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Rapport définitif - Rapport No. 85, 1966

Cas no 271 (Chili) - Date de la plainte: 25-AOÛT -61 - Clos

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  1. 15. Le Comité a déjà soumis au Conseil d'administration plusieurs rapports intérimaires sur le cas présent. A sa réunion de mai 1965, il a soumis au Conseil d'administration la recommandation contenue au paragraphe 124 de son quatre-vingt-troisième rapport, qui est ainsi conçue:
  2. 124. Le Comité a pris note avec intérêt de la communication du gouvernement citant le dispositif du jugement prononcé par la Cour suprême. Toutefois, étant donné que la Cour se réfère aux sentences prononcées en première et en deuxième instance, dans lesquelles les raisons des mesures prises à l'égard de M. Sánchez Ossandón semblent avoir été analysées longuement, à la lumière des éléments de fait et de droit constatés durant l'instruction, le Comité recommande au Conseil d'administration de prier le gouvernement de bien vouloir communiquer le texte des sentences et de leurs attendus, afin de disposer de tous les éléments nécessaires lui permettant d'arriver à une conclusion dans ce cas.
  3. 16. Le quatre-vingt-troisième rapport a été approuvé par le Conseil d'administration à sa 162ème session (mai juin 1965) et la demande contenue au paragraphe 124 de ce même rapport a été communiquée au gouvernement par lettre datée du 8 juin 1965.
  4. 17. La plainte originale figure dans une communication en date du 25 août 1961 adressée au B.I.T par la Confédération des employés de l'industrie et du commerce du Chili. Cette organisation a complété les informations contenues dans sa première communication par une lettre datée du 20 octobre 1961. La Confédération des employés privés du Chili a présenté une plainte dans le même sens par lettre du 4 octobre 1961. Le contenu de ces communications, ainsi que les renseignements complémentaires fournis par la Confédération des employés de l'industrie et du commerce du Chili dans sa communication du 31 janvier 1962, a été transmis en temps utile au gouvernement.
  5. 18. Le gouvernement du Chili a fait parvenir sa première réponse par communication en date du 20 novembre 1961.
  6. 19. Le Chili n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations relatives au congédiement d'un dirigeant syndical

A. Allégations relatives au congédiement d'un dirigeant syndical
  1. 20. Les plaignants allèguent que M. Enrique Sánchez Ossandón, président de la Confédération des employés de l'industrie et du commerce du Chili et membre de la Commission centrale mixte des traitements, qui travaillait à la manufacture de cuivre de la Société Madeco S.A., a été congédié par cette société pour s'être rendu à Genève en qualité de conseiller technique des travailleurs du Chili, à l'occasion de la 45ème session de la Conférence internationale du Travail, qui s'est tenue en juin 1961. Les plaignants ajoutent que M. Sánchez Ossandón avait été désigné pour prendre part à la Conférence par décret no 412, du 2 juin 1961; que ce même jour, M. Sánchez Ossandón a donné communication de ce fait à l'entreprise, en priant en même temps le ministère du Travail de bien vouloir communiquer sa désignation à la Société par la voie officielle, ce qui fut fait le 5 juin; que dans sa réponse au message du ministère, la Société Madeco avait déclaré qu'elle se réservait les droits en rapport avec la situation créée par M. Sánchez Ossandón, qui s'absentait de son travail sans autorisation de l'employeur. Les plaignants ont joint copie de divers documents comme preuve de leurs assertions, en ajoutant que, lorsque M. Sánchez Ossandón rentra au Chili et se présenta pour reprendre son travail, il n'y fut pas admis par l'entreprise, qui lui notifia la cessation de ses fonctions; M. Sánchez Ossandón porta ces faits le 2 août à la connaissance de l'Inspection du travail, tout en demandant au tribunal du travail d'ordonner sa réintégration, vu qu'il jouissait du privilège syndical, puisqu'il est membre de la Commission centrale mixte des traitements et, de surcroît, président de la Confédération des syndicats professionnels des travailleurs de la métallurgie. M. Sánchez Ossandón a informé de ces faits le ministère du Travail, qui intervint, selon les plaignants, auprès de l'entreprise, sans pouvoir amener celle-ci à changer d'attitude. Les plaignants ajoutaient que l'attitude de la Société Madeco ne représentait rien d'autre que la poursuite d'une politique de persécution contre M. Sánchez Ossandón, politique qui n'avait pas d'autre cause que les activités syndicales de ce dernier.
  2. 21. Dans sa réponse du 20 novembre 1961, le gouvernement déclarait que dès que les autorités compétentes eurent connaissance de cette affaire, elles donnèrent pour instructions aux services du travail de vérifier les faits et d'exiger le respect des règles qui protègent les droits des dirigeants syndicaux. Le gouvernement ajoutait que, devant le refus de l'entreprise de réintégrer dans ses fonctions M. Sánchez Ossandón, l'Inspection provinciale du travail avait saisi les tribunaux du travail d'une plainte pour infraction aux dispositions en vigueur, lesquelles interdisent le renvoi ou la suspension de dirigeants syndicaux sans autorisation judiciaire préalable. Le gouvernement faisait savoir en outre que, dans une lettre de l'administrateur général de l'entreprise, celui-ci affirmait que M. Sánchez Ossandón n'avait pas été renvoyé, mais que son contrat de travail avait pris fin pour des causes légales, à savoir de fréquentes absences et l'abandon de son travail à l'occasion de son voyage à Genève.
  3. 22. Au cours de ses réunions d'octobre 1962 et de mai 1963, le Comité a examiné les informations complémentaires fournies par le gouvernement à la demande du Comité. Il ressort de ces informations que, si la Société Madeco a été finalement condamnée à payer une amende à la suite de la plainte déposée par les autorités du travail, M. Sánchez Ossandón n'a pas été réintégré dans son emploi et qu'il n'a reçu aucune indemnité, car la demande qu'il a formulée à cet égard contre la Société est toujours pendante devant les tribunaux du travail.
  4. 23. Par une lettre du 21 décembre 1963, le gouvernement informait le Comité qu'en première instance il n'avait pas été fait droit à la demande de M. Sánchez Ossandón, mais qu'un recours avait été interjeté. Le gouvernement promettait d'envoyer copie du jugement lorsque celui-ci aurait acquis force de chose jugée. Dans l'attente de nouveaux renseignements du gouvernement, le Comité a décidé d'ajourner l'examen du cas à ses 35ème, 36ème, 37ème, 38ème et 39ème sessions, en insistant pour que le gouvernement lui fasse parvenir le plus rapidement possible les renseignements demandés.
  5. 24. A sa 40ème session, le Comité a pris note de la communication du gouvernement en date du 17 mars 1965, selon laquelle le jugement de seconde instance avait été partiellement favorable à M. Sánchez Ossandón; toutefois, celui-ci ayant recouru devant la Cour suprême, ce tribunal a rendu son jugement le 3 juillet 1964 en confirmant dans toutes ses parties la décision prise en première instance. Cependant, comme il se pouvait que les jugements de première et de seconde instance, dont le texte n'a pas été communiqué par le gouvernement, contiennent des éléments utiles pour parvenir à une conclusion dans cette affaire, le Comité a recommandé au Conseil d'administration, au paragraphe 124 de son quatre-vingt-troisième rapport, de prier le gouvernement de bien vouloir communiquer le texte de ces jugements et de leurs attendus.
  6. 25. Par une communication du 20 août 1965, le gouvernement du Chili a remis au Comité les textes de ces jugements, rendus le 30 octobre 1963 pour le jugement de première instance et le 8 mai 1964 pour le jugement de deuxième instance.
  7. 26. Il ressort de la lecture du jugement de première instance, confirmé par la Cour suprême, qu'une deuxième demande déposée par M. Sánchez Ossandón contre la Société Madeco s'est ajoutée à la première pendant le procès. La première visait à la réintégration du demandeur dans un emploi d'où il avait été transféré à un autre poste de catégorie inférieure ou, à défaut, à ce que soit prononcée la résiliation du contrat et que l'entreprise soit condamnée au paiement d'une indemnité. Dans cette demande, M. Sánchez Ossandón accusait l'entreprise de mener contre lui une campagne de persécution systématique motivée par ses activités syndicales. Dans sa seconde requête, M. Sánchez Ossandón demandait qu'il soit ordonné à l'entreprise de le réintégrer dans l'emploi dont il avait été destitué à son retour de Genève et de lui payer la rémunération qu'il aurait dû recevoir depuis sa destitution ou, à défaut, que le contrat soit annulé et que l'entreprise soit condamnée à lui verser une indemnité.
  8. 27. Selon les considérants du jugement, si le transfert décidé par l'entreprise implique bien un abaissement dans la hiérarchie professionnelle, il ne viole pas le contrat de travail ni ne méconnaît le statut de M. Sánchez Ossandón, puisque, en ce qui concerne le premier point, les termes de ce contrat n'avaient pas été établis en fonction du poste pour lequel M. Sánchez Ossandón a été engagé, et que sa rémunération n'a pas été modifiée; d'autre part, en ce qui concerne le second point, le demandeur a pu continuer à exercer ses fonctions de membre de la Commission centrale mixte des traitements. Le jugement ajoutait qu'il n'avait pas été démontré au cours de la procédure que l'abaissement du demandeur dans la hiérarchie professionnelle ait fait partie d'une campagne systématique visant à entraver l'activité de M. Sánchez Ossandón en tant que représentant syndical. De son côté, M. Sánchez Ossandón s'est rendu coupable à maintes reprises de retards, d'absences et d'abandon anticipé de son travail, faits qui constituent des infractions graves au contrat de travail et des causes de résiliation selon le paragraphe 10 de l'article 164 du Code du travail. Il est mentionné en outre dans les considérants que le demandeur ne s'est pas présenté au travail les 17 et 18 mai 1961, et cela sans justification, ce qui constitue une cause de résiliation de la relation de travail aux termes de l'alinéa 1 de ce même article. Néanmoins, le juge estime qu'il n'y a pas lieu de déclarer le contrat résilié pour ce dernier motif, étant donné que le demandeur a repris ses occupations sans que l'entreprise ait protesté à ce sujet. Par contre, en ce qui concerne le voyage du demandeur à Genève pour assister, en qualité de conseiller technique des travailleurs, à la 45ème session de la Conférence internationale du Travail, il est établi que cette réunion a pris fin le 29 juin 1961 et que le demandeur n'a repris son travail que le 2 août. Aux termes des considérants, l'absence du demandeur pendant la durée de la Conférence, y compris quelques jours avant le début de la session et après la fin de la session, était justifiée du fait que l'article 40 de la Constitution de l'O.I.T, dont le Chili est Membre, dispose que les délégués à la Conférence jouissent des privilèges et immunités qui leur sont nécessaires pour exercer, en toute indépendance, leurs fonctions en rapport avec l'Organisation. Le juge considère que le retard de trente-deux jours avec lequel M. Sánchez Ossandón a repris son travail n'a pas été justifié au cours de la procédure, et il a estimé qu'en prévoyant le 16 juillet comme date de retour du demandeur, on aurait fait preuve de prudence, puisque c'est à cette date qu'un témoin, qui a également assisté à la 45ème session de la Conférence, déclare être rentré au Chili. Pour les motifs exposés dans les considérants, le juge n'a pas reconnu valables les raisons invoquées par M. Sánchez Ossandón pour justifier son retour tardif. D'autre part, le juge considère que les sentences rendues en raison de la plainte déposée par l'Inspection provinciale du travail pour le renvoi arbitraire de M. Sánchez Ossandón n'ont eu aucune influence sur le jugement, puisque cette plainte concerne uniquement le fait que l'entreprise a agi à cet égard sans observer les formalités légales.
  9. 28. Par le dispositif du jugement, M. Sánchez Ossandón a été débouté de ses demandes, tandis que les demandes reconventionnelles de l'entreprise étaient admises, mais pour autant seulement que la résiliation du contrat qui liait les parties prenne effet le 16 juillet, le demandeur étant exonéré de tous dépens.

29. Le Comité prend note, sur la base des textes communiqués par le gouvernement, du fait que la résiliation du contrat de travail qui liait M. Sánchez Ossandón à la Société Madeco a été fondée par jugement définitif du tribunal compétent, sur la cause prévue au paragraphe 1 de l'article 164 du Code du travail du Chili, qui est ainsi conçu:

29. Le Comité prend note, sur la base des textes communiqués par le gouvernement, du fait que la résiliation du contrat de travail qui liait M. Sánchez Ossandón à la Société Madeco a été fondée par jugement définitif du tribunal compétent, sur la cause prévue au paragraphe 1 de l'article 164 du Code du travail du Chili, qui est ainsi conçu:
  1. Art. 164. Sont des causes de résiliation du contrat:
  2. 1° L'abandon de l'emploi pour deux jours consécutifs, sans justification;
  3. ......................................................................................................................................................
  4. 30. Le Comité relève que M. Sánchez Ossandón semble avoir bénéficié des garanties d'une procédure judiciaire régulière, au cours d'un long procès qui s'est terminé par le prononcé du jugement de la Cour suprême le 3 juillet 1964.
  5. 31. De plus, le Comité prend note avec satisfaction du fait que, pour rendre son jugement, le juge a tenu compte du principe énoncé à l'article 40 de la Constitution de l'O.I.T, qui se réfère aux garanties et immunités dont doivent jouir les délégués à la Conférence internationale du Travail. Le Comité rappelle en outre qu'en examinant dans son soixante-dixième rapport les allégations formulées dans ce même cas par la Confédération des employés de l'industrie et du commerce du Chili, allégations en rapport avec le fait que cette organisation n'a pas présenté de candidats pour la délégation des travailleurs à la Conférence internationale du Travail par crainte de représailles patronales, il avait relevé que le gouvernement avait non seulement qualifié d'exceptionnelle la situation faite à M. Sánchez Ossandón, mais qu'il avait déclaré que les autorités avaient pris et prendraient toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder l'« inamovibilité » syndicale, conformément aux lois en vigueur.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 32. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre note des renseignements complémentaires communiqués par le gouvernement dans sa lettre du 20 août 1965 et de décider que le cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
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