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Rapport intérimaire - Rapport No. 335, Novembre 2004

Cas no 2270 (Uruguay) - Date de la plainte: 23-MAI -03 - Clos

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  1. 1379. La plainte figure dans une communication du 23 mai 2003 de l’Assemblée intersyndicale des travailleurs – Congrès national des travailleurs (PIT-CNT) et du Syndicat unique de l’Administration nationale des ports (SUANP). Le SUANP a adressé un complément d’information dans une communication du 30 juin 2003. Le gouvernement a adressé des observations partielles dans une communication du 30 décembre 2003. A sa session de mai-juin 2004, le comité a demandé instamment au gouvernement d’adresser des observations complètes. [Voir 334e rapport, paragr. 9.]
  2. 1380. L’Uruguay a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 1381. Dans leur communication du 23 mai 2003, l’Assemblée intersyndicale des travailleurs – Congrès national des travailleurs (PIT-CNT) et le Syndicat unique de l’Administration nationale des ports (SUANP) indiquent que, le 30 avril 2002, le gérant de PLANIR SA a demandé aux arrimeurs s’ils se rendraient sur le lieu de travail le 1er mai 2002. Ils ont répondu que non puisqu’ils commémoreraient la fête du travail. Les plaignants ajoutent que, conformément à la liste des priorités des entreprises de sous-traitance, il n’était pas prévu que PLANIR SA déploie ses activités ce jour-là.
  2. 1382. Les organisations plaignantes indiquent que PLANIR SA forme avec ESTIBAMAR SA et PORTACOR SA un groupe de sous-traitants portuaires qui fournissent des services à MONTECON SA. Les organisations plaignantes signalent que le 1er mai 2002 PORTACOR SA et ESTIBAMAR SA ont réalisé normalement les opérations de chargement et de déchargement. Les organisations plaignantes font observer que des arrimeurs de ces deux entreprises ont aussi commémoré la fête du travail. Ils n’ont pas travaillé ce jour-là mais leurs entreprises ne les ont pas sanctionnés. Les plaignants indiquent que le 2 mai 2002 les travailleurs de PLANIR SA, qui s’étaient présentés pour prendre connaissance des tâches à effectuer, n’ont pas pu entrer dans le local de l’entreprise, le personnel de surveillance ayant reçu l’ordre formel d’empêcher l’accès aux personnes qui figuraient sur une liste en leur possession. Depuis, sans que PLANIR SA n’ait donné d’explications, il a été établi une liste noire des arrimeurs qui n’ont pas le droit de reprendre le travail.
  3. 1383. Les plaignants disent que le SUANP a signalé cette situation au ministère du Travail et de la Sécurité sociale et que la division de la négociation collective du ministère a convoqué une réunion tripartite qui a tenu quatre sessions. La première a eu lieu le 1er mai 2002. Un avocat qui représentait PLANIR SA s’y est rendu. Il a déclaré ne connaître ni le système en vigueur de convocation au travail ni la situation des travailleurs mis en cause. Le SUANP a donc estimé qu’il ne pouvait pas négocier avec l’entreprise, cet avocat n’étant pas un interlocuteur valable. Une autre réunion a donc été demandée avec un représentant de PLANIR SA connaissant la situation. Elle a eu lieu le lendemain. Y ont assisté le même représentant et un autre avocat mais, selon les plaignants, ce dernier ne connaissait pas non plus le travail portuaire. Ces représentants ont affirmé que c’était parce que MONTECON SA ne sollicitait pas les services de PLANIR SA que cette entreprise ne convoquait pas les travailleurs en question. Ils ont aussi indiqué que PLANIR SA convoquerait les travailleurs si on sollicitait ses services.
  4. 1384. Les plaignants signalent, ce qu’ils ont fait à la réunion organisée par le ministère, que MONTECON SA est un groupe d’entreprises formé par CHRISTOPHERSEN SA et CARGAS Y SERVICIOS SA, lesquelles sont représentées respectivement par PLANIR SA et ESTIBAMAR SA. Toutes ces entreprises ont les mêmes capitaux, directeurs et intérêts commerciaux. Ainsi, elles décident à leur guise de convoquer ou non les travailleurs. Autrement dit, elles confient comme bon leur semble les tâches à effectuer à l’une ou à l’autre entreprise. MONTECON SA a introduit une troisième entreprise, PORTACOR SA, qui a indiqué expressément qu’elle ne fête ni le 1er mai ni ne tient compte des mesures syndicales quelles qu’elles soient, précisément pour éviter que la participation des travailleurs à ces mesures n’empêche la continuité des activités portuaires.
  5. 1385. Les plaignants disent que, en raison des faits susmentionnés, le SUANP a demandé que PLANIR SA et MONTECON SA assistent à une nouvelle réunion afin de déterminer la responsabilité de la convocation au travail. A cette occasion, le SUANP a rappelé au ministère et à l’entreprise que, le 9 mai 2002, l’assemblée générale du syndicat avait décidé à l’unanimité d’appuyer le groupe d’arrimeurs en question. Comme cela avait été demandé, les représentants de PLANIR SA et de MONTECON SA ont assisté à la troisième réunion. MONTECON SA a indiqué alors qu’elle attribuait les tâches à réaliser à «l’entreprise qu’elle estime la plus fiable», et qu’elle considérait que les travailleurs de PLANIR SA risquaient de prendre des mesures syndicales susceptibles de nuire aux activités. Mais, après un échange de vues, MONTECON SA s’est engagée à continuer de solliciter les services des trois entreprises, ce qui est effectivement le cas.
  6. 1386. Les plaignants indiquent que, s’il est vrai que le comportement de PLANIR SA a changé en matière de convocation au travail, le SUANP estime que les modalités de convocation constituent une sanction pour les travailleurs. PLANIR SA a convoqué les travailleurs suspendus mais elle n’a pas respecté les modalités approuvées et observées jusque-là par les parties, arguant du fait que les arrimeurs travaillent sur appel et qu’elle est libre de les choisir – d’ailleurs, elle les choisit maintenant parmi un plus grand nombre de travailleurs. Ainsi, chacun de ces arrimeurs a moins de journées de travail, ce qui constitue une sanction économique. La situation n’a pas changé depuis. Une quatrième et dernière réunion s’est tenue mais elle n’a pas permis un rapprochement des positions. Dans ce contexte, le SUANP a indiqué dans le procès-verbal final de la réunion, procès-verbal qui a été signé au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, que PLANIR SA, conformément à sa pratique, tenait depuis plusieurs années un registre de travailleurs pour toutes les catégories de tâches. Ces travailleurs, qui sont sanctionnés aujourd’hui, avaient la priorité pour les tâches portuaires en raison de leur ancienneté et de leurs aptitudes. Ils ont toujours été manifestement disposés à accomplir les tâches requises, selon les modalités fixées par PLANIR SA. Les plaignants indiquent que cette forme d’organisation des tâches a brusquement changé à partir du 1er mai 2002, lorsque les travailleurs ont averti les employeurs, qui le leur demandaient, qu’ils commémoreraient la fête du travail.
  7. 1387. Les plaignants estiment que PLANIR SA a démontré qu’elle ne tient pas compte du SUANP et qu’elle n’est pas disposée au dialogue. En effet, ses représentants ont nié les faits susmentionnés et évoqué des problèmes qui, selon eux, ne sont pas syndicaux mais opérationnels. Les contacts pris avec l’entreprise n’ont pas débouché sur des solutions définitives, et les syndicalistes ayant le plus d’ancienneté continuent d’être relégués à des places secondaires sur la liste de convocation aux tâches.
  8. 1388. Les organisations plaignantes affirment qu’un nouvel acte de discrimination antisyndicale a été perpétré le 24 mai 2002 contre le même groupe de travailleurs lorsque la PIT-CNT a décidé une grève générale de trois heures, grève à laquelle ont participé ces travailleurs qui sont affiliés au SUANP. De nouveau, après cette mesure syndicale, les arrimeurs n’ont pas été convoqués par l’entreprise, situation qui n’a pas changé à la suite des négociations entre le SUANP et le ministère du Travail. Après ces faits, PLANIR SA a déclaré lors des négociations au ministère du Travail et au syndicat qu’elle cessait ses activités de chargement et de déchargement de conteneurs, secteur dans lequel le conflit s’était déclenché, pour ne poursuivre que les autres activités – produits congelés et charge générale.
  9. 1389. Enfin, les organisations plaignantes font état d’une liste noire qui est utilisée depuis la date des faits mentionnés, c’est-à-dire le 1er mai 2002. Il n’est pas permis aux travailleurs qui y figurent d’accéder à un emploi, non seulement chez PLANIR SA mais aussi dans les autres entreprises portuaires sous-traitantes. Cette liste comprend les arrimeurs suivants: Wáshington Antelo, Fernando Martínez, Luis Pensado, Javier Martínez, Carlos Martínez, Daniel Duarte, Tomás Callero, Pablo Gordillo, Olinmpto Trivel, Alex Lemos, Ramón Corbalán, Miguel Da Luz, Julio Cabrera, Washington Guillenea, Daniel Pérez, Oscar Cardozo, Angel González, Eduardo Hernández, Pablo Occelli, Carlos Cabrera, Wilson López, Marcelo Melgar, Fabián Martínez, Yimy Hernández, Alfredo De Los Santos, Carlos Calvete; pointeurs: Ricardo Cornú, Eduardo Costa, Miguel Panizza, Oscar Quiroga, Carlos Traverso, Carlos Pérez, Jacinto Pérez, Juan Carlos González, Osvaldo Pérez; contremaîtres: Julio Rico et Artigas Fernández.
  10. B. Réponse du gouvernement
  11. 1390. Dans sa communication du 30 décembre 2003, le gouvernement indique qu’il a transmis la plainte à la Chambre des industries (association nationale des entreprises) pour qu’elle fasse connaître ses observations, et qu’une note a été envoyée à l’Inspection générale du travail pour lui demander d’effectuer une inspection indépendante. Le gouvernement communiquera ses observations une fois qu’il aura obtenu les informations en question.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1391. Le comité note que les organisations plaignantes affirment qu’après avoir participé à une cérémonie de commémoration du 1er mai 2002 plusieurs travailleurs du secteur portuaire n’ont plus été engagés par l’entreprise PLANIR SA et par d’autres entreprises qui forment un groupe. Le comité note aussi qu’aurait été établie une liste noire qui a pour but d’empêcher les travailleurs qui y figurent d’obtenir un emploi.
  2. 1392. Le comité constate avec regret que, depuis la soumission des allégations en mai 2003 et depuis l’appel pressant qu’il lui a lancé [voir 334e rapport, paragr. 9], le gouvernement s’est borné à indiquer qu’il avait demandé à l’Inspection générale du travail d’entamer une enquête sur les allégations – l’enquête n’est pas encore arrivée à son terme – et à la Chambre des industries d’adresser ses observations à ce sujet.
  3. 1393. Le comité rappelle que «le droit d’organiser des réunions publiques et des cortèges à l’occasion du 1er mai constitue un aspect important des droits syndicaux» [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 134] et estime que la participation des travailleurs en question à une réunion ou à des activités de ce type ne devrait pas remettre en cause leur engagement par l’entreprise.
  4. 1394. Par ailleurs, le comité souligne la gravité de l’allégation relative à l’établissement d’une liste noire (l’organisation plaignante communique les noms des personnes qui y figurent) qui, selon les plaignants, a pour but d’empêcher ces travailleurs d’obtenir un emploi dans les entreprises portuaires. A ce sujet, le comité rappelle que les «travailleurs se heurtent à de nombreuses difficultés pratiques pour établir la nature réelle de leur licenciement ou du refus d’embaucher qui leur est opposé, surtout dans le contexte de l’établissement de listes noires, pratique dont la force même réside dans le secret dont elle s’entoure. S’il est vrai qu’il est important pour les employeurs d’obtenir des informations sur les candidats à un emploi, il est également vrai que les salariés ayant été membres d’un syndicat ou ayant exercé des activités syndicales dans le passé devraient pouvoir prendre connaissance des informations détenues sur eux et avoir la possibilité de les contester, en particulier si elles sont inexactes et proviennent d’une source non fiable. En outre, dans ces conditions, les salariés en question, étant mieux à même d’établir la nature réelle de leur licenciement ou du refus d’embaucher qui leur a été opposé, seraient davantage enclins à intenter des poursuites judiciaires», et que «toute pratique consistant à établir des listes noires de syndicalistes met gravement en péril le libre exercice des droits syndicaux». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 710 et 711.]
  5. 1395. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour que l’enquête demandée à l’Inspection générale du travail sur les graves allégations formulées par le SUANP et la PIT-CNT arrive rapidement à son terme. Le comité exprime l’espoir que cette enquête portera sur l’ensemble des faits que les plaignants ont évoqués. Afin de pouvoir se prononcer après avoir examiné tous les éléments utiles, le comité demande au gouvernement de lui communiquer les résultats de l’enquête en question.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1396. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour que l’enquête demandée à l’Inspection générale du travail sur les graves allégations formulées par le SUANP et la PIT-CNT arrive rapidement à son terme. Le comité exprime l’espoir que cette enquête portera sur l’ensemble des faits que les plaignants ont évoqués. Afin de pouvoir se prononcer après avoir examiné tous les éléments utiles, le comité demande au gouvernement de lui communiquer les résultats de l’enquête en question.
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