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Rapport intérimaire - Rapport No. 211, Novembre 1981

Cas no 823 (Chili) - Date de la plainte: 12-AOÛT -75 - Clos

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  1. 373. Le comité a examiné ce cas à plusieurs reprises et notamment à sa session de février 1981 où il a soumis un rapport intérimaire au Conseil d'administration.
  2. 374. Depuis lors, les organisations plaignantes ont adressé au BIT les communications suivantes: Fédération syndicale mondiale (FSM) (11 mars, 25 mai, 8 et 13 juillet 1981); Union internationale des travailleurs de la métallurgie (10 juin 1981); Confédération internationale des syndicats libres (CISL) (3, 9, 16 et 17 juillet 1981, 12 août 1981); Coordinadora Nacional Sindical (CNS) (3, 8 et 9 juillet 1981); Congrès permanent de l'Unité syndicale des travailleurs d'Amérique latine (CPUSTAL) (9 juillet 1981); Confédération mondiale du travail (CMT) (13 juillet 1981); Fédération internationale des syndicats de l'enseignement (FISE) (14 juillet 1981); Union internationale des syndicats de travailleurs de la fonction publique et assimilés (20 juillet 1981).
  3. 375. Pour sa part, le gouvernement a fourni des observations dans une lettre du 24 septembre 1981.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 376. A sa session de février 1981, le comité avait abouti à des conclusions intérimaires sur l'un des aspects du cas, à savoir l'arrestation de deux dirigeants syndicaux: Manuel Bustos et Alamiro Guzmán, respectivement président et secrétaire général de la CNS. Le comité avait prié le gouvernement de fournir des informations sur les résultats des actions judiciaires intentées contre ces deux personnes.
  2. 377. En outre, le comité avait demandé d'être tenu informé de tout développement qui interviendrait au sujet de deux autres aspects du cas: les enquêtes effectuées sur les disparitions de syndicalistes, ou anciens syndicalistes, ainsi que la législation syndicale.

B. Nouvelles allégations

B. Nouvelles allégations
  1. 378. Dans sa communication du 11 mars 1981, la FSM allègue l'arrestation, le 7 mars, de Luis Vergara, président de la Fédération du verre, et Carlos Gonzales, dirigeant de la Fédération du charbon.
  2. 379. La FSM joint à sa communication du 25 mai 1981 un rapport du comité extérieur de la Centrale unique des travailleurs du Chili. Outre des allégations déjà examinées par le comité, le rapport se réfère à la situation de 35 travailleurs qui auraient été licenciés de l'entreprise textile Panal en raison des activités syndicales qu'ils avaient menées pendant la grève légale de 57 jours qui avait été organisée dans cette entreprise.
  3. 380. Les autres communications des plaignants concernent l'arrestation de dix dirigeants de la Coordinadora National Sindical. Cette organisation explique, notamment dans une communication du 9 juillet 1981, que, conformément aux demandes effectuées par des dirigeants syndicaux en novembre 1980, lors de sa réunion consultative nationale, la CNS a élaboré une liste de revendications, aujourd'hui appelée "Cahier de revendications nationales", approuvée par 500 organisations syndicales et par 2.000 dirigeants représentant, selon l'organisation plaignante, 800.000 travailleurs. L'Exécutif national de la CNS fut chargé de présenter ce cahier de revendications aux autorités gouvernementales. Les principales revendications présentées concernent la législation sur le contrat de travail, la reconnaissance d'une plus large liberté syndicale, l'extension de la négociation collective, des réajustements de rémunérations, la réforme de la sécurité sociale et le logement.
  4. 381. La CNS a demandé un entretien au ministre du Travail le 8 juin afin de lui remettre le cahier de revendications, entretien que le ministre n'a pas accordé. Devant ce refus, le cahier de revendications lui fut envoyé par courrier. Le ministre de l'Intérieur poursuivit alors devant les tribunaux judiciaires 11 dirigeants syndicaux nationaux, tous membres de l'Exécutif de la CNS. Ces syndicalistes étaient accusés de s'être arrogé la représentation des travailleurs sans être dotés de la personnalité juridique à cet effet, ainsi que de prosélytisme et activisme politiques. La première de ces charges peut entraîner, aux termes du décret-loi no 2347, des peines de prison allant de 541 jours à cinq ans, et la seconde, aux termes de la loi sur la sécurité de l'Etat, des peines de prison et d'exil. Le ministre de l'intérieur a en outre utilisé pour la première fois la faculté que lui confère la nouvelle Constitution en demandant au tribunal constitutionnel l'application de l'article 8 de la Constitution concernant les actes de totalitarisme et de terrorisme. Le tribunal constitutionnel doit décider en conscience si les inculpés sont coupables ou innocents, ainsi que des peines qui peuvent leur être imposées. D'autre part, selon la CNS, les autorités convoquèrent chacun des syndicats signataires du cahier de revendications afin qu'ils retirent leurs appuis en les menaçant de dissolution.
  5. 382. Le mardi 7 juillet, tous les dirigeants poursuivis furent convoqués par le magistrat instructeur. Ils furent immédiatement arrêtés et transférés à la prison publique de Santiago. Seul Juan Manuel Sepúlveda, chargé des relations internationales de la CNS, en mission syndicale en Europe, a échappé à cette mesure. La CNS rappelle que son président et son secrétaire général, Manuel Bustos et Alamiro Guzmán, avaient déjà été poursuivis par le ministre de l'Intérieur pour le même délit et avaient été condamnés en première instance à 541 jours de prison avec sursis et, qu'en conséquence, ils devront accomplir la peine sans possibilité d'un nouveau sursis. Par la suite, la CISL a informé le BIT de la libération de huit des dirigeants de la CNS à l'exception de Manuel Bustos et d'Alamiro Guzmán.
  6. 383. Dans un télégramme du 12 août 1981, la CISL a annoncé l'expulsion vers l'Argentine d'avocats chiliens qui avaient accepté de défendre devant les tribunaux les dirigeants syndicaux poursuivis.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 384. Le gouvernement signale que des modifications techniques ont été apportées à la législation sur les organisations syndicales en vue de l'adapter à la Constitution politique du pays, approuvée par référendum en septembre 1980. Il ajoute que l'opportunité ou l'inopportunité d'introduire de nouvelles modifications à la législation nationale sont de son ressort exclusif et souverain, conformément à sa politique et à l'intérêt national. Le gouvernement affirme qu'au cours de la préparation des projets de loi, les organisations d'employeurs et de travailleurs ont été consultées de façon permanente.
  2. 385. Pour ce qui est des procédures judiciaires en cours relatives aux syndicalistes disparus, le gouvernement déclare à nouveau que ces affaires sont en cours d'investigation et relèvent de la compétence des tribunaux ordinaires de justice. Le gouvernement fera connaître tous faits nouveaux qui revêtiraient un intérêt pour le comité.
  3. 386. Au sujet des premières poursuites judiciaires intentées contre Manuel Bustos et Alamiro Guzmán en janvier 1981, le gouvernement signale que le magistrat instructeur a rendu ses conclusions au début avril et, qu'en juin, les intéressés ont été condamnés à 541 jours de réclusion, peine assortie du sursis. Les intéressés ont présenté un recours devant la cour d'appel qui a confirmé le jugement de première instance. Les avocats ont alors déposé un nouveau recours appelé "recours de plainte" devant la Cour suprême. Celle-ci, dans un arrêt rendu en août 1981, a également confirmé le jugement.
  4. 387. Les allégations formulées à propos de l'arrestation de deux syndicalistes, Luis Vergara et Carlos Gonzales, sont, selon le gouvernement, dénuées de fondement. Il explique qu'il n'existe aucune trace de leur arrestation et que ceux-ci ne sont pas connus dans les secteurs d'activité mentionnés par les plaignants, les organisations dont ils seraient dirigeants n'existant ni en droit, ni en fait.
  5. 388. Au sujet des poursuites exercées contre les dirigeants de la CNS, le gouvernement affirme, en citant les textes pertinents en vigueur, que le droit chilien assure aux citoyens une pleine liberté syndicale, tant pour ce qui est de la création des organisations que pour la liberté d'affiliation ou de désaffiliation. En outre, aux termes de l'article 1er du décret-loi no 2347 de 1978, sont déclarés contraires à l'ordre public et à la sécurité de l'Etat les associations ou groupes de personnes qui assurent la représentation de travailleurs sans posséder la personnalité juridique pour ce faire. Cette disposition protège, selon le gouvernement, l'activité des dirigeants légitimement élus, car il serait autrement impossible pour les travailleurs de distinguer entre les organisations constituées légalement et les organisations de fait créées et dissoutes sans statuts et conformément à des intérêts étrangers aux leurs.
  6. 389. Malgré la clarté de ces dispositions, poursuit le gouvernement, un groupe d'anciens militants de partis politiques dissous s'est attribué la qualité de dirigeant d'une organisation, dénommée Coordinadora Nacional Sindical, constituée en dehors de toutes normes légales. Ce groupe, déclarant représenter tous les travailleurs chiliens, a adressé au Président de la République un document appelé Cahier de revendications nationales qui demandait pratiquement l'abrogation de la législation syndicale. Ceci constitue un délit, non pour le fait de présenter une requête au chef de l'Etat, mais pour avoir agi en s'attribuant la qualité de représentant des travailleurs sans être dirigeant syndical. Le gouvernement affirme que les organisations légitimement constituées ont d'ailleurs démenti publiquement leur prétendue affiliation à la CNS.
  7. 390. Le gouvernement explique qu'en conséquence les poursuites exercées contre les dirigeants de cette organisation n'avaient pour but que de protéger l'activité et la liberté syndicales des organisations légitimement constituées. Il observe également que les dirigeants syndicaux légitimement élus dans les organisations légalement existantes ont le droit de présenter des pétitions. Le Président de la République se réunit fréquemment avec eux sans pour autant qu'ils soient déférés devant les tribunaux.
  8. 391. Il a donc été demandé au pouvoir judiciaire de déterminer si l'action des dirigeants de la CNS a constitué un délit ou non. Un magistrat instructeur a été désigné et il a retenu contre les intéressés la charge de s'être attribué la représentation des travailleurs sans en avoir qualité. La défense a demandé au magistrat, puis à la cour d'appel et à la Cour suprême, d'annuler l'inculpation et de libérer, sous caution, les personnes concernées. Ces deux demandes ont été refusées. Par la suite, au cours du procès, la liberté sous caution a été accordée aux prévenus sauf à MM. Guzmán et Bustos car, aux termes du Code pénal, les personnes condamnées préalablement à des peines de prison avec sursis ne peuvent bénéficier d'une telle libération. Le gouvernement indique cependant que les intéressés peuvent solliciter la liberté provisoire autant de fois qu'ils le veulent.
  9. 392. Au sujet des allégations concernant l'expulsion du pays de quatre avocats, le gouvernement indique que ces personnes n'étaient pas les défenseurs des dirigeants de la CNS - défenseurs dont il cite les noms - mais qu'il s'agissait de militants de partis politiques suspendus. Trois d'entre eux avaient exercé des fonctions ministérielles dans les gouvernements passés. L'un se trouve au Venezuela, un autre en Espagne et deux au Mexique.
  10. 393. En conclusion, le gouvernement déclare qu'il a fourni ces informations comme expression de son désir de coopération avec l'OIT, mais qu'il n'accepte pas qu'on le juge sur des plaintes destinées à compliquer et à maintenir indéfiniment le cas du Chili devant l'OIT.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 394. Le comité note que des aménagements techniques ont été apportés à la législation syndicale. Ces modifications ne sont toutefois pas de nature à modifier les commentaires qu'il avait formulés dans son précédent rapport. Il prie donc le gouvernement de continuer à l'informer de tout développement qui interviendrait en ce domaine.
  2. 395. Le comité note également que les enquêtes sur les disparitions de syndicalistes se poursuivent. Il souhaiterait être tenu informé des suites des procédures judiciaires en cours.
  3. 396. Au sujet des affaires concernant les dirigeants de la Coordinadora Nacional Sindical, le comité note que les intéressés sont poursuivis pour avoir agi en représentation des travailleurs sans avoir de qualité juridique pour ce faire puisqu'ils dirigent une organisation de fait non dotée de la personnalité juridique. Le comité doit pourtant constater que l'origine de cette affaire est bien de nature syndicale puisque les poursuites ont été exercées à la suite de la présentation par les intéressés d'un cahier de revendications à caractère nettement social et professionnel. En outre, ce cahier de revendications avait été rédigé conformément à une décision prise au cours d'une réunion qui regroupait un nombre important de fédérations ou confédérations représentant des travailleurs des différents secteurs d'activité et dont les dirigeants de la CNS sont, pour la plupart, également dirigeants.
  4. 397. S'il est vrai que la Coordinadora Nacional Sindical ne possède pas la personnalité juridique - dans la mesure où semble-t-il elle ne l'a jamais demandée -, le comité doit cependant rappeler que lorsqu'il avait examiné la nouvelle législation syndicale, il avait relevé un certain nombre de dispositions relatives aux fédérations et confédérations qui étaient incompatibles avec les principes de la liberté syndicale, notamment en ce qui concerne la constitution de ces organisations. Le comité est d'avis que ces restrictions imposées à la création et aux activités des confédérations pourraient expliquer, tout au moins en partie, que la Coordinadora Nacional Sindical n'ait pas sollicité la personnalité juridique le comité observe en outre que nombre des organisations qui participent aux activités de la Coordinadora Nacional Sindical possèdent quant à elles une existence légale le comité rappelle également que la CNS représente, comme avait pu le constater la mission du BIT qui s'était rendue au Chili en décembre 1980, un organe de coordination de différentes organisations de travailleurs appartenant à divers secteurs d'activités.
  5. 398. Au sujet des allégations selon lesquelles le gouvernement aurait refusé de s'entretenir avec les dirigeants de la CNS, le comité doit souligner l'importance, pour l'équilibre de la situation sociale d'un pays, d'une consultation régulière des forces représentant les employeurs et les travailleurs et, pour ce qui concerne le monde syndical, de l'ensemble de ses composantes, quelles que puissent être par ailleurs les options philosophiques ou politiques des dirigeants.
  6. 399. Le comité note, qu'à l'heure actuelle, seuls sont détenus les deux syndicalistes occupant les fonctions principales de la direction de la CNS, à savoir Manuel Bustos, président, et Alamiro Guzmán, secrétaire général. Il relève que les poursuites exercées à l'encontre de ces deux personnes revêtent un caractère particulier de gravité puisqu'ils avaient déjà été condamnés dans un premier procès pour avoir représenté les travailleurs sans personnalité légale pour ce faire et que leur peine ne pourrait cette fois être assortie d'un sursis. Le comité croit comprendre que les poursuites judiciaires, sur cette affaire, suivent leur cours. Il prie en conséquence le gouvernement de fournir des informations sur les résultats de ces actions judiciaires.
  7. 400. En ce qui concerne les autres allégations déposées par les plaignants depuis le dernier examen du cas (arrestation de deux personnes en mars 1981 et exil de quatre avocats), le comité prend note du démenti apporté par le gouvernement aux affirmations des plaignants quant au caractère antisyndical des faits allégués.
  8. 401. Enfin, le comité constate que le gouvernement n'a pas fourni d'observations au sujet d'allégations présentées par la FSM à propos des licenciements de travailleurs de l'entreprise textile Panal.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 402. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement sur les modifications techniques apportées à la législation syndicale. Il le prie de continuer de le tenir informé de tout développement qui interviendrait en ce domaine.
    • Le comité note également que les enquêtes judiciaires sur les disparitions de syndicalistes se poursuivent et prie le gouvernement de le tenir informé des suites des procédures en cours.
    • Pour ce qui est des poursuites exercées contre les dirigeants de la Coordinadora Nacional Sindical, le comité note que le motif avancé par le gouvernement pour justifier ces poursuites est, en particulier, que l'organisation en question n'a pas d'existence légale. Le comité rappelle à cet égard que la législation syndicale contient un certain nombre de dispositions relatives aux fédérations et confédérations qui sont incompatibles avec les principes de la liberté syndicale, notamment en ce qui concerne la constitution de ces organisations. Le comité est d'avis que ces restrictions imposées à la création et aux activités des confédérations pourraient expliquer, tout au moins en partie, que la Coordinadora Nacional Sindical n'ait pas sollicité la personnalité juridique.
    • Le comité constate que les poursuites exercées contre manuel Bustos et Alamiro Guzmán présentent un caractère particulier de gravité en ce sens que leur peine ne pourrait cette fois être assortie du sursis. Il prie le gouvernement de lui fournir les informations sur les résultats des actions judiciaires en cours.
    • Enfin, le comité prie le gouvernement de communiquer ses observations sur les allégations concernant les licenciements de travailleurs de l'Entreprise textile Pana l.
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