterminée uniquement sur la base de ce critère ne constituerait pas une sanction suffisamment dissuasive à l’égard de l’employeur. La commission prie donc le gouvernement de réviser le projet de loi sur les syndicats et de procéder à une nouvelle modification des articles pertinents de la loi no 2821.

Article 4. Négociation collective libre et volontaire. La commission rappelle qu’elle avait précédemment émis le souhait de voir le gouvernement prendre les mesures nécessaires pour que l’article 12 de la loi no 2822 soit modifié de telle sorte que, si aucun syndicat ne représente pas plus de 50 pour cent des travailleurs, les syndicats établis dans l’établissement ou l’entreprise considéré(e) aient le droit, sans considération de leur affiliation à une confédération, de négocier collectivement au moins au nom de leurs propres affiliés. La commission note que, si l’article 39 du nouveau projet de loi sur les syndicats visant à modifier l’article 12 de la loi no 2822 supprimait l’obligation faite à un syndicat, pour pouvoir négocier collectivement au niveau de l’entreprise, d’être affilié à une grande confédération, ce texte maintient en revanche l’exigence faite aux syndicats de représenter la majorité des travailleurs (50 pour cent plus un) de l’établissement considéré pour pouvoir participer aux négociations avec l’employeur en vue de la conclusion d’une convention collective. La commission rappelle à nouveau que dans de tels systèmes, lorsque aucun syndicat ne représente 50 pour cent des travailleurs, les syndicats existant dans l’établissement doivent avoir le droit de négocier collectivement au moins au nom de leurs propres affiliés. La commission prie donc le gouvernement de réviser le projet de loi sur les syndicats de manière à modifier l’article 12 de la loi no 2822.

Négociation collective dans la fonction publique. La commission rappelle qu’elle aborde, depuis un certain nombre d’années, la question de la négociation collective dans le secteur public telle que prévue par la loi no 4688 sur les syndicats dans le secteur public. Elle note que la loi no 5982 modifiant la Constitution, adoptée par la Grande Assemblée nationale le 7 mai 2010, est entrée en vigueur après avoir été approuvée par l’électorat dans un référendum qui s’est tenu le 12 septembre 2010. La commission note avec satisfaction que, en vertu de cette loi, les dispositions suivantes de la Constitution ont été modifiées:

–      l’article 53, modifié par l’ajout du paragraphe suivant: «Les fonctionnaires et autres employés du public ont le droit de conclure des conventions collectives. Les parties peuvent saisir le Conseil de conciliation si un conflit survient au cours du processus de négociation collective. Les décisions du Conseil de conciliation sont définitives et ont force de convention collective. Le champ couvert par le droit de négociation collective, les exceptions à ce droit, les personnes appelées à bénéficier de cette négociation, la forme, la procédure et l’entrée en vigueur des conventions collectives et l’étendue des dispositions d’une convention collective, ainsi que l’organisation, les procédures de fonctionnement et les principes du Conseil de conciliation et d’autres aspects, seront déterminés par la loi»;

–      l’article 53 a été modifié par la suppression de son paragraphe 3, qui restreignait l’autonomie des parties dans la négociation collective; et

–      l’article 128 (2) a été modifié de manière à énoncer que «les qualifications des fonctionnaires et autres employés du secteur public, les procédures régissant leur nomination, leurs attributions et pouvoirs, leurs droits et responsabilités, leurs salaires et prestations annexes et les autres éléments liés à leur statut seront réglementés par la loi, sans préjudice des dispositions d’une convention collective établissant leurs droits sur les plans financier et social».

S’agissant de la loi no 4688, la commission note que le gouvernement a expliqué à la Commission de la Conférence, en juin 2010, que l’amendement à la Constitution serait suivi des amendements législatifs pertinents. La commission note que les amendements constitutionnels susmentionnés semblent répondre à certaines des questions qu’elle avait soulevées à propos de la loi no 4688 et, en particulier, de l’article 28 de cette loi qui limitait le champ possible de négociation aux questions financières et de son article 34 qui rendait possible une modification par les autorités de conventions collectives signées par les parties.

La commission prend note des indications du gouvernement concernant l’imminence d’un amendement de la loi no 4688, et veut croire que cette loi sera ainsi modifiée prochainement de manière à garantir que les fonctionnaires jouissent pleinement du droit de négocier collectivement et non simplement du droit de «mener des consultations collectives», comme prévu actuellement. La commission veut croire que la législation une fois modifiée répondra aux points suivants qu’elle avait soulevés précédemment: i) la nécessité de veiller à ce que, lorsque la législation prévoit que l’employeur direct participe à de véritables négociations avec les syndicats représentant les fonctionnaires non commis à l’administration de l’Etat, la négociation collective entre les parties revête un rôle significatif; ii) la nécessité de garantir clairement dans la législation que les négociations ne doivent pas porter uniquement sur les questions d’ordre financier, mais qu’elles peuvent aussi porter sur les conditions d’emploi; iii) la nécessité de garantir clairement que la législation ne confère pas aux autorités, notamment au Conseil des ministres, le pouvoir de modifier ou rejeter des conventions collectives dans le secteur public; et iv) la nécessité de rendre les parties à même de mener des négociations pleines et significatives sur une période de temps plus longue que celle qui est fixée actuellement (quinze jours selon l’article 34).

La commission rappelle une fois de plus que le problème restant à résoudre de surcroît pour que la négociation collective dans le secteur public soit véritablement libre et volontaire est la reconnaissance du droit de se syndiquer à l’égard d’un grand nombre de catégories de salariés du secteur public qui ne sont pas des fonctionnaires commis à l’administration de l’Etat mais qui sont pourtant exclus de ce droit et, par conséquent, du droit d’être représentés dans les négociations collectives (voir à ce sujet les commentaires concernant l’application de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948).

La commission prie instamment que le gouvernement s’engage dans une assistance suivie avec l’OIT afin de parvenir à l’adoption rapide des amendements nécessaires aux lois nos 2821, 2822 et 4688, et elle exprime l’espoir que les textes définitifs de ces instruments tiendront pleinement compte des commentaires ci-dessus. Elle prie le gouvernement de communiquer avec son prochain rapport les textes législatifs ou projets de textes pertinents.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

Articles 1 et 3 de la convention. Discrimination antisyndicale. 1. Indemnisation en cas d’actes de discrimination antisyndicale et de licenciement abusif. La commission avait noté que, en vertu de l’article 31(6) de la loi no 2821 concernant l’indemnisation en cas de licenciement pour motif antisyndical, lorsqu’il est mis fin au contrat de travail pour des raisons d’affiliation ou d’activité syndicale, les dispositions des articles 18, 19, 20 et 21 de la loi no 4857 sont applicables. Toutefois, l’indemnité accordée à un travailleur en vertu de l’article 18 de la loi no 4857 en cas de licenciement abusif peut être inférieure à celle versée en vertu de l’article 31 de la loi no 2821.

La commission note, d’après le rapport du gouvernement, que l’indemnité versée en application de l’article 21 de la loi no 4857 en cas de licenciement abusif constituant une infraction à l’article 18 de cette loi (en vertu duquel l’appartenance à un syndicat ou la participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou pendant les heures de travail avec le consentement de l’employeur ne constitue pas un motif valable pour mettre fin au contrat) vise à assurer la sécurité de l’emploi. En conséquence, les moyens de réparation prévus (quatre à huit mois de salaire) sont destinés à assurer une indemnisation pour les pertes précédant la réintégration du travailleur, ou, si l’employeur ne réintègre pas le travailleur dans un délai d’un mois, à assurer une indemnisation consistant en une indemnité de préavis et une indemnité de licenciement. L’indemnisation prévue par la loi no 2821 a pour objectif de compenser tous les actes de discrimination antisyndicale, y compris le licenciement. Des sanctions pénales sont envisagées en cas d’infraction à la disposition mentionnée, et une indemnisation est prévue lorsqu’un employeur établit une discrimination entre les travailleurs, ou licencie des travailleurs pour des raisons syndicales. En conséquence, l’indemnité prévue pour chacun des cas ne peut pas être équivalente. La commission prend note de cette information.

2. Révision des amendes prévues aux articles 59(2) (non-réintégration d’un dirigeant syndical) et 59(3) (discrimination antisyndicale lors du recrutement) de la loi no 2821.La commission prie le gouvernement d’indiquer, dans son prochain rapport, les progrès réalisés pour modifier les articles 59(2) et (3) de la loi no 2821 concernant la révision des amendes infligées en cas d’actes de discrimination antisyndicale.

3. Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement de s’assurer que l’indemnité accordée à un dirigeant syndical qui souhaite retrouver son poste, mais qui n’est pas réintégré pour des raisons antisyndicales, a un effet dissuasif. La commission note que, d’après le rapport du gouvernement, le projet de loi portant modification de la loi no 2821 prévoit que, si un employeur ne réintègre pas un employé qui souhaite retrouver son poste après avoir exercé les fonctions de dirigeant syndical, on considère que le contrat de travail prend fin, et le montant de l’indemnité est calculé sur la base de la durée de l’emploi actif sur le lieu de travail. Le salaire et les autres droits valables d’un travailleur comparables au moment de la cessation d’emploi servent de base de calcul. La commission prie le gouvernement d’indiquer, dans son prochain rapport, les progrès réalisés pour modifier l’article 29 de la loi no 2821.

Observation (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

La commission note qu’une mission de haut niveau de l’OIT s’est rendue dans le pays du 28 au 30 avril 2008 suite à une demande de la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2007.

La commission prend note des rapports du gouvernement qui contiennent notamment des réponses aux observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) figurant dans des communications en date du 10 août 2006 (communication du gouvernement du 2 janvier 2007) et du 28 août 2007 (communications du gouvernement des 9 janvier, 28 mars et 17 juin 2008). Elle prend également note de la réponse du gouvernement aux communications de la Confédération des syndicats des agents publics (KESK) en date du 2 septembre 2006 et du 31 août 2007 (communications du gouvernement en date du 16 février 2007 et du 9 janvier 2008) et à celles de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) figurant dans des communications en date des 9 et 24 avril 2007 (communication du gouvernement du 16 octobre 2007).

La commission prend note des observations de la CSI figurant dans une communication du 29 août 2008, des observations de la KESK transmises dans une communication du 1er septembre 2008 et de celles de la DISK figurant dans une communication en date du 2 septembre 2008. La commission prie le gouvernement de transmettre les commentaires qu’il souhaiterait faire à propos de ces observations.

Articles 1 et 3 de la convention. Protection contre les actes de discrimination antisyndicale. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note d’informations communiquées par des organisations de travailleurs concernant les actes de discrimination antisyndicale qui visaient des agents publics syndicalistes ou dirigeants syndicaux; elle avait noté que plusieurs mesures avaient été adoptées afin de mettre en place des sanctions dissuasives pour les actes de ce type. En particulier, en vertu de l’article 118 du nouveau Code pénal de la Turquie no 5237, entré en vigueur en juin 2005, quiconque a recours à la force ou à la menace pour contraindre une personne à s’affilier ou à ne pas s’affilier à un syndicat, à participer ou à ne pas participer à des activités syndicales, à se désaffilier d’un syndicat ou à démissionner de son poste de dirigeant syndical, encourt une peine d’emprisonnement allant de six à douze mois; de plus, quiconque fait obstruction à des activités syndicales par la force, la menace ou d’autres actes illicites encourt une peine d’emprisonnement allant d’un à trois ans. L’article 135 dispose que toute personne reconnue coupable de détenir illégalement des renseignements sur la vie privée d’une personne, y compris sur ses liens avec un syndicat, encourt une peine d’emprisonnement allant de six mois à trois ans.

La commission rappelle aussi que, s’agissant du secteur public, le gouvernement avait indiqué que les infractions à l’article 18 de la loi no 4688, qui interdit les actes de discrimination antisyndicale de la part des agents de l’administration, pouvaient entraîner des mesures disciplinaires conformément à la législation applicable au personnel de la fonction publique (loi no 657). Dans son dernier rapport, le gouvernement ajoute que, en vertu de l’article 18(2) de la loi no 4688, un employeur public ne peut pas muter un représentant ou un dirigeant syndical sans raison valable, ni sans indiquer clairement et précisément les motifs de la mutation. Les plaintes concernant les mutations communiquées au ministère par les syndicats sont transmises aux organismes compétents en vue de leur examen, conformément à l’article 18 de la loi et aux circulaires du Premier ministre. De plus, aux termes de l’article 18(3), un employeur public ne peut pas établir de discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à un syndicat. Enfin, l’article 18(a) de la loi no 4857 sur le travail prévoit une protection contre le licenciement abusif pour appartenance à un syndicat ou participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail, ou pendant les heures de travail avec le consentement de l’employeur.

La commission prend dûment note de ces mesures et note aussi que, dans ses observations de 2007 et 2008, la CSI souligne la fréquence des actes de discrimination antisyndicale dans le secteur public et le secteur privé, notamment des mutations d’agents de la fonction publique qui sont membres de syndicats ou exercent des fonctions syndicales, des ingérences de l’employeur – l’Etat – dans les activités de syndicats du secteur public, de l’établissement de listes noires et de pressions pour contraindre des membres à quitter leur syndicat dans le secteur privé.

La commission prie le gouvernement d’indiquer, dans son prochain rapport, la procédure applicable pour l’examen des plaintes concernant la discrimination antisyndicale dans le secteur public et de communiquer des statistiques faisant apparaître les progrès réalisés pour examiner efficacement les allégations d’actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence dans le secteur public et le secteur privé (nombre de cas dont les organes compétents ont été saisis, durée moyenne des procédures et sanctions infligées). La commission veut croire que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que, en la matière, les dispositions de la convention sont appliquées en droit et en pratique.

Article 4. Négociation collective libre et volontaire. La commission rappelle que, depuis plusieurs années, elle mentionne le double critère utilisé pour déterminer la représentativité d’un syndicat aux fins de la négociation collective. En vertu de l’article 12 de la loi no 2822, pour pouvoir négocier une convention collective, un syndicat doit représenter 10 pour cent des travailleurs de la branche et plus de la moitié des employés du lieu de travail. La commission avait pris note d’un projet de loi portant modification de la loi no 2822 pour traiter cette question. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle un projet de loi portant modification de la loi no 2822 prévoit des modifications pour supprimer la condition selon laquelle un syndicat doit représenter 10 pour cent des travailleurs du secteur pour être reconnu agent négociateur au niveau de l’entreprise. La modification, qui devrait être adoptée par la grande Assemblée nationale turque, se lit comme suit:

Un syndicat affilié à l’une des confédérations représentées au Conseil économique et social, actif dans l’ensemble du pays dans sa branche et organisé dans plus d’un lieu de travail ou établissement, ou un syndicat membre d’une confédération de travailleurs comptant au moins 80 000 membres, est habilité à conclure une convention collective applicable à l’établissement/aux établissements en question si ses membres représentent plus de la moitié des travailleurs employés dans l’établissement, ou dans chacun des établissements, auquel s’appliquera la convention collective.

Si les syndicats qui remplissent les conditions susmentionnées représentent plus de la moitié des travailleurs du lieu de travail ou de l’établissement dans lequel ils sont organisés, ils sont habilités à conclure une convention collective applicable au lieu de travail ou à l’établissement en question. S’agissant des conventions collectives d’entreprise, les établissements sont considérés comme une seule unité pour le calcul de la majorité absolue.

La commission note que, d’après le gouvernement, en Turquie, les partenaires sociaux sont généralement d’accord sur les principaux paramètres du système de relations professionnelles (tels que les organisations de branche et les négociations collectives au niveau de l’entreprise ou du lieu de travail), système en place depuis 25 ans. Le gouvernement est d’avis que, une fois la législation modifiée, le système continuera à fonctionner sans encombre et conformément aux normes de l’OIT.

La commission note que, d’après les observations de la DISK de 2007, le projet de loi maintient le statu quo, ne propose aucune solution aux problèmes concernant les relations professionnelles, ne contribue pas au libre exercice des droits syndicaux.

La commission relève que, d’après le texte communiqué par le gouvernement, pour pouvoir participer à la négociation collective au niveau du lieu de travail, un syndicat ne doit plus remplir la condition des 10 pour cent figurant à l’article 12 de la loi no 2822, mais doit être affilié à une grande confédération. Toutefois, la commission note que le système semble continuer à limiter le niveau de la représentation et de la négociation collective, qui devrait être déterminé par des négociations libres et volontaires. Elle relève aussi que, en vertu de la modification, pour pouvoir engager des négociations avec l’employeur en vue de conclure une convention collective, les syndicats doivent toujours représenter la majorité des travailleurs d’un lieu de travail (50 pour cent plus un). La commission rappelle que, dans de tels systèmes, si aucun syndicat ne regroupe pas plus de 50 pour cent des travailleurs, les droits de négociation collective devraient être accordés aux syndicats opérant sur le lieu de travail, au moins au nom de leurs propres membres; or, en l’espèce, cela n’est pas possible en raison de la condition d’affiliation à une grande confédération. Un syndicat d’entreprise représentatif devrait notamment pouvoir négocier même s’il n’est pas affilié à une confédération.

La commission espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour amender le projet de loi et modifier l’article 12 de la loi no 2822 afin que, lorsque, aucun syndicat ne remplit le critère des 50 pour cent, les syndicats opérant sur le lieu de travail ou dans l’entreprise puissent négocier, au moins au nom de leurs propres membres, indépendamment de leur affiliation à une confédération. Elle le prie d’indiquer, dans son prochain rapport, les progrès réalisés à cet égard pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation collective volontaire, conformément à l’article 4.

Négociation collective dans la fonction publique. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des informations fournies par le gouvernement sur la structure des négociations collectives dans le secteur public, et avait soulevé certaines questions concernant: i) la nécessité de donner un complément d’information montrant comment l’employeur direct participe aux négociations aux côtés des autorités financièrement responsables au sein du Comité des employeurs publics, qui est l’agent négociateur du gouvernement en vertu de l’article 3(h) de la loi no 4688; ii) la nécessité de modifier l’article 28 de la loi no 4688, qui limite l’objet des négociations aux questions financières; iii) la nécessité de donner des informations complémentaires montrant comment l’article 34 de la loi no 4688 s’applique en pratique, et la nécessité de confirmer qu’il ne s’applique pas d’une manière donnant aux autorités, en particulier au Conseil des ministres, le pouvoir de modifier ou de rejeter des conventions collectives (en vertu de l’article 34 de la loi no 4688, si un accord est trouvé pendant la négociation, l’accord est soumis au Conseil des ministres afin que les mesures administratives, exécutives et légales appropriées soient prises dans un délai de trois mois, et les projets de loi sont soumis à la grande Assemblée nationale turque en vue d’être adoptés).

La commission note que, d’après le rapport du gouvernement: i) le Comité des employeurs publics est composé de représentants du Premier ministre, du ministère des Finances, du Trésor, de la présidence des employés publics et de l’organisation des employeurs publics; ii) même si l’article 28 de la loi no 4688 limite l’objet des négociations collectives aux droits financiers des agents publics, d’autres thèmes ont été inscrits à l’ordre du jour de quatre négociations collectives menées depuis 2004, et des protocoles d’accord ont été signés sur des sujets autres que les droits financiers en 2004, 2006 et 2007; en 2005, un protocole d’accord a été signé sur l’ensemble des questions abordées au cours de la négociation collective, y compris les droits financiers; iii) après la signature de protocoles d’accord, des commissions constituées d’un nombre égal de représentants de syndicats et d’employeurs publics mènent des activités pour aller de l’avant sur les thèmes qui ont fait l’objet de l’accord. Le protocole d’accord reprend les revendications des syndicats; il peut s’agir de revendications acceptées par le Comité des employeurs publics ou de revendications que le comité doit prendre en considération ou évaluer. Même si les revendications des syndicats sont accueillies favorablement par le Comité des employeurs publics, il a été estimé qu’elles devraient être abordées dans un projet de loi sur la réforme du régime applicable au personnel de la fonction publique, réforme envisagée depuis près de cinq ans, qui concernera environ 2,5 millions d’agents publics; iv) la présidence des employés publics mène des travaux préparatoires en vue de l’élaboration de projets de loi sur les questions qui ont fait l’objet d’un accord, en consultation avec l’autorité concernée si la question est du ressort d’une autre autorité; les projets de loi préparés selon cette procédure sont soumis au bureau du Premier ministre; v) lors d’une réunion du 28 décembre 2006, le groupe de travail tripartite a décidé de modifier la loi no 4688 en tenant compte des observations de la commission, et des travaux ont été entrepris en la matière. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale mène des activités en vue de cette modification et un projet de loi visant à modifier le préambule et les articles 3(a) et 15 de la loi no 4688 a été communiqué aux organismes compétents pour avis. Suite aux négociations collectives menées en 2007 par le Comité des employeurs publics et deux agents négociateurs, les parties ont convenu de poursuivre les travaux sur plusieurs questions, dont quatre concernent les modifications à apporter à la loi no 4688. La Confédération des agents publics de Turquie (Turkiye Kamu Sen) et le Syndicat des travailleurs des services municipaux et publics (HAK-IS) ont pris part aux négociations. La KESK n’y a pas pris part, même si elle est agent négociateur.

De plus, dans une demande directe, la commission avait indiqué la nécessité d’amender l’article 34 de la loi no 4688 afin de modifier le délai de 15 jours prévu pour mener à bien les négociations collectives. Passé ce bref délai, en cas de désaccord, le Comité de conciliation était saisi. Le gouvernement indique que, même si le délai de quinze jours est suffisant (puisqu’en général, à ce jour, cinq à six sessions ont eu lieu au cours des négociations collectives et que des sessions supplémentaires peuvent être organisées au besoin), une modification est à l’examen pour faire passer ce délai à un mois, afin de tenir compte des demandes des partenaires sociaux.

La commission accueille favorablement ces éléments nouveaux.

La commission prend note des nombreuses observations de la KESK et de la CSI sur les négociations du secteur public. D’après ces observations, la loi no 4688 ne se réfère pas à des négociations collectives mais plutôt à des «consultations», limitées aux questions financières. En conséquence, la KESK ne participe pas aux consultations depuis 2007 pour protester contre le refus du gouvernement de mener des négociations, au lieu de consultations qui lui permettent de prendre des décisions de façon unilatérale. La KESK ajoute que l’article 30 de la loi no 4688 (en vertu duquel seuls les syndicats affiliés à la confédération qui compte le plus grand nombre de membres dans un secteur d’activité peuvent participer aux négociations) est contraire à la convention parce qu’il limite la liberté de déterminer les agents négociateurs. Enfin, la KESK indique que, depuis 2005, le ministère de l’Intérieur exerce des pressions sur les autorités locales pour empêcher l’application de 130 conventions collectives signées par le Syndicat des agents des municipalités et des services administratifs locaux (TUM BEL SEN), affilié à la KESK, et les autorités municipales au cours des douze dernières années. Même si la Cour européenne des droits de l’homme a rendu une décision favorable au syndicat le 21 novembre 2006, le ministère n’a pas modifié sa politique. De façon plus générale, les syndicats ne seraient pas considérés comme des partenaires sociaux et le gouvernement ne les consulterait pas sur les principaux textes de loi qui ont un impact sur les intérêts des travailleurs.

A cet égard, la commission prend note de la réponse du gouvernement selon laquelle les consultations prévues par la loi no 4688 permettent de mener des négociations sur les droits économiques, sociaux et individuels et que, en cas de désaccord, le comité de conciliation entreprend de régler le désaccord. Il est conforme au principe de justice que la représentation soit fonction de l’affiliation à une confédération qui compte le plus grand nombre de membres dans le secteur d’activité. S’agissant des conventions collectives signées par les municipalités, le gouvernement indique que, en vertu de l’article 146(1) et (2) de la loi no 657, dans sa teneur modifiée, aucun salaire ne peut être versé aux agents publics et aucun avantage ne peut leur être accordé s’ils ne sont pas prévus dans cette loi. Les conventions collectives du secteur public sont régies par les articles 3(h) et 29 de la loi no 4688, et par les articles 28 et 53 de la Constitution. Comme les agents publics n’ont pas le droit de signer des conventions collectives, les conventions en question ont été considérées comme illégales. Dans la notification no 158 du 6 janvier 2005, le ministère des Finances a indiqué que le statut des agents publics était régi par les lois nos 657 et 4688, et qu’il était impossible d’agir en dehors du champ d’application de ces lois pour jouir de droits qui n’ont pas été accordés conformément à leurs dispositions. En conséquence, le syndicat TUM BEL SEN n’a pas le droit de participer à la négociation collective.

A cet égard, la commission prend note de la décision définitive rendue il y a peu par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme sur la question des conventions collectives signées entre TUM BEL SEN et les municipalités (12 nov. 2008). Dans cette décision, la cour a estimé que:

Le droit de mener des négociations collectives avec un employeur est en principe devenu l’un des éléments essentiels du «droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts» énoncé à l’article 11 de la [Convention européenne des droits de l’homme]. […]. Comme les autres travailleurs, les fonctionnaires devraient jouir de ces droits, sauf dans des cas très spécifiques, et sans préjudice des effets des restrictions légales qui devraient être imposées aux membres de l’administration de l’Etat, catégorie à laquelle les requérants n’appartiennent pas en l’espèce.

A la lumière de ce qui précède, la commission souligne à nouveau que tous les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat devraient avoir le droit de participer à une négociation collective libre et volontaire, dans des délais suffisants permettant de véritables négociations. Les dispositions législatives qui confèrent aux autorités financièrement responsables un droit de participation à la négociation collective aux côtés de l’employeur direct sont compatibles avec la convention dans la mesure où elles laissent une place significative à la négociation collective; des discussions tripartites visant à élaborer sur une base volontaire des lignes directrices en matière de négociation collective pourraient être envisagées comme une méthode particulièrement appropriée pour surmonter les difficultés actuelles. La commission rappelle aussi que le droit de s’affilier à l’organisation de son choix comprend la libre détermination du niveau de représentation (au niveau du secteur ou de l’institution, indépendamment de l’affiliation à une confédération). De plus, pour permettre une négociation collective libre et volontaire dans le secteur public, il faudrait reconnaître le droit syndical à de nombreuses catégories d’agents publics qui n’exercent pas des fonctions d’autorité au nom de l’Etat. Privées de ce droit, ces catégories ne peuvent pas être représentées dans les négociations (cette question est traitée dans une demande adressée directement au gouvernement concernant la convention no 87).

La commission prie à nouveau le gouvernement d’indiquer, dans son prochain rapport, les mesures prises ou envisagées, y compris la réforme de la fonction publique, afin de rendre la loi no 4688 et son application conformes à la convention sur les points suivants: i) la nécessité que l’employeur direct participe à des négociations franches avec les syndicats représentant les fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat et qu’une place significative soit laissée à la négociation collective entre les parties; ii) la nécessité de prévoir clairement dans la législation que les négociations ne couvrent pas seulement les questions financières mais également les autres conditions d’emploi; iii) la nécessité de clairement confirmer que la législation n’octroie pas aux autorités, en particulier au Conseil des ministres, le pouvoir de modifier ou de rejeter des conventions collectives dans le secteur public; iv) la nécessité que les parties disposent d’un délai plus long que celui actuellement prévu pour mener des négociations complètes et véritables.

La commission prend note de l’indication du gouvernement sur la modification prochaine de la loi no 4688, et veut croire que l’ensemble des questions soulevées seront prises en compte dans ce cadre. Elle prie à nouveau le gouvernement de transmettre le texte portant modification de la loi no 4688, et d’indiquer dans son prochain rapport les progrès réalisés et l’échéance prévue pour adopter les modifications de la loi no 4688.

La commission invite le gouvernement à solliciter l’assistance technique du Bureau s’il le souhaite.

La commission soulève d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2006, publiée 96ème session CIT (2007)

La commission prend note du rapport du gouvernement.

Articles 1 et 3 de la convention. Discrimination antisyndicale. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté que la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 4857 sur le travail garantissaient la protection contre la discrimination antisyndicale. Elle avait également noté que se posait la question de savoir si l’article 31 de la loi no 2821, sur l’indemnisation, s’appliquait à tous les cas de licenciement pour motifs antisyndicaux. La commission relève, dans le rapport du gouvernement, que l’article 31 s’applique bien à tous les cas de licenciement pour motifs antisyndicaux. Cependant, elle prend note de l’indication donnée par le gouvernement, selon laquelle l’article 31(6) dispose que, dans les cas où il est mis fin à un contrat de travail pour des raisons d’affiliation syndicale ou d’activités syndicales, les dispositions des articles 18, 19, 20 et 21 de la loi sur le travail s’appliquent:

–           considérant que le licenciement d’un travailleur pour motifs antisyndicaux, dans les conditions énoncées à l’article 18 de la loi no 4857, peut donner lieu à une indemnité inférieure à celle prévue à l’article 31 de la loi no 2821 (même si un salaire échu est versé), la commission prie le gouvernement de faire en sorte que l’indemnité soit d’un montant équivalent;

–           considérant que les sanctions prévues à l’article 59(2) (non-réintégration d’un dirigeant syndical) et à l’article 59(3) (discrimination antisyndicale lors du recrutement) de la loi no 2821 n’ont manifestement pas été révisées depuis longtemps et sont beaucoup plus légères que les sanctions prévues dans la loi no 4857, la commission prie le gouvernement de revoir les sanctions prévues à l’article 59(2) et (3) de la loi no 2821 et de les aligner sur celles qui sont prévues dans la loi no 4857, de telle sorte qu’elles soient suffisamment dissuasives.

La commission prie le gouvernement de la tenir informée des mesures prises sur ces questions.

La commission note que le projet de loi portant modification de l’article 29 de la loi no 2821 ne précise pas le montant de l’indemnité accordée à un dirigeant syndical, lorsque l’employeur refuse de le réintégrer pour motifs antisyndicaux à la fin de son mandat, refus qui met un terme au contrat du dirigeant syndical. L’indemnité accordée en vertu de l’article 29 peut dans certains cas être inférieure au minimum prévu à l’article 31. La commission prie le gouvernement de faire en sorte que l’indemnité accordée à un dirigeant syndical qui n’est pas réintégré pour des raisons antisyndicales ait un effet dissuasif et ne soit pas inférieure au montant minimum prévu dans la disposition générale de l’article 31, relative à l’indemnité due pour discrimination antisyndicale.

Article 4.Négociation collective. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté que, en vertu de l’article 34 de la loi no 4688 relative aux syndicats de fonctionnaires, les négociations collectives ne devaient pas durer plus de quinze jours. Si les parties sont parvenues à un accord dans ce délai, elles signent un texte qui doit être soumis au Conseil des ministres en vue de l’adoption de mesures appropriées, législatives notamment. Si les parties n’ont pas conclu d’accord dans le délai imparti, l’article 35 prévoit que l’une d’elles peut saisir le Comité de conciliation. Le Comité de conciliation prend une décision qui, si elle est acceptée par les deux parties, a la même valeur que l’accord signé à soumettre au Conseil des ministres. Si la décision n’est pas acceptée par les parties, tous les points de l’accord, y compris les questions non résolues, sont soumis au gouvernement sous la forme d’un rapport officiel signé par les parties.

Si le fait de fixer un délai pour les négociations n’est pas en lui-même incompatible avec la convention, la commission estime que ce délai doit être raisonnable afin de permettre la tenue de négociations constructives en bonne et due forme. Le délai de quinze jours fixé à l’article 34 semble trop court pour atteindre cet objectif. La commission note que le gouvernement indique que ces commentaires seront pris en considération lorsque la loi no 4688 sera modifiée. La commission prie à nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier cette disposition de manière à allonger la durée des négociations collectives.

Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait prié le gouvernement de lui donner des informations concrètes sur l’issue du processus de négociation, et notamment sur le nombre de négociations qui ont abouti à des accords et sur celles qui ont conduit à la soumission d’un rapport au Conseil des ministres à la suite du rejet par les parties de la décision du Comité de conciliation. De plus, la commission avait prié le gouvernement de préciser si de tels accords donnaient nécessairement lieu à l’adoption de mesures par le Conseil des ministres et d’indiquer le nombre de cas où celui-ci aurait éventuellement refusé de prendre des mesures ou aurait modifié des conventions collectives. Le gouvernement indique qu’au 31 décembre 2005 quatre négociations avaient été conclues. En 2004, les négociations ont abouti à un accord sur toutes les questions hormis celle des salaires, et en 2005 un accord a été conclu sur toutes les questions et le Conseil des ministres l’a entériné. La commission prend note de cette information.

Observation (CEACR) - adoptée 2006, publiée 96ème session CIT (2007)

La commission prend note du rapport du gouvernement.

Elle prend note des observations formulées par les organisations de travailleurs suivantes: Confédération des syndicats des fonctionnaires de Turquie (TURKIYE-KAMU-SEN) (communication datée du 9 février 2006), Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) (communication datée du 9 juin 2006) et Confédération internationale des syndicats libres (CISL) (communications datées du 12 juillet 2006 et du 10 août 2006). La commission prend note des observations transmises par le gouvernement à propos de la communication de la TURKIYE-KAMU-SEN et de celle de la DISK.

Elle prend également note des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale à propos du cas no 2303 (voir 342e rapport, juin 2006) concernant, entre autres, la modification de la loi no 2821 sur les syndicats et de la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out.

Dans ses commentaires antérieurs, la commission a examiné la conformité des lois suivantes avec la convention: loi no 4688 sur les syndicats de fonctionnaires, loi no 2821 sur les syndicats et loi no 2822 sur les conventions collectives, la grève et le lock-out. Elle avait relevé que certains articles de la loi no 4688 avaient été modifiés par la loi no 5198 et qu’un projet contenant d’autres amendements à la loi no 4688 était à l’étude. A propos des lois nos 2821 et 2822, elle avait noté que deux projets de loi avaient été préparés. De plus, la commission prend note de l’adoption de la loi no 5253 sur les associations, qui a été promulguée en 2004 et remplace la loi no 2908, ainsi que d’un nouveau Code pénal. Elle examinera ces deux textes dès qu’elle en aura la traduction. La commission prie à nouveau le gouvernement de lui faire parvenir le deuxième texte portant modification de la loi no 4688.

Articles 1 et 3 de la convention. Protection contre les actes de discrimination antisyndicale. La commission rappelle que ses commentaires antérieurs portaient sur l’article 18 de la loi no 4688, qui interdit d’une manière générale les actes de discrimination antisyndicale, mais ne prévoit pas de sanctions suffisamment efficaces et dissuasives. Elle note que, dans ses observations de 2005, la CISL signale un nombre de cas dans lesquels des agents de la fonction publique ont été victimes de divers actes de discrimination antisyndicale en leur qualité de membres d’un syndicat ou de dirigeants syndicaux. La commission relève également que le Comité de la liberté syndicale a examiné, dans le cas no 2200, des allégations de discrimination antisyndicale dans la fonction publique (voir 334e rapport, paragr. 722-762, et 338e rapport, paragr. 319-327). Dans son rapport, le gouvernement indique que les infractions à l’article 18 de la loi no 4688, commises par un agent de l’administration, feront l’objet de mesures disciplinaires conformément à la législation applicable au personnel de la fonction publique. Le gouvernement indique en outre que le nouveau Code pénal de la Turquie no 5237, entré en vigueur en juin 2005, contient de nouvelles dispositions qui garantissent une protection contre les actes de discrimination antisyndicale. L’article 118 interdit les actes de discrimination antisyndicale et prévoit des sanctions dissuasives: il dispose que toute personne, qui a recours à la force ou profère des menaces dans le but de contraindre une personne à s’affilier ou à ne pas s’affilier à un syndicat, à participer ou à ne pas participer à des activités syndicales, à se désaffilier d’un syndicat ou à démissionner de son poste de dirigeant syndical, est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans. L’article 118 dispose que quiconque fait obstruction à des activités syndicales par la force, la menace ou autres actes illicites est passible d’une peine d’emprisonnement de un à trois ans. L’article 135 dispose que toute personne reconnue coupable de détenir illégalement des renseignements sur la vie privée d’une personne, y compris sur ses liens avec un syndicat, est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à trois ans. La commission prend note avec intérêt de cette information.

A propos des commentaires de la TURKIYE-KAMU-SEN concernant la violation générale de l’article 18 de la loi no 4688 (telle que modifiée par la loi no 5198) et des infractions précises à cet article, le gouvernement répond que cette disposition offre des garanties suffisantes aux représentants et dirigeants syndicaux. Elle impose une obligation juridique dont l’inobservation peut être portée devant les tribunaux. Tout représentant ou dirigeant syndical qui est muté à un autre lieu de travail sans raison valable a le droit de saisir la justice. Le gouvernement indique que faute d’informations plus précises il n’est pas en mesure de juger du bien-fondé des 62 cas mentionnés dans la communication de la TURKIYE-KAMU-SEN mais souligne qu’il attache une très grande importance à ce que la pratique administrative soit parfaitement conforme à la loi. La commission prie le gouvernement de veiller à ce que les dispositions de la convention soient appliquées dans la législation et dans la pratique et prie celui-ci de l’informer dans ses prochains rapports de toutes mesures complémentaires prises ou envisagées pour garantir une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale.

Article 4. Négociation collective libre et volontaire. 1. S’agissant du double critère servant à déterminer la représentativité d’un syndicat aux fins de la négociation collective, qui est prévu à l’article 12 de la loi no 2822 (en vertu duquel, pour pouvoir négocier une négociation collective, un syndicat doit représenter 10 pour cent des travailleurs de la branche et plus de 50 pour cent des salariés de l’entreprise), la commission avait exprimé le ferme espoir que le gouvernement prendrait les mesures nécessaires pour que le projet de loi portant modification de la loi no 2822 respecte les exigences de la convention. La commission prend note de l’indication du gouvernement, selon laquelle le projet de loi no 2822 propose deux méthodes différentes pour déterminer la représentativité des syndicats. D’une part, l’amendement à l’article 12 stipule que le syndicat majoritaire d’une entreprise donnée sera reconnu comme étant le syndicat compétent pour négocier collectivement s’il est affilié à l’une des trois confédérations syndicales les plus représentatives. Quant au deuxième amendement proposé, il consisterait à éliminer progressivement l’obligation de représenter 10 pour cent de la branche d’activité concernée sans aucune condition d’affiliation. La commission note que, dans sa communication du 9 juin 2006, la DISK indique que le gouvernement lui a fait parvenir les projets de loi portant modification des lois nos 2821 et 2822 ainsi que le deuxième texte sur la question des 10 pour cent. Ayant examiné ces projets, la DISK estime que le projet de loi portant modification de la loi no 2822 et le deuxième texte proposé au sujet des 10 pour cent ne résolvent aucun des problèmes relatifs aux relations du travail et ne contribuent pas au libre exercice des droits syndicaux. La commission rappelle que le double critère numérique, prévu à l’article 12 de la loi no 2822, n’est pas conforme au principe de la négociation collective volontaire. En effet, selon la législation actuellement en vigueur, les syndicats qui représentent la majorité des travailleurs d’une entreprise mais pas plus de 50 pour cent des travailleurs ne peuvent pas négocier collectivement avec l’employeur. La commission estime qu’au niveau de l’entreprise, si aucun syndicat ne regroupe plus de 50 pour cent des travailleurs, le droit de négocier au moins au nom de leurs propres membres devrait être accordé à tous les syndicats existants. De même, la commission fait observer qu’un syndicat qui remplit le critère des 50 pour cent ne peut pas négocier s’il ne représente pas au moins 10 pour cent des salariés d’une branche d’activité donnée. La commission exprime l’espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour supprimer les deux critères numériques de la législation nationale afin d’encourager et de promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives, conformément à l’article 4, et le prie de l’informer de tout progrès réalisé en vue de modifier l’article 12 de la loi no 2822.

En outre, dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté que, selon les commentaires envoyés directement par la DISK, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale ne la mentionnait pas dans ses statistiques publiées le 17 juillet 2003, alors que celle-ci avait rempli le critère des 10 pour cent pour sa branche d’activité; elle n’avait donc pas pu participer à la négociation collective. La DISK avait formulé des griefs analogues concernant certains de ses affiliés. La commission avait noté que, dans sa réponse, le gouvernement mentionnait seulement les statistiques publiées au sujet d’un des affiliés de la DISK (Sosyal-IŞ), qui ont été ensuite rectifiées par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale à la suite d’une plainte déposée par le syndicat intéressé auprès des tribunaux. Dans son dernier rapport, le gouvernement indique que les statistiques publiées se fondent sur les effectifs syndicaux déclarés par les syndicats et que les syndicats concernés ont le droit de contester ces statistiques devant le tribunal du travail d’Ankara. Le gouvernement indique en outre que, les confédérations n’étant pas parties aux négociations, la DISK n’est pas tenue de représenter 10 pour cent des travailleurs d’une branche d’activité. La commission prend bonne note de cette information.

Dans une communication transmise à la CISL le 30 août 2005, la DISK indique que l’un de ses syndicats affiliés (DEV-SAGLIK IŞ – syndicat des travailleurs de la santé) n’ayant pas atteint le seuil des 10 pour cent du secteur, il a été obligé de signer un protocole et non une négociation collective. Le ministère a demandé l’annulation de ce protocole en arguant que le DEV-SAGLIK IŞ n’avait pas dépassé le seuil de 10 pour cent. Dans sa réponse, le gouvernement renvoie aux statistiques publiées sur le DEV-SAGLIK IŞ. Rappelant qu’en vertu de l’article 4 les gouvernements sont tenus de prendre des mesures appropriées aux conditions nationales pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives, la commission prie le gouvernement de faire en sorte qu’en l’absence d’un syndicat représentatif les syndicats puissent négocier au nom de leurs propres membres et d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour modifier les dispositions législatives correspondantes.

2. Négociation collective dans la fonction publique. Dans ses précédents commentaires (voir l’observation de 2002), la commission avait prié le gouvernement de lui donner des précisions sur le rôle et les fonctions, dans la négociation collective, de la Commission administrative suprême, des commissions administratives institutionnelles et du Comité des employeurs publics. Elle avait noté que le gouvernement ne traitait pas de la question de la portée des négociations mais donnait certaines explications sur le rôle et les fonctions de la Commission administrative suprême et des commissions administratives institutionnelles. Dans son dernier rapport, le gouvernement donne des indications sur le Comité des employeurs publics. La commission note que les parties à la négociation sont, d’une part, le Comité des employeurs publics et, d’autre part, les syndicats de chaque administration et leurs confédérations. L’article 3(h) de la loi no 4688 définit en effet l’expression «négociation collective» aux fins de cette loi comme la négociation entre le Comité des employeurs publics et les syndicats compétents de fonctionnaires et leurs organisations faîtières. Le Comité des employeurs publics et les syndicats et confédérations concernés se réunissent le 15 août de chaque année (art. 32), et la négociation collective commence avec la présentation par le Comité des employeurs publics des informations et documents relatifs aux questions en négociation, les propositions de la Commission administrative suprême étant elles aussi prises en considération (art. 33). L’article 33 dispose que les parties présentent alors leurs propositions qui formeront la base de la négociation et l’ordre du jour de celle-ci. Les principes qui régissent la négociation sont déterminés par les parties. Conformément aux dispositions de l’article 53 de la Constitution et à celles de l’article 34 de ladite loi, lorsque les parties sont parvenues à un accord, le texte de celui-ci est soumis au Conseil des ministres afin que les dispositions administratives ou juridiques puissent être prises. Les négociations portent sur le coefficient et les indicateurs, les traitements et les salaires, toutes les augmentations et avantages, la rémunération des heures supplémentaires, les indemnités de déplacement, les primes, l’allocation de logement, les allocations de naissance et de décès, les allocations familiales, les dépenses médicales et les frais d’enterrement, ainsi que les indemnités pour frais de nourriture et d’habillement auxquelles ont droit les fonctionnaires et toute autre allocation de cette nature qui stimule l’efficacité et la productivité (art. 28). Dans ses derniers commentaires, la commission avait noté que le Comité des employeurs publics est composé de représentants du Premier ministre, du ministère des Finances et du Trésor et de l’Organisation des employeurs publics. La commission rappelle que les dispositions législatives, qui confèrent aux autorités financièrement responsables un droit de participation à la négociation collective aux côtés de l’employeur direct, sont compatibles avec la convention dans la mesure où elles laissent une place significative à la négociation collective (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 263). La commission prie une nouvelle fois le gouvernement d’expliquer comment l’employeur direct participe aux négociations aux côtés des autorités financièrement responsables.

De plus, la commission rappelle que les mesures prises unilatéralement par les autorités pour restreindre l’étendue des sujets négociables sont souvent incompatibles avec la convention; des discussions tripartites visant à élaborer sur une base volontaire des lignes directrices en matière de négociation collective constituent une méthode particulièrement appropriée pour y remédier (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 250). La commission prend note des indications du gouvernement, selon lesquelles les discussions qui ont lieu au niveau de la Commission administrative suprême et des commissions administratives institutionnelles portent sur les conditions de travail et sur les droits et devoirs des salariés de la fonction publique, mais souligne que l’article 28 limite clairement l’objet des négociations en les faisant porter uniquement sur des questions financières. Elle prie par conséquent le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 28 afin de le rendre conforme à l’article 4 de la convention.

3. Commentaires de la TURKIYE-KAMU-SEN. En ce qui concerne les formalités requises pour l’approbation de la négociation collective, la commission prend note des observations transmises par le gouvernement le 19 juillet 2006 en réponse à la communication de la TURKIYE-KAMU-SEN datée du 9 février 2006. Dans sa communication, la TURKIYE-KAMU-SEN attire l’attention sur le fait que l’article 34 de la loi no 4688 comporte des entraves aux activités syndicales en ce sens qu’il stipule que, si la négociation aboutit à un accord, le texte de cet accord doit être soumis au Conseil des ministres, afin que les dispositions administratives et juridiques correspondantes soient prises dans un délai de trois mois, et que le projet de loi doit être soumis pour adoption à la grande Assemblée nationale turque. La TURKIYE-KAMU-SEN estime que ces dispositions reviennent à affaiblir le rôle des syndicats et des fonctionnaires dans le processus de négociation collective, et demande au gouvernement d’obtenir de la part du ministère du Travail et de la Sécurité sociale un règlement qui définisse de façon plus objective et plus claire le rôle des syndicats et des fonctionnaires dans la négociation collective. Le gouvernement n’est pas de cet avis; il estime que la disposition en question ne restreint ni les obligations juridiques ni la participation des syndicats au processus de négociation. La commission rappelle que l’approbation discrétionnaire des conventions collectives par les autorités est, dans son esprit même, contraire au principe de la négociation volontaire. Les législations, qui disposent que les conventions collectives doivent être soumises pour approbation à une autorité administrative, aux autorités du travail ou encore au tribunal du travail avant d’entrer en vigueur, sont incompatibles avec la convention lorsqu’elles se bornent à prévoir que l’approbation peut être refusée si la convention collective est entachée d’un vice de forme ou ne respecte pas les normes minima prévues dans la législation générale du travail (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 251-252). La commission prie le gouvernement de l’informer de la manière dont l’article 34 est appliqué dans la pratique et de faire en sorte qu’il ne soit pas appliqué de façon à donner aux autorités le pouvoir discrétionnaire d’approuver les conventions collectives.

Article 6. Salariés commis à l’administration de l’Etat. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait noté qu’en raison des articles 3(a) et 15 de la loi no 4688 plusieurs catégories de fonctionnaires ne jouissaient pas du droit d’organisation et étaient du même coup privés du droit de négociation collective. La définition des «agents de la fonction publique» figurant à l’article 3(a) englobe uniquement ceux qui sont employés de façon permanente et qui ont terminé leur période d’essai. L’article 15 énumère les agents de la fonction publique (juristes, fonctionnaires civils du ministère de la Défense nationale et des Forces armées turques, employés d’établissements pénitentiaires, etc.) qui n’ont pas le droit de se syndiquer. La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 3(a) et 15 de sorte que les fonctionnaires autres que ceux qui sont commis à l’administration de l’Etat jouissent pleinement du droit de négociation collective, conformément à la convention. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note avec intérêt de l’indication donnée par le gouvernement, selon laquelle, dans le projet de loi portant modification de la loi no 4688, la référence à la période d’essai serait supprimée et la définition des «agents de la fonction publique» serait révisée pour englober notamment le personnel de sécurité exerçant des fonctions particulières. Elle avait toutefois relevé, dans les informations fournies par le gouvernement, qu’il semblait que les agents de la fonction publique occupant des postes de confiance resteraient exclus du champ d’application de la loi no 4688. La commission rappelle qu’il convient d’établir une distinction entre, d’une part, les fonctionnaires dont les activités sont propres à l’administration de l’Etat (par exemple, dans certains pays, les fonctionnaires des ministères et autres organismes gouvernementaux comparables, ainsi que leurs auxiliaires) qui peuvent être exclus du champ d’application de la convention et, d’autre part, toutes les autres personnes employées par le gouvernement, les entreprises publiques ou les institutions autonomes, qui devraient bénéficier des garanties de la convention (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 200). La commission exprime à nouveau le ferme espoir que la révision des articles 3(a) et 15 de la loi no 4688 tiendra compte des commentaires ci-dessus, et prie le gouvernement de joindre à son prochain rapport le texte des amendements correspondants.

Commentaires de la CISL. La commission prend note des commentaires de la CISL sur plusieurs questions déjà soulevées dans de précédentes observations. En outre, la CISL attire l’attention sur un certain nombre de violations de la convention telles que des obstacles à la négociation dans le secteur de la boulangerie, qui laissent 2 500 boulangers sans protection; des cas de discrimination antisyndicale (par exemple, en 2005, 520 travailleurs du secteur public ont été mutés sans autre motif que leur affiliation à un syndicat, 164 membres du Syndicat uni des travailleurs de la métallurgie, qui est affilié à la DISK, ont été licenciés, et 275 ont été obligés de démissionner); des cas de harcèlement antisyndical; des cas de violence policière contre des travailleurs syndiqués au cours d’une manifestation pacifique organisée le 26 novembre 2005 (17 blessés, 10 arrestations); des cas de violence policière contre des travailleurs, leurs épouses et leurs enfants et l’arrestation de travailleurs syndiqués pendant une action revendicative organisée le 20 juillet 2005; des pressions exercées sur les autorités locales afin qu’elles n’appliquent pas environ 130 conventions collectives et l’ordre donné à des travailleurs de rembourser les salaires perçus en application d’une convention collective. La commission prie le gouvernement de lui faire part de ses observations sur ces derniers commentaires de la CISL.

La commission exprime à nouveau l’espoir que la réforme législative à venir concernant la négociation collective tiendra pleinement compte des commentaires ci-dessus. Elle rappelle à nouveau que le gouvernement peut, s’il le souhaite, faire appel à l’assistance technique du BIT.

La commission soulève plusieurs autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

Observation (CEACR) - adoptée 2005, publiée 95ème session CIT (2006)

La commission prend note des commentaires en date du 2 février 2005 du Syndicat des agents des municipalités et des services administratifs locaux (TUMBEL SEN), qui est affilié au KESK, et de la réponse du gouvernement y relative. Elle note également les commentaires de la Confédération des syndicats de fonctionnaires (KESK) et de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) qui ont été transmis par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), ainsi que de la réponse du gouvernement y relative en date du 30 août 2005. Enfin, la commission prend note des observations du gouvernement à propos des commentaires, en date du 10 novembre 2004, de la Confédération des syndicats des fonctionnaires de Turquie (TÜRKIYE KAMU-SEN). La commission note que toutes ces communications portent sur des questions liées au droit des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l’administration de l’Etat de prendre part à la négociation collective. La commission examinera ces questions lors de sa prochaine session, dans le cadre du cycle régulier de soumission des rapports, ainsi que les informations qu’elle a demandées au gouvernement dans son observation et sa demande directe précédentes (voir l’observation de 2004, 75e session, et la demande directe de 2004, même session).

Enfin, la commission prend note des commentaires du YAPI YOL SEN, en date du 1er septembre 2005, à propos du droit d’organisation des fonctionnaires ainsi que de la réponse du gouvernement à cet égard. Ces commentaires, qui portent sur des questions liées aux conventions nos 87 et 98, seront examinés dans le cadre de la convention no 87.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

Articles 1 et 3 de la convention. Se référant à son observation, la commission prend note des observations faites par la CISL selon lesquelles, si les loi no 2821 et no 4857 prévoient des règles qui protègent la liberté syndicale, il est généralement admis qu’elles ne suffisent pas à protéger les dirigeants syndicaux contre les transferts et les licenciements. Il n’est pas fait obligation à l’employeur de réintégrer les syndicalistes qui auraient fait l’objet de discrimination (à l’exception des délégués d’entreprise). De plus, les amendes prévues en cas d’actes de discrimination antisyndicale sont très peu élevées et pas suffisamment dissuasives. A propos de la loi no 4857, la CISL souligne que, si l’adhésion à un syndicat et la participation à des activités syndicales ne peuvent pas être considérées comme des motifs valables pour licencier un employé, le nombre d’employés requis pour que cette loi s’applique dans une entreprise est passé de 10 à 30. Cela donne aux employeurs la possibilité de ne pas appliquer la loi s’ils emploient moins de 30 personnes dans une unité de production, ou s’ils emploient des travailleurs pour une durée déterminée. La CISL signale que, depuis 2000, 95 pour cent des entreprises de Turquie emploient moins de 30 personnes.

La commission note que dans son rapport, le gouvernement se réfère à l’article 5 de la loi no 4857 aux termes duquel toute discrimination fondée sur la langue, la race, le sexe, la religion, l’opinion politique ou des motifs similaires est illégale. Si un employeur enfreint cette disposition, le travailleur peut demander réparation. Le gouvernement ajoute que, si la discrimination se fonde sur des motifs antisyndicaux, le travailleur peut également demander réparation sous forme d’une indemnisation qui ne peut être inférieure à son salaire annuel, conformément à l’article 31 de la loi no 2821. De plus, un employeur qui contrevient à l’article 5 encourt une amende de 50 millions de livres turques pour chaque travailleur concerné. Le gouvernement confirme qu’aux termes de la loi no 4857, une raison valable doit être avancée pour mettre fin à un contrat de travail, et que la participation à des activités syndicales, notamment en qualité de représentant syndical, ne peut être considérée comme une raison valable.

La commission relève que la loi no 2821 et la loi no 4857 prévoient une protection contre les actes de discrimination antisyndicale. Cependant, elle note que la question se pose de savoir si l’article 31 de la loi no 2821 s’applique à tous les cas de licenciement pour motifs antisyndicaux. La commission prie donc le gouvernement de fournir des éclaircissements concernant les cas de figure ci-dessous:

-  licenciement pour motifs antisyndicaux d’un travailleur qui remplit les conditions énoncées à l’article 18 de la loi no 4857; la commission note à cet égard que l’indemnité accordée au travailleur peut être inférieure à celle prévue à l’article 31 de la loi no 2821 (même si un salaire échu est versé);

-  refus de l’employeur de réintégrer un dirigeant syndical lorsque son mandat prend fin pour des motifs antisyndicaux, refus qui met un terme au contrat du dirigeant syndical; la commission note que la disposition applicable (l’article 29 de la loi no 2821 tel que modifié par le projet de loi) ne fixe pas de montant pour l’indemnité; dans certains cas, elle peut donc être inférieure au montant minimal prévu par l’article 31.

S’agissant des sanctions applicables en cas de discrimination antisyndicale, la commission prend note des observations de la CISL concernant l’insuffisance de la protection contre la discrimination antisyndicale. La commission relève qu’en cas de discrimination antisyndicale lors d’un licenciement ou en cours d’emploi (en contravention de l’article 31), la loi no 2821 ne prévoit pas de sanctions. L’interdiction de licenciement pour les motifs antisyndicaux énoncés à l’article 18 de la loi no 4857 n’est pas non plus assortie de sanctions. Rappelant que les normes juridiques interdisant la discrimination antisyndicale sont incomplètes si elles ne prévoient pas de sanctions suffisamment dissuasives pour garantir leur application, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les interdictions des deux dispositions susmentionnées soient assorties de sanctions dissuasives. Enfin, la commission relève que les montants des sanctions prévues à l’article 59(2) de la loi no 2821 (non-réintégration d’un dirigeant syndical) et à l’article 59(3) (discrimination antisyndicale à l’embauche) n’ont apparemment pas été révisés depuis longtemps, et qu’ils sont donc bien inférieurs aux montants des sanctions prévues par la loi no 4857. La commission prie donc le gouvernement de réviser les montants des sanctions prévues aux articles 59(2) et (3) de la loi no 2821 afin qu’elles soient suffisamment dissuasives.

La commission prie le gouvernement de lui fournir des informations sur les points soulevés plus haut. Elle le prie également de transmettre, avec son prochain rapport, des copies de décisions judiciaires ordonnant une indemnisation à la suite d’actes de discrimination antisyndicale et appliquant les sanctions prévues à l’encontre des employeurs.

Article 4. La commission note que, d’après la KESK, la loi no 4688 prévoit des consultations devant aboutir à un texte non contraignant. La commission note également les commentaires de la TURKIYE-KAMU-SEN à cet égard. La commission relève qu’aux termes de l’article 34 les négociations collectives ne doivent pas durer plus de quinze jours. Si, dans ce délai, les parties sont parvenues à un accord, un accord signé par toutes les parties sera soumis au Conseil des ministres en vue de l’adoption de mesures appropriées, notamment législatives. Si les parties ne sont pas parvenues à un accord dans le délai imparti, l’article 35 prévoit que l’une d’elles peut saisir le Comité de conciliation. Le Comité de conciliation prend une décision qui, si elle est acceptée par les deux parties, aura la même valeur que l’accord signéà soumettre au Conseil des ministres. Si la décision n’est pas acceptée par les parties, toutes les questions abordées, même celles restées irrésolues, seront soumises au gouvernement sous la forme d’un rapport officiel signé par les parties.

Si le fait de fixer un délai pour les négociations n’est pas en lui-même incompatible avec la convention, la commission estime que ce délai doit être raisonnable afin de permettre la tenue de négociations constructives en bonne et due forme. Le délai de quinze jours fixéà l’article 34 semble trop court pour atteindre cet objectif. La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures voulues pour modifier ces dispositions afin que les parties disposent d’un délai plus long pour négocier. Enfin, elle le prie de transmettre des informations pratiques sur l’issue du processus de négociation, notamment sur le nombre de négociations qui ont abouti à des accords, et sur le nombre de négociations qui ont conduit à la soumission d’un rapport au Conseil des ministres suite au refus, par les parties, de la décision du Comité de conciliation. De plus, la commission prie le gouvernement de préciser si de tels accords donnent nécessairement lieu à l’adoption de mesures par le Conseil des ministres, et d’indiquer le nombre de cas où ce conseil a refusé d’en prendre.

Observation (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

La commission prend note des informations communiquées dans le rapport du gouvernement et des observations de différentes organisations qui accompagnent le rapport. Ces observations émanent de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK), de la Confédération turque des associations d’employés du secteur public (TÜRKIYE KAMU-SEN), de la Confédération des syndicats de Turquie (TÜRK-IS), et de la Confédération des associations d’employeurs de Turquie (TISK). La commission prend également note des réponses du gouvernement aux observations formulées par la DISK, par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et par la Confédération des syndicats des employés des services publics (KESK). Elle prie le gouvernement de transmettre ses commentaires sur les observations envoyées par la CISL et la TÜRKIYE KAMU-SEN dans leurs communications respectives du 15 décembre 2003 et du 11 novembre 2004. Ces observations concernent le processus de négociation collective dans les secteurs public et privé.

Dans ses précédents commentaires, la commission avait examiné la conformité des lois suivantes avec la convention: la loi no 4688 sur les syndicats des agents de la fonction publique, la loi no 2821 sur les syndicats, la loi no 2822 sur les conventions collectives du travail, la grève et le lock-out et la loi no 3218 dont l’article 1 (provisoire) impose un arbitrage obligatoire pour les zones franches d’exportation. La commission relève que certains articles de la loi no 4688 ont été modifiés par la loi no 5198, et qu’un projet contenant d’autres modifications de la loi no 4688 est en préparation. S’agissant des lois nos 2821 et 2822, la commission note que deux projets de loi ont été préparés. Elle note avec satisfaction que la loi no 4771 a abrogé l’article 1 (provisoire) de la loi no 3218. Enfin, elle prend note de l’entrée en vigueur du nouveau Code du travail no 4857. Elle prie le gouvernement de transmettre, dans son prochain rapport, le deuxième texte portant modification de la loi no 4688, ainsi qu’une version à jour des textes portant modification des lois nos 2821 et 2822.

Articles 1 et 3 de la convention. Protection contre les actes de discrimination antisyndicale. La commission rappelle que ses précédents commentaires concernaient l’article 18 de la loi no 4688. Bien que cette disposition contienne une interdiction générale des actes de discrimination antisyndicale, cette garantie ne s’accompagne pas de sanctions suffisamment efficaces et dissuasives. La commission note que, dans ses observations les plus récentes, la CISL signale un nombre de cas où des agents de la fonction publique ont été victimes de divers actes de discrimination antisyndicale, en tant que membres d’un syndicat ou responsables syndicaux. La commission relève également que le Comité de la liberté syndicale a examiné récemment des allégations de discrimination antisyndicale dans la fonction publique (cas no 2200, voir 330e rapport, paragr. 1077 à 1105, et 334e rapport, paragr. 722 à 762). Dans son rapport, le gouvernement indique qu’il envisage actuellement d’établir des sanctions pour garantir que l’interdiction de la discrimination antisyndicale soit effective. Rappelant que les normes juridiques sont inadéquates si elles ne sont pas assorties, entre autres, de sanctions suffisamment dissuasives pour assurer leur application, la commission prie le gouvernement de soumettre, avec son prochain rapport, le texte de tout amendement établissant des sanctions suffisamment dissuasives pour garantir que l’interdiction de l’article 18 soit effective.

Article 4. Négociation collective libre et volontaire. 1. S’agissant du double critère prévu par l’article 12 de la loi no 2822 pour déterminer la représentativité d’un syndicat aux fins de la négociation collective, la commission exprimait, dans ses précédents commentaires (voir l’observation de 2002), le ferme espoir que le gouvernement prendrait les mesures nécessaires pour que le projet de loi portant modification de la loi no 2822 soit conforme aux dispositions de la convention. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement signale que le projet de loi assouplit l’un des critères: désormais, il suffira qu’un syndicat représente au moins 5 pour cent des employés d’une branche d’activité- et non 10 pour cent. La commission prend bonne note de cette modification, mais relève également que l’autre critère -à savoir, le fait qu’un syndicat doit représenter plus de la moitié des employés sur le lieu de travail - est maintenu; l’association des deux critères est elle aussi maintenue. La commission souligne donc une nouvelle fois que les critères numériques de l’article 12 de la loi no 2822, même modifiés, ne sont pas conformes au principe du caractère volontaire des négociations collectives. Les syndicats qui représentent la majorité des travailleurs sur un lieu de travail, mais pas plus de 50 pour cent des travailleurs, ne peuvent pas négocier collectivement avec l’employeur. La commission estime que, au niveau de l’entreprise, si aucun syndicat ne regroupe plus de 50 pour cent des travailleurs, les droits de négociation collective devraient être accordés à tous les syndicats existants, au moins au nom de leurs propres membres. De même, la commission note que, d’après le projet de loi, un syndicat qui remplit le critère des 50 pour cent ne peut pas négocier s’il ne représente pas au moins 5 pour cent des employés d’une branche d’activité, cette proportion étant actuellement de 10 pour cent. La commission exprime l’espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour supprimer les deux critères numériques de la législation nationale afin d’encourager et de promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives, conformément à l’article 4. De plus, la commission note que, selon les commentaires envoyés directement à la commission par la DISK, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, dans ses statistiques publiées le 17 juillet 2003, n’a pas mentionné cette organisation, bien que celle-ci ait rempli le critère des 10 pour cent pour sa branche d’activité; elle n’a donc pu participer au processus de négociation collective. Dans sa communication jointe au rapport du gouvernement, la DISK présente des commentaires similaires concernant certains de ses affiliés. La commission note que, dans sa réponse, le gouvernement mentionne seulement des statistiques publiées au sujet d’un des affiliés de la DISK (Sosyal-IŞ), qui ont été finalement rectifiées par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale à la suite d’une plainte déposée par le syndicat intéressé auprès des tribunaux. La commission prie le gouvernement de lui transmettre des informations concernant le cas de la DISK et les autres cas soulevés dans ses commentaires joints au rapport, afin que la commission puisse parvenir à des conclusions à ce sujet.

2. S’agissant des conventions collectives dans la fonction publique, dans ses précédents commentaires (voir l’observation de 2002), la commission avait prié le gouvernement de lui donner des précisions sur le rôle et les fonctions, dans la négociation collective, de la commission administrative suprême, des commissions administratives institutionnelles et du Comité des employeurs publics. La commission avait souligné que la négociation des conditions d’emploi ne devait pas être limitée aux conditions économiques mentionnées à l’article 28 de la loi, mais devait englober toutes les questions relatives aux conditions de travail. La commission note que le gouvernement ne traite pas de la question de la portée des négociations. Elle relève qu’il a donné certaines explications sur le rôle et les fonctions de la commission administrative suprême et des commissions administratives institutionnelles mais pas sur le Comité des employeurs publics. Les deux premières commissions ont été créées afin de permettre aux agents de la fonction publique de donner leur avis sur leurs conditions de travail et sur l’application de la législation pertinente, au sein d’une institution donnée ou au niveau interinstitutionnel. La commission administrative suprême soumet au Comité des employeurs publics des propositions concernant les conditions de travail et les droits et les devoirs des agents de la fonction publique; ces propositions servent de base à la négociation collective. La commission administrative suprême surveille l’application de l’accord résultant des négociations. Le gouvernement souligne que des réunions ont eu lieu avec les partenaires sociaux portant, entre autres, sur le fonctionnement de ces commissions. Les représentants des confédérations et des employeurs publics ont suggéré que la commission administrative suprême soit dissoute, puisqu’elle n’exerce pas de véritables fonctions.

La commission prend note des explications communiquées par le gouvernement sur la commission administrative suprême et les commissions administratives institutionnelles. Elle note que les parties à la négociation sont, d’une part, le Comité des employeurs publics et, d’autre part, les syndicats et les confédérations auxquels ces derniers sont affiliés. La commission relève que le Comité des employeurs publics est composé de représentants du Premier ministre, du ministère des Finances et du Trésor et des organisations d’employeurs publics. La commission rappelle que les dispositions législatives qui confèrent aux autorités financièrement responsables un droit de participation à la négociation collective aux côtés de l’employeur direct sont compatibles avec la convention dans la mesure où elles laissent une place significative à la négociation collective (voir l’étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 263). La commission prie donc une nouvelle fois le gouvernement d’expliquer le rôle et les fonctions du Comité des employeurs publics et d’indiquer notamment comment l’employeur direct participe aux négociations aux côtés des autorités financièrement responsables.

De plus, la commission rappelle que les mesures prises unilatéralement par les autorités pour restreindre l’étendue des sujets négociables sont souvent incompatibles avec la convention; des discussions tripartites visant àélaborer sur une base volontaire des lignes directrices en matière de négociation collective constituent une méthode particulièrement appropriée pour y remédier (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 250). La commission prend note des indications du gouvernement selon lesquelles les discussions qui ont lieu au niveau de la commission administrative suprême et des commissions administratives institutionnelles portent sur les conditions de travail et sur les droits et les devoirs des employés de la fonction publique, mais souligne que l’article 28 limite clairement l’objet des négociations en les faisant porter uniquement sur des questions financières. La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l’article 28 afin de le rendre conforme à l’article 4.

Article 6. Fonctionnaires publics. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que, en raison des articles 3(a) et 15 de la loi no 4688 sur les syndicats des agents de la fonction publique, plusieurs catégories de fonctionnaires ne jouissaient pas du droit d’organisation, et donc du droit de négociation collective. La définition des «agents de la fonction publique» figurant à l’article 3(a) englobe uniquement ceux qui sont employés de façon permanente et qui ont terminé leur période d’essai. L’article 15 énumère les agents de la fonction publique (juristes, fonctionnaires civils du ministère de la Défense nationale et des Forces armées turques, employés d’établissements pénitentiaires, etc.) qui n’ont pas le droit de se syndiquer. La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 3(a) et 15 de sorte que les fonctionnaires autres que ceux qui sont commis à l’administration de l’Etat jouissent pleinement du droit de négociation collective, conformément à la convention. La commission prend note avec intérêt de l’indication du gouvernement selon laquelle, dans le projet de loi portant modification de la loi no 4688, la référence à la période d’essai sera supprimée, et la définition des «agents de la fonction publique» sera révisée pour englober notamment le personnel de sécurité exerçant des fonctions particulières. Toutefois, il semble que les agents de la fonction publique occupant des postes de confiance resteront exclus du champ d’application de la loi no 4688. La commission rappelle qu’il convient d’établir une distinction entre, d’une part, les fonctionnaires dont les activités sont propres à l’administration de l’Etat (par exemple, dans certains pays, les fonctionnaires des ministères et autres organismes gouvernementaux comparables, ainsi que leurs auxiliaires) qui peuvent être exclus du champ d’application de la convention et, d’autre part, toutes les autres personnes employées par le gouvernement, les entreprises publiques ou les institutions publiques autonomes qui devraient bénéficier des garanties de la convention (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 200). La commission exprime le ferme espoir que la révision des articles 3(a) et 15 de la loi no 4688 tiendra compte des commentaires ci-dessus, et prie le gouvernement de lui soumettre, avec son prochain rapport, le texte de ces modifications.

La commission soulève d’autres questions dans une demande adressée directement au gouvernement.

Observation (CEACR) - adoptée 2003, publiée 92ème session CIT (2004)

La commission prend note de la réponse du gouvernement aux commentaires en date du 18 septembre 2002 formulés par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL). La commission prend également note des commentaires en date du 3 juin 2003 formulés par la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) et de la réponse du gouvernement. La DISK se réfère à des questions en suspens devant la commission, à savoir la question de la révision de la loi no 2821 sur les syndicats et de la loi no 2822 sur les conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out, et en particulier la nécessité de modifier l’article 12 de la loi no 2822 (aux termes duquel, en vue d’être autoriséà négocier une convention collective, un syndicat doit représenter 10 pour cent des travailleurs de la branche et plus de la moitié des employés sur le lieu de travail). La commission note que le gouvernement répond qu’un projet d’étude, conduit par des académiciens en vue de modifier certains articles des deux lois susmentionnées, a été achevé et transmis aux partenaires sociaux avant l’élaboration d’un projet de loi.

La commission poursuivra l’année prochaine, dans le cadre du prochain cycle de présentation des rapports, l’examen des questions soulevées dans sa dernière observation, compte tenu des commentaires formulés par la CISL et la DISK, et des réponses du gouvernement à cet égard. La commission examinera également le nouveau Code du travail no 4857 adopté le 22 mai 2003.

Observation (CEACR) - adoptée 2002, publiée 91ème session CIT (2003)

La commission prend note des observations de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie, de la Confédération des associations d’employeurs de Turquie et de la Confédération nationale des syndicats libres (CISL). Elle prend également note de l’adoption de la loi no 4688 sur les syndicats des agents de la fonction publique.

Articles 1 et 3 de la convention. La commission note que, bien que l’article 18 de la loi no 4688 sur les syndicats des agents de la fonction publique contienne une interdiction générale des actes de discrimination antisyndicale, cette garantie ne s’appuie pas sur des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives. Dans son dernier rapport le gouvernement avait indiqué, en ce qui concerne la protection des travailleurs contre la discrimination antisyndicale, qu’un nouveau projet de loi portant modification de la loi no 1475 sur le travail et de la loi no 2821 sur les syndicats, élaboré par une commission d’experts nommée par les partenaires sociaux et le ministre du Travail, avait été soumis au Conseil des ministres. La commission prie le gouvernement de lui transmettre une copie du projet de loi susmentionné et d’indiquer si le nouveau projet de loi prévoit la protection des agents de la fonction publique non commis à l’administration de l’Etat contre la discrimination antisyndicale.

Article 4.  Dans son observation précédente, la commission avait noté que le gouvernement avait entamé des travaux pour modifier les lois nos 2821 et 2822 et proposé de supprimer le pourcentage de 10 pour cent de membres requis dans une branche d’activitéà des fins de négociation collective. Le gouvernement avait indiqué que ces travaux n’étaient pas achevés parce que les consultations visant à dégager un consensus sur la question du double critère retenu par la législation pour déterminer la représentativité d’un syndicat aux fins de la négociation collective se poursuivaient avec les partenaires sociaux. La commission considère qu’au niveau de l’entreprise, si aucun syndicat ne représente plus de 50 pour cent des travailleurs, les syndicats devraient avoir le droit de négocier collectivement, au moins au nom de leurs propres membres. La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour garantir la conformité des projets de loi avec les dispositions de la convention et lui demande à nouveau de lui transmettre une copie des projets de loi modifiant les lois nos 2821 et 2822.

Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait également prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que tous les travailleurs des zones franches d’exportation (ZFE) aient le droit de négocier librement leurs conditions d’emploi. Le gouvernement avait indiqué, en ce qui concerne la question de l’arbitrage obligatoire dans les ZFE, que l’amendement proposé n’avait pas encore été adopté. La commission note que, dans son rapport sur la convention no 87, le gouvernement déclare qu’une loi adoptée par le Parlement le 3 août 2002 (non transmise par le gouvernement) a abrogé la loi no 3218 sur les ZFE. La commission prie donc le gouvernement de lui faire parvenir une copie de la nouvelle législation.

Article 6. La commission note, à la lecture des articles 3(a) et 15 de la loi no 4688 sur les syndicats des agents de la fonction publique, que plusieurs catégories de fonctionnaires ne jouissent pas du droit d’organisation, et donc du droit de négociation collective. La définition des «agents de la fonction publique» figurant à l’article 3(a) englobe uniquement ceux qui sont employés de façon permanente et ont terminé leur période d’essai. L’article 15 énumère les agents de la fonction publique (juristes, fonctionnaires civils du ministère de la Défense nationale et des Forces armées turques, employés d’établissements pénitentiaires, etc.) qui n’ont pas le droit de se syndiquer. La commission attire l’attention sur le fait que, si l’article 6 de la convention permet d’exclure de son champ d’application les fonctionnaires commis à l’administration de l’Etat, les autres catégories doivent bénéficier des garanties de la convention et, en conséquence, pouvoir négocier collectivement leurs conditions d’emploi (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 262). En outre, en ce qui concerne les forces armées et la police, bien qu’elles puissent être exclues du champ d’application de la convention, il est entendu que les travailleurs civils de ces institutions doivent pouvoir exercer pleinement les droits conférés par la convention au même titre que tous les autres travailleurs. La commission prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 3(a) et 15 de telle sorte que les fonctionnaires, autres que ceux qui sont commis à l’administration de l’Etat, jouissent pleinement du droit de négociation collective conformément aux dispositions de la convention.

En outre, la commission prie le gouvernement de lui donner des précisions sur le lien entre le rôle et les fonctions, dans la négociation collective, de la commission administrative suprême, de la commission administrative institutionnelle et de la commission des agents de la fonction publique. La commission souligne le fait que, en ce qui concerne les salariés des entreprises et institutions publiques, c’est l’employeur public, et non une commission composée de plusieurs autorités, qui doit négocier directement avec les syndicats représentatifs d’une entreprise ou institution publique donnée et que la négociation des conditions d’emploi ne devrait pas être limitée aux conditions économiques mentionnées à l’article 28 de la loi mais englober toutes les questions relatives aux conditions de travail. Des consultations avec les autorités budgétaires ou autres organes et instances publics pourraient alors être possibles avant et pendant la négociation collective.

La commission prie le gouvernement de la tenir informée de toutes mesures prises pour garantir la pleine application de la convention.

Observation (CEACR) - adoptée 2001, publiée 90ème session CIT (2002)

La commission prend note du rapport du gouvernement. Elle prend également note des commentaires de la Confédération des syndicats d’ouvriers de Turquie, de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie et de la Confédération des associations d’employeurs de Turquie (les commentaires de ces deux dernières sont en cours de traduction).

Articles 1 et 3 de la convention. Dans ses observations précédentes, la commission avait demandé au gouvernement de la tenir informée de tout progrès accompli dans l’adoption de la nouvelle législation sur la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale. Le gouvernement indique dans son rapport qu’une commission d’experts, nommée par les partenaires sociaux et le ministère du Travail, a élaboré un nouveau projet de loi. Ce projet de loi, qui modifie la loi no 1475 sur le travail et la loi no 2821 sur les syndicats, a été soumis au Conseil des ministres. La commission demande au gouvernement de lui communiquer copie du projet de loi afin qu’elle s’assure qu’il est conforme aux exigences de la convention.

Article 4. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que le gouvernement avait initié des travaux pour modifier les lois nos 2821 et 2822 de manière à supprimer le pourcentage de 10 pour cent de membres requis dans un secteur d’activitéà des fins de négociation collective. Le gouvernement indique dans son rapport que ces travaux n’ont pas été achevés en raison des consultations avec les partenaires sociaux qui se poursuivent; elles visent un consensus sur la question du double critère retenu par la législation pour déterminer la représentativité d’un syndicat aux fins de la négociation collective. Le gouvernement indique également que le Programme national donne prioritéà moyen terme à ces réformes. La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour veiller à la conformité de ces projets de loi avec les exigences de la convention, et elle lui demande de nouveau de fournir copie, dès qu’ils auront étéélaborés, des projets de loi modifiant les lois nos 2821 et 2822.

Dans ses commentaires précédents, la commission avait également demandé au gouvernement de prendre des mesures pour s’assurer que tous les travailleurs des zones franches d’exportation aient le droit de négocier librement leurs conditions d’emploi. Dans son rapport, le gouvernement indique à propos de l’arbitrage obligatoire dans les zones franches que la réforme proposée à cet égard n’a pas encore été adoptée, et il renvoie la commission aux informations que le représentant gouvernemental a fournies à la 88e session de la Commission des normes de la Conférence. La commission rappelle que l’imposition de l’arbitrage obligatoire (tel que prévu à l’article 1 de la loi no 3218) est contraire au principe du caractère volontaire des négociations établi à l’article 4. Elle demande donc instamment au gouvernement de modifier sa législation pour que tous les travailleurs des zones franches aient le droit de négocier librement leurs conditions d’emploi.

Dans ses commentaires précédents, la commission avait également demandé au gouvernement de l’informer sur le projet de loi relatif aux syndicats de fonctionnaires, et exprimé le ferme espoir que ce projet de loi reconnaîtrait le droit de négocier collectivement aux fonctionnaires, à la seule exception de ceux commis à l’administration de l’Etat. La commission prend note de l’adoption de la loi no 4688 sur les syndicats de fonctionnaires. Elle souhaite en examiner la conformité avec les dispositions de la convention, à sa prochaine session.

Observation (CEACR) - adoptée 2000, publiée 89ème session CIT (2001)

La commission note les commentaires de la Confédération progressiste des syndicats de Turquie (DISK) faits dans une communication datée du 19 juillet 2000 et concernant le déni du droit de négocier collectivement de dix syndicats dû au fait que leur nombre de membres n’atteignait pas le pourcentage requis de 10 pour cent.

La commission note l’information fournie par le gouvernement selon laquelle il a initié des travaux pour amender les lois nos2821 et 2822 de manière à supprimer le pourcentage de 10 pour cent de membres requis dans un secteur d’activitéà des fins de négociation collective et que les consultations avec les partenaires sociaux sur ces projets de loi seront bientôt finalisées. La commission prie le gouvernement de lui envoyer une copie des projets d’amendement des lois nos2821 et 2822 dès qu’ils seront élaborés afin d’évaluer leur conformité avec les exigences de la convention.

Cette question ainsi que celles soulevées dans les observations antérieures feront l’objet d’un examen de la part de la commission, l’an prochain, dans le contexte du contrôle régulier de l’application de la convention.

Observation (CEACR) - adoptée 1999, publiée 88ème session CIT (2000)

La commission prend note du rapport du gouvernement. Elle prend note également des conclusions du Comité de la liberté syndicale dans l'affaire no 1981 (313e rapport, paragr. 244-269, approuvé par le Conseil d'administration à sa session de mars 1999). Enfin, la commission prend note des commentaires formulés par la Confédération des associations d'employeurs de Turquie (TISK), la Confédération des syndicats d'ouvriers de Turquie (TURK-IS) et de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK).

Articles 1 et 3 de la convention. Faisant suite à ses observations précédentes sur la protection contre la discrimination antisyndicale en application de la loi no 2821 sur les syndicats, la commission prend note des décisions judiciaires communiquées par le gouvernement qui montrent qu'une compensation est assez fréquemment versée à titre de sanction contre divers actes de discrimination antisyndicale. La commission note en outre la déclaration du gouvernement selon laquelle l'article 31 de la loi no 2821 prévoit que la compensation versée ne doit pas être inférieure au montant total du salaire annuel du travailleur. Il ne s'agit pas là d'un montant fixe et celui-ci peut être augmenté par contrat, par accord collectif ou par décision judiciaire. La commission demande néanmoins au gouvernement de la tenir informée de tout progrès réalisé dans l'adoption de la nouvelle législation évoquée par le gouvernement dans son rapport précédent.

Article 4. En ce qui concerne un certain nombre de restrictions au droit de négociation collective dénoncées par la confédération TURK-IS dans ses observations, le gouvernement a présenté les explications suivantes.

Sur la question de l'interdiction de la négociation collective opposée aux confédérations, la commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle la structure hétérogène des confédérations rend difficile la conclusion d'accords verticaux. Toutefois, la participation active des confédérations dans le processus de négociation, voire leur rôle prédominant dans ces négociations au nom des syndicats qui leur sont affiliés, en particulier dans le secteur public, est une pratique largement acceptée.

L'obligation de n'avoir qu'une seule convention collective à un niveau donné est imposée par la Constitution qui dispose qu'un seul accord peut être conclu par établissement ou entreprise pour une période donnée. Le système à double niveau de négociation - branche et entreprise - a suscité diverses difficultés et donné lieu à des pratiques abusives, notamment la conclusion d'accords locaux successifs au prétexte d'une autorisation couvrant la branche dans son ensemble. Par ailleurs, la négociation par branche existe en pratique et certaines conventions collectives couvrent des secteurs d'activité entiers, par exemple la banque, les transports maritimes, les transports ferroviaires et la défense nationale, etc.

En ce qui concerne le plafonnement des indemnités, la commission note que les minima imposés par la loi no 2821 et la loi sur le travail peuvent être augmentés au bénéficie du travailleur à l'issue d'un accord. Le seul plafonnement obligatoire concerne les indemnités de licenciement en vertu de la loi sur le travail. Ces indemnités, qui s'élèvent à 30 jours de salaire par année de service, peuvent aussi être augmentées au bénéfice du travailleur, par contrat ou convention collective, mais pour une seule année et elles ne peuvent dépasser la prime maximale annuelle de retraite qui peut être versée au fonctionnaire occupant le rang le plus élevé lorsqu'il part en retraite.

En ce qui concerne la question du délai de soixante jours imparti pour la conduite des négociations, le gouvernement rappelle qu'à l'issue de ces soixante jours les parties sont libres de poursuivre les négociations dans le cadre d'une médiation, de même que lors d'un mouvement de grève, sans limitation de durée.

En ce qui concerne les doubles critères figurant dans la législation pour la détermination du statut représentatif des syndicats aux fins d'une négociation collective, la commission note que selon le gouvernement il s'agit là d'une question majeure qui doit être traitée dans un cadre tripartite sans permettre la prolifération sur le lieu de travail de syndicats "jaunes" contrôlés par l'employeur.

La commission relève que les restrictions législatives susmentionnées relatives aux négociations collectives ne semblent pas être respectées par les organisations de travailleurs qui, dans la pratique, sont libres de poursuivre leurs négociations collectives. La commission demande donc au gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport les mesures prises pour supprimer ces restrictions en vue de promouvoir la négociation collective conformément à l'article 4 et à la pratique nationale.

Sur la question du droit d'organisation des fonctionnaires, le gouvernement indique qu'il n'a pas été mesure de faire voter le projet de loi sur les syndicats de la fonction publique qui avait été déjà discuté par le Parlement, en raison des demandes formulées par les partis d'opposition pour qu'il soit révisé. Le projet de loi a été soumis de nouveau lors de la dernière session du Parlement par le nouveau gouvernement. La commission exprime de nouveau le ferme espoir que la loi sur les syndicats de la fonction publique donnera aux fonctionnaires le droit de négociation collective, à la seule exception éventuelle des fonctionnaires commis à l'administration de l'Etat. La commission demande au gouvernement de lui fournir des informations à cet égard dans son prochain rapport.

En ce qui concerne la question du droit de négociation collective des travailleurs dans les zones franches d'exportation (ZFE), la commission a déjà relevé que, en cas d'échec, la loi no 3218 de 1985 impose un arbitrage ayant force obligatoire pour le règlement de conflits collectifs du travail. La commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle la période de dix ans fixée par la loi no 3218 de 1985 est parvenue à expiration dans les zones de Mersin et Antalya en 1997 et viendra à expiration dans les zones de l'Egée et de l'aéroport Atatürk en l'an 2000.

La commission souhaite cependant rappeler que l'imposition d'un arbitrage ayant force obligatoire est contraire au principe du caractère volontaire des négociations consacré par l'article 4. Elle demande donc au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer que tous les travailleurs de l'ensemble des zones franches d'exportation puissent se prévaloir de leur droit de négocier librement leurs termes et conditions d'emploi.

Enfin, la commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle, afin de supprimer toute contradiction entre la législation nationale et les conventions de l'OIT ratifiées par la Turquie, le gouvernement et les partenaires sociaux ont décidé en mars 1999 d'instaurer un comité d'experts tripartite ayant pour mandat d'examiner la législation du travail et de proposer les amendements nécessaires.

La commission espère que ce comité d'experts tripartite tiendra compte des observations qu'elle a formulées lorsqu'il proposera des amendements à la législation du travail. La commission demande au gouvernement de la tenir informée à cet égard. Elle prie de nouveau le gouvernement d'envisager la possibilité de faire appel à l'aide du Bureau pour lever les obstacles entravant la pleine application de la convention.

Observation (CEACR) - adoptée 1998, publiée 87ème session CIT (1999)

La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport, ainsi que des informations données à la Commission de la Conférence en juin 1998 et de la discussion approfondie qui a fait suite. Elle prend également note des commentaires de la Confédération turque des associations d'employeurs (TISK), de la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS) et du Syndicat des employés de l'énergie, des routes, de la construction, des infrastructures, des titres fonciers et du cadastre.

1. Articles 1 et 3 de la convention. La commission, dans ses observations antérieures, avait pris note des commentaires de la TURK-IS concernant l'insuffisance de la protection offerte par la loi no 2821 sur les syndicats contre la discrimination antisyndicale. Elle note à ce sujet que, dans les informations fournies à la Commission de la Conférence, le gouvernement déclare que les articles 29, 30 et 31 de cet instrument, et les sanctions qu'il prévoit, assurent une protection suffisante contre les actes de discrimination antisyndicale. Il indique plus précisément qu'en cas de discrimination au stade de l'embauche l'amende prévue n'est pas inférieure à la moitié du salaire mensuel en vigueur. De plus, bien que, selon la législation turque, la charge de la preuve repose sur le plaignant, un amendement à la loi no 2822, adopté en 1988, prévoit que le syndicat ne peut informer l'employeur de l'acquisition par un travailleur de la qualité de membre que lorsque cette information ne peut plus porter aucun préjudice au droit d'organisation ou à la négociation collective. En cas de licenciement d'un travailleur en raison de ses activités syndicales, outre les droits que lui reconnaît la législation du travail -- indemnité de licenciement et indemnité de préavis --, l'employeur est tenu de lui verser une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à son salaire annuel total. Cette indemnité est versée non seulement si le travailleur est licencié, mais aussi lorsqu'il est victime d'autres actes de discrimination antisyndicale, par exemple dans la répartition du travail ou en matière de promotion. Plusieurs jugements rendus par les tribunaux montrent que ce type d'indemnité est octroyé plus fréquemment que ne l'affirme la TURK-IS. De plus, l'article 29 de la loi no 2821 prévoit une protection particulière des dirigeants syndicaux, qui comprend la réintégration dans leur poste ou dans un emploi similaire dans le mois qui en suit la demande, à condition que cette demande ait été adressée à l'ancien employeur dans les trois mois ayant suivi la perte de la fonction exercée au sein du syndicat. Néanmoins, jusqu'à l'adoption d'une législation conforme à la convention (no 158) sur le licenciement, 1982, seuls les délégués du personnel bénéficient d'une complète sécurité de l'emploi, y compris du droit d'être réintégrés. Le processus d'élaboration de la nouvelle législation est actuellement en cours.

La commission prend note de ces informations et prie le gouvernement de la tenir informée de tout progrès réalisé dans le sens de l'adoption de cette législation. Elle exprime l'espoir que cette législation assurera une protection effective de tous les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale. Elle le prie en outre de communiquer copie, dans son prochain rapport, des décisions de justice faisant apparaître que l'indemnisation est accordée assez fréquemment dans les divers cas de discrimination antisyndicale.

2. Article 4. S'agissant d'un certain nombre de restrictions à la négociation collective mentionnées par la TURK-IS dans ses observations (confédérations empêchées de négocier collectivement, impossibilité de négocier collectivement au niveau de la branche d'activités, acceptation d'une seule et unique convention collective par niveau, plafonds imposés sur les indemnités, limitation à 60 jours des délais de négociation), la commission prend note des informations données par le représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence, informations qui, en voulant justifier ces restrictions, semblent confirmer leur existence, exception faite de la limitation à 60 jours des délais de négociation. De plus, en ce qui concerne le double critère retenu par la législation pour déterminer la représentativité d'un syndicat aux fins de la négociation collective, le représentant gouvernemental a déclaré que les efforts tendant à la suppression de cette règle se poursuivaient mais que les partenaires sociaux, dont le consentement est nécessaire, ont soulevé des objections.

La commission rappelle que toutes les dispositions susvisées constituent de graves restrictions à la négociation collective. Elle prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur les mesures prises pour lever ces restrictions afin de promouvoir la négociation volontaire des conditions d'emploi par la voie de conventions collectives, conformément à l'article 4 de la convention.

3. S'agissant du déni du droit à la négociation collective des fonctionnaires, la commission prend note de la déclaration du représentant gouvernemental devant la Commission de la Conférence, en juin 1998, à l'effet qu'un projet de loi sur les syndicats des fonctionnaires a été élaboré conformément à la Constitution turque (art. 53), telle que modifiée en 1995 et que l'Assemblée nationale en a été saisie. Ce projet de loi, outre qu'il garantit la liberté syndicale des fonctionnaires, définit les voies de recours judiciaires et prévoit la mise en place d'une commission de conciliation impartiale. Les dispositions de ce projet ont fait l'objet de longs débats au Parlement et près de la moitié d'entre elles ont été approuvées. Le débat sur les dispositions restantes, comme leur adoption éventuelle, est prévu. Entre-temps, la loi no 4275 du 12 juin 1997 a été adoptée pour modifier la loi no 657 sur les fonctionnaires, de manière à reconnaître à cette catégorie le droit de constituer des syndicats et des organisations de niveau supérieur.

Pour ce qui est des droits de négociation collective des travailleurs du secteur public, le représentant gouvernemental a indiqué que les contractuels du secteur public ont toujours joui des mêmes droits que les salariés du secteur privé. Les contractuels employés dans les entreprises publiques seraient couverts par le projet de loi sur les syndicats des fonctionnaires, du fait qu'ils sont assimilés à des fonctionnaires employés dans des services essentiels et continus de l'Etat.

La commission exprime à nouveau le ferme espoir que le projet de loi sur les syndicats des fonctionnaires reconnaîtra le droit de négocier collectivement aux fonctionnaires, à la seule exception, éventuellement, de ceux commis à l'administration de l'Etat, et que ce texte sera adopté dans un proche avenir. Elle prie le gouvernement de la tenir informée, dans son prochain rapport, de tout progrès réalisé à cet égard et de lui communiquer copie du texte une fois qu'il aura été adopté.

4. S'agissant des droits de négociation collective des travailleurs des zones franches d'exportation (ZFE), la commission note que les informations données à la Commission de la Conférence confirment que, lorsque la négociation échoue, la loi no 3218 de 1985 impose, dans ces zones, l'arbitrage obligatoire pour le règlement des conflits collectifs du travail, encore que cette loi ne s'appliquera plus à partir de l'an 2000 à la zone franche d'exportation de la mer Egée, qui emploie 90 pour cent des travailleurs de cette catégorie.

La commission tient néanmoins à rappeler que l'imposition d'une telle forme d'arbitrage obligatoire va à l'encontre du principe d'une négociation à caractère volontaire prévu à l'article 4. Elle prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que tous les travailleurs des zones franches d'exportation (ZFE) aient le droit de négocier librement leurs conditions d'emploi.

La commission prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations détaillées sur les points soulevés ci-dessus. Elle lui rappelle à nouveau qu'il lui est loisible de recourir à l'assistance technique du Bureau en vue de lever les obstacles s'opposant à une application pleine et entière de la convention.

Observation (CEACR) - adoptée 1997, publiée 86ème session CIT (1998)

La commission note que le rapport du gouvernement n'a pas été reçu. Elle prend note des observations du gouvernement en date de janvier 1997 relatives à la communication de la Confédération des syndicats d'ouvriers de Turquie (TURK-IS) de juin 1996.

La commission note que la TURK-IS, dans ses observations, se réfère aux commentaires répétés de la Commission de la Conférence sur l'application des normes, du Comité de la liberté syndicale et de la commission d'experts. Les points soulevés concernent des divergences persistantes en droit et en pratique.

La commission note que le gouvernement précise que des projets de loi destinés à mettre la législation en conformité avec les conventions ratifiées ont été retournés au ministère du Travail pour réexamen; ils seront soumis aux partenaires sociaux avant d'être réintroduits. La commission note également que, durant les débats sur la convention no 87, le représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence en juin 1997 a fait mention de différents projets de loi et amendements présentement à l'étude, en particulier, concernant le droit à la négociation collective des fonctionnaires.

1. Articles 1 et 3 de la convention. La commission, dans ses observations antérieures, avait noté les commentaires de la TURK-IS relatifs à la protection inadéquate contre la discrimination antisyndicale. Elle note que dans ses observations récentes la TURK-IS déclare que sous la loi sur les syndicats no 2821, dans les cas de discrimination au moment de l'embauche, l'amende imposée est insuffisante et le fardeau de la preuve incombe au travailleur. Il n'existe aucune protection efficace contre les licenciements puisque des compensations (une année de salaire) ne sont que très rarement accordées et la réintégration demeure impossible en vertu de la législation actuelle, à l'exception des délégués syndicaux. En ce qui concerne les dirigeants syndicaux, à l'exception des délégués syndicaux, ils ne bénéficient pas d'une protection adéquate contre les mutations ou les licenciements. Une fois de plus, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesure nécessaires dans un proche avenir afin de modifier sa législation pour garantir une protection adéquate des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale (incluant les licenciements) en accord avec la convention. La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées dans son prochain rapport sur les mesures prises et les progrès accomplis.

2. Article 4. La commission note que la TURK-IS fait mention dans ses observations de nombreuses restrictions à la négociation collective (confédérations empêchées de négocier collectivement, négociations à tous les niveaux de l'industrie interdites, seule une convention collective par niveau est permise, des limites sont imposées sur plusieurs indemnités, la négociation doit se faire dans un délai de soixante jours, etc.). Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait également noté l'intention du gouvernement de modifier le double critère actuel de représentativité prévu par la loi.

La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur les mesures prises pour éliminer les restrictions et encourager et promouvoir la libre négociation collective en conformité avec l'article 4 de la convention.

3. Pour ce qui est du déni du droit à la négociation collective des fonctionnaires, la commission note qu'un projet de loi a été élaboré, lequel accorde aux fonctionnaires le droit d'association et de négociation collective avec l'administration en ce qui a trait à leurs salaires et leurs conditions de travail, et que ce projet de loi, après des consultations avec les partenaires sociaux, a été soumis pour examen au Conseil des ministres en mai 1997. Une fois de plus, la commission exprime le ferme espoir que la législation entrera en vigueur sous peu, en accord avec les dispositions de la Constitution nationale (art. 53 tel que modifié) qui établissent le droit des fonctionnaires de former des associations et de négocier collectivement, et stipulent que ce droit doit être réglementé par la loi.

La commission demande au gouvernement de lui communiquer dans son prochain rapport des informations détaillées sur les progrès accomplis et de lui envoyer une copie de la loi dès son adoption.

Elle prie également le gouvernement de lui faire parvenir des informations détaillées sur le droit d'association, et particulièrement sur le droit à la négociation collective des employés du service public qui ne sont pas fonctionnaires et du personnel contractuel des entreprises publiques ainsi que des autres employés des entreprises publiques.

4. La commission avait, dans le passé, fait des commentaires sur l'arbitrage obligatoire. La commission traite ce point dans le cadre de la convention no 87.

Afin de favoriser les échanges commerciaux, la commission note que la loi no 3218 de juin 1985 sur les zones de libre-échange prévoit que, si les négociations échouent, le conflit sera référé à l'arbitrage obligatoire pour une période de dix ans suivant la création de la zone de libre-échange. La commission prie le gouvernement de lui fournir des informations détaillées sur le droit à la négociation collective dans les zones franches.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées dans son prochain rapport sur les questions soulevées ci-dessus. Une fois de plus, elle prie le gouvernement d'envisager de faire appel à l'assistance du BIT afin d'éliminer les obstacles qui empêchent la pleine application de la convention.

[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 1998.]

Observation (CEACR) - adoptée 1996, publiée 85ème session CIT (1997)

La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son dernier rapport, ainsi que des commentaires de la Confédération des syndicats ouvriers de Turquie (TURK-IS) et de la Confédération des employeurs turcs (TISK). Elle note également la déclaration faite par le représentant du gouvernement devant la commission de la Conférence, en juin 1996, et le débat qui a fait suite. Elle note enfin les conclusions du comité de la liberté syndicale dans les cas nos 1810 et 1830 (303e rapport du comité, adopté par le conseil d'administration à sa 265e session (mars 1996)).

1. Articles 1 et 3 de la convention. La commission prend note des commentaires de la TURK-IS selon lesquels, bien que l'article 31 de la loi sur les syndicats semble prévoir une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale, l'absence de sécurité de l'emploi et l'inexistence de sanctions efficaces rendent cette disposition insuffisante. A cet égard, la commission note que le gouvernement déclare qu'une fois que les études visant à assurer la conformité avec les dispositions de la convention no 158 récemment ratifiée par la Turquie seront terminées, il fournira à la commission les informations nécessaires à ce sujet. La commission prie le gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport les progrès accomplis dans ce domaine, ainsi que toute autre mesure prise pour garantir aux travailleurs une protection plus efficace contre les actes de discrimination antisyndicale.

2. Article 4. En ce qui concerne les deux critères de représentativité des syndicats aux fins de la négociation collective, la commission note que le représentant du gouvernement a déclaré devant la commission de la Conférence, en 1996, que les tentatives d'abrogation de cette règle n'ont pas abouties à cause des objections soulevées par la TURK-IS et la TISK. Ce représentant a néanmoins ajouté que les efforts dans ce sens continueront de s'exercer et qu'avec la création du Conseil économique et social tripartite la question des critères de sélection de ces représentants sera amplement examinée et menée à une conclusion satisfaisante. Dans son dernier rapport, le gouvernement indique qu'un projet de loi tendant à modifier la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out fait disparaître l'obligation selon laquelle un syndicat doit représenter au moins 10 pour cent des travailleurs d'une branche pour être admis à participer à une négociation. La commission prend note de cet élément et prie le gouvernement d'indiquer, dans son prochain rapport, tout progrès réalisé dans le sens de l'atténuation de cette double obligation et, en conséquence, dans le sens du développement et de l'utilisation les plus larges des procédures de négociations volontaires de conventions collectives, selon ce que prévoit l'article 4 de la convention.

3. Pour ce qui est du déni du droit de négociation collective des fonctionnaires qui ne sont pas commis à l'administration de l'Etat, la commission note que le représentant du gouvernement a déclaré à la commission de la Conférence, en 1996, que des efforts étaient déployés en vue d'élaborer une législation énonçant les droits syndicaux des fonctionnaires d'une manière conforme aux nouveaux amendements apportés à la constitution de la Turquie et aux principes correspondant de la convention no 151. Toutefois, dans son dernier rapport, le gouvernement déclare qu'il croit comprendre, en s'appuyant sur la version française de ce texte, que cette convention ne s'applique pas aux fonctionnaires publics. La commission appelle l'attention du gouvernement sur le paragraphe 200 de son étude d'ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, dans lequel elle indique qu'il convient de distinguer, d'une part, les fonctionnaires dont les activités sont propres à l'administration de l'Etat, qui peuvent être exclus du champ d'application de la convention, et, d'autre part, toutes les autres personnes employées par le gouvernement, les entreprises publiques ou les institutions publiques autonomes, qui devraient bénéficier des garanties de la conventions. Notant, à la lecture du premier rapport du gouvernement au titre de la convention no 151, qu'un projet de loi sur les droits syndicaux des fonctionnaires publics en général est actuellement devant la grande Assemblée nationale turque, la commission exprime l'espoir que les dispositions contenues dans ce projet de législation sont conformes à la convention no 98.

4. Faisant suite à ces précédents commentaires concernant l'arbitrage obligatoire prévu par l'article 33 de la loi no 2822, la commission poursuit l'examen de cette question dans le cadre de l'application de la convention no 87 par la Turquie.

5. La commission rappelle à nouveau au gouvernement qu'il lui est loisible de recourir à l'assistance technique du BIT pour faciliter l'élimination des obstacles s'opposant à une application complète de la convention.

Observation (CEACR) - adoptée 1995, publiée 82ème session CIT (1995)

La commission a pris note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport ainsi que des discussions qui ont eu lieu à la Commission de la Conférence en juin 1994 et des commentaires de la Confédération des syndicats ouvriers de Turquie (TURK-IS).

La commission rappelle que, depuis plusieurs années, ses commentaires portent sur les exigences relatives à l'effectif des syndicats, n'autorisant ceux-ci à négocier collectivement que s'ils représentent un minimum de 10 pour cent de l'effectif d'une branche et plus de la moitié des salariés d'un établissement, sur le déni du droit de négocier collectivement pour les fonctionnaires et sur l'arbitrage obligatoire dans des cas de conflits collectifs ne mettant pas en cause des services essentiels.

1. En ce qui concerne l'effectif nécessaire d'un syndicat pour négocier collectivement, la commission prend note des informations fournies par un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence et par le gouvernement dans son rapport selon lesquelles la suppression de l'exigence de compter 10 pour cent des travailleurs d'une branche est toujours à l'étude, malgré les objections avancées par les organisations d'employeurs et de travailleurs.

La commission rappelle au gouvernement que des mesures doivent être effectivement prises pour assouplir les exigences numériques posées par la législation et permettre ainsi le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de convention collective, conformément à l'article 4 de la convention.

2. Pour ce qui est du déni du droit de négociation collective des fonctionnaires, la commission note que le projet de loi réglementant le droit d'organisation des fonctionnaires et leur participation à la détermination des conditions d'emploi est toujours devant la commission compétente de l'Assemblée nationale.

La commission rappelle à cet égard que la présente convention n'exclut de son champ d'application que les salariés commis à l'administration de l'Etat. Elle prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le droit de négocier collectivement soit accordé sans délai aux fonctionnaires non commis à l'administration de l'Etat. Elle le prie de fournir des informations sur les progrès intervenus à cet égard dans son prochain rapport.

3. Au sujet de l'arbitrage obligatoire, la commission note que le gouvernement maintient sa position selon laquelle l'article 33 de la loi no 2822 imposant cet arbitrage n'est pas contraire aux principes de la commission mais qu'il est prêt à prendre en considération toute proposition concrète de la commission à cet égard.

La commission ne peut que souligner à nouveau que la législation devrait limiter le recours à l'arbitrage obligatoire aux services essentiels au sens strict du terme. En conséquence, de l'avis de la commission, l'article 33 de la loi no 2822 ne devrait s'appliquer qu'aux services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. La commission prie donc le gouvernement de prendre rapidement les mesures nécessaires pour limiter ainsi le champ d'application de l'article 33 en question.

4. Compte tenu du fait que les problèmes importants posés dans la présente observation sont soulevés depuis de nombreuses années, la commission estime nécessaire de rappeler au gouvernement que l'assistance du BIT est à sa disposition en vue de faciliter la levée des obstacles empêchant la pleine application de la convention.

5. La commission note enfin que les commentaires formulés par TURK-IS sur l'application de la convention n'ont pas fait l'objet d'observations de la part du gouvernement. La commission prie le gouvernement de fournir ses observations à ce sujet dans son prochain rapport.

Observation (CEACR) - adoptée 1995, publiée 83ème session CIT (1996)

La commission a pris note des informations communiquées par le représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence en juin 1995 ainsi que des discussions qui ont eu lieu.

La commission a aussi pris note des commentaires de la Confédération des syndicats ouvriers de Turquie (TURK-IS) qui portent notamment sur le caractère insuffisamment dissuasif des sanctions pour discrimination antisyndicale, sur l'impossibilité pour les fédérations et les confédérations de négocier collectivement et également sur l'arbitrage obligatoire imposé aux termes de la loi no 3218 du 15 juin 1985 pour dix ans dans les zones franches d'exportation. La Confédération progressiste des syndicats de Turquie (DISK), quant à elle, fait des commentaires en particulier sur le déni du droit de négocier collectivement résultant des exigences trop élevées de la loi en matière de critère de représentativité et également sur l'arbitrage obligatoire imposé depuis 1985 dans les zones franches d'exportation. La Confédération des employeurs turcs (TISK) estime, pour sa part, que la convention est convenablement appliquée en Turquie.

La commission rappelle que, depuis plusieurs années, ses commentaires portent sur les exigences relatives à l'effectif des syndicats, n'autorisant ceux-ci à négocier collectivement que s'ils représentent un minimum de 10 pour cent de l'effectif d'une branche et plus de la moitié des salariés d'un établissement, sur le déni du droit de négocier collectivement pour les fonctionnaires autres que ceux commis à l'administration de l'Etat, ainsi que sur l'arbitrage obligatoire dans des cas de conflits collectifs ne mettant pas en cause des services essentiels.

1. En ce qui concerne l'effectif nécessaire d'un syndicat pour négocier collectivement, la commission prend note des informations réitérées par un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence selon lesquelles la suppression de l'exigence de compter 10 pour cent des travailleurs d'une branche est toujours à l'étude, malgré les objections avancées par les organisations d'employeurs et de travailleurs (TISK et TURK-IS).

La commission observe cependant que la DISK, dans ses commentaires, critique ces dispositions qui ont pour effet de dénier à de nombreux travailleurs le droit de négocier leurs conditions d'emploi avec les employeurs. La commission rappelle en conséquence au gouvernement que des mesures doivent être effectivement prises pour assouplir les exigences numériques posées par la législation et permettre ainsi le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de convention collective, conformément à l'article 4 de la convention.

2. Pour ce qui est du déni du droit de négociation collective des fonctionnaires non commis à l'administration de l'Etat, la commission a pris connaissance des amendements constitutionnels publiés au Journal officiel du 25 juillet 1995 et en particulier de l'article 53, alinéas 2 et 3, de la Constitution qui accorde le droit de se syndiquer et de négocier collectivement aux fonctionnaires, conformément aux lois spéciales qui régissent la matière. La commission exprime le ferme espoir qu'une législation d'application sera adoptée à brève échéance et qu'elle contiendra des dispositions conformes aux exigences des conventions nos 98 et 151 ratifiées par la Turquie.

3. Au sujet de l'arbitrage obligatoire, la commission note que le représentant gouvernemental maintient la position de son gouvernement selon laquelle l'article 33 de la loi no 2822 imposant cet arbitrage n'est pas contraire aux principes de la commission. Il souligne que son libellé visant les cas où la santé publique ou la sécurité nationale serait en péril est pleinement conforme à la position de la commission d'experts. En outre, toute décision du gouvernement est soumise au contrôle de l'autorité judiciaire indépendante. Les parties intéressées ont par ailleurs la faculté de recourir à l'arbitrage volontaire à tout moment. Enfin, le gouvernement peut revenir sur sa décision lorsque les circonstances qui l'ont justifiée ont cessé d'exister.

La commission prend note de ces indications, mais elle rappelle à nouveau que la législation devrait limiter le recours à l'arbitrage obligatoire aux services essentiels au sens strict du terme. En conséquence, de l'avis de la commission, l'article 33 de la loi no 2822 ne devrait s'appliquer qu'aux services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. La commission prie donc le gouvernement de prendre rapidement les mesures nécessaires pour limiter ainsi le champ d'application de l'article 33 en question.

4. Compte tenu du fait que les problèmes importants posés dans la présente observation sont soulevés depuis de nombreuses années, la commission, tout en notant avec intérêt certaines évolutions constitutionnelles, estime nécessaire de rappeler au gouvernement que l'assistance du BIT est à sa disposition en vue de faciliter la levée des obstacles empêchant la pleine application de la convention.

5. La commission note par ailleurs que les commentaires formulés par la TURK-IS et par la DISK sur l'application de la convention n'avaient pas fait l'objet d'observations de la part du gouvernement. Le gouvernement a envoyé son rapport sur l'application de la convention pendant la présente session de la commission. Celle-ci ne doute pas que le gouvernement réponde à certaines des questions traitées ci-dessus. Elle examinera le rapport du gouvernement lors de sa prochaine réunion. Pour compléter les informations à sa disposition, la commission prie le gouvernement de répondre à l'ensemble des points soulevés par les deux confédérations dans son prochain rapport.

[Le gouvernement est prié de fournir un rapport détaillé en 1996.]

Observation (CEACR) - adoptée 1994, publiée 81ème session CIT (1994)

La commission a pris note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport ainsi que des discussions qui ont eu lieu à la Commission de la Conférence en juin 1993 et des commentaires de la Confédération des syndicats turcs (HAK-IS) et de la Confédération des syndicats ouvriers de Turquie (TURK-IS).

La commission rappelle que depuis plusieurs années ses commentaires portent sur les exigences relatives à l'effectif des syndicats, n'autorisant ceux-ci à négocier collectivement que s'ils représentent un minimum de 10 pour cent de l'effectif d'une branche et plus de la moitié des salariés d'un établissement, sur l'arbitrage obligatoire dans des cas de conflits collectifs ne mettant pas en cause des services essentiels et sur le déni du droit de négocier collectivement pour les fonctionnaires.

1. La commission prend note des informations fournies par un représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence et par le gouvernement dans son rapport d'après lesquelles les restrictions numériques imposées par l'article 12 de la loi no 2822 font l'objet d'un accord général entre les principaux partenaires sociaux, mais que le gouvernement s'efforcera d'y apporter les modifications souhaitées par la commission.

La commission exprime l'espoir que le gouvernement prendra effectivement les mesures nécessaires pour supprimer de la législation nationale la double exigence numérique afin d'encourager et de promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives, conformément à l'article 4 de la convention.

2. En ce qui concerne la question de la négociation collective des salariés des services publics, le gouvernement indique qu'aux fins d'assurer la conformité de la législation avec la convention no 87 récemment ratifiée par la Turquie, un projet de loi sur le droit syndical des fonctionnaires a été soumis pour discussion aux partenaires sociaux. Il ajoute que dans la pratique les fonctionnaires ont déjà constitué des syndicats et que la circulaire du Premier ministre no 1993/15 du 15 juin 1993 a éliminé les obstacles pratiques à l'exercice de leur droit syndical.

TURK-IS, pour sa part, regrette que les activités syndicales des organisations de fonctionnaires aient été entravées par des décisions administratives, que des fonctionnaires aient été victimes de discrimination antisyndicale et que leur droit à la négociation collective n'ait toujours pas été garanti.

La commission prend note de ces informations et de ces commentaires. Elle exprime le ferme espoir que le projet de loi garantira aux fonctionnaires le droit de négocier collectivement leurs conditions d'emploi. Elle prie le gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport tout progrès intervenu à cet égard ainsi que de communiquer copie de cette loi, dès qu'elle sera adoptée.

3. La commission regrette d'observer que le gouvernemnt réitère qu'il n'est recouru à l'arbitrage obligatoire que dans des conditions très strictes, dans le cadre de procédures associant les deux partenaires sociaux et uniquement à l'occasion de circonstances exceptionnelles dans le but de protéger les travailleurs ainsi privés d'un moyen essentiel de défense de leurs intérêts professionnels.

Rappelant à nouveau que l'imposition de l'arbitrage obligatoire est contraire à la promotion de la négociation collective volontaire et devrait être limitée aux services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne, la commission demande une fois de plus au gouvernement de prendre dans les meilleurs délais les mesures nécessaires pour modifier l'article 33 de la loi no 2822 afin de la mettre en conformité avec le principe énoncé ci-dessus et d'indiquer dans son prochain rapport tout progrès intervenu à cet égard.

[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé pour la période se terminant le 30 juin 1994.]

Observation (CEACR) - adoptée 1993, publiée 80ème session CIT (1993)

La commission exprime depuis de nombreuses années son inquiétude devant les contradictions des dispositions législatives avec la liberté de négocier collectivement, l'arbitrage obligatoire dans des cas de conflits collectifs ne mettant pas en cause des services essentiels et le déni du droit de négocier collectivement pour les fonctionnaires.

La commission note que le rapport du gouvernement ne contient pas de commentaires sur la question de l'arbitrage obligatoire et qu'il indique seulement que les employés publics, tels que les enseignants et les employés de banque, jouiront du droit et des libertés de s'organiser. En outre, la commission regrette que le gouvernement, bien qu'ayant déclaré à la Commission de la Conférence en 1991 avoir soumis un projet de loi tendant à abroger la règle n'autorisant les syndicats à négocier collectivement que s'ils représentent un minimum de 10 pour cent de l'effectif d'une branche, déclare dans son dernier rapport qu'étant donné que les partenaires sociaux restent hostiles à cette modification, il n'estime pas lui-même être en position de modifier la législation qui prévoit le double critère de 10 pour cent des travailleurs d'une branche et de plus de la moitié des salariés d'un établissement pour que les syndicats soient autorisés à négocier une convention collective. La commission ne peut que souligner une fois de plus qu'aux termes de l'article 4 de la convention les gouvernements doivent prendre des mesures appropriées aux conditions nationales pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives.

La commission rappelle donc que les exigences relatives à l'effectif des syndicats imposées par l'article 12 de la loi no 2822 sont en désaccord avec le principe de négociation volontaire consacré par la convention et prie le gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour mettre sa législation sur ces trois points en conformité avec la convention.

Observation (CEACR) - adoptée 1992, publiée 79ème session CIT (1992)

La commission prend note des informations que le gouvernement a présentées à la Commission de la Conférence en 1991 et du long débat qui s'en est suivi, ainsi que des communications du Syndicat turc des chemins de fer (Demiryol-Is) et de l'Internationale des services publics (ISP) datées de mai et de juin 1991. Elle note en outre en particulier les conclusions du Comité de la liberté syndicale dans les cas nos 997, 999 et 1029 (282e rapport) et nos 1582 et 1583 (281e rapport) concernant la Turquie, approuvés par le Conseil d'administration à sa session de février-mars 1992.

Depuis de nombreuses années, la commission exprime sa préoccupation à l'égard de deux problèmes issus de la législation turque sur la négociation collective: l'obligation pour les syndicats de justifier d'effectifs déterminés pour pouvoir négocier une convention collective et le recours à l'arbitrage obligatoire dans certains cas. Dans sa dernière observation, la commission a aussi rappelé ses principes concernant les droits des fonctionnaires.

La commission note avec intérêt qu'après la récente élection générale le nouveau gouvernement a annoncé son intention de s'orienter vers une plus grande libéralisation et démocratisation de la législation en vigueur en général et de la législation du travail en particulier. La commission note tout particulièrement que, selon le programme que le gouvernement a présenté en novembre 1991 à la grande assemblée nationale, la nouvelle Constitution institutionnalisera les droits syndicaux en conformité avec les normes internationales du travail et que les droits syndicaux et la liberté syndicale seront assurés aux fonctionnaires et aux autres travailleurs du secteur privé, y compris ceux de la banque.

La commission note le ferme engagement pris par le gouvernement qui, s'il est concrétisé, mettra la législation en plus étroite harmonie avec les exigences de la convention. La commission, notant que les services consultatifs du BIT ont été offerts au gouvernement, espère fermement que cette déclaration d'intention sera suivie sans tarder de mesures législatives, pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire entre les organisations d'employeurs et les organisations de travailleurs, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi, conformément à l'article 4 de la convention.

Observation (CEACR) - adoptée 1991, publiée 78ème session CIT (1991)

La commission note le rapport du gouvernement et les informations qu'il a fournies à la Commission de la Conférence en juin 1989, ainsi que la large discussion qui s'en est suivie. La commission note aussi les conclusions du Comité de la liberté syndicale dans les cas nos 997, 999, 1029 (273e et 276e rapports, mai-juin et novembre 1990) et 1521 (273e et 275e rapports, novembre 1990). Elle note, en outre, les observations présentées par la Confédération turque des associations d'employeurs (TISK) et par la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS).

La commission exprime depuis plusieurs années sa préoccupation à l'égard de deux problèmes liés avec la législation turque sur la négociation collective: les exigences relatives à l'effectif des syndicats imposées par l'article 12 de la loi no 2822, en vertu duquel les syndicats ne sont autorisés à négocier une convention collective que s'ils représentent 10 pour cent des travailleurs d'une branche et plus de la moitié des salariés d'un établissement; la procédure exposée à l'article 33 de la loi no 2822 qui prévoit le recours à l'arbitrage obligatoire dans certains cas. Dans sa dernière observation, la commission avait demandé aussi au gouvernement de bien vouloir clarifier la situation en ce qui concerne les fonctionnaires.

1. Pour ce qui est de l'effectif exigé, la commission note une fois encore que le gouvernement réitère simplement ses réponses antérieures et déclare qu'il ne trouve aucun motif pour engager le processus de modification de cette disposition en l'absence de demandes à cet effet de la part des organisations de travailleurs ou d'employeurs.

Comme la commission l'a souligné à maintes reprises, bien que l'on puisse admettre que les syndicats les plus représentatifs aient des droits de négociation préférentiels ou exclusifs (à condition qu'ils soient fondés sur des critères objectifs et préétablis), les conditions relatives à l'effectif posées à l'article 12 de la loi no 2822 ne sont pas conformes au principe de la négociation collective volontaire puisque, en particulier, les syndicats qui sont majoritaires dans un établissement mais qui ne comptent pas plus de 50 pour cent des travailleurs ne peuvent pas négocier collectivement avec l'employeur; de même, un syndicat qui satisfait au critère des 50 pour cent ne peut pas négocier s'il ne représente pas 10 pour cent des travailleurs de la branche.

2. En ce qui concerne les dispositions prévoyant l'arbitrage obligatoire dans certaines situations (article 33 de la loi no 2822), le gouvernement indique une fois de plus que cette disposition ne vise que des circonstances extrêmement délicates qui pourraient se présenter et qu'elle n'a jamais été appliquée pour entraver le fonctionnement du système de libre négociation collective.

Force est à la commission de rappeler à cet égard que l'application de la procédure d'arbitrage obligatoire établie par la législation devrait être limitée aux services essentiels au sens strict du terme.

3. En ce qui concerne la situation des fonctionnaires, le gouvernement déclare que la législation nationale classe les fonctionnaires en trois catégories: les fonctionnaires publics, les agents sous contrat et les travailleurs manuels. Seuls les derniers ont le droit d'organisation et de négociation collective. Le gouvernement ajoute que tant les fonctionnaires publics que les agents sous contrat sont considérés comme étant commis à l'administration de l'Etat et, en conséquence, exclus de la portée de la convention en vertu de l'article 6.

La commission note que ce sont là essentiellement les arguments présentés par le gouvernement et rejetés par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1521. Elle rappelle que, si la notion de fonctionnaire public peut varier selon les différents systèmes juridiques nationaux, l'exclusion de la portée de la convention de personnes qui ne sont pas commises à l'administration de l'Etat n'est pas compatible avec les exigences de l'article 6 de la convention. En conséquence, il faut faire une distinction entre les fonctionnaires publics employés, à des titres divers, dans les ministères ou autres organismes comparables, et les autres personnes employées par le gouvernement, les entreprises publiques ou des sociétés indépendantes de droit public.

4. La commission note également que deux réunions tripartites ont été tenues en mars et en juillet 1990 et ont examiné les modifications qui pourraient éventuellement être apportées à la législation en vigueur. Ayant jugé les résultats peu satisfaisants jusqu'à présent, le gouvernement a l'intention de reprendre ces entretiens jusqu'à ce qu'un consensus émerge, étant donné qu'il souhaite parvenir à un accord de vaste portée plutôt qu'à un accord limité. Le gouvernement réitère sa ferme intention de modifier la législation.

5. Enfin, la commission note que, si la Confédération turque des associations d'employeurs (TISK) considère qu'il n'est pas nécessaire de modifier la législation, la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS) considère que tous les problèmes soulevés par l'OIT attendent encore une solution; la TURK-IS se plaint notamment qu'aucun progrès sérieux n'a été accompli dans les réunions tripartites.

Tenant compte de toutes les considérations ci-dessus, de ses commentaires antérieurs répétés, des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale approuvées par le Conseil d'administration, des nombreuses occasions de conseils techniques offerts au gouvernement par l'OIT, comme aussi des larges discussions qui ont eu lieu à la Commission de la Conférence en 1986, 1987, 1988 et 1989, la commission invite instamment le gouvernement:

a) à poursuivre et à accélérer des discussions tripartites constructives sur les modifications à apporter à sa législation du travail;

b) à modifier sa législation conformément aux suggestions ci-dessus afin d'encourager et de promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire entre les organisations de travailleurs et d'employeurs en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi, conformément à l'article 4 de la convention.

La commission prie une fois encore le gouvernement de bien vouloir lui présenter dans un bref délai un rapport sur l'évolution de la situation.

Observation (CEACR) - adoptée 1989, publiée 76ème session CIT (1989)

La commission a pris note du rapport du gouvernement, des renseignements qu'il a fournis à la Commission de la Conférence en juin 1988 ainsi que de la discussion qui s'en est suivie. La commission a également pris note des conclusions du Comité de la liberté syndicale dans les cas concernant la Turquie que celui-ci a examinés (260e rapport, novembre 1988), dans la mesure où elles concernent l'application de la convention et des observations communiquées par la Confédération turque des employeurs (TISK) et par la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS).

Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait exprimé sa préoccupation à l'égard de deux problèmes en rapport avec la législation turque sur la négociation collective, à savoir les critères numériques exigés des syndicats pour être admis à négocier une convention collective (art. 12, loi no 1822) et le mécanisme d'ajournement d'une grève et d'arbitrage obligatoire dans certains cas de figure (art. 33, loi no 2822). La commission a examiné avec intérêt les modifications apportées par les lois nos 3449 et 3451 qui améliorent la législation à certains égards. Toutefois, force lui est de constater que la situation reste inchangée en ce qui concerne les deux dispositions ci-dessus mentionnées.

Le gouvernement se dit convaincu qu'il n'existe aucun motif, juridique ou pratique, de modifier la disposition imposant le double critère numérique, en se fondant essentiellement sur les arguments suivants:

- cette exigence reflète les "conditions nationales";

- elle n'a pas fait l'objet de critiques des autres partenaires sociaux;

- elle a permis la constitution de syndicats puissants, disposant des ressources humaines et matérielles suffisantes pour bien représenter leurs membres.

Quant aux dispositions instituant l'arbitrage obligatoire dans certaines situations, le gouvernement souligne, d'une part, que ce mécanisme n'a été imposé qu'une fois depuis 1983 et, d'autre part:

- qu'il s'applique seulement dans des cas exceptionnels (santé publique ou sécurité nationale compromises), et seulement si ces circonstances exceptionnelles se poursuivent;

- que la loi institue la possibilité d'un appel au tribunal d'appel administratif;

- qu'une entente reste toujours possible durant la période de suspension;

- que la composition tripartite de la Haute Cour d'arbitrage garantit le caractère équilibré de ses décisions.

La commission prend note avec regret de la position adoptée par le gouvernement et insiste auprès de lui pour qu'il modifie sa législation de façon à encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire des conventions collectives entre organisations de travailleurs et d'employeurs, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi conformément à l'article 4 de la convention.

Elle demande instamment au gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport les mesures envisagées, d'une part, pour assurer aux syndicats ne réunissant pas 50 pour cent des travailleurs d'une entreprise et 10 pour cent des travailleurs d'un secteur d'activité le droit de négocier collectivement les conditions d'emploi au moins au nom de leurs propres membres et, d'autre part, pour restreindre l'application du mécanisme d'arbitrage obligatoire institué par la législation aux cas ou aux circontances où l'interruption du travail due à une grève risquerait de mettre en danger dans l'ensemble ou dans une partie de la population la vie, la santé ou la sécurité de la personne.

Par ailleurs, étant donné l'ambiguïté qui persiste à ce sujet, la commission demande au gouvernement d'indiquer si, dans le contexte de la convention, les fonctionnaires publics couverts par la convention, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas commis à l'administration de l'Etat, jouissent du droit de se syndiquer et de négocier librement leurs conditions d'emploi, et de communiquer dans son prochain rapport les textes législatifs et réglementaires s'y rapportant.

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