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Rapport où le comité demande à être informé de l’évolution de la situation - Rapport No. 171, Novembre 1977

Cas no 823 (Chili) - Date de la plainte: 12-AOÛT -75 - Clos

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  • Historique de la situation
    1. 5 Saisi d'une série de plaintes relatives à des violations de la liberté syndicale au Chili (cas no 765), le comité avait soumis sur cette affaire deux rapports au Conseil d'administration. A sa 193e session (mai-juin 1974), le conseil d'administration, avec l'accord du gouvernement du Chili, avait décidé de soumettre l'affaire pour examen à la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale, dont le rapport final a été accepté par le gouvernement. A sa 60e session (juin 1975), la Conférence internationale du Travail a adopté une résolution sur les droits de l'homme et les droits syndicaux au Chili. En application de cette résolution et à la suite de demandes du Conseil d'administration, le gouvernement a envoyé, au titre de l'article 19 de la Constitution de l'OIT, trois rapports sur les mesures prises pour donner suite aux recommandations de la commission. Le premier de ces rapports a été examiné par le Conseil d'administration lors de sa 198e session (novembre 1975). Le deuxième et le troisième ont fait l'objet de rapports du comité qui ont été approuvés respectivement par le Conseil d'administration à ses 200e et 201e sessions (mai, juin et novembre 1976).
    2. 6 Au paragraphe 44 de son 161e rapport, le comité avait notamment recommandé au Conseil d'administration de signaler au gouvernement certains principes et considérations sur des points qui avaient donné lieu à des recommandations de la part de la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale (en particulier l'adoption d'une nouvelle législation syndicale, la négociation collective, la situation de certaines organisations syndicales, les droits de l'homme et la détention de syndicalistes). Le comité avait, en outre, recommandé au Conseil d'administration de demander au gouvernement de continuer à adresser des informations sur l'évolution de la situation quant aux recommandations formulées par la Commission d'investigation et de conciliation et de présenter un rapport à cet effet pour le 1er avril 1977. Le gouvernement a adressé ce rapport dans une communication du 12 avril 1977.
    3. 7 Le Chili n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
    4. 8 Dans son rapport, le gouvernement communique des informations notamment sur les réformes législatives en cours d'examen en matière syndicale et l'activité syndicale dans le pays, la négociation collective, les problèmes concernant certaines organisations syndicales ainsi que sur des questions concernant les libertés civiles liées à l'exercice des droits syndicaux.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Question relative à l'adoption d'une nouvelle législation en matière syndicale et activité syndicale dans le pays
    1. 9 La Commission d'investigation et de conciliation avait recommandé au gouvernement d'adopter aussitôt que possible une nouvelle législation syndicale qui, pour être conforme aux principes de la liberté syndicale consacrés dans la Constitution de l'Organisation internationale du Travail et pour permettre la ratification des conventions sur la liberté syndicale que le gouvernement avait déclaré envisager et dont les dispositions sont très nettes à ce sujet, devrait consacrer, en particulier, certains principes concernant le droit des travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, de constituer les organisations de leur choix, sans autorisation préalable; le droit des organisations de tenir des réunions, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion sans intervention des autorités ainsi que le droit pour ces organisations de jouir de toutes les garanties de la défense au cas où la justice serait appelée à se prononcer sur leur suspension ou leur dissolution.
    2. 10 Dans son rapport précédent, le gouvernement s'était référé aux actes constitutionnels promulgués le 11 septembre 1976 et plus particulièrement aux dispositions concernant le droit du travail. A propos du projet de Code du travail, le gouvernement avait indiqué que les observations formulées par les organisations de travailleurs et d'employeurs avaient été systématiquement et soigneusement analysées. Le gouvernement indiquait également que le Président de la République consultait le Conseil d'Etat sur les questions contenues dans le projet et relatives aux organisations syndicales.
    3. 11 A sa session de novembre 1976, le comité avait recommandé au Conseil d'administration de noter l'adoption de nouvelles dispositions constitutionnelles concernant le droit syndical, mais de renouveler son appel au gouvernement en vue de la promulgation, dans un proche avenir, d'une nouvelle législation syndicale dont le contenu soit pleinement conforme aux recommandations de la Commission d'investigation et de conciliation.
    4. 12 Dans son rapport du 12 avril 1977, le gouvernement signale que le livre II du projet de Code du travail relatif aux organisations syndicales est examiné par le Conseil d'Etat. Cet organisme l'a étudié de façon générale et l'a remis pour un examen détaillé à une sous-commission. Le livre IV du projet relatif à la justice du travail est également actuellement à l'étude. Un rapport contenant une évaluation technique sur ces aspects du code du travail devra être présenté au Président de la République dans le courant du deuxième trimestre. Le gouvernement mentionne également l'adoption de législations concernant le système de formation et d'emploi, le licenciement, la protection des travailleurs d'entreprises en difficultés financières, la sécurité sociale et les prestations familiales.
    5. 13 Pour ce qui tient aux activités syndicales, le gouvernement examine en premier lieu la question des élections au sein des organisations. Le gouvernement indique qu'en vertu des dispositions sur l'état de siège, les élections de toute nature sont provisoirement suspendues dans le pays. Cette mesure répond au désir d'éviter des affrontements inutiles et des divisions dans la situation d'urgence que vit le pays. L'interdiction des élections au sein des syndicats est donc le résultat de l'interdiction générale des élections et le gouvernement nie qu'il puisse s'agir d'une violation des principes de la liberté syndicale. Le pays, ajoute-t-il, a dû adopter ces mesures générales de caractère politique, applicables à tous les habitants sans aucune exception. Le gouvernement précise cependant que, dans un esprit de conciliation, il a été créé un mécanisme spécial prévu par l'article 9 du décret-loi no 198. En effet, lorsqu'il n'est pas possible d'appliquer le mécanisme de nomination des directions syndicales selon le principe de l'ancienneté, le ministère du Travail peut nommer les dirigeants sur proposition des travailleurs du syndicat concerné. Cela signifie, poursuit le gouvernement, qu'en pratique les travailleurs effectuent une véritable élection pour proposer leurs dirigeants au ministère. Au cours de l'année 1976, trente-neuf organisations syndicales (syndicats industriels, professionnels, d'employeurs, fédérations et confédérations) appartenant aux activités les plus diverses ont fait usage de ce droit.
    6. 14 En outre, le gouvernement fournit dans son rapport des statistiques sur le nombre d'organisations et de travailleurs syndiqués dans le pays. Au 31 décembre 1975, il existait au Chili 7.253 organisations syndicales d'employeurs et de travailleurs regroupant 1.022.789 affiliés, soit 35,5 pour cent de la population active. Ce nombre a atteint 1.100.000 à la fin de 1976. Le gouvernement ajoute qu'en dix ans, le nombre d'organisations syndicales et d'affiliés a respectivement augmenté de 250 et 300 pour cent. En 1976, 117 organisations ont été créées dont trois fédérations nationales. Le gouvernement communique également des tableaux chiffrés sur le montant des cotisations perçues par les organisations syndicales prouvant, selon lui, leur indépendance financière.
    7. 15 Le comité note que le livre du projet de Code du travail relatif aux organisations syndicales continue à être soumis au Conseil d'Etat. En effet, le comité se doit de constater que cette information avait déjà été communiquée par le gouvernement dans son rapport fourni pour la session de novembre 1976. Il relève également que, selon les dires mêmes du gouvernement, les observations des organisations de travailleurs et d'employeurs avaient été transmises au gouvernement au cours de l'année 1975. Dans ces conditions, le comité ne peut que déplorer le retard considérable apporté à la promulgation du livre du Code du travail relatif aux organisations syndicales, dont le gouvernement avait annoncé la possible adoption pour mai 19753.
    8. 16 Le comité estime qu'après presque quatre années de graves restrictions à l'exercice des libertés syndicales, dans des domaines fondamentaux de l'activité des organisations professionnelles, il est devenu urgent que le gouvernement adopte une législation assurant un plein respect des principes de la liberté syndicale et, notamment, des recommandations formulées par la Commission d'investigation et de conciliation. Le comité garde l'espoir que le projet de législation est maintenant rendu à son stade final et que sa promulgation interviendra dans un très proche avenir et permettra de garantir le fonctionnement normal des activités syndicales qui continuent d'être restreintes, notamment en vertu du décret-loi no 198.
    9. 17 Pour ce qui est plus particulièrement des élections syndicales, le comité note que leur interdiction est, selon le gouvernement, le résultat de l'interdiction générale des élections dans le pays. Il note également que le ministère du Travail peut nommer les dirigeants syndicaux sur proposition des travailleurs concernés. Le comité constate toutefois que cette procédure n'est utilisée que dans les cas où la règle du pourvoi des postes vacants par les travailleurs les plus anciens ne peut être appliquée. De toute manière, le comité considère que la nomination de dirigeants syndicaux par le ministère du Travail, même sur proposition des travailleurs concernés, constitue une sérieuse atteinte au droit des organisations d'élire librement leurs représentants.
  • Négociation collective
    1. 18 La Commission d'investigation et de conciliation avait exprimé l'espoir qu'il serait possible de renouer au plus tôt avec la pratique de la négociation collective, qui était interdite, et avait recommandé qu'entre-temps, comme mesure uniquement provisoire, le gouvernement généralise la création de commissions consultatives tripartites composées de représentants librement choisis par leurs organisations en vue d'améliorer les rémunérations résultant de réajustements généraux.
    2. 19 Dans des rapports précédents, le gouvernement avait invoqué la nécessité de sévères mesures de stabilisation pour justifier la suspension de la négociation collective jusqu'au 31 mars 1977. Le gouvernement avait cependant observé que des réajustements de rémunération visant à compenser la hausse du coût de la vie avaient été accordés et que les commissions consultatives tripartites seraient étendues et cesseraient d'être consultatives pour devenir délibératives lorsque les décisions seraient adoptées à l'unanimité, sauf cas exceptionnels où le gouvernement se verrait obligé d'intervenir pour défendre les consommateurs. Tout en notant ces informations du gouvernement, le comité avait, à sa session de novembre 1976, recommandé au Conseil d'administration de signaler à nouveau qu'un objectif important pour le gouvernement devrait être de renouer au plus tôt avec la pratique de la négociation collective.
    3. 20 Dans son rapport du 12 avril 1977, le gouvernement indique que l'exercice de la négociation collective se trouve suspendu jusqu'au mois de mars 1978. Toutefois, ceci ne signifie pas, selon le gouvernement, que la négociation volontaire entre employeurs et travailleurs au sein de l'entreprise soit interdite. Elle se réalise en de nombreuses occasions, en plus des activités menées par les commissions tripartites. Pendant l'année 1976, le gouvernement a continué une politique de réajustement trimestriel des salaires égal à l'intégralité de l'augmentation de l'indice des prix à la consommation. Le gouvernement indique en outre que l'activité économique présente une évolution positive quant au taux d'inflation qui serait passé, en 1976, à 174,3 pour cent. Cela a permis un accroissement progressif du niveau des rémunérations et les secteurs aux revenus les plus faibles ont bénéficié d'un réajustement spécial en avril 1976. La politique des réajustements automatiques se poursuivra en 1977.
    4. 21 Au sujet des commissions tripartites, le gouvernement déclare que, jusqu'à maintenant, celles-ci ont fonctionné avec une autonomie relative car leurs décisions devaient recevoir l'approbation des autorités. Ce système se trouve en cours de modification. En effet, dans le cadre des programmes ministériels établis par le Bureau de planification nationale et approuvés par le Président de la République, il appartiendra au ministère du Travail, dans le courant de 1977, d'augmenter le nombre des commissions tripartites, de nationaliser et renforcer leur action et de donner un caractère délibératif à leurs décisions. Un projet de décret-loi est en cours de préparation en vue de créer une commission permanente, composée de représentants des secteurs de l'économie et du travail et qui sera chargée d'assister les commissions tripartites. Une classification générale de toutes les activités économiques du pays est également en voie d'élaboration en vue d'étendre les commissions tripartites au plus grand nombre des branches d'activité du pays.
    5. 22 En outre, il sera attribué à ce système une autonomie absolue et totale ainsi qu'une grande souplesse pour la négociation des rémunérations et des conditions de travail. Cela permettra aux représentants employeurs et travailleurs dûment habilités par leurs mandants de conclure des conventions collectives qui jouiront alors d'une pleine validité sans que l'homologation ou l'approbation des autorités soit nécessaire. Le rôle du gouvernement par l'intermédiaire de son représentant sera secondaire et ce dernier n'interviendra qu'en cas de désaccord entre les parties, ou dans la sauvegarde de l'intérêt général lorsque l'accord des contractants pourrait porter préjudice aux droits des autres travailleurs, à l'intérêt des consommateurs ou à l'économie nationale. De toute manière, cette intervention se limitera à recueillir des données et à fournir les rapports demandés par les parties. La recommandation (no 91) concernant les conventions collectives, 1951, sera ainsi, selon le gouvernement, mise en pratique. Une liste des différentes branches d'activité où fonctionnent des commissions tripartites est ensuite incluse au rapport.
    6. 23 Le comité note avec intérêt que le gouvernement envisage, pour la présente année, des modifications au système des commissions tripartites qui supprimeront l'approbation obligatoire des autorités pour qu'un accord soit valide. Le comité exprime l'espoir que ces dispositions seront adoptées dans un très proche avenir et qu'elles constitueront une étape vers un rétablissement total de la libre négociation collective.
  • Problèmes concernant certaines organisations syndicales
    1. 24 La Commission d'investigation et de conciliation avait recommandé au gouvernement de normaliser la situation financière des confédérations Ranquil et Unité ouvrière-paysanne et de faire en sorte que ces confédérations ainsi que les organisations qui y sont affiliées puissent reprendre le cours de leurs activités syndicales.
    2. 25 A sa session de novembre 1976, le comité avait recommandé au Conseil d'administration de regretter l'absence d'informations de la part du gouvernement sur les conditions d'exercice par les confédérations Ranquil et Unité ouvrière-paysanne de leurs activités syndicales et de demander à nouveau au gouvernement d'adresser des informations sur la situation de ces deux organisations.
    3. 26 Dans son rapport du 12 avril 1977, le gouvernement se réfère à la question du financement des organisations syndicales agricoles qui a fait l'objet d'une plainte traitée par le comité à sa présente session, dans le cadre du cas no 823. Pour ce qui est des confédérations Ranquil et Unité ouvrière-paysanne, le gouvernement remarque que les six autres confédérations nationales agricoles et les 85 fédérations provinciales de ce secteur, ainsi qu'en général tout le mouvement syndical, exercent normalement leurs activités en percevant les cotisations de leurs affiliés sans aide de l'Etat ni des employeurs. Le gouvernement juge inéquitable d'intervenir en faveur de secteurs déterminés du syndicalisme chilien d'autant que les organisations en cause ont probablement vu diminuer le nombre de leurs affiliés qui ont préféré des organisations sans lien avec les partis politiques.
    4. 27 Le comité note ces déclarations du gouvernement. Il rappelle cependant que la Commission d'investigation et de conciliation avait constaté que des problèmes spécifiques affectaient les Confédérations Ranquil et Unité ouvrière-paysanne. Les locaux de ces deux organisations avaient été fermés et les autorités avaient saisi leur documentation, leur mobilier, le matériel de bureau ainsi que leurs véhicules. Diverses organisations affiliées avaient été dissoutes. En outre, la commission avait relevé que les deux confédérations et leurs fédérations affiliées n'avaient, depuis le changement de régime, reçu aucune somme de la direction du travail ou du Fonds d'éducation et de développement syndical, tel que le prévoyait l'ancienne législation en matière de financement des organisations syndicales agricoles. Par la suite, le gouvernement avait indiqué, sans se référer précisément aux deux organisations précitées, qu'il avait été remédié à la situation créée en 1974, année au cours de laquelle les fonds n'avaient pas été distribués de manière appropriée. Le gouvernement n'indique toujours pas quelle est la situation de ces deux organisations comme l'avait demandé le comité. Le comité ne peut que regretter à nouveau l'absence d'informations de la part du gouvernement sur la situation de ces organisations.
    5. 28 Le comité avait, à sa session de novembre 1976, recommandé au Conseil d'administration d'indiquer au gouvernement qu'il serait utile que ce dernier prenne toutes les mesures possibles pour aplanir les difficultés rencontrées par la Fédération industrielle du bâtiment, du bois et des matériaux de construction (FIEMC) et par la Fédération nationale des travailleurs du textile et de l'habillement (FENATEX) en vue de l'obtention de la personnalité juridique.
    6. 29 Le comité constate avec regret que le rapport du gouvernement ne fait aucunement mention de la situation de ces deux organisations. Il souhaite renouveler son appel pour que des mesures soient prises en relation avec l'octroi de la personnalité juridique à ces deux organisations, conformément aux recommandations formulées par la Commission d'investigation et de conciliation, et réitérées à plusieurs reprises par le comité et le Conseil d'administration.
    7. 30 La Commission d'investigation et de conciliation avait mentionné dans son rapport que l'Association nationale des employés de service de l'éducation (ANESE) était gérée par une commission de contrôle désignée par le gouvernement et qu'elle ne pouvait plus s'acquitter de tâches effectives de caractère syndical. Elle avait recommandé au gouvernement de mettre un terme à cette intervention. Le comité avait observé, à sa session de mai 1976, qu'on ne disposait d'aucune information sur cette organisation. Depuis lors, le gouvernement n'a fourni à ce sujet aucune information nouvelle. Le comité souhaiterait que le gouvernement communique des renseignements à propos de la situation de cette organisation.
  • Libertés civiles liées à l'exercice des droits syndicaux
    1. 31 La Commission d'investigation et de conciliation avait signalé qu'il serait très souhaitable d'accorder une attention prioritaire à certains objectifs, à savoir: que les syndicalistes détenus soient libérés ou jugés selon des procédures offrant toutes les garanties de la défense et de jugement impartial; que soit assuré le droit des personnes de n'être arrêtées que conformément à la procédure pénale ordinaire et que soit garantie par des instructions spécifiques assorties de sanctions efficaces la sécurité contre tout mauvais traitement des personnes détenues de quelque manière que ce soit. Ces mesures et d'autres, telles qu'un nouvel examen des jugements pénaux prononcés et l'application de mesures de clémence ou marne d'amnistie, devaient de l'avis de la commission contribuer à créer un climat favorable à un retour à la normale qui constitue, entre autres, une condition importante pour l'exercice effectif des droits syndicaux.
    2. 32 Dans des rapports précédents, le gouvernement avait mentionné l'adoption de différents décrets de janvier et février 1976 prévoyant notamment des visites sans notification préalable du Président de la Cour suprême et du ministre de la Justice aux lieux de détention, des examens médicaux pour les détenus, l'ouverture d'une instruction en cas de constatation de mauvais traitements, l'obligation de délivrer une copie du mandat d'arrêt aux parents de détenus et de les informer du lieu de détention. Le gouvernement avait également indiqué que ces décrets avaient été complétés par l'institution d'un recours judiciaire en cas de non-observation de l'obligation d'informer de l'arrestation les membres de la famille du détenu. Le gouvernement avait, en outre, déclaré que ces décrets avaient été pleinement appliqués. Il s'était également référé à l'adoption de l'acte constitutionnel no 3 tendant à protéger certains droits fondamentaux de l'homme.
    3. 33 A sa session de novembre 1976, le comité avait recommandé au Conseil d'administration de noter avec intérêt l'adoption par le gouvernement de dispositions constitutionnelles protégeant certains droits fondamentaux de l'homme et de rappeler la grande importance qu'il attache à l'application effective des décrets de janvier et février 1976 concernant la protection des détenus. Le comité avait également exprimé sa préoccupation devant des allégations examinées dans le cadre du cas no 823, d'après lesquelles des syndicalistes qui auraient été arrêtés par des forces de sécurité n'auraient pas été retrouvés dans les lieux de détention du pays.
    4. 34 Dans son rapport du 12 avril 1977, le gouvernement indique que l'état de siège "au degré de sécurité intérieure" se trouve prorogé jusqu'au 11 septembre 1977. A ce propos, le gouvernement explique que cette mesure n'a d'autre but que de sauvegarder la sécurité nationale, maintenir l'ordre public et assurer la paix intérieure. Ces objectifs ne pourraient être atteints si les autorités ne disposaient pas de moyens d'exception pour protéger et préserver le droit des citoyens à la paix sociale, à la tranquillité publique et, en définitive, à la vie et à la sécurité des personnes. Le gouvernement indique que huit membres du Mouvement de la gauche révolutionnaire, auteurs notamment d'attaques à main armée, ont été retrouvés. Plus récemment, continue le gouvernement, a été découvert un plan monté par des membres d'un parti politique et destiné à renverser le gouvernement.
    5. 35 Pour ce qui est des détenus, le gouvernement indique qu'au cours des derniers mois de 1976, 302 personnes ont été remises en liberté et que, de ce fait, il ne reste plus qu'une seule personne arrêtée en vertu de l'état de siège. Le gouvernement signale en outre qu'il n'y a plus de détenus dans des lieux qui dépendent du Pouvoir exécutif. Le gouvernement ajoute que toute affirmation contraire constitue une atteinte délibérée à la vérité destinée à porter préjudice au prestige du gouvernement chilien. Le comité avait déjà noté à sa session de février 1976, dans le cadre du cas no 823, la libération de la majorité des personnes pour lesquelles il avait obtenu des renseignements.
    6. 36 Au 31 décembre 1976, selon le gouvernement, 376 personnes purgeaient des peines de prison imposées par la justice militaire. Se trouvaient soumises à procès devant ces mêmes tribunaux 90 personnes. L'immense majorité d'entre elles sont condamnées ou en voie d'être jugées pour infraction à la loi sur le contrôle des armes, au Code de justice militaire et à la loi sur la sécurité de l'Etat. Ces personnes sont des délinquants de droit commun et ne peuvent être qualifiées de prisonniers politiques. Du fait de leur qualité de délinquants de droit commun, les établissements pénitentiaires où elles sont détenues relèvent du contrôle du Pouvoir judiciaire et du ministère de la justice. Le gouvernement ne peut admettre et n'admettra pas qu'une personne poursuivie pour détention illégale d'armes ou d'explosifs ou qui aurait blessé ou tué des membres des forces armées puisse être considérée comme détenu politique.
    7. 37 Le gouvernement précise également qu'il a procédé à des remises de peines. Sur 1.395 demandes, 127 seulement ont été rejetées. En outre, 198 personnes qui étaient reléguées ont recouvré le droit de libre déplacement sur le territoire.
    8. 38 Le gouvernement considère que les allégations relatives à la disparition et à l'enlèvement de personnes ont pour objet de donner l'impression que le gouvernement chilien fait procéder à des détentions en dehors de toute norme juridique et dans des lieux secrets. Il se réfère à l'exemple de treize membres du Parti communiste pour lesquels une enquête a prouvé que plusieurs d'entre eux avaient quitté le territoire national. Cela est la preuve, selon le gouvernement, que ces disparitions sont volontaires.
    9. 39 Le gouvernement poursuit en citant une déclaration émise le 10 mars 1977. Dans cette déclaration, le gouvernement rappelle que les forces armées ont dû, de septembre 1973 à la fin de 1975, soutenir des combats contre des extrémistes. Dans de nombreux cas, leur identification était impossible car ils possédaient plusieurs identités. En outre, le gouvernement informe l'opinion publique que, dans tout pays, il existe un pourcentage de disparus considéré comme normal. Le gouvernement déclare également respecter le droit de toute personne de demander à la justice lés informations qu'elle estime nécessaires.
    10. 40 Le comité note les informations fournies sur ce point par le gouvernement qui, pour la plupart, avaient déjà été communiquées dans des rapports précédents. Il se propose d'étudier les allégations spécifiques relatives aux arrestations ou disparitions dont auraient été victimes certains syndicalistes et anciens syndicalistes, ainsi que les réponses du gouvernement à leur sujet dans le cadre de l'examen du cas no 823.
    11. 41 En conclusion de son rapport, le gouvernement demande au Directeur général de faire savoir à l'Organisation qu'il ne présentera, s'il y a lieu, que deux rapports chaque année, pour les sessions de mai et de novembre du comité. Le gouvernement explique à cet égard que la prolifération de rapports ne facilite par leur préparation ni leur évaluation et qu'elle provoque en outre des retards dans leur envoi.
    12. 42 Le comité rappelle à cet égard que la pratique du comité et du Conseil d'administration à propos des suites données aux recommandations de la Commission d'investigation et de conciliation concernant le cas du Chili a toujours été de demander au gouvernement chilien l'envoi de rapports uniquement pour les sessions de mai et novembre du comité et du Conseil d'administration. En revanche, dans le cadre du cas no 823, le comité et le Conseil d'administration ont suivi la procédure habituelle appliquée à tous les cas comportant des conclusions intérimaires et qui consiste à demander aux gouvernements des informations pour la session suivante du comité.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 43. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de noter que, conformément à la décision adoptée par le Conseil d'administration à sa 201e session (novembre 1976), le gouvernement du Chili a envoyé un nouveau rapport sur l'évolution de la situation concernant les recommandations de la Commission d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale;
    • b) d'insister auprès du gouvernement pour qu'il adopte aussi rapidement que possible la nouvelle législation syndicale, en donnant suite à son intention manifestée antérieurement et qu'il abroge le décret-loi no 198 en vue de garantir le fonctionnement normal des activités syndicales;
    • c) d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes et considérations exprimés au paragraphe 17 ci-dessus concernant les élections syndicales;
    • d) de noter avec intérêt les modifications envisagées au système des commissions tripartites et d'exprimer l'espoir qu'elles constitueront une étape vers un rétablissement total de la libre négociation collective;
    • e) de rappeler au gouvernement que le comité attend toujours des informations sur les Confédérations Ranquil et Unité ouvrière paysanne afin qu'il puisse apprécier la situation actuelle de ces organisations ainsi que des informations sur les mesures prises en relation avec l'octroi de la personnalité juridique à la FIEMC et la FENATEX;
    • f) de prier le gouvernement de communiquer des informations sur la situation de l'ANESE;
    • g) au sujet des questions concernant les droits de l'homme, de noter que les allégations relatives aux arrestations ou disparitions dont auraient été victimes certaines personnes sont examinées dans le cadre du cas no 823;
    • h) de demander au gouvernement de continuer à adresser des informations sur l'évolution de la situation quant aux recommandations formulées par la Commission d'investigation et de conciliation et de présenter un rapport à cet effet pour le 1er octobre 1977.
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