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Rapport intérimaire - Rapport No. 386, Juin 2018

Cas no 3210 (Algérie) - Date de la plainte: 26-AVR. -16 - En suivi

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce une campagne de répression d’une entreprise du secteur de l’énergie à l’encontre de ses dirigeants et adhérents depuis sa constitution, en particulier son président, ainsi que le refus des pouvoirs publics de faire cesser les violations des droits syndicaux

  1. 86. La plainte figure dans des communications du Syndicat national autonome des travailleurs d’électricité et du gaz (SNATEGS) en date des 26 avril, 22 juin et 26 octobre 2016 et des 3 janvier, 5 février, 9 mars, 27 avril, 18 mai et 6 août 2017. La Confédération générale autonome des travailleurs en Algérie (CGATA) a appuyé la plainte dans une communication du 17 mai 2017. L’Internationale des services publics (PSI), l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA), IndustriALL Global Union (IndustriALL) ont appuyé la plainte dans des communications en date des 18 et 19 décembre 2017. La Confédération syndicale internationale (CSI) a appuyé la plainte dans une communication en date du 6 février 2018. La PSI, l’UITA, IndustriALL et la CSI se sont référées à une communication en date du 20 décembre 2017 signée conjointement, dans laquelle figuraient des informations additionnelles en relation avec le présent cas.
  2. 87. Le gouvernement a fourni ses observations dans des communications en date du 27 octobre 2016 et des 31 juillet et 16 octobre 2017.
  3. 88. L’Algérie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 89. Dans ses communications en date du 26 avril et 22 juin 2016, le SNATEGS se présente comme un syndicat nouvellement constitué ayant reçu son enregistrement du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale (sous la référence no 101 du 30 décembre 2013) et qui est représenté dans le secteur de l’énergie nommé, notamment au sein du groupe SONELGAZ, deuxième plus grande société économique en Algérie composé de 44 filiales couvrant le territoire national (ci-après l’entreprise). Le SNATEGS indique compter plus de 23 000 adhérents à travers le territoire national, mais ne dispose pas de présidents de sections syndicales à cause de pressions, du harcèlement et de licenciements subis par ces derniers de la part de l’entreprise. L’organisation plaignante explique que l’entreprise use de tous les moyens pour rejeter sa présence en qualité de partenaire social, cela afin de préserver les relations avec le syndicat d’entreprise historique présent depuis 1962 (l’Union générale des travailleurs algériens). Selon le SNATEGS, son émergence comme premier syndicat autonome enregistré dans le secteur économique public de l’énergie est mal tolérée par les pouvoirs publics et constitue un obstacle à certaines pratiques illégales en cours au sein de l’entreprise.
  2. 90. L’organisation plaignante dénonce ainsi le fait que, malgré son enregistrement par les autorités, l’entreprise refuse de reconnaître cet enregistrement. Le SNATEGS dénonce le fait que l’entreprise non seulement le prive des facilités auxquelles il a droit en vertu de la loi, mais continue de prendre des mesures qui violent la liberté syndicale de ses dirigeants et de ses membres en toute impunité sans que les autorités n’interviennent, malgré les alertes. Le SNATEGS affirme ainsi avoir saisi l’inspection du travail conformément à la loi no 90 14 du 2 juin 1990 relative aux modalités d’exercice du droit syndical. Cependant, l’organisation se voit opposer son caractère non représentatif. Le SNATEGS rappelle à cet égard qu’aux termes de la loi le caractère représentatif d’un syndicat ne doit être pris en compte que dans le cadre de la négociation collective, et non en ce qui concerne le respect d’exercice des activités syndicales. L’inaction de l’inspection du travail la rend complice des actes de l’entreprise. Le SNATEGS indique avoir saisi le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, ainsi que le Premier ministre sur cette question de violation de ses droits syndicaux, mais qu’aucune suite n’a été donnée. L’organisation plaignante fournit copies des communications adressées aux différentes autorités gouvernementales.
  3. 91. Le SNATEGS dénonce en outre les mesures de licenciement abusif suivantes à l’encontre de ses dirigeants: celui de son président, M. Abdallah Boukhalfa au motif d’un appel à la grève, pourtant lancé conformément aux dispositions de la loi no 02/90 relative à la prévention et au règlement des conflits collectifs du travail et à l’exercice du droit de grève, et de la Constitution algérienne; celui de son secrétaire général, M. Boualem Bendiaf, au motif d’avoir exercé des activités qui nuisent aux intérêts de l’entreprise; ceux du secrétaire national chargé de l’organique et des relations internationales, M. Raouf Mellal, et du délégué syndical de la wilaya de Guelma, M. Mourad Semoudi, au motif d’adhésion à un syndicat «non autorisé» par l’employeur et d’avoir refusé d’adhérer à l’organisation syndicale déjà présente dans l’entreprise; celui du délégué syndical de la wilaya de Oued Souf, M. Khemis Chikha Belkacem, au motif d’avoir refusé la ponction sur salaire de 200 dinars algériens (DA) comme droits d’adhésion au syndicat d’entreprise; et celui du délégué syndical de la wilaya de Tipaza, M. Faouzi Maouche, suite à son adhésion. De plus, l’entreprise exerce un acharnement judiciaire à l’encontre de MM. Abdallah Boukhalfa et Mellal, en déposant plainte pour outrage et entrave à la liberté de travail, ce qui a conduit la justice à les condamner à une amende de 20 000 DA. Le SNATEGS dénonce enfin les commissions de discipline à l’encontre de 983 de ses adhérents afin qu’ils se retirent ou démissionnent du syndicat, sous peine de sanctions professionnelles.
  4. 92. Dans ses communications en date du 26 octobre 2016 et des 3 janvier et 5 février 2017, le SNATEGS fait état de la poursuite, en toute impunité, des mesures de harcèlement et de représailles de l’entreprise à l’encontre de ses dirigeants. Le SNATEGS dénonce le harcèlement puis le licenciement d’une membre du comité des femmes du syndicat, Mme Sarah Benmaiche, et du refus de l’entreprise et des autorités de faire appliquer une décision de justice qui lui avait donné gain de cause en constatant des mesures de harcèlement et en ordonnant sa réintégration dans l’entreprise. L’organisation plaignante dénonce également les pressions subies par des membres de son bureau national dont certains, qu’elle désigne nommément, ont fini par démissionner du syndicat sous la menace de licenciement ou ont accepté de rejoindre l’autre syndicat présent dans l’entreprise.
  5. 93. Enfin, le SNATEGS dénonce le harcèlement judiciaire à l’encontre de M. Mellal, devenu le président du syndicat. Ce dernier a fait l’objet de poursuites suite au dépôt d’une plainte de l’entreprise en juillet 2016 pour détention illégale de documents. Lors de son interrogatoire, la police judiciaire a refusé de lui préciser les documents qu’il était accusé de détenir illégalement. Malgré l’absence de preuve, ce dernier a été informé de sa condamnation par contumace le 15 décembre 2016 à six mois de prison ferme et à une amende de 50 000 DA par le tribunal de Guelma. Selon le SNATEGS, M. Mellal a en réalité fait l’objet de représailles de l’entreprise pour avoir, dans le cadre de son mandat syndical, dénoncé une tarification excessive pratiquée, ce qui a obligé l’entreprise à prendre des mesures correctives suite à la divulgation de l’information par le SNATEGS à l’autorité de régulation des tarifs.
  6. 94. Dans une communication reçue le 17 mai 2017, la CGATA indique que la campagne de représailles de l’entreprise a culminé en mai 2017 par la suspension de 93 délégués ainsi que des poursuites en justice de 663 syndicalistes. La CGATA dénonce en outre l’intervention des forces de l’ordre pour casser un mouvement de grève lancé par le SNATEGS en mai 2017 et massivement suivi. Cette campagne de représailles est menée à tous les niveaux par l’entreprise et est symptomatique de son refus de dialoguer avec le SNATEGS.
  7. 95. Dans sa communication du 27 avril 2017, le SNATEGS fait état en détail des actions de contestation menées, notamment trois jours de grève «de la dignité» observés du 21 au 23 mars 2017, durant lesquels des marches et des sit-in ont été organisés dans les villes de Tizi Ouzou, de Bejaia et d’Alger. Le SNATEGS dénonce l’intervention systématique des forces de l’ordre lors de ses actions pour empêcher les manifestants de rejoindre les points de rencontre en centre-ville, l’arrestation systématique des dirigeants syndicaux, leur interrogatoire durant plusieurs heures par la police sous les insultes et les vexations. Le SNATEGS regrette notamment que, à l’occasion du sit-in devant le ministère du Travail à Alger, les autorités ont non seulement refusé de recevoir une délégation syndicale qui était prête à présenter les revendications, mais elles aussi ont fait évacuer le lieu par les forces de l’ordre. Dans une communication en date du 5 juin 2017, l’organisation plaignante dénonce l’annonce par le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale du retrait du récépissé de son enregistrement. Selon le SNATEGS, il s’agit d’une action de représailles des pouvoirs publics à l’encontre d’une organisation qui, malgré les mesures de harcèlement de l’entreprise, réussit à mener des actions de protestation d’envergure nationale, telles que la grève générale des 21 au 23 mars 2017.
  8. 96. Dans des communications du 6 août 2017, le SNATEGS apporte des précisions en relation avec la déclaration du représentant du gouvernement de l’Algérie devant la Commission de l’application des normes de la 106e session de la Conférence internationale du Travail (juin 2017) à l’occasion de l’examen de l’application de la convention no 87 par l’Algérie. Le SNATEGS dénonce tout d’abord l’affirmation par le représentant gouvernemental que le président du syndicat demeure M. Abdallah Boukhalfa, alors même que M. Mellal a été élu président entre-temps, ce que la justice a confirmé par une ordonnance du tribunal d’El Harrouch (jugement no 0006/17 du 2 janvier 2017 fourni dans la plainte). La déclaration du représentant gouvernemental niant cette situation constitue, pour le SNATEGS, une grave ingérence du gouvernement dans son fonctionnement. Par ailleurs, le SNATEGS relève que le gouvernement se borne à déclarer que M. Mellal ne travaille pas dans l’entreprise et ne saurait ainsi prétendre représenter les travailleurs de l’entreprise en question, en omettant de préciser que ce dernier a été licencié abusivement en 2013 pour son engagement syndical. Le SNATEGS indique par ailleurs que, si le gouvernement déclare que M. Mellal détient un diplôme d’avocat, il omet d’indiquer que ce dernier a été recruté par l’entreprise en tant qu’attaché juridique, mais qu’il n’occupe plus cette fonction depuis son licenciement. Enfin, le SNATEGS précise que l’article 49 de ses statuts prévoit qu’aucun membre adhérent ne perd sa qualité d’adhérent du fait d’un licenciement arbitraire par son employeur.
  9. 97. Par ailleurs, le SNATEGS dénonce une campagne de représailles sans précédent de l’entreprise à l’encontre de ses adhérents. L’organisation fait ainsi état de plaintes au pénal contre 12 délégués syndicaux accusés d’entrave au travail, de recours en référé contre 900 travailleurs grévistes, et de la notification d’un congé forcé visant 250 délégués syndicaux. En dénonçant une nouvelle fois les pressions constantes envers ses représentants pour qu’ils démissionnent sous peine de licenciement, le SNATEGS fournit à cette occasion une liste détaillée de 46 délégués syndicaux licenciés abusivement. Le SNATEGS précise que la campagne de répression a touché près de 1 500 adhérents et demande au comité d’exhorter le gouvernement à respecter la législation nationale et les conventions internationales en matière de liberté syndicale et de protection du droit syndical, d’exiger des pouvoirs publics qu’ils diligentent des enquêtes sur les mesures de harcèlement de l’entreprise et, ainsi, à ordonner la réintégration des syndicalistes abusivement licenciés.
  10. 98. Dans une communication en date du 20 décembre 2017, la PSI, l’UITA, IndustriALL et la CSI, dénoncent la campagne de répression de l’entreprise contre les dirigeants et adhérents du SNATEGS depuis sa constitution, en rappelant l’historique des mesures disciplinaires massives, l’arrestation et la condamnation de son président. Les organisations syndicales internationales font part de leur préoccupation devant l’intensification des mesures de représailles de l’entreprise et du gouvernement contre le SNATEGS depuis la Conférence internationale du Travail de juin 2017. Elles demandent au gouvernement de s’assurer que les droits syndicaux du SNATEGS et de ses membres sont respectés, que l’entreprise cesse immédiatement sa campagne de répression et que les syndicalistes licenciés abusivement pour le simple fait d’avoir pris part à des activités syndicales sont réintégrés.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 99. Dans ses communications en date du 27 octobre 2016 et du 16 octobre 2017, le gouvernement confirme que le SNATEGS est une organisation enregistrée depuis décembre 2013 selon les formalités requises par la loi. Il précise d’emblée que, selon le président du SNATEGS, M. Abdallah Boukhalfa, M. Mellal, qui est signataire de la plainte, n’est plus membre du SNATEGS après le gel de sa qualité de membre du Conseil national en décembre 2015. Par ailleurs, M. Mellal ne fait plus partie de la société de distribution de l’électricité EST, Guelma (SDE est) relevant du groupe SONELGAZ, mais exerce actuellement en qualité d’avocat à Guelma. Dans ces conditions, M. Mellal n’a pas qualité pour déposer une plainte auprès du Comité de la liberté syndicale au nom du SNATEGS.
  2. 100. Le gouvernement explique que le conflit dans l’entreprise trouve son origine dans le fait que les membres du SNATEGS, qui ne faisaient pas partie des effectifs et qui ne disposaient pas de structures syndicales dans les entreprises concernées, ont commencé à faire campagne pour des adhésions sur les lieux de travail et durant les horaires de travail, ce qui constitue une infraction aux dispositions du règlement intérieur de l’entreprise. En outre, l’entreprise reproche au SNATEGS de mener campagne et de collecter des fonds pour une organisation syndicale étrangère à l’entreprise composant le groupe SONELGAZ (ci-après le groupe), distincte au sens du Code du commerce. Il s’agit donc d’interprétations différentes des dispositions relatives à la représentation syndicale au sein du holding constitué de sa direction, de 44 filiales et de 5 entreprises autonomes.
  3. 101. La position des syndicalistes s’appuie sur le fait qu’ils ont constitué un syndicat enregistré au nom du groupe et qu’ils peuvent, dès lors, mettre en place des structures au sein des entreprises composant le groupe, les membres fondateurs travaillant dans trois entreprises filiales distinctes. Cependant, selon le service juridique de l’entreprise, les entreprises composant le groupe sont juridiquement autonomes, conformément au Code du commerce, et chacune d’elles est considérée, en vertu du droit, comme un organisme employeur indépendant des autres entités juridiques. A ce titre, tout syndicat constitué dans une entreprise du groupe ne peut être reconnu dans une autre. Partant de cette interprétation, l’entreprise considère qu’un syndicat représentatif des travailleurs de toutes les entités composant le groupe ne peut être que l’émanation, sous la forme d’une union ou d’une fédération de syndicats, des organisations syndicales préalablement constituées au niveau de chaque entreprise du groupe. Le gouvernement indique par ailleurs que le SNATEGS dispose de la possibilité de recourir aux juridictions compétentes afin de régler tout contentieux sur l’application des dispositions de la loi no 90-14. La juridiction compétente statue dans un délai qui ne saurait excéder soixante jours, par décision exécutoire, nonobstant opposition ou appel.
  4. 102. S’agissant des cas de licenciement évoqués, le gouvernement déclare que les motifs des licenciements prononcés n’ont aucun lien avec les activités syndicales des délégués concernés, comme l’attestent les attendus des décisions de justice prononcées à leur encontre. En ce qui concerne MM. Abdallah Boukhalfa, Mellal et Rouabhia, il leur est reproché des comportements relevant du domaine disciplinaire, notamment des perturbations et troubles sur les lieux de travail, et une tentative d’agression sur la personne du directeur par intérim de l’unité de Guelma, cela en présence de témoins. La plainte déposée par la direction de l’unité en question a abouti à leur condamnation pour les motifs d’entrave à la liberté de travail. Ces derniers ont été condamnés à une amende de 2 000 DA, à la prise en charge des frais de justice et à 20 000 DA de dommages et intérêts. En ce qui concerne, MM. Chikha Belkacem, Benzenache, et Maouche, leur licenciement a été motivé, selon les décisions de la commission de discipline, par des infractions au règlement intérieur et un comportement de nature à nuire au climat de travail.
  5. 103. Les travailleurs concernés ont saisi les services de l’inspection du travail pour tenter une conciliation. Toutefois, cette tentative s’est soldée par l’établissement d’un procès-verbal de non-conciliation. Suite à l’échec de la conciliation, M. Abdallah Boukhalfa a saisi le tribunal d’El Harrouch en demandant sa réintégration pour licenciement abusif. Le tribunal d’El Harrouch a rendu, en date du 15 décembre 2014, une décision portant annulation de la décision de licenciement et condamné l’entreprise au versement de 2 millions de DA pour licenciement abusif, de 50 000 DA de dommages et intérêts et de 400 DA pour la prise en charge des frais judiciaires. La Cour suprême, saisie d’un recours de l’entreprise en mars 2015, n’a pas encore statué.
  6. 104. Dans sa communication en date du 31 juillet 2017, le gouvernement s’est référé à la déclaration faite par le représentant gouvernemental lors de la discussion par la Commission de l’application des normes de la 106e session de la Conférence internationale du Travail (juin 2017) de l’application de la convention no 87 par l’Algérie. Concernant la prétendue dissolution du SNATEGS en mai 2017, le représentant gouvernemental a indiqué que le syndicat n’a pas été dissous et exerce ses activités conformément à la loi. Dans sa déclaration, le représentant gouvernemental a également souligné que le SNATEGS est présidé par M. Abdallah Boukhalfa, et que M. Mellal, qui exerce la profession d’avocat, ne peut prétendre être un représentant de travailleurs d’une entreprise dont il ne fait pas partie de l’effectif. A cet égard, le gouvernement indique que le président du SNATEGS a déposé plainte contre M. Mellal pour usurpation de fonction et qu’il tiendra le Bureau informé du jugement qui sera rendu dans cette affaire.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 105. Le comité note que le présent cas a trait au refus présumé d’une entreprise du secteur de l’énergie de permettre à un syndicat officiellement enregistré de développer des activités en son sein, à une campagne de répression présumée de cette entreprise à l’encontre des dirigeants et adhérents de ce syndicat, ainsi qu’au refus présumé des pouvoirs publics alertés par le syndicat de faire cesser les violations des droits syndicaux ou de faire appliquer des décisions de justice en faveur du syndicat.
  2. 106. Le comité prend note des allégations du SNATEGS, un syndicat du secteur de l’électricité et du gaz revendiquant 23 000 adhérents, qui dénonce le fait que, malgré qu’il soit officiellement enregistré depuis 2013, l’entreprise opérant dans ce secteur non seulement refuserait de lui accorder les facilités nécessaires pour développer ses activités, mais mènerait une véritable campagne de répression à l’encontre de ses membres afin de préserver la présence du syndicat d’entreprise historique. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, l’entreprise lui opposerait son caractère non représentatif pour motiver son refus de lui accorder les facilités auxquelles elle aurait droit en vertu de la loi.
  3. 107. A cet égard, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle il s’agirait en l’espèce d’interpréter les dispositions de la loi no 90-14 du 2 juin 1990 (sur les modalités d’exercice du droit syndical) relatives à la représentation syndicale au sein d’une entreprise, ici sous la forme d’un groupe constitué de sa direction, de 44 filiales et de 5 entreprises autonomes. Selon le service juridique de l’entreprise, les entreprises composant le groupe sont juridiquement autonomes, conformément au Code du commerce, et chacune d’elles est considérée, en vertu du droit, comme un organisme employeur indépendant des autres entités juridiques. A ce titre, tout syndicat constitué dans une entreprise du groupe ne peut être reconnu dans une autre. Partant de cette interprétation, l’entreprise considère qu’un syndicat représentatif des travailleurs de toutes les entités composant le groupe ne pourrait être que l’émanation, sous la forme d’une union ou d’une fédération de syndicats, des organisations syndicales préalablement constituées au niveau de chaque entreprise du groupe. Le gouvernement indique que la position du SNATEGS s’appuie sur le fait qu’il s’agit d’un syndicat enregistré au nom du groupe et qu’il peut, dès lors, mettre en place des structures au sein des entreprises composant le groupe. Le comité note en outre l’indication du SNATEGS selon laquelle les dispositions de la loi sur le caractère représentatif d’un syndicat ne devraient être prises en compte que dans le cadre de la négociation collective, et non en ce qui concerne l’exercice des activités syndicales.
  4. 108. A cet égard, le comité attire l’attention du gouvernement sur le fait qu’à de nombreuses occasions il a rappelé la position adoptée par la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations, à savoir que, lorsque la loi d’un pays établit une distinction entre le syndicat le plus représentatif et les autres syndicats, ce système ne devrait pas avoir pour effet d’empêcher les syndicats minoritaires de fonctionner et d’avoir au moins le droit de formuler des représentations au nom de leurs membres et de représenter ceux-ci dans les cas de réclamations individuelles. Par ailleurs, l’octroi de droits exclusifs à l’organisation la plus représentative ne devrait pas cependant signifier que l’existence d’autres syndicats auxquels certains travailleurs concernés souhaiteraient s’affilier soit interdite. Les organisations minoritaires devraient être autorisées à exercer leurs activités et à avoir au moins le droit de se faire les porte-parole de leurs membres et de les représenter. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1387 et 1388.] Par ailleurs, le comité observe que la loi no 90-14 détermine les modalités de la représentation syndicale au sein de l’entreprise dans ses articles 40 et suivants. L’article 40 en particulier dispose que, «dans toute entreprise publique ou privée et leurs lieux de travail distincts, lorsqu’elle en comporte, et dans tout établissement public, institution ou administration publique, toute organisation syndicale représentative au sens des articles 34 et 35 de la présente loi peut créer une structure syndicale conformément à ses statuts pour assurer la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres». Le comité observe en outre que les articles 34 à 36 de la loi déterminent les conditions dans lesquelles une organisation syndicale est considérée comme représentative. Enfin, les articles 46 et suivants de la loi déterminent les facilités à accorder aux délégations syndicales. Le comité ne dispose pas de données suffisantes pour apprécier le caractère représentatif du SNATEGS au sein de l’entreprise. Cependant, le comité attend du gouvernement qu’il veille au respect de ses décisions en application des principes de la liberté syndicale, rappelées ci-dessus, en ce qui concerne les droits des organisations minoritaires et qu’il prenne toutes les mesures adéquates pour s’assurer du respect des dispositions de la loi pour le SNATEGS, s’il s’avère qu’il satisfait aux conditions prévues pour être considéré représentatif.
  5. 109. Le comité note que, selon le gouvernement, le conflit dans l’entreprise trouverait son origine dans le fait que les membres du SNATEGS, qui ne faisaient pas partie des effectifs et qui ne disposaient pas de structures syndicales dans les entreprises concernées, faisaient campagne pour des adhésions sur les lieux de travail et durant les horaires de travail, ce qui constituerait une infraction aux dispositions du règlement intérieur de l’entreprise. Tout en observant que le gouvernement indique par ailleurs que les fondateurs du SNATEGS travaillaient dans trois entreprises filiales distinctes, le comité rappelle que les représentants des travailleurs devraient avoir accès à tous les lieux de travail dans l’entreprise lorsque leur accès à ces lieux est nécessaire pour leur permettre de remplir leurs fonctions de représentation. Les représentants syndicaux qui ne sont pas employés eux mêmes dans une entreprise, mais dont le syndicat compte des membres dans son personnel, devraient avoir accès à celle-ci. L’octroi de telles facilités ne devrait pas entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise intéressée. Enfin, le comité a déjà eu à suggérer à plusieurs occasions que, le cas échéant, les organisations syndicales et l’employeur pourraient conclure des accords de manière à ce que l’accès au lieu de travail durant les heures de travail ou en dehors de celles-ci soit reconnu aux organisations sans porter préjudice au fonctionnement de l’établissement ou du service. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1591, 1593 et 1599.]
  6. 110. A travers de nombreuses communications transmises entre avril 2016 et août 2017, le SNATEGS a fait état de mesures de harcèlement et de licenciements abusifs d’un grand nombre de ses dirigeants, en particulier son président, son secrétaire général, les membres de son bureau national ou encore ses délégués syndicaux dans différents wilayas. En avril 2016, le SNATEGS dénonçait en particulier les mesures de licenciements abusifs de son président, M. Abdallah Boukhalfa au motif d’un appel à la grève, pourtant lancé conformément aux dispositions de la loi no 02/90 relative à la prévention et au règlement des conflits collectifs du travail et à l’exercice du droit de grève et de la Constitution algérienne; de son secrétaire général, M. Boualem Bendiaf au motif d’avoir exercé des activités qui nuisent aux intérêts de l’entreprise; du secrétaire national chargé de l’organique et des relations internationales, M. Raouf Mellal, et du délégué syndical de la wilaya de Guelma, M. Mourad Semoudi, au motif d’adhésion à un syndicat «non autorisé» par l’employeur et d’avoir refusé d’adhérer à l’organisation syndicale déjà présente dans l’entreprise; du délégué syndical de la wilaya de Oued Souf, M. Khemis Chikha Belkacem, au motif d’avoir refusé la ponction sur salaire de 200 DA comme droit d’adhésion au syndicat d’entreprise; et du délégué syndical de la wilaya de Tipaza, M. Faouzi Maouche, suite à son adhésion au SNATEGS. Dans sa communication du 26 octobre 2016, le SNATEGS dénonce le harcèlement puis le licenciement d’une membre du comité des femmes du syndicat, Mme Sarah Benmaiche. Dans sa communication du 3 janvier 2017, le SNATEGS dénonçait des menaces de l’entreprise, mais aussi de la police, envers de jeunes membres du bureau national, ce qui a amené deux d’entre eux à présenter leur démission du syndicat. Dans sa communication du 9 mars 2017, le SNATEGS s’inquiétait de la situation du délégué syndical de la wilaya de Tizi Ouzou, M. Taleb Boukhalfa. Dans une communication en date du 6 août 2017, le SNATEGS transmettait une liste de 46 délégués syndicaux, membres du bureau national, des comités nationaux, des fédérations nationales et des sections syndicales des wilayas, licenciés abusivement par l’entreprise.
  7. 111. Le comité note que le gouvernement se limite à répondre à certains des cas de harcèlement et de licenciement soulevés. Dans l’ensemble, le gouvernement affirme que le motif de licenciements prononcés n’a aucun lien avec les activités syndicales. Il s’agit notamment du cas du président du syndicat, M. Abdallah Boukhalfa, et des membres du bureau national, MM. Mellal et Rouabhia, auxquels il était reproché des comportements relevant du domaine disciplinaire, notamment des perturbations et troubles sur les lieux de travail, et une tentative d’agression sur la personne d’un directeur d’unité en présence de témoins. La plainte déposée par la direction de l’unité en question a abouti à leur condamnation pour les motifs d’entrave à la liberté de travail. Ces derniers ont été condamnés à une amende de 2 000 DA, à la prise en charge des frais de justice et à 20 000 DA de dommages et intérêts. Pour le gouvernement, les licenciements des délégués syndicaux des wilayas, MM. Chikha Belkacem, Benzenache et Maouche, sont motivés, selon les décisions de la commission de discipline de l’entreprise, par des infractions au règlement intérieur et un comportement de nature à nuire au climat de travail. Le gouvernement indique que les travailleurs concernés ont saisi les services de l’inspection du travail pour tenter une conciliation. Toutefois, cette tentative s’est soldée par l’établissement d’un procès-verbal de non-conciliation. Suite à l’échec de la conciliation, M. Abdallah Boukhalfa a saisi le tribunal d’El-Harrouch en demandant sa réintégration pour licenciement abusif. Le tribunal d’El-Harrouch a rendu, en date du 15 décembre 2014, une décision portant annulation de la décision de licenciement et condamné l’entreprise au versement de 2 millions de DA pour licenciement abusif, de 50 000 DA de dommages et intérêts et de 400 DA pour la prise en charge des frais judiciaires. La Cour suprême, saisie d’un recours de l’entreprise en mars 2015, n’aurait pas encore statué. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de la décision de la Cour suprême sur cette affaire.
  8. 112. Le comité rappelle que l’un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi – licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables –, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. Le comité a estimé que la garantie de semblable protection dans le cas de dirigeants syndicaux est en outre nécessaire pour assurer le respect du principe fondamental selon lequel les organisations de travailleurs ont le droit d’élire librement leurs représentants. Cependant, le comité rappelle aussi que le principe suivant lequel un travailleur ou un dirigeant syndical ne doit pas subir de préjudice en raison de ses activités syndicales n’implique pas nécessairement le fait de détenir un mandat syndical doit conférer à son détenteur une immunité contre tout licenciement quelles que puissent être les circonstances de celui-ci. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1117 et 1119.] Notant avec préoccupation le nombre particulièrement élevé de délégués qui, selon l’organisation plaignante, ont été licenciés abusivement et rappelant que le gouvernement dispose d’une liste complète des délégués licenciés, le comité le prie instamment de faire procéder à des enquêtes afin d’établir les motifs de ces licenciements et, s’il s’avère que des licenciements ont été prononcés en raison d’activités syndicales légitimes, de prendre les mesures nécessaires pour permettre aux travailleurs licenciés d’obtenir leur réintégration dans leur poste de travail sans perte de rémunération, et d’appliquer à l’entreprise les sanctions légales pertinentes. Si la réintégration n’est pas possible pour des raisons objectives et impérieuses, les travailleurs concernés devraient être dûment indemnisés, cela de manière à constituer une sanction suffisamment dissuasive contre les licenciements antisyndicaux. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé sans délai des résultats des enquêtes.
  9. 113. Le comité note l’indication du SNATEGS selon laquelle, en 2015, la justice avait donné gain de cause à une déléguée syndicale, Mme Sarah Benmaiche, en constatant des mesures de harcèlement à son encontre et en ordonnant sa réintégration. Cependant, l’entreprise aurait refusé d’appliquer la décision de justice sans que les pouvoirs publics, notamment le ministère du Travail alerté par le SNATEGS, ne prennent de mesures de contrainte vis-à-vis de l’entreprise. Le comité prie instamment le gouvernement d’indiquer sans délai toute suite donnée à cette affaire, et en particulier si Mme Benmaiche a été réintégrée à son poste conformément à la décision de justice et si cette dernière continue d’exercer des activités syndicales.
  10. 114. Par ailleurs, le comité note les allégations relatives à des actions de contestation menées, notamment trois jours de grève «de la dignité» observés du 21 au 23 mars 2017, durant lesquels des marches et des sit-in ont été organisés dans les villes de Tizi Ouzou, de Bejaia et d’Alger. A cette occasion, le SNATEGS dénonce l’intervention systématique des forces de l’ordre pour empêcher les manifestants de rejoindre le point de rencontre en centre-ville, l’arrestation des délégués et dirigeants syndicaux, leur interrogatoire durant plusieurs heures par la police sous les insultes et les vexations. Enfin, le SNATEGS regrette que, à l’occasion du sit-in devant le ministère du Travail à Alger, les autorités ont non seulement refusé de recevoir une délégation syndicale qui était prête à présenter les revendications, mais elles aussi ont fait évacuer le lieu par les forces de l’ordre. Le comité note que, dans sa déclaration à la Commission de l’application des normes en 2017, le représentant gouvernemental a indiqué que la manifestation avait été organisée en violation des dispositions de la loi no 89-28 relative aux réunions et manifestations publiques, qu’elle avait pour objectif la perturbation et l’atteinte à l’ordre public et que, à ce titre, les manifestants se sont exposés aux sanctions prévues par la loi. L’intervention des services de l’ordre aurait été faite dans le respect de la loi et en conformité avec les standards internationaux en matière d’exercice de la liberté de manifestation pacifique. A cet égard, le comité croit utile de rappeler que, si les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels, les organisations syndicales doivent se comporter de manière responsable et respecter la manière pacifique dont le droit de réunion doit être exercé. En outre, les autorités ne devraient avoir recours à la force publique que dans des situations où l’ordre public serait sérieusement menacé. L’intervention de la force publique devrait rester proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d’éliminer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l’ordre public. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 208, 211 et 217.] Le comité souhaite également rappeler que l’arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ainsi que de dirigeants d’organisations d’employeurs dans l’exercice d’activités syndicales légitimes en rapport avec leur droit d’association, même si c’est pour une courte période, constitue une violation des principes de la liberté syndicale et attire l’attention du gouvernement sur le fait qu’il n’y a aucune chance qu’un système de relations professionnelles stables fonctionne harmonieusement dans un pays tant que des syndicalistes y seront soumis à des mesures d’arrestation et de détention. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 121 et 127.] Le comité attend du gouvernement qu’il veille au respect de ce qui précède.
  11. 115. S’agissant des allégations de harcèlement judiciaire envers M. Mellal, ancien secrétaire national chargé de l’organique et des relations internationales devenu entre-temps le président du syndicat et signataire de la plainte devant le comité, le comité note l’indication selon laquelle ce dernier a fait l’objet de poursuites suite au dépôt d’une plainte de l’entreprise en juillet 2016 pour détention illégale de documents. Selon le SNATEGS, M. Mellal ferait ainsi l’objet de représailles de l’entreprise pour avoir, dans le cadre de son mandat syndical, dénoncé une tarification excessive pratiquée par l’entreprise qui a dû prendre des mesures correctives suite à la divulgation de l’information à l’autorité de régulation des tarifs. Lors de son arrestation, M. Mellal aurait demandé sans succès auprès de la police judiciaire qui l’interrogeait la présentation des documents qu’on l’accusait de détenir illégalement. Malgré l’absence de preuve, ce dernier aurait été informé de sa condamnation par contumace le 15 décembre 2016 par le tribunal de Guelma à six mois de prison ferme et à une amende de 50 000 DA. Son recours contre le jugement a été rejeté en mai 2017.
  12. 116. Le comité prend note des indications réitérées du gouvernement selon lesquelles M. Mellal exerce la profession d’avocat et ne peut prétendre à défendre les intérêts de travailleurs d’une entreprise dans laquelle il ne travaille pas. Par ailleurs, le gouvernement indique que le président du SNATEGS, M. Abdallah Boukhalfa, a déposé plainte contre M. Mellal pour usurpation de fonction et qu’il tiendra le comité informé de l’issue de l’affaire. A cet égard, le comité prend note que le SNATEGS accuse le gouvernement d’ingérence dans ses activités en déclarant que M. Abdallah Boukhalfa demeure le président du syndicat, alors même que M. Mellal a été élu président entre-temps, ce que la justice a confirmé par une ordonnance du tribunal d’El-Harrouch (jugement no 0006/17 du 2 janvier 2017 fourni dans la plainte). Par ailleurs, le SNATEGS relève que le gouvernement se borne à déclarer que M. Mellal ne travaille pas dans l’entreprise et ne saurait ainsi prétendre représenter les travailleurs de l’entreprise en question, en omettant de préciser que ce dernier, avocat de formation et recruté en tant qu’attaché juridique par l’entreprise, a été licencié abusivement en 2013 en raison de son engagement syndical. Enfin, le SNATEGS précise que l’article 49 de ses statuts prévoit qu’aucun membre adhérent ne perd sa qualité d’adhérent du fait d’un licenciement arbitraire par son employeur. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue du recours que M. Abdallah Boukhalfa aurait intenté contre M. Mellal pour usurpation de fonction. Entre-temps, le comité demande instamment au gouvernement d’adopter une attitude de neutralité dans cette affaire, notamment de s’abstenir de toute déclaration pouvant être perçue comme une forme d’ingérence dans le fonctionnement du SNATEGS.
  13. 117. Le comité observe que, pour la CGATA, la campagne de répression menée à tous les niveaux contre le SNATEGS par l’entreprise est symptomatique de son refus de dialoguer avec le syndicat. La CGATA dénonce en outre l’intervention des forces de l’ordre pour casser un mouvement de grève lancé par le SNATEGS en mai 2017 et massivement suivi. Le comité note par ailleurs que dans leur communication du 20 décembre 2017 les organisations syndicales internationales qui appuient la plainte ont dénoncé la campagne de répression de l’entreprise contre les dirigeants et adhérents du SNATEGS depuis sa constitution en 2013, rappelant l’historique des mesures disciplinaires massives, l’arrestation et la condamnation de son président. Elles font part de leur préoccupation devant l’intensification des mesures de représailles de l’entreprise et du gouvernement contre le SNATEGS depuis la Conférence internationale du Travail de juin 2017. Elles demandent au gouvernement de s’assurer que les droits syndicaux du SNATEGS et de ses membres sont respectés, que l’entreprise cesse immédiatement sa campagne de répression et que les syndicalistes licenciés abusivement pour le simple fait d’avoir pris part à des activités syndicales sont réintégrés.
  14. 118. De manière générale, le comité note avec une profonde préoccupation le nombre élevé de dirigeants et d’adhérents du SNATEGS qui seraient touchés par les mesures discriminatoires de l’entreprise depuis la constitution du syndicat. Cette campagne de répression aurait ainsi touché près de 1 500 travailleurs depuis la constitution du syndicat, à travers des mesures de harcèlement, d’intimidation, d’agression, de congé forcé et de licenciement. Le comité est d’autant plus préoccupé par les allégations selon lesquelles les mesures discriminatoires se seraient intensifiées dernièrement, depuis la Conférence internationale du Travail de juin 2017. Le comité observe que le gouvernement ne conteste pas les chiffres avancés par le SNATEGS. En conséquence, le comité exhorte le gouvernement à adopter toutes les mesures nécessaires pour assurer des relations professionnelles apaisées au sein de l’entreprise et pour apporter une réponse aux faits graves de discrimination antisyndicale rapportés. A cette fin, le comité prie instamment le gouvernement de faire diligenter rapidement des enquêtes sur toutes les allégations de discrimination dont il est saisi et de le tenir informé. Le comité attend également du gouvernement qu’il veille à la bonne application des décisions de justice rendues en la matière. De telles mesures doivent contribuer à garantir un environnement à même de permettre au SNATEGS de développer ses activités sans ingérence ni intimidation.
  15. 119. Le comité observe que la Commission de l’application des normes a demandé en juin 2017 au gouvernement d’accepter une mission de contacts directs afin de déterminer les progrès accomplis sur les questions en suspens qui concernent un certain nombre d’éléments soulevés dans la présente plainte. Notant que la mission de contacts directs n’a pas encore eu lieu, le comité s’attend à ce que le gouvernement accepte cette mission afin de permettre de constater, en l’espèce, les mesures prises et les progrès accomplis pour garantir un climat exempt d’intimidation et sans violence contre le SNATEGS et ses membres.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 120. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité attend du gouvernement qu’il veille au respect de ses décisions en application des principes de la liberté syndicale en ce qui concerne le droit des organisations minoritaires à exercer leurs activités et représenter leurs membres. En outre, le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne toutes les mesures adéquates pour s’assurer du respect des dispositions de la loi pour le SNATEGS s’il s’avère qu’il satisfait aux conditions prévues pour être considéré comme représentatif.
    • b) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de la décision de la Cour suprême concernant l’affaire entre M. Abdallah Boukhalfa et l’entreprise suite au recours contre la décision du 15 décembre 2014 du tribunal d’El Harrouch.
    • c) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue du recours que M. Abdallah Boukhalfa aurait intenté contre M. Mellal pour usurpation de fonction. Entre-temps, le comité prie instamment le gouvernement d’adopter une attitude de neutralité dans cette affaire, notamment de s’abstenir de toute déclaration pouvant être perçue comme une forme d’ingérence dans le fonctionnement du SNATEGS.
    • d) Le comité prie instamment le gouvernement d’indiquer sans délai si Mme Benmaiche a été réintégrée à son poste conformément à la décision de justice rendue et si cette dernière continue d’exercer des activités syndicales.
    • e) Notant avec préoccupation le nombre particulièrement élevé de délégués qui, selon l’organisation plaignante, ont été licenciés abusivement et rappelant que le gouvernement dispose d’une liste complète des délégués licenciés, le comité le prie instamment de faire procéder à des enquêtes afin d’établir les motifs de ces licenciements et, s’il s’avère que des licenciements ont été prononcés en raison d’activités syndicales légitimes, de prendre les mesures nécessaires pour permettre aux travailleurs licenciés d’obtenir leur réintégration dans leur poste de travail sans perte de rémunération, et d’appliquer à l’entreprise les sanctions légales pertinentes. Si la réintégration n’est pas possible pour des raisons objectives et impérieuses, les travailleurs concernés devraient être dûment indemnisés, cela de manière à constituer une sanction suffisamment dissuasive contre les licenciements antisyndicaux. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé sans délai des résultats des enquêtes.
    • f) Le comité exhorte le gouvernement à adopter toutes les mesures nécessaires pour assurer des relations professionnelles apaisées au sein de l’entreprise et pour apporter une réponse aux faits graves de discrimination antisyndicale rapportés. A cette fin, le comité prie instamment le gouvernement de diligenter rapidement des enquêtes sur toutes les allégations de discrimination dont il est saisi et de le tenir informé. Le comité attend également du gouvernement qu’il veille à la bonne application des décisions de justice rendues en la matière. De telles mesures doivent contribuer à garantir un environnement à même de permettre au SNATEGS de développer ses activités sans ingérence ni intimidation.
    • g) Notant que la mission de contacts directs demandée par la Commission de l’application des normes en juin 2017 n’a pas encore eu lieu, le comité s’attend à ce que le gouvernement accepte cette mission afin de permettre de constater, pour les éléments qui concernent la présente plainte, les mesures prises et les progrès accomplis pour garantir un climat exempt d’intimidation et sans violence contre le SNATEGS et ses membres.
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