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Rapport intérimaire - Rapport No. 86, 1966

Cas no 451 (Bolivie (Etat plurinational de)) - Date de la plainte: 26-JUIL.-65 - Clos

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  1. 126. La plainte de la Confédération latino-américaine des syndicalistes chrétiens (C.L.A.S.C) figure dans une communication envoyée directement à l'O.I.T le 26 juillet 1965. Le texte en a été envoyé au gouvernement, qui a fait connaître ses observations en date du ter septembre 1965.
  2. 127. La Bolivie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, mais non la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
  3. 128. La C.L.A.S.C avait joint à sa communication du 26 juillet 1965 le texte de quatre décrets présidentiels, les décrets no 07171, du 17 mai 1965, no 07172, du 18 mai 1965, no 07204, du 3 juin 1965, et no 07205, du 3 juin 1965.

129. Les plaignants allèguent que ces décrets violent de manière flagrante les dispositions de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la Bolivie, car ces textes tendent à placer le mouvement syndical sous le contrôle de l'actuelle Junte militaire du gouvernement, en créant un syndicat unique à tous les échelons, de la section locale à la centrale nationale. Ils allèguent également que les quatre décrets en question constituent dans la pratique une nouvelle loi générale du travail car leurs dispositions prescrivent de nouvelles normes, jusque sur des points de détail, pour tout ce qui concerne l'organisation syndicale. Les plaignants ajoutent qu'ont été déclarées nulles toutes les élections antérieures au 17 mai 1965, date du premier des quatre décrets en question, et que, par conséquent, les dirigeants sont empêchés d'exercer leurs fonctions habituelles. Ces décrets, continuent les plaignants, fixent au 26 juillet 1965 la date à laquelle tous les syndicats devront procéder à l'élection de nouveaux dirigeants en présence d'un fonctionnaire du ministère du Travail, qui dressera son propre procès-verbal de la réunion; avant la date des élections, le syndicat devra communiquer au ministère du Travail la liste des candidats, sur laquelle le ministère pourra biffer les sujets qu'il considère comme « contaminés politiquement »; après les élections, la liste des élus devra être communiquée au ministère, qui pourra de nouveau y biffer qui bon lui semblera. Selon les plaignants, les décrets insistent sur le fait que les dirigeants syndicaux ne doivent pas être affiliés à des partis politiques, ni être en relation avec eux; ils prévoient en outre que personne ne pourra être réélu à l'échéance de son mandat syndical d'une année. Les plaignants estiment que cette disposition est très fâcheuse pour le mouvement syndical d'un pays insuffisamment développé où sont trop peu nombreux les éléments voulus pour renouveler chaque année les cadres de chaque syndicat, fédération et confédération. Enfin, les plaignants relèvent que l'interprétation des normes en matière de dissolution d'un syndicat, contenues dans les décrets, n'est pas claire, car ces normes prévoient la dissolution des syndicats pour des motifs tels que le sabotage; cette notion comporte une marge d'interprétation excessive, ce qui pourrait fournir à la Junte un nouveau moyen d'intervenir en force dans les affaires syndicales.

129. Les plaignants allèguent que ces décrets violent de manière flagrante les dispositions de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la Bolivie, car ces textes tendent à placer le mouvement syndical sous le contrôle de l'actuelle Junte militaire du gouvernement, en créant un syndicat unique à tous les échelons, de la section locale à la centrale nationale. Ils allèguent également que les quatre décrets en question constituent dans la pratique une nouvelle loi générale du travail car leurs dispositions prescrivent de nouvelles normes, jusque sur des points de détail, pour tout ce qui concerne l'organisation syndicale. Les plaignants ajoutent qu'ont été déclarées nulles toutes les élections antérieures au 17 mai 1965, date du premier des quatre décrets en question, et que, par conséquent, les dirigeants sont empêchés d'exercer leurs fonctions habituelles. Ces décrets, continuent les plaignants, fixent au 26 juillet 1965 la date à laquelle tous les syndicats devront procéder à l'élection de nouveaux dirigeants en présence d'un fonctionnaire du ministère du Travail, qui dressera son propre procès-verbal de la réunion; avant la date des élections, le syndicat devra communiquer au ministère du Travail la liste des candidats, sur laquelle le ministère pourra biffer les sujets qu'il considère comme « contaminés politiquement »; après les élections, la liste des élus devra être communiquée au ministère, qui pourra de nouveau y biffer qui bon lui semblera. Selon les plaignants, les décrets insistent sur le fait que les dirigeants syndicaux ne doivent pas être affiliés à des partis politiques, ni être en relation avec eux; ils prévoient en outre que personne ne pourra être réélu à l'échéance de son mandat syndical d'une année. Les plaignants estiment que cette disposition est très fâcheuse pour le mouvement syndical d'un pays insuffisamment développé où sont trop peu nombreux les éléments voulus pour renouveler chaque année les cadres de chaque syndicat, fédération et confédération. Enfin, les plaignants relèvent que l'interprétation des normes en matière de dissolution d'un syndicat, contenues dans les décrets, n'est pas claire, car ces normes prévoient la dissolution des syndicats pour des motifs tels que le sabotage; cette notion comporte une marge d'interprétation excessive, ce qui pourrait fournir à la Junte un nouveau moyen d'intervenir en force dans les affaires syndicales.
  1. 130. Dans sa réponse du 1er septembre 1965, le gouvernement déclare que la Junte militaire s'est vue obligée d'assurer le pouvoir à un moment où la démagogie et la prépondérance du parti dirigeant menaçaient d'entraîner le pays dans l'anarchie et où les syndicats exerçaient une dictature rigoureuse sur la masse ouvrière, dont ils n'étaient du reste plus les représentants légitimes. Il ajoute que les syndicats possédaient des moyens de propagande modernes, tels que des émetteurs de radio puissamment équipés et d'une grande capacité de déplacement, au moyen desquels ils incitaient la masse ouvrière à se révolter contre le nouveau gouvernement; à cela s'ajoutait le fait que les dirigeants syndicaux excitaient le peuple à faire usage des armes dont les travailleurs avaient été dotés à des fins exclusivement politiques. Selon le gouvernement, il n'y avait pas d'autre possibilité que de promulguer les décrets en question pour éliminer les dirigeants corrompus et assainir les milieux syndicaux; on cherchait ainsi à faire occuper les postes importants par des éléments nouveaux. L'action, continue le gouvernement, a été conduite avec une parfaite équité et les dirigeants qui le désiraient ont quitté librement le pays. Se référant aux décrets en question, le gouvernement ajoute qu'il s'agit de mesures provisoires destinées à pacifier le pays et à redonner une structure saine aux institutions, dont il considère que les organisations syndicales constituent l'un des meilleurs soutiens, à condition de représenter la volonté de la majorité des membres à la base et non pas des secteurs fermés agissant en vertu de consignes politiques sans se préoccuper des intérêts légitimes des masses ouvrières. Enfin, le gouvernement déclare que les décrets attaqués par la C.L.A.S.C ont été et ne seront appliqués que dans les cas où il n'y aura pas d'autre solution et que, d'ailleurs, les tribunaux, composés de juges impartiaux, sont accessibles à ceux qui se croiraient lésés et leur permettent d'intenter une action judiciaire avec toutes les garanties nécessaires et sans aucune crainte, connue beaucoup l'ont fait.
  2. 131. Le Comité constate que trois des quatre décrets en question - le décret no 07171, du 17 mai 1965, le décret no 07172, du 18 mai 1965, portant réglementation du précédent, et le décret no 07205, du 3 juin 1965, qui complète les deux textes précédents - ont essentiellement pour objet la réorganisation des organismes syndicaux et les élections nécessaires à cet effet. Le quatrième, le décret no 07204, du 3 juin 1965, est de caractère plus général; il complète les modalités d'application du titre IX du décret présidentiel du 23 août 1943, réglementant la loi générale du travail. Compte tenu de ce fait, les allégations relatives à des ingérences dans le droit des syndicats à élire leurs représentants et les allégations relatives à d'autres dispositions du décret no 07204 seront examinées ci-après séparément.
  3. Allégations relatives à des ingérences dans le droit des syndicats d'élire leurs représentants
  4. 132. Les plaignants allèguent qu'après avoir déclaré nulles toutes les élections syndicales antérieures au 17 mai, le gouvernement a adopté quatre décrets (portant les numéros 07171, 07172, 07204 et 07205) qui posent toute une série de conditions au sujet de l'organisation des élections et des candidatures à ces dernières, en violation des dispositions de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
  5. 133. Le gouvernement admet l'existence de ces décrets que, dit-il, il a été tenu d'adopter comme étant la seule manière d'éliminer les dirigeants corrompus et d'assainir les milieux syndicaux, les anciens dirigeants syndicaux exerçant une dictature rigoureuse sur la masse ouvrière qu'ils ne représentaient d'ailleurs plus légitimement. Le gouvernement déclare aussi que les décrets en question ont été adoptés sans perdre de vue qu'il s'agissait de mesures provisoires et que ces dernières n'ont été et ne seront appliquées que dans les cas où il n'existerait pas d'autre solution.
  6. a) Allégations relatives à l'intervention des autorités dans les élections syndicales
  7. 134. Le décret no 07171 dispose, en son article 2, que tous les syndicats de la République devront réorganiser leur comité directeur, au moyen d'élections démocratiques qui devront avoir lieu dans le délai de quarante jours à partir de la date où seront réorganisés les organes syndicaux de l'échelon départemental et de l'échelon national. Le décret no 07172 contient en son article 4 une disposition analogue. En son article 5, le décret no 07205 fixe le 26 juin 1965 comme date des élections, et, à son article 10, ce même décret prévoit que, pour être valables, les élections devront être présidées par un représentant du ministère du Travail et de la Sécurité sociale ou par un représentant de l'autorité civile ou militaire de l'endroit. En son article 6, le décret no 07172 prévoit que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale ne reconnaîtra que les comités directeurs élus conformément à ces prescriptions. Ce même décret dispose en outre, en son article 7, que les travailleurs qui briguent un mandat syndical devront faire connaître leur candidature (laquelle précisera les données personnelles les concernant) aux autorités du ministère du Travail dix jours avant la date prévue pour les élections, faute de quoi leur élection serait nulle; en son article 8, ce même décret prévoit que, pour permettre le libre jeu de la démocratie dans chaque syndicat, deux candidats au moins devront briguer chaque mandat. Enfin, selon l'article 11 du décret no 07205, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale - après s'être assuré, dans chaque cas, que les conditions fixées par les décrets présidentiels nos 07171, 07172 et 07205 ont été respectées - édictera une résolution ministérielle approuvant la composition du comité directeur, formalité sans laquelle ce dernier serait dépourvu d'existence légale et d'authenticité.
  8. 135. Le Comité a souligné à plusieurs reprises l'importance qu'il a toujours attachée au principe selon lequel les organisations de travailleurs doivent avoir le droit d'élire leurs représentants en toute liberté, élément essentiel de la liberté syndicale, qui exige l'absence de toute intervention gouvernementale tendant à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal 1. Or le Comité constate que les décrets mentionnés contiennent plusieurs dispositions qui impliquent une intervention des autorités publiques dans les diverses phases des élections, intervention qui commence à s'exercer par la soumission préalable, au ministère du Travail, des noms des candidats et de leurs données personnelles, qui se poursuit par la présence aux élections d'un représentant du ministère du Travail ou des autorités civiles ou militaires, et qui atteint son point extrême dans l'approbation, par une résolution ministérielle, du comité directeur, formalité sans laquelle ce dernier serait dépourvu d'existence légale. Dans un cas antérieur, le Comité a constaté qu'il existait, dans plusieurs pays, des dispositions législatives aux termes desquelles un fonctionnaire indépendant des autorités publiques - par exemple un préposé à l'enregistrement des syndicats - pouvait prendre des mesures, sous réserve d'un recours aux tribunaux, en cas de plainte ou de motifs raisonnables de supposer qu'une élection syndicale était contraire aux statuts de l'organisation intéressée ou entachée d'irrégularités. Ici encore, les irrégularités de cet ordre pouvaient donner lieu à une action devant les tribunaux ordinaires. Cependant, le Comité a estimé que la situation était toute différente lorsqu'il est dit, en termes généraux, que l'élection ne peut être valable qu'après avoir été homologuée par les autorités administratives, et il a rappelé que la Commission d'experts de l'O.I.T pour l'application des conventions et recommandations avait noté que de telles dispositions sont incompatibles avec le principe consacré à l'article 3, paragraphe 2, de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, selon lequel les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit de ces organisations d'élire librement leurs représentants ou à entraver l'exercice légal de ce droit.
  9. 136. Par conséquent, le Comité, tout en prenant note de la déclaration du gouvernement selon laquelle les décrets en question seraient des mesures provisoires qui n'auraient été et ne seraient appliquées que dans les cas où il n'existerait pas d'autre solution, estime que ces textes sont incompatibles avec le principe du droit d'organiser des élections libres rappelé ci-dessus.
  10. 137. Compte tenu de ces circonstances, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que les dispositions des décrets nos 07171, 07172 et 07205 relatives à l'intervention des autorités publiques dans les différentes étapes du processus des élections syndicales sont incompatibles avec les garanties reconnues aux syndicats par la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par la Bolivie, et de lui suggérer par conséquent d'étudier la possibilité de modifier lesdits textes de manière à permettre aux organisations syndicales d'élire librement leurs représentants, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention qui tendrait à limiter ces droits ou à en entraver l'exercice légal.
  11. b) Allégations relatives aux personnes qui peuvent être élues en tant que dirigeants syndicaux
  12. 138. L'article 3 du décret no 07171 déclare que, pour faire partie du comité directeur d'une organisation syndicale quelconque, le candidat devra être occupé activement dans l'entreprise ou l'entité patronale en question, et l'article 3 du décret no 07172 ajoute que l'activité de dirigeant syndical devient automatiquement caduque lorsque l'intéressé cesse de faire partie du personnel de l'entreprise ou de l'entité patronale, lorsqu'il exerce une fonction politique active ou qu'il effectue un travail distinct de celui de l'entreprise où il est occupé et étranger à cette dernière. Parmi les autres conditions exigées des candidats à un mandat syndical, l'article 7 du décret no 07204 prévoit l'absence de toute condamnation antérieure à une peine corporelle prononcée par les tribunaux judiciaires et une ancienneté d'au moins une année en qualité de travailleur ordinaire dans l'entreprise. L'article 8 du même décret précise que la durée du mandat syndical est d'une année et que nul ne pourra être réélu immédiatement, que ce soit dans le même organisme ou dans un autre, de degré supérieur.
  13. 139. Le Comité a examiné dans plusieurs cas antérieurs si les conditions auxquelles est subordonné le droit de se présenter à une élection syndicale sont compatibles avec le droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants.
  14. 140. Au sujet des dispositions qui exigent que les candidats soient occupés activement dans l'entreprise ou l'entité patronale intéressée et qui veulent que la perte de l'emploi entraîne celle de la qualité de dirigeant syndical, le Comité a estimé, dans un cas antérieur, que si le congédiement d'un membre du comité directeur entraînait automatiquement la perte de son droit de participer à l'administration du syndicat, cela signifierait que la direction de l'entreprise pourrait, par ce moyen, « faire obstacle au droit des travailleurs d'élire leurs propres représentants, droit qui constitue l'un des principes fondamentaux de la liberté d'association ». Le Comité rappelle en outre que la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a déclaré que si les dispositions de la législation nationale prévoient que tous les dirigeants syndicaux doivent appartenir à la profession dans laquelle l'organisation exerce son activité, les garanties prévues par la convention risquent d'être mises en cause. En effet, dans de tels cas, le licenciement d'un travailleur dirigeant syndical peut, en lui faisant perdre ainsi sa qualité de dirigeant syndical, porter atteinte à la liberté d'action de l'organisation et à son droit d'élire librement ses représentants et, même, favoriser des actes d'ingérence de la part de l'employeur.
  15. 141. Au sujet de l'interdiction d'occuper un poste de dirigeant syndical faite aux personnes condamnées pour délit, le Comité a fait observer, dans un cas analogue - où « la condamnation prononcée par toute juridiction, sauf pour délits politiques, ou la condamnation à une peine de prison d'un mois ou davantage » figuraient parmi les causes d'incompatibilité avec une charge syndicale ou d'interdiction d'une telle charge -, que cette disposition générale peut être interprétée de manière à écarter des postes de dirigeant syndical des personnes condamnées pour des activités en rapport avec l'exercice des droits syndicaux, telles qu'un délit de presse, limitant ainsi le droit des syndicalistes à élire librement leurs représentants.
  16. 142. Dans le cas d'espèce, le Comité estime que l'interdiction est si vaste qu'elle peut englober aussi des délits qui ne sont pas de nature à porter atteinte à l'exercice correct des fonctions de dirigeant syndical.
  17. 143. Pour ce qui est de l'interdiction de la réélection des dirigeants syndicaux, le Comité rappelle l'opinion, émise par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, selon laquelle une telle disposition n'est pas compatible avec l'article 3, paragraphe 1, de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, aux termes duquel les organisations ont le droit « d'élire librement leurs représentants ». Le Comité fait totalement sienne cette opinion et il estime, en outre, que cette interdiction peut avoir des conséquences graves pour le développement normal d'un mouvement syndical là où ce dernier ne peut pas compter sur un nombre suffisant de personnes capables d'exercer de la manière voulue les fonctions de dirigeant syndical.
  18. 144. Par conséquent, le Comité estime que les conditions auxquelles les décrets nos 07171, 07172 et 07204 subordonnent la possibilité d'une réélection à un poste de dirigeant syndical, conditions rappelées dans les paragraphes qui précèdent, ne sont pas compatibles avec le droit que doivent posséder tous les travailleurs d'élire librement leurs représentants.
  19. 145. Compte tenu de ces circonstances, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que les dispositions des décrets nos 07171, 07172 et 07274 qui subordonnent l'élection à un poste de dirigeant syndical à diverses conditions (être occupé activement dans l'entreprise considérée et n'avoir pas été condamné pour délit), et qui interdisent le renouvellement du mandat des dirigeants syndicaux, ne sont pas compatibles avec le droit d'élire librement leurs représentants, garanti à tous les travailleurs par la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et, par conséquent, de suggérer au gouvernement d'étudier une modification de ces textes qui permettrait aux organisations syndicales d'élire librement leurs représentants.
  20. Allégations concernant le décret no 07204 du 3 juin 1965
  21. a) Allégations relatives au nombre des organisations qui peuvent être constituées
  22. 146. Les plaignants allèguent que le décret no 07204 a imposé le syndicat unique à tous les échelons, de la section locale à la centrale nationale, en passant par tous les degrés intermédiaires.
  23. 147. Selon l'article 4 du décret no 07204, il ne pourra être constitué, dans chaque entreprise ou raison sociale, qu'un seul syndicat, portant le nom générique de « syndicat de travailleurs », groupant tous les salariés de l'entreprise, sans distinction de profession, de métier, de spécialité ou d'activité. Son article 33 dispose que les syndicats dépendant d'entre prises qui possèdent des centres de travail dans divers départements de la République pourront constituer des fédérations nationales. Les syndicats mixtes pourront également s'organiser en une fédération nationale.
  24. 148. Comme le Comité y a insisté à plusieurs reprises, l'article 2 de la convention (no 87) prévoit, en effet, que les travailleurs et les employeurs devront avoir le droit de constituer des organisations « de leur choix » ainsi que celui de s'y affilier; par cette clause, la convention n'entend nullement prendre position en faveur soit de la thèse de l'unité syndicale, soit de celle du pluralisme syndical. Toutefois, elle vise à tenir compte du fait, d'une part, que, dans nombre de pays, il existe plusieurs organisations parmi lesquelles les travailleurs comme les employeurs pourront vouloir librement choisir d'adhérer et, d'autre part, que travailleurs et employeurs pourront vouloir créer des organisations distinctes dans les pays où cette diversité n'existe pas. En d'autres termes, si la convention n'a évidemment pas voulu faire du pluralisme syndical une obligation, du moins exige-t-elle que celui-ci demeure en tout cas possible. Aussi toute attitude d'un gouvernement qui se traduirait par l'« imposition » d'une organisation syndicale unique irait à l'encontre des dispositions de l'article 2 de la convention (no 87).
  25. 149. Compte tenu de ces circonstances, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il a toujours attachée au principe selon lequel les travailleurs et les employeurs doivent avoir le droit de constituer les organisations « de leur choix », ainsi que celui de s'y affilier - principe consacré à l'article 2 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, que la Bolivie a ratifiée - et, par conséquent, de suggérer au gouvernement de modifier le décret no 07204 de manière à le mettre en harmonie avec le principe rappelé plus haut.
  26. b) Allégations relatives à la dissolution des syndicats
  27. 150. Les plaignants allèguent que, parmi les causes de dissolution des syndicats énumérées par le décret no 07204, figure le sabotage, notion qui comporte une marge d'interprétation excessive, à leur avis, ce qui pourrait fournir à la Junte un nouveau moyen d'intervenir en force dans les affaires syndicales.
  28. 151. Le gouvernement n'a formulé aucune observation au sujet de cette allégation.
  29. 152. En son article 21, le décret no 07204 dispose ce qui suit:
  30. L'article 129 du décret réglementant l'application de la loi générale du travail aura la teneur suivante:
  31. « Les syndicats ne pourront être dissous que par sentence exécutoire des tribunaux du travail, rendue après une procédure sommaire et motivée par l'une quelconque des causes suivantes:
  32. ......................................................................................................................................................
  33. d) sabotage prouvé.»
  34. 153. Avant de poursuivre l'examen de cette question, le Comité désirerait que le gouvernement veuille bien lui faire connaître les dispositions exactes du droit pénal applicables, en Bolivie, en matière de sabotage et il décide, par conséquent, de surseoir à l'examen de cet aspect du cas jusqu'à la réception de ces renseignements.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 154. Compte tenu de toutes ces circonstances et au sujet du cas dans son ensemble, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que les dispositions des décrets nos 07171, 07172 et 07205, relatives à l'intervention des autorités publiques aux différents stades des élections à des postes de dirigeants syndicaux, ne sont pas compatibles avec les garanties reconnues aux syndicats par la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, que la Bolivie a ratifiée, et de suggérer par conséquent au gouvernement d'étudier une modification de ces textes qui permettrait aux organisations syndicales d'élire librement leurs représentants, les autorités publiques devant s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ces droits ou à en entraver l'exercice légal;
    • b) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que les dispositions des décrets nos 07171, 07172 et 07204 qui subordonnent l'élection à un poste de dirigeant syndical à diverses conditions (être occupé activement dans l'entreprise considérée et n'avoir pas été condamné pour délit) et qui interdisent le renouvellement du mandat des dirigeants syndicaux, ne sont pas compatibles avec le droit d'élire librement leurs représentants garanti à tous les travailleurs par la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et, par conséquent, de suggérer au gouvernement d'étudier une modification de ces textes de manière à permettre aux organisations syndicales d'élire librement leurs représentants;
    • c) d'attirer l'attention du gouvernement sur l'importance qu'il a toujours attachée au principe selon lequel les travailleurs et les employeurs doivent avoir le droit de constituer des organisations « de leur choix » ainsi que celui de s'y affilier - principe consacré à l'article 2 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, que la Bolivie a ratifiée - et, par conséquent, de suggérer au gouvernement d'étudier une modification du décret no 07204 qui mettrait ce texte en harmonie avec le principe rappelé plus haut;
    • d) d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait que la disposition du décret no 07204 selon laquelle la constitution de syndicats proprement dits dans les entreprises de création récente est interdite n'est pas compatible avec le droit de constituer librement des organisations de leur choix, que l'article 2 de la convention (no 87) garantit à tous les travailleurs, et de lui suggérer d'étudier une modification de cette disposition qui assurerait à tous les travailleurs le droit de constituer des organisations syndicales conformément au principe rappelé plus haut;
    • e) de prier le gouvernement de bien vouloir lui faire connaître les dispositions exactes du droit pénal applicables, en Bolivie, en matière de sabotage et de décider, par conséquent, de surseoir à l'examen de cet aspect du cas jusqu'à la réception de ces renseignements;
    • f) d'attirer sur les présentes conclusions l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
      • Genève, 11 novembre 1965. (Signé) Roberto AGO, président.
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