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Rapport intérimaire - Rapport No. 187, Novembre 1978

Cas no 904 (El Salvador) - Date de la plainte: 04-AVR. -78 - Clos

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  1. 411. Le comité a examiné cette affaire pour la dernière fois en mai 1978 et il a présenté à cette occasion des conclusions intérimaires qui figurent aux paragraphes 144 à 166 de son 181e rapport. Le Conseil d'administration a approuvé ce rapport à sa session des 2-3 juin 1978 (206e session).
  2. 412. Les plaintes émanent de 22 organisations syndicales d'El Salvador, de l'Union internationale des syndicats du textile, de l'habillement et des cuirs et peaux, l'Union internationale des syndicats des travailleurs des industries alimentaires, tabacs, hôtels et branches connexes, la Fédération unitaire syndicale d'El Salvador (FUSS), la Fédération des syndicats des travailleurs des industries de l'alimentation, du vêtement, du textile, similaires et connexes d'El Salvador (FESTIAVTSCES), du Comité d'unité syndicale des travailleurs de l'Amérique centrale et du Panama (CUSCA), ainsi, que, pour le cas no 904, de la Confédération mondiale du travail (CMT) et la Fédération mondiale des travailleurs agricoles (FMTA). La Centrale latino-américaine de travailleurs (CLAT) a également présenté une plainte par une communication du 31 juillet 1978, dans le cadre de ce dernier cas.
  3. 413. El Salvador n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Dernier examen du cas par le comité

A. Dernier examen du cas par le comité
  1. 414. Les allégations en suspens dans le cas nô 844 portaient en premier lieu sur des incidents survenus lors d'une grève des travailleurs de l'usine El Léon. Selon la plainte (en date du 28 octobre 1977), les travailleurs se préparaient à organiser une collecte afin de soutenir le mouvement de grève lorsqu'ils furent attaqués par la police; deux d'entre eux perdirent la vie.
  2. 415. Les plaignants alléguaient encore que plusieurs dirigeants syndicaux avaient été torturés en juillet 1975 au cours de leur détention: Romeo Soto Crespo, Gilberto Ruiz Ponce, Miguel Rivera Valle, Rufino Gonzalez Avelar, Teresa Francisca Maldonado (disparue depuis lors) et Ricardo Erazo (ce dernier arrêté en janvier 1976). Ils signalaient en outre la disparition, en janvier 1976, de Rafael Antonio Martínez, dirigeant du Syndicat du cuir.
  3. 416. D'autres plaintes se rapportaient à des arrestations. L'entreprise "Lacteas Foremost" aurait contribué à l'arrestation des personnes suivantes: José Napoléon Mina, Carlos Humberto González, dirigeants du syndicat de cette entreprise, arrêtés le 14 mars 1977; José Mauricio Gómez, dirigeant du même syndicat, arrêté le 1er avril; José Ricardo Martínez Flores, dirigeant de la Fédération nationale syndicale des travailleurs d'El Salvador (FENASTRAS), arrêté le 8 mars, et Carlos Ernesto Marin Ayala, arrêté le 18 mai. De même, Héctor Antonio Acevedo, dirigeant du syndicat de l'entreprise Cosmos, avait été arrêté à Santa Ana le 27 octobre 1977. Selon les plaignants, le gouvernement avait promulgué une "loi contre le terrorisme" destinée à légaliser la répression contre les travailleurs. Ainsi, le 16 décembre 1977, douze travailleurs de l'entreprise "Quality Food de Centro America" avaient été arrêtés, puis relâchés le lendemain après avoir été torturés. Le 17 décembre, Rodolfo Hernández Rosales et Miguel Guzmán, dirigeants du syndicat de l'entreprise "Alianza" et Daniel Garcia Guevara, dirigeant du syndicat de l'entreprise "Famosa", avaient été arrêtés.
  4. 417. Le 18 novembre 1977, alléguaient encore les plaignants, la garde nationale avait envahi les locaux du Syndicat des travailleurs des pêcheries de Puerto El Triunfo et avait arrêté plusieurs militants et dirigeants: Alejandro Molina Lara, Julio C. Salazar, Oscar L. Chaves, Delia Cristina Hernández et Juan Francisco Alvarenga.
  5. 418. Pour ce qui est du cas no 904, les plaignants déclaraient que le gouvernement avait déchaîné contre les travailleurs de l'agriculture et leurs organisations - notamment la Centrale paysanne d'El Salvador - une persécution sanglante; 30 décès s'étaient produits et de nombreuses personnes avaient été blessées dans les localités d'El Rodeo, La Esperanza, Tecoluco et San Pedro Perulupa. Les arrestations auraient été nombreuses parmi les dirigeants paysans. Le 20 mars 1978, poursuivaient les plaignants, Tránsito Vásquez, dirigeant local de la FECCAS à La Esperanza, avait été assassiné par les membres d'une organisation gouvernementale paramilitaire, ORDEN (Organisation démocratique nationaliste). Trouvé le lendemain couvert de blessures, son cadavre présentait des traces de tortures. D'après les organisations plaignantes, toutes les informations disponibles faisaient présumer que les manifestations de groupes importants de travailleurs agricoles qui se produisirent les jours suivants dans les villages de Tecoluco, La Esperanza, Tenancingo, El Rodeo et San Pedro Perulupa devaient être considérées comme provoquées par l'indignation suscitée par cet assassinat, mais aussi par le fait que plusieurs hélicoptères des forces armées avaient tiré sur la foule pendant l'ensevelissement de Tránsito Vásquez.
  6. 419. Le gouvernement n'avait pas transmis ses commentaires sur ces différentes allégations.
  7. 420. Dans le cas no 844, certains plaignants avaient insisté pour qu'une commission fût nommée ou qu'un représentant du Directeur général fût chargé d'examiner sur place les faits allégués. Dans le cas no 904, la CMT demandait à son tour que l'on envoie d'urgence une commission dans le pays, car, selon elle, les droits fondamentaux de l'homme et les droits syndicaux n'y étaient pas respectés, les organisations syndicales de tout genre et surtout celles de l'agriculture y étant persécutées. Dés février 1978, le comité avait relevé la gravité des allégations formulées (dans le cas no 844). Sur ses recommandations, le Conseil d'administration avait alors exprimé sa vive préoccupation au sujet des actes, non éclaircis, commis à l'encontre des syndicats ou de leurs dirigeants et de leurs conséquences préjudiciables au fonctionnement des organisations syndicales, comme au développement des relations professionnelles dans le pays. Les plaintes déposées par la suite (dans le cas no 904) contenaient elles aussi des allégations d'une extrême gravité au sujet d'un nombre élevé de travailleurs et de syndicalistes morts, blessés ou arrêtés.
  8. 421. Dans ces conditions, le comité avait estimé, en mai 1978, qu'il conviendrait de mettre en oeuvre la procédure des contacts directs qui consiste à envoyer sur place un représentant du Directeur général chargé de s'entretenir avec les autorités, ainsi que de prendre contact avec les organisations d'employeurs et de travailleurs, afin de déterminer les faits et d'analyser sur place les possibilités de solution. Le représentant du Directeur général soumettrait ensuite son rapport au comité, qui serait ainsi mieux à même d'apprécier en connaissance de cause les faits allégués et de formuler ses propres conclusions.
  9. 422. Sur ses recommandations, le Conseil d'administration avait prié le gouvernement de donner aussi rapidement que possible son consentement à la visite d'un représentant du Directeur général pour procéder dans le pays à un examen des faits allégués dans le cadre de la procédure des contacts directs.

B. Derniers développements

B. Derniers développements
  1. 423. Le gouvernement signale, dans une lettre du 23 juin 1978, que des groupes soi-disant paysans, qui s'intitulent "Fédération des paysans catholiques d'El Salvador" (FECCAS) et "Union des travailleurs des champs" (UTC) ont profité de la liberté d'expression dont jouit la population pour déclarer publiquement à diverses occasions - comme dans le journal "La Crónica" du 4 mai 1978 - qu'ils constituaient les bases du "Bloc populaire révolutionnaire" (BPR), organisation clandestine, et pour lancer un appel à tous les ouvriers pour qu'ils adhèrent "de manière organisée et combative à la lutte" du peuple au sein du Conseil syndical révolutionnaire (CSR) et qu'ils éliminent "les tendances contraires à leurs intérêts de classe qui ne servent qu'à confondre et désorienter la conscience prolétarienne...". Ces différents groupes, ajoute le gouvernement, fonctionnent en marge de la loi non seulement parce que la personnalité juridique ne leur a pas été reconnue par l'Etat, mais parce qu'ils propagent des doctrines anarchiques et antidémocratiques interdites par l'article 158 de la Constitution.
  2. 424. Des journaux nationaux à grande diffusion ("La Prensa Gráfica", "Diario de Hoy", "Diario latino", "Diario et Mundo"), dans leurs éditions des 27, 28 et 29 mars 1978, poursuit le gouvernement, ont signalé que des organisations religieuses de paysans, ainsi que le "Bloc" précité, dirigé par des agents reconnus du communisme international, sont passés du domaine de la propagande politique - et illégale - à celui de l'action délictueuse purement criminelle: saccager, détruire et incendier les modestes demeures des paysans qui n'ont pas voulu se plier à leurs consignes de haine, de violence et de mort. Le gouvernement estime déprimantes les photos de groupes nombreux de familles qui ont fui ces attaques; d'autres citoyens se sont trouvés en face de l'alternative suivante: adhérer au "Bloc" ou subir "la lutte combative". Parmi les victimes de ces actions, on a dénombré onze morts et de nombreux blessés; les journaux ont relaté certaines atrocités commises par les membres de la FECCAS, de l'UTC et du BPR, notamment sur Tránsito Vásquez, après l'avoir tué. Ces individus blessent les gens, les ligotent et leur jettent des pierres; ils s'en vont en bandes, criant des menaces dans des haut-parleurs.
  3. 425. En application de consignes reçues de l'étranger, poursuit le gouvernement, les ennemis d'El Salvador ont façonné le profil d'un conflit interne aux caractéristiques propres et ont utilisé à cet égard des moyens et des instruments tout à fait non conventionnels: depuis la sédition et la subversion jusqu'aux campagnes de discrédit à l'étranger en cherchant à travestir la réalité et à présenter une fausse image aux nations amies. Le gouvernement ne veut pas, ajoute-t-il, cacher les problèmes sociaux et économiques qui se posent, mais les citoyens attachés à leur patrie sont convaincus qu'il faut résoudre ceux-ci avec la participation de tous les secteurs du pays, d'une manière ordonnée, pacifique et strictement conforme à la loi. Ils sont opposés à la lutte de classes que certains fomentent et à la violence à laquelle d'autres poussent. Ils défendent une attitude humaniste et démocratique qui donne à chacun la possibilité de s'épanouir. Le gouvernement croit que c'est l'effort, les capacités et la conduite qui déterminent la position de la personne et non l'héritage nobiliaire ou économique. Il recherche le bien-être pour tous, sans préjudice du droit des autres, persuadé que l'équilibre social se trouve dans la compréhension des droits et des devoirs de chacun. La paix ne peut exister sans la justice, déclare-t-il, mais celle-ci n'existe pas si l'on ne préserve pas le climat pacifique indispensable au travail constructif, en se défendant d'une conjuration subversive; pour promouvoir le développement économique qui entraîne le progrès social et la justice, la sécurité est indispensable.
  4. 426. Les faits commis par des éléments de la FECCAS, de l'UTC et du BPR sont qualifiés de délit par la loi sur la défense et la sauvegarde de l'ordre public, ajoute le gouvernement. C'est le tribunal pénal qui est compétent. Celui-ci examine quatre dossiers dont il ressort:
    • a) que les personnes poursuivies se sont manifestées en tant que membres de la FECCAS et de l'UTC, toutes deux composantes du BPR et ont participé à des délits comme auteurs ou complices;
    • b) que les accusés ont désigné leurs défenseurs et que le nécessaire est fait pour que ceux-ci puissent intervenir;
    • c) que les inculpés Máximo Garcia López, José Felipe Matías Vásquez et Sarbelio Garcia Ramírez citent comme responsables de la mort de Tránsito Vásquez: Tranquilino Pérez, Faustino Vásquez et Marcelino Pérez, tous membres des groupements subversifs précités, qui lui donnèrent la mort parce qu'il se refusait à participer aux délits perpétrés contre les paysans des cantons d'El Rodeo, La Esperanza, Tecoluco et Miraflores dans la juridiction de San Pedro Perulupa; ces dépositions ont été corroborées par les témoignages d'autres personnes qui assistaient aux déclarations extra-judiciaires des inculpés précités; ces témoins ne sont pas membres des forces de sécurité et, en réponse à leurs questions, les inculpés leur ont indiqué que les déclarations étaient spontanées;
    • d) les personnes impliquées ont participé à l'attaque du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale en novembre 1977.
      • Les documents du procès peuvent être consultés par ceux qui y sont autorisés par la loi.
    • 427. Le gouvernement rejette les allégations selon lesquelles il persécuterait les organisations syndicales de tous types. Il relève, au contraire, que 184 syndicats dotés de la personnalité juridique exercent pleinement leurs activités et cite de nombreux autres chiffres sur les sections syndicales, les fédérations et confédérations, les conventions collectives de travail, etc. Il signale aussi que les syndicats ont pu choisir des représentants des travailleurs au conseil directeur de l'Institut de sécurité sociale d'El Salvador, au Conseil national du salaire minimum et au Fonds social du logement.
  5. 428. Le gouvernement réaffirme enfin qu'il respecte les droits individuels et parmi eux la liberté syndicale. Il encourage la formation de syndicats et la négociation collective; il protège les organisations dans l'exercice de leurs fonctions; conformément aux prescriptions constitutionnelles. En revanche, il ne soutient en aucun cas les infractions à la loi dont connaissent les autorités compétentes, car l'indépendance des pouvoirs de l'Etat, dans leur rôle légal respectif, est respecté dans le pays et leurs possibilités d'action ne peuvent être déléguées.
  6. 429. Dans un télégramme du 28 juillet 1978, la CMT et la FMTA allèguent que Pedro Lopez, membre du comité exécutif de la Fédération paysanne latino-américaine, a été arrêté à Cojutepeque et que l'on ignore le lieu de sa détention. La CLAT se réfère aux mêmes faits dans sa communication du 31 juillet 1978. Elle précise que l'intéressé est secrétaire général de la Centrale paysanne d'El Salvador et membre de la direction nationale de la Centrale des travailleurs d'El Salvador. Il a été arrêté et battu le 21 juillet 1978 par les forces de sécurité.
  7. 430. Le gouvernement n'a pas encore répondu à ces différentes allégations.
  8. 431. Tout récemment, la CMT et la FMTA ont présenté de nouvelles allégations par une lettre du 9 octobre 1978. Celle-ci porte en particulier sur la destruction du syndicat d'une entreprise INCA. Ces allégations ont été transmises au gouvernement pour commentaires.
  9. 432. Le comité réexaminera à sa prochaine session, à la lumière de la réponse reçue du gouvernement, la question de l'envoi d'une mission de contacts directs visant à éclaircir les questions soulevées dans ces cas.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 433. Le comité note les informations communiquées par le gouvernement. Ce dernier répond partiellement aux graves allégations présentées et ne donne de précisions que sur la procédure judiciaire engagée à la suite de la mort de Tránsito Vásquez et sur l'identité des auteurs présumés de cet homicide. A ce propos, le comité relève les contradictions qui existent entre ces renseignements et le contenu des plaintes. Il souhaite recevoir une copie du jugement qui sera finalement rendu dans cette affaire ainsi que des informations détaillées sur tous les autres aspects des cas.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 434. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de prendre note de la réponse du gouvernement sur la situation syndicale dans son ensemble et sur le cas particulier de M. Tránsito Vásquez;
    • b) de prier le gouvernement de fournir ses observations, pour le 31 janvier 1979 au plus tard, sur la situation des syndicalistes mentionnés en annexe ainsi que sur les autres aspects de l'affaire rappelés aux paragraphes 414 à 418 et 431, et de communiquer, quand il sera prononcé, le jugement avec ses attendus dans l'affaire concernant la mort de M. Vásquez;
    • c) de prendre note de ce rapport intérimaire.

Z. ANNEXE

Z. ANNEXE
  • Liste récapitulative des syndicalistes ayant fait l'objet de représailles selon les plaignants
  • Héctor Antonio Acevedo
  • Juan Francisco Alvarenga
  • Oscar L. Chaves
  • Ricardo Erazo
  • Daniel Garcia Guevara
  • José Mauricio Gómez
  • Carlos Humberto González
  • Rufino González Avelar
  • Miguel Guzmán
  • Delia Cristina Hernández
  • Rodolfo Hernández Rosales
  • Pedro Lopez
  • Teresa Francisca Maldonado
  • Carlos Ernesto Marin Ayala
  • José Ricardo Martinez Flores
  • Rafael Antonio Martinez
  • José Napoléon Mina
  • Alejandro Molina Lara
  • Miguel Rivera Valle
  • Gilberto Ruiz Ponce
  • Julio C. Salazar
  • Roméo Soto Crespo
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