ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Rapport intérimaire - Rapport No. 355, Novembre 2009

Cas no 2655 (Cambodge) - Date de la plainte: 16-JUIN -08 - Clos

Afficher en : Anglais - Espagnol

  1. 327. La plainte figure dans une communication de l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) en date du 16 juin 2008.
  2. 328. Faute de réponse de la part du gouvernement, le comité a lancé, à sa réunion de mai-juin 2009 [voir 354e rapport, paragr. 9], un appel pressant et a attiré l’attention du gouvernement sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport (1972), approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire en instance, même si les informations et observations du gouvernement n’étaient pas reçues à temps.
  3. 329. Le Cambodge a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 330. Dans sa communication en date du 16 juin 2008, l’IBB indique que son affiliée, la Fédération cambodgienne des syndicats de la construction (CCTUF), a été constituée en 2002 et a commencé à syndiquer les travailleurs employés dans les projets de restauration des temples d’Angkor Wat, dans la ville de Siem Reap. Les travailleurs de ces sites de restauration sont employés pour deux à trois ans, c’est-à-dire plus longtemps que ceux qui travaillent à la construction d’hôtels ou de routes à Siem Reap. En dépit de leur emploi plus «stable», ces travailleurs ont commencé à se syndiquer dans un certain nombre de sites de restauration en vue d’obtenir une augmentation de salaire, l’application de normes de sécurité et l’amélioration de leurs conditions de travail.
  2. 331. Des syndicats membres de la CCTUF ont été constitués sur les sites du projet exploités par l’Autorité japonaise pour la sauvegarde d’Angkor (JSA), l’Université Sophia (SOPHIA), l’Ecole française d’Extrême-Orient (EFEO), et sur d’autres sites de restauration. Un syndicat a également été constitué pour représenter les travailleurs engagés par l’Autorité pour la protection du site et l’aménagement de la région d’Angkor/Siem Reap (APSARA) pour préserver l’environnement autour des complexes d’Angkor Wat. En outre, la CCTUF, qui compte actuellement près de 3 500 membres, avait commencé à syndiquer les travailleurs et les salariés locaux des sites de construction d’hôtels. Les syndicats de la CCTUF ont obtenu le taux de représentativité requis par la législation du travail cambodgienne pour pouvoir représenter leurs membres dans les négociations collectives avec leurs employeurs. Dans le même temps, ils ont été enregistrés auprès du ministère des Affaires sociales, du Travail, de la Formation professionnelle et de la Réinsertion des jeunes (MOSALVY), conformément aux prescriptions de la législation du travail, qui garantit la liberté syndicale et le droit de grève et prévoit la négociation collective.
  3. 332. Malgré les tentatives répétées visant à obtenir la reconnaissance syndicale et la présentation de diverses propositions de négociations collectives, la CCTUF n’a été reconnue que par l’EFEO, avec laquelle elle a finalement signé une convention collective le 15 décembre 2006. Le syndicat a par ailleurs dû faire face à une constante discrimination de la part de l’Autorité APSARA-Japon pour la sauvegarde d’Angkor (JASA), anciennement dénommée JSA, et du complexe de golf d’Angkor, et a déposé plusieurs plaintes auprès du MOSALVY faisant état de violations de la législation du travail cambodgienne sur ces différents sites. Le gouvernement n’a toutefois ni répondu au syndicat ni résolu les conflits en question de façon appropriée et équitable.
  4. 333. L’organisation plaignante précise que l’APSARA est un organisme paraétatique à but lucratif dont la mission consiste à créer des réseaux avec la communauté internationale pour protéger, conserver et accroître la valeur du complexe des temples d’Angkor Wat. L’APSARA emploie au moins 250 travailleurs pour préserver l’environnement autour d’Angkor Wat. Ses employés se sont organisés et ont fondé, le 27 mai 2006, le syndicat des travailleurs pour la préservation d’Angkor, qui est membre de la CCTUF. Ce syndicat a été enregistré et accrédité par le MOSALVY le 26 juin 2006.
  5. 334. Le 7 août 2006, la CCTUF a adressé, au nom de ses syndicats membres, une lettre à l’APSARA en vue d’une discussion sur les pratiques de cette dernière qui contreviennent à la législation du travail cambodgienne, notamment l’intimidation des travailleurs ayant adhéré au syndicat et le non-respect des dispositions suivantes: accorder des congés payés aux travailleurs; fixer une date précise pour le paiement des salaires et payer les salaires en temps voulu; accorder à toutes les travailleuses un congé de maternité de 90 jours ainsi que les prestations assorties; fournir le matériel de travail adéquat, tel que couperets, sacs en plastique, imperméables, aspirateurs, etc.; accorder à tous les travailleurs ayant travaillé un an 18 jours de congés payés annuels; prendre en charge les coûts des accidents du travail; accorder des congés payés spéciaux en cas de décès d’un membre de la famille.
  6. 335. L’organisation plaignante ajoute que l’APSARA n’ayant pas répondu à la demande du syndicat d’engager une discussion et des négociations, celui-ci a adressé une autre demande aux fins de reconnaissance et de négociations le 9 août 2006. N’ayant toujours pas obtenu de réponse, le syndicat a adressé une plainte au Département du travail de la province de Siem Reap le 5 septembre 2006, laquelle est restée sans réponse.
  7. 336. Le 21 décembre 2006, M. Borin, un des responsables du Département des eaux et forêts de l’APSARA, a convié tous les travailleurs syndiqués à une réunion au cours de laquelle il leur a indiqué que, s’ils souhaitaient continuer à travailler pour l’APSARA, ils devaient se retirer du syndicat et représenter une demande d’emploi avant le 28 décembre 2006. M. Borin a plus tard demandé à l’un de ses collègues, M. Pav, de dresser la liste de tous les travailleurs «souhaitant rendre leur carte de membre syndical». Le 22 décembre 2006, 14 dirigeants et militants syndicaux ont été licenciés de manière abusive par M. Borin.
  8. 337. Face à ces licenciements, la CCTUF a adressé une plainte au Département du travail de la province de Siem Reap le 25 décembre 2006 afin qu’il intervienne et arbitre des négociations entre le syndicat et l’APSARA. Le 22 mars 2007, le syndicat et l’APSARA se sont réunis avec le Département du travail de la province de Siem Reap, et l’APSARA a verbalement accepté d’annuler le licenciement de tout travailleur absent cinq jours et d’assumer sa responsabilité en cas d’accident du travail. Cependant, l’APSARA a refusé de réintégrer les 14 travailleurs licenciés en décembre 2006 en raison de leurs activités syndicales; elle a également refusé d’accorder les congés payés, y compris en cas de maternité, tels que prévus par la législation du travail. Compte tenu de cela, le médiateur du Département du travail a promis de soumettre les questions non résolues au Conseil d’arbitrage.
  9. 338. Le 5 juillet 2007, la CCTUF a présenté une réclamation au MOSALVY, lui demandant d’intervenir puisque l’affaire n’avait pas été soumise à l’examen du Conseil d’arbitrage. Cependant, le MOSALVY a décidé d’autoriser le Département du travail de la province de Siem Reap à poursuivre son action en vue de résoudre le conflit en question. Le 14 septembre 2007, le Département du travail a tenu une réunion de conciliation avec la CCTUF et l’APSARA, qui n’a pas permis de résoudre les questions en suspens. Le Département du travail a convié le syndicat et l’APSARA à une réunion de médiation le 25 octobre 2007. Cependant, l’APSARA ne s’est pas présentée à cette réunion et n’a, à ce jour, fourni aucune réponse. En outre, ni le MOSALVY, ni le Département du travail de la province de Siem Reap, n’a entrepris d’autres démarches à cet égard, ni soumis l’affaire au Conseil d’arbitrage. L’IBB soutient que l’incapacité des autorités à soumettre cette affaire à une autorité compétente constitue une violation du droit du travail cambodgien et de la convention no 87 de l’OIT.
  10. 339. L’organisation plaignante indique que, le 28 février 2005, la JSA a licencié tous les dirigeants et militants syndicaux et qu’elle a entièrement fermé le site de son projet de restauration. Elle a repris ses activités le 27 mars 2006 sous un nouveau nom, JASA, et sur un autre site de restauration, qui va de Souprat au temple Bayon, tout en conservant son bureau local à son emplacement d’origine, ainsi que le même appui financier et le même chef d’exploitation. Près de 90 pour cent des travailleurs auparavant employés par la JSA ont été réembauchés par la JASA, à l’exception de 16 dirigeants et militants syndicaux qui n’ont délibérément pas été réengagés.
  11. 340. Le 23 janvier 2007, le syndicat local a adressé une lettre à la direction de la JASA demandant le réengagement des 16 dirigeants et militants syndicaux qui travaillaient autrefois pour la JSA. Le 8 février 2007, la CCTUF a adressé une deuxième lettre, puis une troisième, le 12 avril 2007, afin que les 16 dirigeants et militants syndicaux soient réembauchés. L’organisation plaignante déclare que, comme son nom complet (Autorité APSARA-Japon pour la sauvegarde d’Angkor) l’indique, l’APSARA a certaines responsabilités qui lui sont déléguées au sein de la JASA, et la direction de la JSA/JASA déclinait toute responsabilité en soutenant que l’APSARA était chargée de la gestion des ressources humaines alors qu’en ce qui la concernait elle était chargée de l’assistance technique avec l’UNESCO. L’organisation plaignante précise que l’accréditation du syndicat de la JSA a expiré le 2 mars 2007. Malgré la volonté du syndicat de renouveler son accréditation à la JASA, il s’est révélé difficile d’organiser de nouvelles élections, étant donné que les dirigeants du syndicat n’ont pas été réembauchés et que ses membres ne souhaitent pas les rencontrer, conscients que cela entraînerait leur licenciement.
  12. 341. Faute de réponse de la part de la JASA, le syndicat a déposé une plainte auprès du MOSALVY le 25 avril 2007, et auprès du Département du travail de la province de Siem Reap le 30 août 2007. Le 5 juillet 2007, la CCTUF a adressé au MOSALVY une lettre de rappel récapitulant toutes les affaires en cours du syndicat, concernant l’APSARA, la JASA et le complexe de golf d’Angkor. Le MOSALVY a adressé une lettre au Département du travail de la province de Siem Reap, lui demandant de régler toutes les questions en suspens. Aucune d’elles n’a toutefois été résolue à ce jour. L’organisation plaignante soutient que l’incapacité du gouvernement à prendre des mesures concernant les travailleurs licenciés constitue une violation de la législation du travail cambodgienne et de la convention no 87 de l’OIT.
  13. 342. S’agissant du complexe de golf d’Angkor, l’organisation plaignante déclare qu’un syndicat y a été constitué le 13 janvier 2007 et que 95 travailleurs du site ont élu ses dirigeants. Ce syndicat a été nommé le Syndicat des travailleurs du bâtiment du complexe de golf d’Angkor (CWTU) et a été accrédité par le ministère du Travail et de la Formation professionnelle le 25 avril 2007. Le 12 février 2007, le CWTU et la CCTUF ont adressé une lettre à l’employeur afin d’entamer des négociations sur plusieurs questions, dont les salaires, les heures de travail, les indemnités en cas d’accident, les congés payés et les normes relatives à la sécurité et à la santé au travail. L’organisation plaignante affirme que le complexe de golf d’Angkor ne respecte pas les normes minima relatives aux domaines susmentionnés, prévues dans la législation nationale.
  14. 343. L’organisation plaignante indique que, le 28 février 2007, le représentant de l’employeur a rencontré le syndicat afin de négocier les demandes de ce dernier. Ces négociations se sont soldées par un échec et, le même jour, Yun Sokha, la présidente du syndicat, a été informée par son supérieur qu’elle était licenciée, sans recevoir d’explications satisfaisantes quant aux motifs de ce licenciement. Le 7 avril 2007, la direction a subitement annoncé qu’elle suspendait ses activités jusqu’au 25 avril 2007. Le 27 avril 2007, la direction a demandé à tous les travailleurs non syndiqués ainsi qu’aux membres du syndicat ayant accepté de s’en retirer, soit environ 55 travailleurs, de reprendre le travail. Yun Sokha, la présidente du syndicat, et Thy Sothea, le vice-président, ainsi que 40 autres travailleurs, n’ont pas été réengagés du fait de leur refus de quitter le syndicat.
  15. 344. L’organisation plaignante affirme que, le 9 juin 2007, la CCTUF a déposé une plainte auprès du Département du travail de la province de Siem Reap afin que Yun Sokha, Thy Sothea et les 40 autres syndicalistes soient rétablis dans leurs fonctions, mais n’a reçu aucune réponse. La CCTUF a adressé une lettre de rappel le 5 juillet 2007, dans laquelle sont mentionnées toutes les affaires en suspens, dont la totalité demeure non résolue. L’organisation plaignante affirme en conclusion que dans les trois cas, à savoir celui de l’APSARA, de la JASA et du complexe de golf d’Angkor, le gouvernement n’a pas protégé comme il se doit les travailleurs des violations de leurs droits en matière de liberté syndicale.
  16. 345. Enfin, plusieurs documents sont joints à la plainte, dont des extraits de la législation du travail cambodgienne ainsi que les copies de trois notifications émanant du MOSALVY concernant le règlement interne des entreprises, la mise à disposition de toilettes et le statut de syndicat d’entreprise le plus représentatif. La notification relative aux syndicats d’entreprise les plus représentatifs, le Prakas no 305 du 22 novembre 2001, précise en son article 9 que le syndicat le plus représentatif a le droit de demander à l’employeur de négocier un accord collectif, qui s’appliquera à tous les salariés représentés par ledit syndicat, et que dans ce cas l’employeur a l’obligation de négocier avec le syndicat.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 346. Le comité déplore que, malgré le temps écoulé depuis le dépôt de la plainte, le gouvernement n’ait fourni aucune information, bien qu’il ait été invité en plusieurs occasions, notamment par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur cette affaire. Le comité prie instamment le gouvernement d’être plus coopératif à l’avenir.
  2. 347. Dans ces conditions, et conformément à la règle de procédure applicable [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il attendait du gouvernement.
  3. 348. Le comité rappelle que le but de l’ensemble de la procédure instituée à l’Organisation internationale du Travail pour l’examen des allégations en violation de la liberté syndicale est d’assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait. Le comité demeure d’avis que, si la procédure protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables, ceux-ci doivent reconnaître à leur tour l’importance qu’il y a à ce qu’ils présentent, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre.
  4. 349. Le comité regrette par ailleurs que le manquement du gouvernement à répondre restreint la capacité du comité à examiner toutes informations additionnelles ou autres en relation avec l’entreprise qui aurait pu être fournie par l’organisation d’employeurs concernée dans le pays.
  5. 350. Le comité note qu’il est fait état dans le présent cas d’actes de discrimination antisyndicale, notamment de licenciements abusifs, sur trois lieux de travail. D’après l’organisation plaignante, le 21 décembre 2006, après avoir apparemment ignoré les demandes répétées du syndicat en vue de négociations, l’APSARA a publié une note, dans laquelle elle exige de ses salariés qu’ils renoncent à leur adhésion au syndicat en question s’ils souhaitent conserver leur emploi et, le 22 décembre 2006, l’APSARA a licencié 14 dirigeants et militants syndicaux. Le 28 février 2005, la JSA a licencié des dirigeants et militants syndicaux et a fermé le site de son projet de restauration. Elle a repris ses activités le 27 mars 2006, sur un autre site de restauration, sous un nouveau nom, JASA, et a conservé 90 pour cent des travailleurs précédemment employés par la JSA, mais n’a pas réengagé 16 dirigeants et militants syndicaux. Enfin, en ce qui concerne le complexe de golf d’Angkor, l’organisation plaignante précise que la présidente du syndicat concerné, Yun Sokha, a été licenciée sans motifs satisfaisants le 28 février 2007, date à laquelle ont également eu lieu des négociations infructueuses avec le syndicat. Le 7 avril 2007, la direction a elle aussi suspendu ses activités, qu’elle a reprises environ trois semaines plus tard, ne réengageant que les travailleurs non syndiqués et ceux qui avaient accepté de renoncer à leur affiliation au syndicat; Yun Sokha, le vice-président Thy Sothea et 40 autres travailleurs ayant refusé d’abandonner le syndicat n’ont pas été réembauchés.
  6. 351. Le comité prend également note des indications de l’organisation plaignante concernant l’insuffisance des mesures prises par les autorités compétentes pour régler les affaires susmentionnées. En ce qui concerne l’APSARA, le Département du travail de la province de Siem Reap a, selon les allégations, tenté une conciliation le 22 mars et le 14 septembre 2007; l’APSARA a refusé en ces deux occasions de réintégrer les 14 dirigeants et militants syndicaux licenciés. L’APSARA ne se serait par ailleurs pas présentée à la réunion de conciliation fixée au 25 octobre 2007, et ni le Département du travail de la province de Siem Reap, ni le MOSALVY, n’a depuis lors pris d’autres mesures en vue de résoudre ce conflit, notamment en saisissant le Conseil d’arbitrage. Concernant la JASA, la CCTUF a adressé, les 25 avril et 5 juillet 2007, des communications au MOSALVY, qui a alors demandé au Département du travail de la province de Siem Reap de prendre des mesures afin de régler les questions en suspens mais, à ce jour, ces affaires n’ont toujours pas été réglées. Enfin, l’organisation plaignante indique que, les 9 juin et 5 juillet 2007, la CCTUF a adressé des plaintes auprès du Département du travail de la province de Siem Reap en vue de la réintégration des dirigeants et militants syndicaux du complexe de golf d’Angkor. Le Département du travail n’a toutefois pas répondu au syndicat et les questions en suspens n’ont pas été résolues.
  7. 352. Le comité observe que le présent cas illustre l’incapacité des lois et des procédures de protéger les travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale. Comme dans d’autres plaintes présentées contre le gouvernement, les présentes allégations font suite à d’autres violations antérieures et similaires dans leur description d’un climat de relations professionnelles caractérisé par des actes de discrimination antisyndicale, aboutissant fréquemment à des licenciements, et d’une absence d’efficacité manifeste des sanctions prévues par la loi pour protéger les travailleurs contre de tels actes. [Voir cas no 2468, 344e rapport, paragr. 436.] Le comité rappelle en outre que, dans le cadre d’une autre plainte contre le gouvernement, il avait noté avec une profonde préoccupation l’absence d’instances judicaires indépendantes et efficaces, et avait, en conséquence, instamment prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance et l’efficacité du système judiciaire, notamment par le biais de mesures de renforcement de leur capacité et la mise en place de garanties contre la corruption. [Voir cas no 2318, 351e rapport, paragr. 250.]
  8. 353. Dans ces conditions, le comité ne peut que rappeler que le gouvernement a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale et doit veiller à ce que les plaintes pour des pratiques discriminatoires de cette nature soient examinées dans le cadre d’une procédure qui doit être prompte, impartiale et considérée comme telle par les parties intéressées. Il rappelle en outre qu’il est nécessaire que la législation établisse d’une manière expresse des recours et des sanctions suffisamment dissuasives contre les actes de discrimination antisyndicale afin d’assurer l’application effective des articles 1 et 2 de la convention no 98. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 817 et 822.] A la lumière de ce qui précède, le comité considère que l’insuffisance des mesures prises par les autorités, en particulier leur incapacité à soumettre les affaires de l’organisation plaignante au Conseil d’arbitrage, a particulièrement nui à la capacité de cette dernière d’obtenir une réparation effective pour les violations présumées. Comme dans les cas précédents, le comité prie instamment le gouvernement de prendre sans tarder des mesures en vue d’adopter un cadre législatif approprié afin de garantir aux travailleurs une protection efficace contre les actes de discrimination antisyndicale, notamment en prévoyant des sanctions suffisamment dissuasives et en prenant des décisions rapides, définitives et contraignantes. Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau à cet égard.
  9. 354. Compte tenu des circonstances particulières du présent cas, et étant donné que le gouvernement n’a pas communiqué ses observations sur les présentes allégations, le comité prie instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête approfondie et indépendante sur toutes les allégations relatives au présent cas et, si celles-ci étaient avérées, de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les syndicalistes licenciés, ou ceux dont le contrat de travail n’a pas été renouvelé, soient totalement réintégrés dans leur poste sans perte de salaire. Au cas où la réintégration des travailleurs licenciés concernés ne serait pas possible pour des raisons objectives et impérieuses, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que les travailleurs concernés soient dûment indemnisés, ce qui constituerait une sanction suffisamment dissuasive contre les licenciements antisyndicaux. Le comité demande au gouvernement de l’informer du résultat de l’enquête et de toutes les mesures de réparation prises.
  10. 355. Prenant note de l’information de l’organisation plaignante selon laquelle l’accréditation du syndicat de la JASA a expiré le 2 mars 2007, et de la difficulté à tenir de nouvelles élections en raison du licenciement de ses dirigeants et de la réticence de ses membres à rencontrer ces derniers par peur d’être licenciés, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris l’émission d’instructions appropriées sur les sites concernés, pour faire en sorte que le syndicat de la JASA puisse organiser des élections et que les travailleurs puissent y participer sans crainte de licenciement ou d’autres représailles. Il demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.
  11. 356. Le comité note que, d’après l’organisation plaignante, les licenciements ayant eu lieu à l’APSARA et au complexe de golf d’Angkor ont été précipités par les demandes d’entamer des négociations collectives faites par les syndicats concernés, tous deux accrédités auprès du MOSALVY comme étant les plus représentatifs. La CCTUF a présenté une demande à l’APSARA en vue de la tenue de négociations le 7 août 2006, soit environ quatre mois avant le licenciement des 14 syndicalistes. S’agissant du complexe de golf d’Angkor, le 28 février 2007, des négociations ont eu lieu avec le syndicat concerné au sujet des conditions de travail. Ces négociations se sont soldées par un échec et la présidente du syndicat, Yun Sokha, a été licenciée le jour même; environ deux mois plus tard, lorsque le complexe de golf d’Angkor a repris ses activités, les contrats de 41 autres syndicalistes, dont celui du vice-président du syndicat, n’ont pas été renouvelés. A cet égard, le comité rappelle l’importance qu’il attache à l’obligation de négocier de bonne foi pour le maintien d’un développement harmonieux des relations professionnelles. Il importe qu’employeurs et syndicats participent aux négociations de bonne foi et déploient tous leurs efforts pour aboutir à un accord, des négociations véritables et constructives étant nécessaires pour établir et maintenir une relation de confiance entre les parties. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 934 et 935.] Notant également que le Prakas no 305 du 22 novembre 2001 énonce l’obligation de l’employeur de négocier avec le syndicat le plus représentatif, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que l’APSARA et le complexe de golf d’Angkor engagent des négociations de bonne foi avec leur syndicat respectif, et de le tenir informé à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 357. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité déplore le manque de coopération du gouvernement et le prie fermement d’être plus coopératif à l’avenir.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre sans tarder des mesures en vue d’adopter un cadre législatif approprié afin de garantir aux travailleurs une protection efficace contre les actes de discrimination antisyndicale, notamment en prévoyant des sanctions suffisamment dissuasives et en prenant des décisions rapides, définitives et contraignantes. Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau à cet égard.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête approfondie et indépendante sur toutes les allégations relatives au présent cas et, si celles-ci étaient avérées, de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les syndicalistes licenciés, ou ceux dont le contrat de travail n’a pas été renouvelé, soient totalement réintégrés dans leur poste sans perte de salaire. Au cas où la réintégration des travailleurs licenciés concernés ne serait pas possible pour des raisons objectives et impérieuses, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que les travailleurs concernés soient dûment indemnisés, ce qui constituerait une sanction suffisamment dissuasive contre les licenciements antisyndicaux. Le comité demande au gouvernement de l’informer du résultat de l’enquête et de toutes les mesures de réparation prises.
    • d) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris l’émission d’instructions appropriées sur les sites concernés, pour faire en sorte que le syndicat de la JASA puisse organiser des élections et que les travailleurs puissent y participer sans crainte de licenciement ou d’autres représailles. Il demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard. Le comité estime nécessaire d’attirer spécialement l’attention du Conseil d’administration sur ce cas en raison de l’extrême gravité et de l’urgence des problèmes en cause.
    • e) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que l’APSARA et le complexe de golf d’Angkor engagent des négociations de bonne foi avec leur syndicat respectif, et de le tenir informé à cet égard.
    • f) Le comité estime nécessaire d’attirer spécialement l’attention du Conseil d’administration sur ce cas en raison de l’extrême gravité et de l’urgence des problèmes en cause.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer